M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Jean-Pierre Godefroy. Une fois mis à la disposition des entreprises privées ou de leurs filiales, les personnels civils et militaires du ministère de la défense se retrouveront soumis aux dispositions du code du travail, avec des garanties bien moins importantes que celles prévues par leurs statuts.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que le dispositif reposera sur le volontariat – nous aurons l’occasion de reparler du volontariat la semaine prochaine à propos du travail dominical, mais c’est toujours la même chose : il ne fonctionne que dans un sens ! – et sur la possibilité de retour au ministère.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, je termine, monsieur le président.
C’est une illusion, monsieur le ministre, puisque, une fois la mission externalisée, le ministère n’aura plus l’utilité des compétences de ces personnels.
En cas de difficulté dans la société choisie pour l’externalisation, le chômage sera la seule solution pour ces personnels. C’est pourquoi, nous demandons la suppression de l’article.
Dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vous vous êtes réjoui d’avoir redonné vie à l’école des Mousses en créant 150 places. J’aurais aimé que vous vous réjouissiez d’avoir redonné vie aux écoles des apprentis de la marine, ces écoles qui étaient des modèles de promotion sociale, écoles républicaines s’il en est, écoles du mérite, ce qui ne devrait pas laisser insensible le Président de la République, mais écoles qui avaient comme grave défaut de former les ouvriers d’État à statut et des ingénieurs des constructions navales militaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je souhaite répondre à M. Jean-Pierre Godefroy, ce qui me permettra d’expliquer pourquoi je suis défavorable à tous les amendements qui seront présentés sur cet article.
Monsieur Godefroy, j’ai comme vous l’avantage d’avoir dans mon département un établissement de DCNS. Je connais donc un peu le problème.
En 2001, quand vous vous êtes opposé vous, monsieur Godefroy, au changement de statut proposé par le ministre de la défense de l’époque, M. Richard, la situation de la DCN était véritablement catastrophique. C’était un service de l’État qui fonctionnait très mal.
La DCN avait un plan de charge si peu fourni qu’il a fallu recourir aux collectivités locales, notamment à la région de Bretagne, …
M. Jacques Blanc. Qui avait un excellent président ! (Sourires.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. … pour lui donner du travail.
Nous avons été contraints de financer des plates-formes pétrolières, comme si c’était la vocation de la DCN !
Cette situation désastreuse a amené les ministres Sautter et Richard à envisager de changer le statut de la DCN pour la transformer en une société anonyme contrôlée par l’État puisque le capital est détenu à 100 % par l’État.
Personnellement, je crois aux histoires qui réussissent. Or c’est ce changement de statut qui a permis à DCN de se lancer sur un marché où la concurrence est extrêmement forte, de montrer la qualité et l’excellence de ses ingénieurs comme de ses ouvriers. Grâce à cela, elle a pu se présenter dans les meilleures conditions et mettre sur le marché les produits demandés.
Aujourd'hui, le plan de charge de DCNS est non seulement assuré, mais ce que DCN ne pouvait pas faire convenablement, DCNS le fait aujourd'hui fort bien grâce à son statut. Elle est devenue un exportateur dont les produits se vendent très bien : même le Brésil s’est récemment porté acquéreur !
Un des avantages du changement de statut est qu’il apporte beaucoup plus de souplesse et beaucoup plus de recettes, ce qui n’est tout de même pas négligeable !
La deuxième étape extrêmement importante a été la possibilité de procéder à des regroupements et à des synergies. DCNS, en raison d’ailleurs de sa bonne situation, a pu acheter Thales Naval, …
M. Jean-Pierre Godefroy. À quel prix !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. … ce qui la rend aujourd'hui extrêmement compétitive dans le domaine maritime. Elle offre des gammes de produits diversifiées.
Évidemment, des précautions ont été prises. Même si Thales est entré dans le capital de DCN, l’État domine : tout est contrôlé.
