Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
MM. Jean-Noël Guérini, Bernard Saugey.
2. Repos dominical. – Suite de la discussion d’une proposition de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
M. Roger Madec, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Annie David, Isabelle Pasquet, Bariza Khiari, M. Roland Courteau, Mmes Patricia Schillinger, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Jean-Pierre Sueur, Yves Daudigny, Jean-Pierre Caffet, François Patriat, Nicolas About, Jacky Le Menn.
Amendements identiques nos 5 de M. André Lardeux, 79 de Mme Annie David et 135 rectifié de M. François Fortassin. – M. André Lardeux, Mme Odette Terrade, M. Jacques Mézard, Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales ; M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-Pierre Michel, Jean-Pierre Sueur. – Rejet, par scrutin public, des trois amendements.
Amendements identiques nos 10 de Mme Raymonde Le Texier et 80 de Mme Annie David. – Mmes Raymonde Le Texier, Isabelle Pasquet, le rapporteur, MM. le ministre, Jean-Pierre Michel. – Rejet des deux amendements.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
4. Repos dominical. – Suite de la discussion d’une proposition de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendement n° 11 de Mme Raymonde Le Texier. – M. Jacky Le Menn, Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales ; M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. – Rejet.
Amendement n° 12 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Maryvonne Blondin, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 13 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Gisèle Printz, le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 131 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendements nos 139 rectifié de M. François Fortassin et 14 de Mme Raymonde Le Texier. – M. Jacques Mézard, Mmes Raymonde Le Texier, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 81 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendements nos 15 de Mme Raymonde Le Texier et 82 à 84 de Mme Annie David. – M. René Teulade, Mmes Annie David, Odette Terrade, le rapporteur, MM. le ministre, Jean Desessard. – Rejet des quatre amendements.
Amendement n° 16 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Raymonde Le Texier, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 9 de Mme Raymonde Le Texier. – M. Jean-Jacques Mirassou, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Jean Desessard, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Jean-Pierre Fourcade, Dominique Braye, Mme Annie David. – Rejet.
Amendements nos 85 à 88 de Mme Annie David, 17, 18 rectifié, 19 de Mme Raymonde Le Texier et 136 rectifié de M. François Fortassin ; amendements identiques nos 52 de M. Jean Desessard et 90 de Mme Annie David ; amendements nos 89 de Mme Annie David et 20 de Mme Raymonde Le Texier ; amendements identiques nos 50 de M. Jean Desessard et 95 de Mme Annie David ; amendement n° 21 de Mme Raymonde Le Texier ; amendements identiques nos 53 de M. Jean Desessard et 91 de Mme Annie David ; amendements nos 92 à 94 et 96 de Mme Annie David ; amendements identiques nos 22 de M. Jean-Pierre Caffet, 54 de M. Jean Desessard et 98 rectifié de Mme Annie David ; amendements nos 97 de Mme Annie David, 68, 69 de M. Philippe Dominati, 23 de Mme Maryvonne Blondin et 24 de Mme Raymonde Le Texier. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Claude Jeannerot, François Fortassin, Mmes Bariza Khiari, Annie David, Odette Terrade, M. Jean Desessard, Mme Marie-France Beaufils, M. Jacky Le Menn, Mmes Raymonde Le Texier, Éliane Assassi, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Philippe Dominati, Mmes Maryvonne Blondin, Patricia Schillinger, le rapporteur, MM. le ministre, Hervé Maurey, Dominique Braye, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Robert del Picchia. – Retrait des amendements nos 68 et 69 ; rejet des amendements nos 85, 17, 18 rectifié, 136 rectifié, 19, 86, 88, 87, 52, 90, 89, 20, 50, 95, 21, 53, 91 à 94 et 96 ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 22, 54 et 98 rectifié ; rejet des amendements nos 97, 23 et 24.
Amendements identiques nos 25 de Mme Raymonde Le Texier et 99 de Mme Annie David. – Mmes Gisèle Printz, Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 100 de Mme Annie David. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David, MM. Jean Desessard, Nicolas About. – Rejet.
Amendement n° 26 de Mme Raymonde Le Texier. – M. Jacky Le Menn, Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David. – Rejet.
Amendements nos 55 de M. Jean Desessard et 101 de Mme Annie David. – M. Jean Desessard, Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 27 de Mme Raymonde Le Texier ; amendements identiques nos 56 de M. Jean Desessard et 102 de Mme Annie David. – MM. Claude Jeannerot, Jean Desessard, Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 57 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 122 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 28 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Raymonde Le Texier, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendements nos 103 de Mme Annie David et 137 rectifié de M. François Fortassin. – Mmes Odette Terrade, Anne-Marie Escoffier, le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David. – Rejet des deux amendements.
Amendements nos 29 de Mme Raymonde Le Texier, 104 de Mme Annie David et 58 de M. Jean Desessard. – Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean Desessard, Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David. – Rejet des trois amendements.
Amendements nos 30 et 31 de Mme Raymonde Le Texier. – M. Richard Yung, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des deux amendements.
5. Communication relative à des commissions mixtes paritaires
6. Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi
Suspension et reprise de la séance
7. Repos dominical. – Suite de la discussion et adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendement n° 32 rectifié de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Raymonde Le Texier, Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales ; M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement.
Amendements nos 59 de M. Jean Desessard et 105 de Mme Annie David. – M. Jean Desessard, Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 107 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 33 de Mme Raymonde Le Texier. – M. Jacky Le Menn, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendements nos 60 de M. Jean Desessard et 108 de Mme Annie David. – M. Jean Desessard, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 109 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 34 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Gisèle Printz, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendements nos 111, 110 de Mme Annie David et 132 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Odette Terrade, Gisèle Printz, Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 121 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 138 rectifié de M. François Fortassin. – M. François Fortassin. – Retrait.
Amendements nos 113 de Mme Annie David et 35 de Mme Raymonde Le Texier. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean-Jacques Mirassou, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 113 ; rejet de l’amendement n° 35.
Amendements nos 36 de Mme Raymonde Le Texier, 112 de Mme Annie David et 4 de M. André Lardeux. – M. Claude Jeannerot, Mme Odette Terrade, M. André Lardeux, Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet, par scrutins publics, des amendements nos 36 et 112 ; retrait de l’amendement n° 4.
Amendements nos 125, 124 de M. Philippe Dominati et 1 de M. André Trillard. – MM. Philippe Dominati, André Trillard, Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Bariza Khiari François Fortassin. – Retrait des amendements nos 1, 125 et 124.
Amendement n° 37 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 64 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendements nos 38 de Mme Raymonde Le Texier et 65 de M. Jean Desessard. – Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Jean Desessard, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 40 de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Patricia Schillinger, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 39 de Mme Raymonde Le Texier et 114 de Mme Annie David. – MM. Jean-Jacques Mirassou, Michel Billout, Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 115 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 116 de Mme Annie David. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David. – Rejet.
Mme Annie David.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 3 rectifié de M. Michel Houel. – Mmes Colette Mélot, le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Amendements nos 67, 70 et 71 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait des trois amendements.
Amendement n° 126 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati. – Retrait.
Amendements nos 47 de M. Jean Desessard et 78 rectifié de Mme Annie David. – MM. Jean Desessard, Michel Billout, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Jean-Pierre Sueur. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 48 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 117 de Mme Annie David. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 129 rectifié de M. Hervé Maurey. – M. Hervé Maurey, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Adoption de l'article.
Intitulé de la proposition de loi
Amendements nos 41 de M. Jean Desessard et 118 de Mme Annie David. – M. Jean Desessard, Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, MM. le ministre, Jean-Jacques Mirassou. – Rejet de l’amendement no 41 et, par scrutin public, de l’amendement no 118.
M. Nicolas About, Mmes Odette Terrade, Raymonde Le Texier, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. François Fortassin, Gérard Longuet, Jean-Pierre Caffet, Mme Annie David, MM. Jean Desessard, André Lardeux, Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. le ministre.
Adoption définitive, par scrutin public, de la proposition de loi.
8. Dépôt de documents parlementaires
9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Noël Guérini,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Repos dominical
Suite de la discussion d’une proposition de loi en procédure accélérée
Texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (nos 557, 561 et 562).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.
Article 2
(Texte non modifié par la commission)
I. - L’article L. 3132-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3. - Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. »
I bis. - Après l’article L. 3132-3 du même code, il est inséré un article L. 3132-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3-1. - Le refus d’un demandeur d’emploi d’accepter une offre d’emploi impliquant de travailler le dimanche ne constitue pas un motif de radiation de la liste des demandeurs d’emploi. »
I ter. - Au dernier alinéa de l’article L. 3132-23 du même code, les mots : « peuvent être toutes retirées lorsque » sont remplacés par les mots : « sont toutes retirées lorsque, dans la localité, ».
I quater. - Dans les branches couvrant des commerces ou services de détail et dans les commerces ou services de détail, où des dérogations administratives au repos dominical sont applicables, les organisations professionnelles ou l’employeur, d’une part, et les organisations syndicales représentatives, d’autre part, engagent des négociations en vue de la signature d’un accord relatif aux contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical lorsque la branche ou l’entreprise n’est pas déjà couverte par un accord.
II. - L’article L. 3132-25 du code du travail est remplacé par sept articles L. 3132-25, L. 3132-25-1, L. 3132-25-2, L. 3132-25-3, L. 3132-25-4, L. 3132-25-5 et L. 3132-25-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 3132-25. - Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, les établissements de vente au détail situés dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel.
« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales intéressées et le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente sont établis par le préfet sur proposition de l’autorité administrative visée à l’article L. 3132-26, après avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines, lorsqu’elles existent.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 3132-25-1. - Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les unités urbaines de plus de 1 000 000 d’habitants, le repos hebdomadaire peut être donné, après autorisation administrative, par roulement, pour tout ou partie du personnel, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation dominicale, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre.
« Art. L. 3132-25-2. - La liste et le périmètre des unités urbaines mentionnées à l’article L. 3132-25-1 sont établis par le préfet de région sur la base des résultats du recensement de la population.
« Sur demande du conseil municipal, au vu de circonstances particulières locales et :
« - d’usages de consommation dominicale au sens de l’article L. 3132-25-1
« - ou de la proximité immédiate d’une zone frontalière où il existe un usage de consommation dominicale, compte tenu de la concurrence produite par cet usage,
« le préfet délimite le périmètre d’usage de consommation exceptionnel au sein des unités urbaines, après consultation de l’organe délibérant de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération ou de la communauté urbaine, lorsqu’elles existent, sur le territoire desquelles est situé ce périmètre.
« Le préfet statue après avoir recueilli l’avis du conseil municipal de la ou des communes n’ayant pas formulé la demande visée au présent article et n’appartenant pas à une communauté de communes, une communauté d’agglomération ou une communauté urbaine dont la consultation est prévue à l’alinéa précédent, lorsque le périmètre sollicité appartient en tout ou partie à un ensemble commercial, au sens de l’article L. 752-3 du code de commerce, situé sur leur territoire.
« Art. L. 3132-25-3. - Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 sont accordées au vu d’un accord collectif ou, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum.
« L’accord collectif fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.
« En l’absence d’accord collectif applicable, les autorisations sont accordées au vu d’une décision unilatérale de l’employeur, prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical. La décision de l’employeur approuvée par référendum fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Dans ce cas, chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
« Lorsqu’un accord collectif est régulièrement négocié postérieurement à la décision unilatérale prise sur le fondement de l’alinéa précédent, cet accord s’applique dès sa signature en lieu et place des contreparties prévues par cette décision.
« Art. L. 3132-25-4. - Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune.
« Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche sur le fondement d’une telle autorisation. Une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher. Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« L’accord collectif prévu au premier alinéa de l’article L. 3132-25-3 fixe les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical.
« À défaut d’accord collectif applicable, l’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. En pareil cas, le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.
« En outre, le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie à l’alinéa précédent.
« En l’absence d’accord collectif, le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.
« Art. L. 3132-25-5. - Les articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1 ne sont pas applicables aux commerces de détail alimentaire qui bénéficient des dispositions de l’article L. 3132-13.
« Art. L. 3132-25-6. - Les autorisations prévues à l’article L. 3132-25-1 sont accordées pour cinq ans. Elles sont accordées soit à titre individuel, soit à titre collectif, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, pour des commerces ou services exerçant la même activité. »
III. - Au premier alinéa de l’article L. 3132-13 du même code, le mot : « midi » est remplacé par les mots : « treize heures ».
IV. - L’article L. 3132-21 du même code est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, sur l’article.
M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui est le quatrième texte visant à déréglementer le droit du travail. On notera l’acharnement du Gouvernement à vouloir légiférer sur cette question : le choix d’un débat en session extraordinaire pendant l’été n’est pas anecdotique, pas plus que le recours à la procédure accélérée ou la volonté d’obtenir un vote du conforme du Sénat.
Le Gouvernement ainsi que le Président de la République se réclament de la rupture. Plutôt que de rupture, il s’agit d’un retour en arrière sur les grandes lois fondatrices de notre République.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Roger Madec. Nous voulons défendre un projet sociétal plus juste et moins inégalitaire. Or, force est de constater que cette proposition de loi conduira à l’inverse si elle est adoptée.
Le repos hebdomadaire prend sa source dans la loi du 13 juillet 1906, qui établit une journée de repos hebdomadaire pour tous les salariés, dans un objectif de protection de la santé. Nous en retrouvons la substance dans l’article 1er de la proposition de loi, voté cette nuit. Mais, derrière cette façade, se cache un texte qui est une véritable chimère pour le salarié.
Le choix de société que nous préconisons repose sur la liberté du salarié. Or, les nombreuses dérogations que prévoit la proposition de loi ne rentrent pas dans ce cadre et ne correspondent pas au projet de société que nous défendons. À l’inverse, la majorité nous propose une société fondée sur l’injustice, les inégalités et la consommation : une société à plusieurs vitesses, opposant une France à une autre, celle où l’on travaille le dimanche à celle où l’on consomme sans vergogne le dimanche, une France où les liens familiaux sont cassés par la loi du marché !
Nous ne voulons pas d’une société où l’on peut consommer 365 jours sur 365, car loin de niveler les inégalités cette proposition de loi va les aggraver. Quels seront les salariés réellement concernés par ce texte ? La réponse est simple : les emplois à temps partiel ou rémunérés par des bas salaires, essentiellement occupés par des femmes, bref, tous les emplois atypiques.
À ce sujet, permettez-moi de m’arrêter. Nous devons actuellement faire face à une flambée de violence, notamment dans les « cités », selon l’appellation courante. Cette violence s’explique en partie par le fait que les jeunes sont livrés à eux-mêmes. Pensez-vous que les enfants issus de familles monoparentales seront mieux encadrés quand leur mère, ou leur père, devra aller travailler le dimanche ? Je ne le crois pas !
« Travailler plus pour gagner plus », c’est pour le pouvoir d’achat. Alors je vous prends au mot : acceptez les amendements qui obligent l’employeur à doubler le salaire horaire le dimanche !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Roger Madec. Épargnez-moi l’argument, madame le rapporteur, monsieur le ministre, selon lequel on ne peut pas doubler la rémunération des infirmières, des médecins ou des pompiers qui travaillent le dimanche !
L’opinion publique et, parfois, les salariés eux-mêmes croient en général que le travail dominical implique le versement d’une majoration salariale et l’octroi d’un repos compensateur. Cela est vrai, mais seulement dans le cas des dérogations accordées par le maire pour le commerce de détail, cinq dimanches dans l’année, et lorsqu’un accord collectif le prévoit. Je vous le rappelle pour mémoire : la majoration salariale et le repos compensateur ne sont pas de droit !
Lors de son discours à Rethel, le 28 octobre 2008, le Président de la République interpellait les maires sur « les familles qui ont le droit, les jours où elles ne travaillent pas, d’aller faire leurs courses dans des magasins qui sont ouverts et pas systématiquement fermés ».
Je serais tenté de dire à mes collègues sénateurs qui sont aussi maires ou élus locaux : pensez donc à ces enfants, issus de familles monoparentales, qui ont aussi le droit de participer à d’autres activités le dimanche que d’attendre le retour du travail de leur parent ! Ainsi, dans son avis sur le rapport de Léon Salto, intitulé Consommation, commerce et mutations de la société, le Conseil économique et social indiquait en 2007 : « Le dimanche doit rester un point fixe structurant permettant de se retrouver et de consolider la cellule familiale de plus en plus éclatée et dispersée. C’est aussi un temps privilégié pour les activités culturelles, sportives, ludiques, touristiques, associatives, la rencontre avec les amis, la disponibilité sociale au service d’autrui, donc le support de la cohésion de la société. »
Le texte de la proposition de loi préconiserait le volontariat. Monsieur le ministre, nous savons bien que le volontariat est absent du code du travail. En raison du lien de subordination entre l’employeur et l’employé, de la précarité de l’emploi et de la faiblesse des salaires, très peu de salariés pourront refuser de travailler le dimanche sans risquer de perdre leur emploi. D’ailleurs, 71 % des salariés du secteur privé pensent qu’ils n’auront pas la possibilité de refuser de travailler le dimanche, si leur employeur le leur demande.
Alors, pensez bien que, dans les zones concernées par les dérogations administratives, l’accord entre l’employeur et les délégués du personnel ira dans un seul sens.
C’est de cette France que nous ne voulons pas, cette France partagée entre ceux qui gagneront plus et ceux qui travailleront plus.
Les conséquences seront désastreuses.
Les trois zones créées – zones touristiques, zones à visée touristique et périmètres d’usage de consommation exceptionnel – finiront par recouvrir la totalité du territoire et seront de facto applicables à l’ensemble des salariés.
Monsieur le ministre, vous considérez que seules 500 communes sont concernées, alors que, pour notre part, nous en dénombrons de 5 000 à 6 000. Le calcul est aussi simple que la loi est floue !
Actuellement, notre pays compte 24,7 millions d’actifs, dont 7,4 millions travaillent le dimanche. Une fois la loi votée, à combien se chiffreront ces derniers ? Je vous ai entendu hier avancer le chiffre de 200 000 personnes. Si tel est vraiment le cas, pourquoi faire une loi ?
Par ailleurs, une étude commandée par M. Renaud Dutreil, ministre du commerce en 2006, qui n’est pas suspecté d’avoir des idées de gauche, concluait à la perte de 200 000 emplois dans les commerces de proximité en cas de généralisation de l’ouverture des magasins le dimanche. Face à cette hémorragie, comment survivront les commerces de proximité, soumis à la concurrence des grandes surfaces ? Hélas, force est de constater que le petit commerce, élément structurant non seulement des grandes villes mais également des zones rurales, disparaît dans beaucoup d’endroits !
Si vous cherchez des faits, regardez plutôt du côté des magasins d’ameublements suédois ouverts le dimanche ! Qui peut s’aligner face à de telles entreprises ?
Le chiffre d’affaires réalisé aujourd’hui par les petits commerces va se déplacer vers les groupes de la grande distribution, pour lesquels cette proposition de loi est une aubaine.
Il est illusoire de penser que le consommateur va dépenser plus. Le pouvoir d’achat n’étant pas extensible, les achats dominicaux se substitueront aux achats de la semaine.
Monsieur le ministre, vous qui êtes enseignant de formation et qui avez été longtemps ministre de l’éducation nationale, vous savez que la meilleure pédagogie, c’est la répétition ! Je serais tenté d’essayer de vous convaincre…
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce sera dur !
M. Roger Madec. … d’accepter bon nombre de nos amendements, auquel cas nous pourrions éventuellement réviser notre position sur le vote final de cette proposition de loi.
Si votre bonne foi n’est pas en cause, j’ose espérer que vous accepterez au moins l’amendement de mon collègue Jean-Pierre Caffet sur le statut dérogatoire que vous avez prévu pour la capitale. Je ne comprends pas que vous ayez fait figurer dans ce texte une telle provocation ! Mais n’anticipons pas sur les débats que nous aurons tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l’article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous engageons la discussion sur le cœur du texte, l’article 2, qui tend, d’une part, à clarifier le régime juridique applicable dans les communes et les zones touristiques et, d’autre part, à offrir un nouveau régime dérogatoire à certaines grandes agglomérations.
Je sais que M. Richard Mallié et Mme Isabelle Debré ont œuvré dans un souci de protection des travailleurs. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Mais, en dépit du caractère rassurant de l’article L. 3132-3 du code du travail, selon lequel « dans l’intérêt des salariés » – termes ajoutés –, « le repos hebdomadaire est donné le dimanche », je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le champ des dérogations.
Représentante de la collectivité parisienne, comment admettre d’abord que Paris, ville touristique par excellence, ne soit pas sous le régime du droit commun et que le préfet de Paris décide à la place du maire,…
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Hermange. … sans même que celui-ci ou son conseil soit consulté ?
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre argument selon lequel c’est le préfet qui décide déjà aujourd'hui. Mais nous avons voté récemment une loi portant réforme de l’hôpital, dans laquelle il nous a été demandé de mettre l’AP-HP sous le régime du droit commun. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Caffet. Exact !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Pourquoi, dans certain cas, Paris doit-il relever du droit commun et, dans d’autres, faire exception ?
Représentante des collectivités locales, je m’interroge sur le déséquilibre territorial que risque d’introduire cet article et ce, à double titre.
D’abord, l’ancrage des entreprises dans un territoire passe par l’implantation d’entreprises à forte valeur ajoutée. Alors qu’elles ne sont pas forcément des grandes surfaces, elles devront pourtant respecter les mêmes conditions que ces dernières.
Par exemple, si une entreprise a obtenu une dérogation, mais qu’elle n’est pas inscrite dans une zone touristique et thermale, devra-t-elle fermer ?
Le travail du dimanche, tel qu’il est conçu dans ce texte, me semble rompre le principe d’égalité des entreprises entre elles. Par conséquent, il risque de déséquilibrer, dans le temps, l’ancrage territorial de certaines entreprises.
Il risque également d’accroître la désertification de certaines communes et de contribuer à créer des villes dortoirs, supprimant ainsi cette place de rencontre qu’était l’agora. Jean-Jacques Rousseau, dans son œuvre intitulée Essai sur l’origine des langues, …
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! Vive Jean-Jacques Rousseau !
Mme Marie-Thérèse Hermange. … l’appelait la fontaine : elle permit aux communautés de se rassembler et de faire miroir en sortant ainsi les hommes de leur isolement. Pour d’autres, cet espace est la paroisse.
Pourrons-nous alors compter sur nos concitoyens pour nous aider à développer notre territoire, d’autant que, dans ces villes, l’éclatement du lien familial et social sera manifeste – il est déjà visible –, tant que l’on n’aura pas créé une cité de l’hospitalité ?
Ensuite, je m’interroge sur les conséquences pour les collectivités territoriales en matière d’offre de garde d’enfants. Désormais, à n’en pas douter, la mise en place de dispositifs de garde sera nécessaire pour accueillir les enfants dont les parents, soit par choix, soit parce qu’ils ne pourront faire autrement, devront faire prendre en charge leurs enfants par une structure adéquate ou une assistante maternelle.
Qui devra assurer cette charge ? Les collectivités locales, les parents ? Si les structures n’existent pas, pourrons-nous déplorer que des enfants soient livrés à eux-mêmes ? Nous devrions nous demander si nous faisons preuve de respect et acte de civilisation à l’égard de ces enfants.
Il revient au politique de soulever cette problématique, qui finira par se poser à plus ou moins long terme, et de la nommer. Cela n’a rien à voir avec une peur panique face au changement !
Enfin, monsieur le ministre, en faisant des dérogations le principe, c’est-à-dire autoriser le travail le dimanche, et du principe les dérogations, le travail dominical n’a plus à être justifié ! Bien au contraire, il faudra désormais justifier le repos dominical,…
Mme Bariza Khiari. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Hermange. … justifier qu’il doit être un temps de relation avec l’autre. Cet autre, certains l’écrivent avec un grand A, et les catholiques savent que le Christ les appelle à ce rendez-vous, qui est le sommet de leur semaine. D’autres l’écrivent avec un petit a et le perçoivent comme un espace de détente et de gratuité pour la joie toute simple de retrouver les siens ou de vivre des rassemblements familiaux, sportifs ou associatifs.
D’ailleurs, souvenons-nous que, au XIXe siècle, lors des débats houleux sur le dimanche, le repos dominical fut défendu non seulement par le chrétien Ozanam, mais également par le socialiste athée Proudhon.
À vrai dire, le principe du repos hebdomadaire protège la vie des familles ; il doit permettre de se retrouver soi-même et de rompre la solitude. Ce temps, qui n’est pas guidé par des impératifs exclusivement économiques, est celui non pas de l’horizontalité, mais de la profondeur.
Si, dans les faits, cet article de loi n’apporte, pour l’instant, pas de grands changements – pour reprendre l’expression employée par Nicolas About, il n’est « ni panacée ni poison » – il comporte, vous en conviendrez, monsieur le ministre, une modification symbolique.
Aujourd'hui, je voudrais faire part à mes collègues et au président de mon groupe de ma perplexité face à ce texte. Je n’ai dérogé que deux fois à la discipline de groupe dans cette assemblée, lors de la discussion de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie et du projet de loi transposant une directive sur le médicament. En ce qui concerne ce dernier texte, je ne suis pas certaine que nous ayons bien tous pris la mesure de notre vote, qui autorise à faire de l’embryon un médicament.
Paradoxalement, je voudrais également, monsieur le ministre, vous remercier, d’avoir amené en discussion cette proposition de loi de M. Mallié, car elle m’a fait redécouvrir le sens du dimanche. À la vérité, le nœud de la controverse ne réside pas dans tel interdit ou telle prescription ou dans le fait de se demander si nous n’allons pas contribuer à faire naître un homme-caddy. Il doit être recherché dans la vocation originelle du dimanche qui est, me semble-t-il, de mettre l’homme en relation avec autrui. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 2 aura pour effet d’autoriser, dans les zones et communes touristiques et thermales, le travail obligatoire des salariés le dimanche sans aucune contrepartie, que ce soit une compensation financière ou un repos compensateur : travailler le dimanche deviendra de droit. Mais je devrais plutôt parler de zones de travail de non-droit pour les salariés, puisque leurs intérêts ne seront pas respectés !
Pour ces femmes et ces hommes qui travailleront le dimanche afin de permettre aux touristes internationaux de dépenser leurs devises, il n’y aura rien : ni rémunération supplémentaire, ni repos compensateur ! Comme si, sous prétexte de satisfaire les aspirations commerciales de quelques-uns, notamment les plus fortunés, il fallait sacrifier les équilibres familiaux ou la santé des autres !
Pourtant, chacun s’accorde à dire que les emplois de commerce provoquent fatigue et stress et que ces maux vont grandissants. Les salariés connaissent d’importants troubles musculo-squelettiques, les TMS, douloureux pour les hommes et les femmes qui les subissent, mais dont les conséquences économiques sont importantes. Cette question intéressera certainement notre nouveau rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle.
D’après l’assurance maladie, les TMS sont la première cause de reconnaissance de maladie professionnelle : ils ont engendré en 2007 la perte de 7,4 millions de journées de travail et des frais à hauteur de 736 millions d’euros, couverts par les cotisations patronales.
Monsieur le ministre, ces effets néfastes, sur les comptes sociaux comme sur la santé des salariés, auraient pourtant pu être mesurés par une étude d’impact que vous avez refusée et tout fait pour éviter, avec votre Gouvernement, en optant pour la voie d’une proposition de loi plutôt qu’un projet de loi.
Aussi, au regard du travail obligatoire dans les zones touristiques, le second alinéa de cet article 2, suivant lequel « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche », prend un goût amer ! Et encore faut-il que l’intérêt des salariés ne vienne pas contredire les intérêts économiques et la loi du marché !
Madame Debré, lors de la discussion de votre rapport, vous avez présenté le principe du repos dominical comme un « principe ancien ». Mme Procaccia a, pour sa part, parlé de disposition « ringarde », voire « archaïque » ! Nous considérons au contraire qu’il est d’une grande modernité face à un principe encore plus ancien, celui de la domination de l’économie sur l’humain. Bien au contraire, ce qui est daté, c’est le retour que vous proposez à la loi de 1802, permettant aux employeurs de choisir le jour de repos de leurs salariés en fonction des impératifs de productivité.
Au-delà de ces considérations d’usage et de santé publique, votre refus de rémunérer celles et ceux qui travailleront le dimanche dans les zones touristiques et thermales est une preuve de votre volonté de banaliser le travail dominical. Vous voudriez faire de cette journée de travail exceptionnel une journée comme une autre – dans les zones touristiques, pour commencer – et justifier l’absence de compensations par des besoins structurels.
Je le dis avec force, les salariés de notre pays, qui, par leur travail, permettront aux entreprises ou aux établissements d’accumuler de la richesse, doivent pour le moins en bénéficier ! Il est vrai que, pour vous, cette rémunération peut être prévue dans les conventions collectives. À vous écouter, sous prétexte d’offrir une plus grande liberté aux salariés, il faudrait demain supprimer le code du travail et l’ensemble des protections collectives au bénéfice de la seule négociation de gré à gré, votre fameux « gagnant-gagnant ».
Tenir un tel discours, c’est méconnaître profondément le monde du travail et les contraintes qui pèsent sur les salariés, liés par un lien de subordination à leurs employeurs ! Ou bien c’est vouloir les tromper, car, vous le savez bien, ce sont les employeurs qui sortent vainqueurs de ces négociations gagnant-gagnant.
Enfin, je voudrais vous mettre en garde sur les conséquences judiciaires de ce texte, qui seront de deux ordres.
Tout d’abord, vous affirmez, madame le rapporteur, que ce texte renvoie la définition des zones touristiques à celle qui est donnée par le code du travail ; or, la rédaction proposée, en recourant à la notion de zone d’intérêt touristique telle qu’utilisée dans le code du tourisme, sera source d’ambiguïté pour les préfets et de contentieux devant les tribunaux administratifs.
Aussi, afin d’éviter que les contraintes qui pèseront sur les salariés, déjà trop nombreux, des quelque 500 communes reconnues touristiques au sens du code du travail ne s’étendent aux salariés des 5 000 communes reconnues touristiques au sens du code du tourisme, nous avons déposé un amendement qui permettra à votre majorité d’affirmer sa volonté de ne pas étendre le travail le dimanche et aux préfets de s’appuyer sur cette rédaction pour les futures désignations.
Enfin, la distorsion des droits des salariés que vous créez dans ce texte aboutira aussi à des contentieux. Comment accepter que, dans une enseigne nationale implantée dans différentes zones – touristiques, PUCE ou sur d’autres parties de notre territoire où il n’y a pas de zones spécifiques – les contreparties accordées aux salariés soient différentes ? Ce point a d’ailleurs fait l’objet de notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Malgré vos arguments, qui ne m’ont pas convaincue, je persiste à dire qu’il y aura discrimination entre les salariés à l’issue de l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’article 2, qui organise la généralisation du travail le dimanche, nous en arrivons au cœur de la proposition de loi. Cet article est d’ailleurs tellement central qu’il constituait à l’origine l’article unique du texte présenté par le député Richard Mallié.
Ainsi, sous couvert de faire cesser une situation complexe, reposant sur de nombreuses dérogations – au nombre de 180 –, le député Richard Mallié a-t-il proposé de revenir sur une règle datant de 1906, instaurée pour protéger les salariés et les ouvriers. Cette protection recueille aujourd’hui encore le soutien d’une majorité de nos concitoyens, puisque 55 % d’entre eux refusent le travail le dimanche.
Mais, en lieu et place d’une loi de simplification, nous débattons aujourd’hui d’une loi qui apportera encore plus de troubles et qui fera naître d’importants contentieux, alors même que l’un de ses principaux objectifs était de régulariser la situation de certains centres commerciaux, Plan-de-Campagne en tête, régulièrement condamnés par les tribunaux administratifs. En ce sens, cette proposition de loi s’apparente clairement à une prime aux délinquants, à une loi d’amnistie.
Si les entreprises condamnées ne montraient pas beaucoup d’empressement à payer leur amende, il faut dire que la justice ne faisait pas non plus preuve de beaucoup de rigueur pour exiger ce qui est dû. Alors comment voulez-vous nous faire croire que celles qui étaient hors-la-loi hier ne s’estimeront pas rétroactivement dans leur droit ? Elles seront donc encore moins enclines à payer leurs dettes ! Comment l’État fera-il pour exiger que ces entreprises assument une responsabilité antérieure à ce texte ?
Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, qui ne cesse de durcir les sanctions, notamment à l’égard des récidivistes, n’hésite pas ici à soutenir une proposition de loi concoctée, faite sur mesure, pour une minorité de magasins appartenant très souvent à de grandes enseignes. Vous créez ainsi les PUCE, les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, dans lesquels le travail le dimanche sera généralisé et légalisé, ce qui permet aux centres commerciaux du Val-d’Oise et de Plan-de-Campagne de réintégrer la légalité. Cette réintégration justifie selon vous une loi d’exception, ce que nous ne pouvons accepter.
Durant l’examen de l’article 2 à l’Assemblée nationale, vous avez affirmé que, pour vous, « les Français doivent travailler plus ». Bel aveu de votre défiance à l’égard de nos concitoyens qui, touchés par le chômage et les temps partiels imposés, ne demandent qu’à travailler. Si des hommes et des femmes, majoritairement des femmes d’ailleurs, travaillent le dimanche, c’est précisément parce que leurs revenus hebdomadaires ne leur suffisent pas à vivre dignement.
Vous vous appuyez sur cette situation de précarité pour justifier votre proposition de loi, comme si les salariés de notre pays devaient accepter toutes les déréglementations, la perte de tous leurs repères, l’anéantissement de tous leurs droits pour avoir la possibilité de gagner quelques euros de plus. Reste que tous n’auront pas droit à une majoration de salaire dans les PUCE eux-mêmes. Seuls les nouveaux salariés, ceux qui seront embauchés dans un PUCE après l’adoption de cette proposition de loi auront le droit d’avoir un repos compensateur et de percevoir pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, à moins qu’un accord collectif ne vienne prévoir des contreparties inférieures à celles qui sont prévues légalement.
Indéniablement, cette inversion de la hiérarchie des normes dessert les salariés et permet aux employeurs de s’aménager les lois à leur mesure.
Quant aux salariés contraints de travailler le dimanche dans les zones et villes touristiques, ils n’auront tout simplement droit à aucune contrepartie au motif qu’ils n’auraient pas été volontaires pour travailler le dimanche. Or c’est précisément parce que ce travail s’apparente à une contrainte supplémentaire subie par les salariés qu’il faut organiser une réelle compensation !
Si l’on considère les salariés des PUCE embauchés avant et après l’adoption de cette proposition de loi, les salariés des zones touristiques, les dérogations accordées cinq dimanches par an par le maire, les secteurs où le travail dominical est permanent et les 180 dérogations qui résisteront à ce texte, la législation en sera d’autant plus complexe. Une seule certitude existe : si les actionnaires profiteront pleinement de cette législation, les salariés, eux, seront, une fois encore, les victimes d’une société dédiée au « tout commerce ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui porte fort mal son nom. Si elle réaffirme en théorie le repos dominical dans son article 1er, l’article 2 légalise de fait les infractions actuelles, étend le champ d’application des exceptions, contient des ambiguïtés problématiques. C’est par ailleurs un curieux procédé que d’affirmer un principe, celui du repos dominical, au seuil d’un texte destiné tout entier à le nier.
On nous dit que l’ouverture dominicale des commerces correspond à une adaptation nécessaire et minime vis-à-vis des comportements nouveaux de la société française. On nous affirme que le travail dominical répond à une nécessité sur le plan de l’emploi et de la lutte contre la crise. On nous indique enfin qu’il se fera dans le respect des droits des salariés en leur permettant de gagner davantage, améliorant ainsi leur niveau de vie. Selon le vocable en vigueur, il s’agirait d’un dispositif « gagnant-gagnant ». C’est faux !
Nous sommes en réalité face à un choix de société. La banalisation du recours au travail dominical cherche à promouvoir une société axée sur la consommation. Si je pense au « grand A » évoqué par Mme Hermange, je dirais que vous nous proposez un onzième commandement : Tu consommeras jour et nuit, 365 jours par an !
À l’heure où la société de consommation est mise à mal, où les citoyens sont de plus en plus inquiets de l’avenir de la planète, on tente de poursuivre dans une voie qui a montré ses limites en encourageant la consommation, en visant à la rendre de plus en plus importante quitte à fragiliser le lien social et familial, comme l’a indiqué M. Madec, quitte à faire perdre son sens à la notion même de semaine qui sous-tend le principe d’un jour de repos identique pour tout le monde.
Voilà la société que cette proposition de loi nous offre à plus ou moins long terme : une société de l’uniformité, du consommer toujours plus, de la fragmentation sociale. Et l’on ose nous parler de progrès !
Le progrès réside surtout dans un meilleur respect de notre planète, que la consommation à outrance fragilise davantage, dans un meilleur respect de l’individu, que l’on soumet à toujours plus de pression, dans une promotion de la culture et du partage plus que dans celle de la consommation. En fait, en guise de centre culturel, vous nous proposez le centre commercial.
M. Roland Courteau. C’est la nouvelle culture !
Mme Bariza Khiari. Après le discours en trompe-l’œil du Président de la République à Versailles nous exposant la nécessité de faire face au considérable défi que constitue la transition sociétale imposée par la crise, après les promesses du Grenelle de mieux respecter notre planète, la proposition de loi qui nous est présentée ici revient de toute évidence à tenter de prolonger à l’excès ce modèle qu’il nous faudrait à l’inverse remettre en cause.
Assiste-t-on à une énième volte-face de la majorité ou bien doit-on considérer que le discours de Versailles faisant référence au Conseil national de la Résistance et les promesses du Grenelle ne se résument qu’à du vent ? À l’heure où il faut préférer de « travailler mieux pour vivre mieux », nous en restons à « travailler plus pour mal consommer ». Cela ne correspond nullement à une adaptation à l’évolution du mode de vie des Français. Je crains que la majorité n’ait fantasmé une France plus qu’elle ne l’a observée.
Mensonges, contre-vérités, affabulations, voilà à quoi se résume cet article 2 proposé pour de mauvais motifs et prévoyant des mesures inacceptables. Je vous invite dès lors, mes chers collègues, à le refuser, car nous ne voulons pas que les salariés travaillent le dimanche sans percevoir de majoration salariale, parce que nous ne voulons pas que le repos dominical devienne un privilège de classe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Je vais essayer de convaincre les derniers récalcitrants. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Non, mes chers collègues, quoi que la majorité sénatoriale ait pu dire ou répéter, l’article 2 n’est pas anodin. Loin de là ! Quel qu’ait pu être l’habillage qui en a été fait, et quoi que vous puissiez dire, monsieur le ministre, cet article ouvre une grande brèche dans le modèle social français. Ses effets néfastes sur les salariés, le petit commerce et la vie sociale sont patents. Cette banalisation du travail le dimanche nous conduira de fait sur la voie tortueuse de la généralisation.
Bref, il s’agit là d’un recul social de plus d’un siècle. D’ailleurs, si ce texte était vraiment sans grande portée, vous n’auriez pas choisi de le soumettre au Parlement en plein cœur des congés annuels des Français. Si vous ajoutez à cela la multiplication des plans sociaux, vous pouvez craindre, mesdames, messieurs de la majorité, monsieur le ministre, une rentrée particulièrement chaude.
Ce texte est dur, très dur même – je sais que Jean-Jacques Mirassou ne me contredira pas –, concernant les zones touristiques ou thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. C’est la banalisation du travail le dimanche, sans contrepartie obligatoire, sans que le volontariat soit mentionné. C’est la généralisation à une grande partie du territoire de la notion de communes touristiques.
Nous ne sommes pas ici dans l’anodin. Vous allez donner le droit aux commerces de telle ou telle ville touristique de faire travailler leurs salariés tous les dimanches de l’année sans contrepartie obligatoire et sans aucune condition de saisonnalité.
Par ailleurs, au-delà de la rhétorique sur la « fin de l’hypocrisie », les « nécessités du tourisme » ou encore le besoin de voler au secours des entreprises hors-la-loi, sachez-le, une grande majorité de Français ne veut pas voir les activités marchandes remplir la totalité de leur vie. Nos concitoyens dans leur grande majorité s’accordent à penser que l’on peut tout de même, une fois par semaine, suspendre le culte marchand pour s’occuper de son développement individuel, de sa vie familiale, et se consacrer à des activités culturelles, sportives ou spirituelles.
Cet article va casser certains équilibres sociaux auxquels nous sommes parvenus à l’issue de nombreuses décennies. Ne laissons pas le PIB l’emporter systématiquement sur les traditions familiales !
Comme notre collègue Claude Jeannerot vous l’a déjà dit, le marché demandait hier la précarisation du salariat ; il réclame aujourd’hui le travail le dimanche. Qu’exigera-t-il demain ?
D’abord, vous nous avez dit qu’il fallait travailler plus. Ensuite, vous nous avez demandé de travailler plus longtemps, après soixante ans. Maintenant, selon vous, il faut travailler le dimanche. Peut-être faudra-t-il demain travailler durant les arrêts maladie, comme certains y ont déjà pensé ?
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Roland Courteau. Mais quel modèle de société veut-on offrir à nos enfants ?
Vous affirmez que le travail du dimanche aura un effet positif sur la croissance et sur l’emploi. Mes collègues ayant apporté suffisamment d’éléments de réponse sur ce prétendu effet positif, je n’y insiste pas. D’autres ont parlé de leurre économique. Je n’y reviendrai pas non plus.
Selon le CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, l’ouverture le dimanche ne créera pas plus d’emplois. Au contraire, elle en supprimera. Au mieux, selon cet organisme, il y aura des déplacements d’emplois stables vers des emplois précaires. Outre les commerçants et artisans installés dans les zones concernées, ce sont tous les commerces de proximité qui subiront l’effet d’aspiration des centres commerciaux ouverts le dimanche.
En Grande-Bretagne, avant l’autorisation d’ouverture le dimanche, on comptait 11 000 magasins de chaussures indépendants. Il n’en reste plus que 350 aujourd’hui. Tout est dit, ou presque !
Quant aux consommateurs, ils n’auront pas plus de pouvoir d’achat, car lorsque la bourse est vide le samedi soir, elle l’est tout autant le dimanche.
Quant aux beaux discours sur le volontariat, ils valent ce que valent les leurres. Bonjour, les discriminations ! Elles se feront à l’embauche : « Vous refusez de travailler le dimanche ! Vous ne serez pas embauché ! »
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Roland Courteau. Ce sont les employeurs qui fixeront les temps de vie. Voici donc venu le temps du volontariat contraint ou, mieux encore, le temps du volontariat obligatoire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
M. Roland Courteau. J’ai entendu M. le Président de la République nous dire qu’il fallait refonder le capitalisme. Je l’ai entendu évoquer la « politique de civilisation ». À Versailles, récemment, il a semblé se réjouir, avec lyrisme, du « modèle social français ». Il a parlé de ce rêve qui nous vient du Conseil national de la Résistance, où des hommes et des femmes, venus d’horizons si différents, se sont unis autour d’un programme collectif, cette sorte de socle commun d’acquis sociaux dont je parlais à l’instant.
Or, mes chers collègues, monsieur le ministre, encore une fois, force est de constater que les actes ne sont pas en phase avec les discours. Cet article en est, je crois, la claire démonstration. Retirez-le, monsieur le ministre, tant qu’il est encore temps ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article a pour objectif de permettre des dérogations au principe du repos dominical dans les communes, zones touristiques, thermales et grandes agglomérations. C’est donc l’article principal du texte, car il met en place l’ensemble du dispositif et reflète un manque de clarté sur l’étendue réelle des dérogations accordées aux zones touristiques dans lesquelles l’ouverture le dimanche serait autorisée.
Alors que l’ouverture des commerces le dimanche n’était autorisée que pendant les périodes touristiques, cette proposition de loi la généralise sur un grand nombre de communes. Près de 6 000 communes touristiques sont concernées, et non 500, sans contrepartie pour les salariés : ni salaire double, ni repos compensateur, ni volontariat.
Quand vous parlez de doublement de salaire, de volontariat et de repos compensateur, c’est seulement pour les nouveaux salariés des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, et des agglomérations de Paris, Lille et Marseille. Seuls les nouveaux salariés travaillant le dimanche bénéficieront du doublement de salaire, et non pas ceux qui étaient déjà concernés.
Nous ne sommes pas dupes. Progressivement, vous démantelez le droit du travail. C’est ainsi que cette proposition de loi s’attaque à un droit fondamental : le droit au repos dominical.
Vous divisez les Français entre ceux qui doivent travailler le dimanche et ceux qui ne travaillent pas le dimanche, entre ceux qui auront le loisir de profiter de leur temps libre et de leurs enfants et ceux qui n’auront pas d’autre choix, pour nourrir ces enfants, que de renoncer à passer du temps avec eux. Vous divisez les salariés, entre ceux qui travaillent le dimanche avec un doublement de salaire et ceux qui n’auront pas ce doublement de salaire.
Cependant, les Français ne sont pas dupes. Selon un sondage IPSOS, 84 % des Français souhaitent que le dimanche reste le jour de repos commun. Ils sont 65 % à refuser l’argument commercial selon lequel il serait plus facile de faire ses courses ce jour-là. Selon le CREDOC, 81 % de nos concitoyens déclarent que cela n’augmenterait en rien leur budget destiné à la consommation. En bref, les Français sont attachés au repos dominical.
On peut donc se poser la question : pourquoi ce texte et pourquoi maintenant ? Répond-il à une demande ? Non ! Les associations de commerçants y sont opposées. La conception de la vie que propose le Gouvernement est une véritable menace pour la sphère familiale, amicale, culturelle, spirituelle et associative. C’est aussi une grave erreur économique que de penser que c’est le temps qui manque aux Français pour remplir leurs caddies.
Cette mesure, qui n’est absolument pas de nature à relancer la consommation, ne peut qu’aboutir à fragiliser les petits commerces de proximité au profit des grandes surfaces. C’est donc ce modèle de société que la droite nous propose aujourd’hui, mais les Français n’en veulent pas ! Or le Gouvernement n’entend pas ou ne veut pas entendre !
Le secteur de l’ameublement, qui bénéficie légalement d’une dérogation à la règle du repos dominical depuis le mois de janvier 2008, nous fournit un exemple parfait, qui montre que le travail dominical n’apporte aucun gain pour la croissance et l’emploi. L’ouverture des magasins le dimanche n’a pas engendré de consommation supplémentaire. La société Conforama a ainsi annoncé, il y a à peine trois mois, qu’elle allait licencier 800 personnes en raison d’une perte de chiffre d’affaires record de 50 millions d’euros.
Ce texte ajoute des difficultés à la vie des familles. Elles devront chercher des moyens supplémentaires pour faire garder leurs enfants. Faudra-t-il ouvrir les crèches sept jours sur sept ? Les communes devront-elles ouvrir des garderies le dimanche ? Les transports en commun seront-ils adaptés à ces nouveaux horaires ? De plus, ce sont les salariés précaires et à temps partiel, en particulier les femmes, qui devront sacrifier un peu plus de leur liberté au nom du volontariat. Or nous savons très bien que le volontariat pour travailler le dimanche deviendra vite un devoir et permettra de considérer le dimanche un jour comme les autres.
Nous ne voulons pas de cette société que vous proposez. Le dimanche est un élément de cohésion sociale permettant aux populations d’avoir des loisirs, de se cultiver, de décompresser après le rythme du travail. Le caractère mercantile de certains et l’individualisme d’autres vont imposer à la société entière un modèle dont nous ne voulons pas. Pour les intérêts mercantiles de quelques grandes surfaces, nous allons remettre en cause un principe fondamental.
Ce texte aura de lourdes conséquences sur la vie des citoyens. Il va créer des inégalités et engendrer à terme des dérives de nature à rendre le travail du dimanche obligatoire. II va créer une société que personne ne souhaite et qui ne résoudra absolument pas les difficultés économiques et sociales auxquelles notre pays est confronté. Et la droite et le Gouvernement s’obstinent encore à présenter ce texte !
On remarque que, pour la majorité et pour le Président de la République, le travail devient une obsession. Après le slogan « travailler plus pour gagner plus », puis « travailler plus longtemps » – « travailler jusqu’à 70 ans » – aujourd’hui, on entend le slogan « travailler le dimanche ». Je crois qu’on n’est jamais tombé aussi bas ! Quelle honte !
Ainsi sommes-nous opposés à cet article 2, qui met à mal les salariés et démantèle le droit du travail. Notre amendement tend à le supprimer, car son application ne créera ni emploi ni richesse.
Je suis heureuse que ce texte n’affecte pas l’Alsace et la Moselle protégées par le droit local. On ne peut d’ailleurs pas prétendre soutenir le droit local – n’est-ce pas, mes chers collègues ? – et voter pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l’article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne me fais pas d’illusions quant à la suppression de cet article 2, surtout depuis la déclaration, hier, de M. About. Il a d’ores et déjà apporté le soutien mollement conditionnel de son groupe au Gouvernement en vue du prochain vote de cette proposition de loi.
Je n’ai pas d’illusions, car cet article fonde, avec une ironie digne des meilleurs canulars sémantiques, un texte censé réaffirmer le repos dominical, alors que nous ne parlons que d’activité économique, de travail, de salariés, de branches, de création ou non d’emplois... Franchement, quelle blague ! Pour faire rire les Français, vous n’aviez pas encore sorti ce gag de votre manche. Voilà qui est fait !
Pour comprendre vos tours de passe-passe, il convient donc désormais de se pencher sérieusement sur les modalités de votre invention : travailler plus le dimanche pour gagner plus de liberté le week-end !
Au-delà de la plaisanterie, il est navrant de constater que, une fois de plus, à l’instar de la loi dite TEPA ou de la loi de modernisation de l’économie, ce texte est examiné en fin de session extraordinaire, de plus sous la forme d’une proposition de loi, qui ne fait l’objet ni de consultations préalables des partenaires sociaux, ni d’études d’envergure.
Pour le décor, rappelons que ce texte est défendu dans un contexte de crise économique qui engendre une baisse généralisée de l’activité en semaine, phénomène contre lequel ce gouvernement n’est pas plus fort que les autres, au contraire, comme les chiffres du chômage nous l’indiquent cruellement. Il nous est, en définitive, difficile de croire au bien-fondé de cette proposition de prétendue réaffirmation du principe du repos dominical, défendue par un ministre fraîchement nommé – je sais bien qu’il n’y est pour rien –…
M. Jean-Pierre Sueur et Mme Raymonde Le Texier. Il est solidaire, tout de même !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. … mais il a accepté le poste.
En ce qui me concerne, je me contenterai d’attirer une nouvelle fois votre attention sur le volet de cette proposition de loi qui concerne les zones touristiques. En ma qualité d’élue en charge du développement économique et du tourisme dans ma ville, je connais bien ce sujet et je puis affirmer, en connaissance de cause, que, pas plus que la baisse de TVA à 5,5 % ne crée d’emploi dans la restauration, ni n’aboutit à une réelle baisse des tarifs à la carte, pas plus que le bouclier fiscal n’aura entraîné de tsunami économique ou de capitaux vers la France, le travail dominical ne créera de liberté ni individuelle ni économique.
Je vais rappeler les propos de mes collègues.
Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, ne déclarait-il pas lui-même que « faire croire que tous les salariés qui travailleront le dimanche seront payés double est une grosse bourde » ?
L’étude, commandée par Renaud Dutreil, ministre du commerce sous la présidence de M. Jacques Chirac, ne concluait-elle pas à la destruction de 200 000 emplois en cas d’ouverture des commerces le dimanche ?
M. Roland Courteau. C’est clair !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous serons sûrement nombreux à défendre l’idée que cette proposition de loi entraînera surtout un délitement du lien social et familial, en particulier pour les femmes salariées ; nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
Pour la création des richesses, ne nous faisons pas d’illusions. S’opérera un transfert des dépenses hebdomadaires vers le dimanche puisque les Français, plus libres d’acheter le dimanche, n’auront pas plus d’argent à dépenser ce jour plutôt qu’un autre.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Enfin, afin de contrecarrer une idée reçue selon laquelle le repos dominical serait un totem de gauche et le travail le dimanche une innovation de droite, j’attire votre attention sur le fait que le repos dominical, en zone touristique ou non, favorise la consommation de loisirs et de divertissements.
L’idée que des jeunes se réunissent pour pratiquer un sport, que des familles – plusieurs générations confondues – se retrouvent quelques heures pour partager des moments de convivialité, de tendresse, se rendent au théâtre, au cinéma ou au musée, que s’organisent des rencontres culturelles, sportives – pas seulement dans les zones touristiques – et que, en somme, les Français soient plus libres de satisfaire un réel besoin de se retrouver entre amis et de se divertir, me semble plus intéressante que celle d’imaginer toutes ces personnes déambulant anonymement dans les allées d’un grand magasin.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Des concitoyens de mon département, que j’ai rencontrés, m’ont fait part de leurs inquiétudes sur les conséquences de cette proposition de loi. Ils m’ont dit : « La loi de 1906 a réussi à établir un équilibre juste entre les nécessités légitimes d’ouverture le dimanche et l’organisation de la société. C’est cet équilibre que nous voulons maintenir. Celui de la France qui travaille et qui gagne, mais aussi de la France des bénévoles, des balades en forêt, des rires en famille, des parties de rugby entre copains, des chorales lyriques ou jazzy, du verre de blanc sur le comptoir, de la diversité des couleurs et des senteurs des marchés. » (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, les habitants de mon département, doués de raison, souhaitent maintenir autant d’activités conviviales à même de favoriser ce que tout un chacun appelle « la vraie vie ».
Face aux tenants d’un monde transformé en une immense galerie marchande aseptisée, où la culture est en tête de gondole, la nourriture en fast-food, la pensée sous code barre, la salariée aux horaires décalés, la caissière sous-payée, la famille explosée, … (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) … c’est sur une certaine idée de la France au travail que se prononcent mes concitoyens des Pyrénées-Atlantiques.
Aussi, vous comprendrez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les raisons qui nous amènent à rejeter un article qui vise à désorganiser les équilibres de vie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il suffit d’écouter les débats pour se rendre compte qu’une question de civilisation est posée.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit tout simplement de savoir quelle société nous voulons. Cette question peut, on le voit bien, dépasser les clivages politiques.
M. Roland Courteau. Elle devrait !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison, mon cher collègue : elle devrait dépasser les clivages politiques.
Tout d’abord, il est évident, monsieur le ministre, que cette proposition de loi est contraire au principe d’égalité, à l’égalité républicaine, à laquelle nous devrions tous être attachés.
On comptera, en effet, quatre à six statuts différents pour le travail du dimanche…
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. C’est déjà le cas !
M. Jean-Pierre Sueur. … et pour les compensations, ou plutôt les non-compensations, qui s’appliqueront à un nombre important de salariés qui seraient incités à travailler le dimanche.
Ensuite, monsieur le ministre, je voudrais revenir sur certaines de vos déclarations. J’ai promis à un habitant de mon département, qui m’a écrit, de vous poser la question. Intervenant sur une station de radio, voilà quelques jours, vous avez déclaré que la gauche avait un problème avec le travail.
M. Jean-Pierre Sueur. La lecture des débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle et à l’Assemblée nationale depuis quelques décennies montre bien qui défend les travailleurs et les salariés dans ce pays ! (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. Vous n’avez pas le monopole du cœur !
M. Jean-Pierre Sueur. En outre, monsieur le ministre, je m’interroge sur la cohérence intellectuelle de vos diverses prises de position.
Vous avez cru devoir soutenir, lorsque vous étiez ministre de l’éducation nationale, une disposition qui a eu pour effet de réduire le temps scolaire. Les enfants, dans les écoles élémentaires de notre pays, ont moins d’heures de cours qu’auparavant, et vous nous avez dit que c’était une bonne chose. Certes, un soutien est organisé.
Il est vrai que l’école le samedi est une question de société, mais les solutions ne manquent pas pour que les enfants bénéficient d’autant d’heures de scolarité que précédemment. Pour ceux qui n’ont pas l’environnement familial des familles aisées, qui vivent dans des familles en difficulté, l’école et elle seule, vous le savez très bien, permet la promotion sociale.
Quelle est la cohérence d’un ministre qui soutenait hier que les élèves ne devaient absolument pas travailler le samedi et qui affirme, quelques mois plus tard, que les adultes doivent travailler le dimanche en plus grand nombre ? Quelle est la logique, monsieur le ministre ? Quel est votre rapport au travail ? Que pensez-vous réellement ? Ne défendez-vous pas, dans l’incohérence intellectuelle la plus totale, des choses qui n’ont pas de rapport les unes avec les autres ?
Si, en définitive, vous voulez banaliser le fait que les parents travaillent du matin au soir le dimanche, en quoi est-ce un projet de société digne d’être défendu ?
L’histoire nous enseigne que toutes les civilisations, toutes les sociétés humanistes ont respecté un certain nombre de rythmes.
M. Jean Desessard. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Or qu’advient-il avec ce texte, monsieur le ministre ? Vous mettez en cause des rythmes de la société, de la vie familiale et de la vie individuelle. Le repos dominical, c’est une manière de concevoir la société, la vie, le travail.
Finalement, et peut-être est-ce là la cohérence, vous dérégulez. Il faut, selon vous, pouvoir travailler tout le temps, sans aucune règle, sans respecter de rythmes. Vous transposez le modèle de la folie financière à l’organisation du temps ! Réfléchissez bien, monsieur le ministre, à tout ce que cela induit. Il serait beaucoup plus sage, en effet, d’en revenir à des principes sains, clairs, à la loi de 1906 et à une certaine conception du « vivre-ensemble » dans notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faut-il encore prendre la parole dans ce débat tant tout ce qui devait être dit à l’encontre de cette malheureuse proposition de loi l’a été excellemment, et d’ailleurs sur diverses travées ? Eh bien ! oui, il est nécessaire, voire indispensable de continuer à prendre la parole pour ramener à la raison, à la sagesse.
Ont été exposées par toutes les études et analyses dont nous pouvions disposer les conséquences négatives attendues de l’extension de l’ouverture dominicale sur l’emploi et les conditions de travail, sur notre économie, sur notre environnement, sur nos structures sociales et sur notre mode de vie.
M. Roland Courteau. Ils restent sourds !
M. Yves Daudigny. Il est tout de même extraordinaire, mes chers collègues, qu’une partie d’entre vous décide sciemment d’ignorer ces données objectives ! On s’interroge nécessairement sur le dogmatisme qui inspire ce choix aveugle. Le refus par la commission des affaires sociales de la moindre modification de ce texte, même rédactionnelle, le confirme malheureusement.
Il est certain qu’à reporter la suite de l’examen de ce texte à la rentrée, vous risqueriez, madame le rapporteur, de recevoir finalement ces lettres de salariés que vous vous étonniez n’avoir pas reçues. Vous en aviez déduit que les premiers concernés par cette réforme n’y étaient pas défavorables. Changeriez-vous alors d’avis ? Je crains que non !
Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ne parlez pas en mon nom !
M. Yves Daudigny. C’est pourquoi, à l’ouverture de l’examen de l’article 2, il me paraît d’autant plus nécessaire de rendre hommage à celles et ceux de nos collègues qui ont eu le courage et l’honnêteté de tenir compte de la réalité, de la vie telle qu’elle est au quotidien, hors de ces murs protégés. Ceux-là n’ont vraisemblablement pas oublié une règle fondamentale, qui mériterait d’être gravée au fronton de cet hémicycle et relue avant chaque vote : « Tu patere legem quam ipse fecisti » ; en d’autres termes : « tu te soumettras à la règle que tu as créée » !
Mes chers collègues, ce texte n’est pas un projet parlementaire et n’est pas le vôtre : c’est une promesse de campagne dont nous n’avons pas à être comptables, mais dont les Français, et en particulier les plus fragiles d’entre eux, si cette proposition de loi était adoptée ainsi, en catimini et en force, supporteraient les conséquences néfastes. Ces méthodes ne sont pas les nôtres, celles d’un Parlement croupion qui se contenterait d’avaliser.
Cette proposition de loi et la manière dont « on » prétend la faire passer est dangereuse et fait montre de mépris : mépris du Parlement qui serait soumis à l’ordre du « conforme » ; mépris des salariés qui devront – car ils ne pourront bien évidemment pas refuser, vous le savez parfaitement – travailler « de droit » le dimanche, sans majoration de salaire ni compensation.
La seule réelle preuve de bonne foi des tenants de cette proposition serait l’adoption d’amendements visant, en particulier, à assurer une juste compensation à tous les salariés appelés à travailler le dimanche. À défaut, nous aurions la confirmation de ce double mépris. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l’article.
M. Jean-Pierre Caffet. Je n’évoquerai pas, à ce stade de la discussion, la situation parisienne ; j’y reviendrai ultérieurement, au détour d’un amendement. Cela dit, je tiens à déclarer d’emblée que je partage pleinement le point de vue que vient d’exposer notre collègue Marie-Thérèse Hermange.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention depuis hier et j’ai eu le sentiment que vous tentiez de convaincre une partie de votre majorité. Vous n’y étiez que partiellement parvenu à l’Assemblée nationale et vous serez obligé, jusqu’à la fin de nos débats, de réitérer cet exercice difficile.
Tous vos propos tentent d’ailleurs de limiter la portée de ce texte, qu’il s’agisse de sa portée géographique – seuls trois PUCE seraient finalement concernés – ou du nombre de salariés concernés : 200 000, avez-vous dit.
Quoi qu’il en soit, les propos que vous avez tenus jusqu’à présent ne nous ont guère rassurés. Nous ne voyons aucune raison objective, fondée, à modifier la législation existante. Dans ces conditions, nous sommes bien obligés de nous poser plusieurs questions. Pourquoi devons-nous examiner ce texte, maintenant, et en procédure accélérée ? Plus fondamentalement, la société française a-t-elle aujourd’hui un problème majeur avec le travail du dimanche ? Nous pensons que non !
Près de sept millions de salariés français travaillent déjà le dimanche, mais toutes les dérogations qui ont été accumulées au fil du temps, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, étaient justifiées par l’intérêt général.
Il est normal que les hôpitaux fonctionnent et que la sécurité des Français soit assurée par les forces de police le dimanche. Il n’est pas extravagant que, dans un certain nombre de territoires touristiques, les commerces puissent ouvrir le dimanche. Mais aujourd'hui, monsieur le ministre, vous franchissez un pas supplémentaire considérable ! Avec ce texte, ce n’est pas seulement une « brèche » que vous ouvrez, comme l’ont déclaré certains orateurs de la majorité ; c’est une digue que vous faites sauter, et ce de manière complètement aveugle.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous ne disposez d’aucune étude sérieuse, fondée et objective qui légitimerait la modification de cette législation. Il aurait en effet fallu réaliser des études d’impact sur les volets économique, social, sociétal, environnemental.
