M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. J’indiquerai, pour rassurer Roland Courteau, que l’idée de la péréquation est inscrite au troisième alinéa de l’article 4 puisque les aides doivent encourager « la péréquation des coûts et des recettes sur le périmètre de chacun des schémas directeurs concernés ».
La commission ne formule pas d’opposition de principe à cet amendement – elle a d’ailleurs émis un avis de sagesse –, mais elle souhaite entendre le Gouvernement. En effet, si une part de l’emprunt national était affectée à ce fonds, il n’y aurait pas d’effet péréquateur, sauf indirect.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
L’idée de la péréquation, comme l’a indiqué M. le rapporteur, est bien inscrite dans le texte. Mais l’emprunt national, qui constitue un effort national orienté vers les investissements d’avenir, ou les fonds du plan de relance européen ne peuvent être soumis à péréquation.
Or, dans un futur proche, nous visons ces deux types de ressources plutôt que les ressources péréquatrices. En effet, en matière de péréquation, il est préférable de lancer d’abord les investissements, y compris dans les zones les plus denses, car il est nécessaire, pour faire de la péréquation, de disposer de ressources.
Cette modification sémantique ne nous semble ni appropriée ni juste eu égard à l’objectif immédiat. Elle peut, au contraire, créer une confusion : je pense notamment à la problématique de l’emprunt national. Il sera important dans ce cadre de donner de la visibilité à notre action et de permettre à nos concitoyens d’être informés sur l’utilisation des fonds qui pourront être levés. Le terme « péréquation » n’y participe pas dans le contexte que je viens de décrire. Le Gouvernement émet donc un avis tout à fait défavorable.
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Cette idée de péréquation nous tient à cœur, mais cela ne doit pas nous conduire à mettre en péril un certain nombre de ressources qui ne sont pas stricto sensu péréquatrices. Par conséquent, je me rallie à l’avis du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement ne me semble pas pertinent. Si nous instituons une péréquation, cela signifie que les territoires, mais eux seuls, sont solidaires, mutualisent leurs moyens, les équilibrent. Or, comme Mme la secrétaire d’État l’a expliqué clairement, il s’agit, en matière d’investissements dans les fibres optiques, de trouver des ressources issues d’autres revenus que ceux des territoires ; on sort donc de la péréquation pour faire appel à une solidarité plus nationale, comme le permet un fonds national.
Si vous ne voulez pas enfermer cette solidarité dans la seule péréquation des territoires entre eux et si vous voulez faire appel à d’autres ressources, notamment celles de l’entreprise à travers l’impôt d’État, il faut retenir la proposition de la commission, c'est-à-dire le fonds d’aménagement, et non le principe d’un fonds de péréquation limité aux seuls territoires.
M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 38 rectifié est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Oui, car c’est bien la terminologie qui convient en l’occurrence.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Leroy, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
de représentants des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et télécommunications électroniques
par les mots :
des associations représentatives des collectivités
Cet amendement n'est pas soutenu, et le sous-amendement n° 61 n’a donc plus d’objet
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je reprends l’amendement n° 15 rectifié bis, au nom de la commission, et le modifie pour y intégrer ce qui constituait le sous-amendement n° 61.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 15 rectifié ter, présenté par M. Retailleau, au nom de la commission de l'économie, et ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du I de cet article, après les mots :
de représentants des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et télécommunications électroniques
insérer les mots :
, de représentants des associations représentatives des collectivités territoriales
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Un fonds est créé, géré par un comité national paritaire, un peu comme le FACÉ pour l’électricité ; il associe à parité un certain nombre de représentants de l’État, des opérateurs et des collectivités qui ont élaboré les schémas.
L’idée était également d’inclure les grandes associations représentant les collectivités, par exemple les associations représentatives des communes, des départements et des régions. Cela va dans le bon sens, me semble-t-il, pour associer un maximum de représentants d’élus autour de la table.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable, compte tenu de l’insertion du sous-amendement n° 61.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié ter.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Teston, Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Collombat, Courteau, Raoul, Patriat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le fonds d'aménagement numérique des territoires est alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques dans des conditions fixées par décret.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement vise à revenir sur la suppression des ressources du fonds, mesure adoptée par la commission sur proposition de M. le rapporteur.