Cependant, aujourd'hui, quand DCNS doit fonder des filiales communes avec d’autres entreprises, ce qui est indispensable, elle ne peut pas le faire dans les conditions qui sont celles des entreprises publiques. Il faut lui donner beaucoup plus de souplesse. Si nous voulons demain mettre sur pied une Europe de la défense, dont vous regrettez suffisamment l’inexistence, il va falloir que nous puissions créer des partenariats industriels avec d’autres pays. DCNS, excellente entreprise, nous permettra d’y arriver.
Je ne vois pas en quoi ses filiales constitueraient aujourd'hui un danger. À partir du moment où l’État conserve une « golden share » ou une « action spécifique » qui contrôle à peu près l’intégralité de l’exercice dans toutes les filiales, même dans celles où il est minoritaire, je ne vois pas où est le risque de démantèlement.
Il n’y a, au contraire, que des avantages aux formules qui nous sont présentées, car elles permettront à DCNS d’étendre sa gamme et de réaliser un certain nombre d’opérations qui lui étaient jusque-là interdites.
Il s’agit d’un progrès qui, à mon sens, permettra l’achèvement du processus engagé en 2001. C’est le mérite de M. Richard de l’avoir ouvert. Nous en tirons les conséquences.
C’est pourquoi la commission est défavorable à tous les amendements qui iraient à l’encontre de cette bonne opération. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Rien à voir avec 2001 !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 10 rectifié est présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.
L'amendement n° 88 est présenté par MM. Godefroy, Boulaud, Reiner, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 123 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour présenter l'amendement n° 10 rectifié.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je rejoins tout à fait M. Godefroy.
N’ayant pas l’avantage d’avoir un établissement de DCNS dans mon département (Sourires), je me contenterai de poser quelques questions simples.
En réalité, il s’agit de permettre à DCNS de créer des filiales minoritaires,…
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est très important !
M. Jean-Pierre Chevènement. … alors que seule la création de filiales majoritaires est autorisée aujourd’hui. Par définition, quand on est minoritaire, on n’est plus le patron !
J’entends M. le président de la commission des affaires étrangères et de la défense nous parler d’une golden share, mais je n’en trouve nulle trace dans le texte. Nous ne savons même pas de quelles filiales minoritaires nous parlons : s’agit-il de se défaire de notre capacité à produire des sous-marins à propulsion classique ? (M. le ministre s’esclaffe.) S’agit-il d’entrer dans un consortium à dominante anglo-saxonne ou allemande ? Nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur la politique industrielle que vous entendriez mener…
M. Didier Boulaud. Elle n’existe pas !
M. Jean-Pierre Chevènement. … à partir du moment où le Parlement aurait donné à DCNS l’autorisation de créer des filiales minoritaires.
Rappelez-vous M. Tchuruk parlant d’« entreprises sans usines » : c’était le grand spécialiste de l’externalisation ! Il a si bien géré ce magnifique fleuron de notre industrie qu’était Alcatel-Alsthom que l’entreprise s’est passée de ses services, car on a estimé que ça suffisait comme ça ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Il y avait un salarié de trop !
M. Jean-Pierre Chevènement. Vous comprendrez qu’un tel exemple nous incite à éprouver une certaine réticence devant cette possibilité de créer des filiales minoritaires, on ne sait où, ni pour quoi faire !
Tel est donc l’objet de cet amendement de suppression. S’il s’avérait un jour nécessaire de créer de telles filiales, au nom d’alliances européennes, le Gouvernement pourrait toujours revenir devant le Parlement avec un dossier ad hoc et je suis persuadé que, les faits parlant d’eux-mêmes, nous nous laisserions convaincre.
M. Didier Boulaud. Ils sont champions du meccano industriel !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. M. Chevènement m’ayant posé une question précise, je souhaite lui apporter une réponse précise. Le démantèlement de DCNS n’est pas en jeu lorsque cette entreprise crée une filiale minoritaire avec Veolia, par exemple, pour éliminer les ordures ménagères des bases françaises. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Reiner. S’il ne s’agissait que de cela !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’article 10 permettrait ce genre d’opération. Je ne vois donc pas en quoi il poserait un problème.