Monsieur le ministre, vous légiférez en aveugle, je le répète, et c’est pourquoi nous sommes inquiets. Comme ils ont été nombreux à le dire, au sein même de votre majorité, ce texte, même si vous vous en défendez, va entraîner la banalisation, voire la généralisation du travail le dimanche, et vous en ignorez totalement les conséquences potentielles.
Vous allez instaurer de nouvelles inégalités, à la fois territoriales et entre les salariés ; vous allez créer des difficultés aux commerces de proximité, notamment dans les centres-villes, et exercer une pression sur les collectivités locales pour qu’elles assurent le fonctionnement de certains services publics le dimanche. Et la liste des effets pervers de ce changement de législation est loin d’être exhaustive !
Monsieur le ministre, comme nous ne voyons pas de raison évidente à cette modification législative, il doit bien se trouver quelque raison cachée. Pour ma part, j’en vois principalement une : c’est l’idéologie, je dirais même le dogmatisme idéologique (Sourires sur les travées de l’UMP.), qui a irrigué la campagne présidentielle et « illuminé » le début du quinquennat du Président de la République.
Souvenez-vous, c’était l’époque du rapport Attali, où l’on nous expliquait qu’il fallait tout déréglementer et déréguler pour augmenter la croissance, y compris la profession de taxi ; on sait ce qu’il en est advenu… Le Président de la République déclarait qu’il appliquerait toutes les mesures contenues dans le rapport Attali. Votre prédécesseur, Xavier Bertrand, accordait une interview extravagante au quotidien Les Échos, en janvier 2008, dans laquelle il expliquait que l’ouverture des magasins le dimanche permettrait de gagner un jour de croissance supplémentaire. Comme si l’argent dépensé le dimanche allait réapparaître miraculeusement dans le portefeuille du consommateur le lundi ! C’est absurde !
M. Nicolas About. Ce ne sont pas les mêmes ! Le lundi, les touristes sont repartis !
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le ministre, nous sommes très inquiets ! Nous sommes intimement convaincus que seule la crise vous conduit aujourd'hui, par vos propos, à édulcorer cette proposition de loi, à en minimiser la portée. En réalité, c’est bien un dogmatisme idéologique qui la sous-tend.
Il s’agit soit d’un texte de circonstance visant à légaliser certaines pratiques illégales, soit d’un texte de complaisance particulièrement coupable envers le Président de la République, qui fait le contraire de ce qu’il dit. En tout état de cause, il ne sert pas l’intérêt général. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, sur l’article.
M. François Patriat. L’affluence dans l’hémicycle un 22 juillet témoigne à la fois de l’importance du sujet et de notre volonté de le démontrer.
En ce qui me concerne, je reviendrai sur deux points : d’une part, la confiscation de l’histoire, évoquée par Raymonde Le Texier et Roland Courteau, et, d’autre part, le cynisme qui préside à nos débats.
Si je parle de confiscation de l’histoire, c’est parce que j’ai eu la chance de connaître pendant une grande partie de ma vie un homme qui s’appelait Pierre Meunier : il avait été le secrétaire de Pierre Cot, le bras droit de Jean Moulin et le secrétaire général du Conseil national de la Résistance, puis député et élu local. Sa famille avait été décimée à Buchenwald.
Peu de temps avant sa disparition, il m’avait signifié son attachement politique et sociétal aux valeurs du Conseil national de la résistance qui étaient fondées sur le progrès social, mais le vrai, sur l’humanisme, sur la générosité et sur l’équité. Le dernier message qu’il m’a adressé – c’était en 1996 – fut le suivant : « Tant que tu feras de la politique, tant que tu seras en responsabilité, essaie de veiller, avec nos amis, aux acquis du Conseil national de la résistance ».
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. François Patriat. J’en viens au cynisme que traduit cette proposition de loi, monsieur le ministre, et ce à plus d’un titre.
Tout d’abord, le fait que nous siégions un 22 juillet, en pleine période estivale, montre que le Gouvernement tente de faire passer ce texte en catimini, alors que ses effets sociaux seront très importants.
M. Nicolas About. C’est une promesse qui avait été faite pendant la campagne présidentielle !
M. François Patriat. Ensuite, confondre le progrès social et le progrès dit « économique », pour ne pas dire financier, c’est leurrer les Français !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. François Patriat. Le travail le dimanche doit être volontaire et rémunéré. J’ai eu la chance, dans ma vie professionnelle, à l’instar de certains collègues, d’exercer un métier qui m’obligeait à travailler le dimanche, le jour de Pâques ou de Noël, mais je le faisais essentiellement sur la base du volontariat et avec le sentiment de rendre un service au public. Or l’ouverture des commerces le dimanche, ce n’est pas le service au public ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Le service au public, ce sont les services hospitaliers, les services médicaux, les services d’urgence, pas les services commerciaux ! Il y a là un véritable leurre.
C’est encore faire preuve de cynisme que d’instaurer la notion de commune d’intérêt touristique sans aucune concertation, ni avec les Français – ce que je peux concevoir – ni avec les professionnels. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, qui représente les artisans et les petits commerçants, se demande comment ceux-ci pourront résister.
Qu’adviendra-t-il si, désormais, les activités dominicales consistent non plus à rendre visite à sa famille, à se réunir entre amis, à faire du sport ou à se consacrer à sa vie spirituelle, mais à aller dans telle ou telle grande surface pour y faire ses achats, et ce au détriment des commerces de proximité ?
Ce texte est injuste et, par certains côtés, cynique. Des députés de la majorité ont eu le courage de le dire à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, parce qu’ils mesurent aujourd'hui l’impact social et humain que ce dispositif aura demain.
Enfin, autre preuve de cynisme, vous dites que la fermeture des magasins le dimanche aura lieu à treize heures au lieu de midi. La mère de famille caissière dans un magasin qui finissait à midi pouvait retrouver sa famille et ses enfants pour déjeuner. Désormais, elle les rejoindra à quatorze heures ou quinze heures, mais qu’importe puisque le commerce y gagnera !
M. Alain Gournac. C’est nul !
M. François Patriat. Mes chers collègues, c’est simplement un peu d’humanisme, de réalisme et de bonheur pour les Français que nous défendons ici. Je vous invite donc à ne pas soutenir cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Démagogie !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, sur l’article.
M. Nicolas About. Pardonnez-moi d’intervenir, monsieur le président, alors que je n’étais pas inscrit sur l’article, mais il se trouve que j’ai été amicalement mis en cause par ma collègue Annie Jarraud-Vergnolle, qui a beaucoup de talent, comme chacun le sait. Elle a déclaré que mon soutien à ce texte était mou et conditionnel. Ma collègue me connaît pourtant bien et elle sait que je n’ai pas l’habitude de faire les choses à moitié. (Sourires.) « Tout ce qui est excessif est insignifiant » !
Nous avons parcouru presque toute l’histoire de France à l’occasion de l’examen de ce texte, qui respecte l’ordre et l’équilibre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. L’ordre établi !
M. Nicolas About. Contrairement à ce que certains de nos collègues députés ou sénateurs laissent croire, il ne s’agit pas d’un moyen de régulariser les délinquants.
M. Roland Courteau. Mais si !
M. Nicolas About. Ce texte est simplement l’occasion de prendre en compte l’évolution de la société française. Il est normal…
M. Roland Courteau. …de revenir en arrière !
M. Nicolas About. … de suivre le mouvement, même si je sais que c’est difficile pour un certain nombre d’entre nous, car les parlementaires sont souvent à la traîne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Si les plaintes déposées auprès des juridictions n’ont pas abouti à mettre fin à certaines situations, c’est parce que, manifestement, notre société a bougé. Nous avons donc le devoir, dans la mesure où ces changements de société reposent sur des évolutions respectueuses de l’homme et des valeurs fondamentales, de les accompagner.
Je tiens à dire à Mme Jarraud-Vergnolle que je soutiens avec force et conviction le texte qui nous est soumis,…
M. Robert del Picchia. Bravo !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Nicolas About. …car il ne bouleverse en rien les situations actuelles, pas plus qu’il ne modifie la rémunération différente du travail dominical. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Vous invoquiez la Résistance voilà deux minutes, alors que nous ne faisons que corriger les difficultés rencontrées dans les sites de Plan-de-Campagne et d’Éragny en régularisant la situation ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. - Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Raymonde Le Texier. Ah ! Voilà !
M. Nicolas About. Je n’ai jamais dit le contraire !
Mme Annie David. Vous prétendiez le contraire il y a deux minutes !
M. Nicolas About. Chers collègues de l’opposition, vous avez souvent été à la pointe de combats qui visaient, eux aussi, à régulariser des situations, simplement parce que ce n’était que justice, par exemple en matière d’avortement. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG – Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Odette Terrade. C’est scandaleux !
M. Nicolas About. Alors, ne dites pas que les parlementaires ne remplissent pas leur mission lorsqu’ils font en sorte que soient régularisées des situations qui doivent l’être. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Odette Terrade. Cette comparaison est insupportable !
M. Nicolas About. Vous nous avez reproché de vouloir régulariser des situations ! Eh bien ! effectivement, nous le faisons ! C’est la grandeur du Parlement que d’assumer un certain nombre de changements lorsque la société l’exige.
Madame Jarraud-Vergnolle, il y aura toujours des balades entre copains, des petits verres au comptoir, et les bons parfums de la forêt ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Raymonde Le Texier. Ne pourrait-on rappeler à ce médecin de formation que si on a légalisé l’avortement, c’est parce que des milliers de femmes, des mères de famille, mouraient dans des conditions épouvantables ?
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l’article. (Protestations et marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Nous allons être obligés de travailler dimanche…
M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, il serait bon que ce débat, qui vaut la peine d’être conduit jusqu’à son terme, se déroule dans le calme. Certaines comparaisons, telle celle qui vient d’être faite avec le droit à l’avortement, sont regrettables, et d’autant plus lorsqu’elles sont le fait d’un praticien hospitalier. (M. Nicolas About s’exclame.)
Mme Raymonde Le Texier. On voit que ce ne sont pas les hommes qui y laissent leur vie !
M. Jacky Le Menn. Mes chers collègues, peut-on profiter d’un texte visant à rendre légal un comportement illégal comme celui des commerçants de Plan-de-Campagne pour faire adopter, contre l’avis et la conscience d’une bonne partie des députés et des sénateurs, une loi qui impacte l’ensemble de la société ? Tel est en tout cas le pari qui est fait sous l’autorité du Président Nicolas Sarkozy, partisan convaincu de l’ouverture des grandes surfaces le dimanche et de l’extension à toutes les activités professionnelles du travail dominical.
Ce n’est pas nous qui le disons : ce sont les soixante députés de la majorité présidentielle opposés à cette initiative, qui le déclarent dans la tribune publiée dans Le Figaro du 21 novembre 2008. Permettez-moi, mes chers collègues, de citer des extraits de cette tribune : « Chacun sent très bien que l’ouverture des commerces le dimanche est un “pied dans la porte” – c’est une figure des psychosociologues – en vue d’une ouverture générale de l’activité professionnelle. Qu’en sera-t-il alors de toutes les activités dominicales, non seulement des cultes, mais également les activités sportives, associatives, familiales ? N’est-il pas préférable de limiter la consommation pour préserver ces moments de fraternité qui donnent à la vie son sens ? […] »
« L’homme contemporain est-il uniquement un individu consommateur ou est-il encore l’animal social que définissait Aristote ? […] Si l’homme se construit par les relations qu’il tisse avec ses semblables, posons-nous la question de maintenir un jour de la semaine en vue de faciliter cette construction ».
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Jacky Le Menn. Nous pourrions aussi vous rappeler, mes chers collègues, les tribunes de Mgr Barbarin ou de Mgr Vingt-Trois qui, eux, n’ont pas changé d’avis.
Ainsi, Mgr Vingt-Trois déclarait dans Les Échos le 6 novembre 2008 : « Ce serait une mesure supplémentaire dans la déstructuration de notre vie collective, qui ne toucherait pas seulement les chrétiens. Le dimanche est aussi le jour d’une vie familiale plus intense et plus riche. Comment peut-on souhaiter que le tissu familial soit plus riche et plus structurant pour la vie sociale si chacun des membres de la famille est retenu ailleurs par son travail ? Est-il normal que, pour gagner honnêtement sa vie, on soit invité à renoncer à la qualité de la vie ? »
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Enfin, je terminerai par une citation qui interroge puissamment les fondements de la philosophie du Président Nicolas Sarkozy : « Gagner plus doit-il devenir le principal objectif de l’existence ? » (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
Il n’est pas un mot des propos que je viens de vous citer avec lequel nous soyons en désaccord, mes amis et moi. Cela montre que le débat actuel va bien au-delà de la défense des intérêts de telle ou telle catégorie et des sensibilités politiques qui explicitent les clivages partisans habituels.
Si l’attention du public s’est focalisée sur cette question, ce n’est pas par hasard : chacun mesure bien, à la place qu’il occupe dans la société, les conséquences que cette loi risque d’avoir pour soi ou pour ses proches, quoi qu’on en dise et quoi que j’ai pu entendre affirmer hier ou ce matin. Il s’agit non pas d’une réforme, mais d’une mutation qui avance masquée ; ayons le courage de le reconnaître !
Permettez-moi de revenir sur cette phrase à l’ironie toute épiscopale de Mgr Vingt-Trois : « Gagner plus doit-il devenir le principal objectif de l’existence ? ». Non, nous en sommes d’accord ! Cependant, gagner plus est aujourd’hui, hélas ! la principale nécessité – au sens de l’état de nécessité – pour trop de gens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois soit parce qu’ils sont à temps partiel subi, soit parce que leur contrat est précaire, soit parce que ce sont des travailleurs pauvres ou des chômeurs ; ce sont les premiers visés par ce texte. Peut-être parviendront-ils à gagner un tout petit peu plus en sacrifiant leur dimanche, leur vie privée, familiale et sociale, mais il est moralement impardonnable d’utiliser leur pauvreté pour les conduire à ce sacrifice…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacky Le Menn. …et pour déstructurer, au seul profit des plus riches, d’abord leur vie familiale et sociale, puis celle de toute la société.
Je conclurai en disant qu’il aurait été sans doute plus opportun et plus urgent de commencer par mettre de l’ordre dans les 180 dérogations existantes et d’imposer la loi à ceux qui la bafouent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Raymonde Le Texier. C’est évident !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Lardeux.
L'amendement n° 79 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 135 rectifié est présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Lardeux, pour présenter l’amendement n° 5.
M. André Lardeux. Je souhaite, après ce que nous venons d’entendre, que nos débats se déroulent dans la sérénité. Nos différences sur ce sujet sont légitimes et il est parfaitement normal que tous ceux qui le veulent puissent exprimer leur point de vue. Néanmoins, comme nous y a invités Marie-Thérèse Hermange tout à l’heure, il serait bon que nous pratiquions l’attention à l’autre ; nos débats y gagneraient en clarté et, surtout, en rapidité !
L’amendement n° 5 vise à supprimer l’article 2, en cohérence avec les positions que j’ai prises hier au cours de la discussion générale.
Cet article comporte un ensemble de dispositions qui entraîneront un changement de fonctionnement de la société, ainsi qu’une déstabilisation supplémentaire de la vie de famille, alors que de nombreuses études démontrent que trop d'enfants ne passent pas assez de temps avec leurs parents.
L’article 2 sera également à l’origine de ce qui pourrait apparaître comme une véritable usine à gaz. Il créera en effet au moins huit catégories de travailleurs le dimanche, en dehors de ceux qui travaillent de façon indépendante : les salariés de l’alimentaire, qui travaillent déjà le dimanche matin ; les salariés des 180 professions soumises au régime normal du droit du travail parce qu’elles s’exercent forcément le dimanche ; ceux qui subissent éventuellement les cinq dimanches du maire ; ceux des communes et des zones touristiques où le travail dominical s’exerce de plein droit ; les salariés soumis au régime des cinq dimanches avec salaire doublé travaillant dans une commune touristique où s’appliquerait le régime de base ; les salariés des zones qualifiées « PUCE », volontaires paraît-il, payés double et avec repos compensateur ; les salariés soumis au régime d’Alsace-Lorraine – j’y suis personnellement très attaché – pour des raisons historiques et qui ne doit pas être modifié, ce qui prouve que l’on peut avoir de la considération et de l’intérêt pour ce régime, même si l’on n’est pas de cette région ; enfin, les salariés de l’agglomération lyonnaise, peut-être pour rappeler son passé d’ancienne capitale des Gaules.
Cela va multiplier les difficultés juridico-sociales sur le plan tant du principe d’égalité, selon le côté de la rue où l’on se situera, que de la concurrence.
Je refuse que la seule lumière émise par notre société s’apparente à l’enseigne d’une galerie marchande !
Le message de notre société risque de se résumer de plus en plus à l’injonction de consommer, porteuse, comme l’a dit un philosophe, de notre propre vide.
Nous devenons prisonniers d’une rationalité à courte vue qui valorise l’immédiateté et déconstruit les structures de médiation, notamment la famille. Cela gagne déjà les corps intermédiaires. Je prends le pari que la dernière victime d’une économie plongée dans la déraison sera l’État lui-même.
Nous avons tous besoin d’un « supplément d’âme » et non pas de régulation marchande ni d’argent. Le triomphe de l’individualisme absolutisé nous laissera un jour comme des sans domicile fixe sur le plan moral.
Notre société a tout simplement besoin d’un peu d’humanité. Je ne pense pas que ce texte aille dans ce sens. C’est pourquoi je propose la suppression de l’article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour défendre l'amendement n° 79.
Mme Odette Terrade. Le présent amendement, qui a pour objet de supprimer l’article 2 de cette proposition de loi, témoigne de notre refus de voir se généraliser le travail dominical contre les intérêts environnementaux, sociaux et sociétaux.
En effet, le droit au repos le dimanche n’est pas donné dans le seul intérêt des salariés : c’est un équilibre qui s’est progressivement construit, non sans difficulté, et qui permet à chacun et chacune d’entre nous d’avoir du temps pour soi et pour les autres.
De tout cela, malheureusement, monsieur le ministre, vous ne vous souciez guère. Ce qui vous importe, c’est de poursuivre avec le Gouvernement votre entreprise de dérégulation du code du travail et, au-delà, de la société tout entière. Ce qui vous importe, c’est de donner satisfaction au patronat et de légaliser des situations illégales.
Beaucoup de sénatrices et de sénateurs l’ont démontré, cette proposition de loi, particulièrement dans sa partie instaurant les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE, tend à résoudre le cas de zones commerciales, notamment celle de Plan–de–Campagne.
Mais ce constat d’une loi destinée à amnistier des situations illégales vaut également pour les communes des zones touristiques. J’en veux pour preuve le cas d’une boutique située sur les Champs-Élysées, spécialisée dans la maroquinerie de luxe – vous avez tous reconnu la boutique Louis Vuitton – qui a été condamnée, en mars dernier, pour ouverture illégale le dimanche.
Cette marque avait obtenu du préfet de Paris – à qui vous entendez donner tous les pouvoirs dans cette proposition de loi –…
M. Nicolas About. C’est déjà le cas !
Mme Odette Terrade. …une dérogation permanente pour ouvrir le dimanche, sur le fondement des dérogations au titre de la vente de biens et services destinés aux activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel, au sens de l’article L. 3132-25 du code du travail. Le préfet qui a accordé cette dérogation en 2005 devait avoir beaucoup d’imagination pour considérer que les sacs à main, les malles, les ceintures et autres colifichets de cette marque constituent des biens culturels !
M. Nicolas About. C’est de la création !
Mme Odette Terrade. Avec cette proposition de loi, l’ensemble des magasins situés dans les zones touristiques pourront ouvrir demain. Voilà donc une nouvelle situation illégale résolue !
En outre, je suis surprise, comme l’a été notre collègue Isabelle Pasquet, lors de son intervention dans la discussion générale, par les récentes déclarations présidentielles concernant la visite parisienne de Mme Obama. À écouter le Président de la République, il aurait dû lui-même décrocher son téléphone pour faire ouvrir une boutique de vêtements de luxe pour enfants située à deux pas du Sénat, rue Tournon.
Drôle de conception de la République : son premier représentant interfère lui-même auprès d’opérateurs privés pour leur demander de violer la législation en vigueur !
À cette occasion, Nicolas Sarkozy s’est exclamé : « Est-ce qu’il est normal que le dimanche, quand Mme Obama veut, avec ses filles, visiter les magasins parisiens, je doive passer un coup de téléphone pour les faire ouvrir ? » Eh bien ! effectivement, monsieur le président, vous avez raison, ce n’est pas normal ! Selon nous, la fonction présidentielle ne consiste pas à exiger de quelques-uns qu’ils violent la loi.
Au-delà de ce scandale, le Président de la République oublie de dire que Mme Obama a également visité, à cette occasion, les expositions Kandinsky et Alexander Calder au Centre Pompidou. Voilà notamment à quoi doit servir le dimanche : l’enrichissement culturel.
Il est d’ailleurs paradoxal que le Gouvernement qui a instauré la gratuité des musées le dimanche pour les moins de vingt-six ans, c’est-à-dire un public principalement étudiant, soit le même qui organise la généralisation du travail le dimanche pour, dites-vous, permettre aux étudiants de financer leurs études ! Mais nous l’avions déjà remarqué, lorsqu’il s’agit de faire passer vos attaques contre les acquis sociaux, vous n’êtes pas à une contradiction près !
Pour toutes ces raisons, et pour celles que nous avons développées au cours de nos interventions précédentes, particulièrement au regard du changement de société que vous nous proposez, nous entendons supprimer l’article 2.
L’importance de cet article est telle que nous demandons un vote par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 135 rectifié.
M. Jacques Mézard. La forme est rarement sans incidence sur le fond. Nous proposons la suppression de l’article 2 qui, monsieur le ministre, n’est ni un texte de simplification ni un texte de clarification : c’est un texte inéquitable.
Certes, la société bouge ; il est normal et sain que la loi accompagne cette évolution, mais il n’est pas normal que la loi instaure un régime à plusieurs vitesses – à huit vitesses, comme cela vient d’être rappelé – avec, en outre, une usine à gaz.
J’ai lu avec intérêt le rapport de Mme Debré, ainsi que le compte rendu des auditions. La commission sénatoriale n’a émis aucune proposition par rapport au texte de l’Assemblée nationale, considérant qu’il était parfait.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je n’ai pas dit qu’il était parfait !
M. Jacques Mézard. Notre groupe n’a pas l’habitude de multiplier les motions et les amendements. Nous constatons, à regret, qu’un vote conforme nous est imposé et qu’aucun amendement ne recevra un avis favorable du Gouvernement. C’est donc avec d’autant plus de conviction que nous maintiendrons cet amendement n° 135 rectifié visant à la suppression de l’article 2 de la proposition de loi.
Rappelons toute l’ambigüité de cet article, qui aggrave en réalité une inégalité de traitement entre les territoires et entre les salariés.
Selon vous, monsieur le ministre, ce texte modifie peu la situation actuelle, puisque déjà plusieurs millions de personnes travaillent le dimanche et que le dispositif ne concernerait que 200 000 salariés. Ce ne serait donc pas une affaire d’État. Et pourtant, quel acharnement pour obtenir un vote conforme sur ce texte !
De deux choses l’une : ou ce texte est important ou il est secondaire. En réalité, il ouvre une brèche dans un système, certes imparfait, qui justifiait des modifications et une réforme. Mais ce texte, avec les zones touristiques et les PUCE, instaure une différenciation de traitement entre les territoires qui aura des conséquences négatives pour les territoires voisins.
L’article 2 n’est aucunement un texte équilibré. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le compte rendu des auditions des syndicats. Je vous renvoie, mes chers collègues, à la page dix-neuf du rapport concernant les auditions des syndicats de salariés : « les syndicats de salariés ont souligné que la proposition de loi ne garantit, pour les salariés travaillant le dimanche dans les communes et les zones touristiques, ni repos compensateur, ni majoration salariale, ni droit au volontariat. Ils estiment que cette situation crée une inégalité avec les salariés des PUCE, qui bénéficieront de ces garanties. »
Comparons les auditions des syndicats avec la lettre que nous avons reçue de l’Union professionnelle artisanale, l’UPA : « La nouvelle version de la proposition de loi relative au repos dominical nous semble équilibrée, d’autant que les principales observations que nous avions formulées ont été prises en compte. »
Nous comprenons alors facilement à qui profite cette proposition de loi !
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Jacques Mézard. C’est non pas en raison de l’évolution législative pour résoudre ces problèmes sociétaux, mais eu égard à l’inégalité entre les territoires et les salariés que nous proposons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement prévoit de supprimer le cœur de la proposition de loi. La commission ne peut qu’y être défavorable.
Je me suis efforcée d’expliquer, lors de la discussion générale, pourquoi l’ouverture des commerces le dimanche pouvait être un facteur de croissance, notamment dans les zones touristiques. En outre, elle peut convenir à certains salariés, à certaines étapes de leur vie.
Je le répète, cette proposition de loi n’aura pas pour effet, loin s’en faut, de généraliser le travail le dimanche. Vous rappeliez à juste titre, monsieur Mézard, la lettre de l’UPA. Cette lettre indique également ceci : « L’UPA, qui est totalement opposée au principe d’une généralisation du travail dominical, sera très attentive à ce que l’équilibre de ce texte soit entièrement préservé. »
Selon vous, un vote conforme m’aurait été imposé. Je suis au regret de vous dire que tel n’a pas été le cas. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je n’avais aucun amendement de fond à apporter, et ce pour une raison très simple : depuis deux ans, avec Richard Mallié, nous nous sommes vus et téléphoné très souvent et nous avons essayé de travailler ensemble sur ce sujet. On pourrait parler de coproduction législative.
Nous avions déjà organisé une pré-CMP, en amont, lorsque j’avais été rapporteur d’un projet de loi ; Nicolas About pourrait le confirmer. (M. Nicolas About acquiesce.). Vous le voyez, je suis coutumière du fait ! C’est une nouvelle méthode, mais, après tout, pourquoi ne pas travailler ainsi ?
Je vous le garantis, on ne m’a pas imposé un vote conforme ! Je ne suis pas assez politiquement correcte pour me laisser imposer ce genre de chose ; mes collègues me connaissent suffisamment pour le savoir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP – Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Bien évidemment, la commission est défavorable à la suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Comme vous l’imaginez, monsieur le président, le Gouvernement peut difficilement accepter un amendement dont le but est précisément de supprimer la loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Pour répondre aux orateurs qui se sont exprimés ce matin, je persiste à penser que toutes ces observations ne sont pas à proportion. L’opinion publique nous regarde et voit comment sont convoquées des notions de civilisation, de philosophie, d’économie et d’environnement (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)…
M. Jean-Pierre Sueur. Nous le revendiquons !
M. Xavier Darcos, ministre. …pour une loi qui concernera seulement quelques centaines de milliers de travailleurs, qui s’ajouteront aux huit millions d’aujourd’hui, pour une loi qui par ailleurs régularisera des situations actuellement non-clarifiées et qui, de surcroît, protègera les salariés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées l’UMP et de l’Union centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Ce n’est nullement contradictoire !
Monsieur Sueur, vous qui avez cherché à me mettre en difficulté personnellement, il n’y a aucune incohérence…
M. Jean-Pierre Sueur. Ah bon ?
M. Xavier Darcos, ministre. …à vouloir rendre le week-end aux familles et à défendre la possibilité de se rendre dans un commerce le dimanche en famille, avec ses enfants, pour acheter des livres et des disques. C’est une manière de concevoir la famille !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est antinomique : les parents doivent travailler le dimanche !
M. Xavier Darcos, ministre. Moi, monsieur Sueur, j’ai aussi fait quelques études et je vais le dimanche avec mon fils chez Virgin. Je ne suis pas pour autant un ennemi de la culture ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite rebondir sur l’un des points que ma collègue Odette Terrade a soulevés. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Un peu de calme, mes chers collègues ; l’heure de la pause approche !
Monsieur le ministre, pour justifier cette proposition de loi, vous avez largement évoqué la situation des étudiants…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … qui sont contraints de travailler le dimanche pour financer leurs études. Curieuse démonstration que de prendre comme exemple une situation inacceptable ! Car si les étudiants travaillent le dimanche, mais également parfois le soir, voire pendant les journées de cours, c’est pour pallier une insuffisance de taille : la faiblesse et le manque des bourses universitaires.
Au mois de juillet dernier, l’INSEE a remis une étude précisant que 19,2 % des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur entre 2004 et 2006 cumulaient emplois et études. Par ailleurs, cette étude nous enseignait qu’un tiers de ces étudiants salariés, et ce n’est guère surprenant, occupaient des emplois dénués de tout lien avec leurs études. Il s’agit toujours de petits boulots alimentaires, qui riment bien souvent avec précarité. L’hôtellerie, la restauration et la grande distribution, qu’il s’agisse du secteur alimentaire ou des biens manufacturés, sont les principaux pourvoyeurs de cette main-d’œuvre.
La part d’étudiants exerçant une activité salariée en plus de leurs études est encore plus importante – cela n’échappera à personne – lorsqu’il s’agit de jeunes en situation d’autonomie, c'est-à-dire d’enfants d’ouvriers ayant quitté le domicile parental.
Le travail du dimanche n’est pas sans conséquences sur les étudiants. Ainsi, dans un document repris par la revue Économie et Statistique du mois de septembre 2004, l’Observatoire de la vie étudiante précise qu’« une activité régulière coupée des études, pratiquée de façon régulière et exercée au moins à mi-temps accroît fortement les risques d’échec ».
Voilà donc la société que vous voulez construire ! Une société qui repose sur les facultés financières des étudiants et de leurs parents ! Le travail obligatoire des étudiants issus des classes sociales les moins fortunées pèse comme un véritable fardeau sur la réussite des étudiants. Je pense que ce sera un nouveau facteur d’accroissement des inégalités.
Or, monsieur le ministre, loin de chercher à remédier à une telle situation, vous vous en servez au contraire pour justifier une proposition de loi injustifiable ; nous avons été nombreux à le souligner.
Pour notre part, au sein du groupe CRC-SPG, nous sommes convaincus qu’il faut tout faire pour renforcer l’égalité des droits. Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire du travail des étudiants et de ses conséquences néfastes sur leur réussite.
Mme Annie David. Ça, vous n’en avez pas parlé, monsieur le ministre !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C'est pourquoi nous proposons depuis des années la création d’une allocation d’autonomie jeunesse qui serait ouverte à tous les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans, afin de leur permettre de financer leur autonomie et leurs études sans pour autant avoir à les sacrifier.
Par ailleurs, les organisations syndicales que nous avons rencontrées sont toutes unanimes : le développement des systèmes d’auto-caisses, où le client scanne lui-même les produits qu’il achète, dans les grandes surfaces, y compris dans celles qui concernent l’équipement ou les travaux, entraîne la suppression d’emplois de caisses, c'est-à-dire de postes généralement dédiés aux étudiants. Il faudra bien que vous leur apportiez demain une véritable réponse.
Ceux-ci servent d’alibi à la présente proposition de loi, laquelle ne résoudra pas leurs difficultés ; pire, elle les accroîtra.
C’est pourquoi nous voterons en faveur de la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le ministre, on ne peut qu’être d'accord avec ce que vous venez d’indiquer. Il est évident que le débat d’aujourd'hui n’est pas à proportion. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Le sujet dont nous discutons concerne, dites-vous, quelque 100 000 salariés, ou un peu plus.
Toutefois, vous qui, comme vous l’avez également souligné, avez fait quelques études (Protestations sur les travées de l’UMP), ce dont personne ici ne disconvient, vous devriez aller au bout de votre raisonnement, c'est-à-dire admettre que nous débattons aujourd'hui d’une loi d’amnistie déguisée !
M. Jean-Pierre Michel. Tout le reste n’est que littérature pour enrober le problème !
Avec la « rupture » voulue par le Président Nicolas Sarkozy, il n’y a plus de loi d’amnistie présidentielle. L’ancien magistrat que je suis ne le regrette pas. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Mais il vaudrait mieux ne pas revenir sur les bonnes décisions qui ont été prises en présentant aujourd'hui une loi d’amnistie sur des problèmes existants, notamment – il faut bien le dire –, dans la circonscription de l’auteur de cette proposition de loi.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. C’est la même chose dans mon département !
M. Jean-Pierre Michel. Par conséquent, madame Debré, les coups de fils multiples que vous lui avez donnés ne sont pas, me semble-t-il, à porter à votre crédit.
M. About, auquel il est arrivé d’être mieux inspiré qu’en ce moment,…
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jean-Pierre Michel. … affirmait hier à la tribune que tout cela cesserait immédiatement, l’inspection du travail, prétendait-il, allant débusquer toutes les infractions commises dans les grandes surfaces. Mais tout le monde sait très bien ici que c’est faux, car ce n’est pas possible ! Budget après budget, l’inspection du travail a été mise à bas par la faiblesse des crédits que vous lui avez consacrés.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel. Tous les syndicats représentatifs de l’inspection du travail le disent ! Comment l’inspection du travail pourra-t-elle aller constater les infractions qui ne manqueront pas de se produire dans les grandes surfaces ?
Peut-être nous présenterez-vous demain un nouveau texte législatif sur le même thème pour ouvrir encore un peu plus la brèche, pour reprendre l’expression de mon excellent collègue Jacques Mézard, en amnistiant les infractions qui seront commises après le vote, si vote il y a – et je souhaite que certains reprennent conscience –,…
M. Alain Gournac. Mais nous n’avons pas perdu conscience !
M. Jean-Pierre Michel. … de la présente proposition de loi.
Par conséquent, et malgré tous les débats de société qui encombrent l’examen de ce texte, convenons que l’objet de celui-ci est trivial : il s’agit simplement d’amnistier les grandes surfaces qui ne respectent pas le droit du travail et la législation sur l’ouverture des magasins le dimanche. Rien de plus ! D’ailleurs, l’auteur de cette proposition de loi l’a lui-même reconnu, et de manière encore plus explicite que nous ne le pensions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, je souhaite répondre à l’ancien magistrat que vous êtes, car deux de vos affirmations sont erronées.
D’une part, si vous aviez été présent hier, vous m’auriez entendu indiquer que l’adoption de la présente proposition de loi ne vaudrait nullement interruption des procédures pénales et des divers contentieux en cours. Et je serais surpris d’entendre le magistrat que vous êtes prétendre que la loi contraindra des juges à relaxer des prévenus ou des personnes faisant l’objet d’une procédure pénale.
D’autre part, vous êtes également mal informé sur l’inspection du travail. En effet, un plan de modernisation de l’inspection du travail sans précédent depuis trente ans a été mis en place.
M. Alain Gournac. Grâce à Gérard Larcher !
M. Xavier Darcos, ministre. L’année prochaine, 700 postes budgétaires seront créés, ce qui portera le nombre d’inspecteurs du travail de 1 300 à 2 000 !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Xavier Darcos, ministre. Vous ne pouvez donc pas prétendre que le Gouvernement a renoncé à ses missions en matière d’inspection du travail, même si je reconnais que le travail de ces fonctionnaires est difficile. En tout cas, vous ne pouvez pas affirmer que le Gouvernement a cherché à affaiblir l’inspection du travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Voilà une précision qui s’imposait !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous nous avez parlé de la vie d’un ministre qui se rend au magasin Virgin avec ses enfants, le dimanche. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je suppose, comme me le suggérait ma collègue Raymonde Le Texier, que, dans le même temps, l’épouse de ce ministre tient la caisse chez Leroy-Merlin le dimanche… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Xavier Darcos, ministre. Il y a déjà aujourd'hui des caissières qui travaillent le dimanche ! La loi n’apporte rien de nouveau !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous en arrivons à des situations très surprenantes.
Tout comme M. le ministre de la culture et de la communication nous vante dans la presse ce grand événement culturel qu’est le Tour de France, le ministre de l’éducation nationale d’hier nous présente sa vision des choses.
Monsieur le ministre, je voudrais vous renvoyer à ce que vous avez vous-même déclaré – cela figure dans le Journal officiel des débats de l’Assemblée nationale et du Sénat – pour défendre la suppression de l’école le samedi. Plusieurs expressions revenaient alors souvent dans vos interventions : « vie familiale »,…
M. Jean-Pierre Sueur. … « respect des nouveaux rythmes de la famille », ou encore « manière d’être ensemble pendant tout le samedi et tout le dimanche ». Vous évoquiez également les familles monoparentales, en soulignant les problèmes rencontrés par les enfants qui doivent aller voir leur père ou leur mère. Selon vous, le nouveau contexte familial constituait un argument très fort pour réduire le nombre d’heures d’école, notamment pour les enfants qui en ont le plus besoin.
M. Nicolas About. Nous sommes toujours dans la même logique !
M. Jean-Pierre Sueur. Aussi, monsieur le professeur, j’aimerais vous soumettre le sujet de dissertation suivant : « Sachant que les enfants ne travaillent plus le samedi, comment justifier que leurs parents travaillent le dimanche ? »
M. Alain Gournac. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous verrons bien, monsieur Gournac !
Comment peut-on défendre de telles mesures au nom d’une certaine idée de la vie familiale et de l’humanisme ?
Monsieur le ministre, vous nous dites que ce n’est pas une question de société. Eh bien ! si, c’est une question de société ! L’enjeu est de savoir quelle idée nous nous faisons de l’éducation, du vivre-ensemble et des rythmes de vie, c'est-à-dire, plus généralement, quelle est notre conception de la société.
Vous savez que ce débat est très important, notamment au vu des différentes traditions politiques de notre pays et de la législation datant de 1906.
Le vote qui aura lieu dans quelques instants – chacun pourra s’exprimer, puisqu’il s’agira d’un vote par scrutin public – sera donc décisif et, à l’instar de nombreux Français, nous y attachons la plus haute importance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 79 et 135 rectifié.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 203 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 157 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 80 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Au début du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail, supprimer les mots :
Dans l'intérêt des salariés
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 10.
Mme Raymonde Le Texier. Parmi les amendements dont nous aurons à débattre aujourd'hui, celui-ci n’est pas le plus fondamental. Il offre néanmoins un intérêt politique et symbolique certain.
Quelle raison y a-t-il à apporter une telle précision à l’article L. 3132-3 du code du travail ? Pourquoi vouloir ajouter « dans l’intérêt des salariés » à un article clair qui se suffit à lui-même ? C’est une précision inutile et, de mon point de vue, légèrement perverse. En effet, pourquoi apporter cette précision maintenant ? Pourquoi spécifier : « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. », au moment même où vous généralisez le contraire, où vous banalisez non pas le repos, mais le travail dominical ? Ne serait-ce pas, justement, pour tenter maladroitement d’atténuer la triste réalité de votre projet ?
Sous couvert d’un ajout purement déclaratoire prétendument destiné à protéger les salariés, vous réduisez drastiquement les raisons, les intérêts, tous les intérêts, pour lesquels le repos hebdomadaire a été instauré le dimanche. Le repos hebdomadaire a été instauré le dimanche non seulement dans l’intérêt des salariés, mais également dans l’intérêt de leur santé physique, de leur santé psychique : il s’agit d’un repos, mais surtout d’un repos en famille. Ce repos est donc également dans l’intérêt de l’entreprise et des employeurs : avec une bonne santé, les salariés sont plus productifs, ils remplissent plus efficacement leurs tâches. C’est au final l’entreprise qui récolte les fruits de cette meilleure productivité. Pourquoi pas ?
Mais votre formulation est quelque peu perverse en ce qu’elle nie d’autres intérêts plus importants encore que ceux du salarié ou de l’entreprise.
Le repos hebdomadaire le dimanche, c’est évidemment, d’abord et avant tout, dans l’intérêt des individus, du couple, de la famille, de la société tout entière.
Nous sommes nombreux ici, sur toutes les travées, à nous plaindre du délitement de notre société, à craindre l’affaiblissement de notre « vivre ensemble ». Ce sera infiniment pire si le repos dominical disparaît. Les uns et les autres l’ont, ici, largement démontré.
Certains ne cessent de stigmatiser le désengagement des parents dans l’éducation de leurs enfants. Ils se plaignent de l’absence d’échanges entre parents et enfants et du manque de moments disponibles pour parler, échanger, jouer, transmettre les leçons de la vie, vivre.
Vraiment, ne voyez-vous pas que c’est dans l’intérêt de tous de préserver le dimanche comme jour de repos commun ?
Si, pendant des décennies, nos prédécesseurs n’ont pas jugé nécessaire d’apporter cette précision, d’ajouter dans le code du travail « dans l’intérêt des salariés, », c’est bien parce qu’il s’agit non pas de l’intérêt des salariés, mais de l’intérêt de tous, et que toute précision serait automatiquement exclusive.
C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter notre amendement, qui vise à rétablir cet intérêt supérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l'amendement n° 80.
Mme Isabelle Pasquet. À l’occasion de cette proposition de loi, vous proposez de modifier l’article L.3132-3 du code du travail. Celui-ci prévoyait une règle impérative, posait un principe fondamental : « Le repos hebdomadaire est donné le dimanche. »
La nouvelle rédaction que vous proposez est pour le moins curieuse puisque d’une règle impérative, d’ordre commun, vous faites une règle individualisée : le repos le dimanche n’est accordé que dans l’intérêt du salarié. Certes, me direz-vous, c’est heureux ! Il faut dire que la seule suppression de cet article L.3132-3 aurait été un peu difficile à justifier.
Il vous fallait alors trouver un stratagème pour affaiblir le principe général, tout en donnant l’impression de vous préoccuper des salariés.
Sur quels critères le juge éventuellement saisi mesurera-t-il l’intérêt du salarié ? S’agira-t-il d’intérêts économiques, familiaux, de santé ? Personne ne le sait !
Du coup, cette formulation très vague laisse interrogatif et permet d’imaginer, voire de craindre, au vu des pratiques déjà en œuvre dans certaines entreprises, la préparation d’une autre phase de contentieux, et donc d’une autre phase de légalisation. Ainsi, les tribunaux auront à constater une généralisation du travail le dimanche dans tous les secteurs de l’économie, au prétexte que les salariés, sous la pression permanente d’un odieux chantage à l’emploi, auront signé à leur employeur une décharge consistant à admettre que leur renoncement au repos dominical ne nuit pas à leurs intérêts. Si tel n’est pas le cas, pourquoi modifier la législation en vigueur ?
Par ailleurs, nous considérons que l’existence d’un jour de repos commun et collectif, s’il est bénéfique au salarié, est également nécessaire à une société harmonieuse. Ce repos dominical profite tout autant aux salariés, qui trouvent en ce jour un temps pour se reconstruire physiquement, qu’à la société dans son ensemble, qui dispose d’un temps ouvert permettant l’engagement de tous dans la construction d’un « vivre ensemble » qui exige toujours plus de mise en commun.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous nous opposons à une rédaction obscure, source de conflits et privant le repos dominical de l’aspect sociétal dans lequel il s’inscrit aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La précision selon laquelle le repos hebdomadaire est donné le dimanche dans l’intérêt des salariés s’inspire de la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle a été apportée, sur proposition de nos collègues Pierre Méhaignerie et Jean-Frédéric Poisson, pour insister sur la protection des salariés et sur l’attention que nous portons tous à la vie personnelle des salariés. Elle n’est absolument pas antinomique avec le principe de protection du salarié : elle est au contraire complémentaire.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. C’est en effet l’Assemblée nationale qui est à l’origine de cet ajout, qui conforte l’intérêt des salariés. Je ne vois pas pourquoi nous reviendrions sur le travail des députés.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 10 et 80.
M. Jean-Pierre Michel. Bien entendu, je voterai cet amendement.
J’en profite pour remercier M. Darcos de la réponse qu’il m’a apportée tout à l’heure.
Nous savons que les travaux préparatoires à la loi sont importants, notamment nos débats. M. Darcos a indiqué qu’il n’y aurait pas de circulaire de Mme la garde des sceaux demandant au parquet de classer sans suite les procédures engagées ou, éventuellement, de requérir à l’audience des relaxes, en vertu de la loi qui va être votée. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 80.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Repos dominical
Suite de la discussion d’une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 2, à l’amendement n° 11.
Article 2 (suite)
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le repos dominical a pour finalités le respect de la protection de la santé, de la qualité de vie en société, de la vie privée et familiale et de l'exercice de la responsabilité parentale, ainsi que du droit effectif aux loisirs et aux activités culturelles et sportives. »
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Le dimanche apparaît comme un marqueur socio-historique essentiel et constitue un temps de respiration collective permettant aux individus qui travaillent durant la semaine de se retrouver pour d’autres activités et pour des échanges non marchands.
La consommation ne doit pas être le seul moteur ni la seule valeur de notre fonctionnement social. Par ailleurs, nous devons éviter de renforcer les dangers liés à l’addiction à l’acte d’achat, qui peut conduire au surendettement.
Le dimanche est un temps d’échange entre parents et enfants, essentiel à la vie familiale. Il permet aussi l’exercice de loisirs épanouissants, d’échanges sociaux et, pour certains de nos concitoyens, un enrichissement de leur vie spirituelle.
Il convient de rappeler dans la loi, de manière solennelle, ces dimensions importantes pour la personne humaine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales. Sur le fond, je suis en parfait accord avec vous, monsieur Le Menn. En revanche, sur la forme, une telle disposition, dont la portée est uniquement déclarative, aurait pour conséquence d’alourdir le texte.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Je partage l’avis de la commission.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune autorisation de dérogation au repos dominical ne peut être accordée à une entreprise ou un établissement dépourvu d'accord salarial datant de moins de deux ans en application de l'article L. 2242-8 ou d'un accord salarial de branche de moins de deux ans en application de l'article L. 2241-1. »
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Cet amendement a pour objet de mettre en évidence et de tenter d’empêcher un effet pervers prévisible de cette proposition de loi pour l’ensemble des commerces susceptibles de bénéficier de dérogations. Car le texte laisse largement ouverte la possibilité qu’une dérogation soit accordée dans une entreprise ou un établissement non couvert par un accord salarial.
La faculté pour l’employeur de décider unilatéralement de l’ouverture dominicale, avec des contreparties approuvées par référendum, soit le doublement du salaire pour la journée et le repos compensateur d’une journée, ou moins encore, risque dans bien des cas de tenir lieu de politique salariale.
Cela ne doit pas exonérer l’employeur de mettre en place une politique de progression des carrières, de revalorisation régulière, et des procédures de validation des acquis en s’appuyant, notamment, sur le droit individuel à la formation.
Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’un groupe de sénateurs travaille actuellement sur la formation professionnelle, dont la réforme sera présentée au Sénat le 21 septembre, soit un lundi, et non un dimanche ! (Sourires.)
Nous ne devons pas oublier que la profession de caissière demeure menacée à terme, même si, pour le moment, en raison de la situation économique, un consensus existe pour ne pas mettre en place dans les hypermarchés les moyens techniques de scannage des caddies. Des expériences ont cependant déjà été faites en ce sens et 200 000 emplois sont directement menacés à terme.
Si l’on ajoute à cela les emplois qui seront très vite en danger dans les petits commerces, le bilan global de l’opération « Travail le dimanche » risque d’être catastrophique en termes d’emplois : pas de créations, mais des suppressions par transfert de consommation, et rien pour empêcher les suppressions en masse.
Il est donc urgent, plutôt que de développer un rideau de fumée autour du travail dominical, de se préoccuper du sort des personnels des grandes surfaces. C’est très exactement le profil des personnes qui auront besoin de formation pour préparer leur reconversion. Dans le souci de protéger les personnels, nous voulons rappeler ces données et prévoir, dès à présent, l’existence d’un accord salarial récent comme condition à toute autorisation d’ouverture dominicale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La loi en faveur des revenus du travail du 3 décembre 2008, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, a déjà créé des mécanismes d’incitation à la conclusion d’accords salariaux. Mieux vaut, pour le moment, laisser cette loi produire ses effets. Nous évaluerons ainsi son impact avant d’introduire de nouvelles dispositions.
Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Nous partageons le souhait de Mme Blondin que soient dynamisés les revenus du travail, mais cette question a déjà été réglée par l’entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2008, qui incite les entreprises à mener une négociation annuelle sur les salaires en conditionnant les aides de l’État à l’existence de cette négociation.
Cet amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Madame Blondin, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
Mme Maryvonne Blondin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune autorisation de dérogation au repos dominical ne peut être accordée à une entreprise ou un établissement dépourvu d'un plan d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en application des articles L. 1143-1 et L. 1143-2. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Les femmes gagnent aujourd’hui, en moyenne, entre 20 % et 25 % de moins que les hommes.
Cette situation est due à ce que l’on considère comme des raisons objectives, bien qu’elles n’en soient pas : des études moins poussées, notamment dans les matières scientifiques et techniques, et surtout un arrêt d’activité professionnelle après la naissance des enfants, parfois durant trois ans et plus, ce qui pose ensuite des problèmes quasi-insurmontables de réinsertion professionnelle. Diverses études sont d’ailleurs en cours, notamment le rapport Grésy, sur le raccourcissement du congé parental et sur la hausse de sa rémunération.
Dans le commerce et la grande distribution, la situation est particulièrement mauvaise pour les femmes. Elles occupent les emplois subalternes, intérimaires, précaires, à temps partiel subi, souvent avec des coupures quotidiennes qui conduisent à des amplitudes horaires incompatibles avec leur vie familiale.
Ces femmes sont très vulnérables, car elles sont tentées par une très faible augmentation de leur pouvoir d’achat en contrepartie d’un travail dominical qui ne fera qu’aggraver leurs conditions de vie personnelle et familiale. Je pense, notamment, aux femmes qui sont séparées de leur compagnon ou aux mères célibataires. Comment, dans ces conditions, parviendront-elles à assumer l’éducation de leurs enfants ?
Les femmes occupant des emplois peu qualifiés et mal payés cumulent les handicaps. Il est donc indispensable que le travail dominical ne puisse pas être utilisé par les employeurs comme un appât sur le plan strictement pécuniaire, et pour des sommes ridicules, alors que c’est leur vie et celle de leurs proches qui serait malmenée.
Ce gouvernement, comme d’autres avant lui, n’est pas avare de promesses sur l’égalité professionnelle ; j’en veux pour preuve la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. On nous promet, cette fois-ci, un grand plan en la matière pour 2010. Acceptons-en l’augure !
Certes, en matière d’égalité professionnelle, les pouvoirs publics ne peuvent pas tout. Mais nous avons là un exemple précis de conditionnalité d’une autorisation donnée à des employeurs par les pouvoirs publics à l’existence d’un plan pour l’égalité professionnelle. C’est une occasion à ne pas manquer, surtout parce que nous savons tous qu’il concerne les femmes les moins bien traitées de toutes les branches professionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous sommes tous conscients que les femmes représentent une part importante des salariés du commerce, mais je trouve quelque peu étrange d’établir un lien entre les dérogations au repos dominical et le plan d’égalité femmes-hommes.
Les partenaires sociaux se sont saisis de cette question de l’égalité professionnelle femmes-hommes. Je vous propose d’attendre les résultats de leurs réflexions et de leurs travaux afin de pouvoir en discuter ultérieurement.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Vous avez raison, madame Printz, de souhaiter l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes. Mais pas seulement le dimanche ! Évoquer cette question à l’occasion d’une réflexion sur les dérogations au repos dominical reviendrait à limiter la portée des projets gouvernementaux relatifs à la parité et à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Plus généralement, le Gouvernement est attentif à ces sujets. Le rapport de Mme Grésy, qui m’a été remis la semaine dernière, prévoit un certain nombre de conditions ainsi que des sanctions pour les entreprises qui ne les respecteraient pas.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Il peut paraître risible à certains d’évoquer un tel plan d’égalité salariale entre les hommes et les femmes lors de l’examen d’une proposition de loi relative au travail le dimanche.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ce n’est pas risible !
Mme Annie David. Mon propos ne vous visait pas, monsieur le ministre.
Selon moi, l’amendement n° 13 est la traduction d’une demande tendant à faire respecter par l’ensemble des entreprises le plan d’égalité salariale entre les hommes et les femmes qui doit être appliqué – vous avez raison – non seulement le dimanche, mais aussi tout au long de la semaine et de l’année.
Si ce plan n’existe pas dans l’entreprise, refuser à celle-ci une dérogation au travail le dimanche l’obligerait à mettre en place un tel plan avant d’obtenir cette autorisation accroissant encore davantage les inégalités entre les salariés.
Si, pour certains, il paraît étrange, voire risible, de formuler cette proposition, pour notre part, elle nous semble tout à fait fondée vis-à-vis d’une entreprise qui ne respecte déjà pas les règles figurant dans le code du travail, tel le plan d’égalité salariale entre les hommes et les femmes qui s’impose à toutes les sociétés.
Aujourd’hui, nous le savons toutes et tous dans cet hémicycle, dans nombre d’entreprises, ce plan soit n’existe pas, soit n’est pas respecté. Nous ne devons donc pas accorder à ces entreprises des dérogations supplémentaires qui créeront de nouvelles inégalités salariales.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC-SPG voteront l’amendement n° 13.
M. le président. Madame Printz, l’amendement n° 13 est-il maintenu ?
Mme Gisèle Printz. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant toute modification aux dispositions relatives au repos dominical, une étude d'impact étudiant les conséquences notamment en matière d'emploi, de transfert de consommation entre catégories de commerces et entre territoires, d'environnement, et de demandes de fonctionnement des services publics, est déposée par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat. »
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. La présente proposition de loi nous est soumise après un avis du Conseil économique, social et environnemental, présenté par M. Salto, rapporteur issu du groupe des entreprises privées, et une étude, très controversée, de M. Bailly, chargé de mission à la suite de l’adoption d’un amendement critiqué dans nos murs. Ces deux textes concluent à la possibilité d’ouverture dominicale des commerces, mais avec d’importantes réserves.
Aux termes du rapport Salto, « l’ouverture dominicale de commerces entraînerait des modifications structurelles substantielles dans l’organisation du fonctionnement de la société, impliquant nombre d’autres professions et notamment les services publics, les services à la personne (ouverture de crèches pour garder les enfants…) et les services de logistique et de maintenance. De même l’équilibre entre les différentes formes de commerce pourrait se voir remis en cause de façon accélérée. Dès lors, la question posée est celle du modèle de société auquel nous aspirons. »
Ces deux textes ont permis aux représentants des centrales syndicales de s’exprimer clairement sur l’ouverture dominicale des commerces. Le moins que l’on puisse dire est que leur appréciation est négative. Est négative aussi celle de l’Union professionnelle des artisans et de la CGPME, ce qui est sans doute encore plus significatif.
Rappelons, notamment, que 90 % des commerçants se sont dits favorables au maintien du repos dominical, dont 94 % gérant des magasins d’équipement sportif et 96 % des magasins de vêtements et de chaussures.
Une étude du CREDOC du mois de novembre 2008 sur l’opinion a donné des résultats clairs : le petit commerce subira une évasion de clientèle, ce qui signifie qu’il y a transfert et non augmentation de la chalandise, et l’emploi restera, au mieux, stable ; au pire, il diminuera, ce qui n’est pas forcément l’objectif que doit chercher à atteindre tout gouvernement ou législateur responsable.
Tels sont aujourd’hui les documents dont nous disposons. Aucune étude d’impact n’a été réalisée par les pouvoirs publics, par des services d’études officiels, non pas pour exprimer une opinion, mais pour étudier de manière objective l’impact de la présente proposition de loi.
Pour les collectivités territoriales que nous représentons, cette affaire n’est pas neutre. Allons-nous devoir faire face à des demandes d’ouverture de crèches ou de haltes-garderies, ce qui impliquerait – ce dont rêve M. Sarkozy –, que les personnels de ces structures travaillent aussi le dimanche ? Leur salaire serait-il alors doublé ? Ces employés bénéficieraient-ils aussi d’un repos compensateur ? Ce serait parfaitement normal, mais comment l’organiser et avec quels fonds ? Les grandes enseignes seraient-elles sollicitées ou seuls les contribuables seraient-ils mis à contribution ?
Faudrait-il renforcer les transports publics en fin de semaine ? Dans cette hypothèse, selon quelle organisation et avec quels crédits ?
L’ouverture dominicale des commerces se fait-elle au détriment non seulement des petits commerces, mais aussi des impôts locaux, ce qui porterait fatalement atteinte au pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens ?
Nous ne disposons d’aucune étude sur ces questions importantes. C’est pourquoi nous demandons que, préalablement à toute décision, une étude d’impact soit présentée afin d’éclairer le Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ma chère collègue, comme vous le savez, sur l’initiative de notre collègue Pierre Méhaignerie, un comité de suivi va être créé. Il sera composé à parité de membres de la majorité et de l’opposition. Il lui appartiendra d’évaluer les effets de la loi dans l’année qui vient. Il reviendra alors aux parlementaires d’apporter les éventuelles corrections nécessaires.
La commission émet donc un avis défavorable sur votre amendement.
Certes, nous ne disposons d’aucune étude d’impact, mais de nombreuses recherches et comparaisons ont été réalisées dans d’autres pays. De ce fait, nous connaissons les résultats qu’un tel texte pourrait produire. La crise que nous connaissons ne fait qu’ajouter à la difficulté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Je ne commenterai pas le fait que les projets de loi bénéficient d’études d’impact, contrairement aux propositions de loi. C’est ainsi !
Par ailleurs, comme vient de le dire Mme le rapporteur, de nombreuses études ont été effectuées avant l’examen de la présente proposition de loi. Un comité de suivi a également été créé par un amendement de M. Méhaignerie.
On peut considérer le rapport du Conseil économique, social et environnemental, évoqué par Mme Jarraud-Vergnolle, comme une étude d’impact préalable qui a fait l’objet d’une analyse approfondie.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. À titre de comparaison avec les autres pays d’Europe, notons qu’une étude d’impact a été réalisée en Grande-Bretagne sur l’ouverture des magasins de chaussures le dimanche. Il ressort de cette étude que, voilà quelques années, ces magasins étaient au nombre d’environ 11 000, alors qu’aujourd’hui ils ne sont plus que 350.
Il est dommage qu’une étude de ce type n’ait pas été effectuée en France avant le vote de la présente proposition de loi.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Elle a été faite !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Alors, on ne veut pas nous communiquer ses résultats !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 139 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Barbier et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde, MM. Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Telle que la proposition de loi est rédigée, l’obligation d’une double rémunération et d’un droit au repos compensateur ne s’applique pas à l’ensemble des travailleurs du dimanche. Dans les communes d’intérêt touristique ou thermales, ces contreparties ne seront pas obligatoires, puisque l’Assemblée nationale a prévu des négociations collectives sans obligation de résultat.
Cet amendement tend donc à rétablir une égalité entre tous les travailleurs du dimanche.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le I bis de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 3132-3 du même code, il est inséré un article L. 3132-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3-2 - Les contreparties accordées au titre du travail dominical sont constituées au minimum pour chaque salarié privé de repos le dimanche du bénéfice d'une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et d'un repos compensateur équivalent en temps. »
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Sans revenir sur notre opposition de principe à toute extension du travail dominical au-delà des services nécessaires, nous entendons fixer dans la loi l’obligation de contreparties significatives pour ceux qui seraient contraints de s’y soumettre.
À cette fin, l’amendement n° 14 vise à l’octroi de contreparties pour tout travail dominical. Il en précise les modalités : une majoration de 100 % du salaire et un repos compensateur équivalent en temps, soit également de 100 %.
Ces deux points se justifient pleinement en raison de la nature particulière du travail dominical. Nous sommes non plus dans la configuration d’heures supplémentaires qui mobilisent les salariés quelques heures par jour, mais dans celle d’une journée consacrée à l’activité professionnelle. Il s’agit d’une véritable atteinte à la vie personnelle, familiale et sociale des personnes, qui doit donc être compensée à juste proportion.
La compensation financière, qui est souvent l’appât par lequel l’employeur conduit des salariés sous-payés à accepter de travailler le dimanche, n’est qu’un élément de cette compensation.
Le temps est un élément fondamental. Si vous admettez, au pire, que les salariés travaillent le dimanche, il convient au moins qu’ils disposent d’une journée de compensation, en plus des repos légaux, ne serait-ce que pour compenser leur préjudiciable absence ce jour-là auprès de leurs enfants. De surcroît, une véritable discrimination sera créée : certains enfants, que nous souhaitons les plus nombreux, passeront le dimanche avec leurs parents, alors que d’autres resteront seuls, avec une nourrice, avec une gardienne, ou devant la télévision.
Rappelons que ces repos par semaine ne sont que de 24 heures auxquelles s’ajoutent 11 heures, soit un total de 35 heures, en application des articles L. 3132-1 et L. 3132-2 du code du travail. De plus, ils ne sont même pas consécutifs. Seule la fraction de 24 heures l’est.
De surcroît, il n’est écrit nulle part dans les propositions que vous nous soumettez que ce travail dominical serait limité à un nombre prédéterminé de dimanches par an. Un salarié pourra être définitivement privé de repos dominical, le volontariat étant évidemment un leurre dans la plupart des cas.
La logique est très différente de celle des heures supplémentaires, puisque la durée du travail hebdomadaire est limitée expressément par la loi. En l’espèce, aucune limite n’est prévue.
Nous suggérons donc que des règles précises, de principe et d’ordre public soient fixées en ce domaine et qu’elles concernent tous les salariés relevant du code du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous avons déjà discuté, hier, me semble-t-il, d’amendements comparables.
L’amendement n° 139 rectifié tend à imposer le principe d’un salaire double et d’un repos compensateur équivalent pour tous les salariés qui travaillent le dimanche, quelle que soit leur situation juridique et économique. Il ne me paraît pas raisonnable d’imposer une règle d’application si générale.
Aujourd’hui, pour les zones touristiques, par exemple, rien n’est prévu dans la loi. La proposition de loi impose, elle, une obligation de négociation, avancée non négligeable.
La commission vous demande donc, monsieur Mézard, de bien vouloir retirer l’amendement n° 139 rectifié, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
J’émets le même avis en ce qui concerne l’amendement n° 14.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Que les auteurs de ces amendements me pardonnent : comme je leur ai déjà répondu à plusieurs reprises et dans le détail, notamment en donnant mon avis tout à l'heure sur l’amendement n° 72, à l’article 1er, je ne répéterai pas les arguments que j’ai déjà développés.
J'ajouterai simplement que, comme l’a souligné Mme le rapporteur, ce texte constitue un progrès pour les personnes travaillant déjà le dimanche.
M. le président. L'amendement n° 81, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I ter de cet article :
I ter. - L'article L. 3132-23 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions de l’article L. 3132-23 du code du travail, qui concernent les dérogations accordées par le préfet.
En effet, cet article prévoit que « l’autorisation accordée à un établissement par le préfet peut être étendue à plusieurs ou à la totalité des établissements de la même localité exerçant la même activité, s’adressant à la même clientèle, une fraction d’établissement ne pouvant, en aucun cas, être assimilée à un établissement ».