Dans le texte initial, le fonds d’aménagement numérique des territoires était alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à l’article L. 33-7 du code des postes et des communications électroniques dans des conditions fixées par décret. C’était une très bonne idée, monsieur Pintat.
S’il est apparu paradoxal à la commission d’entraver l’effort des opérateurs de télécommunications en créant une nouvelle taxe, nous ne faisons pas du tout la même analyse.
Dans son rapport, Bruno Retailleau estime qu’une telle taxe risquerait « de décourager les opérateurs d’investir dans les territoires et d’aboutir ainsi à un effet contraire à l’objectif de la présente proposition de loi ».
Par ailleurs, si nous avons bien lu son rapport, il considère que d’autres ressources, telles qu’une part de l’emprunt national, devraient venir abonder ce fonds, puisque ce sont des investissements structurants et porteurs de croissance à long terme, qui pourraient donc être alimentés par des crédits collectés dans le cadre de l’emprunt national.
L’existence du produit d’une nouvelle taxe aurait-elle exclu de facto l’utilisation de fonds collectés dans le cadre de l’emprunt national ? Nous ne le pensons pas et nous sommes donc favorables à plusieurs sources de financement, notamment des contributions versées par les opérateurs.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Terrade et Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le fonds d'aménagement numérique des territoires est alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques dans des conditions fixées par décret.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Il nous semble important de faire contribuer au fonds d’aménagement numérique des territoires les opérateurs qui engrangent des bénéfices importants, en rétablissant tout simplement cette disposition prévue par l’auteur de la proposition de loi. En période de désengagement de l’État, le financement ne peut rester à la seule charge des collectivités et des usagers.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
... - Le fonds d'aménagement numérique des territoires est alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques dans des conditions fixées par décret.
... - L'article 302 bis KH du code général des impôts est abrogé.
... - La perte de recettes résultant pour l'État des deux paragraphes précédents est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je ne serais pas choqué que ce fonds, dans la mesure où il est destiné à faciliter la couverture numérique du territoire, soit alimenté par les opérateurs. Demander à des opérateurs de prendre en charge une partie de la couverture numérique du territoire me semble en effet logique.
Cependant, je souhaiterais en contrepartie que soit supprimée l’obligation qui leur a été faite par la loi du 5 mars 2009 de financer la suppression de la publicité à la télévision, qui n’a rien à voir avec la couverture numérique des territoires.
Nous avions eu ici même un grand débat sur l’opportunité de la création de cette taxe. Je rappelle que cette taxe de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs correspond à 380 000 foyers de moins raccordés chaque année au réseau de fibre optique !
Je préfère que les fonds des opérateurs servent à la couverture numérique du territoire plutôt qu’au financement de la suppression de la publicité à la télévision. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les trois amendements.
S’agissant des deux premiers, comme vous l’avez indiqué, nous sommes au tout début du déploiement. Dans ces conditions, taxer les opérateurs serait la meilleure façon de les dissuader d’investir là où ils le peuvent. Ce serait là, à notre avis, un mauvais signal, et l’on aboutirait finalement à un effet parfaitement contre-productif au terme duquel il y aurait soit un retard du déploiement, soit un blocage de ce dernier.
Avec l’amendement n° 19, M. Maurey adresse un clin d’œil à ceux d’entre nous qui avions émis quelques réserves sur la création de cette taxe destinée à financer la suppression de la publicité. Mais cette taxe a été créée, et il est maintenant difficile d’y revenir. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Toutefois, je souhaiterais émettre une suggestion. Un comité de suivi a été, me semble-t-il, créé – je parle sous le contrôle de M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture – pour ajuster les ressources aux besoins réels de France Télévisions. (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)
Vous vous souvenez sans doute de ce débat : la taxe de 0,9 % du chiffre d’affaires des opérateurs a été fixée alors même que la redevance télévisuelle ne devait absolument pas être réactualisée. Or celle-ci a été actualisée, et la taxe a été maintenue. Il serait intéressant que ce comité de suivi dresse un bilan des ressources publiques qui avaient été instituées pour financer la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements, dans la mesure où il cherche à faire en sorte que chacun soit incité à investir, et à le faire au maximum de ses possibilités, et ce qu’il s’agisse d’une zone très dense, moyennement dense ou peu dense.
