compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Noël Guérini,
M. Daniel Raoul.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport évaluant la mise en œuvre de l’expérimentation relative à la contre-visite employeur, établi en application de l’article 103 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour un rappel au règlement.
M. Daniel Raoul. Mon rappel au règlement est justifié par différentes remarques que je souhaite présenter, s’agissant de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement.
Tout d’abord, je rappellerai que, lors de l’examen du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dit « Grenelle I », il avait été difficile de mobiliser nos collègues. Or, je constate cet après-midi que le même phénomène se reproduit, la majorité n’étant représentée – certes, elle l’est dignement ! – que par un seul de ses membres.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Trois ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. Cela me semble d’autant plus problématique s’agissant de textes aussi importants que le Grenelle I et le Grenelle II, …
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Daniel Raoul. … lequel a été présenté par le ministre d’État...
Mme Odette Terrade. Comme une révolution !
M. Daniel Raoul. ...comme la solution miracle pour l’économie et l’évolution de nos mentalités.
Ensuite, indépendamment du respect que j’ai pour M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, je m’étonne que ni M. le ministre d’État ni Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie ne soient présents aujourd'hui. D’ailleurs, ils n’ont pas assisté hier à l’ensemble de la discussion générale, ce qui ne leur a pas permis d’entendre toutes les interpellations et questions qui leur étaient adressées.
En outre, se pose la question de nos méthodes de travail, en particulier au regard du calendrier prévu pour l’examen de ce projet de loi. Une nouvelle fois, la discussion des articles d’un projet de loi est « saucissonnée », un autre texte étant intercalé entre l’examen du titre Ier et celui du titre II. Le débat sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement sera donc interrompu durant une semaine. Si le volume de ce texte, qui compte une centaine d’articles, peut certes justifier une coupure, une telle interruption oblige cependant à une gymnastique complexe pour reprendre le fil des raisonnements des différents orateurs.
Enfin, je regrette une nouvelle fois que le délai limite pour le dépôt des amendements sur le titre II et les titres suivants soit maintenu à demain, onze heures. Alors que les amendements doivent porter, compte tenu du nouveau processus législatif, non pas sur le projet de loi mais sur le texte de la commission, nos collaborateurs comme nous-mêmes, qui assumons également des missions à l’échelon local, devons accomplir un travail considérable dans un délai extrêmement court. Ce ne sont pas des conditions de travail à même de permettre l’élaboration d’un bon texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
4
Engagement national pour l'environnement
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement (urgence déclarée) (nos 155, 553, 552, 563, 576).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE IER
BATIMENTS ET URBANISME
CHAPITRE IER
Amélioration de la performance énergétique des bâtiments
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 178, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à fournir au Parlement avant le 1er janvier 2011 une étude visant à définir les notions d'énergie grise ou énergie incorporée dans le but de pouvoir intégrer cette dimension dans les réglementations thermiques.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la notion d’énergie grise, ou énergie incorporée, globalise les coûts environnementaux de la construction. Elle vise à évaluer la dépense énergétique depuis l’extraction ou la production des matériaux, en passant par leur transformation, leur transport, jusqu’à leur recyclage. Un tel indice offrirait une grille de lecture utile pour évaluer l’impact écologique d’une construction et permettrait de fixer des normes dans ce sens.
Sans ce genre d’indicateur, comment éviter qu’un matériau X produit par une entreprise Y, portant le label « écologique » attribué selon les normes que le législateur aura définies et bénéficiant à ce titre d’un dispositif incitatif, ne soit transporté à travers toute la France ou, pis encore, l’Europe pour être livré sur un chantier ? Dans ce cas, le transport aura consommé tout ou partie de l’énergie économisée lors de la production de ce matériau.
De la même façon, si un matériau répond aux critères d’isolation et de production économe en énergie mais que son recyclage nécessite des procédures extrêmement polluantes, comment évaluer rationnellement son impact environnemental réel d’un bout à l’autre de la chaîne ?
Ce sont justement ces effets pervers que permettrait d’éviter une étude sérieuse sur la notion d’énergie grise, au moyen d’une évaluation globale de l’impact d’un matériau de sa production à son recyclage.