Cette disposition, qui permet à certains établissements jouxtant des magasins ouverts le dimanche de travailler eux aussi ce jour-là, constitue une violation du principe du repos dominical.
Sa justification réside, notamment, dans l’existence d’une jurisprudence portant sur la notion de concurrence, celle que vous entendez affirmer, chers collègues de la majorité, comme « étant libre et non faussée ».
En fait, nous en revenons à votre conception du libéralisme, que nous ne pouvons partager, celle du « renard libre dans un poulailler libre » !
Une telle concurrence pèse sur les salariés, dont certains se voient contraints de travailler le dimanche, alors même que leur établissement n’aurait pu obtenir de dérogation !
Cette disposition constitue une véritable provocation : il suffit qu’une seule enseigne ouvre le dimanche, dans une zone déterminée, pour que toutes les autres fassent de même ; plus concrètement, si une seule enseigne d’ameublement s’installe, tous les autres établissements peuvent en faire autant ! Voilà comment la loi organise elle-même sa violation. Que l’on ne nous dise plus qu’il ne s’agit pas de généraliser le travail le dimanche !
Avec cette disposition, le principe du repos dominical pourrait devenir obsolète, d’autant que, en commission, Mme le rapporteur nous a démontré qu’il suffisait à une enseigne d’ouvrir un rayon jardinerie pour que l’ensemble du magasin travaille le dimanche !
La référence aux PUCE devient presque inutile et l’article L. 3132-23 du code du travail pourrait, à terme, grâce à d’importants contournements de la loi, permettre l’ouverture généralisée des commerces le dimanche.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article du code du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Le dispositif de l’article L. 3132-23 du code du travail vise à égaliser les conditions de concurrence, ce qui me semble très utile, en permettant aux préfets d’autoriser l’ouverture dominicale de tous les commerces situés dans une même localité et exerçant la même activité.
Il serait donc tout à fait dommageable, et même dangereux, de le supprimer, comme le proposent les auteurs de cet amendement, car un grave problème de concurrence se poserait immédiatement.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. « Que l’on ne nous dise plus qu’il ne s’agit pas de généraliser le travail le dimanche ! », demandez-vous, madame Pasquet. Eh bien si, je vais le répéter, car l’article L. 3132-23 du code du travail vise précisément à éviter une telle généralisation.
En effet, la procédure prévue est particulièrement précise. Elle permet simplement l’octroi de dérogations à des établissements commerciaux similaires, c'est-à-dire exerçant la même activité et s’adressant à la même clientèle sur un territoire donné.
C’est donc un dispositif pragmatique, qui, contrairement à ce que vous affirmez, madame la sénatrice, empêchera l’extension de l’ouverture dominicale aux commerces d’une nature différente de celle des établissements qui bénéficient déjà d’une autorisation.
Je ne puis donc être que défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I quater de cet article :
I quater. - Dans l'ensemble des branches où des dérogations administratives au repos dominical sont applicables, les organisations professionnelles d'une part et les organisations syndicales représentatives d'autre part engagent des négociations en vue de la signature d'un accord relatif aux contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical lorsque la branche n'est pas déjà couverte par un accord. Ces contreparties ne peuvent être inférieures à une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, et à un repos compensateur équivalent en temps.
La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Depuis le début de la séance, le mot « défavorable » revient comme une litanie ! À mon tour, je défendrai une proposition qui a déjà été présentée, mais à laquelle nous tenons particulièrement, notamment parce que nous observons, sur le terrain, les abus qui peuvent être commis dans des zones touristiques.
Il s'agit d’un amendement de précision, qui tend à reprendre les termes du I quater, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, mais en ajoutant que les contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical ne pourront être inférieures à un doublement du salaire dû pour une durée équivalente et à un repos compensateur équivalent en temps.
Affirmer que des négociations seront obligatoirement engagées, c’est en réalité ne pas dire grand-chose. Dans cette proposition de loi, rien n’est prévu sur la durée des négociations, sur leur terme ou sur leurs conclusions. Il est certes difficile d’enjoindre aux partenaires sociaux d’aboutir à un accord, mais il demeure possible de préciser quel est le plancher à respecter. Ainsi, personne aujourd'hui ne peut négocier des salaires inférieurs au SMIC.
Nous ne proposons donc rien de bien révolutionnaire. Nous visons les accords de branche, car les conventions de branche étendues sont fondamentales dans un secteur comme le commerce, constitué essentiellement de très petites entreprises.
Les règles que nous proposons de retenir au travers de cet amendement sont presque les mêmes que celles qui ont été fixées pour les PUCE quand l’employeur prendra une décision unilatérale d’ouverture. Nous ne faisons que préciser la durée du repos compensateur. Nous considérons qu’une négociation ne peut aboutir à un résultat inférieur à celui-là, ce qui est loin d’être garanti par le texte qui nous est présenté.
Là encore, il s’agit d’établir une règle de portée générale et de protéger les salariés, ceux des zones touristiques, qui ne bénéficieront d’aucune compensation, et ceux des PUCE, qui ne seront assurés d’une contrepartie que si l’employeur prend une décision unilatérale.
Ce texte est, pour les salariés, une véritable invitation à ne pas négocier. En revanche, l’employeur aura tout intérêt à utiliser la négociation pour faire pression sur les salariés et obtenir qu’ils acceptent des compensations inférieures à celles qui seraient obligatoires s’il prenait seul la décision d’ouvrir son établissement le dimanche. Il s'agit là d’une conception particulièrement perverse du dialogue social : la loi fixe une règle et la négociation collective permettra d’y déroger au détriment des salariés !
Chers collègues de la majorité, dans les faits, vous achevez, de manière discrète, le mouvement d’inversion de la hiérarchie des normes que vous avez entamé en 2004, étant concernés cette fois la loi et l’accord d’entreprise ou d’établissement.
Cet amendement vise donc à améliorer les compensations dues aux salariés privés de repos dominical. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le I quater de cet article, supprimer les mots :
et dans les commerces ou service de détails
et les mots :
ou l'employeur
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 83 et 82, qui visent le même objet.
M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.
Mme Annie David. Le I quater de l’article 2 résulte de l’adoption d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale par le groupe Nouveau Centre, tendant à rendre obligatoire l’ouverture de négociations collectives pour la détermination des contreparties offertes aux salariés qui travailleront le dimanche.
Or nous considérons que cette disposition n’est pas entièrement satisfaisante.
L’ouverture de négociations ne garantit en rien un renforcement effectif des droits des salariés, comme en témoigne le fait que les fameuses négociations annuelles obligatoires, qui d'ailleurs ont été créées avant 2008, contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l'heure, monsieur le ministre, se concluent dans la majorité des cas sur un constat de carence. Bien qu’elles soient obligatoires, bon nombre d’employeurs ne prennent même pas le soin de les entamer, ce qui est tout dire !
Par ailleurs, si nous examinons l’histoire du monde ouvrier et salarial, nous observons que ce ne sont pas par les négociations, fussent-elles de branche, que des droits nouveaux ont été conquis au profit des salariés. Pis, depuis l’inversion de la hiérarchie des normes, dont nous avons beaucoup débattu la nuit dernière, elles sont même parfois l’occasion de rogner sur quelques-uns des droits existants.
Pour notre part, conformément à notre volonté de renforcer les droits collectifs des salariés, qui sont les plus protecteurs, nous proposons au travers de l’amendement n° 82 de prévoir certes une contrainte de négociation, mais assortie, et c’est là toute la différence, d’une obligation de résultat. Il ne s’agit pas de revenir sur la liberté conventionnelle des partenaires sociaux : nous les invitons au contraire à négocier, mais dans un cadre simple, celui du respect de la loi.
En effet, nous ne pouvons admettre que des négociations collectives soient l’occasion, pour les employeurs, d’obtenir une diminution des droits des salariés et des contreparties qui leur sont offertes.
Au final, l’amendement n° 82 vise à revenir à la situation d’avant 2003, ce qui ne constitue qu’un léger retour en arrière par rapport à celui que vous proposez, chers collègues de la majorité, à travers cette proposition de loi tendant, je le rappelle, à supprimer un droit établi en 1906 !
Par l’amendement n° 83, nous souhaitons exclure du champ du dispositif prévu à l’article 2 la négociation menée au sein des entreprises. Ce n’est pas que nous ne fassions pas confiance aux organisations syndicales pour défendre les intérêts des salariés, mais nous savons trop bien que cet échelon de négociation est le plus défavorable aux salariés. C’est bien simple : plus on se rapproche du décisionnaire, dans le cadre d’un lien de subordination, moins les organisations syndicales sont en mesure de faire valoir leur point de vue.
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le mot :
engagent
rédiger comme suit la fin du I quater de cet article :
, lorsque la branche ou l'entreprise n'est pas déjà couverte par un accord, des négociations en vue de la signature d'un accord relatif aux contreparties accordées aux salariés privés de repos, se concluant par des contreparties au moins égales au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 84, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le I quater de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Dans la branche ou l'entreprise déjà couverte par un accord dont les contreparties pour les salariés travaillant le dimanche sont inférieures au doublement de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps, des négociations sont ouvertes afin de parvenir à de telles contreparties.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à compléter le I quater de l’article 2 afin de remédier à une situation qui n’est pas prévue par le texte mais qui pourrait bien se produire et emporter d’importantes conséquences pour les salariés concernés.
Il s’agit de prévoir, dans les entreprises ou dans les branches dans lesquelles des salariés travaillent déjà le dimanche, que des négociations sur les compensations seront engagées si les contreparties actuelles sont inférieures au doublement du salaire et au droit au repos compensateur. En quelque sorte, nous entendons profiter de cette proposition de loi pour améliorer la situation des salariés actuellement obligés de travailler le dimanche.
Mes chers collègues, les salariés, tout comme les organisations syndicales que nous avons reçues, ne comprendraient pas, à juste titre, qu’une telle disposition ne soit pas inscrite dans ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. L’amendement n° 15 tend à réduire la liberté de négociation des partenaires sociaux en imposant un plancher, à savoir un salaire double et un repos compensateur équivalent pour tous. Or notre priorité est de promouvoir le dialogue social. La commission émet donc un avis défavorable.
S'agissant de l’amendement n° 83, je ferai observer que certains commerces sont des entreprises de taille non négligeable, au sein desquelles la négociation peut parfaitement se dérouler. Il n’est donc pas justifié de limiter les négociations au seul niveau de la branche. L’avis est également défavorable.
L’amendement n° 82 vise à rendre obligatoire la conclusion d’un accord, ce qui, à mon sens, serait porter atteinte à l’autonomie des partenaires sociaux. La commission émet donc un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 84 a également pour objet de faire passer tout le monde sous la même toise, si j’ose dire, en imposant partout les mêmes contreparties. La commission y est donc défavorable. Je le répète, nous pouvons faire confiance au dialogue social.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. L’une des lignes directrices de cette proposition de loi est précisément de faire confiance à la négociation collective. Par conséquent, il n’est pas dans l’esprit du texte de prévoir des planchers en termes de contreparties, des contraintes ou encore des obligations de renégociation.
La négociation collective, dans le passé, a généralement permis de trouver des solutions adaptées. Pour les situations nouvelles, en particulier pour les PUCE, nous avons inscrit des garanties tout à fait solides. Ainsi, en l’absence d’accord, les salariés travaillant le dimanche seront payés double.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux quatre amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 83.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, madame le rapporteur, vous nous invitez à faire confiance à la négociation collective. Toutefois, hier, vous avez indiqué que les accords collectifs pourraient prévoir des contreparties inférieures aux dispositions légales. Dans ces conditions, il nous est difficile de vous suivre !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 82.
M. Jean Desessard. Je ne connaissais pas encore M. le ministre, n’étant pas membre de la commission de la culture. Eh bien je dois reconnaître qu’il est tout de même formidable ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Il nous dit aujourd’hui qu’il faut faire confiance à la négociation entre partenaires sociaux !
M. Jean Desessard. L’inverse, c’est précisément ce qu’a fait le Gouvernement au moment de la discussion de la loi relative au service minimum dans les transports publics, monsieur le ministre !
À cette époque, nous avions rencontré des représentants des syndicats et de la direction de la RATP, et tous avaient souligné qu’ils parvenaient très bien à négocier ensemble la mise en place d’un service minimum en cas de grève, sans qu’il soit besoin que la loi intervienne.
M. Nicolas About. À la RATP !
M. Jean Desessard. Pourtant, l’État n’en a pas tenu compte et a souhaité « prendre ses responsabilités » : il n’était alors pas question, pour lui, de faire confiance aux partenaires sociaux ! Le Gouvernement change de discours selon les circonstances ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Ridicule !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas ridicule, monsieur Braye ! La majorité adapte son discours aux situations !
M. Dominique Braye. Ridicule, comme d’habitude !
M. Jean Desessard. Lorsque cela l’arrange, elle s’en remet à la négociation collective, sinon elle explique qu’il incombe à l’État d’intervenir. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Vous ne devez pas souvent prendre les transports en commun !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous répétez toujours la même chose !
M. Jean Desessard. Je ne me souviens pas, madame Des Esgaulx, avoir déjà parlé du service minimum dans les transports publics au cours de la discussion de cette proposition de loi. C’est la première fois !
M. Dominique Braye. C’est n’importe quoi !
M. Jean Desessard. Cela étant, il est certain que M. Darcos ne se répète pas, puisqu’il modifie son discours en fonction des circonstances et des textes examinés !
En ce qui concerne le service minimum dans les transports publics, le Gouvernement a estimé qu’il fallait prendre des mesures législatives. C’était pour lui le moyen d’imposer ses décisions sans laisser se poursuivre les discussions entre partenaires sociaux. (Les protestations sur les travées de l’UMP couvrent la voix de l'orateur.)
Voulez-vous que je dise encore une fois que M. Darcos est formidable ? (« Oui ! » sur les travées de l’UMP.) Soit ! M. Darcos est formidable : bien que l’agitation dans les lycées ait atteint des sommets au cours des derniers mois et que les élèves aient donc moins travaillé que les années précédentes, nous venons d’enregistrer un taux record de réussite au bac ! C’est travailler moins pour réussir plus ! Bravo, monsieur Darcos ! (Exclamations sur les travées de l’UMP. – Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Dominique Braye. Desessard Président de la République !
M. le président. Mes chers collègues, je vous donnerai volontiers la parole pour explication de vote si vous la demandez…
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Desessard, l’année du CPE, le contrat première embauche, les lycéens n’avaient pas travaillé du tout, mais les résultats au baccalauréat avaient été encore meilleurs que cette année ! On peut donc faire mieux que moi ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Cela étant dit, monsieur Desessard, je vous remercie de me trouver formidable. D’ailleurs, vous-même êtes mirifique ! (Sourires.)
Je n’ai pas changé de langage. En particulier, je n’ai jamais dit que les syndicats avaient approuvé la proposition de loi au Conseil économique, social et environnemental ; j’ai dit qu’ils ne l’avaient pas désapprouvée (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste), et j’ai donné très précisément le résultat du vote, que je tiens à votre disposition.
M. Dominique Braye. Vous faites de la désinformation, monsieur Desessard !
M. Xavier Darcos, ministre. La CFDT, la CFE-CGC, la CFTC ont voté pour, tandis que la CGT et la CGT-FO se sont abstenues.
M. Dominique Braye. C’est la huitième fois qu’on le répète !
Mme Raymonde Le Texier. Déposez des amendements si vous voulez vous exprimer !
M. Xavier Darcos, ministre. Par ailleurs, vous semblez considérer que j’ai joué un rôle dans l’élaboration de la loi instaurant un service minimum à la RATP… C’est nouveau !
Cela étant, il y a continuité de la parole du Gouvernement : dans ce dispositif du service minimum à la RATP, il est prévu, précisément, de faire confiance à la négociation entre partenaires sociaux, les dispositions législatives s’appliquant en cas d’échec de cette négociation, et il en va exactement de même ici, pour le texte qui nous occupe. Nous faisons confiance à la négociation collective dans les PUCE, mais nous garantissons par la loi aux salariés travaillant le dimanche qu’ils seront payés double en absence d’accord.
La position du Gouvernement est donc conséquente et logique. Les reproches que vous me faites, monsieur Desessard, avec un grand sens du spectacle,…
M. Dominique Braye. Il n’y a que cela qui l’intéresse !
M. Xavier Darcos, ministre. … sont injustes : je n’ai pas la langue fourchue ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le I quater de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 3132-21 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-21-1. - Le non respect des articles L. 3132-20 et L. 3132-21 est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies au premier alinéa. »
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. La première raison d’être de cette proposition de loi est de résoudre les difficultés des établissements des centres commerciaux périurbains qui ouvrent le dimanche en faisant travailler illégalement des salariés.
Sa seconde raison d’être est d’étendre l’ouverture dominicale des commerces et le travail le dimanche à partir des zones touristiques et des PUCE. Toutefois, vous ne prévoyez pas encore une généralisation de cette ouverture dominicale à l’ensemble du territoire, mais seulement une extension par capillarité.
Notre amendement tend à éviter l’ouverture illégale le dimanche de centres commerciaux situés dans des agglomérations de moins de 1 million d’habitants ou de commerces situés à proximité de zones touristiques, mais hors de celles-ci.
Il faut préciser que lorsque l’ouverture dominicale est illégale, les salariés ne se voient pas reconnaître un droit à contreparties. Il ne peut même pas y avoir d’accord collectif sur un objet illégal.
Le montant de la pénalité doit donc être supérieur au bénéfice tiré du non-respect de la loi. C’est pourquoi nous proposons d’instituer des peines d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende pour ceux qui, malgré le considérable élargissement des autorisations d’ouverture prévu, seraient encore tentés de violer la loi.
Monsieur le ministre, nous attendons votre réponse avec impatience : l’opinion saura si elle doit s’attendre à une nouvelle loi d’amnistie pour ceux qui ouvriraient le dimanche sans autorisation et à une généralisation du travail dominical sans contreparties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Hier, nous avons déjà examiné des amendements portant sur le même sujet. Le Sénat les a rejetés, dans la mesure où les sanctions actuellement en vigueur paraissent suffisamment dissuasives, qu’il s’agisse de sanctions financières ou de la possibilité, pour le préfet, de fermer l’établissement incriminé.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Il est nécessaire de sanctionner les contrevenants à la loi, et c’est bien ce que nous entendons faire. J’ai rappelé ce matin, en répondant à un sénateur qui fut magistrat, que nous maintiendrons les poursuites pénales aujourd’hui engagées et que ce texte n’est pas une loi d’amnistie.
Par ailleurs, les sanctions actuellement en vigueur sont déjà tout à fait suffisantes et il n’est donc pas nécessaire d’y revenir.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 16, bien que les intentions de ses auteurs soient tout à fait louables.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant aborder l’examen des amendements portant sur le paragraphe II de l’article 2.
Je rappelle que, pour la clarté des débats, nous avons décidé, à la demande de la présidente de la commission des affaires sociales, de procéder à l’examen séparé de l’amendement n° 9 de suppression de ce paragraphe II, qui est présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce paragraphe II est en contradiction avec le principe, affirmé par le code du travail et qui doit prévaloir, du repos dominical des salariés. De notre point de vue, il est singulièrement confus et contradictoire, ce qui d’ailleurs devrait en faire un cas d’école pour les facultés de droit.
Sur le fond, il pourrait aussi constituer un cas d’école pour les étudiants en sciences économiques, tant il est clair que son élaboration n’a été précédée d’aucune réflexion sur l’incidence économique du dispositif présenté. À moins que l’on ait l’intention cynique de faire table rase du passé pour favoriser une concentration de l’activité commerciale dans quelques mains…
Monsieur le ministre, la notion de communes d’intérêt touristique est nouvelle tant dans le code du travail que dans le code du tourisme. Rien ne permet de la définir précisément, ni même de savoir combien de communes d’intérêt touristique compte actuellement notre territoire et, surtout, combien il en comptera demain.
Vous créez par ailleurs les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, qui ont pour seule vocation – rien ne permet de démontrer le contraire jusqu’à présent – de légaliser l’ouverture du centre commercial Plan de Campagne les dimanches.
Nous assistons donc à un dévoiement du rôle du Parlement, puisque celui-ci est en quelque sorte sommé de légaliser un comportement illégal, ce qui constitue, pour l’avenir, une véritable incitation au non-respect des réglementations, sur les plans tant financiers que sociaux. On le comprendra aisément, cela n’est pas de nature à revaloriser l’image du législateur à l’heure où l’antiparlementarisme connaît une recrudescence dans notre pays. « Selon que vous serez puissant ou misérable »…
Cependant, ce n’est pas tout : si aujourd’hui le nombre de PUCE est limité, nous devons nous attendre à ce qu’ils se multiplient demain dans toutes les agglomérations de plus de 1 million d’habitants, au détriment bien entendu des commerces des communes avoisinantes, qui seront confrontés à l’alternative suivante : fermer boutique ou s’installer dans ces zones – mais avec quels moyens et dans quelles conditions ?
Quant aux salariés, vous avez affirmé ce matin encore à de multiples reprises, monsieur le ministre, qu’ils devraient être volontaires pour travailler le dimanche. Or tous ceux qui connaissent bien le monde du travail savent que, en réalité, c’est l’employeur qui décidera, qu’il s’agisse d’un commerce de luxe ou de la grande distribution. Le volontariat du salarié n’est, jusqu’à présent, qu’une vue de l’esprit : il n’existe pas, du moins pas encore.
Dans la grande distribution, l’écart est énorme entre simples salariés et dirigeants, en termes tant de conditions de travail que de rémunérations. Ainsi, le P-DG d’un grand groupe a touché, en 2005, la bagatelle de 10 millions d’euros d’indemnités de départ, 29 millions d’euros ayant été de surcroît provisionnés dans les comptes de la société pour financer sa retraite, excusez du peu ! Les employés, quant à eux, ne perçoivent que le SMIC et travaillent bien souvent à temps partiel contre leur gré, si bien qu’ils ne touchent en moyenne que 900 euros par mois.
Rien, dans ce texte, ne garantit la rémunération des salariés, pas plus, d’ailleurs, que n’est garanti l’intérêt du consommateur. Nous serions bien avisés de tirer les leçons du fait qu’aux États-Unis, dans les célèbres magasins Wal-Mart, où majoration salariale et repos compensateurs sont évidemment inconnus, l’ouverture dominicale s’est traduite par une augmentation des prix de 4 %. Je soumets cette donnée à votre réflexion, mes chers collègues !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La commission ne peut être que défavorable à cet amendement de suppression de l’essentiel du dispositif de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Le Gouvernement ne peut lui aussi qu’être défavorable à un tel amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vais essayer de faire preuve de pédagogie. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Chers collègues de la majorité, je suis contraint de changer de méthode, puisque vous n’aimez pas la répétition. En tout état de cause, contrairement à ce que vous prétendez, vous n’avez toujours pas compris de quoi il s’agit !
Selon vous, il ne s’agit que d’ajustements techniques. Vous n’aurez pas manqué de remarquer mon silence, ce matin,…
M. Jean Desessard. … silence dû au fait que je réfléchissais à la raison pour laquelle M. le ministre et Mme la rapporteur parlaient d’« ajustements techniques ».
J’ai tout d’abord cru que c’était parce qu’ils étaient troublés, tout comme nous, par l’agitation frénétique du Président de la République, qui dit une chose et son contraire. Puis, j’ai compris que leur attitude résultait de leur acceptation de la mondialisation libérale et de son caractère inexorable, de l’idée que nous sommes en compétition avec l’ensemble des nations de la planète.
Or, pour être compétitif, il faut « s’adapter », en cassant toutes les garanties sociales obtenues au cours de ces dernières années.
Pour notre part, nous estimons que ce n’est pas là un bon modèle de développement. Selon nous, un modèle de développement digne de ce nom doit viser à maintenir les garanties sociales, le patrimoine, l’identité culturelle. Il existe d’autres voies qu’une adaptation à tout prix à la mondialisation. Derrière les considérations techniques, derrière cette proposition de loi, se profile la remise en cause des droits des salariés.
En effet, demain, les régions mitoyennes des zones touristiques soutiendront qu’elles aussi souffrent de la concurrence et devraient donc bénéficier du dispositif. L’ensemble des régions françaises ne doivent-elles pas être considérées comme étant des zones attrayantes et touristiques ? Toutes peuvent prétendre à ce label !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, vous parlez d’ajustements techniques parce que vous êtes inscrits dans une logique de compétition, de concurrence, de précarisation, de standardisation ; vous êtes entrés dans une logique de banalisation des spécificités culturelles, du travail le dimanche, au point qu’en vertu du « sarkosisme », décliné ici en « darcosisme », vous raseriez les montagnes si vous le pouviez pour pouvoir circuler plus librement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous progressons dans l’examen de cette magnifique proposition de loi, qui tend à réaffirmer le principe du repos dominical en laissant aux salariés la liberté de se porter volontaires pour travailler le dimanche.
Il est parfaitement inouï qu’au Parlement français, en 2009, on en soit encore à manipuler son monde par le langage, pensant que les Français et leurs représentants sont assez stupides pour croire que l’intention du Gouvernement est de favoriser le repos dominical, les loisirs et le tourisme.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, réfléchissons ensemble !
M. Robert del Picchia. Oh là là !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le Président de la République – puisqu’il s’agit bien de lui, derrière le masque d’un parlementaire prête-nom – veut mettre tout le monde au travail : il faut travailler plus, plus tard, plus longtemps, le dimanche, demain peut-être avant quinze ans… Après tout, si l’on veut pouvoir accrocher une Rolex à son poignet avant quarante ans – magnifique projet de société, qu’illustre si bien le « travailler plus pour gagner plus » ! –, mieux vaut s’y mettre le plus tôt possible !
Venons-en à ces contorsions intellectuelles auxquelles vous vous adonnez sans même vous en rendre compte, à moins que vous ne soyez d’une parfaite mauvaise foi. De quoi s’agit-il exactement, lorsque vous parlez de l’ouverture des commerces et services le dimanche dans les zones touristiques pendant toute l’année ?
Vous avez fait l’économie de la concertation préalable avec les acteurs concernés. Cependant, monsieur le ministre, savez-vous bien comment les choses se passent sur le terrain ? Je suis élue d’un département qui ne compte pas moins de soixante-cinq communes dites touristiques, au sens du code du travail. Les Pyrénées-Atlantiques ont la particularité de présenter une offre touristique allant de la montagne à la mer, en passant par les stations thermales. Mon département comporte, de plus, une zone frontalière. Je vous épargnerai le catalogue des nombreuses activités touristiques que l’on peut y pratiquer.
Actuellement, pour les zones touristiques, il existe des périodes d’activité reconnues – que je sache, on se baigne plutôt en été et on skie plutôt l’hiver –, elles-mêmes validées par le préfet. Je sais bien que les préfets ne sont pas, eux non plus, en odeur de sainteté, mais, à ma connaissance, ce sont des personnes sérieuses, en qui les élus que nous sommes peuvent avoir confiance pour procéder aux ajustements nécessaires le cas échéant, exercer la vigilance requise pour permettre ou non l’ouverture de tel ou tel commerce pendant ces périodes sans se laisser abuser.
Dans ces zones, et pour favoriser le tourisme, que proposez-vous ? L’ouverture des magasins de moquettes ? De mobylettes ? De luminaires ? De location d’outillage, puisque, nous le savons, il existe une importante communauté de bricoleurs du dimanche ? Merci et bravo, monsieur le ministre, d’avoir pensé à eux !
Je comprends que vous rejetiez les notions philosophiques, sociétales, civilisationnelles que nous convoquions ce matin. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.) Lorsque vous allez chez Virgin avec votre fils le dimanche, vous n’avez peut-être pas conscience du fait que c’est précisément parce que ce magasin est ouvert le dimanche que le libraire ou le disquaire de quartier – Mollat, par exemple (Sourires) – doit lui aussi travailler le dimanche. Il n’a pas le choix, s’il veut que votre fils ait envie de venir chez lui ! Quelle drôle de conception de la liberté ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Si le débat parlementaire ne vous intéresse pas, partez donc en vacances dans les zones touristiques !
Mme Raymonde Le Texier. Je comprends que vous vous ennuyiez ! Depuis deux jours, vous n’avez rien à dire !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je ne sais pas si vos électeurs vous écoutent, mais je trouve votre attitude assez déplorable ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Éric Doligé. J’espère que les vôtres ne vous écoutent pas !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Croyez-vous que les grandes surfaces ne vont pas s’organiser pour séparer la vente des denrées alimentaires de celle des produits que vous qualifiez de « culturels », afin de se mettre en conformité avec la loi ? Ce phénomène a d’ailleurs déjà cours ! En grande banlieue ou aux abords des agglomérations, la grande distribution est très habile à ce jeu : il suffit de construire un bâtiment annexe destiné à la vente de produits culturels, dans lequel on ne trouve pas la moindre denrée alimentaire, pour pouvoir ouvrir le dimanche ! Personnellement, j’ai quelque mal à faire le lien entre l’ouverture des magasins tous les dimanches de l’année et l’activité touristique et saisonnière. J’aimerais que vous m’expliquiez par quel chemin de réflexion vous parvenez à l’établir, et quel est l’intérêt économique d’ouvrir des commerces tous les dimanches de l’année dans des zones où l’activité est précisément saisonnière. Vous espérez peut-être vendre des maillots de bain aux Français au milieu de l’hiver ou des skis en été ? Ou peut-être vous croyez-vous capable d’empêcher l’effondrement de l’économie du disque en ouvrant le dimanche ? (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
Il est très désagréable de s’exprimer dans ce bruit, monsieur le président, qui empêche même M. le ministre d’entendre mes arguments !
Si vous voulez favoriser le tourisme, l’activité saisonnière et la vie économique dans les zones concernées, proposez-nous plutôt de circonscrire un périmètre d’activité précis, réellement lié à l’activité touristique, culturelle, de divertissement et de loisirs. Et si le progrès social vous tient tant à cœur, monsieur le ministre, légiférons ensemble pour que, dans ce périmètre préalablement défini, les salaires progressent et les conditions de travail soient améliorées – je pense notamment aux saisonniers, aux jeunes mères, aux étudiants. L’intérêt, la sécurité, le bien-être et l’épanouissement tant des salariés que des touristes doivent être placés au cœur de la réflexion !
Nous pourrons alors croire que vous avez vraiment à cœur de réaffirmer le principe du repos dominical, en l’enrichissant de nouveaux moyens pour les uns, tout en laissant aux autres la liberté de travailler dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Enfin quelqu’un qui ose prendre la parole !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je voudrais ramener un peu de sérénité dans ce débat,…
Mme Annie David. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. … qui me paraît négliger un élément essentiel pour ceux qui connaissent la vie du commerce, à savoir le bon sens des commerçants.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade. Les commerçants n’ouvriront pas leurs magasins le dimanche s’il n’y a pas de clients, ils ne compromettront pas la vie familiale de leurs salariés si la demande n’est pas un peu plus forte ce jour-là que les autres. (Marques d’approbations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. C’est évident !
M. Jean Desessard. Et la concurrence ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans cet hémicycle, on ne fait pas suffisamment cas du bon sens des commerçants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne fait pas non plus cas des salariés !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par ailleurs, nous avons refusé tout à l’heure, par scrutin public, de supprimer l'article 2. Vous proposez maintenant, avec cet amendement, de supprimer ce qui constitue le cœur de ce même article, à savoir le dispositif relatif aux communes d’intérêt touristique.
Grâce au travail très approfondi de Mme le rapporteur, que je tiens à saluer (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP), le groupe UMP a obtenu une réponse aux deux questions qu’il se posait sur ce sujet.
Première question, les salariés qui travailleront le dimanche seront-ils protégés ? (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) La réponse est oui. M. le ministre l’a répété à plusieurs reprises. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. Vous êtes bien naïf !
M. Jean-Pierre Fourcade. Bien entendu, je ne parle pas ici de la mondialisation, du changement global de société et du cheminement vers des horizons meilleurs ! Nous sommes soumis à la compétition internationale (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), nous sommes en train de perdre des emplois,…
Mme Annie David. Bien sûr ! La casse du code du travail !
M. Jean-Pierre Fourcade. … et dans ces conditions je crains, mes chers collègues, que ce que vous proposez ne se traduise par une aggravation du chômage.
Mme Annie David. Il s’aggrave déjà ! Des entreprises ferment tous les jours !
M. Jean-Pierre Fourcade. L’adoption de vos amendements entraînerait une hausse du chômage. Voilà le problème ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Seconde question, le tourisme représente-t-il un élément positif pour la balance des paiements de notre pays ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Où est l’étude d’impact qui montre combien cela va rapporter ?
M. Dominique Braye. Allez voir à Londres !
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans la crise internationale que nous connaissons, la réponse est oui. C'est la raison pour laquelle nous tenons à cet article 2, dont l'Assemblée nationale a modifié la rédaction pour qu’elle vise non plus les communes touristiques au sens du code du travail, mais les communes « d’intérêt touristique », dont la liste sera établie par le préfet sur proposition de l’autorité administrative, après avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines, lorsqu’elles existent. L’élargissement sera donc limité.
En outre, nous ne pouvons prétendre être la première destination touristique mondiale tout en refusant que nos magasins ouvrent le dimanche. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La litanie recommence !
M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà l’argument de fond, voilà pourquoi nous voterons contre l'amendement n° 9. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Enfin ! On va pouvoir s’en donner à cœur joie !
M. Dominique Braye. Je fais mienne la remarquable intervention de mon collègue Jean-Pierre Fourcade, en espérant que Mme Jarraud-Vergnolle aura été totalement rassurée : les commerçants ne chercheront pas à vendre des paires de ski sur la Côte d’Azur ou des maillots de bain au mois de décembre, sauf peut-être dans les stations de ski ! (Rires sur les travées de l’UMP.) Leur bon sens est tel qu’ils n’ouvriront leurs magasins et n’engageront des dépenses que s’ils ont l’assurance d’en retirer un profit.
J’évoquerai maintenant les PUCE. En tant qu’élu local, je me sens totalement concerné par les dispositions de ce texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, voilà : vous avez des actions !
M. Dominique Braye. Je représente ici les 258 familles de ma zone d’activité de l’ouest des Yvelines dont l’un des membres au moins travaille le dimanche. Toutes m’ont affirmé espérer que je défendrais cette proposition de loi ; aucune ne s’est déclarée contre le texte que nous examinons. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. C’est ridicule ! Un échantillon de 258 familles n’est pas significatif, quand 7 millions de personnes travaillent le dimanche !
M. Dominique Braye. En revanche, vous avez raison sur un point : il est inacceptable que des magasins ouvrent illégalement le dimanche depuis trente-trois ans, comme c’est le cas d’un But et d’un Leroy-Merlin dans mon département ! J’ai écrit au préfet en 2001 et en 2002 pour qu’il mette un terme à cette situation. Il n’a rien fait !
Mme Raymonde Le Texier. Cela va être la faute de la gauche…
M. Dominique Braye. Eh oui, c’était sous un gouvernement de gauche !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pendant trente-trois ans, un gouvernement de gauche ?
Mme Annie David. Et les autres années ?
M. Dominique Braye. Nous devons néanmoins composer avec cette situation. Nombre d’habitants des départements de la grande couronne quittent chaque jour de la semaine leur domicile à 7 heures du matin pour rejoindre leur travail par les transports en commun, et ne sont de retour chez eux qu’à 20 heures 30.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les salariés du commerce ! Et encore, eux rentrent plutôt vers 23 heures !
M. Dominique Braye. Eh oui, je défends les gens modestes, madame Borvo Cohen-Seat !
Le samedi, ils se reposent, partagent les activités de leurs enfants ; le dimanche, ils font leurs courses. La chalandise du dimanche ne saurait se reporter sur le samedi, comme d’aucuns l’ont affirmé, car les zones commerciales sont totalement saturées pendant les deux jours du week-end. L’ouverture des magasins le dimanche répond par conséquent à un réel besoin, en tout cas dans la grande couronne.
Par ailleurs, comment a-t-on pu laisser durant trente-trois ans des entrepreneurs investir, s’organiser et embaucher pour pouvoir ouvrir leurs établissements le dimanche ? Dans le magasin Leroy-Merlin de Buchelay, par exemple, trente-trois étudiants travaillent tous les dimanches et entendent être défendus !
Mme Odette Terrade. Les étudiants devraient étudier au lieu de travailler !
M. Dominique Braye. D’un point de vue philosophique, je suis opposé au travail dominical. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Toutefois, s’il est souhaitable de ne pas étendre inconsidérément le travail le dimanche, il est temps de mettre fin à la situation de précarité juridique…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les salariés précarisés ?
M. Dominique Braye. … dans laquelle se trouvent les entrepreneurs qui ouvrent leurs établissements le dimanche.
Je ferai remarquer que cette situation a profité à certains syndicats,…
M. Dominique Braye. … notamment dans le Val-d’Oise. Pourquoi, alors que les représentants de la CGT et de la CFDT de mon département se déclarent favorables, sur le terrain, au travail dominical et à ce texte, leurs organisations sont-elles contre à l’échelon national ? Parce que s’exerce pour l’instant un droit de rançon, nous le savons bien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. Dominique Braye. Dans le Val-d’Oise, le montant des amendes pour travail illégal le dimanche s’élève à 14 millions d'euros ! À mes yeux, les syndicats ont vocation à défendre les travailleurs, et non à se mettre le pognon des gens modestes dans la poche ! (Mêmes mouvements.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est du Braye tout craché ! C’est lamentable !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. M. Braye a le mérite de dire très haut ce que beaucoup pensent tout bas, même si son allusion au monde syndical, qu’il semble ne pas connaître et encore moins respecter, est tout à fait hors de propos.
M. Dominique Braye. Hors de propos ? Ils s’en mettent plein les fouilles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La distinction de M. Braye est légendaire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je reviendrai maintenant sur les propos tenus à l’instant par M. Fourcade.
À ses yeux, la France étant la première destination touristique mondiale, il est absolument indispensable de légaliser le travail le dimanche. Pourtant, la situation actuelle n’empêche pas notre pays d’occuper ce rang ! Comment est-ce possible ?
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Dominique Braye. Nos recettes touristiques sont inférieures à celles de l’Italie !
M. Jean-Jacques Mirassou. Par conséquent, votre argument ne tient pas, monsieur Fourcade.
Nous avons échoué à obtenir la suppression de l'article 2, puis celle du paragraphe II de ce même article, mais nous ne désespérons pas de parvenir à provoquer, d’ici à la fin des débats, un choc intellectuel et une prise de conscience.
M. Dominique Braye. C’est ça ! L’espoir fait vivre !
M. Jean-Jacques Mirassou. La majorité a affirmé avec force et à plusieurs reprises que le rôle du Parlement était d’adapter l’arsenal législatif au fonctionnement de la société.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Jacques Mirassou. Pour notre part, nous avons la prétention et l’ambition de penser que la noblesse de la politique consiste à faire rigoureusement le contraire ! Si nous suivons votre logique, il faudra bientôt expliquer aux personnes malades qu’elles devront travailler le samedi soir à partir de 23 heures 59.
M. Dominique Braye. Elles le font déjà !
M. Jean-Jacques Mirassou. Est-ce une raison pour l’accepter ? C’est scandaleux !
M. Dominique Braye. Il fallait faire respecter la loi avant !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce texte créera un précédent qui fera école. Vous n’avez pas mesuré les dégâts collatéraux et les effets pervers que cela engendrera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur Braye, quoi que vous en disiez, les procédures en cours ne seront pas interrompues – M. le ministre nous en a donné l’assurance ce matin – et les enseignes condamnées devront payer les amendes qui leur auront été infligées. (M. Dominique Braye s’exclame.)
M. le président. Monsieur Braye, faites-nous l’amitié d’écouter les autres orateurs comme ils vous ont écouté.
Veuillez poursuivre, madame David.
Mme Annie David. M. Fourcade a indiqué que le texte visait non pas les communes touristiques, telles qu’elles sont définies dans le code du travail, mais les communes « d’intérêt touristique ». Cela remet en cause les affirmations de M. le ministre et Mme le rapporteur selon lesquelles les communes concernées seraient bien les communes touristiques au sens du code du travail, qui sont au nombre d’environ 500 alors que l’on compte de 3 000 à 5 000 communes d’intérêt touristique, selon les sources. Nous avons de quoi être inquiets !
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, je souhaite que vous nous confirmiez que la proposition de loi vise bien les communes touristiques au sens du code du travail. Sinon, l’ambiguïté du texte se trouvera renforcée !
Par ailleurs, tout le monde se plaint que la France soit la première destination touristique mondiale…
Mme Annie David. … sans bénéficier pour autant de recettes aussi importantes que d’autres pays. Peut-être conviendrait-il de s’interroger sur les prix pratiqués chez nous, notamment dans certaines zones touristiques. On comprend que les touristes rechignent à consommer sur notre territoire et dépensent davantage dans d’autres pays, frontaliers du nôtre ou pas, où les prix sont un peu moins élevés.
Peut-être les commerçants devraient-ils afficher des prix plus accessibles pour les touristes, tant étrangers que français. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ? On a vu l’effet de la réduction de la TVA dans la restauration…
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant aborder l’examen de vingt-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Pour que nous ne nous y perdions pas, je vous invite à écouter les orateurs dans un relatif silence… (Sourires.)
L'amendement n° 85, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous entendons supprimer les dispositions tendant à instaurer le travail obligatoire le dimanche dans les zones et communes touristiques et celles qui visent à légaliser les zones commerciales actuellement en infraction, c’est-à-dire les PUCE.
Les membres du groupe CRC-SPG sont radicalement opposés à vos conceptions de la liberté et du volontariat, qui ne sont que des paravents destinés à dissimuler la réalité actuelle du monde du travail.
Le marché du travail est en profonde mutation et connaît de fortes évolutions, la domination de l’employeur sur le salarié et celle du capital sur le travail ne cessant de se renforcer. Cela se traduit par une précarisation toujours plus grande de la situation des salariés, avec notamment la généralisation des temps très partiels et des bas salaires, la raréfaction des contrats à durée indéterminée : autant de contraintes qui pèsent sur les salariés.
Dans ces conditions, comment croire un seul instant que les salariés pourraient être réellement volontaires pour travailler le dimanche ? D’ailleurs, ce principe du volontariat que vous posiez hier encore comme un absolu ne vaudra plus demain dans les zones et communes touristiques, le travail le dimanche y devenant de droit. Cette disposition nous paraît plus qu’inquiétante, car nous y voyons un moyen supplémentaire de chantage.
Certes, aux termes de l’article L. 1221–1 du code du travail, le salarié est, théoriquement, en droit de refuser la modification de son contrat de travail en vue d’y intégrer le travail dominical. Dans les faits, à moins que le salarié puisse faire la démonstration devant le juge que ce refus était légitime, l’employeur, s’il ne revient pas sur sa proposition de modification du contrat de travail, engage une procédure de licenciement du salarié pour faute grave. Le cas est fréquent. Il appartient alors au juge prud’homal de statuer, mais quand bien même le salarié gagne son procès, il n’en demeure pas moins privé d’emploi, tant les réintégrations dans l’emploi sont compliquées et rares.
Certes, vous ne bouleversez pas les équilibres généraux de la loi, mais vous faites pire : vous vous servez du contexte pour infléchir la loi. Nous ne pouvons accompagner une telle dérive, c’est pourquoi nous demandons la suppression des dispositions que j’ai évoquées.
Mme Annie David. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, après la référence :
L. 3132-20,
insérer les mots :
pendant la ou les saisons touristiques
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Nous souhaitons que, dans les lieux touristiques, c’est-à-dire dans les communes « d’intérêt touristique » ou les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle », l’autorisation d’ouvrir le dimanche ne soit accordée que pendant la ou les périodes d’activité touristique.
Les défenseurs du texte ont laissé entendre à plusieurs reprises que les dérogations pour l’ouverture dominicale ne seraient utilisées que pendant quelques mois, et non toute l’année. À l’évidence, dans les stations balnéaires et de sports d’hiver, le repos dominical peut et doit être maintenu pendant les périodes dites hors saison.
Nous proposons donc d’inscrire clairement dans le texte que, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire puisse être donné par roulement, mais seulement pendant la ou les périodes d’activité touristique.
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, après les mots :
vente au détail
insérer les mots :
d'une surface de moins de 300 mètres carrés
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Cet amendement vise à préserver l’activité des services de proximité.
En effet, depuis plusieurs années, les petits commerçants ouvrent le dimanche matin pour répondre aux besoins des consommateurs, mais également pour proposer une offre alternative à celle des hypermarchés et supermarchés, situés généralement en périphérie des villes. Si nous ne prévoyons pas des garde-fous, nous risquons une fois de plus d’affaiblir les petites entreprises familiales au profit des chaînes de supermarchés.
Comme nous l’avons déjà indiqué, c’est un choix de société : doit-on continuer à promouvoir le développement des grandes surfaces ou tenter de préserver les quelques commerces de centre-ville qui subsistent, permettant aux consommateurs de faire à pied leurs courses et de participer ainsi à la vie de la cité ?
Par ailleurs, il est illusoire de penser que les personnels des grandes surfaces auront le droit de refuser de travailler le dimanche. En pratique, nous le savons tous, une hôtesse de caisse ne pourra pas exercer ce droit.
Cet amendement vise d’une part à préserver la vie des centres-villes, d’autre part à protéger les salariés des grandes surfaces, déjà victimes de nombreux abus au regard du code du travail.
M. le président. L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3121–25 du code du travail, supprimer les mots :
dans les communes d'intérêt touristique ou thermales et
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Croit-on sérieusement que la motivation essentielle du touriste américain, japonais ou chinois se rendant en France est de trouver des magasins ouverts le dimanche ?
M. Dominique Braye. Pour les Japonais, oui ! Allez voir chez Vuitton !
M. François Fortassin. L’ouverture dominicale des magasins permettra-t-elle d’accroître le nombre de touristes en France ?
Mme Raymonde Le Texier. Bonne question !
M. François Fortassin. Dans le rapport de Mme Debré, j’ai trouvé des remarques plutôt croustillantes (Sourires) sur la définition des communes touristiques par les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
Je viens d’un département de 130 000 habitants qui reçoit régulièrement de 5 millions à 6 millions de touristes et de visiteurs par an. En 2008, année de la visite du pape, leur nombre a même atteint 9 millions !
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Grâce à Dieu ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. Le pape devrait venir tous les ans !
M. François Fortassin. De tels chiffres pourraient laisser supposer que ce département possède quelques caractéristiques touristiques. Or le tableau figurant dans le rapport fait apparaître que, curieusement, mon département ne compte aucune commune classée touristique ou thermale, une petite note de bas de page précisant que « la pratique en usage dans le département consiste à privilégier la dérogation directe au repos dominical résultant des dispositions combinées des articles L. 3132–20 et L. 3132–23 du code du travail ». (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Avec ce texte, on va créer des disparités considérables au sein des 36 000 communes françaises. Quel est le maire qui dira que sa commune n’est pas touristique ?
M. Dominique Braye. Vous, puisque vous ne voulez pas de l’ouverture des magasins le dimanche !
M. François Fortassin. Les communes qui disposent de trois gîtes ruraux se considéreront comme des communes touristiques. Pourra-t-on les priver de ce titre ? Notre rôle de législateur ne consiste pas, chaque fois que nous élaborons une loi, à allumer des incendies partout et à dresser les Français les uns contre les autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
communes d'intérêt touristique ou thermales
par les mots :
stations classées de tourisme ou les stations thermales définies par l'article L. 133-13 du code du tourisme
II. - Procéder à la même substitution dans le deuxième alinéa du même texte.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Mes chers collègues, vous connaissez depuis longtemps mon intérêt pour le secteur du tourisme, et je ne puis être suspectée de ne pas défendre l’attractivité touristique de la France.
Les notions de « communes touristiques » et de « communes classées stations de tourisme » ont été définies avec précision à l’occasion de la refonte du code du tourisme en avril 2006.
Cette réforme, enclenchée par le Sénat, était attendue depuis près de vingt ans tant par les élus locaux que par les professionnels du tourisme. En effet, il était devenu indispensable de moderniser des textes anciens, inadaptés à la réalité du tourisme. La France, première destination touristique au monde, se devait d’élaborer des notions fortes, lisibles et opératoires, permettant notamment d’identifier les communes moteurs dans le développement touristique.
La France compte 523 communes classées – le potentiel est de 600 – et quelque 3 500 communes touristiques, pour un potentiel de 6 000 ! De 600 à 6 000, l’écart est donc considérable ! On ignore combien de salariés travaillent sur le territoire de ces communes, et aucune étude d’impact n’a été menée pour évaluer les conséquences d’une ouverture dominicale sur l’ensemble des communes touristiques.
Plutôt que d’étudier précisément les conséquences d’une pareille réforme en termes tant d’emploi que de distorsion de concurrence, la majorité de l’Assemblée nationale a préféré élever un rideau de fumée en créant une nouvelle catégorie, la commune d’intérêt touristique. Elle a modifié en ce sens l’article L. 3132-25 du code du travail, qui vise désormais non plus les communes touristiques, mais « les communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente ».
Dès lors, il y aurait des communes touristiques au sens du code du tourisme et des communes d’intérêt touristique, qui ne seraient reconnues comme telles ni par le code du tourisme ni par les professionnels du tourisme. Que devient le travail de clarification et de définition que nous avons mené ensemble voilà trois ans et qui avait été salué par tous les élus locaux et les professionnels du tourisme ? Aujourd'hui, vous vous apprêtez à réintroduire de la confusion.
Vous entendez créer la catégorie des communes d’intérêt touristique et des zones touristiques d’affluence exceptionnelle. Est-il à supposer, comme le dit avec beaucoup d’humour M. Desessard, qu’il y aurait des communes d’intérêt touristique sans affluence touristique et des zones touristiques avec affluence touristique ?
Cette nouvelle catégorie ne répond pas à une logique administrative, ne se réfère à aucune entité générique et n’est pas identifiable par les usagers ni utilisables par les élus. C’est, en fin de compte, une catégorie à géométrie variable, liée au poids des lobbies des grandes surfaces et au bon vouloir des préfets.
L’introduction de ces deux nouvelles notions non identifiées pose deux problèmes : celui de la lisibilité administrative et celui de la confusion, voire de la dilution. La majorité parlementaire a maintes fois évoqué le chiffre de 500 communes concernées. Or la France compte 521 stations classées de tourisme. Afin de rester cohérents avec le travail parlementaire effectué sur le code du tourisme voilà trois ans, nous demandons à nos collègues de clarifier la rédaction de la proposition de loi en limitant le champ de cette nouvelle dérogation au repos dominical aux seules stations classées. En adoptant cet amendement, mes chers collègues, vous permettrez, comme telle est, semble-t-il, votre volonté, de limiter les dérogations au repos dominical.
J’ajoute, pour faire écho aux propos que vient de tenir M. Fortassin, que les touristes viennent en France pour notre art de vivre, notre gastronomie, notre patrimoine culturel et naturel, et non pas pour acheter des choses qu’ils trouvent souvent aussi facilement chez eux, du fait de la mondialisation.
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
d'intérêt touristique
par les mots :
d'affluence touristique
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La rédaction du premier alinéa du texte présentée par le II de l'article 2 pour l'article L. 3132-25 du code du travail est toujours très ambiguë, malgré la modification apportée par l’Assemblée nationale qui était censée la clarifier.
Ainsi, dans la même phrase, alors que l’on vise les mêmes dérogations, on fait alternativement référence à la notion de « communes d’intérêt touristique » et à celle de « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ». Voilà deux expressions similaires dans le langage commun, mais qui, en droit, sont différentes, puisqu’elles relèvent de deux codes distincts et, par voie de conséquence, de deux traitements séparés.
Selon que l’on se fonde sur le code du tourisme, qui fait référence aux zones ou communes d’intérêt touristique, ou sur le code du travail, qui mentionne les communes touristiques d’affluence exceptionnelle, le nombre de communes concernées s’élève à 5 000 ou à 500 !
Cette distinction a déjà suscité d’importants débats à l’Assemblée nationale, légitimes du reste au regard de ses incidences éventuelles, le nombre de salariés potentiellement concernés étant radicalement différent si l’on prend comme référence le code du tourisme ou le code du travail. Cette proposition de loi pourrait donc avoir des conséquences sociétales bien plus grandes encore que celles que nous redoutons déjà.
La juxtaposition de ces deux notions de « communes d'intérêt touristique » et de « zones touristiques d’affluence exceptionnelle » sera source de confusion. Afin d’éviter la multiplication des contentieux, déjà nombreux à l’heure actuelle, nous proposons d’unifier le texte en faisant référence à une seule et même notion, celle de « zones touristiques d’affluence exceptionnelle », qui est utilisée actuellement dans le code du travail.
Par ailleurs, madame le rapporteur, vous nous avez affirmé en commission que la notion « d’intérêt touristique » n’existait actuellement ni dans le code du travail ni dans le code du tourisme. Or, dans ce dernier, tant dans la partie législative que dans la partie réglementaire, il est très souvent question de lieux d'intérêt touristique. C’est pourquoi nous ne doutons pas que, dans un souci de clarification, vous voterez notre amendement !
Je répète ce que j’ai déjà dit hier : il me semble tout de même assez improbable que des touristes viennent chez nous acheter ce qu’ils pourront trouver facilement ailleurs – canapés, téléviseurs ou tondeuses à gazon…
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
communes d'intérêt touristique
par les mots :
communes touristiques au sens de l'article R. 3132-20
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Avec cet amendement, nous poursuivons notre travail de précision, ou plutôt, devrais-je dire, de vérité.
Mes chers collègues, vous avez déjà repoussé un amendement destiné à substituer à la notion de communes d’intérêt touristique, propre au code du tourisme, celle de zones d’affluence touristique, reconnue dans le code du travail, quitte à placer les préfets, habilités à classer les premières et à accorder des dérogations aux secondes, dans une situation complexe, quasiment schizophrénique !
Cela confirme nos craintes : vous créez artificiellement de la complexité, dans l’espoir que demain les préfets accorderont les dérogations avec largesse ou que les éventuels contentieux permettront une généralisation progressive du travail le dimanche.
Monsieur le ministre, il est d’ailleurs fort à parier que, constatant cette situation, vous ne manquerez pas de proposer vous-même prochainement un projet de loi destiné à apporter de la stabilité juridique, comme cela a déjà été fait pour Plan de Campagne.
Afin de nous dispenser d’étapes bien inutiles et d’éviter le travail obligatoire le dimanche pour les salariés des quelque 5 000 communes touristiques au sens du code du tourisme que compte notre pays, nous proposons que l'article L. 3132-25 fasse référence aux communes touristiques au sens de l’article R. 3132-20 du code du travail.
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, vous-mêmes ne cessez de vous référer au code du travail. Si votre volonté est réellement de ne viser que les seules zones touristiques reconnues dans ce même code, alors cet amendement devrait recevoir votre assentiment puisque son adoption ne remettrait nullement en cause l’équilibre général de la proposition de loi.
D’ailleurs, madame le rapporteur, vous faites référence dans votre rapport à ce même article R. 3132-20. Personne ne comprendrait donc que vous vous opposiez à l’insertion de cette référence dans la loi !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, après les mots :
ou d'animation culturelle permanente
insérer les mots :
dont l'objet social est en lien direct avec l'activité touristique
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement tend à limiter l’ouverture le dimanche, dans les zones touristiques, aux seuls établissements ou magasins dont l’activité a un lien direct avec le tourisme.
En présentant cet amendement, je sais d’avance qu’il a peu de chances d’aboutir. Il est vrai que son objet va à l’encontre de votre logique de dérégulation : vous voudriez l’ouverture le dimanche de tous les établissements à la seule condition qu’ils soient installés dans une commune reconnue touristique ; nous entendons, quant à nous, préciser que leur activité devra en outre avoir un lien direct avec le tourisme.
L’absence d’une telle précision reviendrait en fait à créer, au sein même des zones touristiques, des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, ce qui serait une nouvelle violation de l’esprit d’une loi qui n’est pas encore adoptée.
Quel intérêt peut-il y avoir à autoriser, dans les zones touristiques, l’ouverture de droit, tous les dimanches et de manière permanente, des animaleries, des magasins de bricolage, d’ameublement ou d’optique ? Qui peut croire un seul instant que les touristes, qui viennent déjà très nombreux dans notre pays, se précipiteront, durant leur séjour, dans les boutiques que je viens de citer pour acheter des biens manufacturés à la chaîne, qu’ils peuvent acquérir dans leur pays et qu’ils auront par ailleurs bien du mal à transporter ? Lorsqu’ils se rendent dans notre pays, particulièrement à Paris, les touristes souhaitent avant tout visiter nos musées, voir notre patrimoine architectural et profiter d’une ambiance et d’un certain art de vivre.
En réalité, votre objectif est double.
D'une part, il s’agit de légaliser la situation des boutiques de luxe ouvertes illégalement le dimanche, puisqu’elle ne correspond à aucune catégorie de dérogation. Je vous renvoie sur ce sujet à la lecture de l’arrêt du Conseil d’État de mars dernier.
D'autre part, il s’agit de déréguler l'ensemble du code du travail pour, au final, faire du dimanche une journée de travail normale.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons accepter cette politique de grignotage !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 90 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
de droit
par les mots :
après autorisation administrative accordée à titre individuel
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 52.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à limiter les dérogations en reprenant une disposition qui figurait dans la précédente version de la proposition de loi.
Dans les zones touristiques et thermales, le texte envisage de généraliser les dérogations à tous les commerces de détail sans considération de la nature des produits vendus. On l’a dit, la liste est longue : tondeuses à gazon, maillots de bain, skis…
Le régime de dérogation sera désormais la règle, et non plus l’exception. Tout commerce de détail situé dans une zone touristique pourra donc demain, sans aucune autorisation particulière, ouvrir le dimanche, tous les dimanches. Avec cette disposition, l’ouverture dominicale n’ayant plus rien d’exceptionnel, ces jours travaillés n’auront pas à être payés double, ni à ouvrir droit à un repos compensateur.
Mes chers collègues, il existe un risque, bien réel, de multiplication du nombre de communes touristiques. À ce propos, savez-vous que le quartier de La Défense a récemment été classé « zone touristique » ? (« Eh oui ! » sur les travées du groupe socialiste.) Cette nouvelle me paraissait tellement improbable que je suis allé la vérifier sur internet : la décision date du 26 janvier 2009. Les promoteurs de cette idée auraient-ils, par hasard, entendu parler de la présente proposition de loi ? Mystère ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
On est en droit de se demander en quoi La Défense est une zone touristique, puisque l’on n’y trouve que des bureaux et des centres commerciaux. L’explication avancée est pour le moins savoureuse : le quartier n’étant pas attrayant, le fait de le classer zone touristique contribuera à changer son image ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) C’est formidable ! Mes chers collègues, je serais curieux de savoir si La Défense est effectivement un lieu où vous aimez vous promener le dimanche ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –M. Charles Pasqua s’exclame.)
Si vous réagissez, mon cher collègue, c’est que vous êtes mal à l’aise sur ce sujet, ce qui ne peut que me réjouir, car cela montre que j’ai touché un point sensible !
Nous proposons donc de réintégrer une limitation prévue dans une version précédente de la proposition de loi de M. Mallié, en maintenant un régime d’autorisations préfectorales individuelles plutôt que de dérogations de plein droit. (M. Alain Fauconnier applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 90.
Mme Annie David. Cet amendement a également pour objet de rétablir le régime des autorisations administratives accordées à titre individuel, que supprime la proposition de loi dans sa rédaction actuelle.
Nous entendons, une nouvelle fois, affirmer notre volonté de limiter les risques d’une généralisation du travail le dimanche à tous les salariés, à commencer par celles et ceux qui travaillent dans les communes touristiques. En effet, les commerces concernés pourraient alors être ouverts le dimanche, tous les dimanches, sans qu’il soit nécessaire que les biens vendus aient un lien avec le tourisme ou même que la période d’ouverture corresponde à celle d’affluence touristique.
Par cet amendement, nous souhaitons instaurer un garde-fou supplémentaire destiné à protéger les salariés en maintenant la situation actuelle, conformément, d’ailleurs, à ce que prévoyait la troisième version, c'est-à-dire l’avant-dernière, de la proposition de loi de M. Mallié.
En comparant l’ancienne rédaction et celle que nous examinons aujourd’hui, nous constatons, une nouvelle fois, que la version adoptée par l’Assemblée nationale est moins protectrice pour les salariés que la loi actuellement en vigueur, mais aussi que les anciennes versions.
Preuve est faite, s’il en était encore besoin, que votre entreprise de déstabilisation consistant à présenter ce texte comme issu d’un consensus et comme étant moins dangereux que les précédentes versions de la proposition de loi est en réalité une entreprise mensongère !
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
de droit
par les mots :
pendant la ou les périodes d'activités touristiques
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Voilà encore un amendement de repli, par lequel nous souhaitons limiter les dérogations, pour les établissements visés à l'article L. 3132-25 du code du travail, aux seules périodes d’activité touristique.
À l’Assemblée nationale, notre collègue député Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, a fait savoir qu’en réalité les dispositions de l’article 2 ne seraient applicables que quelques mois dans l’année. Nous entendons donc préciser clairement dans la loi que les dérogations ne valent que « pendant la ou les périodes d’activités touristiques ».
Cette disposition est sous-tendue par notre volonté de protéger les salariés des dérogations inutiles tout en permettant de coller plus étroitement à la logique économique : un établissement ou un magasin ne doit être ouvert qu’au moment où les clients, c'est-à-dire, dans ces zones, les touristes, sont effectivement présents.
Mieux vaut apporter le maximum de précisions dans la loi plutôt que de laisser subsister des zones d’ombre, ce qui risque d’inciter certains à s’engouffrer dans la brèche.
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
du personnel
par les mots :
des salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur pour travailler le dimanche
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Cet amendement vise à éviter une discrimination entre les salariés des zones touristiques et ceux des centres commerciaux, dont l’accord par écrit pour travailler le dimanche est requis par la proposition de loi.
Non seulement les salariés des zones touristiques ne bénéficieront pas de contreparties, mais ils seront dans l’obligation de travailler le dimanche, puisque vous décidez que l’ouverture dominicale est de droit.
Votre texte crée une nouvelle inégalité de traitement, car les salariés des PUCE ne travailleront le dimanche que s’ils sont volontaires et ont donné leur accord par écrit à leur employeur. Ils bénéficient donc de plusieurs garanties.
Tout d’abord, un employeur ne pourra prendre en considération le fait qu’une personne refuse de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher. Nous demandons d’ailleurs qu’un bilan de l’application de cette disposition soit fait dans un an, sachant que la preuve sera très difficile à apporter.