M. Bernard Piras. Justement, ce n’est pas le problème !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 88.
M. Jean-Pierre Godefroy. La présentation de mon amendement me permettra de répondre à M. le rapporteur.
En 2001, le gouvernement de gauche et son ministre de la défense, M. Alain Richard, tout en changeant le statut de la DCN – même si j’y étais hostile, à titre personnel, pour des raisons que chacun connaît –, avaient pris la précaution très judicieuse et essentielle de faire de l’État l’actionnaire unique de l’entreprise. La logique qui prévalait à l’époque, et qui aurait continué à prévaloir si la majorité n’avait pas changé, consistait à faire en sorte que DCNS demeure une entreprise entièrement contrôlée par l’État.
Vous considérez, monsieur le rapporteur, que ce changement a permis à DCNS d’accéder à de nouveaux marchés. C’est possible, mais je n’en suis pas totalement convaincu. À mes yeux, ce sont surtout la compétence des ouvriers et des ingénieurs ainsi que la qualité du travail fourni qui permettent de gagner des marchés. D’ailleurs, les contrats passés entre 2001 et 2004 l’ont été sans qu’il soit besoin de créer des filiales minoritaires. Nous n’avons pas eu besoin, pour vendre des sous-marins Agosta et Scorpène au Pakistan et à l’Inde, de faire miroiter à ces pays la perspective de créer des filiales minoritaires, car ils s’en fichaient ; nous avons vendu nos bâtiments parce qu’ils étaient remarquablement conçus et construits, et compétitifs sur le marché international.
Quant à la construction de plates-formes pétrolières, c’était un leurre. Personnellement, je n’ai jamais vu DCN en construire !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Ah bon ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Une tentative a bien été faite à Brest, mais je n’ai jamais cru en cette solution. Une entreprise française s’était déjà lancée dans la fabrication de plates-formes pétrolières – il s’agissait de l’Union industrielle et d’entreprise, l’UIE, installée en Normandie –, mais elle n’a pas pu continuer parce que sa production n’était pas assez compétitive à l’époque. Mais il s’agit d’un autre débat.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cela a tout de même coûté cher à la Bretagne !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour revenir à vos projets actuels concernant DCNS, je ne suis pas du tout persuadé qu’ils la rendront plus attractive sur le marché international. En revanche, il existe un danger de voir disparaître la capacité industrielle qui fait la renommée de cette entreprise. Car c’est son cœur de métier qui est en cause !
MM. Jacques Gautier et Jacques Blanc. Et le temps de parole ?
M. Jean-Pierre Godefroy. On parle bien de cœur de métier à propos du Sénat ou des hôpitaux ! Dans une entreprise comme DCNS, le cœur de métier est incarné par ceux qui fabriquent, et non pas uniquement par ceux qui vendent.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, faites respecter son temps de parole par l’orateur !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous prenons le risque de perdre notre autosuffisance nationale dans la fabrication de ces matériels militaires. Quand nous aurons externalisé notre savoir-faire, nous serons dépendants d’autres pays, et nous pourrons rencontrer un jour des problèmes de construction.
Vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que l’idée germe dans l’esprit de certains… (Protestations sur les travées de l’UMP.) Si je vous dérange, je peux me taire…
M. Jacques Gautier. Trois minutes, c’est le règlement !
M. Didier Boulaud. Monsieur Gautier, hier, vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes !
M. le président. Je vous accorde cinq secondes pour conclure, monsieur Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je disais donc que l’idée germe chez certains d’assembler des sous-marins par tronçons qui proviendraient d’ici ou d’ailleurs. On perçoit là la volonté de faire en sorte que DCNS ne soit plus l’entreprise industrielle de fabrication qui nous est indispensable !