Le groupe CRC avait souhaité l’intégration de cette notion dans les dispositions de ce texte, mais il lui a été répondu que cette dernière n’était pas encore assez clairement définie. Nous en avons pris acte et demandons donc aujourd'hui, par l’amendement n° 178, que le Gouvernement commandite une étude sur cette question afin que cet outil puisse être intégré au dispositif.
Puisque le sujet est urgent et que nous devons tous travailler à moins polluer à l’avenir, il importe de se doter rapidement des outils, indices et moyens nécessaires.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons discuté de ce point en commission. Nous savons bien que la notion d’énergie grise, ou énergie incorporée – le débat sémantique sur cette question reste ouvert –, pour la fabrication et le transport des matériaux de construction a été mise en avant lors du Grenelle de l’environnement. Personne ne conteste l’intérêt de cette notion, qui permet de dresser le bilan global de l’impact environnemental des matériaux. Celle-ci devrait d’ailleurs bientôt être prise en compte dans la réglementation thermique.
Le Gouvernement œuvre activement à l’élaboration de fiches méthodologiques d’estimation d’énergie grise pour chaque type de matériaux. Vous le savez, il s’agit d’un travail de bénédictin extrêmement long et difficile. C’est pourquoi le processus ne devrait pas être achevé avant 2012. Dans ces conditions, il paraît prématuré de demander au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur ce sujet avant le 1er janvier 2011, et la commission ne peut donc émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Madame Terrade, le processus que vous appelez de vos vœux est engagé. Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, le Gouvernement sera prêt à publier des fiches contenant tous les éléments que vous demandez, notamment l’énergie grise, à partir de 2012 probablement. À cette date, 90 % des familles de produits seront couvertes par une fiche de déclaration.
C'est la raison pour laquelle cet amendement me paraît satisfait par le travail accompli actuellement par le Gouvernement avec les filières professionnelles, même si ce dernier ne sera pas en mesure de publier ces fiches à la date prévue par cet amendement, c'est-à-dire avant le 1er janvier 2011.
Le Gouvernement, comme la commission, émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 178.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° 178 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, en signe de bonne volonté et pour éviter à la majorité, compte tenu de l’effectif présent en séance, de demander un scrutin public, je retire cet amendement.
Pour autant, j’ai bien noté que les études sur l’énergie grise ou l’énergie incorporée devaient se poursuivre et qu’il s’agissait là d’une question éminemment importante.
M. le président. L'amendement n° 178 est retiré.
Article 1er
I. - Le code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° L'article L. 111-9 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« - pour les constructions nouvelles en fonction des différentes catégories de bâtiments, les caractéristiques énergétiques et environnementales et la performance énergétique et environnementale, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d'eau ainsi que de la production de déchets liée à l'édification, l'entretien, la réhabilitation et la démolition du bâtiment ; »
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« - les conditions dans lesquelles le maître d'ouvrage atteste de la réalisation de l'étude de faisabilité des approvisionnements en énergie ainsi que de la prise en compte de la réglementation thermique au moment du dépôt du dossier de demande de permis de construire. » ;
2° Après l'article L. 111-9, il est inséré un article L. 111-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-9-1. - Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles, à l'issue de l'achèvement des travaux de bâtiments neufs ou de parties nouvelles de bâtiment soumis à permis de construire, le maître d'ouvrage fournit à l'autorité qui a délivré le permis de construire un document attestant qu'il a pris en compte la réglementation thermique, cette attestation devant être établie par un contrôleur technique mentionné à l'article L. 111-23, une personne répondant aux conditions de l'article L. 271-6 ou un architecte au sens de l'article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, qui ne peuvent être ceux qui ont contribué, directement ou indirectement, au projet.