Ensuite, le salarié qui refusera de travailler le dimanche ne pourra faire l’objet d’aucune discrimination dans l’exécution de son contrat de travail. Cependant, comment prouver qu’une absence d’augmentation de salaire est liée au refus de travailler le dimanche, si ce n’est au bout de plusieurs années ? D’autant que le salarié qui refuse de travailler le dimanche peut être muté dans un poste où il travaille certes pendant la semaine, mais qui ne lui ouvre pas de perspectives de revalorisation.
Enfin, ultime garantie, le refus de travailler le dimanche ne constituera pas une faute ou un motif de licenciement. Cela étant, d’autres fautes pourront lui être imputées pour l’inciter à partir ou pour le licencier. C’est ainsi que les choses se passent dans le monde réel du travail !
Le volontariat reste donc très théorique. Il n’en demeure pas moins que, dans les zones touristiques, la situation des salariés du commerce est encore plus grave qu’ailleurs : ils seront obligés de travailler le dimanche, tout refus pouvant légitimement aboutir à un licenciement.
J’insiste sur le fait que le contrat de travail n’est pas un contrat comme les autres. Il n’a rien à voir avec un contrat commercial liant un client à un fournisseur. Il n’est pas équilibré, le travail créant un lien de subordination entre l’employeur et l’employé.
C’est la raison pour laquelle il existe un code du travail, certes aujourd’hui largement mis à mal, mais comportant néanmoins des dispositions d’ordre public destinées à protéger le salarié contre la pression de l’employeur, d’une part, et contre la tentation de renoncer à certains de ses droits, d’autre part.
En conclusion, nous proposons donc d’insérer la clause de volontariat prévue pour les PUCE dans l’article du code du travail relatif aux zones touristiques.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 95 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 50.
M. Jean Desessard. Cet amendement a trait au volontariat pour travailler le dimanche dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle. Il vise à garantir aux salariés de ces communes et zones les mêmes droits que ceux dont bénéficieront les salariés des PUCE, nouvelles zones créées par cette proposition de loi.
Au nom de la liberté de consommer et de travailler, vous faites abstraction des protections collectives contenues dans le code du travail ! Nous proposons de prévoir explicitement que, dans les zones d’affluence touristique et les communes thermales, le travail dominical s’effectuera également, comme dans les PUCE, sur la base du volontariat – étant entendu qu’il doit s’agir d’un volontariat réel !
Nous savons que le volontariat est dévoyé par le lien de subordination entre salarié et employeur et que la liberté du premier est largement contrainte par la nécessité économique. Le commerce est, en effet, un secteur d’activité essentiellement féminin, où 80 % des salariés travaillent à temps partiel et ne touchent que de bas salaires. Ce n’est pas M. Braye, qui les a rencontrés, qui me démentira ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Dans ces conditions, il est peu probable que les salariés aient réellement le choix de refuser de travailler le dimanche. C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à préciser que le volontariat pour travailler le dimanche doit être exprimé par écrit, même dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 95.
Mme Isabelle Pasquet. Il s’agit d’un amendement de précision, portant sur l’épineuse question du volontariat. Il a pour objet de préciser que le salarié exprimera par écrit à son employeur son accord pour travailler le dimanche, sans que soit opérée de distinction entre les différentes catégories de dérogations.
En effet, les salariés des zones touristiques et des communes thermales sont injustement privés de la possibilité de refuser de travailler le dimanche, puisque la rédaction actuelle du texte précise que le travail dominical par roulement y est de droit.
L’examen d’un amendement similaire à l’Assemblée nationale a donné encore une fois au rapporteur et au ministre chargé des relations avec le Parlement l’occasion de se livrer à une interprétation toute particulière du texte. « Vous n’avez pas lu la proposition de loi, qui prévoit déjà que les salariés volontaires auront “donné leur accord par écrit” : c’est écrit noir sur blanc ! », n’ont-ils en effet pas hésité à dire, comme en témoigne le Journal officiel. Or cette nécessité d’un accord par écrit ne vaut que pour les dérogations prévues à l’article L. 3132-20 du code du travail, c’est-à-dire celles qui seront accordées par le préfet ou au titre de l’article L. 3132-25-1 du même code, c’est-à-dire pour les PUCE…
Autrement dit, il suffit de lire le texte de cette proposition de loi pour se rendre compte que l’accord écrit du salarié pour travailler le dimanche ne sera pas exigé dans le cadre des dérogations accordées sur le fondement de l’article L. 3132-25 du code du travail, concernant les zones et communes touristiques.
Nous entendons remédier à cette situation par cet amendement, parfaitement cohérent avec ceux que nous avons déjà défendus.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Cette possibilité est réservée aux établissements de vente au détail qui mettent à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement de précision suit à la lettre la logique du texte.
Dans les villes touristiques, où le travail le dimanche va devenir de droit, donc obligatoire, nous entendons réserver les dérogations au principe du repos dominical aux seuls commerces vendant des biens ou des services ayant un lien avec l’activité touristique. En effet, c’est précisément en raison de cette activité que les commerces des villes dites touristiques pourront ouvrir le dimanche. Si l’on s’en tient à la logique du texte, les commerces sans rapport avec l’activité touristique n’ont aucune raison d’être ouverts le dimanche.
Monsieur le ministre, vous nous dites depuis deux jours que ce texte ne généralisera pas le travail dominical et qu’il ne s’appliquera qu’à quelques cas particuliers, notamment le secteur du tourisme. Cet amendement vous donne l’occasion de mettre vos actes en cohérence avec vos propos et de nous prouver que le présent texte ne vise pas à permettre le travail le dimanche dans tous les commerces, qu’il n’institue pas la généralisation du travail dominical.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 53 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 91 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés privés de repos dominical perçoivent pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et bénéficient d'un repos compensateur équivalent. »
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 53.
M. Jean Desessard. Il s’agit d’un amendement de simplification, qui prévoit que si le principe du repos dominical est d’ordre public, celui d’une rémunération double et d’un repos compensateur l’est également.
Nous proposons donc que les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins double de la rémunération normalement due pour une même durée et bénéficient d’un repos compensateur équivalent.
Cette disposition doit évidemment s’appliquer dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle, comme La Défense. (Sourires.)
Cet amendement vise à maintenir l’égalité de traitement entre les salariés. S’il devait ne pas être adopté, des salariés d’une même entreprise, par exemple d’une chaîne de la grande distribution, ne seraient pas embauchés dans des conditions similaires pour une même fiche de poste ! Ainsi, les salariés d’un magasin situé dans un PUCE seraient payés double et bénéficieraient d’un repos compensateur en cas de travail dominical, tandis que les contreparties ne seraient pas systématiques si le magasin est implanté dans une commune ou une zone d’intérêt touristique.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 91.
Mme Marie-France Beaufils. Lors de la discussion de l’article 1er, un amendement de notre groupe tendant à faire du doublement du salaire et du repos compensateur les contreparties légales offertes à tous les salariés travaillant le dimanche avait été rejeté.
La question des contreparties au travail dominical est cruciale pour les salariés et nous entendons, pour chaque exception au principe du repos dominical, revenir sur ce sujet.
Je regrette d’autant plus votre opposition, monsieur le ministre, que la lecture du compte rendu des débats de l’Assemblée nationale ne m’a pas permis d’y trouver la moindre justification. Un député, M. Dell’ Agnola, s’est contenté de dire que « le droit commun s’applique dans les zones touristiques pour l’ensemble des commerces ». Or le droit commun, que la nouvelle rédaction que vous proposez pour l’article L. 3132-3 du code du travail est censée réaffirmer, c’est précisément le repos dominical, les autres dispositions, à partir du II de l’article 2, étant des dérogations.
Surtout, pour la majorité, il n’y aurait pas lieu de prévoir de contreparties pour les salariés qui travaillent le dimanche dans les zones touristiques, au motif que « le régime d’exception s’applique pour autant qu’il n’est pas banalisé par le droit commun ». Or, faut-il une nouvelle fois le rappeler, le droit commun, c’est le repos le dimanche, à moins que vous n’ayez déjà décidé d’anticiper de futures rectifications au droit actuel et que vous ne vous projetiez dès maintenant dans une société où le droit commun serait le travail dominical, et la dérogation, le repos…
Je réitère donc la question soulevée à l’Assemblée nationale et restée, à ce jour, sans réponse : quels éléments justifient l’absence de rémunération complémentaire pour les salariés qui travailleraient tous les dimanches ? J’espère que vous nous apporterez une réponse sur le fond, sans vous abriter derrière des considérations techniques. L’argumentaire que vous utilisez pour vous opposer à l’inscription de contreparties légales pour les salariés des zones touristiques est celui de la banalisation du travail le dimanche. J’aimerais que vous nous expliquiez en quoi cette banalisation justifierait l’absence de contreparties légales.
Reconnaissez-le, notre position a au moins le mérite de la clarté, puisque que nous proposons l’égalité des droits entre tous les salariés. (M. Jacky Le Menn applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le dimanche, l'amplitude horaire des salariés ne peut dépasser sept heures de travail. Les pauses et les coupures étant intégrées dans le décompte des heures travaillées et rémunérées comme des heures de travail effectif. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de repli, tendant à préciser que le dimanche, jour qui n’est pas comme les autres, l’amplitude horaire du travail ne peut dépasser sept heures. En outre, il vise à intégrer dans ce temps de travail les pauses et les coupures. Il s’agit de reconnaître au travail le dimanche une dimension particulière.
Nous ne nous lasserons jamais de le répéter, l’effort fourni par le salarié qui travaille le dimanche, qu’il soit volontaire ou non, doit impérativement être mesuré, reconnu et pris en compte.
Travailler le jour normalement consacré aux occupations sociales, culturelles et familiales n’est pas anodin, non plus que l’absence de deux jours consécutifs de repos, les médecins du travail, notamment, s’accordant à reconnaître qu’ils sont nécessaires pour permettre au salarié une pleine récupération.
Afin d’éviter la banalisation du travail le dimanche, vers laquelle tend ce texte, nous proposons de limiter à sept heures l’amplitude horaire de ce dernier, en y intégrant le temps des pauses, ce qui aurait d’ailleurs pour effet de garantir un rythme plus propice à la récupération.
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés qui travaillent déjà le dimanche dans des zones et communes reconnues touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, ou thermales, ou qui se verraient reconnaître comme étant touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, ou thermales et bénéficient déjà de contreparties, conservent le bénéfice de ces dernières si elles sont plus favorables que les dispositions prévues par la loi. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet d’empêcher que les salariés qui travaillent déjà le dimanche dans une zone touristique ou appelée à être considérée comme telle et qui perçoivent à ce titre des contreparties n’en perdent le bénéfice lorsque la loi s’appliquera. Je pense, par exemple, aux salariés des zones commerciales qui ne seront pas incluses dans les PUCE mais qui, pour continuer à ouvrir le dimanche, obtiendront d’être reconnues comme touristiques, à l’image de celle qui est située à proximité de la ville d’Orly – après La Défense, Orly !
Une telle situation serait profondément injuste et pèserait sur les salariés déjà les plus précarisés, ceux qui ont consenti à travailler le dimanche pour obtenir les rallonges salariales que leurs employeurs leur refusent normalement. Ne pas agir constituerait pour la majorité, qui prétend sauver le pouvoir d’achat des Français, un aveu d’échec, à moins qu’elle ne souhaite en réalité accorder un cadeau supplémentaire aux grands patrons et aux actionnaires…
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25 du code du travail, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les salariés qui refusent de travailler le dimanche dans les communes d’intérêt touristiques ou thermales intéressées, dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelles permanente, ou thermale, ne peuvent faire l’objet de sanctions à leur encontre.
« Les salariés travaillant déjà dans les communes d’intérêt touristique ou thermal, dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelles permanente, ou thermale et bénéficiant de contreparties pour ce travail mais perdent le bénéfice de ces contreparties en raison de l’application de la présente loi, et refusent de travailler le dimanche, ne peuvent faire l’objet de sanctions. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement s’inscrit lui aussi dans notre logique de protection des salariés contre un texte mal rédigé, ou délibérément construit pour affaiblir les droits des salariés.
Nous proposons donc que les salariés qui travaillent déjà le dimanche dans des zones touristiques et bénéficient actuellement de contreparties ne soient pas sanctionnés s’ils refusaient, à l’avenir, de travailler le dimanche sans contreparties.
M. le président. L’amendement n° 96, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
communes d’intérêt touristique
par les mots :
communes touristiques au sens de l’article R. 3132-20
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec un autre déjà défendu.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par M. Caffet, Mme Khiari, MM. Assouline et Madec, Mmes Le Texier et Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Blondin et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L’amendement n° 54 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
de l’autorité administrative visée à l’article L. 3132-26
par les mots :
des conseils municipaux
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour présenter l’amendement n° 22.
M. Jean-Pierre Caffet. Je souhaite attirer l’attention de mes collègues sur le sort que cette proposition de loi réserve à Paris.
Pour Paris, aux termes de la législation actuelle, il existe deux catégories de dérogations au principe du repos dominical : les cinq dimanches dits « du maire », qu’il revient en fait au préfet d’accorder ou non, et les zones touristiques, dont la délimitation est décidée par le préfet sur proposition du conseil municipal, conformément au droit commun.
Ce système a fonctionné à la satisfaction générale jusqu’à présent. Les gouvernements, les maires, les majorités municipales qui se sont succédé depuis une trentaine d’années n’ont jamais souhaité le remettre en cause. Sur la base de cette législation, un travail fécond a pu être effectué, puisqu’il existe à l’heure actuelle à Paris sept zones d’intérêt touristique, où les commerces peuvent ouvrir le dimanche.
Or, de manière curieuse, et même incompréhensible, cette proposition de loi inverse la hiérarchie des responsabilités. En effet, si elle ne remet pas en cause les dispositions relatives aux cinq dimanches du maire, qui continueront à relever des prérogatives du préfet – nous ne revendiquons nullement qu’ils soient décidés par le maire –, en revanche, elle prévoit textuellement que le préfet prendra des décisions aussi cruciales que la transformation de Paris, capitale du pays, en commune d’intérêt touristique ou que la création ou l’extension de zones touristiques sans que le conseil municipal de Paris ait son mot à dire !
Alors que Paris était rentré dans le droit commun depuis la grande loi de 1975 adoptée sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, qui a ouvert la voie aux élections municipales de 1977, on nous propose aujourd’hui, sans la moindre explication, de créer au travers de cette proposition de loi un statut particulier pour Paris et de priver ses élus de voix au chapitre sur un sujet d’une importance majeure !
Cette situation est incompréhensible, d’autant, je le répète, que le dispositif en vigueur donnait satisfaction à tout le monde !
Hier, dans son intervention liminaire, M. le ministre nous a certes indiqué qu’il entendait tenir compte des préoccupations des élus parisiens, qui demandent de façon presque unanime – Mme Hermange s’est exprimée à peu près dans les mêmes termes ce matin, et M. Dominati ira peut-être dans le même sens dans quelques minutes – que Paris jouisse exactement des mêmes prérogatives que les autres communes et que les décisions qui seront éventuellement prises par le préfet le soient sur demande ou sur proposition du conseil municipal, comme partout ailleurs en France. Personne ne saurait comprendre que Paris soit traité différemment de Marseille ou de Lille !
Monsieur le ministre, vous nous avez assuré que vous régleriez la question par décret, mais la hiérarchie des responsabilités demeurera inversée : le préfet aura l’initiative et prendra sa décision après avoir demandé l’avis du Conseil de Paris, dont le rôle pourrait n’être que consultatif.
M. Nicolas About. C’est normal !
M. Jean-Pierre Caffet. Il s’agit pour Paris d’une véritable régression démocratique – il faut appeler un chat un chat –, contraire à mes yeux à l’esprit de la loi de 1975 et des lois de décentralisation, voire à la Constitution. Nous n’hésiterons d’ailleurs pas à le faire vérifier, monsieur le ministre ! Cela est absolument inique, incompréhensible, d’où notre amendement.
Ce matin, quand un certain nombre d’entre nous se sont émus de la précipitation avec laquelle ce texte a été présenté, Mme le rapporteur a répondu qu’il avait au contraire été longuement mûri, qu’il avait donné lieu à de multiples échanges avec M. Richard Mallié et qu’il en était à sa quatrième version.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je ne me suis pas exprimée dans ces termes !
M. Jean-Pierre Caffet. Madame le rapporteur, puisque vous avez longuement étudié ce texte et en connaissez presque chaque ligne, comment avez-vous pu accepter qu’une telle disposition y soit inscrite en catimini, sans que les élus parisiens, en particulier le maire, aient jamais été consultés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 54.
M. Jean Desessard. Je serai bref, après l’excellent plaidoyer de mon collègue sénateur de Paris Jean-Pierre Caffet.
Les sénateurs Verts souhaitent eux aussi que les conseils municipaux concernés soient associés à la détermination des zones touristiques. À cet égard, il est particulièrement scandaleux que la proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, prévoie un régime particulier pour la ville de Paris, alors que, comme l’a rappelé Mme Hermange ce matin, lors de la discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital, Mme Bachelot-Narquin nous avait expliqué qu’il n’y avait aucune raison de traiter Paris différemment des autres villes de France.
Aux termes de la rédaction actuelle du texte, le préfet de Paris pourrait imposer l’extension du travail du dimanche, sans en référer ni au maire ni au Conseil de Paris. Il est impensable que le préfet prenne seul, de manière discrétionnaire, une décision qui concernerait plus de 2 millions de Parisiens et de 11 millions de Franciliens, soit un Français sur six !
M. le ministre nous a indiqué, lors de la discussion générale, que le cas particulier de Paris serait réglé par un décret en Conseil d’État, qui déterminera les modalités d’application de cet article. Il nous a garanti que le décret précisera que le Conseil de Paris devra être consulté. (M. le ministre acquiesce.)
Dans ces conditions, monsieur le ministre, puisque nous sommes d’accord, pourquoi ne pas l’inscrire dès aujourd’hui dans le texte par le biais de nos amendements ? Évidemment, mes chers collègues, nous devrions alors nous retrouver en fin de semaine pour adopter les conclusions d’une commission mixte paritaire, mais nous pouvons tout de même consacrer quatre jours à l’amélioration d’un texte qui obligera 200 000 salariés supplémentaires à travailler le dimanche !
Redonnons un peu de pouvoir au Sénat et osons voter un petit amendement pour régler cette question, puisqu’il semblerait que nous soyons tous d’accord ! À moins que vous ne soyez pas sûr de vous, monsieur le ministre, et que vous attendiez encore un arbitrage et des coups de téléphone ! Mais si nous sommes tous d’accord pour que Paris ne soit pas un cas particulier, adoptons ces amendements identiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L’amendement n° 98, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
sur proposition de l’autorité administrative visée à l’article L. 3132-26
par les mots :
sur demande des conseils municipaux
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne répéterai pas ce qu’a très bien dit Jean-Pierre Caffet. Force est de constater que si tous les élus parisiens sont d’accord, ils se heurtent malheureusement à la volonté du Président de la République. Voilà le problème !
Pour lui, il est évident que tous les commerces de Paris, ville touristique s’il en fut, doivent être ouverts le dimanche. Par le jeu des diverses dérogations et autorisations, beaucoup de magasins sont déjà ouverts le dimanche à Paris dans les lieux touristiques. Dorénavant, en plus des zones d’intérêt touristique délimitées par le préfet, il y aura des PUCE : toute la ville sera zone touristique ! Quant aux salariés, leur statut variera d’un coin de rue à l’autre !
Il est évident que l’on a cherché à contourner les élus parisiens, qui refusent l’extension des zones touristiques dans Paris, estimant que les périmètres existants suffisent. La situation actuelle permet à certains commerces de proximité de profiter du tourisme, quand tant d’autres ont succombé sous la concurrence des grands magasins : dans ce secteur d’activité, 50 000 emplois ont disparu à Paris dans les dix dernières années, alors que l’amplitude des horaires d’ouverture n’a cessé de croître ! Il existe donc une contradiction entre l’objectif que vous prétendez viser et la réalité des choses.
Restons-en donc à ce qui existe aujourd’hui en matière de zones touristiques à Paris, d’autant que l’on nous annonce déjà que la concurrence va faire rage entre les grands magasins de La Défense et ceux du boulevard Haussmann. Que vont faire les touristes ? En tout cas, il est certain que la concurrence jouera au détriment des salariés parisiens du commerce, déjà exploités et soumis à des horaires insupportables.
Les élus parisiens entendent d’abord être respectés, comme les autres, car la démocratie doit prévaloir partout, y compris dans la capitale de la France ! À une large majorité, ils refusent l’extension des zones touristiques et n’acceptent pas d’être tenus pour quantité négligeable, soumis au bon vouloir du préfet. Les élus parisiens sont responsables : ils savent que Paris reçoit beaucoup de touristes de toutes nationalités, mais ils ont aussi la sagesse de penser que la relance économique de notre pays, y compris de la capitale, ne repose pas sur le chiffre d’affaires de LVMH ! Cela se saurait !
M. Robert del Picchia. Décidément, elle en veut à LVMH !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Revenez donc à la raison, mes chers collègues, et adoptez ces amendements. Paris doit rester dans le droit commun et ses élus doivent être respectés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
à l’article L. 3132-26
par les mots :
à l’article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est posé par la Constitution et s’impose donc au législateur, ainsi qu’à toutes les autorités administratives.
Par conséquent, les conseils municipaux, représentants des habitants, doivent être à l’initiative d’une éventuelle demande de classement de la commune en tant que commune touristique ou thermale ou de la délimitation de zones touristiques. Cet amendement a pour objet de réaffirmer ce principe fondamental, qui peut jouer le rôle de garde-fou en matière de travail dominical. Il s’agit d’éviter que ce texte ne devienne le prélude à une généralisation du travail le dimanche qui ne s’accompagnerait pas, pour autant, d’une généralisation des contreparties et des protections pour les salariés concernés.
En effet, ne nous leurrons pas : même si l’on ne cesse de marteler que seules les communes touristiques au sens du code du travail seront concernées, la frontière est ténue entre celles-ci et les communes touristiques au sens du code du tourisme !
D’ailleurs, dans mon département, l’Isère, à l’exception de quatre d’entre elles, les communes touristiques au sens du code du tourisme et du décret n° 2008-884 du 2 septembre 2008 figurent également dans la liste des communes touristiques au sens du code du travail, qui sont actuellement au nombre de cinquante-trois.
Nul besoin d’être un visionnaire pour comprendre que les deux listes sont destinées à converger et que l’on pourra bientôt travailler « de droit » le dimanche dans plusieurs milliers de communes touristiques. La voie est ouverte à la généralisation du travail dominical.
C’est pourquoi nous proposons que le conseil municipal soit le pivot du dispositif. Il doit lui incomber de demander, ou non, le classement en commune touristique au sens du code du travail.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail par les mots :
et à Paris, après avis du Conseil de Paris
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. En déposant cet amendement, j’ai voulu exprimer mon incompréhension et mon irritation.
On peut avoir de Paris une vision progressiste, tournée vers l’avenir, ou au contraire inscrite dans l’histoire de France –et souhaiter alors qu’une tutelle s’exerce durablement sur la capitale.
Une évolution cruciale a eu lieu en 1975, quand le président Giscard d’Estaing a permis à Paris d’élire un maire. Elle a failli être contrariée en 1982, lorsque Gaston Defferre a voulu découper la capitale. Mais le Sénat, qui est la maison des collectivités territoriales, a réagi et réaffirmé le principe, posé en 1975, d’un statut de droit commun pour Paris.
M. Jean-Pierre Caffet. Il a bien fait !
M. Philippe Dominati. Le Président de la République a esquissé une vision d’avenir en lançant le débat sur le Grand Paris. On adapte peu à peu, en fonction des réalités quotidiennes, la législation applicable à Paris, avec par exemple les dispositions relatives à l’AP-HP qui figurent dans la réforme hospitalière ou l’extension de la compétence du préfet de police de Paris aux trois départements de la petite couronne.
Or, dans le texte qui nous occupe, il est fait abstraction de la première ville touristique du monde, alors que la question avait été soulevée lors de l’examen du projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques.
Mon irritation vient du fait qu’il s’agit, à mes yeux, d’une faute politique.
M. Jean-Pierre Caffet. Exact !
M. Philippe Dominati. L’ouverture des magasins le dimanche se pratique à Paris depuis de nombreuses années dans certains quartiers, sans que le maire s’en émeuve particulièrement : il n’a pris position sur ce sujet que très récemment. Il s’agit donc bien, avec ce texte, de légaliser une réalité économique. Toutes les études montrent que l’attractivité économique de Paris décline, cet aspect n’intéressant guère la municipalité.
Pour autant, monsieur le ministre, vous donnez le beau rôle aux défenseurs des libertés locales, dont nous sommes d’ailleurs nous aussi ! Je puis partager les propos tenus par M. Caffet. Si l’on devait effectivement assister à une régression des libertés, cela serait grave.
Cela étant, il est tout à fait possible de réparer la faute qui a été commise. Il n’est pas envisageable que le Sénat, qui a tenu à conserver à Paris un statut de droit commun, ne puisse étudier à l’avenir des questions relatives aux collectivités territoriales sans faire de la capitale une exception. Il convient de clarifier les choses. Ainsi, la loi PLM concerne trois villes ayant chacune un statut particulier.
Monsieur le ministre, devant l’incohérence de la situation, vous devez nous indiquer clairement quels moyens vous entendez mettre en œuvre pour réparer les fautes qui ont été commises.
Mme Colette Mélot. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Blondin et Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Khiari, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code de travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les distorsions de concurrence susceptibles d'apparaître entre les établissements de vente au détail des communes qui ne relèvent pas du même régime en matière de repos dominical ne peuvent conduire à élargir le périmètre des dérogations au-delà du seul territoire des communes touristiques qui bénéficient d'une dérogation au repos dominical. »
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, cet amendement est relatif aux distorsions de concurrence qui pourraient apparaître au sein d’une même zone de chalandise et conduire à élargir le champ des dérogations au repos dominical, même si ces dernières – vous l’avez rappelé – sont théoriquement limitées aux communes d’intérêt touristique.
La proposition de loi va induire une concurrence nouvelle, avec détournement de clientèle par les communes touristiques. Si l’activité saisonnière justifiait, jusqu’à présent, des ouvertures dominicales périodiques, le texte prévoit de les autoriser tout au long de l’année. Une telle situation affectera les règles de concurrence qui prévalaient auparavant et pénalisera les commerces situés à la périphérie immédiate des communes touristiques.
Comme l’a rappelé notre collègue Jean-Jacques Mirassou, ces commerces se trouvent alors placés devant l’alternative suivante : soit ils supportent en silence le dommage commercial qui résulte de cette distorsion de concurrence, soit ils demandent à bénéficier de la dérogation au repos dominical prévue à l’article L. 3132-20 du code du travail. Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises les dérogations accordées à ce titre par le préfet du département du Val-d’Oise.
Nous risquons donc d’assister à un effet dominos. Ainsi, des enseignes vendant du matériel hi-fi ou des appareils électroménagers ont pu bénéficier d’une dérogation préfectorale au repos dominical parce que des magasins d’ameublement, relevant de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, vendaient également du matériel hi-fi et électroménager au sein de la même zone de chalandise.
Dans sa décision du 7 avril 2009, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a confirmé que le préjudice était établi. Pour rendre cette décision, le juge administratif s’est appuyé sur une jurisprudence du Conseil d’État en date du 28 juillet 2004, l’arrêt Ekima, selon lequel « l’existence de détournements de clientèle de nature à compromettre le fonctionnement d’un établissement du fait de sa fermeture dominicale est fondée, dès lors que les dérogations sont accordées à des établissements situés sur le territoire de communes limitrophes et proposant des produits concurrents ».
On voit bien que les dérogations en alimentent d’autres, par le jeu d’une concurrence faussée.
Cet amendement a donc vocation à neutraliser l’argument juridique de distorsion de concurrence qui pourrait conduire, à terme, à élargir encore le périmètre des dérogations au repos dominical. Malgré toutes les assurances que vous vous êtes efforcé de nous donner, monsieur le ministre, les dérogations et les élargissements de périmètre sont possibles. La brèche est ouverte, la digue cède, la généralisation du travail du dimanche est en marche !
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les contreparties accordées au titre du travail dominical sont constituées au minimum pour chaque salarié privé de repos le dimanche du bénéfice d'une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et d'un repos compensateur équivalent en temps. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour objet d’éviter au Gouvernement et à la majorité le désagrément d’une censure par le Conseil constitutionnel…
Deux options s’offrent pour rétablir un peu de cohérence dans le dispositif du texte, sinon l’égalité de traitement.
Soit on supprime les compensations prévues à l’article L. 3132-25-1 du code du travail pour les salariés des PUCE, mais cela aurait un effet désastreux sur l’opinion et heurterait frontalement la doctrine du « travailler plus pour gagner plus ». Par ailleurs, les employeurs ont eu tant de mal à négocier les conventions de branche ou d’entreprise qu’il ne faut pas les décourager.
Soit on prévoit des contreparties pour les salariés des commerces des communes et zones touristiques, même si on ne parvient pas à définir ce que recouvrent ces concepts. Ce serait au moins un début de clarification de ce texte obscur.
Le texte, en l’état actuel, contredit la pensée sarkozienne. Les salariés des commerces des communes et des zones touristiques travailleront plus, y compris le dimanche, mais pour rien : aucune contrepartie, de quelque nature que ce soit, n’est prévue. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui un bug !
Mieux encore, dans un souci bien compréhensible d’apaisement, nos collègues députés ont adopté l’excellent amendement de Mme Billard et de M. Muzeau qui prévoit que, pour les cinq dimanches dits « du maire », les salariés percevront une rémunération au moins double et un repos compensateur équivalent en temps. Tous les salariés sont très certainement concernés, puisque le dispositif s’inscrit dans le cadre de l’article L. 3132-27 du code du travail.
Il résulte apparemment de cette brillante rédaction que les salariés des communes et zones touristiques qui, à l’instar de Paris, attirent les touristes en toutes saisons, notamment pour les fêtes de fin d’année, bénéficieront d’une majoration en salaire et en temps pour ces cinq dimanches, mais pas pour les autres.
Quant aux salariés des commerces situés dans les PUCE, si l’accord collectif avec l’employeur prévoit des compensations inférieures à 100 %, comme c’est prévisible, ils bénéficieront, ces cinq dimanches-là, d’une sorte de bonus municipal…
Nous sommes très étonnés que Mme le rapporteur n’ait pas relevé ces curiosités, alors que le Sénat est d’ordinaire très soucieux de la clarté de l’écriture législative, et qu’elle ait déjà annoncé par voie de presse un vote conforme. Le Sénat doit bien y réfléchir : vaut-il mieux une commission mixte paritaire ou une censure du Conseil constitutionnel ?
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À Paris, le périmètre des zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente est établi par le Préfet de Paris avec avis du ou des maires d'arrondissement concernés. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. L'amendement n° 85 vise à supprimer le dispositif relatif aux communes et zones touristiques. La commission y est bien évidemment défavorable.
M. Jean-Pierre Caffet. Il faut argumenter !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. L'amendement n° 17 tend à n’autoriser l’ouverture des commerces le dimanche que pendant la saison touristique, comme c’est le cas aujourd’hui. Il est souvent délicat de définir précisément quand commence et quand s’achève la saison touristique. Comme l’ont indiqué tout à l’heure certains de nos collègues, les magasins ne resteront pas ouverts s’il n’y a plus de clients. Nous pouvons faire confiance au bon sens des commerçants : chacun d’entre eux déterminera, en fonction des réalités économiques, s’il est utile pour lui de continuer à ouvrir le dimanche à telle ou telle période de l’année. La proposition de loi vise précisément à introduire de la souplesse. Monsieur Jeannerot, je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
La commission s’oppose également à l'amendement n° 18 rectifié, pour trois raisons.
Tout d’abord, monsieur Jeannerot, les supermarchés et les commerces familiaux ne sont pas concernés par ce texte, qui ne vise absolument pas les commerces alimentaires, quelle que soit leur taille.
Ensuite, on compte très peu de magasins à grande surface dans les zones touristiques, les grandes enseignes étant surtout implantées dans les zones commerciales et en périphérie des villes.
Enfin, il convient de maintenir une règle uniforme, qui soit plus simple à mettre en œuvre et qui évite les distorsions de concurrence.
En ce qui concerne l'amendement n° 136 rectifié, l’introduction de la notion de communes d’intérêt touristique dans le code du travail vise à mieux différencier celles-ci des communes touristiques au sens du code du tourisme.
Je confirme ce que j’ai dit en commission : seules 500 communes environ sont concernées. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
L’adoption de l’amendement n° 19 réduirait considérablement le nombre de communes concernées et affaiblirait la portée de la proposition de loi. Sachez, madame Khiari, que tous les critères de classement, que je ne vais pas énumérer, car ce serait un peu fastidieux, figurent à la page 18 de mon rapport.
Mme Bariza Khiari. Au moins, c’est clair !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Cela étant, avant que ces critères ne s’appliquent à une commune, il faut que le maire demande à ce que celle-ci figure sur la liste des communes touristiques. Il existe donc suffisamment de garde-fous pour éviter les abus. Je le répète, faisons confiance aux élus locaux.
M. Jean-Jacques Mirassou. Sauf à Paris …
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Madame David, je viens de feuilleter le code du tourisme et je n’y ai pas trouvé les termes « commune d’intérêt touristique ». Si les députés ont souhaité introduire cette notion, c’est afin de bien dissocier le code du tourisme et le code du travail. À mon sens, aucune ambiguïté n’est possible. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 86.
L’amendement n° 88 n’apporte rien sur le plan juridique. La partie réglementaire du code du travail complète les dispositions de la partie législative. Là non plus, il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point. De surcroît, on ne fait jamais référence dans la partie législative du code aux dispositions d’application qui figurent dans la partie réglementaire. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’adoption de l’amendement n° 87 restreindrait excessivement le champ d’application du texte.
Mme Annie David. C’est le but !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je le comprends, ma chère collègue, mais comme ce n’est pas le nôtre la commission a émis un avis défavorable.
L’adoption des amendements nos 52 et 90 marquerait un recul par rapport au texte actuel de la proposition de loi, qui dispose que l’ouverture des commerces le dimanche est de droit dans les communes touristiques. En l’occurrence, nous ne modifions pas la législation en vigueur, mais nous l’améliorons en obligeant les partenaires sociaux à négocier, ce qui protégera les salariés des communes touristiques. En effet, aujourd’hui, rien n’est prévu pour eux dans la loi.
L’amendement n° 89 appelle le même commentaire que l’amendement n° 17, présenté par le groupe socialiste.
Les amendements nos 20, 50 et 95 visent à introduire l’idée de volontariat pour le travail du dimanche dans les communes touristiques. La proposition de loi, je le rappelle, ne retient pas ce principe dans la mesure où l’ouverture dominicale présentera un caractère structurel, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Les personnes postulant à un emploi dans ces communes sauront que le travail dominical est une éventualité à prendre en compte.
Mme Annie David. Pas aujourd’hui !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous ne souhaitons pas remettre en cause l’équilibre du texte sur ce point.
Je rappelle cependant que les principes généraux du droit des contrats s’appliquent dans les communes touristiques comme ailleurs et protègent les salariés.
Imposer à un salarié qui travaillait jusqu’ici seulement en semaine de travailler le dimanche ne peut se faire, comme je l’ai dit en commission des affaires sociales, sans modification de son contrat de travail. Or celle-ci suppose le consentement du salarié. Dans la mesure où le salarié peut refuser, ces amendements sont donc pleinement satisfaits.
L’amendement n° 21 est trop restrictif et poserait les mêmes problèmes de mise en œuvre que le droit actuel. La commission a donc émis un avis défavorable.
J’ai déjà répondu dans mes propos liminaires aux arguments exposés pour défendre les amendements nos 53 et 91 en précisant que la différence entre les contreparties accordées aux salariés dans les communes touristiques et dans les PUCE résultait de la différence de régime juridique applicable dans un cas et dans l’autre. Je ne vais donc pas développer à nouveau ce point.
J’en viens à l’amendement n° 92.
Aux termes du code du travail, la durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures et le salarié a droit à onze heures consécutives de repos. Il ne paraît pas nécessaire de prévoir une règle différente le dimanche même si, il est vrai, on a toujours dit qu’il s’agissait d’un jour particulier.
Il y aura donc des majorations salariales, un repos compensateur, mais je ne vois pas pourquoi on devrait changer les horaires de travail. J’ai fait exactement le même commentaire à propos des femmes en disant que je ne voyais pas pourquoi on devrait différencier le dimanche des autres jours.
Au sujet des amendements nos 93 et 94, je vais vous répéter ce que je vous ai dit en commission, madame David : il faut faire confiance aux partenaires sociaux.
Les syndicats craignaient en effet que seuls les dimanches exceptionnels soient payés double. Or, comme on a pu le voir dans le secteur de l’ameublement, dès le mois de mai 2008, la fédération a su faire preuve de responsabilité en proposant immédiatement le doublement du salaire pour chaque dimanche travaillé afin d’éviter un recul des droits des salariés.
L’amendement n° 96 appelle le même commentaire que l’amendement n° 88.
J’en viens aux amendements nos 22, 54, 98 et 97, qui concernent Paris.
Monsieur Caffet, le régime propre à Paris, où la création de zones touristiques relèverait du préfet, s’explique par le statut particulier de la capitale.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est faux !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Son attractivité touristique intéresse le pays tout entier.
Le préfet est déjà compétent pour décider des cinq jours de dérogation qui relèvent ailleurs de la compétence du maire.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est vous qui l’avez décidé, sans consulter les élus parisiens !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je n’ai rien décidé du tout.
M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez travaillé pendant deux ans sur ce texte paraît-il !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. De toute façon, le pouvoir de décision ne m’appartient pas, il relève de la Haute Assemblée, monsieur Caffet.
Aujourd’hui, les cinq « journées du maire » sont …
M. Jean-Pierre Caffet. Vous ne me l’apprenez pas !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Pourquoi êtes-vous si agressif ? Pour ma part, je ne vous ai ni interrompu ni agressé. Essayez de faire la même chose. Comme l’on dit chez moi, l’agressivité est le propre des faibles ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –- Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Veuillez poursuivre, madame le rapporteur.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Comme je le disais, le préfet étant déjà compétent pour décider des cinq jours de dérogation, nous avons décidé de conserver ce dispositif pour la capitale. Que vous ne soyez pas d’accord, je le conçois, mais telle était la législation en vigueur quand j’ai commencé à travailler sur ce sujet.
Monsieur Desessard, les élus locaux seront pleinement associés à l’établissement de la liste des communes et des zones touristiques, puisque le maire sera à l’origine de la demande de classement.
Une exception, c’est vrai, est prévue pour Paris compte tenu du statut particulier de la capitale aujourd’hui. L’attractivité touristique de la capitale intéresse la France tout entière, ce qui explique le rôle particulier donné à l’État.
L’amendement n° 68 vise à prendre en compte l’avis du conseil de Paris. Je comprends parfaitement cette demande, mais j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement à ce sujet.
L’amendement n° 23 ne nous paraît pas justifié. Les seules possibilités de dérogation au repos dominical sont celles prévues par la loi et les règlements. Un tribunal ne peut pas octroyer une dérogation au repos dominical de son propre chef, sans fondement juridique.
Sur le fond, je pense que les distorsions de concurrence seront en réalité tout à fait limitées. Ce sont avant tout les commerces qui ont quelque chose à offrir à la clientèle touristique qui ouvriront le dimanche. Ces commerces, par définition, ne sont pas représentés dans les communes non touristiques. La commission a donc émis un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 24, je rappellerai que les différences de contrepartie entre les communes touristiques et les PUCE ont déjà été évoquées à maintes reprises. Certaines ont des dérogations de droit, d’autres des dérogations temporaires. Je n’y reviens donc pas.
Enfin, s’agissant des amendements nos 69 et 68, je demande à leur auteur de bien vouloir les retirer.
M. Jean Desessard. Pour l’amendement n° 68, vous souhaitiez connaître l’avis du Gouvernement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Mme le rapporteur ayant répondu à chaque amendement un par un, je ferai une réponse synthétique en regroupant les problèmes. Cela étant, je ne surprendrai personne en disant d’emblée que le Gouvernement émettra un avis défavorable sur tous les amendements. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Quel scoop !
M. Xavier Darcos, ministre. Je vais tout de même expliquer pourquoi.
Tout d’abord, la réforme que nous proposons vise à supprimer une situation absurde en permettant à tous les types de commerce d’ouvrir, comme l’a proposé le CESE. Je ne saurais donc être favorable à tout amendement portant un caractère limitatif aux droits nouveaux que nous créons, tels les amendements nos 85, 136 rectifié, 87, 52, 90 et 21.
Ensuite, le mécanisme proposé par ce texte contient des garanties en faisant du maire – je reviendrai spécifiquement sur le cas de Paris – le point d’entrée unique. Des consultations préalables sont d’ailleurs prévues.
Les maires sont déjà compétents pour les cinq dimanches comme ils le sont pour les pouvoirs de police. Ils connaissent leur territoire et peuvent être juges de l’opportunité du classement en commune touristique. Je ne peux donc être favorable aux amendements nos 22, 54 et 98, qui visent à limiter la compétence du maire.
Sur les amendements nos 17, 19 et 89, je répéterai, comme nous avons eu l’occasion de le dire à maintes reprises dans ce débat – M. Fourcade a d’ailleurs fait tout à l’heure une intervention de très bonne qualité à ce sujet –, que les commerces n’ouvriront pas s’il n’y a pas de clients.
Évitons les sophismes ! Personne n’ira acheter du matériel de plongée à Chamonix au mois de décembre ou des chaussures de ski à Saint-Tropez au mois de juillet.
Mme Annie David. Ni même au mois de décembre !
Mme Gisèle Printz. Si c’est soldé … (Sourires.)
M. Xavier Darcos, ministre. Il est absurde de discuter d’évidences pendant des heures.
Sur les amendements nos 18 rectifié et 92, qui visent respectivement à limiter l’ouverture aux surfaces de moins de 350 mètres carrés et l’amplitude horaire à sept heures, je répondrai que nous ne souhaitons pas modifier au détour de cette loi les principes généraux du droit de la concurrence relatifs au temps de travail. Je l’ai déjà dit plusieurs fois : ce n’est pas l’objet de cette loi, bien au contraire !
J’en viens à la question de Paris, qui est en effet très compliquée et sur laquelle j’avoue avoir eu moi-même beaucoup d’hésitations lors du débat à l’Assemblée nationale.
La proposition de loi entend donner toute initiative au maire. C’est déjà le cas pour ce qui concerne les journées du maire. Un certain parallélisme des formes nous a cependant conduits à nous demander s’il n’était pas préférable pour Paris, comme le prévoit aujourd’hui le texte, que ce soit le préfet qui fasse l’instruction conduisant, le cas échéant, à ce classement.
Constatant en effet qu’il y a une différence entre les compétences communales à Paris et dans les autres communes, et que le représentant de l’État a un statut particulier à Paris, nous avons pensé qu’il fallait prolonger les dispositions actuelles du code du travail. Je rappelle que les décisions de police administrative à Paris, notamment de police économique, sont de la compétence du représentant de l’État. Comme l’a dit Mme Debré, c’est la législation en vigueur.
Je souhaite cependant répondre aux questions posées par les sénateurs de Paris, plus particulièrement Mme Hermange et M. Dominati.
Cher Philippe Dominati, au fond, votre démarche me semble légitime et juste. Cependant, votre proposition conduirait à revenir sur des dispositions en vigueur, en particulier sur le fait que c’est le préfet de police qui décide, à Paris, des dimanches pendant lesquels les magasins sont ouverts. Je souhaiterais donc que vous retiriez vos amendements en contrepartie de l’engagement que je prendrais et qui figurerait au compte rendu intégral des débats, de signer, sitôt la loi votée, des décrets prévoyant que le préfet de police de Paris ne pourra prendre de décision sans que le conseil de Paris ait été consulté. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.) De ce fait, sans que le texte soit modifié, vous auriez satisfaction. En outre, puisque vous avez souhaité que non seulement le conseil de Paris mais également les conseils d’arrondissement soient consultés, les décrets que je signerai prévoiront aussi que les conseils d’arrondissement soient consultés.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce ne sera qu’un avis simple !
M. Xavier Darcos, ministre. Il me semble lever ainsi une difficulté que vous avez légitimement soulevée.
Plusieurs amendements portaient sur les critères de définition des communes touristiques. Nous avons dit et redit qu’il y avait des communes touristiques au sens du code du travail, au nombre d’environ 500, et des communes touristiques au sens du code du tourisme. Le code du travail prévoit des critères extrêmement précis, que cette proposition de loi ne modifie pas ; tout le reste ne me paraît qu’arguties. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 19, 86, 88 et 96.
Je répète que les communes touristiques visées par la proposition de loi sont bien celles du code du travail et non celles du code du tourisme. Prétendre qu’il pourrait y avoir un effet domino est en contradiction avec l’esprit de la loi.
S’agissant du volontariat et des amendements portant sur les contreparties, je vous renvoie à la réponse de principe que j’ai donnée hier, en tout début de discussion, à propos de l’amendement n° 72. Je rappelle, par ailleurs, qu’un travail dominical pourra constituer une modification du contrat de travail, ce qui suppose l’accord du salarié, le refus ne pouvant à lui seul justifier une quelconque mesure de rétorsion, encore moins un licenciement.
J’observe d’ailleurs, chez certains membres de l’opposition, une contradiction entre leur dénonciation du volontariat et leurs amendements. Vous ne cessez, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, de dire que le volontariat est illusoire, qu’il s’agit d’une fiction, etc., mais vous ne cessez pas non plus de le promouvoir dans vos amendements. Il conviendrait de montrer une plus grande cohérence. J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 20, 50, 95, 53, 91 et 94.
S’agissant de l’amendement n° 93, je répondrai que les contreparties conventionnelles ou contractuelles dont les salariés bénéficient aujourd’hui ne sont pas remises en cause par la proposition de loi. Pourquoi revenir sur ce sujet ? Je suis donc défavorable à cet amendement, qui ne fait que constater un état de droit que la proposition de loi ne modifie pas.
Enfin, je suis également défavorable à l’amendement n° 23 dans la mesure où le droit du travail, tel qu’il résulte de ce texte, offre des garanties concernant tant la définition par le préfet, après consultation, de la zone touristique que l’octroi de dérogations individuelles, avec une instruction permettant de vérifier que les critères de préjudice au public sont bien remplis.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote sur l'amendement n° 85.
M. Hervé Maurey. Je souhaiterais profiter de cette explication de vote pour répondre à certains propos tenus notamment par M. Fortassin et Mme Khiari qui m’ont paru erronés, excessifs, voire caricaturaux.
Ainsi, on nous a expliqué que les Américains, les Japonais, les Chinois, etc., ne venaient pas à Paris pour faire du shopping. Peut-être est-ce le cas, même si l’on sait que le shopping tend de plus en plus à être une motivation touristique et que les grands magasins sont aujourd’hui plus visités que certains monuments ; ce ne sont pas les sénateurs de Paris, de gauche comme de droite, qui me démentiront. Cela dit, si ces touristes trouvent les magasins fermés, ils ne feront pas d’achats ; ils n’attendront pas que les magasins ouvrent le lundi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ont le samedi, pour faire des courses !
M. Hervé Maurey. En revanche, si les grands magasins sont ouverts le dimanche, ils consommeront, ce qui sera incontestablement bon pour le commerce, pour l’emploi et pour le pouvoir d’achat des salariés.
Comme M. le ministre ce matin, je me permettrai de prendre un exemple personnel. Voilà quelques mois, je me suis rendu à Rome avec mes enfants. Je n’y étais pas allé pour faire du shopping…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement !
M. Hervé Maurey. … mais pour visiter les musées, le Vatican, etc.
Nous avons cependant été très heureux de trouver des magasins ouverts le dimanche, puisque, à Rome, ville catholique, les magasins sont ouverts le dimanche !
M. Hervé Maurey. Pour tout vous dire, mes chers collègues, mes enfants, adolescents, ont été très heureux de faire du shopping. J’imagine que réciproquement des touristes, y compris des Romains, venant visiter Paris seront très heureux d’y faire des achats.
En outre, je vous rassure, je n’ai acheté ni tondeuse à gazon ni canapé… (Sourires.) Je dis cela pour montrer à quel point vos propos sont caricaturaux, mes chers collègues de gauche, et combien certains d’entre vous méconnaissent dramatiquement les réalités économiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.) D’un certain point de vue, cela me rassure. Il y a encore des différences entre la droite et la gauche : d’un côté, on est conscient des réalités économiques tandis que de l’autre on vit sur une autre planète. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.
M. Jean Desessard. Mme le rapporteur a émis un avis défavorable sur cet amendement, au motif qu’il serait inutile de préciser les saisons touristiques puisque, comme l’a dit M. Fourcade, en l’absence d’acheteurs, les magasins fermeront. Je ne sais pas si c’est la droite ou la gauche qui a du mal à comprendre les réalités économiques mais on ne vend pas que des objets touristiques dans les zones touristiques. L’ensemble des magasins sont concernés.
Or que va-t-il se passer ? Un magasin pourra décider, pour amortir frais et investissements, d’ouvrir le dimanche, en dehors de la saison touristique. Même s’il n’y a pas plus d’argent à dépenser, il y a potentiellement des acheteurs le dimanche. Ouvrant, lui seul, le dimanche, ce magasin va attirer une clientèle ce jour-là. Dès lors, il réalisera davantage de bénéfices.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Eh bien, c’est très bien !
M. Jean Desessard. Que vont faire les autres magasins ? Ils vont se dire qu’ils sont obligés eux aussi d’ouvrir le dimanche.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Eh bien, ils le feront !
M. Jean Desessard. À la fin, ils ouvriront tous, alors qu’il n’y a pas plus d’argent pour consommer. Ainsi, même en dehors de la saison touristique, l’ensemble des magasins seront ouverts le dimanche… pour rien ! Tout cela parce que l’un d’entre eux aura pris l’initiative d’ouvrir le dimanche, qu’il aura réalisé des bénéfices et que les autres se seront trouvés obligés de s’aligner.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. N’importe quoi !
M. Jean Desessard. Cela s’appelle le capitalisme !
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.
M. Dominique Braye. Je ne voterai aucun des amendements en discussion et, après les engagements qu’a pris M. le ministre, je souhaite que Philippe Dominati retire les siens.
Je ne voterai donc pas les amendements déposés par nos collègues de gauche tout simplement parce qu’ils manifestent – je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire notre collègue Maurey – une totale méconnaissance de ce qu’est le commerce.
Je le dis notamment à la lumière de la dernière explication de vote de M. Desessard.
N’oubliez jamais que, dans les communes touristiques, un grand nombre de petits commerçants et de salariés ne gagnent leur vie qu’en travaillant sept jours sur sept, pendant une période limitée. Cela leur permet d’avoir des revenus suffisants pour vivre le reste de l’année car, naturellement, dans une station de ski, on travaille moins l’été, sinon pas du tout ; à l’inverse, dans certaines stations balnéaires, on travaille moins, sinon pas du tout, l’hiver.
Messieurs Jeannerot et Desessard, quoique parisiens, vous connaissez tout de même Deauville et Trouville ! Renseignez-vous pour connaître les sommes dépensées le week-end dans ces deux communes pendant l’hiver : elles sont bien supérieures à toutes les sommes dépensées pendant la semaine ! Comment les commerçants de ces villes ne travailleraient-ils pas le dimanche s’ils veulent faire vivre leurs salariés et leurs entreprises ?
Je le répète, vous faites preuve d’une méconnaissance absolument totale de ce qu’est le commerce !
Mme Raymonde Le Texier. Arrêtez ! C’est insupportable !
M. Dominique Braye. Notre collègue Maurey parlait de son voyage à Rome, mais regardez donc le nombre de Parisiens qui prennent l’Eurostar pour se rendre à Londres les jours de soldes et n’y faire que du tourisme commercial : il est considérable ! Alors, de grâce, atterrissez un peu ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Tenez compte des réalités du commerce et de ceux qui vivent du travail le dimanche, surtout des plus modestes !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 18 rectifié.
M. Jean Desessard. Mme le rapporteur, que je remercie d’avoir argumenté point par point lorsqu’elle a donné l’avis de la commission sur les amendements, a affirmé que seules 500 communes étaient concernées dans les zones touristiques…
M. Dominique Braye. Il n’a encore rien compris ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Laissez-le parler !
M. le président. La parole est à M. Desessard. Monsieur Braye, vous avez été parfait pendant une heure, persévérez donc dans la perfection ! (Sourires.)
Veuillez poursuivre, monsieur Desessard.
M. Dominique Braye. Je n’entends que des bêtises !
M. le président. Monsieur Braye, je pourrai vous donner la parole pour explication de vote tout à l'heure, mais vous ne pouvez bénéficier d’un règlement spécifique. Je vous demande donc de bien vouloir laisser poursuivre M. Desessard, qui aura, pour sa part, la gentillesse de ne pas vous provoquer. Le débat y gagnera en sérénité.
Veuillez donc poursuivre, monsieur Desessard, sans vous interrompre.
M. Jean Desessard. Je voudrais rappeler à M. Braye que je ne suis pas du même parti que lui et que je ne défends pas les mêmes idées que lui.
M. Dominique Braye. Heureusement !
M. Jean Desessard. Si les idées que je défends ne sont pas appréciées par M. Braye, c’est normal, nous sommes élus par des électeurs différents !
Vous avez la majorité, je le reconnais ; vous allez nous conduire dans le mur, j’en ai conscience. J’aurais effectivement préféré que nous votions contre cette proposition de loi, mais je me soumettrai au vote final.
M. Gérard Longuet. Merci !
M. Jean Desessard. Cela étant, malgré tout, dans cette assemblée, nous avons encore le droit de nous exprimer ! D'ailleurs, c’est bien le seul droit que nous ayons puisqu’un vote conforme nous est, une fois de plus, imposé.
J’ai posé une question à Mme le rapporteur et à M. le ministre, mais ils ne m’ont pas répondu.
M. Jean Desessard. Pourquoi La Défense est-elle classée zone touristique ? C’est sans doute un détail pour vous, mais, si l’on peut dire aujourd’hui que La Défense est une zone touristique, rien n’empêchera demain que de multiples villes soient également classées ainsi !
Le fait que La Défense soit classée aujourd’hui zone touristique est une aberration, tout le monde le comprend. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Il y a donc une anomalie.
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Jean Desessard. Comme vous ne répondez pas, vous laissez entendre que cette anomalie est normale et peut donc se reproduire…
Donnez-nous au moins une explication plausible sur le fait que La Défense ait été classée, en janvier 2009, zone touristique !
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Je ne discute nullement les idées de M. Desessard – tout le monde a le droit d’avoir des idées ! Simplement, sur cette question de l’intérêt touristique, j’ai calculé que M. le ministre lui avait déjà répondu seize fois…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le ministre peut se défendre tout seul !
M. Dominique Braye. … et Mme le rapporteur, quatorze fois !
M. Jean Desessard. Pas sur La Défense !
M. Dominique Braye. Tout le monde a le droit de s’exprimer mais, si vous êtes malentendant, cher collègue, il faut vous faire appareiller ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez !
M. le président. Mes chers collègues, dans le calme retrouvé, la parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Desessard, l’attractivité touristique du site de La Défense n’est pas discutable. (Exclamations sceptiques sur les travées du groupe socialiste.)
Le texte définissant une commune touristique impose un rapport entre la population permanente, la population saisonnière, le nombre d’hôtels, de gîtes, de camping, de lits, de places, et j’en passe.
Je vous donne les chiffres concernant La Défense. La Grande Arche reçoit, à elle seule, 250 000 visiteurs par an.
Mme Isabelle Pasquet. Et combien de salariés ?
M. Xavier Darcos, ministre. On y dénombre 2,6 millions de visiteurs occasionnels chaque année, 2 600 chambres d’hôtel, 50 terrasses de cafés et de restaurants, 20 000 habitants dans plus de 600 000 mètres carrés de logement, 60 sculptures monumentales d’art contemporain et le plus important nœud de transport d’Île-de-France.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En voilà, une preuve !
M. Nicolas About. Mais allez sur place, et vous verrez !
M. Xavier Darcos, ministre. Cette commune correspond donc tout à fait aux critères définis. (Bravo ! sur les travées de l’UMP.) Monsieur Desessard, je vous conseille de monter sur le toit de la Grande Arche, car ce monument se visite, et d’aller y respirer un peu d’air pur. Je suis sûr que vous en ressortirez rasséréné ! (Sourires.)
M. Dominique Braye. Il faut sortir le dimanche !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est lamentable !
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote sur l'amendement n° 136 rectifié. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Si cela ne vous plaît pas, vous pouvez partir !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. J’ai été très sensible à l’inquiétude de mon collègue François Fortassin, qui a constaté dans le tableau constituant l’annexe 1 du rapport que le département des Hautes-Pyrénées ne comportait aucune commune classée touristique.
J’ai donc téléphoné au directeur du comité départemental du tourisme de mon département, les Pyrénées-Atlantiques, pour confirmer le chiffre de 65 communes classées touristiques figurant dans le tableau. À ma grande surprise, mon interlocuteur m’a appris qu’il n’y en avait que 15.
De même, il paraît étrange que la Corse, toujours selon le même tableau, ne compte aucune commune classée touristique…
Il me semble pourtant indispensable que nous puissions évaluer les retombées de ce texte à partir de données initiales fiables.
Dans le même souci de pragmatisme, je souhaitais aussi obtenir des précisions concernant quatre communes classées touristiques de mon département, à savoir Pau, Bayonne, Anglet et Biarritz. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Xavier Darcos, ministre. Les explications de vote, ce ne sont pas les questions au Gouvernement !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le ministre, les commerces seront-ils ouverts tous les dimanches, toute l’année ? Quel sera le rôle des élus dans l’aménagement du territoire et dans la dynamique commerciale de leur commune ?
Enfin, comme l’a signalé mon collègue Jean-Jacques Mirassou, si la France est le premier pays touristique du monde, l’Espagne n’est pas en reste dans ce domaine. Pourtant, dans les provinces frontalières d’Euskadi, les régions autonomes de Guipúzcoa et d’Àlava, la législation est plus restrictive qu’en France puisque les commerces sont fermés du samedi, à quatorze heures, au lundi, à neuf heures. Seules les petites boutiques frontalières ouvrent le dimanche.
Ces pratiques ne sont pourtant pas préjudiciables au tourisme en Espagne. D’ailleurs, les Espagnols sont très soucieux de préserver leur repos dominical.
Les deux pays, dont le tourisme représente une part importante des ressources tant au niveau financier qu’en termes d’emploi – je suis d’accord avec M. Fourcade sur ce point –, n’ont jamais été mis à mal par la fermeture des commerces le dimanche.
En aucun cas le travail sept jours sur sept n’est de nature à donner le moindre coup de pouce à la croissance, comme l’a confirmé Mme Parisot en juillet dernier.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'amendement n° 19.
Mme Bariza Khiari. Je profite de cette explication de vote pour répondre à Hervé Maurey, avec la courtoisie qui s’impose, puisque notre collègue a entrepris d’animer le centre de cet hémicycle. (Sourires.)
J’ai dit que les touristes venaient d’abord en France pour notre art de vivre, notre gastronomie et notre patrimoine architectural, culturel et naturel ; qu’ils ont déjà la possibilité d’acheter le lundi, le mardi (Protestations sur les travées de l’UMP), le mercredi, le jeudi, le vendredi et le samedi, ainsi que le dimanche dans les zones où s’appliquent déjà des dérogations ; que, de surcroît, avec la mondialisation des échanges qui conduit à l’uniformisation, ils trouvent souvent les mêmes produits chez eux. (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Ce sont des copies !
Mme Bariza Khiari. Bref, je le répète, les touristes ne sont pas des obsédés ou des addicts du shopping le dimanche parce que, le dimanche, nous avons mieux à leur proposer !
Pour en revenir plus précisément à l’amendement n° 19, l’avis défavorable donné tant par la commission que par le Gouvernement en dit long sur la volonté de maintenir le flou sur le périmètre des zones touristiques.
Madame le rapporteur, monsieur le ministre, vous aviez la possibilité de faire le choix d’une notion claire, celle de « station classée de tourisme ». Mais cette notion, de votre propre aveu, madame le rapporteur, est trop claire pour vous.
Vous le savez, du fait des avantages fiscaux qui s’attachent pour une commune à la qualité « classée de tourisme », la procédure de classement est extrêmement rigoureuse. L’instruction des dossiers se faisait encore très récemment en Conseil d’État. C’est dire que ce n’est pas à géométrie variable !
Votre refus de cet amendement marque une volonté pas même voilée de généraliser le travail dominical sur l’ensemble du territoire. C’est bien la preuve que vous voulez instaurer une catégorie à géométrie variable liée au poids des lobbies des grandes surfaces. Le préfet sera le bras armé d’une politique destinée à satisfaire les théologiens du marché ! (M. le ministre proteste.)
Enfin, je tiens à souligner que la régression démocratique qui s’abat sur la capitale est particulièrement choquante.
Comme tous les élus parisiens, je suis attachée au statut de droit commun de la capitale. Or la rédaction proposée pour le deuxième alinéa de l’article L. 3132-25 du code du travail bouleverse une situation équilibrée, puisque la liste des communes touristiques et le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle seront établis désormais par le préfet.
Cette mesure est particulièrement discriminatoire et méprisante envers les élus parisiens de tous bords, qu’elle met sous tutelle du préfet pour une disposition qui relève de la compétence des élus partout ailleurs en France.
C’est une disposition vexatoire et incompréhensible pour tous les élus parisiens quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent ici.
Cet affront méritait réparation dans l’hémicycle et dans la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 et 90.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 50 et 95.
Mme Raymonde Le Texier. Je tiens à dire quelques mots sur le principe du volontariat.
Il aura fallu attendre la quatrième version de ce texte, que vous présentez une nouvelle fois devant le Parlement, de déconvenue en échec, de recul en passage en force, pour y voir apparaître les termes « salariés volontaires ». L’annoncer dès le titre, c’est ce que l’on appelle « déminer » le terrain !
Tout cela est tellement ambigu que M. Mallié, qui est censé être l’auteur de ce texte,…
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Il en est le véritable auteur !
Mme Raymonde Le Texier. … lorsqu’il a été auditionné en tant que tel à l’Assemblée nationale, n’a pas hésité à parler de « volontariat obligatoire ». (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Très fort !
Mme Raymonde Le Texier. Si ce n’est pas freudien…
Que les Français n’aillent pas croire que, en matière de travail dominical, ils auront le choix ! Seuls les travailleurs des PUCE, ces grands complexes commerciaux à la périphérie de Paris, Marseille et Lille, pourront « officiellement » refuser.
Officieusement, en pratique, dans la vraie vie, ils n’auront pas plus le choix que tous les autres travailleurs des villes touristiques – c’est-à-dire toutes les grandes villes de France –, toutes les zones où le travail le dimanche, devenant de droit, devient également obligatoire !