Merci de m’avoir accordé quinze secondes de plus pour dire ce que j’avais à dire, mes chers collègues. Je ne pense pas abuser de mon temps de parole dans cet hémicycle : il me semble donc mesquin de me reprocher un dépassement de quelques secondes. À moins que ce que je dis ne vous dérange vraiment… (M. Bernard Piras applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l’amendement n° 123.
M. Michel Billout. Certains débats méritent qu’on leur consacre du temps et il faut bien appeler un chat un chat !
L’article 10 de ce projet de loi, sous prétexte de donner à notre société nationale de construction navale, DCNS, la possibilité de mieux se développer à l’international et dans de nouveaux secteurs d’activité, prévoit tout à fait autre chose.
En effet, vous voulez faire entrer DCNS dans le droit commun des privatisations en assouplissant les conditions de création de filiales ou de prise de participations dans des entreprises où la société ne détiendrait plus qu’une part minoritaire. Parallèlement, vous modifiez les règles de mise à disposition des ouvriers d’État et de détachement des fonctionnaires.
Avec ces nouvelles dispositions, qui vont encore plus loin que la loi de décembre 2001, nous entrons effectivement dans un processus rampant de changement de statut de cette société d’un intérêt stratégique essentiel pour notre défense nationale.
Je crains que, en assouplissant les conditions dans lesquelles DCNS pourrait céder des branches de son activité à des entreprises extérieures au groupe, on ne franchisse, cette fois-ci, l’ultime étape du démantèlement de cette entreprise intégrée, d’autant que cette mesure s’accompagne de l’organisation d’une mobilité accrue de ses personnels de tous statuts.
Les personnels, toutes catégories confondues, et leurs organisations syndicales sont d’ailleurs légitimement inquiets pour leur avenir et pour celui de leur entreprise, qui privilégie de plus en plus la rentabilité au détriment d’objectifs de production industrielle.
L’état actuel de la législation permet pourtant déjà à DCNS de créer des filiales où elle est minoritaire, quand il s’avère nécessaire de rassurer des partenaires étrangers réticents à s’associer à une entreprise où les capitaux publics français sont majoritaires. Ainsi, l’entreprise a déjà créé des filiales minoritaires en Asie du Sud-Est ou en Italie.
Je me méfie d’autant plus de ces nouvelles dispositions que la loi de 2001 prévoyait que le Parlement puisse être régulièrement informé de la situation de DCNS. Or ces rapports réguliers n’ont jamais vu le jour !
M. Didier Boulaud. Évidemment !
M. Michel Billout. Je pense donc que ces nouvelles dispositions, prétendument nécessaires à de nouvelles alliances industrielles qui ne sont pas clairement définies, sont en fait révélatrices d’une politique industrielle de défense menée au coup par coup au niveau européen.
Monsieur le ministre, je ne vois pas comment la possibilité de céder des branches d’activité à des sociétés extérieures au groupe DCNS permettrait la préservation et le développement de nos bases industrielles et technologiques de défense, dont vous vous plaisez tant à vous faire le promoteur. J’y vois plutôt un danger certain de perte de notre maîtrise nationale sur le secteur stratégique de la construction navale militaire.
Pour cet ensemble de raisons, je vous invite, moi aussi, mes chers collègues, à voter la suppression de l’article 10.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. le président. M. le rapporteur a déjà exprimé son avis défavorable sur ces trois amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Si M. Richard, lorsqu’il était ministre, a massacré les crédits d’équipement des armées,… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
MM. Daniel Reiner et Didier Boulaud. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !
M. Bernard Piras. Vous verrez ce que l’on dira de vous dans dix ans !
M. Hervé Morin, ministre. … il aura à son actif une très belle réforme, qu’il a eu le courage de mener : la transformation de la DCN en société anonyme. Les sénateurs socialistes présents dans cet hémicycle en 2001 ont dû voter cette réforme, sans doute à l’exception de M. Godefroy…
Je suis très heureux d’assumer aujourd’hui la continuité d’une réforme engagée par le gouvernement de Lionel Jospin et qui a permis à DCNS d’être aujourd’hui une entreprise autour de laquelle nous pouvons mener les grandes restructurations industrielles dont nous avons tant besoin dans le secteur de la construction navale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit ce qu’il en est !