« Ce même décret définit les catégories de bâtiments neufs et de parties nouvelles de bâtiment soumis à cette obligation. » ;
3° Le deuxième alinéa de l'article L. 111-10 est ainsi rédigé :
« - les caractéristiques énergétiques et environnementales et la performance énergétique et environnementale, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d'eau et de la production de déchets, des bâtiments ou parties de bâtiment existant qui font l'objet de travaux, en fonction des catégories de bâtiments, du type de travaux envisagés ainsi que du rapport entre le coût de ces travaux et la valeur du bâtiment au-delà de laquelle ces dispositions s'appliquent ; »
4° Après l'article L. 111-10-1, il est inséré un article L. 111-10-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-10-2. - Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles, à l'issue de l'achèvement des travaux de réhabilitation thermique de bâtiments existants visés à l'article L. 111-10 et soumis à autorisation de construire, le maître d'ouvrage fournit à l'autorité qui a délivré l'autorisation de construire un document attestant qu'il a pris en compte la réglementation thermique, cette attestation devant être établie par un contrôleur technique mentionné à l'article L. 111-23, une personne répondant aux conditions de l'article L. 271-6 ou un architecte au sens de l'article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, qui ne peuvent être ceux qui ont contribué, directement ou indirectement, au projet.
« Ce même décret définit les bâtiments, parties de bâtiment et catégories de travaux soumis à cette obligation. » ;
5° L'article L. 111-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles, à l'issue de l'achèvement des travaux de bâtiments neufs ou de parties nouvelles de bâtiment existant soumis à permis de construire, le maître d'ouvrage fournit à l'autorité qui a délivré l'autorisation de construire un document attestant qu'il a pris en compte la réglementation acoustique. » ;
6° L'article L. 134-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est établi par une personne répondant aux conditions de l'article L. 271-6.
« Sa durée de validité est fixée par décret. » ;
7° L'article L. 134-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, le diagnostic de performance énergétique est communiqué à l'acquéreur dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L. 271-6. » ;
b) Au second alinéa, les mots : « qui en fait la demande » sont supprimés ;
8° Après l'article L. 134-3, il est inséré un article L. 134-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 134-3-1. - En cas de location de tout ou partie d'un immeuble bâti à l'exception des baux ruraux, le diagnostic de performance énergétique prévu à l'article L. 134-1 est joint à des fins d'information au contrat de location lors de sa conclusion.
« Le locataire ne peut se prévaloir à l'encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique. » ;
9° Après l'article L. 134-4, sont insérés trois articles L. 134-4-1, L. 134-4-2 et L. 134-4-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 134-4-1. - Un diagnostic de performance énergétique doit être réalisé pour les bâtiments équipés d'une installation collective de chauffage, dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi n° du portant engagement national pour l'environnement.
« Art. L. 134-4-2. - Les personnes qui établissent les diagnostics de performance énergétique les transmettent à des fins d'études statistiques, d'évaluation et d'amélioration méthodologique, à un organisme désigné par l'État, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État.
« Art. L. 134-4-3 (nouveau). - À compter du 1er janvier 2011, en cas de vente ou de location d'un bien immobilier, le classement du bien au regard de sa performance énergétique doit être mentionné dans les annonces relatives à la vente ou la location, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. » ;
10° L'article L. 271-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa de l'article L. 271-6, après les mots : « de l'article L. 271-4 », sont insérés les mots : « ainsi qu'à l'article L. 134-3-1 »;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le diagnostic de performance énergétique mentionné à l'article L. 134-4 affiché à l'intention du public peut être réalisé par un salarié de la collectivité publique ou de la personne morale occupant le bâtiment, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article. Un décret définit les conditions et modalités d'application du présent article. »
II. – Le II de l'article L. 125-5 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'état des risques naturels et technologiques, fourni par le bailleur, est joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de commerce. »
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, sur l'article.
M. Robert Navarro. Les questions environnementales se posent avec violence. Les politiques doivent en prendre la mesure et agir en alliant réflexion et rapidité.
En 2007, j’avais souscrit à l’idée du Grenelle. Ce mot à lui seul évoquait déjà, dans l’histoire de notre République, une action au bénéfice de tous et des avancées concrètes. Mais vous l’avez à mon avis dénaturé.
Le 23 juillet dernier, nous avons voté définitivement les objectifs du Grenelle I. Nous voulions laisser au Gouvernement une chance d’agir. Les objectifs fixés étaient à la hauteur.