Pourtant, je lis au II de l’article 2 que « Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. » Mais, là encore, dans la vraie vie, cela ne se passe pas comme cela !
Voilà quelques jours à peine, trois salariés de l’enseigne ED, à Oyonnax, dans l’Ain, ont été licenciés pour avoir seulement refusé de travailler le dimanche. Ces salariés ont confirmé à plusieurs reprises qu’ils refusaient de travailler le dimanche ; on les a tout de même inscrits dans le planning des dimanches, ils ne sont pas venus, et on les a licenciés !
L’une des personnes licenciées a 45 ans. Elle était caissière depuis cinq ans dans ce commerce où elle travaillait déjà tous les samedis, de neuf heures à dix-neuf heures quarante-cinq. (Exclamations impatientes sur les travées de l’UMP.)
Elle a expliqué pourquoi elle refusait de travailler le dimanche : c’est édifiant ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. Quand on parle des gens, cela vous dérange !
Mme Raymonde Le Texier. Dans les commerces alimentaires, mes chers collègues, le bonus pour travail le dimanche n’est que de 20 %. Cette femme aurait donc bénéficié d’une prime de 5,03 euros par dimanche travaillé ! Convoquée par son employeur, elle lui a dit : « Ma vie de famille pour 5 euros ? Je ne peux pas ! » L’employeur lui a alors rétorqué : « On ne fait pas dans le social, cela se fera, avec ou sans vous ».
Le voilà, sans fard et sans masque, le monde que vous nous préparez avec cette proposition de loi.
Pour plagier notre collègue Hervé Maurey, je dirai qu’il y a sur les travées de droite de cette assemblée une totale méconnaissance des problèmes que rencontrent les salariés, notamment ceux du commerce, singulièrement les plus modestes.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à voter ces amendements. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Hervé Maurey. Vous n’avez pas le monopole du cœur ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. À mon tour, je tiens à témoigner – brièvement, car chacun pourrait raconter son histoire – de ce qui se passe chez moi.
Le magasin Leroy Merlin de ma commune – 16 000 mètres carrés – a voté à 98 % pour le travail le dimanche alors que 52 % seulement des salariés sont prêts à travailler ce jour-là. En d’autres termes, ceux qui ne veulent pas travailler le dimanche ont considéré qu’ils n’avaient pas le droit de l’interdire aux autres.
Mme Raymonde Le Texier. Donnez-leur un salaire décent et ils ne travailleront pas le dimanche !
M. Dominique Braye. Les salariés de ce magasin – ils sont une centaine – ont voté à 98 % pour le travail le dimanche, ce qui fait d’ailleurs la joie des étudiants. En effet, le directeur m’a indiqué qu’il était meilleur d’avoir dans son magasin le dimanche pour moitié des salariés habituels et pour moitié des étudiants.
Madame Le Texier, vous apportez, là encore, la preuve de votre totale méconnaissance des métiers du commerce ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 95.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 53 et 91.
Mme Marie-France Beaufils. Puisque s’amorce malgré tout un début de débat, je souhaite à mon tour revenir sur les conditions dans lesquelles les salariés seront amenés à travailler le dimanche aux termes de cette proposition de loi, en particulier en ce qui concerne leur rémunération.
J’ai bien écouté M. Braye. Je pourrais lui citer d’autres exemples d’entreprises où l’on a obtenu un accord aussi massif des salariés tout simplement parce qu’on leur proposait d’être payés double le dimanche. Voilà ce que vous avez oublié de dire, monsieur Braye !
M. Dominique Braye. C’est ce que nous proposons !
Mme Marie-France Beaufils. Non, pas dans les secteurs touristiques. Voilà en réalité ce que vous êtes en train de préparer sans le dire (Exclamations et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.). C’est pour cette raison que je tiens particulièrement à l’amendement n° 91, qui tend à prévoir les conditions qui seront faites aux salariés travaillant le dimanche. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 et 91.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 22 et 54.
M. Jean-Pierre Caffet. Tout d’abord, je prie Mme le rapporteur de bien vouloir accepter mes excuses si elle a cru déceler dans mon comportement tout à l’heure quelques signes d’agressivité. Il s’agissait plutôt d’un mouvement de colère face à une décision que je considère comme profondément inique.
Je tenais à apporter cette précision, madame le rapporteur.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Merci, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne reviendrai pas sur le fond de ces amendements, car tout a été dit sur le sujet. En revanche, j’ai bien noté l’embarras de M. le ministre, dont les explications sur le parallélisme des formes concernant la ville de Paris m’ont paru pour le moins confuses ! Oui, monsieur le ministre, le préfet instruit, mais sur demande ou sur proposition du Conseil de Paris !
Il n’y a donc aucun parallélisme des formes dans cette affaire.
Je comprends votre embarras, monsieur le ministre, mais, de deux choses l’une : soit vous considérez, comme Mme le rapporteur, que, Paris étant la capitale du pays, elle a une vocation touristique sur l’ensemble de son territoire, auquel cas il faut rejeter tous les amendements et ne pas tenter de trouver un compromis avec votre propre majorité ; soit vous considérez que M. Dominati a raison et que son amendement est « légitime », ce que vous avez d’ailleurs déclaré, comme en attestera le Journal officiel, et alors il faut l’adopter.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui ! Bien sûr !
M. Jean-Pierre Caffet. Je note d’ailleurs que, alors que l’amendement n° 68 est assez proche du nôtre, vous avez répondu à M. Dominati, monsieur le ministre, mais pas à nous ! (M. le ministre s’exclame.) Ce n’est pas grave, nous n’allons pas nous formaliser pour si peu. Ce n’est rien en comparaison de l’importance du texte qui nous occupe.
Je n’ignore pas, monsieur le ministre, que vous avez une feuille de route et qu’il vous faut sortir de cet hémicycle avec un « conforme ». Fort bien ! Mais, ce faisant, vous prenez une lourde responsabilité.
Comme l’a fort justement dit mon collègue Philippe Dominati, vous revenez sur des libertés communales qui ont été votées par le Parlement, sur l’initiative du Président de la République, en 1975. C’est suffisamment important pour être souligné.
Monsieur le ministre, il vous faut trancher entre deux visions : celle de Mme le rapporteur – circulez, il n’y a rien à voir, Paris sera administrée par le préfet, en rupture avec le statut qui est le sien depuis 1975, statut, qui, je le répète, donne satisfaction à tout le monde – et celle de M. Dominati.
Je vous poserai une dernière question, monsieur le ministre : êtes-vous disposé à aller jusqu’à un avis conforme et pas seulement consultatif ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Permettez-moi de revenir un instant sur La Défense.
M. le ministre nous a indiqué le nombre de chambres d’hôtels de La Défense, le nombre de campings, etc. (Rires.)
M. Jean Desessard. Si j’ai bien compris, il faut ouvrir La Défense le dimanche pour les touristes qui descendent le samedi soir dans les hôtels de La Défense. Il s’agit d’un tourisme d’affaires, c’est pour cela qu’on y trouve des hôtels… Ce tourisme est si important, d’ailleurs, que l’on projette même de construire d’autres grandes tours à La Défense. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Plus sérieusement, mes chers collègues, La Défense s’étendant sur plusieurs communes, pourquoi la décision d’ouvrir les commerces le dimanche ne relèverait-elle pas, là aussi, du préfet ? Pourquoi cette décision serait-elle prise par le préfet à Paris, mais pas dans les Hauts-de-Seine, où elle relèverait des maires ? Cela va être compliqué.
Il me semble en vérité que la spécificité de Paris en l’occurrence dépend plus de sa couleur politique que de critères objectifs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Enfin, c’est dit !
M. Jean Desessard. Non, vraiment, comme l’a dit Jean-Pierre Caffet, il n’est pas possible de travailler dans de telles conditions. Le Sénat ne serait-il qu’une chambre d’enregistrement ? C’est ce que pensent nos concitoyens, mais nous allons leur démontrer le contraire ce soir…
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Jean Desessard. M. le ministre a dit de l’amendement de M. Dominati qu’il était crédible et légitime, même s’il n’a pas voulu le dire du nôtre, qui lui ressemble étrangement. Il est même allé plus loin en évoquant la publication d’un décret en Conseil d’État reprenant la disposition que vise à introduire l’amendement.
Alors, un décret en conseil d’État, oui, mais surtout pas un amendement aujourd'hui, au Sénat ! Ce serait bien trop grave si le Sénat prenait une telle décision ! C’est au ministre de la prendre… (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Certes, le Gouvernement est obligé de faire avec le Sénat, de composer avec lui, mais il ne saurait être question de le laisser prendre une décision. Il a le droit de parler, mais c’est tout !
Voilà pour le renforcement des pouvoirs du Parlement !
Le président du Sénat n’avait-il pourtant pas dit qu’il fallait donner plein pouvoir au Parlement ?
Or, aujourd'hui, le Sénat ne peut pas adopter un amendement que tout le monde, y compris le ministre, trouve crédible et légitime. C’est tout de même formidable d’avoir un tel pouvoir et de ne pas pouvoir l’utiliser !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est absolument insupportable, particulièrement pour les élus parisiens qui siègent à la gauche de l’hémicycle, que le ministre ne réponde qu’à la droite, comme il est insupportable que M. le ministre trouve légitime l’amendement de M. Dominati, mais préfère procéder par décret !
Nous ne pouvons, hélas, que le constater, le renforcement du rôle du Parlement qui devait découler de la révision constitutionnelle n’était qu’un leurre destiné à nous la faire voter. Fort heureusement, nous avons voté contre, même si, hélas, deux voix nous ont manqué et qu’elle a été adoptée. C’est très regrettable, mais l’expérience montrera aux démocrates ce qu’il en est du Parlement.
Tout se ferait donc par la loi, sauf en ce qui concerne Paris, dont le sort serait réglé par décret… En termes de droits du Parlement, c’est le summum ! À cet égard, je m’associe totalement à ce qu’ont dit les orateurs qui m’ont précédée.
Je m’adresserai maintenant à M. le sénateur de l’Eure, qui a été d’une grossièreté à nulle autre pareille. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Monsieur Maurey, vous semblez parfaitement connaître les comportements des touristes du monde entier, qui, comme vous, font des courses partout où ils vont. Sans doute existe-t-il en effet une catégorie de personnes qui vont et viennent de par le monde pour acheter ici des vêtements, là, des chaussures, ailleurs, des bijoux et des sacs, tous de mêmes marques, puisque les mêmes produits sont disponibles dans toutes les grandes capitales, à Pékin comme à Tokyo. Vous, monsieur Maurey, vous préférez les acheter à Rome ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Si possible un dimanche !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, ni le Gouvernement ni Mme le rapporteur n’ont été capables de nous fournir le moindre élément chiffré…
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Si, nous l’avons fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … sur les effets de la généralisation de l’ouverture des magasins le dimanche…
M. Robert del Picchia. Il ne s’agit pas d’une généralisation !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … sur leur chiffre d’affaires. Il est tout de même ennuyeux que nous ne disposions que de votre expérience de vacancier à Rome comme seule référence pour apprécier les modes de consommation des touristes !
De la part d’un parlementaire, nous attendions un peu plus d’éléments de réflexion ! Et, à l’avenir, tâchez d’être moins grossier avec les sénateurs de l’opposition, monsieur Maurey ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye. Vous pouvez parler !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Néanmoins, je vous en informe, monsieur Maurey, beaucoup de commerces sont ouverts à Paris le dimanche pour que les touristes, comme à Rome, achètent des souvenirs, aillent au restaurant, bref, consomment.
Je le précise, au cas où vous ne le sauriez pas (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) : lorsque vous passez le week-end à Paris, vous pouvez faire des achats que vous ne pouvez justement pas faire ailleurs. (Brouhaha sur les mêmes travées.)
Et puis, on ne va pas à Rome le dimanche matin pour repartir le dimanche soir, ou alors c’est vraiment dommage : il y a tant à faire à Rome, comme à Paris, d’ailleurs ! Pourquoi ne pas s’y rendre au moins pour le week-end entier, samedi et dimanche ?
M. Hervé Maurey. C’est encore mieux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela permet de faire ses emplettes le samedi et de profiter du dimanche pour aller dans de bons restaurants et pour visiter les musées et les monuments. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye. Maintenant, elle va nous expliquer ce que l’on doit faire quand on part en week-end !
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, puisque votre amendement n° 98 procède du même esprit que les deux amendements identiques actuellement en discussion, il serait judicieux de le rectifier de manière que le scrutin public porte sur les trois amendements.
Il suffirait pour cela d’ôter les mots « sur proposition » et « sur demande ».
Acceptez-vous cette rectification, madame Borvo Cohen-Seat ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’accepte volontiers de rectifier en ce sens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 98 rectifié, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, et ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
de l'autorité administrative visée à l'article L. 3132-26
par les mots :
des conseils municipaux
La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 22, 54 et 98 rectifié.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, je ne peux que partager les interrogations de mon collègue Jean-Pierre Caffet.
Vous avez en effet eu l’habileté de nous faire part de votre embarras concernant les pouvoirs à attribuer au préfet et de formuler les doutes du Gouvernement quant à sa perception de l’évolution du Grand Paris.
Votre réponse est plutôt inquiétante : elle signifie que le travail préparatoire n’a pas été fait, cet indispensable travail d’amont dont un ministre est précisément chargé et qui aurait permis d’éclairer le débat. Vous n’en êtes pas responsable, mais cela doit être dit et vous devez vous faire l’interprète des élus parisiens auprès du Gouvernement.
D’ailleurs, vous n’avez pas répondu sur l’évolution des collectivités territoriales. À ce sujet, je suis dans la même attente que tous mes collègues dans cette assemblée.
En étant notre interprète auprès du Gouvernement, vous nous permettrez de rattraper le temps perdu dans la préparation du Grand Paris et de tracer une perspective qui s’inscrive dans le respect de la responsabilité des élus et du droit commun.
Une évolution a eu lieu à deux reprises, et il n’est pas question qu’il y ait sur ce sujet, comme je l’entends dire par certains, une « régression démocratique ».
Vous avez concédé un certain nombre d’avancées.
Selon vous, une orientation a été fixée et, comme nous devons faire preuve d’efficacité, il est nécessaire d’aboutir à un vote conforme. Je pense que c’est avouer à demi-mot une faute qui a été commise.
Dans ces conditions, si je dois tenir compte de la finalité – faire en sorte que Paris s’adapte à la réalité économique du terrain – , je suis obligé d’adopter votre point de vue.
C’est dans cette perspective, et dans cette perspective uniquement, que je retirerai les amendements nos 68 et 69. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mais, sachez-le, je souscris entièrement aux propos qui ont été tenus par l’ensemble des élus de Paris. Il n’est pas question que, sur ce plan-là, on puisse revenir en arrière.
Dans peu de temps, le Sénat sera réuni pour débattre de l’organisation des collectivités territoriales et probablement du projet de Grand Paris.
Ce sera l’occasion pour moi, et sans doute pour d’autres élus parisiens, d’amender le texte aujourd’hui discuté.
Pour l’heure, je retire les amendements nos 68 et 69. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. - Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Les amendements nos 68 et 69 sont retirés.
La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 22, 54 et 98 rectifié.
M. Robert del Picchia. Je souhaite répondre à Mme Borvo Cohen-Seat, qui nous donnait tout à l’heure des conseils sur la manière de faire nos achats à l’étranger.
Mme Annie David. Ce n’est pas une explication de vote !
M. Robert del Picchia. Je vis depuis quarante ans à l’étranger et vos conseils sur les achats, je n’en ai vraiment pas besoin et mes collègues non plus ! (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Les produits dont vous parlez sont les mêmes partout dans le monde aujourd’hui – c’est d’ailleurs malheureux - les produits français étant disponibles à l’étranger. Certes, nous exportons ce que nous fabriquons, mais nous gagnons plus si nous vendons en France. Or, tout le monde le sait, les Japonais préfèrent acheter leurs sacs Vuitton en France, plutôt qu’à Bruxelles ou ailleurs, et les rapporter chez eux. (Mme Raymonde Le Texier et Mme Gisèle Printz s’exclament.)
Madame Borvo Cohen-Seat, partout où nous allons, ou presque, les magasins sont ouverts le dimanche.
Ce débat me semble exagéré. La proposition de loi n’est pourtant pas extraordinaire : on ne demande pas aux gens de travailler partout et à toute heure ! En comparaison des autres pays étrangers, nous sommes encore loin du compte !
Excusez-moi, madame Borvo Cohen-Seat, je le dis en toute courtoisie, ce débat, c’est un peu Clochemerle !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22, 54 et 98 rectifié.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 204 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 148 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 97.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Les amendements nos 25 et 99 sont identiques.
L'amendement n° 25 est présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 99 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour les articles L. 3132-25-1 à L. 3132-25-6 du code du travail.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l’amendement n° 25.
Mme Gisèle Printz. Nous proposons de supprimer les dispositions de la proposition de loi qui concernent les périmètres d’usage de consommation exceptionnel.
Il s’agit en effet d’une véritable loi d’amnistie à l’égard des centres commerciaux périurbains qui ont contrevenu à la loi durant de nombreuses années.
C’est une régularisation qui, contrairement à ce que l’on nous affirme, ne sera pas limitée aux zones actuellement définies et n’est accompagnée d’aucun engagement réel en direction des salariés.
La possibilité pour le préfet d’autoriser des dérogations dépend en effet de la démographie de la région et de la délimitation des unités urbaines. Elle dépend de ce que l’on considère comme des habitudes de consommation dominicale, sachant que ces habitudes peuvent se créer, par exemple, dans la périphérie lyonnaise. À partir de là, de nouvelles demandes ne manqueront pas de peser sur les collectivités territoriales et elles risquent fort de se transformer en contraintes.
L’environnement n’aura rien à gagner dans cette affaire, qu’il s’agisse de la circulation automobile ou de la climatisation de ces immenses hangars de tôle.
L’emploi ne sera pas davantage gagnant puisqu’il est avéré que les emplois, ou les morceaux d’emplois ainsi créés ne seront que le résultat d’un transfert à partir du commerce de proximité.
Le pouvoir d’achat des consommateurs n’en sera évidemment pas augmenté mais, ce qui est plus grave, le pouvoir d’achat des salariés non plus, puisque les bouts d’emploi de week-end seront pris sur la semaine, et qu’il faudra assumer des frais de transport et souvent de garde d’enfants.
Le volontariat des salariés, nous l’avons dit, est un leurre et les contreparties ne sont garanties pour les salariés que s’il n’y a pas de négociation !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 99.
Mme Isabelle Pasquet. Avec cet amendement, nous réaffirmons notre opposition frontale aux différentes mesures de la proposition de loi qui organisent la généralisation du travail le dimanche, en créant de toutes pièces les désormais fameux « périmètres d’usage de consommation exceptionnel », les PUCE.
Je ne reviendrai pas sur la genèse de ce texte, mais force est de constater que le député Richard Mallié a dû s’y prendre à plusieurs reprises avant de parvenir à rendre légale une situation caractérisée par son illégalité depuis plus de quarante ans !
Il faut bien avouer que l’argument selon lequel cette proposition de loi aurait pour objet de sécuriser les quelque 15 000 emplois des zones commerciales ne manque pas de sel, surtout si l’on considère l’instabilité juridique entre les différents salariés organisée par ce texte.
En réalité, ce sont les intérêts des propriétaires des entreprises installées à Plan-de-Campagne et dans les autres zones commerciales, notamment à Paris, que vous entendez protéger.
Pour notre part, nous ne pouvons ni nous satisfaire d’une telle situation ni cautionner votre conception de la représentativité nationale, que vous entendez cantonner dans un rôle de chambre de légalisation des infractions existantes.
Cela ne vous étonnera guère, mais nous ne sommes pas disposés à passer l’éponge sur une telle violation d’un principe qui doit, selon nous, s’imposer à tous, exception faite des services publics et des entreprises demandant un travail en continu, à l’image des hauts fourneaux, un four devant être allumé pendant cinq jours pour atteindre sa puissance maximale…
Mais vous conviendrez qu’en l’espèce nous ne parlons pas de tels impératifs et qu’il serait tout de même déplacé de faire un parallèle entre une activité commerciale et un service public dont la vocation est d’être au service de tous.
Je terminerai sur une question. Comme les employeurs peuvent légalement se référer, dans les zones commerciales, aux dispositions législatives relatives et aux PUCE et aux zones touristiques, qu’est-ce qui les empêchera – ce sont avant tout des gestionnaires – d’opter pour l’application des dispositions relatives aux zones touristiques et d’éviter ainsi toute forme de contrepartie ?
Parce que le texte prévu pour les articles L. 3132-25-1 et suivants du code du travail sert seulement d’alibi à une généralisation du travail le dimanche, sans repos compensateur et sans doublement du salaire, nous proposons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à supprimer toutes les dispositions relatives aux PUCE. Or, comme vous le savez, les PUCE sont un dispositif auquel nous tenons énormément.
Par conséquent, la commission émet évidemment un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 99.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 134, présenté par M. Laménie, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-1 du code du travail, après les mots :
1 000 000 d'habitants
insérer les mots :
et dans les communes à proximité immédiate d'une zone frontalière où il existe un usage de consommation dominicale
et après les mots :
clientèle concernée
insérer les mots :
au regard de son territoire
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 100, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail par les mots :
et sur demande des conseils régionaux
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet amendement, nous souhaitons rappeler l’importance de la consultation des élus locaux et territoriaux dans la détermination des zones commerciales qui feront l’objet de dérogations au principe du repos dominical.
Certes, nous n’entendons pas nous opposer à l’initiative des municipalités, que la proposition de loi habilite à solliciter du préfet une inscription sur la liste des communes bénéficiant de dérogations. En revanche, les régions, qui sont particulièrement intéressées par les questions liées au dynamisme économique de leur territoire, devraient également, me semble-t-il, pouvoir émettre un avis sur le sujet, notamment au regard de leur grande expertise en matière d’aménagement du territoire.
Mes chers collègues, en tant que représentants des collectivités locales, vous serez, je n’en doute pas, sensibles à notre volonté de reconnaître la région dans sa dimension économique et d’appréhender les dérogations au repos dominical à une échelle plus importante, et sans doute plus cohérente, que celle de la commune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ma chère collègue, je ne suis pas sûre de vous avoir bien comprise. Sauf erreur de ma part, vous venez d’évoquer l’« avis » des conseils régionaux. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin acquiesce.) Or, tel qu’il est rédigé, votre amendement mentionne une « demande », ce qui n’est tout de même pas exactement la même chose !
Je me prononcerai donc seulement sur le contenu de votre amendement, c'est-à-dire sur une éventuelle « demande » des conseils régionaux.
En l’occurrence, l’avis de la commission est défavorable. À mes yeux, c’est le maire qui est le mieux placé pour apprécier si la création d’un PUCE est justifiée ou non. D’ailleurs, les études menées auprès de l’opinion publique montrent que le maire est perçu comme l’élu le plus proche de ses concitoyens et du terrain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Madame la sénatrice, si j’ai bien compris, votre amendement porte sur les PUCE.
Mme Annie David. Il concerne les grandes zones urbaines !
M. Xavier Darcos, ministre. Vous souhaitez que l’autorité compétente soit le conseil régional, et non le préfet. C’est bien cela ?
Mme Annie David. Non ! Puis-je vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Xavier Darcos, ministre. Dans ces conditions, en effet, je souhaiterais que vous nous apportiez quelques précisions sur l’objet de cet amendement, madame David.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, avec l’autorisation de M. le ministre.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, dans sa rédaction actuelle, le texte proposé pour l’article L. 3132-25-2 du code du travail prévoit que la liste et le périmètre des unités urbaines mentionnées à l’article L. 3132-25-1 sont établis par le préfet de région. Nous souhaitons simplement que ce dernier agisse sur demande du conseil régional.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Je vous remercie, madame la sénatrice, je ne comprenais plus très bien de quoi nous discutions précisément.
En réalité, si nous avons fait le choix de confier la définition du périmètre au préfet de région, c’est parce que la décision doit être fondée non pas sur une opinion, mais sur une description objective, technique et chiffrée. Si donc le périmètre est retenu en fonction de données démographiques objectives, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de consulter le conseil régional.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous nous expliquiez tout à l’heure que nous devions faire confiance aux élus locaux pour demander une classification en zones touristique ou thermale.
À présent, vous refusez de faire confiance aux élus régionaux et de les laisser prendre l’initiative de demander une inscription dans les unités urbaines créées par la proposition de loi.
Mme Annie David. Comment pouvez-vous encore parler de confiance à l’égard des élus locaux !
M. Nicolas About. Dans la proposition de loi, il est écrit : « Sur demande du conseil municipal » !
Mme Annie David. Nous ne parlons pas de la même chose, monsieur About. Moi, je vous parle du texte proposé pour l’article L. 3132-25-2 du code du travail.
M. Nicolas About. Moi aussi !
Mme Annie David. Je le relis: « La liste et le périmètre des unités urbaines mentionnées à l’article L. 3132-25-1 sont établis par le préfet de région sur la base des résultats du recensement de la population. »
M. Nicolas About. Et à la phrase d’après ?
Mme Annie David. « Sur demande du conseil municipal,…
M. Nicolas About. Eh oui!
Mme Annie David. … au vu de circonstances particulières locales et […] d’usages de consommation dominicale […] ou de la proximité immédiate […], le préfet délimite le périmètre d’usage de consommation exceptionnel au sein des unités urbaines […]. »
M. Nicolas About. Oui !
Mme Annie David. Par conséquent, ce sont deux choses différentes.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Mais non ! C’est exactement la même chose !
Mme Annie David. Il est bien indiqué que la délimitation du périmètre des unités urbaines est décidée par le préfet. Selon nous, cette délimitation devrait s’effectuer sur demande des élus régionaux, qui nous semblent les mieux à même de prendre cette initiative.
Bien entendu, les autres dispositions, notamment l’avis des conseils municipaux, seraient maintenues.
M. Nicolas About. Mais c’est la même chose ! Vous n’avez pas compris !
Mme Annie David. Monsieur About, si vous souhaitez m’apporter des explications, je serai ravie de les entendre.
M. Nicolas About. D'accord !
Mme Annie David. En attendant, nous souhaitons prendre M. le ministre au mot lorsqu’il nous exhorte à faire confiance aux élus locaux. C’est pourquoi nous proposons d’associer le conseil régional à la délimitation des périmètres.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Non ! Il vaut mieux associer les maires !
Mme Annie David. Ce sont tout de même bien les élus régionaux qui sont chargés de l’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Compte tenu de l’importance du rôle des régions en matière d’aménagement du territoire, il paraît tout à fait logique de soutenir l’amendement de Mme David. On pourrait même s’attendre à voir nos collègues de la majorité le voter.
Mme Annie David. Oui !
M. Jean Desessard. Mais pourquoi refusent-ils de voter votre amendement, ma chère collègue ? Tout simplement en raison du faible nombre de régions détenues par la droite et du grand nombre de régions gérées par la gauche…
M. Gérard Cornu. C’est provisoire !
M. François Trucy. Cela va bientôt changer !
M. Jean Desessard. C’est cela, l’explication ! En réalité, chers collègues de la majorité, vous voulez bien faire confiance aux élus locaux, sous réserve qu’ils soient de votre bord !
M. Jean-Pierre Raffarin. Quel sectarisme !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Mes chers collègues, si vous le permettez, je voudrais vous indiquer comment je comprends le texte qui nous est soumis.
À l’évidence, le premier alinéa du texte proposé pour l’article L. 3132-25-2 constitue en quelque sorte une tête de chapitre ; je le relis : « La liste et le périmètre des unités urbaines mentionnées à l’article L. 3132-25-1 sont établis par le préfet de région sur la base des résultats du recensement de la population. ».
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Tout à fait !
M. Nicolas About. Les alinéas suivants ont pour objet de préciser le contenu de ce « chapitre », notamment en indiquant que la délimitation s’effectue sur demande du conseil municipal.
Mme Annie David. Nous ne touchons pas à cette disposition !
M. Nicolas About. Voyant qu’il pouvait y avoir une difficulté, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité préciser dans quelles conditions la liste et le périmètre seraient élaborés. Ils ont clairement indiqué que cela se ferait sur demande du conseil municipal. J’en suis désolé pour vous, madame David, mais il n’est pas prévu d’y associer le conseil régional.
Pour ma part, je soutiens cette position, car je crois, à l’instar de Mme le rapporteur, que la décision doit être prise au plus près du terrain.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Je pourrais presque me dispenser de répondre à Mme David, car M. About vient de lui donner toutes les précisions nécessaires.
En réalité, la démarche s’effectue en trois étapes. D’abord, le préfet délimite le périmètre urbain concerné. Ensuite, il fixe le PUCE sur demande des maires. Enfin, il accorde des dérogations individuelles aux commerces situés dans ces zones.
Mme Annie David. Nous demandons que les élus régionaux soient associés à la première étape, avec le préfet !
M. Xavier Darcos, ministre. Mais non ! Les conseillers régionaux ne vont tout de même pas contester la réalité démographique qui aura été constatée par le préfet ! (M. Jean Desessard s’exclame.)
Monsieur Desessard, il n’y a pas d’idéologie ici, c’est une question de chiffres, et les chiffres sont les chiffres ! Les décisions seront prises en fonction du nombre d’habitants. J’apprécie votre humour et votre belle énergie, mais, en l’occurrence, vous voyez de l’idéologie là où il n’y en a pas. Le préfet établira simplement un périmètre urbain en fonction de la démographie constatée.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Il n’est pas justifié de créer par capillarité des zones de droit particulier dans des territoires frontaliers sous prétexte que la législation serait différente de l’autre côté de la frontière. Une telle extension du travail dominical risquerait d’aboutir à une désertification commerciale des communes situées plus loin de la frontière, donc à un nouveau déséquilibre territorial.
L’alinéa dont nous proposons la suppression crée précisément des zones de droit particulier dans les territoires frontaliers sous prétexte que l’ouverture dominicale serait la règle dans un pays voisin.
D’un point de vue juridique, un tel argument est pour le moins contestable, pour ne pas dire franchement absurde. Et, dans les faits, l’argument selon lequel l’ouverture dominicale des magasins en Belgique porterait préjudice aux commerçants français est largement spécieux.
Lorsque l’on prend un train régional depuis Lille pour se rendre en Belgique, la première commune que l’on traverse de l’autre côté de la frontière est Mouscron, où tout est fermé le dimanche. Lorsque l’on va à Bruges, on constate que tous les commerces dont l’activité n’est pas liée au tourisme, c'est-à-dire la quasi-totalité d’entre eux à l’exception des magasins de souvenirs et des restaurants, sont fermés le dimanche. Quant au centre commercial qui se trouve hors de la ville nouvelle et qui ouvre le dimanche, il continue de susciter les plus grandes polémiques !
Il faudrait également que soit précisé, à l’ère du TGV et des autoroutes, ce que vous entendez par « proximité immédiate » d’une frontière.
En voiture, pour accéder à des centres de déstockage de type Usines Center, une heure n’est rien. C’est d’ailleurs, bien souvent, le temps de trajet quotidien des banlieusards parisiens.
Cet alinéa recèle donc de grandes imprécisions et de vrais dangers.
En réalité, il répond à une revendication interne à la France. Les grands centres commerciaux qui sont ouverts ou ambitionnent d’ouvrir dans certaines régions veulent pouvoir « aspirer » toute la clientèle des petits commerces régionaux.
Ce que nous promet cet alinéa, c’est un déménagement des commerces des cœurs de ville vers des hangars de banlieues !
Sur le plan pratique, cette disposition est porteuse de conséquences fâcheuses pour notre tissu commercial. Elle est aussi contraire au développement équilibré des territoires. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Le Menn, je comprends le sens de votre interrogation.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité de créer des PUCE dans les zones frontalières confrontées à la concurrence.
Sachez que, de toutes les manières, on ne peut créer de PUCE que dans une agglomération de plus de 1 million d’habitants. Ces zones ne vont donc pas se multiplier sur tout le territoire.
La zone frontalière de Lille est confrontée à la concurrence très forte des commerces ouverts de l’autre côté de la frontière, en Belgique.
Il nous paraît important que les commerces situés sur notre territoire puissent lutter à armes égales avec ceux qui sont situés à l’étranger afin d’éviter qu’une part de la consommation des départements frontaliers ne se réalise à l’étranger.
Tout à l’heure, certains d’entre vous nous ont reproché l’absence d’études d’impact. Justement, dans ce cas de figure, une étude d’impact a été réalisée. Elle prouve qu’une telle disposition créerait de la richesse.
Vous le savez très bien, si tous nos compatriotes traversent la frontière pour aller faire leurs achats en Belgique, c’est autant de moins de dépensé sur notre territoire.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Le Menn, en l’occurrence, même si vous ne l’avez pas clairement dit, seule l’agglomération lilloise est concernée par le problème que vous évoquez : c’est là que peut se trouver un PUCE à proximité d’une frontière.
Je comprends toutes vos préoccupations, mais il me semble que nous sommes tous d’accord sur un point dans cet hémicycle : il vaut mieux que les gens consomment dans la communauté lilloise plutôt qu’en Belgique.
En conséquence, le fait de pouvoir créer un PUCE dans une agglomération de plus de 1 million d’habitants à proximité de Lille est plutôt de nature à favoriser les commerces frontaliers.
Je ne saurais donc être favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons cet amendement.
Au passage, je remarque que, pour le coup, une étude d’impact a été réalisée. Comme quoi on peut faire des études d’impact bien en amont du vote d’un texte !
L’étude d’impact que nous réclamons afin de pouvoir adopter ou rejeter ce texte en toute connaissance de cause, c'est-à-dire en sachant si, oui ou non, il sera créateur d’emplois et de richesse, aurait pu être réalisée puisque vous en avez commandé une pour démontrer la nécessité de créer un PUCE à Lille.
Une fois de plus, il y a deux poids, deux mesures : lorsque le Gouvernement a envie de prendre certaines mesures, il s’en donne les moyens !
Je regrette que nous n’ayons pas été compris pour l’amendement précédent. Nous demandions simplement d’associer les élus régionaux à la démarche. J’ai bien compris qu’il n’en était pas question. On en déduira ce que l’on voudra !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements quasi identiques.
L'amendement n° 55, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail, après le mot :
consultation
insérer les mots :
des organisations professionnelles et syndicales concernées et des collectivités territoriales
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cette proposition de loi entérine la création d’un nouveau type de zones, les PUCE, dans lesquelles il pourra être dérogé au principe du repos dominical.
Je tiens à insister sur la procédure de délimitation de ces PUCE, laquelle se doit d’être la plus transparente et la plus cohérente possible afin d’éviter les demandes opportunistes allant à l’encontre de la volonté des élus locaux, des besoins des habitants, des exigences des salariés et du contexte économique en général.
La rédaction actuelle n’apporte aucune précision quant aux conditions de consultation des communes concernées. Il ne précise pas non plus si le préfet est tenu par ces avis ou si une commune qui n’aurait pas demandé la création d’un PUCE ou qui s’y serait opposée pourrait se voir imposer une telle décision.
Le texte n’envisage même pas que les représentants des employeurs et des salariés soient consultés.
Afin que le processus de délimitation des PUCE se fasse dans le respect de l’avis des maires concernés et du dialogue social entre organisations professionnelles et syndicales, cet amendement vise à prévoir que le préfet consulte les collectivités territoriales et les partenaires sociaux à l’échelon régional et départemental avant de délimiter les PUCE.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132–25–2 du code du travail, après le mot :
consultation
insérer les mots :
des organisations professionnelles et syndicales concernées ainsi que
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous entendons préciser que les organisations syndicales, qui représentent les salariés, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui, par leur travail, permettront l’ouverture des établissements le dimanche, soient consultées par le préfet, à l’instar de ce qui est prévu pour l’organe délibérant de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération ou de la communauté urbaine sur le territoire duquel la délimitation du PUCE est envisagée.
En refusant notre amendement, vous écarteriez, de fait, les organisations syndicales de toutes les décisions relatives aux dérogations du travail le dimanche puisque, je tiens à le rappeler, vous avez, au début de nos travaux, écarté la Commission nationale de la négociation collective de la fixation de la liste des établissements autorisés à bénéficier d’une dérogation permanente.
L’amendement que nous vous proposons vise à écarter toute suspicion à l’égard des décisions prises par le préfet.
La délimitation ne reposant sur aucun critère précis, il apparaît nécessaire d’organiser la consultation la plus grande possible, ce à quoi tend cet amendement.
De plus, cela adresserait un signe favorable aux organisations professionnelles et syndicales, qui ont été privées de négociations préalables sur ce texte, car il s’agit d’une proposition de loi et non d’un projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La consultation des organisations syndicales et professionnelles est déjà prévue avant la délivrance des autorisations d’ouverture dominicale.
Il ne nous paraît donc pas indispensable de prévoir également leur consultation avant de délimiter les PUCE : cela n’est pas de leur ressort.
Comme l’a rappelé tout à l’heure M. le ministre, la procédure applicable dans le cadre des PUCE est déjà très longue ; il n’est pas utile de l’alourdir encore.
Encore une fois, il n’est pas de la compétence des organisations syndicales de délimiter les PUCE.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. La consultation des organisations syndicales est prévue par le texte, mais à la troisième étape, celle des dérogations individuelles.
À ce stade, il est bien prévu que les organisations professionnelles et syndicales sont associées à la délivrance des autorisations. C’est au moment idoine que ces dernières seront consultées, à savoir lorsque l’on attribuera les dérogations permettant aux commerces d’ouvrir.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’ai bien noté que la négociation aurait lieu pour les dérogations individuelles.
Dans le cas présent, il s’agit non pas de dérogations individuelles, mais de dérogations permanentes puisque ce sont celles qu’accorderont les préfets dans le cadre des PUCE. En l’occurrence, les organisations syndicales ne seront pas consultées.
Nous voulions réparer cet oubli. Nous avions pris acte de votre souci de consulter les organisations syndicales en ce qui concerne les dérogations individuelles, raison pour laquelle nous vous proposions de prévoir une consultation également pour les dérogations permanentes.
La question est donc bien différente, monsieur le ministre.
M. le président. Je mets aux voix les amendements quasi identiques nos 55 et 101.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail, remplacer le mot :
avis
par le mot :
accord
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Cet amendement vise à imposer avant toute décision l’accord explicite, et non simplement l’avis, des conseils municipaux des communes n’appartenant pas à un des EPCI consultés et qui risquent de se voir imposer un ensemble commercial ouvert le dimanche, ce qui pourrait déséquilibrer gravement leur tissu économique.
Cet amendement me paraît cohérent avec la volonté souvent exprimée au cours du débat d’associer le maire au processus de décision.
M. le président. Les deux amendements suivants, nos 56 et 102, sont identiques.
L'amendement n° 56 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 102 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail, après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n°56.
M. Jean Desessard. Si cet amendement n’est pas tout à fait identique au précédent, l’esprit est le même.
Nous souhaitons l’avis conforme.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Carrément !
M. Jean Desessard. Personne ici n’ignore l’importance des mots. Recueillir l’avis ne signifie pas obligatoirement suivre cet avis. L’avis peut être favorable, défavorable, très favorable, très défavorable, peu favorable, peu défavorable. (Sourires)
En revanche, recueillir l’avis conforme signifie que ce dernier doit être favorable pour que la proposition soit validée.
Nous voulons que le préfet recueille l’avis conforme des conseils municipaux ou des communes concernées avant d’autoriser l’ouverture dominicale.
Vous connaissez d’ailleurs bien le sens du mot « conforme ». Depuis le début de ce débat, nous ne faisons que discuter en vain, puisque précisément vous souhaitez un vote conforme sur ce texte alors que nous aurions pu adopter des amendements et permettre ainsi la réunion d’une commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 102.
Mme Isabelle Pasquet. Ces amendements, s’ils étaient adoptés, permettraient de partir des attentes des communes exprimées par leurs représentants et rendraient effectif le respect d’un principe fondamental reconnu par notre Constitution, la libre administration des collectivités locales et territoriales.
Il ne serait, en effet, pas acceptable que les préfets puissent, alors qu’ils n’ont aucune légitimité électorale, passer outre la décision d’une ou de plusieurs communes.
Enfin, nous considérons que les préfets, c'est-à-dire les représentants de l’État dans les régions, dont les compétences sont institutionnelles, sont moins à même de décider de la nécessité d’ouvrir les établissements et les commerces le dimanche que les maires des communes concernées.
Si la disposition devait rester en l’état, nos craintes seraient confirmées.
Donner de telles prérogatives aux préfets, dans le mépris des représentants directs des populations concernées, traduirait dans les faits la volonté qui vous anime aujourd’hui : passer outre les réticences des salariés et de leurs représentants, des représentants de la majorité des organisations d’employeurs, afin d’imposer des dérogations ne trouvant pas nécessairement de justifications économiques.
Il s’agit pour vous, en réalité, de finaliser un projet politique d’une société toute tournée vers la consommation et où le verbe être se conjugue avec le verbe avoir.
La civilisation que vous entendez construire, monsieur le ministre, est à mille lieues de ce que nous voulons !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 27, la procédure de délimitation des PUCE est déjà entourée de nombreuses garanties : demande du conseil municipal, respect des critères prévus par le texte, avis des autres conseils municipaux intéressés.
Exiger l’accord de toutes les communes intéressées alourdirait excessivement la procédure et rendrait difficile la création des PUCE.
La commission est donc défavorable à cette disposition.
J’en viens aux amendements identiques nos 56 et 102.
Rassurez-vous, monsieur Desessard, j’ai parfaitement compris la différence entre un avis simple et un avis conforme, car je suis très attachée à la sémantique ! (Sourires.)
La décision de créer un PUCE sera prise par la préfecture, donc par des agents de l’État qui connaissent bien la réalité locale, et après consultation des municipalités concernées. Toutes les garanties sont présentes, et cette solution nous paraît équilibrée.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement identique n° 102 recueille le même avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. J’irai dans le même sens que Mme Debré.
La délibération du conseil municipal est l’unique clef d’entrée dans le PUCE. Sans la volonté d’une commune de bénéficier des dérogations liées au PUCE, celui-ci ne pourra pas voir le jour. Quant aux communes situées dans le même périmètre, elles sont également consultées.
Le conseil municipal de la commune concernée doit donc, par définition, rendre un avis conforme, puisque c’est lui qui formule la demande. Les communes voisines, quant à elles, rendent un avis simple.
Toutes les garanties étant prévues pour que la procédure se déroule convenablement, il n’y a aucune raison d’exiger un accord unanime et conforme de toutes les communes, y compris de celles qui n’accueilleront pas le PUCE.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 56 et 102.
Mme Annie David. Vous nous répétez qu’il faut faire confiance aux élus locaux, et vous leur refusez la possibilité de donner un avis conforme sur la création du PUCE !
Vous nous dites, monsieur le ministre, que la décision de création du PUCE résultera d’une délibération du conseil municipal. Vous êtes même allé plus loin en précisant que les communes environnantes devront être consultées, même si elles ne font pas partie de la même communauté d’agglomération ou de la même communauté de communes que la commune directement concernée.
Si l’une de ces communes ne souhaite pas la création du PUCE, elle transmettra au préfet un avis défavorable. Or, s’agissant d’un avis simple, le préfet ne sera pas obligé d’en tenir compte et pourra, malgré tout, décider la création de ce PUCE.
Où est donc cette confiance que vous prétendez accorder aux élus quand une décision préfectorale peut leur être imposée ?
C’est pour éviter ces situations que nous souhaitions un avis conforme de toutes les communes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Si l’on pousse votre raisonnement jusqu’à son terme, madame David, une commune, même très modeste, pourrait empêcher une autre commune, éventuellement beaucoup plus importante, de créer un PUCE. Vous confondez avis et diktat !
Je ne peux pas être d’accord avec vous : des communes qui ne sont pas directement concernées par la création d’un PUCE…
Mme Annie David. Si, elles seront concernées !
M. Xavier Darcos, ministre. … ne sauraient, du fait de cette exigence d’avis conforme, imposer leur loi à une commune qui aurait pris la décision d’en créer un sur son territoire.
Mme Annie David. C’est vous qui imposez un diktat ! Il ne faut pas les consulter, dans ce cas !
M. Jean Desessard. Je sais que ce n’est pas une question d’idéologie, monsieur le ministre, mais les villes concernées sont bien Lille, Marseille et Paris ? (On opine sur certaines travées.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 102.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 57, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles ces avis sont rendus et les modalités de consultation au niveau régional et départemental des organisations professionnelles et syndicales concernées.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le texte actuel prévoit que le préfet procède à la délimitation des périmètres d’usage de consommation exceptionnel au sein des unités urbaines de plus de 1 million d’habitants, après avoir consulté l’organe délibérant du groupement de communes sur le territoire desquelles sera situé ce périmètre. Il doit aussi recueillir l’avis de la commune ou des communes n’ayant pas demandé au préfet la création d’une telle zone et n’appartenant pas à une communauté de communes.
Cependant, les conditions de la prise en compte par le préfet des avis de ces communes ne sont, elles, pas précisées. Il n’envisage pas non plus que les représentants des employeurs et des salariés soient consultés.
Le présent amendement répond donc à cette double préoccupation. Afin que le processus de délimitation des PUCE se fasse dans le respect de l’avis des maires concernés et des organisations professionnelles et syndicales, il prévoit l’intervention d’un décret en Conseil d’État afin de déterminer les conditions dans lesquelles ces avis sont rendus ainsi que les modalités de consultation des partenaires sociaux au niveau régional comme au niveau départemental.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Cet amendement appelle les mêmes commentaires que l’amendement n° 55. Les syndicats sont consultés sur la délivrance des autorisations individuelles, mais il n’est pas de leur compétence de se prononcer sur la délimitation du périmètre.
Je demande donc à l’auteur de l’amendement de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Le texte est très clair et explicite. Il n’y a donc aucune raison d’ajouter des dispositions supplémentaires.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 122, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, remplacer les mots :
aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1
par les mots :
à l'article L. 3132-25-1
II. - Procéder à la même substitution au premier alinéa du texte proposé par le même II pour l'article L. 3132-25-4 du même code.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. D’après l’article L. 3132-20 du code du travail, les demandes de dérogation individuelle sont justifiées par l’existence d'un préjudice au public ou par l’atteinte au fonctionnement normal de l’établissement en cas de repos simultané le dimanche de tous les salariés. De tels impératifs ne peuvent s’accorder avec une procédure et des obligations aussi lourdes que celles qui sont prévues pour les PUCE, notamment en ce qui concerne les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou des personnes handicapées.
En conséquence, il est proposé de conserver le dispositif actuel pour les dérogations individuelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je ne peux pas accepter cet amendement.
Il est important que les salariés bénéficient de contreparties en cas d’ouverture dominicale sur la base de l’article L. 3132-20 du code du travail, car ils sont dans une situation analogue à celle des salariés des PUCE. Des garanties identiques doivent donc leur être accordées, sauf à créer une rupture d’égalité ente ces deux catégories de salariés.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Vous conviendrez avec moi, monsieur Dominati, que le présent texte marque un progrès puisqu’il prévoit des contreparties, à défaut d’accord collectif, pour toutes les dérogations administratives individuelles. Il clarifie donc la situation sur le plan juridique et, surtout, met en cohérence l’ancien et le nouveau système.
Ce que vous proposez pourrait se révéler défavorable aux salariés et fragiliserait cette cohérence nouvelle.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Dominati, l’amendement n° 122 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 122 est retiré.
L’amendement n° 28, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, après le mot :
collectif
insérer les mots :
de branche ou d'entreprise conclu avec des organisations syndicales représentatives
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. La manière dont est rédigé le texte proposé pour l’article L. 3132-25-3 est étrange et pose problème. C’est un véritable piège pour les salariés qui ne pourront, en toute hypothèse, éviter l’ouverture dominicale. On discerne aussi clairement la volonté de se débarrasser de ces organisations syndicales qui n’ont pas hésité à faire constater l’ouverture illégale, à faire condamner les employeurs et qui ont obtenu des condamnations sous peine d’astreintes.
Nous avons déjà fait observer que ce texte est une incitation pour les salariés à ne pas négocier, alors que l’employeur a tout intérêt, lui, à négocier, puisque les contreparties, dans le cas où il ne décide pas seul de l’ouverture dominicale, ne comportent pas de plancher légal. En revanche, s’il décide seul, afin sans doute d’éviter des pressions trop appuyées lors du référendum, la proposition de loi prévoit qu’il y aura repos compensateur, sans toutefois préciser sa durée, et doublement de la rémunération.
On peut aussi envisager que des employeurs, après avoir obtenu une autorisation sur décision unilatérale, négocieront ensuite un accord qui s’appliquera immédiatement, mais qui ne comportera pas de compensations de même niveau que le doublement du salaire et le repos compensateur.
Il est donc fondamental que les négociations soient menées par des organisations syndicales représentatives, suffisamment au fait du droit pour défendre les salariés. Il ne faut pas oublier non plus que la négociation sera aussi, en dehors même des compensations en termes de salaires et de repos, l’occasion d’aborder d’autres sujets.
De nombreuses femmes sont employées dans les centres commerciaux. Toutes n’ont pas la possibilité de faire garder leurs enfants gratuitement par leur famille le dimanche. Leur conjoint peut aussi souhaiter se consacrer à certaines activités ce jour-là et, par exemple, accompagner ou encadrer bénévolement de jeunes footballeurs, comme c’est le cas dans ma ville. Sans ces papas bénévoles, des centaines d’enfants ne pourraient pas jouer au foot le dimanche !
À moins que les élus locaux qui siègent ici n’envisagent sereinement l’ouverture des crèches et haltes-garderies le dimanche, avec paiement double du salaire et repos compensateur pour le personnel, une seule solution est possible : la création de crèches d’entreprise par les complexes commerciaux. Avec les bénéfices colossaux qu’ils s’apprêtent à réaliser le dimanche, au lieu d’augmenter à nouveau la rémunération de leurs cadres dirigeants, ces groupes pourraient prendre en charge l’ouverture et le fonctionnement de ces crèches, le paiement double du personnel et les repos compensateurs.
Mme Annie David. Pourquoi pas ?
Mme Raymonde Le Texier. Voilà au moins un point qui pourrait devenir positif après négociation !
Un autre exemple serait celui des transports collectifs à mettre en place pour les salariés, puisque de nombreuses lignes fonctionnent au ralenti le dimanche, quand elles fonctionnent.
Toutes ces mesures supposent que des négociations aient lieu aujourd’hui dans la branche, et demain dans l’entreprise et l’établissement, après l’entrée en vigueur de la loi sur la représentativité. Les salariés ne peuvent être simplement « expédiés », si l’on peut dire, avec des compensations. Il faut mesurer qu’ils seront les premières victimes, et les plus gravement touchées, de la mutation sociétale que vous mettez en œuvre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Cet amendement me semble superflu.
Les règles de conclusion d’un accord collectif figurent dans le code du travail. Elles ont été rénovées par la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, dont le rapporteur était notre collègue Alain Gournac.
Cette loi a posé le principe qu’un accord, pour être valable, doit être signé par des syndicats représentatifs ayant obtenu au moins 30 % des suffrages aux élections professionnelles et ne pas avoir rencontré d’opposition de la part du syndicat majoritaire.
Pour cette raison, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Il n’y a aucune raison de préciser par amendement ce qui est déjà le droit commun : cela va de soi !
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements quasi identiques.
L’amendement n° 103, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, supprimer les mots :
ou, à défaut, d'une décision unilatérale de l'employeur prise après référendum
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement a pour objet de supprimer la disposition du texte proposé pour l’article L. 3132-25-3 du code du travail qui précise que les autorisations de déroger au principe du repos dominical, tant de manière permanente, pour ce qui est des dérogations accordées par le préfet, que dans les établissements intégrés dans des PUCE, peuvent être accordées en l’absence d’un accord collectif, au vu d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum.
En effet, la seule décision, le seul engagement unilatéral de l’employeur, même approuvé par un référendum salarié, ne saurait suffire pour obtenir du préfet les autorisations de déroger au repos dominical.
Les membres du groupe CRC-SPG auraient préféré que ces dérogations demeurent individuelles et soient délivrées au cas par cas par les inspecteurs du travail. Vous avez fait le choix de confier ces compétences aux préfets. Mais vous entendez aller plus loin en contournant une nouvelle fois les organisations syndicales et l’obligation de négociation puisque, je le rappelle, vous voulez soumettre les dérogations à la seule décision unilatérale de l’employeur.
Mme Odette Terrade. Par ailleurs, sur les référendums organisés dans les entreprises, nous sommes réticents parce que nous sommes pleinement conscients qu’ils constituent une manière de marginaliser les organisations syndicales, alors qu’il ne saurait y avoir de dialogue social sans partenaires sociaux.
En outre, échaudés par les contestations des référendums réalisés précédemment, soit qu’ils fussent partiels, soit qu’ils reposent sur un chantage à l’emploi, nous considérons qu’il faut limiter cette pratique à la confirmation des termes d’un accord collectif négocié par les partenaires sociaux.
Il s’agit de s’inscrire dans une logique de participation, de confiance, opposée à la logique de défiance sur laquelle se fonde l’actuelle rédaction.
On ne peut pas regretter dans les départements la faiblesse des organisations syndicales et, dans le même temps, organiser ici, à Paris, leur marginalisation.
Les membres du groupe CRC-SPG, soucieux de la préservation des intérêts collectifs, entendent veiller à ce que, dans la continuité de l’histoire de notre pays et des luttes sociales, les organisations syndicales demeurent les acteurs incontournables du dialogue social.
Tel est le sens de l’amendement n° 103.
M. le président. L’amendement n° 137 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après le mot :
collectif
Supprimer la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Par cet amendement, nous souhaitons pouvoir disjoindre la deuxième partie du premier alinéa du texte proposé par l’article 2 pour l’article L. 3132-25-3 du code du travail, qui prévoit expressément d’accorder les autorisations en question au vu « d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum. » Il nous semble qu’il y a là un anachronisme juridique.
Si la décision est unilatérale, elle n’est pas prise après référendum. Que se passera-t-il si le référendum échoue ? La décision restera unilatérale. Cette phrase pose un véritable problème de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements quasi identiques nos 103 et 137 rectifié ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. J’ai un peu de mal à comprendre.
Par la présente proposition de loi, nous apportons une protection importante aux salariés. Pour ce qui concerne les PUCE, ce n’est qu’en cas d’impossibilité de conclure un accord collectif avec les partenaires sociaux que l’employeur pourra avoir recours à un référendum d’entreprise pour déterminer les contreparties accordées aux salariés.
La décision finale reviendra bien aux salariés, auxquels la proposition de loi apporte les garanties que vous connaissez, mes chers collègues : paiement double et repos compensateur. Dans les PUCE, le système est très bien encadré et équilibré. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Ces deux amendements me surprennent.
Rappelons que la négociation collective n’est pas toujours possible. Comment alors garantir une égalité d’accès au travail dominical à toutes les entreprises ? L’employeur devra donc solliciter une dérogation, qui est très encadrée puisque sa décision doit être approuvée par un référendum. C’est une garantie apportée aux salariés.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous venez d’évoquer l’égalité d’accès au travail dominical, mais quid de l’égalité des salariés ?
Si chaque entreprise, chaque commerce conclut un accord collectif, nous serons confrontés à un grand nombre d’accords différents. Selon qu’ils travailleront dans tel commerce ou dans tel autre situé de l’autre côté de la rue, certains salariés pourront bénéficier du doublement de leur salaire et d’un repos compensateur, la négociation ayant échoué, alors que les autres, ayant conclu un accord, se verront octroyer des contreparties différentes.
Hier, monsieur le ministre, vous nous avez dit que vous étiez obligé de nous répéter sans cesse les mêmes choses parce que nous ne comprenions pas. Aujourd'hui, c’est notre tour, pour la même raison : nous ne nous comprenons pas, ce n’est que trop évident ! En tout cas, nous n’avons pas la même vision des choses.
En l’état, l’article 2 sera source d’inégalités salariales, et c’est vous qui aurez organisé ces disparités.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je prends acte de vos arguments. Je relève cependant une incohérence au moins dans la forme. Comment tranchera-t-on si le référendum n’est pas favorable à la décision unilatérale ?
Mme Annie David. Vous n’aurez malheureusement pas de réponse, ma chère collègue !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Si le référendum n’est pas favorable, il n’y aura pas de dérogation !
Madame David, je suis peut-être un peu limité,…
Mme Annie David. C’est sans doute moi !
M. Xavier Darcos, ministre. … mais à quoi bon une négociation collective si les situations ne sont pas différentes ? On ne peut pas élaborer une loi générale applicable à des dispositifs commerciaux d’une telle disparité.
Mme Annie David. Ce sont tous des salariés du commerce, avec le même statut !
M. le président. Je mets aux voix les amendements quasi identiques nos 103 et 137 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 29, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces contreparties ne peuvent être inférieures à une rémunération égale au moins au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et à un repos compensateur équivalent en temps.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Nous revenons sur la perversité de l’article 2, qui peut aboutir à des contreparties plus importantes en cas de décision unilatérale qu’en cas d’accord, aucun plancher n’étant fixé pour ce qui concerne le contenu de l’accord collectif.
Tous les chantages à l’emploi seront donc possibles afin que des accords prévoyant une majoration de la rémunération perçue les dimanches travaillés de seulement 50 % ou même de 20 % soient acceptés.
Robert Castel, éminent historien des relations du travail, définit le salariat comme la situation de celui qui ne peut vendre que sa capacité de sujétion. Fait intéressant dans cet article, le salarié ne peut à aucun moment sortir de cette situation de sujétion.
D’abord, il est supposé être volontaire, mais comment peut-on imaginer qu’un employé ne disposant que de son salaire pour vivre et pour faire vivre les siens pourra résister, surtout si on lui explique qu’en cas de refus de travailler le dimanche le commerce risque de fermer ou, a fortiori, si on lui propose une majoration ?
Il a fallu beaucoup de courage aux salariés qui ont refusé de travailler le dimanche pour 5 euros supplémentaires. Ils n’en ont pas moins été licenciés. Fallait-il faire un exemple ?
Passons maintenant aux contreparties.
Soit le salarié se plie à la volonté unilatérale de l’employeur de le faire travailler le dimanche assortie de contreparties, soit il risque de n’obtenir pratiquement aucune compensation lorsqu’un accord est négocié.
Comment imaginer que des travailleurs qui ont besoin de leur salaire vont exiger une majoration de 100 % de leur rémunération et un repos d’une journée si l’employeur les menace de perdre leur emploi, fût-il précaire ou à temps partiel ?
Nous sommes, avec cette proposition de loi, au cœur du déséquilibre de la relation salariale, de ce qui justifie l’autonomie du droit du travail que vous vous employez régulièrement à banaliser. Vous le faites encore une fois de manière très habile, en limitant a priori l’intérêt de la négociation en en faisant le moyen de réduire les compensations.
Nous proposons donc que l’accord collectif ne puisse prévoir moins qu’une majoration salariale de 100 % et un repos compensateur équivalent temps plein.
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Ces contreparties ne peuvent être inférieures au doublement de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et à un repos compensateur.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement, à la fois de cohérence et de fond, a pour objet de garantir aux travailleurs du dimanche des contreparties légales significatives, reposant a minima sur le doublement du salaire et le repos compensateur.
De nombreux échanges ont déjà montré à quel point nos conceptions des notions d’avancée sociale et de progrès divergent. Vous nous proposez ici de faire un bon en arrière de plus de cent ans, vous nous ramenez avant 1906, quand le jour de repos était variable et dépendait de la négociation entre salarié et employeur.
Aujourd’hui, vous ciblez la rémunération des salariés travaillant le dimanche : vous entendez ne faire référence dans la loi qu’au seul principe de la négociation.
Ce refus de poser des règles de droit commun protectrices des salariés ou favorables à leur égard doit être comparé à l’ardeur législative dont fait preuve votre gouvernement dès lors qu’il s’agit d’attaquer les droits des salariés ou de réduire leur protection.
Pour déréguler – vous dites « moderniser » – le marché du travail, il faut une loi. Pour imposer à des salariés privés d’emploi d’accepter de subir la règle de l’employabilité, il faut une loi. Pour imposer le RSA et les trappes à précarité qui l’accompagnent, il faut encore une loi. En revanche, dès lors qu’il s’agit de poser le principe d’une règle protectrice, vous renvoyez à la négociation. Or les négociations n’aboutissent pas forcément – citons celle qui porte sur la pénibilité – ou peuvent ne jamais débuter, telles les négociations annuelles obligatoires.
En réalité, vous souhaitez réduire le code du travail à une série de contraintes pour les salariés, une sorte de code de procédure du travail, expurgé de tout ce qui fait, selon vous, ses faiblesses : les droits des salariés.
L’article 2 peut apparaître comme une provocation à l’égard des organisations syndicales, particulièrement si l’on compare les actions du Président de la République en France – la manière dont il impose, par exemple, la présente proposition de loi – et la posture qu’il peut adopter à l’étranger. Ainsi, à Genève, le Président de la République a déclaré, à l’occasion d’une rencontre internationale organisée sous l’égide de l’OIT : « Une norme qui n’est pas obligatoire n’est pas une norme, c’est comme une feuille qui s’envole dans le vent ».
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, je vous invite à faire vôtres les propos du Président de la République et à faire en sorte que la loi, cette norme impérative qui, théoriquement, s’applique à tous, permette aux salariés des PUCE de bénéficier d’une rémunération au moins égale au double du salaire perçu au cours d’une journée travaillée et d’un repos compensateur. Le reste, la négociation collective, qui, par principe, ne s’applique pas à tous les salariés de notre pays, c’est, pour reprendre la formule du Président de la République, du vent !
De surcroît, la négociation à laquelle vous renvoyez les salariés pourrait très bien se conclure – nous l’avons souligné à plusieurs reprises – par l’adoption de dispositions moins favorables que ce que prévoit la loi.
Nous ne sommes pas opposés à la négociation, bien au contraire, mais nous sommes favorables à une négociation équitable, ayant un point de départ connu et commun à tous – la loi – et une conclusion d’autant plus favorable.
Tel est le sens de l’amendement n° 104.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En vertu de cet accord les salariés privés du repos du dimanche bénéficient a minima d'un repos compensateur et perçoivent pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement, très proche du précédent, vise à instituer des garde-fous.
En effet, nous proposons de préciser les contreparties accordées aux salariés qui travaillent le dimanche dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, afin d'éviter que, par un accord qui serait négocié sous la pression des employeurs, il ne soit dérogé au principe du doublement du salaire et du droit au repos compensateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Il convient de laisser aux partenaires sociaux la liberté de définir les contreparties qui leur paraissent les plus appropriées.