M. Hervé Morin, ministre. Nous nous trouvons dans une situation extraordinaire : les Européens, sur tous les marchés, se font concurrence en permanence, alors que vous connaissez le niveau des crédits budgétaires consacrés à la défense, en Europe, par rapport à d’autres concurrents.
Grâce à cette évolution statutaire et à la mesure que nous vous proposons d’adopter dans ce projet de loi, DCNS va pouvoir passer des accords de création de filiales avec d’autres entreprises européennes, où elle ne sera pas majoritaire mais où elle sera en mesure de contrôler une partie de l’entreprise.
Par exemple, nous voulons créer avec Finmeccanica une entreprise qui serait, pour la fabrication de torpilles, l’équivalent de ce qu’est MBDA pour la fabrication de missiles ; nous pourrons ainsi transférer une partie des actifs de DCNS et créer un acteur industriel majeur dans ce domaine.
M. Didier Boulaud. Il ne s’agit plus du ramassage des ordures !
M. Hervé Morin, ministre. Deuxième exemple : nous avons décidé de consacrer 100 millions d’euros à la déconstruction des matériels d’armement, et notamment de matériel naval. Je ne sais pas ce que fera DCNS dans ce domaine, mais qui vous dit qu’elle ne pourrait pas être l’un des acteurs, avec une autre entreprise française, de la déconstruction, que vous appelez d’ailleurs de vos vœux à Cherbourg, monsieur Godefroy ?
M. Jean-Pierre Godefroy. On peut déjà le faire !
M. Hervé Morin, ministre. Avec cette décision, nous ne faisons que poursuivre une évolution nécessaire, et Dieu sait si elle l’était ! On a tellement tergiversé dans le cas d’une autre entreprise qui s’appelait GIAT que nous avons été à deux doigts de ne plus avoir d’industrie d’armement terrestre. Or cette industrie renaît maintenant de ses cendres.
DCNS connaît la chance extraordinaire d’avoir des commandes représentant quatre années de chiffre d’affaires. Aucune autre entreprise européenne ne dispose d’une perspective à dix ou quinze ans, comme c’est le cas pour DCNS grâce à nos programmes de construction de SNLE ou de sous-marins Barracuda.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, pourquoi changer le statut ?
M. Hervé Morin, ministre. Nous allons ainsi pouvoir faire de DCNS le pivot de la reconstruction de l’industrie européenne de défense : il s’agit d’une bonne nouvelle pour les salariés de DCNS et pour l’ensemble des sites industriels de l’entreprise ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Didier Boulaud. On en reparlera !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié, 88 et 123.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
I. - L’article 3 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « nationale » et « et dont l’État détiendra la majorité du capital social » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le transfert au secteur privé des filiales constituées ou acquises par la société mentionnée au premier alinéa est autorisé dans les conditions prévues par la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.
« Les I à III de l’article 10 de la même loi sont applicables aux filiales transférées au secteur privé en application de l’alinéa précédent. »
II. - La liste annexée à la loi n° 93-923 du 1 juillet 1993 de privatisation est complétée par un alinéa ainsi rédigé :
« SNPE ».
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, sur l’article.
M. Xavier Pintat. L’article 11 prévoit la privatisation de la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE, avec ses filiales Eurenco, BNC, Isochem et SME, dont les activités et le savoir-faire sont éminemment stratégiques.
Cette opération va nous engager durablement. Aussi, pour réussir, être compris et partagé par ses salariés, le transfert de propriété de ce groupe doit s’accompagner de garanties et d’explications. Tel était le sens et l’objet de l’amendement que j’avais déposé en commission et qui reportait d’un an l’entrée en vigueur de la privatisation.