Mais le Gouvernement a déclaré l’urgence sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, ou « Grenelle II », chargé de mettre en œuvre ces objectifs, alors qu’il avait tardé plus d’un an à le présenter ! L’urgence est partout : urgence pour les élus, qui n’ont pas le temps d’étudier le texte et de mener une réflexion approfondie ; urgence pour le Gouvernement, qui tient à faire passer discrètement un texte très éloigné des gages qu’il a donnés.
L’article 1er du Grenelle II, comme beaucoup d’autres articles, est très en deçà des espérances suscitées et des engagements pris.
Mes collègues et moi-même avons déposé des amendements qui n’ont souvent d’autre objet que de mettre en œuvre les promesses du Grenelle I ! Tel est, par exemple, le cas de l’amendement n°5.
L'article 1er vise à un meilleur respect de l’environnement dans les bâtiments d’habitation. Or, tel qu’il est proposé et défendu par le Gouvernement, il n’est pas conforme à l’engagement n° 9 du relevé des conclusions des tables rondes du Grenelle de l’environnement du mois d’octobre 2007, lesquelles avaient explicitement demandé la prise en compte de l’ensemble des gaz à effet de serre émis tout au long de la chaîne de production, de transport et de distribution de l’énergie primaire consommée.
En outre, des artifices sont inventés pour donner l’illusion que des mesures sont prises, sans que soient prévus les moyens de les appliquer. Ainsi, la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique est requise dans toutes les copropriétés à chauffage collectif, mais aucune date limite réellement contraignante n’est fixée : aussi cette obligation se trouve-t-elle repoussée loin dans le temps et risque-t-elle de rester lettre morte. Compte tenu de son importance pour la généralisation des contrats de performance énergétique, cela met en péril tout le dispositif.
Si nous voulons réellement appliquer ce que nous avons voté à l’occasion du Grenelle I, nous devons corriger ce projet de loi de fond en comble. Mes chers collègues, nous avons encore quelques semaines pour ne pas décevoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qui nous occupe vise à introduire des changements majeurs en matière de protection de l’environnement dans notre vie de tous les jours. Il répond à une prise de conscience des citoyens, suivis par les élus et, enfin, par le Gouvernement. C’est, en somme, un fonctionnement tout à fait satisfaisant du point de vue démocratique. Reste à poursuivre le processus à la hauteur de l’enjeu et des attentes de nos concitoyens.
Le titre Ier du Grenelle II que nous examinons traite de l’urbanisme dans le cadre de la préservation de l’environnement. La part importante du logement dans ce titre nous amène aujourd’hui, et ce moins de six mois après la promulgation de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, ou « loi Boutin », publiée au Journal officiel le 27 mars dernier, à revenir sur des dispositions à peine instaurées ou modifiées du code de la construction et de l’habitation et du code de l’urbanisme.
Je tiens à faire remarquer que cette pratique, maintes fois dénoncée, ne va pas dans le sens d’une plus grande transparence ni d’une lisibilité accrue de l’action du Gouvernement aux yeux de nos concitoyens. À changer tous les six mois, cette action est quelque peu difficile à suivre…
Les plans locaux d’urbanisme, ou PLU, sont à nouveau modifiés, la hiérarchisation entre les schémas de cohérence territoriale, les PLU et les programmes locaux de l’habitat est revue, compliquant encore des dispositifs déjà contraignants et complexes à mettre en place pour les élus locaux.
Alors que le processus du Grenelle de l’environnement est déjà engagé depuis longtemps, le Gouvernement aurait pu éviter ces modifications supplémentaires. Il faut croire que l’empressement à agir, se traduisant par la multiplication des procédures d’urgence, est devenu la norme et que l’anticipation ne fait plus partie de notre fonctionnement, ce que nous regrettons vivement.
Venons-en aux mesures de ce titre Ier.
Dans le Grenelle I, l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments avait été traitée principalement d’un point de vue incitatif, par le biais de cadeaux fiscaux à destination du logement privé. D’ailleurs, nous souhaiterions connaître le coût exact de ces derniers et les modalités de leur financement par l'État. Dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui, les propositions principales visent à l’établissement d’un diagnostic obligatoire et à la fixation de normes environnementales pour la construction.