Il est vrai que, dans certains cas, ils pourront opter pour une majoration salariale plus importante que celle que vous proposez, chers collègues de l’opposition, avec un repos compensateur moindre. Toutefois, ils peuvent aussi faire le choix inverse.
Je le répète, deux étapes sont prévues : tout d'abord, la négociation, puis, si celle-ci n’aboutit pas, le référendum d’entreprise, avec le paiement double et un repos compensateur.
De grâce, laissons faire d'abord la négociation. Si celle-ci échoue, alors les règles inscrites dans la loi s’imposeront.
La commission émet donc, bien sûr, un avis défavorable sur l’amendement n° 29.
En ce qui concerne l’amendement n° 104, je pourrais développer le même argumentaire : faisons confiance aux partenaires sociaux, qui sont certainement les plus à même de décider de ce qui convient le mieux aux salariés. Le garde-fou, c’est le référendum.
L’amendement n° 58 étant très proche, j’émets le même avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Tout d'abord, j’estime, comme Mme le rapporteur, qu’il faut faire confiance à la négociation.
En outre, soyons réalistes : nous ne voyons pas pourquoi, dans une négociation, les représentants des salariés sortiraient leurs stylos pour signer un accord s’ils obtiennent, en refusant celui-ci, des contreparties plus avantageuses !
Il s'agit là, à mon avis, d’une vision assez théorique de la réalité des entreprises. De toute façon, dans le pire des cas, ce sera le plancher prévu par la loi qui s’appliquera.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 104. (Marques de lassitude sur les travées du groupe UMP.)
Mme Annie David. Je constate que mon intervention suscite beaucoup d’enthousiasme ! Le débat parlementaire prévoit pourtant des explications de vote, et je ne fais donc qu’user de mon droit. Mais, puisque mes prises de parole vous réjouissent tant, chers collègues de la majorité, je vais poursuivre sur cette voie !
J’en reviens à l’amendement. Nous sommes peut-être têtus, mais nous persistons à être méfiants quand, monsieur le ministre, vous nous renvoyez à la négociation collective et quand vous affirmez que vous faites confiance aux partenaires sociaux pour obtenir des contreparties avantageuses pour les salariés. Le problème n’est pas tant dans les conventions de branche que, surtout, dans les accords d’entreprises : les salariés, à partir du moment où ils sont représentatifs, peuvent signer dans leur société n’importe quel accord avec leur direction.
Je vous rappelle tout de même que nombre de commerces comptent moins de dix salariés et que les syndicats sont très peu présents dans ce type d’entreprises. Bien entendu, le patron obtiendra dans ce cas un accord et celui-ci sera bien moins avantageux que les dispositions prévues par la loi, à savoir le doublement du salaire et le repos compensateur. Cessez de faire semblant de croire qu’il en ira autrement !
Chers collègues de la majorité, dans les PME, où il n'y a pas de syndicats, vous connaissez bien les conditions qui sont faites aux salariés…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas si sûr !
Mme Annie David. … mais peut-être vous conviennent-elles, ce qui expliquerait que vous vouliez les généraliser pour que, demain, tous les personnels qui travaillent dans ces commerces soient soumis à des accords ne respectant évidemment ni leurs intérêts ni leurs droits !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 30, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les deux premières phrases du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour l’employeur de décider seul, sur cette question importante de l’ouverture dominicale, dans l’hypothèse où il n'y aurait pas d’accord collectif négocié avec les représentants du personnel ou les syndicats.
Tout d'abord, nous considérons qu’il s'agit là d’une marque de défiance vis-à-vis des syndicats. Alors que l’on souligne souvent la faiblesse et le manque de représentativité de ces derniers en France, cette mesure ne fera qu’empirer la situation !
Nous estimons qu’une décision qui emportera des conséquences aussi importantes pour la vie de chacun et pour l’organisation de l’entreprise ne peut être prise par le seul employeur.
Que devient dans cette hypothèse le volontariat des salariés, puisque c’est l’argument qui nous est opposé en permanence ?
En réalité, à partir du moment où l’employeur prendra une décision, différente et même certainement à l’opposé de celle qu’auront proposée les représentants syndicaux, les salariés n’auront d’autre solution que de s’y soumettre. Le référendum se tiendra sous une forte pression : il s'agira purement et simplement d’approuver la position qui aura été adoptée par le patron !
La consultation des institutions représentatives du personnel sera donc bien formelle. Mes chers collègues, nous avons tous en mémoire ces référendums où la majorité des salariés, poussés par la peur du chômage, a accepté de lourdes concessions, pour subir finalement la fermeture de l’établissement ou un plan de licenciements...
Mme Annie David. Tout à fait ! Ils acceptent tout et l’entreprise ferme quand même !
M. Richard Yung. Nous l’avons appris à nos dépens, et nous l’avons payé cher !
Nous proposons donc la suppression de cette disposition.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, remplacer les mots :
des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical
par les mots :
de l'ensemble du personnel de l'entreprise ou de l'établissement
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Aux termes de la présente proposition de loi, le référendum prévu en cas de décision unilatérale de l’employeur n’intéresse que « les personnels concernés par cette dérogation ».
C’est méconnaître le fonctionnement des grandes surfaces et l’activité qui s’y déploie.
Les « personnels concernés » ne sont pas seulement les vendeurs ou ceux qui tiennent les caisses. Ce sont aussi les salariés qui s’occupent du réassortiment, des têtes de gondoles, du service après vente, de la maintenance, de la sécurité et du nettoyage, même si vous me rétorquez que ces tâches sont souvent sous-traitées à d’autres entreprises. S’y ajoutent les personnels administratifs et tous ceux qui verront leur charge de travail augmenter du fait du travail dominical.
L’impact de la mesure sera sensible pour tous ces salariés, et nous devons penser à eux. Seront-ils consultés par référendum ou seront-ils les victimes d’une inégalité supplémentaire, obligés de travailler le dimanche en même temps que les personnels de vente, mais sans y avoir consenti ?
Nous souhaitons donc modifier la rédaction de cet article de façon que l’ensemble des personnels soient consultés par référendum.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Sur l’amendement n° 30, monsieur Yung, je vous rappelle que, dans les PUCE, le travail sera autorisé le dimanche seulement si un accord collectif négocié au préalable prévoit des contreparties pour les salariés ou si des compensations ont été approuvées par un référendum d’entreprise.
Quoi qu’il arrive, je le répète, les magasins ne pourront ouvrir faute d’accord ou de référendum, donc en l’absence de contreparties importantes pour les salariés. Il est donc tout à fait excessif, me semble-t-il, d’affirmer que le travail dominical pourra être organisé unilatéralement par les employeurs.
C'est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 31, vous voudriez que tous les salariés de l’entreprise, même ceux qui, éventuellement, ne travailleraient pas le dimanche, soient consultés.
La proposition de loi prévoit que seuls les salariés concernés participent au référendum, car certains ne seront jamais affectés par l’ouverture dominicale, par exemple les personnels administratifs.
Il serait très difficilement admissible que le vote de ces salariés puisse, le cas échéant, tenir en échec un projet d’accord qui serait approuvé majoritairement par les personnels intéressés !
Mme Raymonde Le Texier. On a bien compris !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Si votre amendement était adopté, monsieur Yung, les salariés qui voudraient travailler le dimanche et qui, par conséquent, répondraient majoritairement par l’affirmative à la question posée par référendum, risqueraient d’être pénalisés par des personnels qui ne seraient absolument pas concernés par la mesure, mais qui pourraient les empêcher de s’organiser comme ils l’entendent !
Cette disposition ne me semble pas acceptable. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Pour compléter les propos de Mme le rapporteur, nous pouvons imaginer que, à l’inverse, des personnels qui ne seraient pas affectés par cette mesure imposent par référendum le travail du dimanche à des salariés qui le refusent et qui, eux, seraient concernés !
Si l’amendement de M. Yung était adopté, la situation n’en serait pas simplifiée, mais compliquée.
J’en reviens toujours à la question des négociations salariales. Je suis surpris que certains refusent de faire confiance aux discussions menées entreprise par entreprise.
Je rappelle pourtant que cette pratique est conforme à la loi sur la représentativité syndicale, qui a été votée par l’opposition.
M. Jean Desessard. Non !
M. Xavier Darcos, ministre. Si, monsieur Desessard. Certains contestent ici un mécanisme de représentativité qu’ils ont approuvé.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
5
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer des textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte et du projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances sont parvenues à l’adoption de textes communs.
6
Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, déposé sur le bureau de notre assemblée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Repos dominical
Suite de la discussion et adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés sur l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, après le mot :
compensateur
insérer les mots :
équivalent en temps
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement de cohérence tend à préciser que, en cas de décision unilatérale de l’employeur, approuvée par référendum, le repos compensateur accordé devra être d’une durée équivalente à celle du travail dominical. Si la compensation salariale atteint 100 % du salaire, il n’y a aucune raison pour ne pas respecter un taux identique en termes de repos compensateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon argumentation reste inchangée : je souhaite laisser les partenaires sociaux négocier la durée du repos compensateur et le niveau des majorations salariales. Une fois encore, place à la négociation ! Et si celle-ci n’aboutit pas, il est procédé à un référendum.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Cette précision est superfétatoire.
Mme Raymonde Le Texier. Non !
M. Xavier Darcos, ministre. Il va de soi, aux termes de la proposition de loi, que le repos compensateur accordé au salarié est équivalent au nombre d’heures de travail effectuées le dimanche.
Dans ces conditions, l’amendement est satisfait (Mme Raymonde Le Texier le conteste.), et le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 205 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 149 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 59, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
« L'amplitude horaire d'ouverture des établissements dérogeant au repos dominical ne peut excéder une durée de sept heures.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Ne souhaitant pas faire perdre de temps à notre assemblée, je serai bref. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Cet amendement vise à fixer une amplitude horaire maximale d’ouverture pour les établissements qui dérogent au repos dominical. Il concerne les seuls PUCE.
La création de ces périmètres a été justifiée par l’existence de certaines habitudes de consommation. Les consommateurs, en particulier, n’auraient pas le temps d’effectuer un certain nombre d’achats importants durant la semaine, notamment des « gros achats » tels que les achats d’ameublement ou d’électroménager. Bien évidemment, je me place ici dans la logique de la majorité, qui n’est pas la mienne, et vous verrez à l’occasion des explications de vote que je ne partage pas du tout ce point de vue !
Mais si ces achats sont exceptionnels, ils n’ont pas besoin d’être réalisés sur une trop grande amplitude horaire ! On pourrait donc prévoir un créneau d’ouverture des établissements allant de dix heures à dix-sept heures, ce qui correspond à la durée habituelle d’une journée de travail pour un régime de 35 heures hebdomadaires.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ah ! les 35 heures !
M. Jean Desessard. Cette amplitude est largement suffisante pour permettre aux consommateurs d’effectuer leurs achats exceptionnels du dimanche.
Cet amendement a donc pour objet de limiter l’amplitude horaire d’ouverture à sept heures.
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le dimanche, l'amplitude horaire des salariés ne peut dépasser sept heures de travail. Les pauses et les coupures étant intégrées dans le décompte des heures travaillées et rémunérées comme des heures de travail effectif.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement est identique à l’amendement n° 92, précédemment défendu par Mme Éliane Assassi s’agissant du travail le dimanche dans les établissements de vente au détail situés dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle.
Il vise, s’agissant des PUCE cette fois, à limiter l’amplitude horaire pour le travail dominical à sept heures de travail, les pauses et les coupures étant intégrées dans le décompte des heures travaillées et rémunérées comme des heures de travail effectif.
Il s’agit, pour notre groupe, de veiller à ne pas étendre outre mesure le travail du dimanche des salariés, en dérogeant à la règle de droit commun du repos dominical. Cette journée de travail dominical doit rester une journée de travail exceptionnelle. Nous entendons faire en sorte qu’elle ne se transforme pas en une journée de travail comme les autres.
Monsieur le ministre, tout à l’heure, beaucoup d’amendements étaient en discussion commune, et je n’ai donc pas entendu votre réponse quant à cet amendement tendant à limiter l’amplitude horaire dans les zones touristiques. Mais j’attends votre réaction sur le présent amendement, qui vise à instaurer des dispositions identiques pour les PUCE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Le code du travail limite déjà l’amplitude de la journée de travail des salariés : ceux-ci ne peuvent travailler plus de dix heures par jour et bénéficient obligatoirement de onze heures de repos consécutives.
Il n’y a pas lieu de prévoir une règle particulière qui s’appliquerait uniquement aux commerces installés dans les PUCE. Je ne vois pas pourquoi on imposerait une telle contrainte dans ces zones, alors qu’on ne l’impose pas ailleurs, à d’autres commerces, voire à d’autres métiers.
Mme Annie David. Évidemment, vous avez refusé l’amendement n° 92 !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 59 et 105.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Il partage l’avis de la commission. Amplitude horaire, récupération, repos,… tous ces éléments sont fixés dans le code du travail, mais également dans les accords d’entreprise.
Le fait que nous traitions cette question de la dérogation au repos dominical ne change rien à la règle générale et aux accords de branche qui peuvent être établis dans ce domaine. Il n’y a donc aucune raison d’adopter un amendement particulier sur ce sujet.
Mme Annie David. Le dimanche devient donc un jour comme les autres !
M. le président. L'amendement n° 107, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail par les mots :
à la condition que l'accord prévoit des contreparties plus favorables que celles fixées par la décision mentionnée à l'alinéa précédent
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous nous sommes déjà exprimés à de nombreuses reprises, au cours de nos débats, sur le sens que nous entendons donner à la négociation.
Pour les membres du groupe CRC-SPG, la loi doit être l’édifice de base permettant la protection des droits et intérêts des salariés. La négociation doit permettre à ces derniers d’obtenir des contreparties au niveau de la branche ou de leur entreprise, et non, comme c’est actuellement le cas, de permettre aux employeurs d’échapper à des obligations légales devenues de fait obsolètes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous avons eu en commission un débat intéressant sur ce sujet. À cette occasion, j’ai expliqué que cet amendement me paraissait inutile. Pourquoi les partenaires sociaux signeraient-ils un accord moins avantageux que les dispositions dont les salariés bénéficient déjà ?
Il est vrai que certaines et certains d’entre nous, surtout sur les travées du groupe CRC-SPG – je pense en particulier à Mme David –, se sont interrogés à juste titre sur ce point, arguant que, en cas de menace de dépôt de bilan, le chef d’entreprise pourrait demander à ses salariés de faire un effort.
Je vous avais alors répondu très sincèrement et très franchement que ce serait le seul cas où il pourrait éventuellement être demandé aux salariés de travailler dans des conditions peut-être moins avantageuses que celles qu’ils avaient auparavant, et ce pendant un temps limité.
Mais dans ce cas, chacun prend ses responsabilités : cela relève de la négociation, et il nous faut laisser faire les partenaires sociaux !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. L’instauration de contreparties légales n’a été prévue que pour suppléer l’absence de négociations collectives, en particulier dans les petites entreprises.
En revanche, ce régime n’a pas vocation à contraindre les partenaires sociaux. La négociation doit reprendre toute sa place dès lors que les conditions d’un accord collectif sont réunies dans une entreprise.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, remplacer les mots :
une durée limitée
par les mots :
trois ans
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Il s’agit d’un amendement de précision relatif à la durée de l’autorisation de dérogation délivrée par le préfet.
Cet amendement a pour objet de limiter à trois ans les autorisations de dérogation délivrées par le préfet, dans le cadre de l’article L. 3132-20 ou de l’article 3132-25-1, concernant les PUCE.
Dans le texte actuel de l’article L. 3132-20, la mention fort imprécise de « durée limitée » est déjà utilisée. Dans la mesure où le Gouvernement propose une extension importante de la capacité de dérogation du préfet, une limitation à cette durée nous paraît nécessaire.
Il est vrai que la rédaction sans doute un peu hâtive de la proposition de loi aboutit à ce qu’il soit précisé, dans l’article L. 3132-25-6, que les autorisations prévues à l’article L. 3132-25-1 sont accordées pour cinq ans. Nous présumons donc qu’il en sera ainsi.
Or, comme nous l’avons déjà indiqué, aucune étude d’impact préalable n’a été réalisée. On ignore donc quelles pourront être les conséquences de la création des PUCE sur les collectivités territoriales, sur le tissu économique, ainsi que sur le plan social.
Il est par conséquent nécessaire que les autorisations préfectorales puissent être réexaminées avec une périodicité suffisante pour mesurer les conséquences a posteriori de la création des PUCE, et sans doute les dégâts occasionnés. Le délai de trois ans nous semble plus approprié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Vous préféreriez ramener de cinq ans à trois ans la durée de l’autorisation de dérogation délivrée par le préfet.
La durée de cinq ans prévue dans la proposition de loi paraît appropriée à la commission : elle permet aux établissements titulaires d’une autorisation de bénéficier d’une certaine stabilité dans le temps. La commission qui sera instituée observera les conséquences de la mise en place des PUCE et réalisera une étude.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, remplacer les mots :
intéressés de la commune
par les mots
des secteurs d'activité concernés
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 60, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le refus de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l'attribution ou non d'augmentations de salaires et ne peut déterminer l'attribution de primes.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, nous entendons préciser que « le refus de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l'attribution ou non d'augmentations de salaires et ne peut déterminer l'attribution de primes. »
Il ne suffit pas de proclamer que le volontariat existe, encore faut-il garantir qu’il n’y aura pas d’inégalité de traitement entre les salariés qui accepteront de travailler le dimanche et ceux qui ne se seront pas portés volontaires.
En cas de licenciements, ce sont souvent les salariés les « moins souples », selon le vocabulaire souvent utilisé pour justifier les choix patronaux, qui seront les premières victimes du plan social. Il en ira de même pour les augmentations de salaires ou les primes, désormais individualisées : il est en effet très rare qu’elles soient générales et réparties de manière égalitaire.
Dès lors, le refus du travail dominical par les salariés pourrait entrer en ligne de compte. Or, ce choix, qui peut être personnel, est aussi souvent un choix contraint : une femme qui élève seule ses enfants et qui touche un petit revenu n’a pas d’autre solution que de ne pas travailler le dimanche – nous l’avons souvent dit –, de même qu’un père qui élève lui aussi seul ses enfants ou que toutes les personnes qui ne perçoivent que de petits salaires.
Or, malgré toutes les lois votées sur le sujet, les femmes subissent encore, malheureusement, une discrimination salariale. Nous parlons ici d’un secteur – le commerce de détail – où les salaires ne dépassent souvent pas le SMIC et où les salariés travaillent fréquemment à temps partiel. Si ceux qui refusent le travail dominical ne bénéficient pas d’une augmentation de salaire, contrairement à ceux qui l’accepteront, l’écart salarial entre hommes et femmes sera encore massivement creusé.
En l’état, le texte ne suffit pas à garantir la libre expression de la volonté des salariés et à protéger les candidats à l’embauche contre des discriminations, ainsi que les salariés en poste contre des décisions de l’employeur comme le non-renouvellement des CDD ou la modération salariale.
La fixation des rémunérations, l’attribution de primes d’assiduité ou de « présentéisme », d’ancienneté, de primes à échéance annuelle, notamment, relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Dans la mesure où celui-ci peut individualiser les salaires, et ce dans la limite des pratiques discriminatoires, comment s’assurer qu’il ne défavorise pas sans le dire le salarié qui ne souhaite pas travailler le dimanche ?
En dehors du cas manifeste et illicite où l’employeur aura mis en place, dès l’embauche, une prime de choix pour le travail dominical, n’y aura-t-il pas d’autres moyens de différencier, par le biais de primes notamment, le salaire de ceux qui acceptent de travailler le dimanche ?
Par notre amendement, nous proposons donc de préciser que le refus de travailler le dimanche ne peut pas faire l’objet d’une mesure de discrimination salariale, que ce refus ne peut avoir d’influence sur l’attribution de primes et leurs montants, primes dont chacun sait aujourd’hui qu’elles sont devenues, pour un grand nombre de salariés, une part non négligeable de leurs rémunérations.
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, par une phrase ainsi rédigée :
Le refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l'attribution ou non d'une augmentation de salaire et ne peut déterminer l'attribution de primes et leur montant.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement est de la même veine que celui qui a été défendu par M. Jean Desessard. Il vise à compléter la rédaction proposée par cet article 2 pour l’article L. 3132-25-4 du code du travail, en précisant que « le refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l’attribution ou non d’une augmentation de salaire et ne peut déterminer l’attribution de primes et leur montant. »
Eu égard aux situations parfois difficiles que peuvent rencontrer des salariés dans leurs relations avec leur employeur, une telle précision s’impose à notre avis.
En proposant de placer cette disposition impérative dans la rédaction présentée par ce texte pour l’article L. 3132-25-4 du code du travail, c’est-à-dire la disposition censée réaffirmer le volontariat du salarié, nous entendons faire de cette interdiction de sanction un corollaire au volontariat.
Il ne saurait en effet y avoir de réel volontariat si le texte ne précisait pas que le fait de traiter différemment un salarié au seul prétexte qu’il aurait refusé de travailler le dimanche était constitutif d’une violation de la loi..
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ces deux amendements sont parfaitement satisfaits par la disposition tendant à prohiber toute discrimination à l’encontre d’un salarié refusant de travailler le dimanche, disposition qui figure noir sur blanc dans le texte de la proposition de loi. La commission souhaite donc leur retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Ces amendements n’ont pas lieu d’être, puisque le texte de la proposition de loi est extrêmement précis : « Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. »
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 108 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, par une phrase ainsi rédigée :
Les dispositions du contrat de travail qui prévoient le renoncement automatique ou occasionnel du salarié à son droit au repos dominical, sont réputées nulles et non écrites et ne peuvent par conséquent pas lui être opposées.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La notion de volontariat, derrière laquelle le Gouvernement s’abrite pour imposer une dérégulation supplémentaire, ne nous convient pas. Elle ne satisfait pas non plus les organisations syndicales.
Nous avons, au cours de nos débats, abordé cette question à maintes reprises, avec une démonstration qu’il me paraît important de renouveler ici : selon nous, il ne peut y avoir de réel volontariat dans une société marquée par une explosion de la précarité, une hausse croissante du chômage – chaque jour charrie en effet son flot de 2 000 suppressions d’emplois – et un amoindrissement continu des protections du code du travail.
Cette situation économique et sociale, qui pèse sur la vie de nos concitoyens, ne peut pas être sans conséquences sur leurs décisions professionnelles.
Je tiens à rappeler que, selon un sondage réalisé l’an dernier, en octobre 2008, 60 % de nos concitoyens avaient peur de devenir SDF.
« Plus la crise économique s’installe dans la durée, plus la peur progresse. Car elle envahit la réalité, surtout pour les femmes qui élèvent seules leurs enfants, ou les retraités », estime la psychanalyste Michèle Sébal.
On retrouve là les femmes qui constituent une famille monoparentale et qui composent, rappelons-le, la majorité des salariés de la grande distribution.
Nous savons également que certains employeurs pourraient être tentés de profiter de cette situation. Ainsi, au Royaume-Uni, une compagnie aérienne a demandé à ses salariés de travailler gratuitement. Là encore, on a fait appel au volontariat ; mais est-ce acceptable pour autant ? Je ne le crois pas.
Les organisations syndicales avaient alors dénoncé le risque de voir s’élaborer des listes différenciant les salariés : d’une part, les bons, les volontaires, qu’il faudrait savoir remercier le temps venu, et, d’autre part, les autres.
C’est précisément pour éviter ce genre de situation que doivent être prévues dans la loi un certain nombre de règles impératives, telle que celle que nous proposons au travers de cet amendement.
Nous ne sommes pas à l’abri, dans notre pays, de telles situations extrêmes. Une enseigne spécialisée dans la vente de produits culturels, située sur les Champs-Élysées et ouverte le dimanche, a déjà prévu, dans l’article 7-6 de l’avenant à sa convention interne, l’obligation de travailler le dimanche, et en précise les modalités pratiques. Voilà ce que certains employeurs de grandes entreprises font de ce volontariat ! Elles ont bien compris qu’il ne s’agissait que d’une pure façade !
Au regard de cette situation, qui n’est sans doute pas unique, nous considérons que notre amendement est utile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Madame David, vous avez raison : les dispositions qui figurent dans le texte sur le volontariat des salariés sont claires et très complètes. Elles sont d’ordre public : il est donc inutile d’alourdir le texte en apportant les précisions demandées.
Vous évoquez un certain magasin sur les Champs-Élysées. Si, lors de son embauche, un salarié se voit proposer de travailler le dimanche, il refuse ou il accepte. Ce qui serait inadmissible, c’est que son employeur lui demande, une fois l’embauche effectuée, de travailler le dimanche et, au cas où il refuserait, le licencie.
Mme Annie David. C’est ce que je viens de dire !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord ! Ce cas est bien prévu dans le texte, qui, je le répète, est très clair et très complet : il n’y aura pas de sanction si la personne n’est pas volontaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’ai l’impression qu’il me faut développer un peu plus mon argumentation.
Vous dites, madame le rapporteur, qu’il serait inacceptable qu’un employé d’une grande enseigne qui a déclaré, lors de son embauche, refuser de travailler le dimanche soit, une fois son embauche effectuée, obligé de travailler ce jour-là, sous peine d’être licencié. Vous êtes convenue que, lorsqu’une personne vient postuler pour le poste et qu’il lui est proposé de travailler le dimanche, soit elle accepte, soit elle refuse.
Normalement, si elle refuse, l’employeur ne doit pas pour autant refuser de l’embaucher – nous sommes bien d’accord sur ce point ? –, puisque le refus de travailler le dimanche ne peut être passible de sanction : le travail du dimanche, notamment dans les PUCE, repose en effet sur le volontariat. En d’autres termes, un candidat à un poste qui refuse de travailler le dimanche pourra être embauché dans une enseigne qui ouvre ce jour-là. Vous avez en effet affirmé, madame le rapporteur, qu’une telle attitude ne sera pas une raison pour ne pas recruter un candidat ou pour licencier un salarié.
Pour ma part, je fais allusion aux avenants au contrat, qui sont déjà prêts et qui n’attendent qu’à être présentés à l’ensemble des salariés ne travaillant pas encore le dimanche. Certes, ces salariés auront le choix de signer ou non ce document. Au regard des arguments que j’ai précédemment développés et que je ne répéterai pas – la situation économique, le chômage, la crise et la peur qu’elle suscite chez nombre de nos concitoyens –, croyez-vous vraiment que nombreux seront les salariés qui pourront refuser de signer cet avenant ? Aucun salarié ne sera à notre avis en mesure de le faire !
Le refus par un candidat à l’emploi de travailler le dimanche, alors qu’il est appelé à exercer son activité dans un PUCE, ne doit pas être pour l’employeur une raison de ne pas l’embaucher. C’est en tout cas ce qui nous a été affirmé jusqu’à maintenant !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est totalement illusoire !
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de prendre en compte les impératifs de protection de la santé, les salariées en état de grossesse médicalement constaté ou pendant la période de congé postnatal, bénéficient obligatoirement du repos dominical. Le fait de méconnaître cette obligation est passible d'une sanction pénale fixée par décret.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement tend à répondre à une préoccupation de santé publique. L’ouverture dominicale des centres commerciaux situés dans les PUCE a pour but d’obtenir une affluence maximale ce jour-là.
Parmi les personnels employés le dimanche, de nombreuses jeunes femmes seront présentes, ce qui suppose que certaines pourraient être enceintes. Certaines pourraient même être en congé postnatal.
Si la grossesse n’est pas une maladie, il n’en demeure pas moins qu’elle appelle des précautions : il importe notamment d’éviter la fatigue excessive due au stress, à la foule, au bruit, à la station debout prolongée.
Comme vous le savez, les articles L. 1225-7 et suivants du code du travail prévoient que l’employeur doit proposer des aménagements de poste pour les femmes enceintes.
Quels sont les aménagements de poste possibles dans le cadre de l’ouverture dominicale, alors que l’objectif d’une telle mesure est de réaliser un chiffre d’affaires maximal dans un minimum de temps ? Cela suppose au contraire une implication complète des salariés présents sur le site, incompatible avec les aménagements nécessaires pour les femmes enceintes. C'est la raison pour laquelle nous proposons que ces dernières ne soient pas concernées par la dérogation préfectorale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Le code du travail contient déjà un grand nombre de dispositions destinées à protéger les femmes enceintes, qui bénéficient notamment d’un congé de maternité. Il ne paraît pas justifié de prévoir de mesures supplémentaires.
Madame Printz, nous avons déjà eu ce débat en commission. Je vous ai alors répondu ne pas comprendre pourquoi il fallait prévoir une disposition spécifique pour les femmes enceintes le dimanche et pas le samedi. Vous avez parlé d’affluence et souligné que ce jour serait particulièrement fatiguant. Au contraire, ouvrir les commerces le dimanche permettra de réduire l’affluence constatée le samedi, car c’est ce jour-là qui est le plus éprouvant pour les femmes enceintes. (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
Aucune raison ne paraît donc justifier une mesure spécifique pour le travail dominical. Et, avec ce dispositif, peut-être l’affluence sera-t-elle moins forte le samedi, comme d’ailleurs le dimanche. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Gisèle Printz. Le dimanche est donc un jour comme un autre !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Personne ne contestera qu’une femme enceinte doive pouvoir se reposer et bénéficier des aménagements qui lui sont nécessaires. Pour autant, rien ne permet d’affirmer qu’elle souhaite que ce jour soit un dimanche ! Sur quel fondement décideriez-vous d’exclure toutes les femmes du travail dominical dès lors qu’elles sont enceintes ? Là encore, c’est la règle du volontariat qui s’applique, règle qui figurera d’ailleurs dans la loi.
Le Gouvernement est donc totalement défavorable à cet amendement, y compris dans l’intérêt des femmes elles-mêmes.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 111, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dérogations au repos dominical ne peuvent concerner les stagiaires en formation, les apprentis de moins de dix-huit ans, les salariés en contrat à durée déterminé et les salariés en période d'essai.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à exclure les stagiaires en formation, les apprentis de moins de dix-huit ans, les salariés en contrat à durée déterminée et les salariés en période d’essai, qui sont les plus en situation de précarité et de fragilité, des cas de dérogations possibles au principe du repos dominical.
En effet, personne ne niera que, en raison de leur situation personnelle – leur âge, leur manque de formation, leur manque d’expérience –, les apprentis de moins de dix-huit ans doivent faire l’objet d’une protection particulière. Parce qu’ils sont plus vulnérables que les autres et qu’ils comptent parmi les salariés les moins biens rémunérés, c’est à eux que s’imposera le travail le dimanche.
Il en est de même pour les stagiaires en formation. Certes, leurs conditions se sont quelque peu améliorées depuis la création du collectif emblématique Génération précaire, mais la situation n’est toujours pas satisfaisante, loin s’en faut.
Avec une rémunération, ou plutôt une indemnisation d’à peine 300 euros par mois pour les stages excédant plus de deux mois, on ne peut pas vraiment dire que les stagiaires bénéficient de ressources leur permettant de mener une vie digne ! Par ailleurs, bon nombre d’entre eux espèrent que leur stage se conclura par une intégration dans l’entreprise qui les a accueillis. On comprend donc que refuser de travailler le dimanche durant leur période de stage est déjà pour eux faire preuve d’un certain courage vis-à-vis de leur employeur potentiel. Il est à craindre que les employeurs les moins scrupuleux, ceux qui recherchent une main-d’œuvre docile et obéissante, ne manqueront pas de sanctionner un tel comportement.
M. André Trillard. Oh ! là ! là !
Mme Odette Terrade. Afin de protéger des publics sans doute plus vulnérables et plus sensibles aux pressions résultant de l’existence du lien de subordination, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dérogations au repos dominical ne peuvent concerner les apprentis de moins de dix-huit ans et les stagiaires en formation.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 132, présenté par Mmes Le Texier et Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les apprentis et les jeunes en contrat de professionnalisation de moins de dix-huit ans ainsi que les stagiaires en formation sont exclus des autorisations de dérogation au repos dominical.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement tend à exclure les apprentis, les jeunes en contrat de professionnalisation et les stagiaires âgés de moins de dix-huit ans des autorisations préfectorales.
Nous avons déjà eu l’occasion sur différents textes relatifs au droit du travail d’exprimer notre opposition totale au travail de nuit et le dimanche pour les jeunes mineurs.
Les jeunes en apprentissage ou en contrat de professionnalisation sont rarement issus des classes aisées. Ce n’est pas parce que leurs parents ne peuvent leur offrir de longues études qu’ils doivent être traités moins bien que d’autres.
Même si ce n’est pas notre propos aujourd’hui, la question de l’autonomie des jeunes, notamment des étudiants, demeure posée. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
En outre, il est établi que la poursuite des études est souvent incompatible avec l’obligation subie par de nombreux jeunes de travailler à mi-temps, voire à plein-temps. Prétendre que les étudiants sont satisfaits de travailler le dimanche pour financer leurs études, c’est dire clairement que notre société ne prend pas en charge ses jeunes pour assurer leur avenir.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Gisèle Printz. Sur le plan juridique, l’interdiction du travail dominical est de principe pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans, mais les dérogations sont nombreuses ! Par conséquent, ces jeunes pourront être employés le dimanche dans les PUCE, dans les catégories de commerces qui bénéficient de dérogation.
Pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, nous souhaitons limiter cette pratique. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dérogations au repos dominical ne peuvent concerner des salariés en contrat à durée déterminé ou en période d'essai.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 110, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le volontariat ne peut être ni sollicité par l'employeur ni proposé par le salarié durant la période d'essai.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Les salariés en période d’essai se trouvent dans une situation particulière de vulnérabilité, puisque, durant cette période, l’employeur peut à tout moment rompre le contrat de travail. Ils doivent donc impérativement faire l’objet de protections particulières.
Le risque existe qu’un salarié en période d’essai refusant d’être volontaire pour travailler le dimanche ne subisse une mesure de rétorsion et ne voie sa période d’essai interrompue.
Cette période d’une durée exceptionnelle, pendant laquelle l’employeur et le salarié peuvent mettre fin à la relation contractuelle qui les lie sans qu’aucune forme ni justification particulières soient imposées, fragilise le salarié qui voit ses protections amoindries.
Autoriser un employeur à solliciter de manière directe ou indirecte le volontariat du salarié pour travailler le dimanche revient, en réalité, à conditionner l’intégration définitive du salarié dans l’entreprise à l’accord qu’il aurait exprimé durant sa période d’essai. A contrario, le salarié qui, durant sa période d’essai, refuserait de travailler le dimanche pourrait ne pas voir son essai reconnu comme concluant, et ce sur d’autres fondements que la qualité de son travail, ce qui n’est pas acceptable.
L’objet de cet amendement est d’éviter une telle situation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. J’avoue ne pas comprendre la logique qui prévaut dans ces amendements. Tout à l’heure, vous avez tenté d’exclure les femmes enceintes du travail dominical. Maintenant, vous souhaitez exclure les salariés en CDD, les apprentis de moins de dix-huit ans et les stagiaires.
Pourtant, alors que vous reconnaissez que ces personnes sont souvent les plus menacées par la précarité de l’emploi, vous entendez leur interdire d’emblée l’accès aux emplois impliquant de travailler le dimanche. Une telle logique m’échappe d’autant plus que ces personnes seront peut-être les premières à vouloir travailler le dimanche pour pouvoir percevoir une rémunération plus importante ce jour-là.
Mme Raymonde Le Texier. Les apprentis et les stagiaires ne perçoivent pas de salaire ! Il n’y a pas de compensation !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. En outre, certains se dirigeront peut-être vers des métiers exigeant de travailler le dimanche, et vous voudriez leur interdire d’emblée, quand ils sont apprentis, de travailler ce jour-là !
Mme Raymonde Le Texier. Ils ne perçoivent pas de salaire ! C’est de l’exploitation !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. J’avoue ne pas comprendre.
Mme Raymonde Le Texier. C’est pourtant facile à comprendre !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 111, 132 et 110.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. J’ai déjà affirmé à plusieurs reprises que le Gouvernement n’entendait pas remettre en cause la législation en vigueur.
Les apprentis peuvent déroger de droit à l’interdiction de travailler le dimanche dans les secteurs d’activité qui sont définis par décret, en application de l'article L. 3164-5 du code du travail. En l’occurrence, votre demande est satisfaite.
De la même façon, la législation protège les salariés en période d’essai. Si l’employeur décidait de mettre fin à la période d’essai au motif que le salarié refuse de travailler le dimanche, des sanctions seraient à craindre pour ces mesures discriminatoires. Il n’y a donc aucune raison d’empêcher un salarié de travailler le dimanche dès son embauche, s’il le souhaite, puisqu’il est protégé par ailleurs.
Quant aux jeunes âgés de moins de dix-huit ans et aux salariés en période d’essai, ils peuvent souhaiter de bonne foi travailler le dimanche, car cela les arrange, par exemple parce qu’ils sont étudiants. La législation est assez précise en la matière.
Je le répète, cette proposition de loi n’est en aucun cas l’occasion de revenir sur les dispositifs actuels du code du travail qui protègent ces diverses catégories de salariés. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 111, 132 et 110.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 111.
Mme Annie David. Cet amendement vise les stagiaires, les apprentis, les salariés en contrat à durée déterminée et les salariés en période d’essai.
Les apprentis ont des conditions de rémunération quelque peu différentes de celles des salariés. Lorsqu’ils relèvent de l’une des cent quatre-vingts dérogations, ils perçoivent une rémunération pour le travail le dimanche. S’ils n’en relèvent pas, aucune disposition ne prévoit une telle rémunération.
Quant aux stagiaires, la plupart du temps, ils ne sont pas rémunérés. L’employeur les fait venir le dimanche gratuitement.
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
Mme Annie David. Nous en avons certainement tous rencontré !
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
Mme Annie David. Il s’agit souvent de jeunes femmes qui espèrent à l’issue de leur stage un CDD, voire un CDI, que l’employeur leur fait miroiter si elles donnent bien satisfaction.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est vrai !
Mme Annie David. Si l’employeur leur demande de venir travailler le dimanche, croyez-vous que ces jeunes femmes auront le choix de refuser ? En attendant, l’employeur aura bénéficié de leurs services pendant deux, trois ou quatre dimanches, sans les rémunérer !
Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait !
Mme Annie David. Telles sont les raisons de cet amendement, auquel vous n’avez apporté aucune réponse, madame le rapporteur, monsieur le ministre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le salarié privé du repos dominical se voit notifier par écrit le jour de repos hebdomadaire attribué à celui-ci. Sauf demande expresse du salarié, ce jour ne peut être changé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les conditions de travail des salariés de notre pays ne cessent de se dégrader. Le stress et la pénibilité sont aujourd’hui ressentis à juste titre par les salariés comme principales causes d’une telle dégradation.
Cette situation oppresse les salariés et pèse sur leur vie personnelle et même – les études le prouvent – sur leur espérance de vie.
Ainsi, selon une étude parue dans la revue Santé et Travail de juillet 2007, il existerait non pas une, mais trois sortes de pénibilité : celle qui réduit l’espérance de vie, celle que ressentent les salariés en mauvaise santé et celle qui est liée aux mauvaises organisations du travail. Ce sont trois problématiques appelant des solutions distinctes.
Au sein du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, nous considérons que le travail le dimanche, en entraînant des changements de rythme et en bouleversant les équilibres familiaux, culturels et sociaux, les habitudes personnelles et d’hygiène de vie, aura pour effet d’accroître la pénibilité liée aux mauvaises organisations du travail.
Nous avons longuement débattu des conséquences de l’application de cette proposition de loi sur les choix de société, mais je regrette que nous n’ayons pas approfondi la question de ses incidences sur la santé des salariés. Sans doute une étude d’impact, que vous vous obstinez à refuser, nous aurait-elle permis d’en apprendre plus à cet égard. À défaut, nous en sommes réduits à nous appuyer sur les études existantes et les déclarations des médecins du travail.
Chacun s’accorde au moins sur l’importance pour les salariés de bénéficier d’une régularité quant aux jours de repos qui leur sont consentis. Ne pas la prévoir, c’est leur imposer une flexibilité supplémentaire, alors que, avec le travail le dimanche, ils viennent déjà de perdre une partie de leurs repères.
C’est pourquoi nous entendons préciser, par cet amendement, que le salarié privé du repos dominical se voit notifier par écrit le jour de repos hebdomadaire qui lui est attribué et que, sauf demande expresse de sa part, ce jour ne peut être changé.
Si vous n’organisez pas le travail de cette façon, sachant qu’un employeur ne peut faire travailler un salarié plus de six jours de suite, selon le code du travail, ce seront toujours les mêmes salariés qui travailleront le dimanche, sauf à prévoir de les faire travailler le dimanche par roulement. Mais, dans cette dernière hypothèse, comment ferez-vous pour leur octroyer un jour de congé fixe ? Or c’est bien d’un jour de congé qui soit toujours le même dont ils ont besoin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Outre le jour de repos hebdomadaire, qui peut effectivement varier de façon que ce ne soient pas toujours les mêmes salariés qui travaillent le dimanche, il existe également un repos compensateur.
Mme Annie David. Mais non !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi on devrait forcer les gens en leur attribuant un jour fixe de repos hebdomadaire. Laissons-les s’organiser avec pragmatisme et bon sens.
Mme Annie David. Et dans les zones touristiques ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. En l’occurrence, il s’agit des PUCE, au sein desquels le repos compensateur vient s’ajouter au repos hebdomadaire.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Le dispositif proposé me paraît d’une rigidité administrative incroyable, sans pour autant offrir une garantie de protection supplémentaire aux salariés.
Laissons les entreprises s’organiser conformément au code du travail et n’introduisons pas des règles aussi rigides qu’inutiles.
Mme Annie David. Elles sont utiles pour la santé des salariés !
M. Xavier Darcos, ministre. Certes !
Par ailleurs, permettez-moi de faire deux remarques, madame David.
Tout d’abord, je vous rappelle que les stagiaires ne sont pas concernés par ce texte qui ne s’applique qu’aux salariés.
Ensuite, vous avez dit qu’un salarié ne pouvait pas travailler plus de six jours d’affilée. La vérité, c’est qu’il ne peut pas travailler plus de six jours par semaine. L’organisation n’est pas la même.
Il existe tellement de dispositifs et de manières d’organiser les choses que nous avons tout intérêt à laisser une certaine souplesse aux entreprises afin de leur permettre de fonctionner comme elles l’entendent.
Mme Annie David. Je désespère !
M. le président. L'amendement n° 138 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Barbier et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3231-25-4 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les litiges relatifs à l'application de l'alinéa précédent sont traités dans les conditions prévues aux termes de l'articles L. 1134-1.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous assistons à un spectacle étonnant depuis plusieurs heures.
Mme Annie David. Depuis quelques jours !
M. François Fortassin. En effet !
Par ce vote conforme voulu par le Gouvernement et accepté par la majorité, on transforme le Sénat en une sorte de chambre de « suiveurs », qui jouit d’une grande liberté, celle de dire « oui » !
Mme Gisèle Printz. Les béni-oui-oui !
M. François Fortassin. C’est incontestablement une conception étrange, qui nie totalement l’intelligence créative pouvant exister au sein de cette assemblée.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Merci pour le travail que nous avons fait en amont !
M. François Fortassin. Pourquoi cette obligation d’un vote conforme ? Pour que le texte aboutisse rapidement ? La proposition de loi aurait très bien pu être votée en septembre sans que cela provoque une grande révolution dans le pays ! À moins que ce ne soit pour satisfaire certains caprices populistes !
M. Michel Billout. Élyséens sans doute !
M. François Fortassin. Peut-être ! En tout cas, ce n’est pas exclu !
M. Alain Vasselle. Et les syndicats ?
M. François Fortassin. Dans ces conditions, monsieur le président, je ne défendrai pas cet amendement, puisqu’il sera rigoureusement soumis au même sort que les autres. Je le retire donc.
Cependant, je demanderai un vote par scrutin public sur tous les autres amendements, jusqu’à la fin de cette séance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous invite donc à faire quelques pages d’écriture ! (Sourires.)
L’amendement n° 138 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 63, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Remplacer les quatrième et cinquième alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« L'accord du salarié est révocable à tout moment, sans justification, par simple lettre.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 113, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Remplacer les quatrième et avant-dernier alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, par un alinéa ainsi rédigé :
« Le salarié qui ne souhaite plus travailler le dimanche se voit prioritairement proposer par son employeur un emploi dans l'établissement ou, avec l'accord exprès du salarié dans l'entreprise, ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement tend à une réécriture de deux alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25-4 du code du travail relatif à la priorité dont pourrait bénéficier le salarié pour reprendre un emploi ne comportant pas de travail le dimanche, alinéas dont la rédaction ne nous paraît pas satisfaisante.
En effet, comme nous l’ont fait remarquer les organisations syndicales que nous avons reçues, les deux alinéas visés par notre amendement pourraient se conclure par la simple question : « Et alors ?
Ces alinéas suscitent une grande déception. Bien que figurant parmi les rares dispositions du texte qui s’apparentent à des mesures de protection des salariés, il ne s’agit en réalité que de la simple énonciation de principes sans aucune force obligatoire à l’égard des employeurs.
Ainsi, l’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un autre emploi. Mais cette disposition n’est assortie d’aucune garantie de la part de l’employeur permettant au salarié de bénéficier effectivement d’un tel reclassement.
Nous proposons donc d’ériger cette faculté en un véritable droit pour les salariés.
Quant au reclassement, nous entendons préciser qu’il ne peut s’effectuer qu’au sein de l’établissement dans lequel le salarié travaille, à l’exception du cas où ce dernier autoriserait expressément un reclassement dans un autre établissement. En effet, il ne serait pas acceptable qu’un salarié faisant état de son souhait de ne plus travailler le dimanche se voie proposer un reclassement dans un autre établissement de l’entreprise contre sa propre volonté. Cela pourrait d’ailleurs s’apparenter à une forme de sanction.
Agir ainsi, ce serait ne pas respecter les droits des salariés, notamment celui de mener une vie familiale, ce serait ne pas tenir compte de la situation personnelle de ces derniers, de leur désir de choisir leur vie. Agir ainsi, ce serait encore une fois donner la priorité à l’entreprise par rapport au salarié.
En créant, par le biais de cet amendement, des droits réels là où vous ne proposez que des facultés, nous entendons modestement rétablir des équilibres.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code de travail, remplacer le mot :
trois
par le mot :
un
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cet amendement, qui s’inscrit dans la même logique que celui qui vient d’être défendu, vise à privilégier, en quelque sorte, un cas juridique pratique dans le cadre de l’application de cette future loi.
On s’est évertué, depuis le début de cette discussion, à nous expliquer que le volontariat serait encadré par des dispositions permettant réellement de garantir la protection de l’intérêt des salariés.
Je pense notamment aux mesures relatives aux conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle du salarié, ou à celles qui prévoient que, en l’absence d’accord, un employeur est tenu de demander chaque année à tous ses salariés s’ils souhaitent bénéficier d’une priorité pour ne plus travailler le dimanche et occuper un emploi équivalent en semaine.
Ces dispositifs, s’ils semblent témoigner d’une volonté de se montrer humain à l’égard des salariés, risquent cependant de se heurter à la réalité de leur application pratique.
Inévitablement, deux problèmes se poseront.
Le premier est lié au délai accordé à l’employeur pour accéder à la demande du salarié. Trois mois, ce peut être très long et pénalisant pour ce dernier si, pour maintes raisons, sa situation personnelle a évolué très rapidement. Personne n’arrivera à nous faire croire que, dans la situation économique actuelle où 3,7 millions chômeurs sont inscrits à Pôle emploi, on ne puisse pas trouver, dans des délais beaucoup plus courts, une personne susceptible de remplacer le salarié en question le dimanche !
Le second problème qui se posera est, à notre sens, plus délicat : que deviendra le salarié qui ne voudra plus travailler le dimanche ou qui n’y parviendra plus si son employeur est dans l’incapacité de lui offrir comme solution de remplacement un emploi « non dominical » ?
Sera-t-il licencié ? Cela paraît difficile à envisager, dans la mesure où le texte lui-même prévoit l’hypothèse de l’arrêt du travail dominical. Il n’existe donc aucun motif de licenciement.
Sera-t-il démissionnaire ? Nul ne peut croire qu’un salarié accepte de faire un tel plaisir à son employeur !
Ce dispositif nous paraît donc plus favorable aux intérêts de l’employeur qu’à ceux du salarié. Monsieur le ministre, madame le rapporteur, nous attendons une réponse précise sur ce point !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. L’amendement n° 113 est d'ores et déjà satisfait, puisque la proposition de loi organise un droit de priorité pour reprendre un emploi ne comportant pas de travail dominical. L’adoption à l’Assemblée nationale d’un amendement défendu par notre collègue Bernard Reynès a permis de compléter cette disposition en octroyant au salarié la possibilité de demander à ne plus travailler le dimanche, cette demande étant prise en compte au terme d’un délai maximum de trois mois.
Quant à l’amendement n° 35, il tend à réduire ce délai à un mois, ce qui est vraiment beaucoup trop court pour laisser à l’employeur le temps de s’organiser. Bien évidemment, la modification pourra intervenir avant les trois mois prévus, mais il convient de ne pas instaurer un dispositif par trop réducteur.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Les argumentaires que nous venons d’entendre de la part des auteurs de ces amendements ne m’ont pas du tout convaincu.
Le dispositif proposé dans la proposition de loi est très équilibré, eu égard aussi bien au délai de trois mois au terme duquel le salarié peut bénéficier de nouveau du repos dominical qu’à la possibilité pour celui qui ne souhaite plus travailler le dimanche de se voir accorder une priorité d’accès à un autre poste sans travail dominical. Pour quelles raisons faudrait-il remettre en cause les délais fixés à partir du moment où la solution qui a été trouvée est efficace ?
Par ailleurs, monsieur Fortassin, comment pouvez-vous qualifier le Sénat de « chambre de suiveurs », alors que la proposition de loi a été longuement débattue en commission ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Raymonde Le Texier. Pas du tout !
Mme Annie David. Le débat en commission n’a duré qu’une heure et quart !
M. Jean-Pierre Caffet. Un peu de décence, monsieur le ministre !
M. Xavier Darcos, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis a fait l’objet, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, de longues discussions et de nombreux travaux préparatoires. On ne peut tout de même pas le présenter comme un texte qui surgit de nulle part et dont personne n’aurait eu connaissance ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Par ailleurs, il ne me revient pas de porter une appréciation sur la procédure adoptée quant au vote des amendements.
En tout état de cause, je suis défavorable aux amendements nos 113 et 35.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 149 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l'amendement n° 35.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne suis pas loin de partager le diagnostic de notre collègue François Fortassin. Au vu de la tournure que prennent nos débats, la pratique parlementaire va bientôt s’apparenter à une science exacte ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Les votes sont répétitifs, monolithiques, et le ministre nous répond avec désinvolture,…
M. Jean-Jacques Mirassou. …y compris quand il nous soumet un cas pratique. Il en vient même, pour esquiver le débat, à prétendre que le travail a été fait en commission. Or, faut-il le rappeler, aucun amendement n’a été adopté par cette dernière !
M. Nicolas About. La commission était pleinement satisfaite !
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, vous êtes peut-être satisfait, mais pas nous ! En tout état de cause, vous n’avez pas répondu à la question que je vous ai posée : dans le cas où le salarié n’a pas d’autre choix que le travail dominical, que se passera-t-il ? Votre silence le prouve, vous avez choisi votre camp.
Or, chacun l’aura compris, la solution qui sera trouvée sera plus favorable à l’employeur qu’au salarié. Par votre absence de réponse, vous entérinez le fait que, dans les actes, l’intérêt du salarié importera peu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail :
« Le salarié privé de repos dominical peut refuser ponctuellement de travailler le dimanche. Il en informe l'employeur dans un délai minimum de six jours. »
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Le dernier alinéa du texte proposé pour l’article L. 3132-25-4 du code du travail précise ceci : « […] le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer son employeur préalablement en respectant un délai d’un mois. »
Madame le rapporteur, je voudrais vous poser un certain nombre de questions, à défaut de pouvoir vous convaincre, même si, à chacun des amendements que nous présentons, nous espérons y parvenir !
M. Claude Jeannerot. Pourquoi le choix s’est-il arrêté sur trois dimanches ? Avec qui ce quota a-t-il été négocié et comment a-t-il été déterminé ? Pourquoi trois, et pas cinq ou sept ? Au final, le salarié n’a-t-il droit, durant l’année, qu’à trois empêchements ? Si le salarié est empêché de venir travailler par des événements imprévus, comment pourrait-il le savoir un mois à l’avance ?
En fait, mes chers collègues, tout cela montre à quel point le volontariat est sujet à caution. Le salarié qui aura accepté de travailler le dimanche aura, nous le savons, toutes les peines du monde à revenir sur son accord. Nous ne cessons de le répéter, nous assistons à la généralisation et à la banalisation du travail le dimanche, considéré désormais comme une situation normale.
N’en doutez pas, monsieur le ministre, la disposition prévue dans cet alinéa sera une source de contentieux. Nous proposons donc que le salarié puisse refuser ponctuellement de travailler le dimanche, en informant l’employeur six jours à l’avance, ce qui, vous en conviendrez, est le délai de prévenance habituel en droit. Cette rédaction assure le respect du salarié et de sa vie familiale et sociale.
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail :
« Tout salarié privé de repos dominical conserve sa faculté de revenir à tout moment, temporairement ou durablement sur sa décision de travailler le dimanche. Il en informe préalablement son employeur en respectant un délai d'un mois. En cas d'accord collectif, le délai peut être ramené jusqu'à une semaine.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à réécrire le dernier alinéa du texte proposé par l’article pour l’article L. 3132-25-4 du code du travail, qui est ainsi libellé : « En l’absence d’accord collectif, le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois ».
Cette rédaction tend à autoriser le salarié ayant donné son accord pour travailler le dimanche à conserver trois dimanches dans l’année non travaillés. Outre que cette mesure paraît largement insuffisante et semble une bien mince contrepartie au regard de l’implication du salarié, je serai tentée, à la suite de mon collègue, de vous interroger, madame le rapporteur, monsieur le ministre, sur les éléments qui vous ont conduits à déterminer ce quota de trois dimanches.
Au-delà de cette interrogation, force est de constater, à l’inverse, que rien n’est prévu dans la proposition de loi pour organiser la situation d’un salarié qui souhaiterait revenir temporairement – cela peut excéder trois semaines –, durablement, voire définitivement, au travail le dimanche.
Notre amendent vise à instaurer un véritable droit de rétractation du salarié, tout en l’encadrant dans un délai d’un mois afin de permettre à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour garantir la bonne continuité de l’activité. Cela nous semble un corollaire mesuré, mais indispensable, au volontariat que vous entendez reconnaître.
C’est pourquoi je ne doute pas que vous émettrez un avis favorable sur cet amendement !
M. Claude Jeannerot. Ce n’est pas sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rien n’est moins sûr !
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, remplacer le mot :
trois
par le mot :
six
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Si j’avais voulu faire de l’obstruction, j’aurais pu décliner cet amendement en de multiples exemplaires, la variation portant sur le nombre de dimanches qu’il est permis de chômer : cinq, six, huit…
À l’origine de ma proposition se trouve un amendement adopté par l’Assemblée nationale. La rédaction retenue par nos collègues députés est la suivante : « En l’absence d’accord collectif, le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser trois dimanches de son choix par année civile. » Pourquoi trois, plutôt que cinq ou six, par exemple ? La chose est quand même assez curieuse ! J’ai l’impression que les auteurs de l’amendement ont ainsi exprimé un certain regret, voire un repentir, d’avoir à voter l’ensemble des dispositions qui autorisaient le travail le dimanche.
Cela étant, il est bien précisé que la disposition vaut « en l’absence d’accord collectif ». Mais le plus probable est-il que l’accord collectif existe ou non ? Et sur quelle période de référence ces trois dimanches s’apprécient-ils ? Abstraction faite des congés payés auxquels a droit un salarié, il reste, en principe, quarante-sept dimanches dans l’année. Faut-il comprendre qu’il a le droit de refuser de travailler trois dimanches sur les quarante-sept ? Peut-il refuser de travailler trois dimanches sur la totalité de ceux qui pourraient lui être demandés ? Est-ce trois sur vingt ? Ou trois sur dix ? Ou trois sur quinze ? Bref, le dispositif est assez complexe, et j’aimerais bien obtenir des réponses à cet égard.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. C’est vrai que l’Assemblée nationale a adopté l’amendement d’Axel Poniatowski qui permet à un salarié travaillant habituellement le dimanche de ne pas travailler au cours de l’année trois dimanches de son choix. Pourquoi trois plutôt que quatre ou cinq ? Pourquoi pas tous les dimanches ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la sainte Trinité ! C’est tout !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La solution de l’Assemblée nationale nous paraît équilibrée et plus précise que celle qui est proposée par nos collègues socialistes. J’ai entendu tout à l’heure faire allusion aux cas de décès ou de mariage. Je voudrais rappeler qu’aux termes de l’article L. 3142–1 du code du travail, les événements familiaux ouvrent droit à congé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas pour le mariage d’un cousin !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Et ces dispositions viennent en sus des trois dimanches prévus, qui constituent un minimum.
Il peut y avoir des accords de gré à gré entre l’entreprise et les salariés. Je crois qu’il faut faire confiance aux relations qui se déroulent dans le cadre de l’entreprise.
M. Jean Desessard. Et aux patrons qui déménagent l’entreprise en une nuit ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La vocation de ces commerces, c’est de recevoir du public. Imaginons que les clients soient accueillis par des salariés totalement mécontents : le chiffre pâtira de cette ambiance épouvantable. Pour ma part, j’ai tendance à faire confiance aux relations entre les employeurs et les salariés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes dans un autre monde, vous êtes sur une autre planète, ma chère ! Revenez au réel !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. À partir du moment où il y aura des abus, il y aura des sanctions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Les trois amendements visent à élargir, par rapport à la rédaction de l’Assemblée nationale, la faculté laissée au salarié de refuser de travailler le dimanche.
Je ferai deux remarques. D’abord, le texte autorise le salarié à renoncer chaque année à travailler le dimanche : c’est une garantie d’importance !
Ensuite, les députés ont choisi le chiffre de trois dimanches au terme d’une très longue discussion. Le Gouvernement s’en est finalement remis à la sagesse de l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Y a-t-il eu une explication sur le chiffre de trois dimanches ?
M. Xavier Darcos, ministre. C’est ainsi que le texte est arrivé jusqu’à nous. La mesure me paraît d’autant plus équilibrée que le texte est assorti de la garantie évoquée. C’est la raison pour laquelle j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur les amendements nos 36, 112 et 4.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'amendement n° 36.
M. Claude Jeannerot. Madame le rapporteur, je crois que vous n’avez répondu complètement ni à la question de mon collègue André Lardeux ni à la mienne.
Au-delà du fait que nous n’avons pas d’explication décisive sur le choix du nombre de dimanches, je vous ai fait une proposition de nature à améliorer le confort du salarié. Elle vise à réduire de un mois à une semaine le délai de prévenance. Il me semble que le Sénat s’honorerait en l’adoptant. J’aimerais donc connaître la position de la commission à cet égard.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais moi aussi poser une question : puisqu’il y a eu un long débat à l’Assemblée nationale, on ne peut pas considérer que nos collègues députés n’ont pas réfléchi mûrement à la question. Et je ne peux croire que le ministre se soit rangé sans raison à cet avis !
Pourquoi les députés ont-ils choisi trois dimanches ? Pourquoi ce chiffre ? Trois dimanches sur combien ? S’agit-il de trois dimanches sur l’ensemble de l’année ? Faut-il considérer que les congés payés sont compris ? Ce petit jeu peut durer encore longtemps !
Trois dimanches, on ne sait pas à quoi cela correspond exactement, sauf à penser qu’on donne au salarié la possibilité d’aller au mariage d’un cousin, à l’enterrement d’une grand-tante ou au baptême d’un petit-neveu !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 207 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 148 |
Contre | 181 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 112.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 208 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 149 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote sur l’amendement n° 4.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tenez bon, monsieur Lardeux !
M. André Lardeux. J’ai obtenu les réponses que j’attendais : premièrement, la disposition que vise mon amendement résulte bien d’un repentir de l’Assemblée nationale, qui a préféré faire une petite concession ; deuxièmement, l’estimation à laquelle les députés se sont livrés a été établie au doigt mouillé : il me paraît donc passablement original d’établir un texte sur ce genre de considérations !
Cependant, étant donné le sort réservé à tous les amendements, je retire le mien. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Quel dommage, monsieur Lardeux !
M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 125, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25-5 du code du travail.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement, comme l’amendement n° 124, vise à clarifier la situation des commerces de détail alimentaires.
En l’occurrence, il me semble nécessaire de simplifier le mécanisme proposé. Ce dernier manque en effet totalement de lisibilité. En tout cas, il est totalement incompréhensible dans une ville comme Paris. Mes chers collègues, je vous invite à comparer le nombre de commerces alimentaires ouverts le dimanche après-midi dans Paris avant et après l’adoption de cette proposition de loi, dont l’objet est de simplifier l’état du droit et de légaliser des situations existantes : sur les Champs-Élysées, par exemple, tous les commerces pourront ouvrir, sauf le Monoprix. Quitte à réformer, faisons-le bien : tel est l’objet de ces amendements nos 125 et 124.
Que ce soit à Paris ou dans une station thermale ou balnéaire, les usages observés aujourd’hui sont en totale contradiction avec la jurisprudence des tribunaux administratifs : j’ai rassemblé un nombre assez important de jugements, mais je vous en ferai grâce, car vous connaissez le problème comme moi. Il est nécessaire de résoudre ce dernier et, si nous n’y parvenons pas cette fois-ci, nous y arriverons une prochaine fois !
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Trillard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25-5 du code du travail :
« Art. L. 3132-5-5. - L’article L. 3132-25-1 n’est pas applicable au commerce de détail alimentaire qui bénéficie des dispositions de l’article L. 3132-13.
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Dans tous les départements, l’emploi de salariés dans les communes d’intérêt touristique ou thermales est interdit dès treize heures le dimanche, en ce qui concerne le commerce de détail alimentaire.
Toutefois, cette disposition ne correspond plus aux usages puisque, dans les stations thermales, balnéaires et de montagne, le commerce de détail alimentaire est ouvert toute la journée du dimanche et doit pouvoir, en cas de besoin, recourir en toute sécurité juridique à des salariés occasionnels ou permanents.
Mme Annie David. Et voilà ! Déjà des demandes de dérogation !
M. André Trillard. Si vous ne me croyez pas, allez voir à La Baule !
Le présent amendement a donc pour objet de permettre au commerce de détail alimentaire, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales, de recourir en cas de besoin à des salariés, en toute sécurité juridique, en maintenant l’exclusion de toute dérogation, notamment en faveur des grandes surfaces alimentaires, dans les PUCE.