J’ai accepté de retirer cet amendement à la demande de notre président…
M. Didier Boulaud. Lequel ? (Sourires.)
M. Robert del Picchia. Tous les présidents ! (Nouveaux sourires.)
M. Xavier Pintat. … pour répondre aux exigences nationales d’une application rapide et attendue de la loi de programmation militaire.
Néanmoins, le contexte économique et social est aussi une réalité avec laquelle nous devons compter, sachant que le bassin aéronautique aquitain est fragile. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous renouveliez publiquement, à l’occasion de cette discussion, votre engagement de prendre en compte les intérêts de ces sociétés et de leurs personnels, car je reste convaincu que, pour que cette réforme soit un succès, ses objectifs doivent être partagés et recueillir l’adhésion la plus large possible. Prenons le temps nécessaire pour faire toute la clarté sur les chances et les conditions de reprise des filiales du groupe et nous assurer d’une solution globale.
M. Didier Boulaud. Si notre collègue avait maintenu son amendement, nous l’aurions voté !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Je sais, monsieur Pintat, que vous suivez ce dossier de près. J’ai déjà eu l’occasion de vous répondre lorsque j’ai été entendu par la commission et nous pourrons considérer que, en vous répondant sur l’article, j’aurai donné l’avis du Gouvernement sur les amendements de suppression de l’article 11 qui vont être défendus.
Vous le savez, une évolution de la SNPE est nécessaire. Nous rencontrons la même problématique qu’avec Nexter et GIAT Industries : il s’agit d’une entreprise aux pertes chroniques, représentant chaque année de l’ordre de 10 % du chiffre d’affaires, lequel s’élève à 350 millions d’euros. L’entreprise n’a gagné de l’argent que les années où elle a cédé des actifs ; cela ne peut être considéré comme un bénéfice lié à l’activité.
Comme vous le savez, il s’agit de reprendre le projet Héraklès, projet également lancé par Alain Richard, je le précise notamment à l’intention du groupe socialiste, et tendant à réorganiser la SNPE autour de plusieurs entreprises, dont Safran pour la propulsion solide.
J’ai ici un document extrêmement intéressant (M. le ministre brandit un tableau.) qui montre que l’organisation industrielle est aujourd'hui tellement complexe que la seule propulsion du M51 met en jeu neuf transferts de responsabilité entre les sociétés productives, du début de la construction de ce missile à son achèvement. Je vous transmettrai ce tableau, monsieur Pintat.
M. Jean-Pierre Chevènement. Est-ce bien raisonnable ? (Sourires.)
M. Hervé Morin, ministre. Oui, car il ne contient aucune information secrète. En outre, M. Pintat est un parlementaire, donc un homme responsable.
Nous allons mener cette réorganisation avec le souci de préserver les activités majeures, comme celle qui vous tient à cœur, à Saint-Médard-en-Jalles, ou encore les activités liées à la problématique de la propulsion solide. Nous allons essayer de construire un pôle munitionnaire, qui nous manque actuellement, soit avec Nexter – j’ai rencontré ce matin les industriels pour leur indiquer les orientations de l’État en la matière –, soit avec nos partenaires européens d’Eurenco. S’agissant des activités civiles, des discussions sont également engagées avec un certain nombre de producteurs.
J’ajoute que, sur le site de Sorgues, des investissements d’un montant de 40 millions d’euros sont actuellement engagés. Voilà qui prouve que SNPE est considérée non pas comme une entreprise à liquider mais comme une entreprise dont il convient de renforcer les capacités de production.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que l’activité des sites de Safran et de SNPE à Saint-Médard-en-Jalles sera consolidée par les évolutions en cours.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 11 rectifié est présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.
L'amendement n° 89 est présenté par MM. Cazeau, Godefroy, Boulaud, Reiner, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 122 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 133 est présenté par M. Milon.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour défendre l’amendement n° 11 rectifié.