Or les articles du titre Ier sont atteints d’une curieuse maladie dès qu’il s’agit d’entrer concrètement dans les normes : ils renvoient en effet à un décret en Conseil d’État ! Ainsi, dès le 2° de l’article 1er, il est indiqué ceci : « Un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles […] le maître d’ouvrage […] a pris en compte la réglementation thermique ». On apprend un peu plus loin que « ce même décret définit les catégories de bâtiments neufs et de parties nouvelles de bâtiment soumis à cette obligation ».
Je ne me propose pas de dresser un inventaire à la Prévert du titre Ier, mais je souligne que, en l’espace de vingt et un articles, les mots : « décret en Conseil d’État » apparaissent plus de vingt fois, et ce dès qu’il s’agit de préciser concrètement une disposition. On nous fait légiférer, mais c’est le décret qui va tout régler !
Mais alors, de quoi allons-nous discuter ? Est-ce pour savoir s’il faut, oui ou non, prendre des mesures pour l’environnement ? Je crois que, sur ce point, nous pouvons nous épargner un long débat, le consensus étant déjà acquis ! Et, comme l’a dit ma collègue Evelyne Didier hier, il ne faudrait pas que nous consacrions notre semaine de débats à faire de la poésie, le reste étant effectué après !
Les modifications du code de l’urbanisme répondent aux préoccupations de performance énergétique. Je l’ai dit, je regrette, dans un souci de cohérence, que ce travail n’ait pu être fait lors de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Mais un point est plus gênant, à savoir les limitations que le chapitre Ier instaure, article après article, aux prérogatives des élus des collectivités territoriales.
En effet, tout au long de cette réécriture du code de la construction et de l’habitation et du code de l’urbanisme, les collectivités sont soumises à des contraintes qu’elles n’ont pas discutées et qui sont édictées par des agences gouvernementales ou par le Gouvernement lui-même.
Et si les collectivités ont de moins en moins de libertés dans leurs choix en matière d’habitat et d’urbanisme, leurs obligations, quant à elles, sont de plus en plus importantes. Les collectivités se trouvent en effet placées sous le contrôle des préfets dans le travail de préparation et l’application des plans locaux d’urbanisme.
Un tel assujettissement des élus aux injonctions du Gouvernement, par le biais des préfets, dans les domaines qui relevaient jusque-là de leur politique locale et des choix primordiaux pour la vie de leurs concitoyens dans leur ville, n’est tout simplement pas acceptable dans une démocratie.
Ce titre Ier ne vise donc pas à l’adoption de dispositions ambitieuses, démocratiquement débattues, en matière d’environnement, puisque nous n’avons à discuter que de déclarations d’intentions, les mesures concrètes étant renvoyées à des « décrets en Conseil d’État ».
De fait, cette façon de procéder met sous tutelle préfectorale les collectivités territoriales, les élus et leurs administrés !
Nos amendements viseront donc, mes chers collègues, à poser des actes concrets en matière d’urbanisme et à réaffirmer la compétence des élus et des collectivités territoriales en matière d’urbanisme sur leur commune.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Repentin, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du a du 1° du I de cet article, remplacer les mots :
émissions de gaz à effet de serre
par les mots :
impacts environnementaux du système de production, de transport et de distribution de l'énergie consommée
II. - Compléter le même alinéa par les mots :
ainsi que de l'énergie incorporée des matériaux utilisés
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je rectifie cet amendement en supprimant le paragraphe II, qui concerne le point dont nous venons de débattre longuement. À l’instar de Mme Terrade, nous préférons attendre la publication du rapport annoncé à ce sujet pour 2012.
M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Repentin, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du a du 1° du I de cet article, remplacer les mots :
émissions de gaz à effet de serre
par les mots :
impacts environnementaux du système de production, de transport et de distribution de l'énergie consommée
Veuillez poursuivre, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Je veux insister une nouvelle fois, sans ouvrir pour autant un débat sémantique, sur la notion d’énergie primaire consommée. Avec un chauffage électrique, par exemple, il y a une perte en ligne, et le rendement est inférieur à un. C’est pourquoi il faut dresser un bilan plus large.