M. le président. L’amendement n° 124, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 3132-25-5 du code du travail, remplacer les mots :
Les articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1
par les mots :
L’article L. 3132-25-1.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. En ce qui concerne les amendements nos 125 et 124, je voudrais répondre à mon collègue Philippe Dominati que l’exclusion des commerces de détail alimentaires vise à éviter que l’ouverture dominicale des grandes surfaces ne tue le petit commerce alimentaire de centre ville.
Je peux vous lire la lettre de l’Union professionnelle artisanale, l’UPA,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est déjà fait !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. …que vous avez peut-être reçue vous-même. L’UPA déclare que le texte de la proposition de loi lui paraît équilibré et se réjouit que les dérogations prévues au repos dominical ne soient pas applicables au commerce de détail alimentaire. C’est pourquoi l’avis de la commission sur vos deux amendements est défavorable.
Monsieur Trillard, j’émets le même avis sur votre amendement, car la possibilité d’ouvrir ces commerces jusqu’à treize heures constitue un élément de souplesse suffisant et adapté à l’évolution des modes de vie. L’équilibre me paraît donc atteint.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je répondrai à M. Fortassin, qui était absent hier. Mon cher collègue, vous m’avez demandé pourquoi la commission n’avait apporté aucune modification au texte adopté par l’Assemblée nationale. En tant que rapporteur, je n’avais pas d’amendement à apporter sur le fond : je n’en ai donc pas déposé. Lorsque la commission s’est réunie, seuls huit amendements avaient été déposés : sept par nos collègues du groupe CRC…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne risquaient pas d’être adoptés, c’est clair !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. … et un par le groupe de l’Union centriste. Ce dernier amendement émanait de M. Yves Pozzo di Borgo, avec lequel j’avais discuté longuement auparavant, lui expliquant pourquoi j’émettrais un avis défavorable. Voilà donc pourquoi nous n’avons pas modifié ce texte.
M. François Fortassin. Ma question s’adressait à M. le ministre !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’était pas présent en commission !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Je rappellerai simplement à M. Fortassin que nous discutons d’une proposition de loi, et le Gouvernement n’avait donc pas à être présent en commission.
M. Jean-Pierre Sueur. Assez d’hypocrisie !
M. Xavier Darcos, ministre. Il s’agit bien d’une proposition de loi déposée par un député, qui a fait preuve de beaucoup d’obstination, reconnaissez-le !
M. Robert del Picchia. C’est vrai !
M. Xavier Darcos, ministre. Je vais donner l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements avant de répondre à M. Fortassin, car il n’y a aucune raison que le Gouvernement ne réponde pas à la question d’un sénateur.
Monsieur Dominati, le commerce de détail bénéficie déjà d’un régime de dérogation, prévu par l’article L. 3132-13 du code du travail, qui autorise l’emploi des salariés le dimanche. En outre, monsieur Trillard, la loi permet d’étendre l’ouverture de ces commerces jusqu’à treize heures le dimanche, ce qui devrait satisfaire le public, d’autant que cette dérogation est très ancienne et que les usages sont déjà bien établis. L’habitude de faire ses courses alimentaires le dimanche matin jusqu’à treize heures est tellement établie…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a des marchés pour cela ! Vous allez les tuer !
M. Xavier Darcos, ministre. … qu’il n’a pas semblé nécessaire au Gouvernement de la remettre en cause. Par conséquent, ce dernier invite les auteurs de ces amendements à les retirer, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
Monsieur Fortassin, une proposition de loi a déjà fait l’objet de très longues discussions, puisqu’elle venue quatre fois devant le Parlement. Ministre du travail depuis cinq semaines, j’ai pris ce dossier en charge et je l’ai accompagné. Cette proposition de loi a fait l’objet de cinquante heures de débats à l’Assemblée nationale, pour parvenir au texte dont nous discutons aujourd’hui. Ce texte a été transmis à la commission des affaires sociales, qui l’a étudié. Mme le rapporteur et Mme la présidente de la commission ont expliqué pourquoi la commission compétente, à laquelle le Gouvernement ne peut adresser aucune injonction particulière, a considéré que le texte était convenable et qu’il fallait l’adopter dans une version conforme à la version adoptée par l’Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout va bien…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un vrai conte de fées !
M. Xavier Darcos, ministre. Il appartient au Sénat de choisir : la majorité sénatoriale semble vouloir respecter cet esprit de conformité.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n’y êtes absolument pour rien…
M. Xavier Darcos, ministre. Le Gouvernement, en l’occurrence, ne fait que constater le bon fonctionnement de la démocratie. Je reconnais que la situation peut paraître désobligeante à des parlementaires qui font l’effort de présenter des amendements…
M. Jean-Pierre Sueur. Effectivement, c’est désobligeant !
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, il y a une majorité et une minorité ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Si la majorité souhaite changer ce texte, qu’elle n’hésite pas à le faire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Justement, elle hésite !
M. Xavier Darcos, ministre. Il me semble toutefois que ni la commission ni la majorité sénatoriale ne souhaitent le faire. Puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, je le répète, le Gouvernement ne peut qu’accompagner son examen et rendre un avis, mais ce texte n’est en rien l’expression de la volonté gouvernementale. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l’amendement n° 125.
Mme Bariza Khiari. Je tiens à exprimer solennellement mon état d’esprit à ce moment de nos débats. Monsieur le ministre, vous venez d’évoquer le bon fonctionnement de la démocratie. Personnellement, je pense que nous nous enlisons dans le déni démocratique !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Bariza Khiari. Nous assistons impuissants à un spectacle qui n’est pas à la hauteur de notre assemblée. Je veux profiter de la présence dans cet hémicycle du président du Sénat, M. Gérard Larcher, pour lui rappeler les termes de sa profession de foi. Vous avez en effet déclaré ceci, monsieur le président : « Un Sénat qui compte, c’est d’abord un Sénat innovant ; un Sénat encore plus présent et plus reconnu dans la vie nationale. Reconnu par son activité, sa réactivité, ses prises de position, la qualité de sa “valeur ajoutée” législative »…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sera pour la prochaine fois !
Mme Bariza Khiari. … « et sa place dans la bataille des idées. C’est un Sénat respecté qui décide de peser sur ce qu’il considère comme des dossiers clefs ». Vous ajoutiez, quant à la régénération du fait majoritaire : « La solidarité n’est pas l’inconditionnalité ».
M. Jean-Pierre Caffet. Ah bon ?
Mme Bariza Khiari. Or, à quoi assistons-nous ? Sur ce texte, le Gouvernement attend un vote conforme, aggravé par une procédure accélérée. Tous les inconvénients sont cumulés !
En conclusion de votre discours de fin de session, monsieur le président, vous disiez ceci : « Si nous y parvenons, plus personne ne se demandera à quoi sert le Sénat, j’ai envie de vous faire partager cette conviction ! » Je suis désolée de vous dire que, ce soir, sur ces travées, nous nous posons vraiment des questions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Les réponses embarrassées qui m’ont été fournies sont loin de me convaincre. Le Sénat s’enorgueillit, à juste titre, d’être une assemblée qui dépose un certain nombre d’amendements et améliore les textes. Surtout, la plupart des amendements adoptés émanent du Sénat : on nous le répète assez souvent, et il est vrai que les sénateurs que nous sommes en sont assez fiers.
Mais arrive un texte sur lequel aucun amendement n’est accepté : il est assez curieux de constater que, du jour au lendemain, le Sénat s’est renié pour devenir une sorte de chambre autiste, plongée subitement dans la stupidité !
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas des perdreaux de l’année, ni des lapins de six semaines ! (Sourires.) Ne nous faites pas avaler des ficelles aussi grosses que des cordes de navire ! Dites-nous qu’il existe une bonne raison pour que ce texte soit voté conforme ; nous ne serons pas forcément d’accord, mais nous aurons au moins une explication qui nous prouvera que vous ne nous prenez pas pour des attardés mentaux !
M. François Fortassin. Si, presque ! Pour le reste, je me suis aperçu, en procédant à un décompte rapide, qu’un peu plus de dames que de messieurs étaient présentes ce soir dans cet hémicycle. Par courtoisie et afin de ne pas les obliger à se coucher trop tard, je retirerai, momentanément peut-être, toutes mes demandes de scrutin public.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Merci de penser à nos rides !
M. François Fortassin. La mauvaise humeur que j’ai manifestée, avec le sourire cependant, permettra peut-être au Gouvernement de considérer que le Sénat existe et qu’il est une assemblée indépendante ! (Applaudissements sur les travées, de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Compte tenu des explications de M. le ministre et de sa demande de retrait, que je comprends parfaitement,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous comprenez toujours très bien !
M. André Trillard. … compte tenu également du fait que, contrairement à ce que disent certains, ce dossier, comme le projet de loi HADOPI, n’est pas un élément essentiel de nos grands débats de société, je retire mon amendement.
M. Philippe Dominati. L’argumentation que j’avais développée était valable pour tous les types de commerce. Cela dit, la majorité fera preuve de la même courtoisie que l’opposition, et je retire donc mes amendements.
M. le président. Les amendements nos 125 et 124 sont retirés.
L'amendement n° 37, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-6 du code du travail, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 33, déposé sur le texte proposé pour l’article L. 3132-25-4 qui prévoyait une durée limitée à l’autorisation de dérogation.
Il est maintenant acquis que la dérogation sera donnée pour cinq ans. Cette durée nous paraît excessive, vu l’impact qu’elle aura sur le tissu commercial environnant et sur les collectivités territoriales touchées, notamment en ce qui concerne les activités dominicales. Nous proposons donc de la ramener à trois ans.
Le débat que nous avons sur ce point n’est pas sans rappeler celui que nous avons eu sur la journée de solidarité, qui est en réalité une journée de travail gratuit exécutée par les seuls salariés.
Le Premier ministre de l’époque, notre collègue Jean-Pierre Raffarin, tenait beaucoup à ce que le lundi de Pentecôte soit travaillé. Au bout de plusieurs années de pagaille pour nombre d’activités associatives, sportives, culturelles et de confusion dans les services publics, le Gouvernement a dû baisser pavillon. Le choix du jour de travail gratuit a au moins été libéré.
Nous allons bientôt nous retrouver dans une situation analogue : les centres commerciaux situés dans les PUCE – ceux qui existent comme ceux qui seront bientôt créés – seront ouverts le dimanche. On se rendra compte par la suite des ravages que ce dispositif va causer sur la société, sur l’économie locale, sur l’emploi et sur les familles.
Bon gré mal gré, il faudra alors faire le bilan, ce qui conduira inévitablement à des ajustements. Le plus tôt serait le mieux !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous avons déjà débattu de cette question lors de la discussion de l’amendement n° 33. Je répéterai donc le même argumentaire : une autorisation d’une durée de cinq ans permet aux commerces de bénéficier d’une meilleure visibilité et d’une plus grande sécurité juridique. Réduire la durée de l’autorisation à trois ans ne nous paraît donc pas opportun. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 37.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Madame Jarraud-Vergnolle, j’ai déjà répondu sur ce point tout à l’heure. J’approuve les propos tenus par Mme le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-6 du code du travail, remplacer les mots :
soit à titre individuel, soit à titre collectif
par les mots :
à titre individuel
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’article L. 3132-25-6 du code du travail, qui a trait aux PUCE, indique que les autorisations seront données pour cinq ans soit à titre individuel, soit à titre collectif.
Notre amendement vise à ce que ces autorisations ne soient données qu’à titre individuel. Il s’agit en effet de dérogations qui ont de nombreuses conséquences sociales et personnelles non seulement pour les salariés, mais également pour les membres de leurs familles, et plus généralement pour la vie en société.
En outre, ces autorisations sont données pour une durée assez longue : cinq ans. Il est donc important de s’assurer, au cas par cas, de la présence ou non d’un intérêt pour la collectivité d’attribuer des dérogations au repos dominical aux commerces qui en font la demande.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La possibilité d’accorder une dérogation collective à des commerces ou services exerçant la même activité est un élément de souplesse auquel il serait vraiment dommage de renoncer. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Desessard, la proposition de loi prévoit que les dérogations peuvent être accordées à titre individuel ou à titre collectif. Vous le savez, les dérogations à titre collectif ne peuvent être octroyées qu’aux commerces respectant les prescriptions prévues notamment en matière d’accord collectif préalable.
Les conditions de protection des salariés étant à son avis suffisantes, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 38, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-6 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
En cas de changement d'exploitant, l'autorisation est caduque et une nouvelle demande doit être déposée.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je ne me fais guère d’illusions sur le sort qui sera réservé à mon amendement, mais je trouverais tout de même regrettable qu’il soit rejeté. J’espère donc que Mme le rapporteur apportera des arguments pertinents lorsqu’elle présentera l’avis de la commission !
L’amendement n° 38 est dicté par le principe de précaution. Nous proposons que l’autorisation d’ouverture dominicale devienne caduque en cas de changement d’exploitant et qu’elle soit réexaminée avant tout renouvellement.
Nous sommes dans le cas d’une reprise d’activité dans lequel le comité d’entreprise doit être préalablement consulté.
En effet, le fonctionnement d’un établissement peut être très affecté par un changement d’exploitant non seulement en ce qui concerne les conditions de travail, mais aussi parfois s’agissant de son implantation et de son organisation. Des extensions de surface commerciale pourraient, par exemple, être demandées.
Ces modifications prévisibles vont aussi affecter l’environnement du complexe commercial, et donc les collectivités territoriales concernées.
Il est par conséquent nécessaire que le dossier soit réexaminé en fonction de tous ces paramètres lors de chaque changement d’exploitant du complexe commercial.
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-6 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
L'autorisation de dérogation doit être renouvelée, lors de tout changement d'exploitant ou d'activité.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les autorisations de dérogation accordées à titre individuel ne soulèvent aucune difficulté. En revanche, lorsqu’elles sont données à titre collectif, pour des commerces exerçant un même type d’activité, le changement d’exploitant ou d’activité d’une enseigne risque de poser problème. C’est pourquoi cet amendement vise à faire renouveler l’autorisation de dérogation au repos dominical à chaque changement d’exploitant ou d’activité.
Certes, cette demande était satisfaite pour les autorisations attribuées à titre individuel. Mais le texte ne précise nulle part que les autorisations accordées à titre collectif doivent être renouvelées en cas de changement d’exploitant ou d’activité. Pourtant, la précision est importante : sans cela, un commerce donné pourra conserver l’autorisation qui lui aura été délivrée dans un cadre collectif, même si l’activité exercée ou les conditions d’exploitation de l’activité ne sont plus les mêmes.
Il est important de ne pas permettre la prolongation d’une situation antérieure qui ne correspondrait plus à une réalité nouvelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je ne vois pas les raisons pour lesquelles un changement de propriétaire devrait remettre en cause l’autorisation d’ouverture dominicale. Cette autorisation n’est en effet pas liée au propriétaire. Le nouveau propriétaire sera tenu, comme l’ancien, d’appliquer la réglementation en vigueur et les contreparties prévues pour les salariés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même s’il a une autre activité ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je ne comprends donc vraiment pas l’intérêt de ces deux amendements. J’y suis par conséquent défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Ces amendements soulèvent un faux problème.
Deux situations sont envisageables.
Soit il n’y a pas d’accord collectif, et l’autorisation n’est plus fondée si le nouvel exploitant ne maintient pas les engagements actés par le référendum.
Soit il y a un accord collectif, qui continue à s’appliquer, et le code du travail organise alors les règles de succession d’accords collectifs.
Ces amendements ne changeront aucunement la situation des salariés en cas de changement d’exploitation : ils ne me semblent donc pas nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 38.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j’aimerais que vous reveniez sur vos explications, car, à cette heure tardive, je ne suis pas certain d’en avoir bien compris le sens ! L’accord collectif cesse-t-il de s’appliquer en cas de changement d’activité de l’exploitation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. S’il y a un accord collectif, les règles du code du travail s’appliquent en cas de changement d’activité : une nouvelle négociation doit s’ouvrir dans un délai de quinze mois, ce qui est tout de même rapide.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même en cas de changement d’activité ?
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-6 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Les recours présentés contre les autorisations prévues aux articles L. 3132-25-1 et L. 3132-25-3 ont un effet suspensif. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour but d’introduire un effet suspensif des recours à l’encontre des autorisations d’ouverture des commerces dans les zones touristiques et dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel.
En l’absence d’effet suspensif, les délais de jugement étant ce qu’ils sont, à moins de faire une demande de référé, qui devrait alors être justifiée par des circonstances particulières, le complexe commercial aura tout loisir d’ouvrir le dimanche. Et cela alors même que la légalité de cette ouverture serait contestée !
La violation de la loi invoquée dans le recours peut couvrir tous les aspects de la présente proposition de loi, à commencer, bien entendu, par le respect des dispositions à l’égard des salariés.
On peut très bien concevoir qu’une autorisation soit donnée pour un PUCE au vu d’une décision unilatérale de l’employeur, alors que celui-ci aurait oublié de consulter les institutions représentatives du personnel.
On peut très bien imaginer, sans faire de grands efforts d’ailleurs, que des recours pourront être présentés contre des délimitations de zones touristiques. Les commerçants et les groupes financiers gestionnaires de ces complexes commerciaux ont prospéré de nombreuses années dans l’illégalité. Ce ne sont donc pas des recours non suspensifs qui vont les impressionner !
Si les recours intentés contre les autorisations préfectorales ne sont pas assortis d’un effet suspensif, cela ne provoquera bien évidemment chez les commerçants que de l’indifférence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Rien ne justifie, à notre avis, qu’un régime dérogatoire soit institué en matière contentieuse concernant les autorisations accordées par le préfet. Ce dernier agit sous le contrôle du juge administratif, qui peut être amené à vérifier la légalité des décisions prises.
Comme vous l’avez souligné, madame Schillinger, il est aussi possible de saisir le juge des référés, lequel peut ordonner en urgence la fermeture sous astreinte de l’établissement. Vous le voyez, nous disposons des instruments nécessaires dans notre arsenal juridique.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Tout d’abord, je tiens à rappeler les garanties de procédure encadrant la délimitation des zones touristiques et les PUCE ainsi que la délivrance des autorisations : initiative des élus, avis des intercommunalités au stade de la délimitation, puis accord collectif nécessaire ou décision unilatérale approuvée par référendum et avis du conseil municipal, des chambres consulaires et des partenaires sociaux pour les autorisations individuelles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez le constater, cette procédure est de nature à garantir la dimension concertée de la procédure.
En outre, en droit administratif, le caractère suspensif du recours est une exception en liaison étroite avec la présomption de légalité des actes administratifs ; le juge ne peut contrôler l’opportunité de la mesure. En tout état de cause, les procédures de référé, et notamment le référé suspension, pourront être utilisées par le demandeur qui, actuellement, peut faire suspendre des décisions préfectorales.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 39 est présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 114 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour présenter l’amendement n° 39.
M. Jean-Jacques Mirassou. La disposition que nous proposons de supprimer vise à adapter la loi à la pratique en repoussant l’horaire d’ouverture des commerces alimentaires jusqu’à treize heures le dimanche. Bien que l’heure de fermeture soit aujourd’hui fixée à midi, une tolérance est acquise jusqu’à midi et demie, voire jusqu’à treize heures, ce qui améliore sans doute leur chiffre d’affaires.
Toutefois, en raison de l’interdiction d’employer des salariés après douze heures, ce sont les commerçants eux-mêmes qui assurent ce laps de temps au détriment, il faut bien le dire, de leur vie familiale et sociale. Mais, après tout, cela les regarde … Or le texte vise désormais à autoriser l’emploi de salariés jusqu’à treize heures le dimanche, ce qui impliquera bien sûr le paiement d’une heure supplémentaire.
Cette disposition nous inspire deux questions.
Les commerçants ne seront-ils pas désormais tentés de rester ouverts jusqu’à treize heures trente, voire jusqu’à quatorze heures ?
Par ailleurs, dès l’instant où les employés sont assujettis à cet horaire, il serait illusoire de penser qu’ils auront terminé leur tâche lors de la fermeture du magasin, puisque les travaux de manutention, voire de nettoyage les entraîneront fatalement au-delà de treize heures. Dès lors, ils ne pourront plus partager le repas dominical avec leur famille et même le début de l’après-midi sera amputé.
En outre, était-il indispensable que les grandes surfaces alimentaires bénéficient également d’une heure d’ouverture de plus le dimanche ? Peut-être craigniez-vous de léser – c’est un euphémisme – les grandes surfaces par rapport aux petits commerces de proximité ?
Telles sont les raisons qui justifient notre demande de suppression de ce paragraphe.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 114.
M. Michel Billout. Par cet amendement, nous entendons nous opposer au III de cet article 2, qui tend à autoriser les commerces alimentaires, qui ne sont théoriquement visés par aucune autre disposition de cette proposition de loi, à fermer non plus à midi, mais à treize heures. Cette disposition, qui paraît anodine, revêt en fait une grande importance pour les salariés de notre pays, qui auront à subir un accroissement de leur amplitude horaire de travail. M. Mirassou l’a parfaitement démontré.
Outre que cette disposition n’a pas de lien direct avec les zones touristiques et les PUCE, qui constituent l’essentiel de cette proposition de loi, elle n’en demeure pas moins une attaque supplémentaire, un mauvais coup contre les salariés de la distribution. Ils subissent ainsi tout à la fois le morcellement de leurs horaires et une augmentation des amplitudes horaires, qui s’accompagnent de conditions de travail toujours plus difficiles.
Vous comprendrez donc que, fermement opposés à l’augmentation de l’amplitude horaire des salariés du commerce et de la grande distribution, puisque nous avons même déposé des amendements pour intégrer le temps de pause au temps de travail, nous ne puissions accepter cette disposition, qui a d’ailleurs été introduite sans aucune concertation avec les organisations syndicales.
Comme je suis persuadé que cet amendement sera rejeté comme tous les autres, j’en profite pour vous poser une question, madame le rapporteur, monsieur le ministre. Quand, à grands renforts de procès-verbaux et de condamnations, vous aurez constaté que de très nombreux commerces alimentaires restent ouverts plus tard que treize heures, …
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Pourquoi le feraient-ils ?
M. Michel Billout. Il n’y a pas de raison que cela s’arrête !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Michel Billout. … proposerez-vous une nouvelle loi pour accroître encore un peu plus l’amplitude horaire des salariés ? Après l’autorisation d’ouverture jusqu’à treize heures, pourquoi pas jusqu’à quatorze heures, voire même tout l’après-midi ? On mange aussi le dimanche soir …
M. Jean Desessard. Pensez aux épiceries touristiques !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Le report de midi à treize heures de l’heure de fermeture des commerces alimentaires le dimanche nous paraît conforme à l’évolution du mode de vie des Français, tout particulièrement dans les grandes agglomérations. Nous souhaitons donc bien évidemment conserver cette disposition. C’est d’ailleurs la seule du texte qui concerne le commerce alimentaire.
À Paris, la demande existe et, dans les faits, comme tout le monde peut le constater, beaucoup de commerces ouvrent déjà jusqu’à treize heures. Quant aux très grandes surfaces, si elles restent fermées le dimanche, c’est parce que n’ouvrir qu’une demi-journée n’est pas rentable pour elles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Chacun aura donc le choix. Ouvriront les commerces ceux qui en auront envie.
Mme Annie David. C’est beau la liberté !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Regardons autour de nous : les commerces d’alimentation ne ferment plus à midi le dimanche, mais à treize heures. L’usage a changé. Dès lors, pourquoi n’accompagnerions-nous pas l’évolution sociale ?
Pour éviter de répéter ce que vient de dire Mme Debré, je me contenterai d’indiquer que les représentants des commerces concernés ont fait connaître publiquement leur approbation du texte de loi.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Absolument !
M. Xavier Darcos, ministre. L’UPA, l’Union professionnelle artisanale, nous a même envoyé une lettre dans laquelle elle se félicitait de cette bonne décision, tout en précisant que celle-ci s’appliquera dans le cadre des conventions collectives destinées à protéger l’intérêt des salariés.
Je le pense, il s’agit d’une bonne mesure. Je suis donc défavorable à des amendements qui viseraient à revenir en arrière.
M. François Fortassin. Et que fera-t-on des magasins qui ouvrent jusqu’à cinq heures du matin ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le rapporteur, vous avez eu raison de citer Paris, où les petites surfaces, qui emploient tout au plus deux ou trois caissières, ouvrent depuis longtemps jusqu’à treize heures. Mais, contrairement à ce que vous dites, les moyennes surfaces ouvrent elles aussi désormais le dimanche, car elles ne veulent pas perdre de clients au profit de leurs concurrents.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour les salariés de ces entreprises, cela signifie quitter leur travail à quatorze heures et ne pas rentrer chez eux avant quinze heures.
Si vous avez procédé à vos auditions, moi j’ai fait mes petites enquêtes. Ce ne sont pas des étudiants qui occupent ces postes le dimanche matin, mais bien les caissières habituelles. Cela leur permet de gagner un peu plus. Et puis, de toute façon, elles n’ont pas le choix !
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’aimerais savoir si cette disposition a fait l’objet d’une étude d’impact. En effet, à Paris, que vous avez l’air de si bien connaître, elle nuira aux marchés ouverts, qui perdront beaucoup de clients. Voilà donc les maraîchers en concurrence avec les petites et les moyennes surfaces ! Or, pour eux, travailler le dimanche est une tradition, et peu importe que le quartier soit touristique ou pas.
Avez-vous fait le solde entre les prétendues créations d’emplois dans les petites et moyennes surfaces et les pertes d’emplois sur les marchés ou dans les petits commerces qui seront obligés de fermer ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ces amendements nous donnent l’occasion, une fois de plus, d’observer une divergence de fond avec le Gouvernement, qui considère depuis le début de la discussion qu’une loi a pour objet de s’adapter aux nouvelles habitudes de la société. Nous pensons au contraire qu’une loi, au véritable sens du terme, doit influencer le fonctionnement de la société. À force de suivisme, nous allons laisser se développer des effets néfastes : les commerces fermeront bientôt à quatorze heures, voire plus tard !
Monsieur le ministre, quand nous soulevons ce problème, vous répondez invariablement que vous faites confiance au bon sens, à l’épreuve des faits ou que sais-je encore ? Dans le même temps, vous brandissez, au moins virtuellement, la lettre que vous a adressée l’UPA. Ce faisant, vous montrez que vous privilégiez l’intérêt des employeurs en négligeant celui des salariés.
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous avez choisi votre camp, nous avons choisi le nôtre. C’est la raison pour laquelle nous réitérons notre volonté de supprimer ce type de disposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 et 114.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le IV de cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Notre amendement a pour objet de supprimer le paragraphe IV de l’article 2, qui tend à abroger les limitations de durée des dérogations au principe du repos dominical accordées temporairement par le préfet. En effet, selon l’article L. 3132-21 du code du travail, « les autorisations prévues à l’article L. 3132-20 ne peuvent être accordées que pour une durée limitée ». L’abrogation de cette disposition correspond donc à votre volonté d’accroître un mouvement de dérégulation.
Le paragraphe IV, en rendant inopérant l’article L. 3132-20 du code du travail, rend perpétuelles les autorisations accordées par le préfet, ce qui revient à créer une nouvelle catégorie de dérogations permanentes. Si le législateur avait pris soin de préciser dans le code du travail que ces dérogations étaient accordées pour une durée limitée, c’était précisément pour permettre au préfet, qui délivre ces autorisations, de le faire au motif que « le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés serait réellement préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement ».
Voilà comment, en vidant une disposition de sa substance, vous permettez la création de nouvelles formes de dérogations permanentes des établissements accordées par le préfet, sans qu’elles soient nullement conditionnées à des besoins ou à des zones spécifiques. Tout cela, il faut le préciser, sans que le maire, que vous présentiez pourtant, monsieur le ministre, madame le rapporteur, comme incontournable, ait besoin de demander au préfet de classer sa ville en zone touristique ni même en PUCE. Le préfet, obéissant aux seules consignes et directives du Président de la République, pourra donc organiser la généralisation du travail le dimanche. Voilà la réalité !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Le paragraphe IV de l’article 2 vise à abroger une disposition qui va devenir redondante compte tenu de la rédaction du nouvel article L. 3132-25-4 du code du travail.
Je précise que les autorisations données sur le fondement de l’article L. 3132-20 auront toujours une durée limitée comme le prévoit la proposition de loi.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Comme le dit Mme Debré, je ne vois pas l’utilité de cet amendement, qui vise à rétablir à cet endroit une disposition qui figure ailleurs dans la loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... .-. Les dispositions de cet article n'entrent en vigueur qu'après la signature d'un accord interprofessionnel tel que prévu au code du travail.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous le savez, selon l’article L. 2232-1 du code du travail, le champ d’application territorial des accords interprofessionnels peut être national, régional ou local.
Ces derniers peuvent notamment porter sur les conditions de travail des salariés, leur rémunération et leurs droits.
Par cet amendement, nous entendons préciser que les dispositions de cet article, qui auront d’importantes conséquences pour les salariés, seront soumises à la signature d’un accord national interprofessionnel, un ANI.
Au cours des débats, vous n’avez eu de cesse de rappeler que vous vouliez donner la priorité à la négociation. En adoptant cet amendement, vous avez tout loisir de réaffirmer dans les faits et d’inscrire dans le concret cette volonté de négociation.
Pour notre part, nous entendons favoriser la négociation nationale interprofessionnelle qui nous semble la plus à même de respecter les intérêts des salariés, notamment parce que, nous le savons tous, cette négociation, qui permet de s’éloigner du champ de gravitation que constitue le lien de subordination des salariés à leurs employeurs, ouvre la voie à une discussion entre organisations syndicales et organisations patronales plus productive d’un certain point de vue.
Vous le voyez, nous ne sommes pas opposés à la négociation mais nous entendons l’inscrire dans une dimension toute différente de ce que vous proposez : nous préférons l’échelon national et la force d’une négociation d’ensemble là où vous préférez renvoyer à l’entreprise dans le seul but d’amoindrir la capacité des salariés à obtenir de réelles contreparties.
Voilà la réalité ! Voilà, notamment, ce qui nous sépare !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Cet amendement propose de subordonner l’entrée en vigueur de la loi à la conclusion d’un ANI sans préciser sur quoi il devrait porter.
Il est curieux de vouloir subordonner l’application de la loi à un tel accord. C’est pourquoi j’émettrai, évidemment, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Le législateur doit exercer toute sa responsabilité. La proposition de loi a fait l’objet d’un riche débat et a laissé sa place à la négociation pour fixer les modalités de travail et les compensations accordées au salarié. Grâce aux nouvelles règles de représentativité, c’est bien au plus près du terrain, avec les accords d’entreprise ou de branche, que la loi pourra être mise en œuvre, comme il est bien précisé.
Il me paraîtrait dommageable de mettre, sous la forme d’un accord quel qu’il soit, une condition préalable à l’entrée en vigueur de l’article 2, alors que tout le principe de cette loi est de faire confiance, au plus près du terrain, aux accords d’entreprise et de branche.
Je ne peux donc pas être favorable à cet amendement, qui me paraît contrevenir à l’esprit du texte.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 116.
Mme Annie David. Mme le rapporteur déplore l’absence de précision sur l’objet de l’accord auquel cet amendement vise à subordonner l’entrée en vigueur des dispositions de l’article. Étant donné que la phrase qu’il tend à introduire devrait figurer à la fin de l’article 2, il me semble tout à fait évident que l’accord porterait sur l’ensemble des articles du code du travail modifiés par cette proposition de loi.
Vous-même, madame le rapporteur, lorsque je vous ai interrogée sur les raisons pour lesquelles les préfets retiendraient le code du travail plutôt que le code du tourisme pour définir les communes touristiques, vous m’avez répondu que, cette proposition de loi modifiant les articles du code du travail, les préfets se référeraient aux articles modifiés par cette proposition de loi.
Ce qui vaut pour les préfets vaut aussi, me semble-t-il, pour le Gouvernement. Dès lors que l’on mentionne des articles du code du travail, il est évident que l’ANI que nous appelons de nos vœux portera sur les articles du code du travail modifiés.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean Desessard. Infatigable Mme David !
Mme Annie David. Nous avons longuement débattu de cet article 2. Je regrette cependant que ce débat ait été à sens unique. Certes, nous avons obtenu des réponses de M. le ministre et de Mme le rapporteur, mais elles étaient parfois bien succinctes.
Nous parvenons donc au terme de la discussion de cet article 2. C’est bien d’idéologie qu’il a été question tout au long de ce débat. C’est un autre modèle de société que vous nous proposez, un modèle de société devant rapidement entrer dans les faits puisque, comme nous en avons déjà exprimé le regret, c’est un vote conforme qui va intervenir.
Pour notre part, nous voyons dans ce texte un recul social, un recul social qui constitue une atteinte sans précédent aux avancées dues au Conseil national de la Résistance. Tout cela a déjà été dit, je n’y reviendrai donc pas.
Je ne reviendrai pas non plus sur les différentes zones prévues, zones touristiques, PUCE, ni sur les différences de compensation selon les zones. Je redirai simplement que c’est bien une banalisation du travail dominical, en vue de sa généralisation, qui nous est proposée, au nom de l’économie et au profit d’un petit nombre de nos concitoyens.
De nombreuses difficultés s’annoncent pour le commerce de proximité et pour les quelques commerces indépendants qui existent encore. Il me semblait, mes chers collègues de la majorité, que, comme nous, vous y étiez pourtant attachés. Ce n’est apparemment pas le cas, et sans doute êtes-vous plus attachés à certains commerces qu’à d’autres…
Malgré vos propos qui se voulaient rassurants, monsieur le ministre, selon lesquels les enseignes condamnées paieraient ce qu’elles devraient payer, cette loi est en fait une loi d’amnistie. Certes, comme l’a rappelé M. About, le législateur est parfois intervenu pour légaliser certaines pratiques illégales. Vous avez fait référence, monsieur About, à l’avortement. Je pense, pour ma part, que cette comparaison était tout à fait maladroite.
M. Nicolas About. Il y a de nombreux autres exemples !
Mme Annie David. J’aurais préféré que vous preniez l’exemple du combat que nous menons au quotidien en faveur des sans-papiers.
M. Nicolas About. Par exemple !
Mme Annie David. En l’occurrence, il s’agit, contrairement à ceux qui vont bénéficier de la loi d’amnistie et qui s’étaient d’emblée placés dans l’illégalité, de personnes qui, pour une grande partie d’entre elles, sont entrées de manière tout à fait légales sur notre territoire. C’est en raison des différentes lois que vous avez adoptées, que ces personnes sont devenues des immigrés clandestins, des sans-papiers. Alors, oui, je revendique cette bataille pour la régularisation des sans-papiers.
Je me demande d’ailleurs si le délit de solidarité que vous avez inventé pourra s’appliquer à vous-même, puisque vous allez, en l’occurrence, légaliser des agissements illégaux, ceux de ces commerçants qui vont finalement obtenir, eux, des papiers en règle.
J’aimerais revenir maintenant sur le travail de la commission sur lequel beaucoup de choses ont été dites ce soir. Je rappellerai que ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 15 juillet, à 16 heures, que le dépôt des amendements devait intervenir avant 19 heures le même jour, que la commission a tenu sa première réunion le lendemain 16 juillet, que nous avons alors examiné le rapport de Mme Debré, les sept amendements que nous avions déposés, plus un autre amendement émanant d’un membre du groupe UMP. Tout s’est fait très rapidement, mais l’on m’a affirmé que le débat aurait lieu en séance publique.
Mardi matin, s’est tenue la réunion de la commission consacrée aux amendements extérieurs, au nombre de 130. Ils ont été examinés en une heure, car le groupe UMP se réunissait également ce matin-là, à 10 heures 30. Il fallait donc que la commission ait alors terminé ses travaux.
Nous avons été quelques-uns à manifester notre désaccord et je tiens aujourd’hui à faire part de notre mécontentement, non seulement à M. Frimat, qui préside la séance, mais aussi à M. le président Larcher, qui est présent dans l’hémicycle ce soir.
Cela dit, notre groupe votera évidemment contre cet article 2.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les communes qui bénéficient de dérogations, quel que soit leur nombre d'habitants et leur situation administrative, continueront d'en bénéficier.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Le maintien de l'ouverture du dimanche, obtenu jusqu'ici par dérogation, est vital pour les commerçants, petits ou grands, comme pour les salariés qui en bénéficient.
Aujourd’hui, dans certaines communes, des dérogations existent de longue date, parfois depuis plus de vingt ans. Il n'y a donc aucune raison de les remettre en cause. Les exemples sont nombreux en Île-de-France, particulièrement en Seine-et-Marne, dans le secteur du bricolage ou de la jardinerie.
La loi doit permettre de régulariser et protéger une situation ancienne acquise.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pourquoi ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La commission n’avait pas très bien saisi à quelle dérogation cet amendement faisait référence.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous non plus ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. J’en ai donc parlé avec M. Houel, qui a effectivement évoqué le secteur de la jardinerie, mais celui-ci fait déjà partie des 180 dérogations.
Je n’ai donc pas très bien compris l’intérêt de l’amendement – peut-être le Gouvernement pourra-t-il m’éclairer – et, lorsque je ne comprends pas, j’ai tendance à émettre un avis défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Elle ne comprend pas souvent !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est pour cela qu’elle est toujours défavorable à nos amendements ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. La situation est claire. Tous les commerces qui disposent, aujourd’hui, de dérogations, les conserveront après l’adoption de cette loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ouf ! Nous pourrons continuer à jardiner !
M. Xavier Darcos, ministre. Je crois donc, madame Mélot, que votre amendement est satisfait et que vous pouvez le retirer.
M. le président. Madame Mélot, l'amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. M. le ministre m’ayant donné l’assurance que j’escomptais, ce dont je le remercie, je retire cet amendement qui était un amendement d’appel. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements, présentés par M. P. Dominati, faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67 est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 3132-26 du code du travail est supprimé.
L'amendement n° 70 est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 3132-26 du code du travail est ainsi rédigé :
« En Ile-de-France, cette décision est prise par le préfet de chaque département concerné. »
L'amendement n° 71 est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 3132-26 du code du travail est ainsi rédigé :
« A Paris, Lyon et Marseille, cette décision est prise par le préfet de chaque département concerné. »
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter ces trois amendements.
M. Philippe Dominati. Le premier amendement a été présenté tout à l’heure lors de la discussion que nous avons eue à propos des attributions propres à Paris.
L'amendement n° 70 a pour objet d’étendre les prérogatives des préfets à l’ensemble des départements de la région d’Île-de-France ou, au moins, aux départements de la proche couronne. Il est motivé par la vision optimiste que l’on peut avoir du projet concernant le Grand Paris, même si le Gouvernement ne croit pas en son avenir ; je suis sûr que Mme le rapporteur, élue municipale de Vanves, comprend très bien ce que je veux dire.
Nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet lors du débat sur les collectivités territoriales.
J’en viens à l'amendement n° 71.
Lors du vote de la loi PLM, en 1982, le Sénat avait essayé de faire la distinction entre le régime dérogatoire et le régime particulier. Je cite : « La légitimité des régimes dérogatoires pour certaines collectivités territoriales doit être examinée à deux points de vue, celui du caractère indivisible de la République et du principe d’égalité des citoyens devant la loi.
« Le principe d’égalité, qui implique l’application de solutions identiques à des situations semblables, retrouve sa vigueur et sa rigueur lorsque les usagers appartiennent à la même catégorie de collectivité. »
C’est évidemment le cas dans la loi PLM. Or, cette proposition de loi prévoit trois régimes différents. C’est un problème qu’il appartiendra sans doute au Conseil constitutionnel de trancher ou auquel il nous faudra remédier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On reviendra sur tout !
M. Philippe Dominati. Ces deux précisions étant apportées, pour l’harmonie du débat, je retire les trois amendements.
M. le président. Les amendements nos 67, 70 et 71 sont retirés.
L'amendement n° 126, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 3132-13 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-13-1. - Durant le mois de décembre, les établissements de commerce de détail peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement.
« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.
« L'obligation de fermeture pouvant résulter des arrêtés prévus à l'article L. 3132-29 est suspendue durant le mois de décembre. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 126 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 47, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3132-27 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dérogations au repos dominical prévues par la loi n° ... du... réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ne peuvent être attribuées dans les zones non desservies par des transports en commun le dimanche. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Pour l’harmonie des débats, je maintiens mon amendement et, dans un souci d’efficacité, j’aimerais qu’il soit adopté par l’ensemble de notre assemblée.
Monsieur le président du Sénat, puisque vous êtes ce soir parmi nous, j’en profite pour vous faire part de nos récriminations. (Sourires.) Un vote conforme ne permet pas un bon débat. Nous avons l’impression que tout est joué d’avance et que, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, vous êtes d’accord sur l’ouverture des commerces le dimanche et la banalisation du travail dominical, qui ne suscitent chez vous aucune question. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Est-il sérieux d’envisager de tels votes bloqués ? Est-ce ainsi que vous concevez la valorisation du travail du Parlement ?
Je comprends que vous soyez énervés, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité. Vous ne pouvez défendre aucun amendement et, pendant deux jours, vous n’êtes là que pour lever le bras et voter de façon mécanique ! Si vous défendiez des amendements avec la même conviction que nous, vous seriez animés par l’envie de faire passer vos idées. Mais là, vous êtes passifs, vous vous contentez de refuser les bons amendements de l’opposition…
M. Jean-Pierre Caffet. Et de la majorité !
M. Jean Desessard. … et même certains, très bien pensés également, de la majorité !
Mme Annie David. Quand ils ne sont pas retirés !
M. Jean Desessard. Pour en venir à l’amendement n° 47, nous souhaitons préciser que les dérogations au repos dominical prévues par la présente proposition de loi ne peuvent être attribuées dans les zones non desservies par les transports en commun le dimanche.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le bon sens !
M. Jean Desessard. Deux raisons, l’une sociale, l’autre écologique, justifient cette mesure.
D’abord, j’attire votre attention sur les difficultés de déplacement des salariés à faible budget dans des zones non desservies par les transports en commun le dimanche.
Ensuite, tous les déplacements provoquent des dégagements de CO2. Or, les zones commerciales sont souvent en périphérie des centres-villes et la plupart des consommateurs s’y rendent avec leur véhicule personnel.
Selon une étude réalisée en 2008 par l’économiste Jean-Marie Beauvais, 51 % des clients d’hypermarchés situés en zone dense et 66 % en zone peu dense utilisent leur véhicule personnel. Ils parcourent en moyenne respectivement 8,7 kilomètres et 10,5 kilomètres. L’ouverture un jour de plus par semaine occasionnerait davantage d’émissions de CO2.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dérogations au repos dominical prévues par la présente loi ne peuvent être attribuées dans les zones non desservies par des transports en commun le dimanche.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Dans le même ordre d’idée que notre collègue Jean Desessard, nous proposons d’aller dans le sens de l’application du Grenelle de l’environnement.
Cet amendement a pour objet de préciser que les dérogations au repos dominical ne peuvent être autorisées dans les zones non desservies par les transports en commun. Vous l’avez déjà écarté à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, prétextant qu’il n’avait guère de rapport avec la proposition de loi C’est un point de vue.
Une telle réponse n’est pas surprenante de votre part, puisque vous vous préoccupez des seuls intérêts des entreprises, particulièrement des patrons, avec une certaine constance, nous vous l’accordons volontiers. Pour notre part, nous entendons nous soucier des conditions de travail des salariés.
Vous n’ignorez pas que de très nombreux salariés qui travaillent dans les zones touristiques ne peuvent y habiter, en raison de l’explosion des loyers et de la faiblesse de leurs salaires. Quant aux zones commerciales dont vous régularisez l’existence, elles sont presque toujours situées à l’extrême périphérie des villes.
Pour tous ces salariés, la question du mode de déplacement peut devenir un véritable casse-tête, engendrer des temps de transports longs et inconfortables.
De très nombreux salariés n’ont pas les moyens d’investir dans un véhicule personnel qui aurait par ailleurs pour conséquence d’accroître considérablement l’effet carbone de cette proposition de loi. J’ajoute que, faute de transports collectifs, les clients utiliseront également leur véhicule particulier.
L’un des députés de votre majorité, monsieur le ministre, n’a pas hésité à présenter cet amendement comme une double peine à l’encontre des salariés. Nous voulons précisément éviter aux salariés qui travailleront le dimanche dans les PUCE et les zones touristiques la double peine qui consiste à perdre son dimanche sans rémunération complémentaire substantielle ni repos compensateur, tout en ayant à subir un coût ou un temps supplémentaire de transports résultant du travail dominical.
Aujourd'hui, il est impossible de proposer un changement de société si radical sans se poser la question fondamentale du maintien de certains services.
Cette question aurait pu être abordée si vous aviez, comme vous y a invité l’opposition, réalisé une étude d’impact avant l’examen de cette proposition de loi. Pour notre part, alors que nous ne cessons de réclamer au Sénat la création d’une commission sur la pénibilité, nous ne pouvons accepter que les salariés du dimanche subissent, pour la seule satisfaction de leurs employeurs,…
M. Gérard Longuet. Et des clients !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salariés sont aussi des clients !
Mme Annie David. Ne mélangez pas tout ! Nous parlons d’une étude de pénibilité !
M. Michel Billout. … une nouvelle dégradation de leurs conditions de travail, et disons-le, de leurs conditions de vie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. L’amendement n° 47 tend à ce que l’ouverture des commerces dans le cadre des cinq dimanches autorisés par le maire ne soit plus possible dans les zones non desservies le dimanche par les transports en commun.
S’il est vrai que les transports en commun sont moins fréquents le dimanche, il est rare qu’ils soient totalement arrêtés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Jean Desessard. Eh oui, cela existe !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. J’ai dit que cela était rare.
La mesure proposée ne s’appliquerait au plus que cinq dimanches dans l’année. L’impact sur l’environnement est donc en réalité limité et ne justifie pas l’introduction d’un élément de complexité supplémentaire.
L’amendement n° 78 rectifié vise à interdire que les dérogations au repos dominical prévues par le présent texte ne soient accordées dans les zones non desservies par les transports en commun.
Vous avez raison de rappeler que les salariés se rendent le plus souvent dans les PUCE avec leur véhicule individuel, y compris en semaine. Les communes touristiques sont quant à elles plutôt bien desservies, même le dimanche, par les transports publics.
J’émettrai donc un avis défavorable. Il conviendrait plutôt, que ce soit le dimanche ou en semaine, de développer les transports en commun. Sur ce point, je suis pleinement d’accord avec vous.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Les PUCE sont situés par définition dans de grandes agglomérations de plus d’un million d’habitants, qui sont desservies par les transports en commun.
Ces amendements seraient très contraignants et ne modifieraient en rien la réalité. Le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 47.
M. Jean-Pierre Sueur. Les explications de Mme le rapporteur et de M. le ministre ne nous ont pas convaincus.
Si les secteurs concernés non desservis par les transports en commun sont rares ou inexistants,…
M. Jean-Pierre Sueur. … pourquoi ne pas adopter les amendements de nos collègues MM. Desessard et Billout ? Quel inconvénient y a-t-il à prévoir que, là où n’existent pas de transports en commun, il est pertinent de suspendre ces mesures, ne serait-ce que parce que cela incitera les collectivités à développer les transports en commun ?
Vous avez eu raison de conclure en appelant au développement des transports en commun, madame le rapporteur. Nous nous accordons tous sur ce point, mais vous refusez les propositions concrètes. Il est vrai que le développement de zones commerciales souvent éloignées des centres et non desservies par les transports en commun est complètement aberrant ! D'ailleurs, tout le monde trouvera scandaleux et anormal, au moment de l’examen du Grenelle II, le manque de transports en commun.
Or le vote de ces deux amendements irait tout à fait dans le sens de l’incitation à la création de transports en commun. Si les situations visées restent limitées, c’est une raison supplémentaire en faveur de leur adoption.
Je conclus qu’il n’a été produit aucun argument justifiant le vote contre ces amendements. S’il n’y a pas d’arguments, mes chers collègues, nous en revenons toujours à ce débat difficile et frustrant, car il a été posé a priori qu’il y aurait un vote conforme. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi, hormis le fait que le texte puisse être définitivement adopté au plus tard demain ! Admettez que cet argument est tout à fait mineur par rapport à l’enjeu.
Nous assistons à une dénaturation du débat parlementaire puisque vous allez même jusqu’à repousser les amendements pouvant faire l’objet d’un consensus. Après la religion de la procédure accélérée, voilà celle du vote conforme ! C’est tout à fait dommageable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo ! C’est une intervention d’une rare intelligence !
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3132-27 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant toute modification de la législation portant sur le repos dominical, un rapport établissant un bilan carbone et un chiffrage de la surconsommation énergétique produite par les dérogations supplémentaires au repos dominical devra être déposé au Parlement. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cette proposition de loi n’a pas seulement un coût social pour les salariés, éducatif pour les familles et économique pour le petit commerce et les artisans ; elle a également un coût environnemental.
Le fait que des salariés supplémentaires se déplacent le dimanche et que des commerces soient ouverts ce jour-là ne peut qu’avoir une incidence sur l’environnement.
Si ce texte était un projet de loi et non une proposition de loi, le Gouvernement aurait dû présenter une étude d’impact, en application de la réforme constitutionnelle, dont un chapitre concernerait l’environnement et dont les conclusions auraient certainement été peu favorables à ce texte au regard de l’avis rendu par le Conseil économique, social et environnemental.
C’est une proposition de loi incompatible avec la prise de conscience des limites de notre planète. Chauffer, éclairer, climatiser, transporter produits et consommateurs un jour de plus par semaine devrait générer une augmentation de 13 % de la consommation d’énergie et de la production de CO2.
Nous proposons, par cet amendement, qu’un rapport établissant un bilan carbone et un chiffrage de la surconsommation énergétique produite par les dérogations supplémentaires au repos dominical soit déposé au Parlement. Ce rapport prendra notamment en considération les consommations supplémentaires d’électricité et d’éclairage, de chauffage ou de climatisation, les déplacements domicile-travail des employés et les déplacements des clients.
Vous ne pouvez pas à la fois vouloir réduire la facture énergétique, les émissions de carbone, et augmenter celles-ci par de nouvelles mesures dont l’intérêt économique est au demeurant loin d’être prouvé, comme nos débats l’ont démontré.
Dans ces conditions, autant prendre en considération nos préoccupations. Nous savons avec certitude que, si les commerces ne sont pas ouverts le dimanche, nous ferons des économies d’énergie, nous réduirons la pollution.
Mes chers collègues, vous pouvez être sceptiques. C’est la raison pour laquelle je vous demande, par cet amendement, d’adopter le principe d’un rapport devant le Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Desessard, plutôt que de procéder à une évaluation préalable, qui est par nature très difficile à réaliser, nous pensons qu’il est préférable d’effectuer régulièrement un bilan de l’application de la loi, comme l’a prévu l’Assemblée nationale en proposant la création d’un comité de suivi, dont la composition, je le rappelle, sera paritaire entre l’opposition et la majorité.
J’espère faire partie de ce comité, auquel cas je veillerai à ce qu’un bilan soit fait sur les problèmes que vous soulevez à juste titre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Desessard, votre préoccupation est légitime, même si le taux de 13 % que vous avez cité – et que je connaissais – n’a de sens que si toute l’activité a lieu le dimanche. Or nous n’en sommes pas là. Nous proposons un certain nombre de dérogations relativement limitées. Comme l’a indiqué Mme le rapporteur, un comité de suivi sera chargé d’effectuer un bilan de l’application de la loi.
Je tiens néanmoins à souligner que l’ouverture des commerces le dimanche n’est pas la seule activité qui provoque une augmentation de la production de CO2. C’est également le cas ce jour-là lors des grands matchs de football !
Monsieur Desessard, la question que vous posez est juste, mais elle n’est pas en rapport direct avec le texte. Pour cette raison, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article ainsi rédigé :
Dans les zones et les villes qui peuvent se voir appliquer à la fois les dispositions relatives aux périmètres d'usage de consommation exceptionnel visés à l'article L. 3132-25-1 du code du travail et celles relatives aux zones et villes d'affluence touristiques visées à l'article L. 3132-25 du code du travail, le salarié privé de son repos dominical, bénéficie des dispositions visées à l'article L. 3132-25- 3 du même code.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement pourrait être présenté comme un amendement de clarification tendant à apporter une solution à un cas non prévu par la présente proposition de loi. Une ville pourrait à la fois être classée en zone touristique, visée à l’article L. 3132-25 du code du travail, ou en PUCE, visé à l’article L.3132-25-1 de ce même code. Tel sera le cas par exemple des grandes villes touristiques.
En réalité, il s’agit d’un amendement de fond, que les salariés attendent. Selon que la ville sera classée en zone touristique ou en PUCE, les contreparties offertes aux salariés ne seront pas les mêmes, car les salariés des zones touristiques n’ont pas droit à des contreparties financières !
À n’en pas douter, les gérants des entreprises, des commerces ou des établissements installés dans les villes pouvant être classés en PUCE ou en zone touristique ne manqueront pas de choisir la catégorie la plus favorable à leurs intérêts et à ceux de leurs actionnaires, et non à ceux de leurs salariés, qu’ils préféreront traiter comme les salariés des zones touristiques.
Voilà comment, par un simple oubli – dont on comprend qu’il est volontaire –, la majorité et le Gouvernement procèdent pour réduire les droits des salariés.
Notre amendement vise donc à instaurer un principe clair, l’application de la clause la plus favorable aux salariés. Ce serait une mesure de justice sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Les dispositions relatives aux PUCE et celles qui visent les communes touristiques ont vocation à s’appliquer dans des territoires bien distincts, de sorte qu’on ne voit pas très bien dans quelle hypothèse cet amendement pourrait s’appliquer. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Les demandes d’inscription d’une commune sur la liste des communes à intérêt touristique ou de définition du périmètre des zones touristiques, comme la délimitation des PUCE, se font sur l’initiative des élus locaux, comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises.
En outre, lors de l’examen de ces demandes, faites par les maires, le préfet appréciera s’il s’agit d’une commune d’intérêt touristique et si les critères réglementaires de classement sont respectés. S’il s’agit d’un PUCE, il vérifiera l’existence d’habitudes de consommation de fin de semaine, l’importance de la clientèle concernée, l’éloignement de celle-ci de ce périmètre, bref, tous les critères fixés dans la loi.
Madame Gonthier-Maurin, il n’y a pas de chevauchement possible entre une commune ou une zone touristique, d’une part, et un éventuel PUCE, d’autre part, en raison de cette double exigence : l’initiative locale et le contrôle des critères par le préfet sous le contrôle du juge.
Je ne peux donc pas être favorable à un amendement visant une situation qui ne saurait exister.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
(Texte non modifié par la commission)
Les articles 1er et 2, à l'exception du I de l'article 2, ne s'appliquent pas dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. – (Adopté.)
Article 4
(Texte non modifié par la commission)
Un comité, constitué de trois parlementaires appartenant à la majorité et de trois parlementaires appartenant à l'opposition, est chargé de veiller au respect du principe du repos dominical posé à l'article L. 3132-3 du code du travail.
Ce comité présente un rapport au Parlement dans un délai d'un an à compter de la date de publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par M. Maurey et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce rapport fait notamment le point sur les différentes contreparties dont bénéficient les salariés travaillant le dimanche et propose des mesures de nature à permettre leur harmonisation.
La parole est à M. Hervé Maurey. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Hervé Maurey. Je vous remercie, mes chers collègues, de soutenir par avance cet amendement !
Mme Annie David. Ne vous fatiguez pas, il ne sera pas adopté !
M. Hervé Maurey. Je comprends que vous l’attendiez avec impatience, car c’est le seul amendement déposé par le groupe centriste. Je crains néanmoins que vous ne soyez déçus, car il est assez modeste.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans la discussion générale, je regrette qu’il y ait des différences assez importantes dans les contreparties offertes aux salariés travaillant le dimanche, différences que la présente proposition de loi va encore aggraver. Il y aura d’un côté des salariés dont le salaire sera doublé, c'est-à-dire ceux qui travaillent dans les PUCE et dans le cadre des dérogations accordées par le maire, et de l’autre, quantité de salariés qui bénéficieront de contreparties beaucoup moins importantes, voire parfois inexistantes.
Je propose que le comité de suivi prévu à l’article 4 élabore un rapport sur les différentes situations des salariés travaillant le dimanche afin de déterminer des mesures d’harmonisation.
Comme vous pouvez le constater, cet amendement est très modeste et très politiquement correct !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Maurey, votre amendement est très intéressant, c’est vrai. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il va être adopté alors ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Toutefois, il me paraît satisfait dans la mesure où le rapport d’évaluation prévu par le texte abordera nécessairement ces sujets.
L’article 4 du texte prévoyant l’instauration d’un comité constitué de trois parlementaires de l’opposition et de trois parlementaires de la majorité, dont j’espère pouvoir faire partie avec mon collègue député Richard Mallié, je m’engage, si j’en fais partie, à faire le point sur ces situations dans le rapport qui sera remis au Parlement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Maurey, comme vous, nous souhaitons tous qu’un suivi de la loi soit effectué.
Je rappelle que le ministère du travail publie un bilan annuel de la négociation collective, soumis à la Commission nationale de la négociation collective. Je vous propose donc d’intégrer dans le prochain bilan, qui sera publié à la fin du mois de juin 2010, un point détaillé sur les contreparties offertes aux salariés travaillant le dimanche aux termes de la présente proposition de loi.
Je prends ensuite l’engagement devant vous de transmettre au Parlement avant le 30 juin 2010 le volet de ce bilan consacré aux différentes contreparties du travail dominical, à leur nature et à leur niveau.
Espérant que cet engagement répond à votre préoccupation et satisfait votre demande, monsieur le sénateur, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 129 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Compte tenu des engagements pris par Mme le rapporteur et par M. le ministre, et compte tenu du fait que je ne voudrais pas être celui par qui la CMP arrive (Rires), je retire cet amendement, au nom de la solidarité !
Comme l’a dit Bariza Khiari, citant M. Gérard Larcher, la solidarité n’est pas l’inconditionnalité ! Permettez-moi de regretter à nouveau, comme je l’ai déjà fait au cours de la discussion générale, que l’on n’ait pas laissé plus de place à nos amendements.
Je comprends les mouvements de mauvaise humeur auxquels nous avons assisté sur certaines travées. Je le dis en votre présence, monsieur le président du Sénat, de telles pratiques ne vont pas dans le sens d’une revalorisation de la Haute Assemblée.
On nous a déjà demandé la semaine dernière un vote conforme sur le projet de loi relatif à la programmation militaire et la semaine précédente sur le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est une épidémie !
M. Hervé Maurey. Monsieur le président du Sénat, je vous demande d’être très vigilant, non pas pour nous, la droite, la gauche et le centre, mais pour notre institution, afin que nos compatriotes ne puissent penser que le Sénat ne sert à rien ! (Applaudissements.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La procédure accélérée et le vote conforme sont les maladies du siècle !
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 41, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette proposition de loi :
Proposition de loi instaurant le principe du travail dominical dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. J’attendais la fin de ce débat pour savoir si mon amendement était justifié. Il l’est !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Enfin des amendements qui disent quelque chose !
M. Jean Desessard. « Réaffirmer le principe du repos dominical et adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires », tel est l’intitulé de la proposition de loi, que je souhaite modifier pour l’adapter à la réalité.
Si je propose d’intituler le texte : « Proposition de loi instaurant le principe du travail dominical dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations », c’est parce que vous avez instauré le principe du travail dominical. Il est de droit dans les PUCE, avec une contrepartie financière.
Vous alléguez que vous ne faites qu’inscrire dans la loi ce qui existe déjà. C’est vrai pour certains commerces, mais vous instaurez dans les zones touristiques et thermales le principe du travail dominical, sans contreparties, pour de nouvelles activités. Vous banalisez donc le travail le dimanche !
Vous ajoutez que ce n’est presque rien, mais vous procédez de la même manière lorsque vous faites des privatisations.
Tout d’abord, vous ne dites pas que vous allez privatiser. Seulement, pour libéraliser la gestion, vous transformez l’entreprise publique en société anonyme, constituée à 100 % de capitaux publics, ce qui, d’après vous, ne change rien. Puis, pour avoir un peu de trésorerie, vous vendez des parts et vous passez à 50 % de capitaux publics, ce qui, selon vos dires, ne change presque rien, car l’État a toujours la majorité. Alors vous ne gardez qu’une minorité de blocage de 33 %. Ainsi, petit à petit – oserai-je dire saut de PUCE après saut de PUCE ? (Sourires) –, vous avez réussi à privatiser de nombreuses entreprises.
Vous faites la même chose avec le travail dominical, Vous accordez des dérogations à un certain nombre de zones, puis vous les élargissez à des zones qui n’ont rien à voir avec l’activité touristique, dans lesquels les commerces pourront être ouverts le dimanche, sans contreparties financières pour les salariés.
Ensuite, vous considérez qu’il y a dans chaque région des entreprises qui ont elles aussi besoin de vivre et de créer des emplois. Ainsi, petit à petit, toutes les régions de notre pays voudront développer leur activité touristique.
Vous avez décoincé un verrou ; la porte va pouvoir s’ouvrir. Tout le monde pourra désormais travailler le dimanche sans contreparties financières.
Chers collègues de la majorité, assumez votre projet et modifiez l’intitulé de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette proposition de loi :
Proposition de loi organisant la généralisation du travail dominical dans les zones ou communes touristiques ou thermales et sa banalisation dans certaines grandes agglomérations.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement n° 118, qui tend à modifier l’intitulé de la présente proposition de loi, pourrait apparaître, à écouter nos collègues de la majorité et les centristes qui les soutiennent, comme anecdotique et constituer le dernier mouvement de notre combat.
Il n’en est rien : cet amendement est emblématique puisqu’il permet de rappeler une dernière fois, juste avant la conclusion officielle de nos travaux, notre opposition à une proposition de loi tournée entièrement vers la satisfaction des intérêts marchands et dont on n’hésite pas, pour en permettre l’adoption, à travestir dans son titre le contenu.
En effet, mis à part son intitulé et un seul alinéa, l’intégralité de cette proposition de loi constitue la remise en cause du repos dominical.
Nous l’avons démontré, ces attaques, à travers les dérogations accordées aux zones touristiques, aux PUCE ou encore à travers les dérogations permanentes accordées par le préfet de manière illimitée et sans contrepartie, n’avaient qu’une conséquence : mettre à bas la loi de 1906.
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, monsieur About, vous nous avez présenté cette proposition comme un texte de consensus. Mais avec qui avez-vous pu établir ce consensus ?