L’objectif du Gouvernement est de développer le plus vite possible le très haut débit sur l’ensemble du territoire. Pour ce faire, nous solliciterons les fonds européens mais aussi, comme je l’ai évoqué tout à l'heure, l’emprunt national, et recourrons tout naturellement à tous les investissements possible.
À ce stade du déploiement de la fibre optique, solliciter les opérateurs au moyen d’une redevance ne nous semble pas être un bon moyen, au contraire ! Celle-ci pourrait constituer un frein.
Nous sommes précisément en train de définir le cadre législatif dans lequel les opérateurs vont pouvoir déployer leurs investissements, car ils éprouvent quelques difficultés à trouver leur modèle économique. L’une des raisons est d’ailleurs due au fait que nos concitoyens, qui veulent certes tous bénéficier de la fibre optique, ont néanmoins du mal à envisager de payer pour disposer d’un débit supérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, interrogez les personnes qui vous entourent pour savoir ce qu’elles sont prêtes à payer pour profiter non plus du haut débit, mais du très haut débit. Vous verrez que la situation n’est pas stabilisée !
La rentabilité des investissements reste un sujet de débat, car cette perspective est assez confuse pour certains opérateurs.
En conséquence, il ne me semble pas du tout opportun de se lancer dans la voie d’une redevance. De toute façon, la Haute Assemblée aura d’autres occasions de revenir sur ce sujet. Dans l’attente, je préfère muscler mon argumentaire pour défendre le recours, dès l’automne prochain, à l’emprunt national.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 39 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ferai une remarque que Pierre Hérisson trouvera certainement triviale : nous sommes les grands spécialistes de la création de Fonds sans fonds ! Cela me rappelle le débat que nous avons eu à propos du Fonds postal national de péréquation territoriale !
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l’économie. Nous allons y revenir !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous avons créé un magnifique fonds alimenté par une exonération fiscale de La Poste ; tous nos amendements relatifs à son financement avaient été à l’époque bien évidemment vaillamment repoussés par Pierre Hérisson et la majorité. Nous verrons ce qu’il en sera de la suppression de la taxe professionnelle…
Quoi qu’il en soit, nous créons là encore un Fonds sans fonds ! On nous explique que celui-ci pourrait être alimenté de tellement de façons qu’il est inutile d’en prévoir une et que les zones rentables doivent être réservées au privé, tandis que celles qui ne le sont pas seront financées par le contribuable ! Voilà une bien étrange conception !
M. Roland Courteau. En effet !
M. Pierre-Yves Collombat. Je comprends bien qu’il faille inciter le plus possible les investisseurs à démarrer l’opération, mais il ne me semble pas fondamentalement injuste de prévoir que les bénéfices réalisés dans les zones rentables puissent aussi servir à financer le développement des zones qui le sont moins, d’autant que les conditions de ces participations seront vraisemblablement fixées par décret. La contribution des opérateurs n’interviendrait donc qu’après un retour sur investissement suffisant.
Il me semble parfaitement possible de mettre en place un dispositif de péréquation sans se priver d’autres ressources éventuelles, telles que les fonds européens ou l’emprunt national, et sans bloquer le processus de déploiement de la fibre optique que nous souhaitons tous.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie. Monsieur Collombat, vous aurez tout loisir d’établir des comparaisons et des parallélismes avec le Fonds postal national de péréquation territoriale puisque nous serons conduits dans quelques mois à procéder à la transposition de la directive postale !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est mystérieux !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. J’y insiste, la contribution que je propose est neutre pour les opérateurs dans la mesure où sera supprimée, en contrepartie, la taxe de 0,9 % du chiffre d’affaires qui leur est appliquée.
Le discours que l’on entend est assez paradoxal. En effet, on nous explique aujourd'hui qu’il ne serait pas opportun de demander aux opérateurs de consentir un effort pour couvrir l’ensemble du territoire, alors que, voilà à peine six mois, on estimait ces derniers suffisamment riches pour financer quelque chose n’ayant rien à voir avec leur activité, à savoir l’audiovisuel public ! J’avoue que j’ai peine à comprendre cette logique !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote sur l’amendement n° 19.
M. Hervé Maurey. Compte tenu des explications apportées, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par MM. Longuet, Pintat et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
I. - Au début de l'avant-dernier alinéa du I de cet article, ajouter une phrase ainsi rédigée :
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes détermine les zones dans lesquelles le seul effort, y compris mutualisé, des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et télécommunications électroniques ne suffira pas à déployer un réseau d'infrastructures de communications électroniques à très haut débit.
II. - Rédiger comme suit le début de la première phrase du même alinéa :
Dans ces zones, les aides...
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Cet amendement a pour objet à la fois d’afficher une conviction forte et de proposer une solution.
Nous sommes convaincus que l’ensemble de notre territoire, en dépit de sa diversité démographique, de la densité de population, des niveaux de revenus, doit pouvoir prétendre dans un délai raisonnable – le plus court possible ! – au très haut débit. Nous affichons donc une volonté très claire : aucune partie du territoire français ne doit se sentir condamnée à ne jamais bénéficier de cette opportunité.
Cet acte de foi extrêmement fort se double d’un dispositif dont nous reconnaissons l’originalité : confier à l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, dont l’autorité est reconnue, la mission de définir les territoires pour lesquels la solidarité nationale doit s’exprimer, afin que la politique d’aménagement du territoire leur permette d’accéder au très haut débit.
Notre collègue Pierre-Yves Collombat nous a reproché de créer un fonds qui ne serait pas alimenté. Mais comment diable alimenter un fonds avec des opérateurs dont le modèle économique n’a pas encore émergé et qui n’interviennent précisément pas pour l’instant dans ce secteur ?
Xavier Pintat a rappelé avec raison que le FACÉ, le Fonds d'amortissement des charges d'électrification, avait été créé en 1936, une date intéressante…
M. Roland Courteau. Doublement intéressante !
M. Gérard Longuet. … dans la mesure où la France était déjà très largement équipée en réseaux électriques et où elle avait une économie de l’électricité – essentiellement privée – extrêmement puissante,…
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Longuet. … qui desservait bien les grandes métropoles et les secteurs industriels et qui, il est vrai, ignorait souvent les territoires ruraux, même si des zones de montagne – le Massif central, les Pyrénées, les Alpes – ont été équipées en ressource et en distribution électriques bien avant certains centres industriels moins bien placés.
Le fonds de solidarité fonctionnait donc à un moment où les opérateurs privés – ce sont des électriciens privés – avaient une taille, une économie, une puissance suffisamment fortes pour que l’on puisse adosser à leur chiffre d’affaires une taxe de solidarité en faveur des territoires minoritaires.
Aujourd'hui, avec le très haut débit, nous sommes dans un cas de figure complètement différent. Les opérateurs se cherchent, ils n’ont pas encore établi de modèle économique : ils savent certes qu’ils doivent « y aller », comme l’on dit, parce qu’il s’agit d’un projet intéressant, mais ils n’en connaissent pas le coût.
Mes chers collègues, en économie comme parfois en politique, c’est un tort que d’avoir raison trop tôt. (M. Roland Courteau rit.) D’un point de vue économique, cela peut coûter cher ! Et il peut en être de même si l’on exprime trop tôt une conviction politique !
Si nous adossions le financement du fonds d’aménagement numérique des territoires aux seules ressources des opérateurs – naturellement ceux qui interviennent dans le numérique –, nous risquerions de condamner les territoires à ne jamais bénéficier d’une solidarité quelconque, car cette décision entraînerait deux effets pervers.
Premièrement, la perspective de cette charge pourrait décourager les investisseurs, ainsi que l’a souligné Philippe Dominati. Plus grave encore, la perspective d’une subvention dont on ne connaît pas les règles pourrait également encourager les investisseurs à attendre avant d’intervenir.
Le fait de confier à l’ARCEP la mission de définir les territoires devant faire l’objet d’un soutien de la collectivité nationale, dans des conditions qu’elle sera en mesure de maîtriser au fur et à mesure de la montée en puissance de l’économie numérique, lie l’État. En effet, dès lors qu’il s’engage, dans la loi, à créer un fonds de solidarité, il s’engage ipso facto à l’abonder. D’ailleurs, s’il oubliait de le faire, les nombreux élus locaux que nous sommes ici le rappelleraient à ses devoirs.
Je l’ai dit tout à l'heure, monsieur Courteau, la solidarité doit être assise sur une activité économique beaucoup plus large que celle des seuls opérateurs numériques. Elle doit être assise sur toute l’économie française à travers les ressources de l’État qui s’adossent à l’ensemble des activités françaises, à savoir les activités d’avenir, mais aussi les autres activités dont la solidité permet de financer l’avenir.
Tout en fixant un objectif de solidarité, cet amendement tend à ouvrir des perspectives, en confiant, il est vrai, une mission importante à l’ARCEP, celle de fixer les limites de ces subventions et de jouer un rôle de régulateur à l’égard de l’État, en définissant les sommes que ce dernier devra en quelque sorte provisionner dans le fonds d’aménagement numérique des territoires pour répondre à une demande qui émergera progressivement.
Tel est le sens de cet amendement que je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Leroy, est ainsi libellé :
Au début du troisième alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
Dans les zones déterminées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 24 ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. La commission est très favorable à cet amendement et tient d’ailleurs à remercier Gérard Longuet pour son implication personnelle dans la défense de ce fonds : les échanges ont en effet été nombreux en commission.
Le double objectif que notre collègue vient de rappeler – ne décourager l’investissement ni par la taxe ni par la subvention – résume bien la situation.
Cet amendement sert notre objectif commun, car il vise à réserver l’aide de ce fonds aux seules zones qui ne seront jamais rentables pour les opérateurs, notamment à la zone III. C’est la raison pour laquelle l’ARCEP déterminera le zonage – les zones I, II et III –, qui fait d’ailleurs aujourd'hui l’objet d’un consensus général entre les opérateurs, l’État et le régulateur. Ces précisions apportent un éclairage sur ce fonds.
Un certain nombre de collègues ont dû être un peu troublés par la comparaison qui a été faite tout à l'heure avec le fonds d’amortissement des charges d’électrification et ont dû se demander pourquoi ce dernier n’avait pas été transposé à la fibre optique. Mais, lorsque ce fonds a été créé en 1936, il y avait déjà des opérateurs privés sur lesquels asseoir cette péréquation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui prolonge l’idée sur laquelle l’ensemble du dispositif est fondé. Trois zones sont bien définies, avec des types d’investissement et des types d’encadrement différents, et il est entendu que le fonds d’aménagement numérique des territoires doit servir dans la zone III.
Dans l’idéal, il aurait toutefois préféré une formulation un peu différente. En ajoutant les termes « après consultation publique », on pourrait effectivement formaliser la concertation non seulement avec les collectivités locales, mais aussi avec les opérateurs.
Ma préférence irait vers un dispositif associant d’emblée les opérateurs, dans la mesure où la zone III, qui se caractérise par une rentabilité insuffisante et nécessite un investissement public, ne pourra être déterminée sans connaître la situation des opérateurs et sans savoir si ces derniers sont prêts à s’engager seuls, ou pas, sur cette zone.
Une telle modification me semblerait donc souhaitable.
M. Gérard Longuet. Je n’y vois pas d’objection !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Par conséquent, je suggère d’ajouter, après le mot « détermine », les termes « après consultation publique ».
M. le président. Monsieur Longuet, que pensez-vous de la suggestion de Mme la secrétaire d’État ?
M. Gérard Longuet. J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Longuet, Pintat et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et ainsi libellé :
I. - Au début de l'avant-dernier alinéa du I de cet article, ajouter une phrase ainsi rédigée :
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes détermine, après consultation publique, les zones dans lesquelles le seul effort, y compris mutualisé, des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et télécommunications électroniques ne suffira pas à déployer un réseau d'infrastructures de communications électroniques à très haut débit.
II. - Rédiger comme suit le début de la première phrase du même alinéa :
Dans ces zones, les aides...
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)