Ce n’est pas avec les organisations syndicales, elles sont toutes contre cette proposition de loi ; ce n’est pas avec les organisations patronales, l’Union professionnelle artisanale, ou UPA, et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, ou CGPME, s’étant prononcées contre et le MEDEF émettant quelques critiques ; ce n’est pas non plus avec les collectivités territoriales et leurs acteurs, l’Assemblée des départements de France, ou ADF, l’Association des régions de France, ou ARF, le club des magasins des centres-villes, la Fédération française des associations des commerçants et la Fédération nationale des centres-villes s’étant unanimement déclarés défavorables à l’adoption de cette proposition de loi.
En réalité, le seul consensus que vous avez su réaliser, c’est dans votre propre camp !
M. Alain Gournac. C’est déjà pas mal !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et encore !
Mme Isabelle Pasquet. Faudrait-il alors que, sous prétexte d’être parvenus – enfin ! – à vous entendre au sein de l’UMP, vous présentiez ce texte comme étant de consensus ?
C’est pourquoi, afin de continuer l’œuvre de vérité que nous avons menée ici, poursuivant le travail entamé à l’Assemblée nationale, nous entendons lever le voile sur les finalités de cette proposition de loi : la généralisation du travail le dimanche dans les zones ou communes touristiques ou thermales et sa banalisation dans certaines grandes agglomérations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Desessard, vous proposez d’inscrire dans l’intitulé de cette proposition de loi qu’elle instaure le principe du travail dominical. Or l’article 2 réaffirme au contraire le principe du repos dominical et impose l’instauration de contreparties pour les salariés qui en sont privés.
Vous le comprendrez bien, je ne peux donc pas donner un avis favorable à votre proposition.
Madame Pasquet, vous voulez qu’apparaisse « la généralisation du travail dominical » dans le texte. C’est justement ce que nous ne voulons pas. Nous souhaitons au contraire apporter des aménagements limités à la règle du repos dominical.
L’intitulé de la proposition de loi nous paraît adapté à son contenu et c'est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. M. Desessard manie parfaitement la rhétorique, mais qu’il n’attende pas de moi un coup de théâtre : je n’approuverai pas son amendement, ni celui du groupe CRC-SPG.
En effet, cette proposition de loi rappelle que le travail dominical est une exception par rapport à une règle générale, le repos dominical, et elle vise à mettre de l’ordre dans les multiples dérogations existantes ou dans certaines situations particulières. Ce texte est tourné vers une régulation des dérogations selon un principe inscrit dans la loi, le repos dominical. Ce serait donc dénaturer cette proposition de loi que d’en modifier l’intitulé.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 41.
M. Jean Desessard. Je vois que M. le ministre se déride. Le débat au Sénat aura donc eu des vertus bénéfiques !
M. Jean Desessard. Si on le prolongeait, M. le ministre finirait par éclater de rire toutes les cinq minutes !
Revenons au contenu. Votre politique est-elle si honteuse que vous avez besoin de la dissimuler ? (Exclamations indignées sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Vous réaffirmez le principe du repos dominical pour le remettre en cause. Vous prétendez valoriser le rôle du Parlement alors qu’il n’y a que des votes conformes et des textes de loi traités en urgence !
Êtes-vous honteux de votre politique ? Assumez ! Dites que le travail dominical permettra d’être compétitifs par rapport aux pays émergeants et aux situations touristiques d’autres pays.
Dites que vous en avez assez des bavardages parlementaires, qu’il faut voter les textes conformes pour suivre le rythme frénétique de notre Président de la République ! Au moins, ce serait net ! On aurait une vraie démocratie qui ose s’exprimer et l’on pourrait clairement être pour ou contre ! Là, on ne s’en sort pas ! (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Vous vous servez d’un discours de gauche pour faire votre politique habituelle de droite. Remettez les choses en place, assumez votre politique de droite ! Dites que vous remettez en cause les acquis sociaux, que vous n’avez pas envie de débattre au Parlement parce que c’est fatigant, que vous voulez que le Président de la République ait un pouvoir plus important ! Soyez clairs, assumez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous, la majorité, vous voudriez que l’opposition vous exonère de vos responsabilités. Vous fuyez devant ce que vous-mêmes, avec un silence coupable, vous avez contribué à créer.
Monsieur le ministre, vous avez passé de multiples heures à expliquer que ce texte avait pour objet de mettre le droit en conformité avec de nouvelles habitudes commerciales qui trouvent ici leur formalisation en termes de dérogations pour les zones touristiques et thermales et certaines grandes agglomérations.
Comme l’a dit excellemment avant moi M. Desessard, assumez vos responsabilités et donnez à cette proposition de loi le titre éloquent - dans le plus mauvais sens du terme - qu’elle mérite ! Ne comptez pas sur nous pour vous exonérer de vos responsabilités dans un travail que vous avez mené en silence et qui a justifié un vote systématique, monolithique, honteux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Faure, pour explication de vote.
M. Jean Faure. Les auteurs de cet amendement feraient fureur dans un club de chansonniers ! (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste.) C’est une vraie provocation !
J’ai travaillé pendant vingt ans dans le tourisme social. Mes patrons étaient des hommes de gauche, issus de la CFDT, qui avaient créé de grands organismes de tourisme. Le dimanche, ils n’étaient pas les derniers à faire de bons repas et à s’amuser. Ils avaient besoin de cuisiniers, de moniteurs de ski, de personnel pour faire marcher les remontées mécaniques : c’est ainsi dans toutes les Alpes. Ils n’étaient pas les moins exigeants en matière de prestations dominicales pour des hommes de gauche et, moi qui fus leur salarié, cela m’a peut-être incité à devenir un homme de droite ! (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. - Exclamations scandalisées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 148 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Je commencerai par une remarque de forme à l’intention du Gouvernement.
Plusieurs sénateurs du groupe de l’Union centriste, ainsi que des membres d’autres groupes, se plaignent d’un usage peut-être abusif du vote conforme ou de la procédure accélérée et du recours de plus en plus fréquent aux discussions sans vote.
Je pourrais ainsi mentionner les textes sur l’OTAN, la programmation militaire, le tourisme, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ou le transfert de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
Mme Raymonde Le Texier. Vous pourriez aussi évoquer la TVA !
Mme Nicole Bricq. Et les caisses d’épargne !
M. Nicolas About. Vous l’avez compris, monsieur le ministre, les sénateurs veulent simplement, au travers de la prise en compte de leurs amendements, vivre politiquement. En ce sens, ils donnent raison à notre illustre collègue Victor Hugo, qui déclarait jadis : « Le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre. »
J’aimerais également adresser quelques mots à mes collègues.
Refuser le recours abusif à de telles procédures n’exclut pas qu’on puisse les utiliser à l’occasion. Ainsi, au Sénat, nous avons marqué de notre empreinte nombre de textes, tout en appliquant – et c’est l’esprit de la révision constitutionnelle – la procédure accélérée. Je pense notamment au projet de loi pénitentiaire ou au projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, sur lesquels nous avons effectué un excellent travail.
De la même manière, je ne vois pas pourquoi le vote conforme empêcherait un travail et un débat de qualité. Lorsque le rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi peut travailler en amont avec son homologue de l’Assemblée nationale – ce fut le cas pour le projet de loi portant réforme de l’hôpital et pour la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui –, nous pouvons avoir un texte conforme à nos vœux dès sa présentation en commission. Pourquoi faire compliqué quand le texte nous satisfait,…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la pure dialectique !
M. Nicolas About. … comme c’est le cas aujourd'hui ?
Cette proposition de loi vise essentiellement à une simplification et ses effets seront limités. Elle a emporté notre adhésion dès sa présentation en commission. Nous avons donc décidé d’exprimer notre soutien et nous avons veillé à n’en pas modifier le contenu uniquement par principe.
Je souhaite donc remercier Mme la présidente de la commission, Mme le rapporteur, ainsi que l’ensemble des membres de la commission de la qualité de leur travail.
Nous serons très attentifs au suivi de ce texte, de la part tant du Gouvernement que du Parlement, car nous souhaitons qu’il ne soit effectivement pas porté atteinte au petit commerce. J’espère que le rapport évoqué tout à l’heure par Hervé Maurey sur les difficultés liées aux écarts de rémunération sera parfaitement réalisé et que nous serons pleinement informés des résultats obtenus.
Comme je l’avais souligné dans la discussion générale, ce texte n’a rien de révolutionnaire. Il vise simplement à régulariser quelques situations et à compléter le dispositif en vigueur. Je pense qu’il est utile et que nous avons bien travaillé ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plusieurs tentatives pour imposer le travail du dimanche – je pense à divers textes précédents –, nous arrivons donc au terme de l’examen de cette proposition de loi de commande, qui restera dans l’histoire comme une loi de circonstance destinée à amnistier des actes illégaux.
La lecture de l’annexe 2 du rapport, où figure la liste des futurs PUCE, prouve à l’évidence que cette liste colle parfaitement aux situations litigieuses. Ainsi, les surfaces commerciales mentionnées pour mon département, le Val-de-Marne, sont Carrefour Pompadour à Créteil et Thiais Village. Or, cet hiver, Thiais Village a opportunément reçu la visite de deux membres du Gouvernement un dimanche après-midi, alors que l’ouverture de cet ensemble commercial n’était pas autorisée…
Au cours de nos deux journées de débat, tous les arguments sur les risques de dérégulation des rythmes de vie de notre société, notamment des rythmes de vie familiale, ont pu être développés. Mais, comme cela vient d’être rappelé, la volonté d’obtenir un vote conforme a primé ! Tous nos amendements ont été balayés d’un revers de main, tant le Gouvernement semble désireux de faire adopter à tout prix ce texte en urgence, l’été, pendant que les salariés sont en vacances.
Au-delà des arguments sur le « volontariat » ou « les majorations de salaire », qui sont bien peu convaincants au regard des conditions qui seront faites aux salariés, la question majeure qui demeure est celle de la société que nous voulons construire : solidaire ou éclatée ?
Hélas, ce texte constitue une brèche considérable dans notre modèle social, en remettant en cause un acquis de plus d’un siècle qui permettait d’avoir une journée de repos commun et de temps partagé. Qu’il soit passé en commun ou consacré à d’autres activités, comme le bénévolat ou les loisirs, ce temps partagé est aussi important pour la vie de famille que pour la cohésion de notre société.
Comment tous ces salariés fragilisés, précarisés et contraints d’accepter de travailler le dimanche, parfois pour tenter d’améliorer un pouvoir d'achat bloqué, pourront-ils trouver le temps nécessaire à leur vie personnelle et culturelle ? De surcroît, et cela a été souligné à plusieurs reprises, ces salariés sont majoritairement des femmes avec des charges de famille qui devront faire garder leurs enfants pour aller travailler le samedi et le dimanche. À défaut, elles seront obligées de les laisser seuls à la maison ou dans la rue…
Monsieur le ministre, face à cette société de consommation à outrance que vous semblez vouloir construire, certains de mes collègues ont parlé de « civilisation du caddy » et de « culture de supermarché ». Pour ma part, ce n’est pas l’idée que je me fais du développement de la personne humaine et de la famille en ce début de XXIe siècle.
C’est pourquoi je voterai résolument contre cette proposition de loi, qui porte en elle tous les ingrédients d’une généralisation du travail du dimanche. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, lors de l’ouverture de ce débat, vous nous avez déclaré de manière assez solennelle que si la présente proposition de loi était destinée à généraliser le travail le dimanche, vous ne l’auriez pas défendue.
Mme Raymonde Le Texier. Nous vous avons entendu.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais nous avons entendu beaucoup d’affirmations contradictoires !
Mme Raymonde Le Texier. Aussi, pendant les débats, nous avons d’abord rappelé le non-sens économique que constitue ce texte, qui ne créera pas de croissance et qui détruira des dizaines de milliers d’emplois dans le commerce de proximité.
Nous avons également tenté de démontrer que de telles extensions du travail dominical généraliseront de fait, et à court terme, ce dernier. Et pas n’importe quel travail dominical : dans la majeure partie des cas, il s’agira d’un travail du dimanche obligatoire, sans bonus de salaire et sans repos compensateur.
Manifestement, la première victime de ce texte sera « la France qui se lève tôt », pourtant si chère au Président de la République. La France des travailleurs devra dorénavant se lever tôt le dimanche aussi, et pour pas cher, si elle ne veut pas aller grossir les rangs des chômeurs !
En outre, nous avons essayé de vous dire la gravité d’un tel changement sur la vie de nos concitoyens. Des familles auront encore plus de difficultés à être réunies. Des mères seules devront laisser leurs enfants en garde non seulement pendant la semaine, mais également le dimanche. Des pères et des mères divorcés devront reporter le week-end sur deux où ils voient leurs enfants, car ils travailleront ce week-end et peut-être également les autres week-ends... Et que dire du temps disponible pour soi, pourtant nécessaire pour des projets personnels ou des activités associatives ou spirituelles ?
Travailler et consommer, consommer et travailler, est-ce là tout ce que vous avez à proposer comme projet de civilisation ?
Certains de nos plus bruyants collègues de la majorité nous ont répété avec arrogance que nous ne comprenions rien à la réalité du commerce et aux nécessités de l’économie. Au risque de les décevoir, je leur répète une dernière fois que nous en comprenons très bien les tenants et les aboutissants ! Et c’est bien parce que nous les comprenons que nous décidons sciemment que la priorité n’est pas là. Vous nous parlez du commerce ; nous vous parlons d’hommes et de femmes. Vous nous parlez de chiffre d’affaires ; nous vous parlons des Français.
Faire passer les gens avant les centres commerciaux est notre devoir de responsables politiques et notre engagement de socialistes.
Maintenant, les choses sont claires : ce texte sera sans pitié non seulement pour des millions de travailleurs, mais également pour la société dans son ensemble.
Comment ne pas voir que les individus ont besoin d’un temps de repos commun pour vivre véritablement ensemble, et non pas juste à côté les uns des autres ? C’est parce que le temps de repos est commun au plus grand nombre qu’il devient le temps du lien social, du partage et du rassemblement. D’un simple point de vue anthropologique, le repos commun, en l’occurrence le dimanche, est tout simplement une condition sine qua none pour constituer une société humaine.
Malgré vos dénégations et toutes vos tentatives pour réduire ce texte à sa seule dimension technique, vous ne me ferez pas croire que vous n’en voyez pas les enjeux sociétaux. Avec ce texte, le Gouvernement s’est livré en toute conscience à un abus de rhétorique pseudo-sociale.
D’ailleurs, voici une dernière preuve que ce texte est bien un texte politique et idéologique, et non un texte technique ou de régularisation, comme vous nous le répétez inlassablement. Le Président Nicolas Sarkozy lui-même a dit de ce texte qu’il était la marque de l’UMP. Nous avons pu le vérifier en considérant les conditions dans lesquelles le débat s’est déroulé. Ce fut un déni absolu de démocratie qui a abîmé l’image du Sénat ; cela a déjà été dit.
L’opposition a déposé 121 amendements ; aucun n’a été retenu, pas plus en séance qu’en commission. La consigne du vote conforme, rapide et sans bruit a été donnée en haut lieu.
Du côté de la majorité, de l’UMP en particulier, il n’y a eu ni intervention, ni amendement, ni débat, à l’exception de deux ou trois collègues un peu plus courageux, qui ne se couchent pas forcément quand l’Élysée crie : « Au pied ! »
Notre collègue Yves Daudigny nous a rappelé ce matin la règle qui devrait présider à toutes nos actions de parlementaires : « Tu te soumettras à la règle que tu as créée ! » Êtes-vous sûrs, mes chers collègues, de vouloir pour vos petits-enfants l’avenir que vous êtes en train d’écrire ligne par ligne ?
Parce que nous nous inscrivons dans l’héritage de ceux qui se sont battus pour améliorer sans cesse la condition humaine, parce que la modernité, c’est de protéger l’humain, et non de l’abîmer, le groupe socialiste votera résolument contre cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La discussion de cette proposition de loi a été une véritable caricature du travail parlementaire et un exemple du mépris le plus total du Gouvernement à l’égard de nos concitoyens.
Le Président de la République veut imposer l’extension du travail du dimanche. Je dis bien « l’extension ». Certains n’ont de cesse de prétendre que la proposition de loi réaffirme simplement le principe du repos dominical et confirme des dispositions existantes. C’est faux ! Mes chers collègues, vous aurez beau proférer autant de contrevérités que vous le souhaiterez, cela n’en fera pas des vérités pour autant. Ce texte étend la possibilité du travail du dimanche dans le commerce.
Je suppose que, pour le Président de la République, la généralisation du travail du dimanche dans le commerce doit être le « must » de la modernité. Son credo à lui, c’est « boulot-conso » pour le bon peuple, enfin pour ceux qui ont un emploi, car je rappelle que nous avons 10 % de chômeurs, et « tourisme-shopping international » pour quelques-uns !
Pourtant, le travail du dimanche a été refusé par le Parlement à maintes reprises. Le Gouvernement est donc pressé de faire passer la pilule. Comme il ne veut pas s’embarrasser de discussions avec les organisations syndicales, il a fort opportunément sous le coude une proposition de loi d’un député de la majorité.
Aucune étude d’impact – les parlementaires y sont pourtant très attachés – sur les effets économiques escomptés n’est envisagée. On verra plus tard, nous dites-vous… Avouez que c’est tout de même ennuyeux. Avant d’adopter une loi visant à étendre le travail du dimanche, loi qui portera un coup sévère aux garanties et aux protections des salariés et qui aggravera la précarité, déjà si répandue dans notre pays, il serait tout de même utile d’obtenir des informations sur les effets économiques escomptés, c'est-à-dire sur le solde entre emplois créés et emplois supprimés. Il est vrai qu’il ne s’agit pas des mêmes patrons, c’est peut-être là une raison.
Comme l’ont dit nos collègues, l’intitulé de la proposition de loi est un modèle de duplicité.
La majorité de l’Assemblée nationale ayant enfin adopté ce texte, sans doute sous d’amicales pressions, il vous fallait conclure. Pour vous, le Sénat est une formalité, mais elle est obligatoire. Dès lors, les sénateurs de la majorité n’ont rien trouvé à modifier, pas même une virgule. Quant à l’opposition, elle peut toujours parler. D’ailleurs, le Parlement devient le lieu privilégié des bavardages stériles.
Il subsiste des interrogations sur les inégalités de salaires entre les différentes catégories de salariés du dimanche, le droit à récupération, l’imbrication des statuts, l’inégalité des statuts entre les différentes zones touristiques et les PUCE, l’impact économique, social, familial, écologique, etc.
Paris est la caricature dans la caricature. Tous les élus parisiens refusent d’étendre les zones touristiques déjà fort nombreuses, mais peu importe : le préfet décidera sans l’accord du maire !
Quid du conseil municipal élu ? Peu importe : on verra plus tard, éventuellement par décret. Le législateur n’a qu’à bien se tenir, il n’est pas là pour légiférer !
Nous sommes bien loin de la prétendue revalorisation du rôle du Parlement comme de la prétendue primauté des partenaires sociaux en matière de droits du travail. Nous avons vécu une parodie de débat, la négation du travail parlementaire, du bicamérisme et du Sénat.
Les touristes, plus précisément les riches touristes étrangers qui viennent faire leurs emplettes le dimanche sur les Champs-Élysées et dans les grands magasins, étaient présents dans la plupart de vos interventions.
Les clients aussi ont été évoqués : ceux qui viennent s’acheter des meubles le dimanche, en famille, en voiture, dans les zones de grande distribution !
M. Nicolas About. Pourquoi tant de haine !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais savez-vous que les salariés sont également des clients, y compris ceux qui travaillent le dimanche, quand ils gagnent suffisamment pour s’acheter des meubles et des lunettes ?
Il a été question des clients, mais jamais des salariés précaires, taillables et corvéables à merci. Voilà votre conception du rôle de législateur !
Vous êtes un certain nombre à vous être souvent opposés à l’extension du travail le dimanche. Vous semblez l’avoir oublié ; ce n’est pas notre cas. Bien évidemment, nous voterons résolument contre cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le repos dominical a été instauré, je l’ai dit hier, il y a plus d’un siècle. Qu’on le veuille ou non, il s’agit d’un des fondements de notre société.
On nous explique que les gens travailleront le dimanche, mais que le repos dominical sera garanti : il y a là quelque chose qui échappe à la compréhension du bon peuple !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, mais le bon peuple n’est pas très futé !
M. François Fortassin. Ce texte, incontestablement, porte un coup fatal à l’équilibre que nos prédécesseurs avaient créé.
En réalité, l’essence même de la politique et sa noblesse, c’est de corriger les tendances lourdes de la société. Aujourd'hui, ces dernières sont la consommation à outrance, le libéralisme, l’affaiblissement de la réflexion et des valeurs de la famille. N’est-ce pas notre rôle, quelles que soient nos sensibilités, de maintenir et de restaurer celles-ci ?
Bien entendu, il y aura toujours des consommateurs qui trouveront agréable qu’un magasin soit ouvert à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour le cas où ils auraient oublié de faire une course dans l’après-midi.
Mme Annie David. Bien sûr !
M. François Fortassin. Bien entendu, il y aura toujours quelques touristes pour flâner dans certains magasins. Croyez-vous pour autant que cette proposition de loi drainera beaucoup plus de touristes étrangers dans notre pays ?
Je vous donne rendez-vous dans quelques années pour faire le bilan.
Bien entendu, certains professionnels dont l’activité est liée au tourisme ont besoin de travailler le dimanche : il faut bien que les restaurateurs ouvrent le dimanche !
M. Nicolas About. Pourquoi ? Les gens peuvent manger chez eux !
M. François Fortassin. Pour autant, est-il utile d’aller aussi loin que ce que vous proposez aujourd'hui ? Nous aurions pu accepter intelligemment quelques dérogations supplémentaires, qui auraient réglé beaucoup de problèmes. En termes d’aménagement du territoire, je crains qu’avec ce texte nous n’ayons mis le doigt dans un engrenage très dangereux.
Quant à la forme, qui est convaincu ici, en son âme et conscience, que le vote conforme était indispensable ?
Dans dix ans, nos enfants ou nos petits-enfants nous diront qu’ils pensaient que le Sénat avait pour mission d’améliorer les textes de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a plus de Sénat !
M. François Fortassin. Nous allons voter aujourd'hui un texte auquel vous n’avez pas changé une seule virgule. Croyez-vous qu’on arrivera à leur faire croire…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … qu’on sert à quelque chose ?
M. François Fortassin. … que nous avons travaillé en profondeur ? Certainement pas, surtout au cœur des vacances !
Tout cela est assez dangereux.
Par ailleurs, demander à un sénateur de retirer un amendement en lui promettant que la disposition sera satisfaite par décret, alors qu’elle relève du domaine législatif, c’est une entorse considérable au travail du Sénat.
M. Jean Desessard. C’est formidable !
M. François Fortassin. La plupart de mes collègues du groupe RDSE et moi-même, nous ne voterons pas en faveur de ce texte. Nous espérons, comme cela a été le cas à l’Assemblée nationale, qu’un certain nombre de sénateurs de la majorité feront de même.
Quoi qu’il en soit, cela ne changera pas le fond du problème. Ce soir, certains d’entre nous auront le sentiment d’avoir gagné, d’autres celui d’avoir perdu. Mais le grand perdant dans cette affaire sera le Sénat ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous pouvez toujours vous livrer à toutes les incantations que vous voulez et clamer que le Sénat a une importance considérable. Le Sénat doit être l’assemblée - même si la majorité soutient le Gouvernement - capable de dire stop quand on lui propose - pardonnez-moi ce langage peu châtié - des conneries !
C’est le fond du problème. Notre vote ne changera pas fondamentalement la face du monde, mais le Sénat, ce soir, ne sort pas très glorieux de la façon dont nous avons travaillé pendant trois jours. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous me pardonnerez, m’exprimant pour la première fois en qualité de président du groupe de l’Union pour un mouvement populaire au Sénat, d’être un peu plus long qu’il ne conviendrait de l’être à cette heure tardive.
M’exprimant au nom d’un groupe qui s’est efforcé à la sobriété tout au long du débat (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.),…
M. François Fortassin. Vous maniez la casuistique à la perfection !
M. Gérard Longuet. … j’emprunterai aux temps de parole, dont certains ont longuement abusé, quelques minutes pour exprimer les convictions fortes d’un groupe largement rassemblé, mais qui, je le reconnais, n’est pas unanime sur cette question.
L’UMP est cependant unanime pour remercier M. Isabelle Debré du travail qu’elle a accompli (Applaudissements sur les travées de l’UMP.).
Je salue à la fois sa compétence, sa patience, sa courtoisie et sa conviction que le Sénat est au cœur de ses responsabilités lorsqu’il apporte une réponse immédiate à des questions concrètes, que plusieurs gouvernements et plusieurs majorités avaient refusé de traiter, laissant se dégrader la situation juridique et sociale de milliers de salariés et de centaines d’entreprises.
Nous n’avons pas voulu, en cet instant, rouvrir le débat de la valeur morale et spirituelle, de la valeur sociale, sociétale, pour reprendre un terme à la mode, du travail. J’en parlerai cependant.
Nous avons souhaité, et j’emprunterai ma démonstration à Nicolas About s’exprimant à la fin de la discussion générale au nom du groupe de l’Union centriste, apporter une réponse pratique, insuffler de l’harmonie et de l’ordre juridique là où tant de gouvernements avaient accepté le désordre et fermé les yeux, tolérant l’hypocrisie et permettant toutes sortes d’excès et d’abus ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous sommes aujourd'hui dans un travail de régulation et de mise en ordre.
Cependant, puisque nous avons été sobres dans notre expression, je souhaite vous expliquer pourquoi le groupe de l’UMP, qui a travaillé collectivement sur ce sujet, qui s’est réuni, qui a débattu, qui a examiné les points de vue des uns et des autres,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. Gérard Longuet. … soutient dans son immense majorité la proposition de loi du député Richard Mallié et a accepté le principe d’un vote conforme pour mettre fin à des désordres qui déshonorent l’esprit républicain (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG ainsi que sur certaines travées du RDSE.), qui est d’apporter à chacun des règles du jeu transparentes, prévisibles et égales sur l’ensemble du territoire.
Le travail est un lien social, créateur de richesses, d’épanouissement individuel, et qui dépend très largement, reconnaissons-le, de règles du jeu qui, elles-mêmes, découlent de conditions techniques.
La France agricole, cher André Lardeux, fut en effet, durant des siècles, une France catholique, vivant dans de petites communautés rassemblées autour de leur clocher, et qui, rythmée par les saisons, s’efforçait de tirer la meilleure valeur de la terre pour nourrir difficilement une population souvent accablée par les disettes.
À cette époque, permettez-moi de le dire, chers collègues, il n’y avait en période de moisson, de fenaison ou de vêlage ni dimanche, ni samedi, ni 35 heures : il y avait le travail collectif, ce qui n’a jamais empêché ces communautés de mener une joyeuse vie religieuse et familiale.
Mme Odette Terrade. Nous ne sommes plus au xvie siècle !
M. Gérard Longuet. Heureusement, nous nous sommes libérés de cette dépendance et la révolution industrielle a introduit des conditions nouvelles : maîtrise par la technique, société de l’électricité, mécanisation, production exonérée des contraintes du climat et de l’extérieur.
Ce n’est pas un hasard si les grandes lois sociales en Europe sont nées en même temps que la révolution industrielle. La révolution industrielle, en Allemagne comme en France, a permis, grâce aux grandes lois sociales, d’utiliser l’outil de productivité pour donner plus de confort et des règles du jeu plus égales à l’ensemble des travailleurs et des entrepreneurs.
Mme Annie David. Surtout aux entrepreneurs !
M. Gérard Longuet. Pour être élu de la Lorraine, donc de l’Est, je puis vous dire que de nombreuses lois sociales, au début de la révolution industrielle, sont venues d’Alsace et ont ensuite été généralisées à la France
Or nous sommes aujourd'hui dans une société de services commandée par la demande. Il y a encore cinquante ans, nous étions dans une société industrielle dominée par l’offre.
Dans une société industrielle dominée par l’offre, le producteur fixe les règles de production. D’ailleurs, le producteur, lorsqu’il en a besoin, accepte le travail continu. La loi de 1906 instaure le principe d’un jour de repos hebdomadaire, de préférence le dimanche. Mais la loi de 1906, comme les 180 dérogations le rappellent, n’a jamais interdit au législateur d’adapter les conditions de travail aux exigences de cette vie industrielle.
L’industrie s’imposait au consommateur et celui-ci attendait patiemment d’être servi. Depuis vingt ou trente ans, la situation s’est renversée.
Nous sommes entrés dans une économie de services qui est dominée par la demande, où ce n’est plus le producteur qui fixe les règles, mais bien le consommateur. Cette économie ne se caractérise plus par des activités industrielles répétitives mais, de plus en plus, par des activités de service qui, si elles s’adossent sur les richesses de l’industrie, apportent aussi des réponses à des demandes de plus en plus singulières.
Je fais mienne l’observation d’Hervé Maurey : si vous n’acceptez pas cette évidence, le fait que nous vivions dans une société de services commandée par la demande, vous ne pouvez pas comprendre l’attente de ceux qui font la richesse de l’économie, c’est-à-dire les consommateurs, ces personnes libres qui expriment leurs besoins. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Avec ce texte, nous fixons des règles afin que les demandes des consommateurs puissent être satisfaites dans le respect des droits des travailleurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Gérard Longuet. Nous reconnaissons la force et la liberté des consommateurs, mais nous leur demandons d’accepter un certain nombre de règles.
Mme Annie David. C’est dogmatique !
M. Gérard Longuet. Nous harmonisons les règles de travail dans les communes touristiques grâce à la création du PUCE, qui est un nouveau concept de société – vous ne pouvez pas le nier ! –, et au report bien modeste de l’heure de fermeture de douze à treize heures. Il suffit de se promener sur le boulevard de La Rochelle, à Bar-le-Duc, ou dans la rue des Martyrs, dans le IXe arrondissement de Paris, pour se rendre compte que treize heures, c’est déjà une heure limite !
Nous canalisons donc la demande des consommateurs afin que ceux qui les servent aient des conditions de vie tolérables.
Mme Annie David. Qui les servent ! Comme des serfs ! On en revient à l’époque des rois ?
M. Gérard Longuet. C’est de ce sens des réalités dont nous avons fait preuve à travers ce texte !
Certes, vous avez été privés, chers collègues de l’opposition, d’un certain nombre de débats. Je souhaite, pour ma part, que le Sénat puisse les avoir tous un jour. Je me réjouis, à cet égard, du nouvel intérêt que vous portez à ces sujets. Mais ce n’était pas le lieu de les traiter.
Vous avez, en quelque sorte, repris les arguments de Marie-Thérèse Hermange, qui nous a rappelé que Dieu s’était reposé le septième jour et que le dimanche était le jour du Seigneur. Je suis heureux d’apprendre que mes collègues de l’opposition veulent débattre de la laïcité active, tolérante et renouvelée. Mais vous reconnaîtrez que nous ne pouvions pas traiter ces sujets en deux jours : ils méritent davantage de préparation.
Notre tâche, dont s’est acquittée Isabelle Debré, était de résoudre, en concertation avec nos collègues députés, des problèmes immédiats et ponctuels qui constituent des désordres et sont une offense à l’égalité républicaine.
Nous n’avons pas eu l’intention de traiter, au travers de ce débat, de la nouvelle laïcité ; c’eût été présomptueux. Vous comprendrez donc que nous ne vous ayons pas suivi sur ce terrain : nous avons trop de respect pour ces valeurs pour bâcler un débat les concernant en quelques instants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce que vous racontez ? Nous avons parlé de la vie de famille !
M. Gérard Longuet. Dans le même ordre d’idées, vous nous avez expliqué que ce texte était la mort de la famille et que le rendez-vous du dimanche, la poule au pot du regretté bon roi Henri, n’était plus possible. C’est une aimable plaisanterie !
Nous apportons une solution à 1 % des salariés qui sont concernés par cette loi. Nous n’obligeons nullement les familles à consacrer la totalité de leur dimanche à la fréquentation des quelques grandes surfaces implantées dans les PUCE et des magasins situés dans les zones touristiques ! Nous donnons simplement une réponse à ceux qui en ont besoin, et ce sont certainement les familles monoparentales qui en profiteront le plus.
Si vous voulez ouvrir un débat sur la responsabilité des familles et sur le droit des enfants à avoir des parents qui s’occupent d’eux jusqu’à ce qu’ils soient autonomes, responsables et matures, je suis prêt à discuter avec vous ; mais je ne suis certes pas disposé à le faire au détour d’un texte qui ne les concernent pas directement ! Le sujet de la famille est trop grave pour être bâclé comme vous vouliez le faire.
Mme Annie David. C’est vous qui bâclez !
M. Gérard Longuet. Nous faisons œuvre salutaire en apportant une réponse immédiate à un problème que des majorités et des gouvernements successifs, en particulier ceux de gauche, n’ont pas su traiter pendant quarante ans (protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) : fixer enfin des règles claires à moins de 1 % des salariés français qui sont concernés par ces mesures. Sans revenir sur l’ensemble de ce débat, je dirai simplement que le Sénat a été totalement dans son rôle en apportant une réponse concrète à un besoin immédiat.
Nous l’avons fait dans le cadre du vote conforme. En tant que président du groupe de l’UMP, j’ouvrirai le débat au sein de mon groupe, mais je pense que mes collègues ne me contrediront pas. Nous aimerions tant, messieurs les ministres, que vous utilisiez la totalité des possibilités que nous offrent, fût-ce modestement, les procédures législatives, notamment les commissions mixtes paritaires, L’importance du sujet justifiait qu’il soit traité plus rapidement. Ce débat constitue une exception ; nous aimerions qu’il le reste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, il ne le restera pas ! Ils veulent à chaque fois un vote conforme !
M. Gérard Longuet. Nous avons tant à dire, en effet, que nous ne voudrions pas qu’un seul de nos collègues, fusse-t-il membre du groupe de l’UMP, soit frustré de la possibilité de s’exprimer !
Nous avons la fierté d’apporter une réponse à des salariés qui l’attendaient depuis quarante ans. C’est notre rôle, c’est notre valeur ajoutée et c’est notre dignité d’avoir fait ce que nos prédécesseurs ont toujours refusé de faire, par manque de courage. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui sont vos prédécesseurs ?
M. Gérard Longuet. Le courage, c’est parfois la capacité de trancher rapidement pour servir nos compatriotes, en rétablissant l’ordre républicain ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. En vous laissant tout le temps nécessaire, monsieur Longuet, j’ai salué comme il se devait votre première intervention en tant que président du groupe de l’UMP !
M. Gérard Longuet. Je vous remercie, monsieur le président, et je n’en abuserai plus !
M. Jean-Pierre Caffet. Je serai plus bref que mon prédécesseur, car ma collègue du groupe socialiste a parfaitement exprimé ce que nous ressentions à l’issue de ce débat.
Ces deux jours de débat resteront dans les annales du Sénat, mais ce ne sera malheureusement pas à l’avantage de notre assemblée. Il y a à cela trois raisons.
Premièrement, nous avons assisté durant ces deux jours, comme cela devient désormais la règle, à une sorte de parodie, de caricature de la démocratie parlementaire. Encore une fois, sur ce texte, le Gouvernement, en accord avec sa majorité parlementaire, nous a imposé un vote conforme.
Je constate, comme beaucoup dans cet hémicycle, notamment sur les travées de la majorité, que cette pratique se généralise et crée un vrai problème. Je le dis sereinement, mais avec une certaine tristesse : nous ne pourrons pas continuer longtemps à tenir des débats où l’opposition mais aussi la majorité sont muselées. (M. Jean Desessard applaudit)
J’ai en effet l’intime conviction que, dans ce débat, des majorités auraient pu se dégager autour de certains amendements, ce qui aurait permis d’améliorer le texte. Cela n’a pas été le cas. Je crains que le vote conforme sur un texte adopté à l’Assemblée nationale ne se transforme bientôt en un vote conforme sur un texte présenté par le Gouvernement en première lecture.
M. Nicolas About. Cela m’étonnerait !
M. Jean-Pierre Caffet. Nous le verrons peut-être lorsque nous examinerons le texte portant réforme des collectivités territoriales.
Pour conclure sur ce premier point, et je le dis avec une certaine gravité, je trouverais extrêmement regrettable qu’à l’impuissance organisée de notre assemblée s’ajoute un sentiment qui pourrait ressembler à de l’humiliation collective ! Et les humiliations collectives, comme vous le savez, sont les pires.
Deuxièmement, et c’est encore plus grave, cette impuissance organisée, qui devient une sorte de règle lors des débats au Sénat, porte sur un sujet particulièrement sérieux.
M. Longuet, au travers de son explication de vote, me donne d’ailleurs raison. Effectivement, il ne s’agit pas d’un texte anodin, d’un texte de toilettage ! Je ne suis pas d’accord, en revanche, avec ceux qui l’ont qualifié de texte d’amnistie, car cette attaque n’est pas justifiée.
Ce texte ouvre une brèche ; il fait sauter une digue patiemment construite pendant des décennies à force de compromis et de négociations.
Vous me donnez raison, monsieur Longuet ! Après avoir expliqué que ce texte réglait un certain nombre de situations et satisfaisait une catégorie de salariés, vous avez en effet livré votre véritable vision de la société : celle d’une société régie, organisée par la dictature des consommateurs.
M. Gérard Longuet. Cela s’appelle la liberté de choix !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La liberté, c’est beaucoup plus vaste ! Ce n’est pas seulement la liberté de consommer !
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur Longuet, on peut avoir une vision de la société différente de la vôtre !
Je souhaite que nous ayons un jour ce débat de fond, à condition, bien évidemment, que ce soit sur un texte que nous pourrons amender. Dans le cas contraire, à quoi servirait d’avoir ce débat ? Je préférerais, pour ma part, participer à des colloques savants !
Troisièmement, le Gouvernement et la majorité ont réussi, au détour de ce texte, à faire faire un bond de trente ans en arrière à la ville de Paris.
J’ai évoqué les amendements qui auraient pu être adoptés par l’opposition et une partie de la majorité. Je pensais notamment à ceux qui concernent le statut de Paris.
Vous avez attenté à la liberté communale et à la loi de 1975 qui a ouvert la porte à des élections municipales et à l’élection d’un maire à Paris, et vous avez remis en cause cet acquis fondamental qu’est l’administration de la capitale non plus par un préfet mais par des élus !
J’ai entendu bon nombre d’orateurs de la majorité sénatoriale affirmer que les élus étaient les mieux à même de dire ce qui est bon pour leur commune. Ce principe, qui prévaut partout en France, vous le refusez à Paris !
Pour ces trois raisons, nous n’accepterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je serai brève, car j’ai eu l’occasion de m’exprimer tout au long de ce débat. Mais peut-on vraiment parler de débat ? Les interventions émanaient souvent des mêmes travées, et nous n’avons pas eu beaucoup de retours de la part de la majorité.
Article après article, j’ai pu expliquer la position de mon groupe sur ce texte. Nous n’avons jamais remis en cause ni la loi de 1906, ni les dérogations qui y sont associées, ni les dérogations actuelles en matière de travail dominical.
Je viens d’une vallée où l’on sait ce que c’est que travailler sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, car y sont implantées de nombreuses usines, notamment métallurgiques, et des papeteries. Malheureusement, elles cessent leur activité les unes après les autres. L’un des fleurons de l’industrie papetière de l’Isère a fermé en novembre 2008...
M. Gérard Longuet. Exact !
Mme Annie David. ... et l’usine d’aluminium l’année précédente.
Nous n’avons jamais nié que, dans ces entreprises, notamment dans les fonderies, il fallait travailler sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Mais ce que vous nous proposez, c’est autre chose !
Du premier jusqu’au dernier amendement déposé sur cette proposition de loi – dont l’intitulé valait d’ailleurs son pesant d’or ! –, et de la première jusqu’à la dernière explication de vote, tout n’aura été qu’une succession d’incompréhensions ou plutôt, et je penche plutôt pour cette version, de lutte des classes. Car il s’agit bien de cela : le retour à une société que l’on croyait disparue.
Lors de votre explication de vote, monsieur Longuet, vous avez utilisé un mot qui m’a quelque peu choquée. Vous avez parlé des personnes qui « servent » les consommateurs.
M. Gérard Longuet. Le service n’est pas déshonorant !
Mme Annie David. Ce mot « servir » me fait penser à des temps anciens que je croyais révolus, ceux des serfs et des rois. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Peut-être souhaitez-vous le rétablissement de cette société ?
M. Gérard Longuet. Et le service public ?
Mme Annie David. Ce n’est pas dans ce sens que vous avez employé ce terme, puisque vous parliez de commerce ! Les commerces, monsieur Longuet, ne sont pas des services publics !
M. Gérard Longuet. C’est le service des autres, madame, et c’est respectable ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Je me suis efforcée de vous écouter, monsieur Longuet, et je ne vous ai pas interrompu !
M. Gérard Longuet. Vous m’avez sollicité !
Mme Annie David. Tout comme vous, monsieur Longuet, lors de votre explication de vote, durant laquelle vous avez bénéficié des largesses du président de séance, permettez-moi d’aller au bout de mon intervention !
Nous n’adhérons absolument pas au retour à une ancienne société que vous nous proposez. L’intervention de Mme Odette Terrade était empreinte d’humanisme, celle de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat de colère, deux sentiments que je partage. C’est pourquoi je ne voterai pas la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je serai bref, car presque tout a été dit. (« Oui ! » sur plusieurs travées de l’UMP.)
Monsieur le président, je vous remercie, ainsi que vos collègues qui ont dirigé nos travaux, de la qualité de la présidence,…
M. Jean Desessard. … grâce à laquelle a été garantie l’expression de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs.
Je salue le fair play de Mme le rapporteur, bien que je désapprouve la méthode employée : procédure accélérée, demande de vote conforme, examen de 130 amendements en quelques heures, absence de connaissance de l’impact écologique et social des mesures qui nous sont proposées. Cependant, nous pouvons être rassurés : Mme le rapporteur a échangé en permanence des coups de téléphone avec son homologue de l’Assemblée nationale. C’est important ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
De toute façon, l’histoire avait mal débuté : la proposition de loi a pour origine les pratiques illégales de certains dirigeants de la grande distribution. C’est mauvais signe lorsqu’il faut élaborer une loi d’amnistie pour cacher quelque chose.
Le débat a donc été engagé et le travail dominical banalisé. Mais ce qui est vraiment regrettable, c’est que le texte que nous examinons et qui pourrait être le seul à être adopté conforme est, en réalité, la suite d’un processus. Monsieur Larcher, vous avez le droit de penser que la valorisation des travaux parlementaires suit son cours, mais, dans les faits, elle est mal partie.
La proposition de loi qui nous a été soumise aurait pu nous permettre d’aborder de grands sujets, tels les services, le tourisme, le changement d’activité, l’action des salariés, des consommateurs, de la famille, une organisation différente de l’offre de services. Tel n’a pas été le cas. Le texte ne procédant, prétendument, qu’à des ajustements techniques, le vrai débat, n’opposant pas obligatoirement la droite à la gauche, n’a pas eu lieu ; les questions du commerce de proximité et des rythmes de vie n’ont pas été posées. Seuls ont donc été évoqués des ajustements techniques, comme si vous accompagniez la dérégulation.
Je remercie le président du groupe UMP qui a été clair.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la raison pour laquelle il est président !
M. Jean Desessard. Il nous a dit qu’il était temps d’adapter le code du travail à la nouvelle économie. Auparavant, les producteurs commandaient. Il fallait donc les freiner et mettre en œuvre une régulation sociale. Maintenant, c’est le consommateur qui est aux commandes ; les impératifs ne sont plus les mêmes : nous devons donc adapter la législation et élaborer le code du travail en fonction des services et de la consommation. Voilà qui est clair ! J’aurais aimé que nous débattions pendant deux jours de cette question au lieu que l’on nous répète que le texte ne changeait rien et ne visait qu’à des ajustements techniques.
Nous savons bien que vous opérez des changements puisque vous banalisez le travail du dimanche !
Selon nous, sur le fond, la proposition de loi illustre une fois de plus la politique de remise en cause des acquis sociaux, notamment ceux du pacte du Conseil national de la Résistance.
Comme je vous l’ai déjà indiqué, les salariés les plus faibles seront les premières victimes. Comment refuser de travailler le dimanche lorsque l’on vit dans la précarité ? Les personnes concernées vont sacrifier leur vie personnelle et familiale pour un gain supplémentaire faible, voire nul, puisque les grandes surfaces vont être autorisées à ouvrir le dimanche, sans contrepartie pour les salariés, dans les zones touristiques, qui, immanquablement, vont s’agrandir.
On peut aussi s’inquiéter pour les commerces de proximité, car, je le répète, vous avez fait un cadeau à la grande distribution,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est constant ! C’est leur objectif !
M. Jean Desessard. …qui, selon vous, s’organisera pour offrir les services adéquats aux consommateurs.
Au-delà de la régression sociale que représente ce texte, vous nous imposez un changement de modèle de société. À l’heure où nous prenons enfin conscience de la finitude de notre planète (Sourires sur les travées de l’UMP.), nous devons repenser, si je puis dire, nos modes de consommation.
Un débat politique aurait pu s’engager sur ce sujet. Les écologistes n’estiment pas qu’il faille consommer toujours plus. Afin de limiter l’épuisement des ressources naturelles, notamment énergétiques, il faut au contraire travailler moins pour limiter notre consommation et polluer moins. La surconsommation est foncièrement liée à la suractivité humaine. Désormais, nous devons nous diriger vers un mode de consommation plus durable et ne pas rester dans la logique du « produire plus pour consommer plus ». Organiser la société autour de la consommation est aujourd’hui dangereux et obsolète. Il faut penser à un autre mode de développement. Le rôle du Parlement est de légiférer pour accompagner les mutations sociales et économiques nécessaires et pour anticiper les changements de société.
Aujourd’hui, vous, vous accompagnez la dérégulation sociale, le libéralisme mondial. Pour notre part, nous pensons qu’il faut non pas se soumettre au profit économique, mais favoriser le développement de l’homme et la préservation de l’environnement.
C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs Verts voteront contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux tout d’abord féliciter Mme Dini, présidente de la commission, dont le baptême du feu n’a pas été très facile, ainsi que Mme le rapporteur. Bien que ne partageant pas ses analyses et son point de vue sur la question dont nous avons débattu, force est de reconnaître tant sa compétence que son travail. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté des réponses que vous nous avez apportées. Cela étant, malgré vos explications, la complexité des dispositifs mis en place et quelques incertitudes demeurent. Ces dernières, selon moi, seront source de difficultés dans les mois et les années qui viennent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut les lever !
M. André Lardeux. Lors de la discussion générale, j’ai expliqué les raisons de mon opposition à la présente proposition de loi. Aucun propos ne m’a amené à modifier mon jugement. Ce texte est un premier pas dans la direction d’un changement de fonctionnement de notre société, la petite clé qui permettra d’ouvrir un certain nombre de portes dans les années à venir. Deux points en témoignent.
Tout d’abord, les PUCE sont créés. Ces périmètres sont réservés, à l’exception notable de l’agglomération lyonnaise, aux agglomérations de plus d’un million d’habitants. Mais ce critère me semble une digue bien fragile. Il sera assez facile de le modifier et de le réduire à 500 000 ou 300 000 habitants. Dans certains secteurs, cette revendication se fera jour assez rapidement.
Par ailleurs, certains amendements déposés par quelques collègues fidèles à leurs convictions – je ne leur en veux pas, ils sont tout à fait fondés à le faire -, tendaient à aller beaucoup plus loin que le texte actuel. Certes, ils ont été retirés.
Mme Annie David. Eh oui !
M. André Lardeux. J’estime donc qu’à l’avenir nous devrons débattre encore de ces sujets, mais non pas, malheureusement, pour limiter le travail du dimanche.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur Plan-de-Campagne. Certes, ce n’est pas le centre du monde, mais convenez avec moi qu’il a été un laboratoire pour élaborer la présente proposition de loi.
En quarante-trois ans, l’ouverture le dimanche n’a pas fait la preuve de son efficacité économique et sociale. Elle a simplement répondu aux désirs d’une société de consommation. Dans cette zone à commerces constants, l’emploi a peu évolué et le chiffre d’affaires, évidemment lié au pouvoir d’achat des consommateurs, n’a pas enregistré une augmentation considérable. La précarité s’y est développée en raison de salaires faibles, du temps partiel non choisi, de la multiplication des CDD, du travail toujours plus important d’étudiants.
De plus, l’environnement ne facilite pas le travail du dimanche : absence de commissariat pour assurer la sécurité, de crèche, de garderie interentreprises, de gare, de bureau de poste.
Pendant ces deux jours de débat, vous nous avez vanté, monsieur le ministre, madame le rapporteur, les bienfaits de la négociation collective.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, un accord avait été négocié avec les organisations syndicales et patronales et les collectivités, afin d’assurer un retour au droit commun de manière progressive en programmant des investissements nécessaires pour favoriser l’attractivité, l’accessibilité et la sécurité de la zone et en appliquant des mesures permettant de limiter les conséquences négatives sur le chiffre d’affaires des commerces et sur l’emploi. Le préfet était favorable à cette démarche.
Mais si, ce soir, la proposition de loi est adoptée, il sera mis fin à l’espoir de trouver un vrai consensus constructif, permettant un développement économique au bénéfice de l’ensemble de la population de cette zone : habitants, salariés, chefs d’entreprise. Telle n’est pas notre conception du dialogue et de la concertation. Je ne voterai donc pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis convaincue que cette proposition de loi donnera à la fois plus de liberté aux professionnels, plus de souplesse aux consommateurs et, surtout, assurera une protection accrue des salariés.
C’est avec beaucoup d’attention que nous étudierons, d’ici à un an, le bilan de cette réforme qui, j’en suis persuadée, sera positif.
Dans cette attente, permettez-moi de remercier mes collègues membres de la commission des affaires sociales de la confiance qu’ils m’ont témoignée, sa présidente, Muguette Dini, de sa présence et de son soutien tout au long de ces débats et vous tous, mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, de votre assiduité au cours de nos échanges, parfois vifs, mais toujours très riches. Débattre pendant dix-huit heures dans cet hémicycle, ce n’est pas rien !
Enfin, monsieur le ministre, je vous remercie de votre implication lors de l’examen de ce premier texte…
Mme Isabelle Debré, rapporteur. …en votre nouvelle qualité de ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. J’ai été heureuse de constater que nous partagions les mêmes analyses sur ce sujet très sensible. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette fin de session extraordinaire n’aura pas été un long fleuve tranquille. Ce texte sensible est arrivé au Sénat à un moment où la fatigue d’une fin d’année chargée contribuait à susciter quelques crispations…
Je tiens à revenir très brièvement sur les conditions dans lesquelles notre rapporteur, Isabelle Debré, a mené son remarquable travail. Pendant des mois, elle a rencontré notre collègue député Richard Mallié et participé à l’élaboration de sa proposition de loi. Au Sénat, elle a effectué de nombreuses auditions, auxquelles étaient conviés tous les membres de la commission.
Si je dois reconnaître que les délais de dépôt des amendements ont été très serrés, je tiens à rappeler que, au cours de la première réunion de la commission, tous ceux qui l’ont souhaité ont pu s’exprimer et les huit amendements déposés ont été normalement examinés.
Lors de la seconde réunion, où cent quarante amendements étaient étudiés, je n’ai pas noté que la méthode suivie était si différente de celle qui avait été mise en œuvre lors des travaux auxquels j’avais participé auparavant. Pour la plupart d’entre eux, les auteurs des amendements ont préféré réserver leur défense à la séance publique, ce qu’ils ont fait effectivement avec beaucoup d’énergie. Je tenais juste à apporter ces quelques précisions.
Mes chers collègues, vous avez été très nombreux sur toutes les travées, et cela jusqu’au bout de cette longue session extraordinaire.
Je tiens en particulier à remercier les présidents de séance, Gérard Larcher, Jean-Claude Gaudin, Bernard Frimat et Catherine Tasca d’avoir dirigé nos débats avec compétence, patience et souvent avec un sens de l’humour propre à apaiser quelques échanges toniques !
Mon dernier mot sera pour notre ministre, Xavier Darcos, pour lui dire combien je suis heureuse que mes premiers pas de présidente de commission aient accompagné les siens au Sénat en tant que ministre du travail.
Je profite aussi de la présence attentive de notre ministre chargé des relations avec le Parlement, Henri de Raincourt, pour lui demander de transmettre à ceux qui décident de l’ordre du jour une supplique : que le dernier texte de loi qui arrive au Sénat avant les vacances ne doive pas toujours être étudié par la commission des affaires sociales ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Annie David. En effet, c’est une habitude dont nous nous passerions bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Je ne dirai qu’un mot, car tout a déjà été dit.
Je voudrais moi aussi m’associer aux remerciements adressés à Mme le rapporteur, à Mme la présidente de la commission des affaires sociales et à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes tendances politiques confondues, qui êtes restés si tard en séance, qui vous êtes battus avec vos convictions et qui avez fait entendre vos voix.
Je remercie aussi le ministre chargé des relations avec le Parlement de m’avoir accompagné dans ce très long débat.
Non plus comme ministre, mais en tant que citoyen, je n’ai absolument pas été choqué par les convictions qui se sont exprimées et qui sont différentes de celles que la majorité a défendues ici à travers ses votes ; j’ai même été heureux de les entendre.
Toutefois, je crois qu’il y avait dès le départ un malentendu entre nous, qui persiste à mes yeux : cette proposition de loi vise à réguler,…
Mme Annie David. À déréguler !
M. Xavier Darcos, ministre. … à organiser, à contrôler et à limiter, et elle a été perçue au contraire par l’opposition comme un texte tendant à ouvrir les vannes, à supprimer toute limitation et à créer des conditions telles que, au fond, le repos dominical serait irrésistiblement emporté.
Telle n’était pas l’intention du Gouvernement, ni des auteurs de cette proposition de loi, et il est tout à fait dommage que nous n’ayons pu faire entendre que celle-ci, au contraire, était un texte d’équilibre et de raison, même si, je le répète, je respecte évidemment les positions exprimées par les uns et les autres.
Je veux saluer la majorité sénatoriale, qui a tenu bon. Il est vrai qu’il n’est ni facile ni agréable d’adopter un texte conforme. J’ai été sénateur et je comprends fort bien qu’il s'agit pour les parlementaires d’une véritable frustration.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une frustration de plus !
M. Xavier Darcos, ministre. Je voudrais donc féliciter les membres de la majorité de leur belle discipline.
Monsieur le président du Sénat, monsieur le président du groupe UMP, je crois que le Président de la République et le Gouvernement, une fois de plus, ont trouvé au sein de leur majorité une très grande confiance.
Je saluerai enfin la sagesse et la distinction de M. About, qui a joué dans ces débats un rôle d’équilibre et de modération et qui a apporté son soutien, certes avec des nuances, à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 210 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l’adoption | 165 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté définitivement.
8
Dépôt de documents parlementaires
M. le président. Le mercredi 22 juillet 2009, M. le président du Sénat a reçu :
dépôt d’une proposition de loi
- n° 580, 2008-2009 – Proposition de loi de MM. Michel Charasse, Yvon Collin, Gilbert Barbier, Jean-Michel Baylet, Jean-Pierre Chevènement, Mme Anne-Marie Escoffier, M. François Fortassin, Mme Françoise Laborde, MM. Jacques Mézard, Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Plancade, Robert Tropeano et Raymond Vall visant à inclure la détention d’un capital mobilier dans les critères d’accès à l’aide sociale, envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ;
dépôt de projets de loi
- n° 582, 2008-2009 – Projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État (procédure accélérée), envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ;
- n° 583, 2008-2009 – Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise, envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ;
dépôt de rapports de commissions
- n° 581, 2008 2009 – Rapport de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;
- n° 584, 2008-2009 – Rapport de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat, fait au nom des commissions mixtes paritaires chargées de proposer des texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte (n° 573, 2008-2009) et du projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances (n° 574, 2008-2009) ;
dépôt de rapport d’information
- n° 585, 2008-2009 – Rapport d’information de M. Jacques Legendre, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sur la circulation des œuvres audiovisuelles.
9
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
E 4598 : Projet de règlement de la commission modifiant le règlement (CE) n° 244/2009 en ce qui concerne les exigences d’écoconception applicables en matière de rayonnement ultraviolet des lampes à usage domestique non dirigées.
E 4599 : Projet de décision du Conseil portant adoption des règles relatives à la protection du secret des informations d’Europol.
E 4600 : Projet de décision du Conseil portant adoption des dispositions d’application régissant les relations d’Europol avec ses partenaires, notamment l’échange de données à caractère personnel et d’informations classifiées.
E 4601 : Projet de décision du Conseil établissant la liste des États et organisations tiers avec lesquels Europol conclut des accords.
E 4602 : Décision du Conseil modifiant la décision 1999/70/CE concernant les commissaires aux comptes extérieurs des Banques centrales nationales en ce qui concerne le commissaire aux comptes extérieur de la Banka Slovenije.
E 4603 : Proposition de virement de crédits n° DEC 23/2009 - Section III - Commission - du budget général 2009 (DNO).
E 4604 : Décision du Conseil portant nomination d’un membre hongrois du Comité économique et social européen.
E 4605 : Démission d’un directeur adjoint d’Europol.
E 4606 : Proposition de virement de crédits n° DEC 21/2009 - Section III - Commission - du budget général 2009 (DNO).
E 4607 : Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de Mmes Wivi-Ann Wagello-Sjölund, membre titulaire finlandais en remplacement de Mme Mirkka Mykkänen, membre démissionnaire.
E 4608 : Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de Mme Mirkka Mykkänen, membre suppléant finlandais en remplacement de Mme Wivi-Ann Wagello-Sjölund, membre démissionnaire.
E 4609 : Conseil de direction de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail - Nomination de Mme Fabiola Leuzzi, membre titulaire italien, en remplacement de M. Luigi Casano, membre démissionnaire.
E 4610 : Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de M. Hristo Simeonov, membre titulaire bulgare en remplacement de M. Nikolay Nikolov, membre démissionnaire.
E 4611 : Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de Mme Maria Bartolo Galea, membre titulaire maltais en remplacement de Mme Josephine Farrugia, membre démissionnaire.
E 4612 : Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail - Nomination de Mme Theresa Doyle, membre suppléant irlandais en remplacement de M. Tony Briscoe, membre démissionnaire.
E 4613 : Conseil de direction de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail - Nomination de Mme Theresa Doyle, membre titulaire irlandais, en remplacement de M. Tony Briscoe, membre démissionnaire.
E 4614 : Proposition de virement de crédits n° DEC 22/2009 - Section III - Commission - du budget général 2009 (DNO).
E 4615 : Conseil de direction de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail - Nomination de M. Pedro J. Linares, membre titulaire espagnol, en remplacement de M. Fernando Rodrigo Cencillo, membre démissionnaire.
E 4616 : Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de M. Miguel Ángel Aznar Nieto, membre titulaire espagnol en remplacement de M. Carlos López Monís, membre démissionnaire.
E 4617 : Conseil de direction de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail - Nomination de M. Stefan Hult, membre suppléant suédois, en remplacement de Mme Anna-Lena HultgǺrd Sancini, membre démissionnaire.
E 4618 : Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail - Nomination de M. Stefan Hult, membre suppléant suédois en remplacement de Mme Anna-Lena HultgǺrd Sancini, membre démissionnaire.
E 4619 : Règlement du Conseil excluant certains groupes de navires du régime de gestion de l’effort de pêche établi au chapitre III du règlement (CE) n° 1342/2008
E 4620 : Conseil de direction de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail - Nomination de M. Michal Ištván, membre suppléant slovaque en remplacement de Mme Elena Paliková, membre démissionnaire.
E 4621 : Comité consultatif pour la sécurité sociale des travailleurs migrants - Nomination de Mme Etela Kissova, membre titulaire slovaque, en remplacement de Mme Lucia Podhradská, membre titulaire démissionnaire.
E 4622 : Conseil de direction de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail - Nomination de M. Antti Närhinen, membre suppléant finlandais en remplacement de M. Juhani Pekkola, membre démissionnaire.
E 4623 : Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail - Nomination de Mme Christina Järnstedt, membre titulaire suédois en remplacement de M. Sven Bergström, membre démissionnaire.
E 4624 : Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail - Nomination de M. Michele Lepore, membre suppléant italien en remplacement de M. Lorenzo Fantini, membre démissionnaire.
E 4625 : Conseil de direction de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail - Nomination de M. Michele Lepore, membre titulaire italien, en remplacement de Mme Lea Battistoni, membre démissionnaire.
E 4626 : Décision du Conseil portant nomination d’un membre espagnol du Comité des régions.
E 4627 : Conseil de direction de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail - Nomination de M. Michel Martone, membre titulaire italien en remplacement de M. Valerio Speziale, membre démissionnaire.
E 4628 : Conseil de direction de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail - Nomination de M. Francesco Cipriani, membre suppléant italien en remplacement de M. Lorenzo Fantini, membre démissionnaire.
E 4629 : Conseil de direction de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail - Nomination de M. Konstantinos Petinis, membre titulaire grec en remplacement de M. Grigorios Peloriadis, membre démissionnaire.
E 4630 : Conseil de direction de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail - Nomination de Mme Triantafyllia Totou, membre suppléant grec en remplacement de M. Konstantinos Petinis, membre démissionnaire.
E 4631 : Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en œuvre de l’accord sous forme d’échange de lettres entre la Communauté européenne et le Brésil conformément à l’article XXIV, paragraphe 6, du GATT de 1994, et modifiant et complétant l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.
E 4632 : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE en ce qui concerne les exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations, et la surveillance prudentielle des politiques de rémunération.
E 4633 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz et abrogeant la directive 2004/67/CE.
E 4634 : Proposition de décision du Conseil autorisant la République fédérale d’Allemagne à proroger l’application d’une mesure dérogeant à l’article 168 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.
E 4635 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 539/2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation.
E 4636 : Proposition de décision du Conseil concernant la position à prendre dans le comité de coopération établi par l’Accord de coopération et d’Union douanière entre la Communauté économique européenne et la République de Saint-Marin en vue de l’adoption de la décision "omnibus".
E 4637 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation.
E 4638 : Recommandation de la commission au Conseil concernant la participation de la Communauté européenne aux négociations dans le cadre du protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, Jeudi 23 juillet 2009, à quatorze heures trente et, éventuellement le soir :
1. Conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale.
Rapport de M. Jean Faure, rapporteur pour le Sénat (n° 547, 2008-2009).
2. Conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.
Rapport de M. Hugues Portelli, rapporteur pour le Sénat (n° 550, 2008-2009).
3. Conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte.
Rapport de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat (n° 584, 2008-2009).
4. Conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances.
Rapport de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat (n° 584, 2008-2009).
5. Conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Rapport de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat (n° 581, 2008-2009).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 23 juillet 2009, à deux heures dix.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD