PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous voici arrivés au terme des pérégrinations du projet de loi dit « Grenelle I », censé traduire les conclusions des comités opérationnels, les COMOP.
Oui, il fallait oser lancer cette initiative ! Elle a permis de mobiliser la société civile dans toutes ses composantes et de donner enfin une parole publique à des associations qui se battent depuis des décennies pour défendre l’environnement : notre cadre de vie, la beauté de la nature, mais aussi les conditions mêmes de notre propre survie sur la terre.
Ce fut une réussite, en ce qui concerne tant la mobilisation des forces vives dans toute leur diversité que ce qu’il faut bien appeler un début de révolution culturelle. L’environnement devient enfin une composante, désormais incontournable, des politiques publiques, de cette politique de développement durable – on devrait dire soutenable ! – dont beaucoup parlent mais sans rien faire.
Si les conclusions des COMOP ont été à la hauteur de ce bouillonnement culturel et ont porté un réel espoir de voir les politiques publiques enfin changer, la déception n’en est que plus grande aujourd’hui. Il suffit de s’en tenir aux faits, à la réalité objective !
Je ne m’attarderai pas sur le péché originel du Grenelle de l’environnement : la mise à l’abri, sur décision du Président de la République, du lobby industriel électronucléaire. Le nucléaire a ainsi été sanctuarisé, épargné de tout débat public contradictoire. Par ailleurs, je souligne l’absence, dans ce projet de loi, de toute référence explicite à la finitude de notre planète et de nos matières premières, uranium compris ! La prise de conscience nécessaire n’a pas vraiment eu lieu pour définir, sans concession, nos orientations stratégiques.
La déception des grands acteurs de la société civile mobilisés pour l’environnement – qui les a d’ailleurs conduits à former, avec les Verts, le rassemblement Europe Écologie, dont tous les observateurs ont relevé la percée historique – résulte de deux phénomènes.
Le premier a consisté en un rabotage constant et méthodique des conclusions des COMOP par les relais zélés de groupes d’intérêts économiques et catégoriels, que ce soit en séance publique ou en commission, à l’Assemblée nationale ou au Sénat.
Je vais prendre quelques exemples emblématiques de ce travail de sape réalisé au profit des lobbies.
Au niveau des normes d’isolation des bâtiments neufs en fonction de la non-émissivité en CO2 de la source de chauffage, l’objectif passe de 50 à 80 kilowattheures par mètre carré et par an. Cette dégradation de quelque 60 % de la norme qualitative d’isolation thermique constitue une prime implicite au chauffage électrique. Sans aborder les vices de fond de la filière nucléaire – son coût, sa fragilité, les émissions indirectes de CO2 qu’elle induit mécaniquement et sa gestion des déchets sans aucun caractère durable –, ce mode de chauffage est une aberration thermodynamique.
Par ailleurs, l’introduction d’une disposition visant à étendre la circulation des poids lourds de 44 tonnes va fondamentalement à l’encontre du report modal des transports en faveur du rail et imposera aux collectivités territoriales des charges nouvelles du fait de la dégradation des routes. Le lobby des gros transporteurs a manifestement su se faire entendre… Tant pis pour l’environnement et pour les petits transporteurs qui maillent le territoire en complément du rail !
Citons également le refus d’utiliser l’argent de la politique agricole commune – 10 milliards d’euros par an ! – pour mettre en application les nouvelles orientations affichées.
La certification HVE, ou certification haute valeur environnementale, de l’agriculture, c’est bien. Toutefois, sans reconnaissance par la collectivité, financements à l’appui, de la qualité environnementale des nouvelles pratiques agricoles, les inflexions attendues par la société risquent de se faire attendre.
Évidemment, il aurait fallu faire des choix pour oser mettre fin aux privilèges accordés, depuis des décennies, à la minorité d’exploitants agricoles – je devrais plutôt employer le terme d’« agro-managers » – qui ont su jusqu’à présent dévoyer les politiques agricoles successives à leur profit. La certification HVE des produits n’y changera rien ! Pire, elle brouillera l’information du consommateur, qui a déjà bien du mal à s’en sortir avec tous les signes de qualité existants.
Dans la même logique, l’excellente disposition adoptée par le Sénat sur les « agro-carburants » a été supprimée par l’Assemblée nationale.
Contrairement à l’approche scientifique retenue sur cette question, ces carburants sont pour l’instant rebaptisés « biocarburants ». Ce qui pourrait apparaître comme un simple détail de vocabulaire est, pour moi, emblématique de la manière dont certains lobbies manœuvrent pour utiliser l’image positive du Grenelle de l’environnement, notamment l’image du bio, au profit de leurs propres objectifs stratégiques. J’ose espérer que nous – Sénat et Gouvernement – rétablirons la clarification requise sur ce point.
Je veux également évoquer l’exonération des objectifs de réduction de l’usage des pesticides dans l’agriculture, accordée aux cultures dites « mineures ». Le maraîchage et l’arboriculture sont précisément les secteurs où l’emploi des pesticides pose aujourd’hui le plus de problèmes en termes d’environnement et de santé publique, tant pour les consommateurs que pour les producteurs eux-mêmes.
L’UIPP, l’Union des industriels producteurs de pesticides – pardon ! On dit plutôt l’Union des industries de la protection des plantes –, a su trouver des relais pour éviter que son chiffre d’affaires ne souffre trop de l’excellente orientation générale visant à permettre à la France de ne plus se voir décerner systématiquement le titre peu envieux de championne d’Europe en consommation de pesticides.
Chers collègues, nous ne pouvons pas accepter ce « détricotage » du Grenelle par les lobbies du nucléaire, de la route, de l’agriculture productiviste et de l’agrochimie. Toujours les mêmes, allais-je dire.
Le deuxième phénomène qui a engendré la déception des grands acteurs de la société civile mobilisés pour l’environnement est l’autolimitation que s’impose le Gouvernement, en termes d’objectifs, sur les bâtiments à rénover, les transports et les déchets.
Pour ce dernier point, les déchets, le manque patent d’ambition semble lié à une sous-estimation de la capacité des ménages à adopter rapidement les bons gestes de tri, dès lors que sont mis en place des dispositifs qui ont déjà fait leurs preuves à l’étranger ou dans certaines de nos collectivités territoriales.
Pour les secteurs des transports et du bâtiment, ce sont les choix budgétaires qui cassent la dynamique du Grenelle. Il faut en effet investir !
À cet égard, monsieur le ministre d’État, le plan dit « de relance » est emblématique du manque de volonté politique pour passer réellement à l’action. D’ailleurs, le terme « relance » me semble hors sujet : on ne relance pas un véhicule engagé dans une impasse – c’est bien la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui nos sociétés industrielles et, plus globalement, la planète entière –, on se donne les moyens pour sortir de cette impasse !
Or que constate-t-on ? Dans le fameux plan de relance, les dépenses fléchées pour l’environnement pèsent exactement 700 millions d’euros, soit seulement 2,7 % du budget total. Je ne vois pas comment on peut espérer engager la nécessaire « conversion de l’économie par l’écologie », qui résulte naturellement du processus du Grenelle, si les orientations budgétaires ne suivent pas !
Mais choisir, cela revient à réduire certaines dépenses pour redéployer ailleurs les crédits correspondants. S’agissant du plan de relance, cela consistait à faire moins pour la route et plus pour le rail, moins pour l’armement et plus pour le logement social. Ces choix n’ont pas été faits ! On ne peut pas ne pas faire le parallèle entre ces options qui n’ont pas été retenues et les objectifs trop timides du Grenelle I.
Dans ce contexte, faute d’une reprise en main par la Haute Assemblée de la dérive constatée par rapport aux conclusions des COMOP, nous, les Verts, serions hélas ! conduits à revenir sur la position qui a été la nôtre en première lecture, le vote favorable, et à nous abstenir !
Tout comme l’opinion publique qui s’est exprimée le 7 juin dernier, nous attendons un signal fort ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Évelyne Didier applaudit également.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État. (Applaudissements au banc des commissions et sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord exprimer toute ma satisfaction pour le travail que nous avons mené ensemble depuis quelques semaines. La nouvelle procédure, en particulier, permet une collaboration plus rapprochée et je salue le travail réalisé avec le rapporteur et les administrateurs de la commission, qui a véritablement permis de construire un meilleur texte.
Vous avez raison, monsieur Sido, la légitimité vient du Parlement, et ce d’autant plus que nous traitons un sujet de société. Comme l’a indiqué M. Jacques Blanc, l’homme doit se réconcilier avec la nature ; en d’autres termes, il doit revenir sur terre et sortir de certaines illusions.
Certes, les Français sont pressés, M. Guillaume l’a rappelé tout à l’heure, et nous devons comprendre de leur vote récent qu’ils encouragent le travail réalisé et, surtout, le fait que le débat conduit n’est ni partisan ni marqué par des clivages, mais simplement empreint de la volonté d’avancer.
Comme le soulignait M. Fortassin, il y a besoin de pédagogie sur le sujet. Nous avons donc organisé un tour de France pour indiquer à nos concitoyens où nous en étions dans la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Des efforts ont d’ores et déjà été accomplis. M. Soulage évoquait tout à l’heure l’agriculture. En l’occurrence, des réorientations ont été proposées dans le cadre de la politique agricole commune, la PAC, à hauteur de 18 %. Peut-être jugez-vous ce chiffre insuffisant, monsieur Muller, mais c’est déjà une première étape.
Les engagements pris dans le cadre du Grenelle seront respectés ; nous y veillerons.
Madame Didier, vous avez précisé que vous ne partagiez pas les fondements de notre politique. Je le savais déjà. (Sourires.) Vous avez également affirmé qu’il faudrait aller plus loin. C’est ce que nous ferons. D’une part, la commission animée par MM. Joseph Stiglitz et Amartya Sen travaille actuellement sur la révision des indicateurs de croissance. D’autre part, nous avons élargi le périmètre du ministère de l’écologie en y intégrant la dimension sociale et la solidarité, qui sont portées par ma collègue Valérie Létard. En effet, je crois qu’il ne faut pas opposer l’écologique et le social. Tout comme nous sommes parvenus à démontrer qu’écologie rimait avec économie, nous devons faire en sorte que l’écologie ne soit pas antinomique avec la question sociale et qu’elle ne soit pas non plus un simple effet de mode.
Je voudrais également répondre aux inquiétudes que M. Guillaume a exprimées sur la question des moyens. D’abord, le Parlement a mobilisé 18 milliards d’euros de crédits sur trois ans en loi de finances. Ensuite, M. le Premier ministre a clairement affirmé que le grand emprunt servirait à construire la France de demain, en indiquant que la croissance verte en serait l’un des éléments.
En revanche, monsieur Muller, le plan de relance est destiné non pas à construire la France de demain, mais à sortir notre pays de la crise. La part des crédits mobilisés dans ce plan affectés à la croissance écologique a effectivement suscité des débats. Selon les chiffres de la banque HSBC et du groupe BCG, elle s’élèverait tout de même à 20 %. Pour autant, le financement de la croissance écologique relève de la loi de finances et du Grenelle de l’environnement, bien plus que du plan de relance.
La logique du projet de loi est de proposer des objectifs. Comme vous l’avez dit à juste titre, madame Didier, il existe non pas une, mais plusieurs solutions. Nous devons donc veiller à fixer des objectifs tout en laissant ouvert l’éventail des solutions. C’est par exemple le cas s’agissant du traitement des déchets, qui a été évoqué par M. Soulage. C’est également vrai dans d’autres domaines, comme les économies d’énergie, notamment dans le bâtiment, secteur dont est chargé mon collègue Benoist Apparu.
Nous avons opté pour une méthode permettant de résoudre les clivages et d’éviter la société constituée de lobbies que M. Muller dénonce. Cela repose sur la territorialisation, c'est-à-dire sur la prise en compte des réalités locales.
Avec le ministre d’État, nous avons adressé une circulaire à l’intention des préfets pour permettre la conclusion des contrats de territorialisation du Grenelle, en particulier avec les régions. Il s’agit de répondre à l’objectif de prise en compte des réalités locales, notamment ultramarines, sans dénaturer les enjeux du texte.
Enfin, je souhaite vous rassurer, monsieur Repentin : nous continuerons de travailler sur le Grenelle II dans le même esprit que pour le Grenelle I. Nous avons eu des débats. Vous avez mentionné les certificats d’économie d’énergie. Nous trouverons des solutions sur ce sujet, afin de sortir d’une logique administrative. D’ailleurs, il nous reste encore deux mois et demi pour y travailler.
Mais, surtout, je tiens à ce que nous conservions cette logique de dépassement des clivages, au nom d’une seule et même idée : construire la France de demain, celle que nous léguerons à nos enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu’aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence sont en principe irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou ceux qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Je vous informe que les amendements nos 17, 19, 25 rectifié, 67 et 87 ont été déclarés irrecevables par la commission de l’économie.
Il s’agit de la première application de la nouvelle disposition de notre règlement qui prévoit la compétence de la commission saisie au fond pour se prononcer sur la recevabilité des amendements sans relation directe avec les dispositions restant en discussion à partir de la deuxième lecture et des lectures ultérieures.
Article 5
(Non modifié)
L'État se fixe comme objectif de réduire les consommations d'énergie du parc des bâtiments existants d'au moins 38 % d'ici à 2020. À cette fin, l'État se fixe comme objectif la rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013.
I. - Tous les bâtiments de l'État et de ses établissements publics seront soumis à un audit d'ici à 2010. L'objectif est, à partir du diagnostic ainsi établi, d'engager leur rénovation d'ici à 2012 avec traitement de leurs surfaces les moins économes en énergie. Cette rénovation aura pour objectif de réduire d'au moins 40 % les consommations d'énergie et d'au moins 50 % les émissions de gaz à effet de serre de ces bâtiments dans un délai de huit ans.
L'État incitera les collectivités territoriales, dans le respect de leur libre administration, à engager un programme de rénovation de leurs bâtiments en matière d'économie d'énergie dans les mêmes conditions et au même rythme qu'indiqués à l'alinéa précédent. Les politiques engagées par les collectivités territoriales d'outre-mer feront l'objet d'un soutien spécifique afin de tenir compte des risques sismiques.
Si les conditions définies par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat sont satisfaites, il pourra être fait appel à des contrats de partenariat pour réaliser les travaux de rénovation en matière d'économie d'énergie portant respectivement sur les 50 et 70 millions de mètres carrés de surface des bâtiments de l'État et de ses principaux établissements publics.
Le droit de la commande publique devra prendre en compte l'objectif de réduction des consommations d'énergie visé au premier alinéa, en autorisant le pouvoir adjudicateur à recourir à un contrat de performance énergétique notamment sous la forme d'un marché global regroupant les prestations de conception, de réalisation et d'exploitation ou de maintenance, dès lors que les améliorations de l'efficacité énergétique sont garanties contractuellement.
II. - L'État se fixe comme objectif la rénovation de l'ensemble du parc de logements sociaux. À cet effet, pour commencer, 800 000 logements sociaux dont la consommation d'énergie est supérieure à 230 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an feront l'objet de travaux avant 2020, afin de ramener leur consommation annuelle à des valeurs inférieures à 150 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré. Ces travaux concerneront en particulier 180 000 logements sociaux situés dans des zones définies par l'article 6 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Seront rénovés en priorité, à l'horizon 2012, les immeubles pour lesquels le niveau des charges de chauffage payées par les locataires se situe dans le quartile le plus élevé, puis ceux dont la consommation annuelle d'énergie est supérieure à 330 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré.
Ce programme de rénovation est ainsi réparti :
Années |
2009 |
2010 |
2011 à 2020 |
Logements sociaux rénovés |
40 000 |
60 000 |
70 000 par an |
À cet effet, une enveloppe de prêts à taux privilégiés sera accordée aux organismes bailleurs de logements sociaux. Des conventions entre l'État et ces organismes définiront les conditions de réalisation du programme et prévoiront les modalités de financement des travaux de rénovation notamment à partir des économies réalisées grâce à ces travaux de rénovation. À l'appui de ces conventions, l'État pourra attribuer des subventions qui pourront s'élever jusqu'à 20 % du coût des travaux.
Les organismes bailleurs de logements sociaux seront encouragés à recourir aux énergies renouvelables, notamment pour leur permettre des adaptations marginales à la norme fixée au premier alinéa dans le cas d'un patrimoine manifestement difficile à rénover. Un décret fixe les conditions techniques pouvant justifier de telles adaptations et les modalités de compensation applicables aux organismes concernés.
III. - Afin de permettre une rénovation accélérée du parc résidentiel et tertiaire existant en matière d'économie d'énergie, l'État mettra en place des actions spécifiques incluant un ensemble d'incitations financières destinées à encourager la réalisation des travaux. Ainsi :
a) L'État favorisera la conclusion d'accords avec le secteur des banques et des assurances, tout en mobilisant les établissements financiers publics, pour développer le financement des investissements d'économie d'énergie ; ces accords auront pour objet la mise en place de prêts aux particuliers dont les caractéristiques financières permettront le remboursement des annuités d'emprunt au moyen des économies d'énergie réalisées ; de même, l'État encouragera la simplification et l'aménagement des contrats de performance énergétique en vue de faciliter leur diffusion notamment dans les copropriétés et s'assurera de l'élaboration de modèles de contrats de performance énergétique adaptés aux différents secteurs (résidentiel, tertiaire, industriel) ; il incitera le secteur des assurances à développer une offre de produits visant à garantir le bon résultat des travaux d'efficacité énergétique à l'issue d'actions d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments résidentiels ;
b) Les modalités d'application du crédit d'impôt sur le revenu en faveur des économies d'énergie et de l'utilisation des énergies renouvelables seront réformées, afin de favoriser la rénovation des logements donnés en location et la réalisation de travaux ou l'acquisition des équipements les plus performants ;
c) Les propriétaires de surfaces importantes affectées aux activités tertiaires, notamment les sociétés foncières, pourront être assujettis au dispositif des certificats d'économie d'énergie.
L'État incitera les bailleurs et les associations de locataires à engager une concertation pour déterminer les modalités de partage des économies d'énergie réalisées par ces investissements. Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement rendra compte au Parlement de l'état de la concertation.
En complément des mesures précitées, l'État prévoira des dispositifs d'incitations financières visant à encourager les propriétaires et les syndicats de copropriétaires à réaliser des travaux de rénovation lourde destinés à accroître la performance énergétique de logements anciens aux caractéristiques thermiques et énergétiques très dégradées. Ces dispositifs privilégieront les financements qui tirent parti des gains réalisés par les économies d'énergie. Une étude analysera par ailleurs les possibilités de mettre en œuvre à terme des obligations de travaux de rénovation.
Le diagnostic de performance énergétique sera adapté à l'outre-mer afin de tenir compte des caractéristiques propres à ces territoires.
L'État encouragera la constitution d'un groupement de l'ensemble des acteurs du plan de rénovation des bâtiments pour suivre et adapter les chantiers de rénovation en matière d'économie d'énergie dans les secteurs résidentiel et tertiaire.
Dans un délai d'une année après la promulgation de la présente loi, l'État remettra à la représentation nationale un rapport mesurant la production en dioxyde de carbone des systèmes de climatisation et leur impact sur l'écosystème et l'environnement, singulièrement dans les collectivités d'outre-mer.
Le plan d'urgence pour l'emploi des jeunes s'orientera en priorité vers les métiers liés à l'environnement, notamment dans le domaine du bâtiment.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Cet article concerne la rénovation thermique des bâtiments, qui sont effectivement la première source d’émission de gaz à effet de serre.
Cette rénovation doit être notre priorité collective absolue. À cet égard, j’observe une inflexion significative, sensible, de la politique affichée dans le Grenelle I.
Je passe rapidement sur la prime au chauffage nucléaire, qui constitue une aberration thermodynamique et qui fait peser une charge sur les ménages modestes : le chauffage électrique coûte cher. Or le développement durable allie l’environnement et la solidarité.
Je regrette qu’un de mes amendements ait été rejeté par la commission de l’économie et qu’un autre ne puisse même pas être discuté en séance, car la commission des finances a opposé l’article 40 de la Constitution. D’ailleurs, M. Arthuis, le président de la commission des finances, m’a suggéré de prendre la parole sur l’article à la place.
L’amendement n° 35 vise à répondre au manque d’ambition du projet de loi, où les objectifs de rénovation ne sont pas clairement chiffrés. À mon sens, refuser d’inscrire un nombre de kilowattheures par mètre carré, c’est risquer de favoriser de rénovations a minima et de devoir tout recommencer quelques années plus tard, ce qui n’est ni très écologique ni très bon pour les finances…
L’amendement que je n’ai pas pu déposer tendait à fixer des objectifs de logement social. La commission des finances a opposé l’article 40 de la Constitution, arguant qu’une telle disposition aggraverait les dépenses de l’État. À cet égard, je souhaite formuler deux observations.
Premièrement, certains logements sociaux relèvent non pas du secteur public, mais du secteur privé. L’article 40 de la Constitution ne s’applique donc pas dans ce type de cas. Dès lors, le Parlement aurait très bien pu, et même aurait dû, débattre de la mesure que je proposais.
Deuxièmement, prétendre qu’un tel dispositif serait trop coûteux pour l’État n’a guère de sens. Le fait qu’une mesure coûte trop cher ou non dépend simplement des crédits que l’on veut bien y affecter. Et si on ne veut pas mettre d’argent dans la rénovation du logement social, autant le dire tout de suite !
D’ailleurs, dans le même chapitre – je dis bien « le même chapitre » – du plan de relance, qui est présenté comme un moyen d’application du Grenelle, le Sénat a voté 200 millions d’euros pour la rénovation thermique du logement indigne et du logement social et 1,5 milliard d’euros pour les dépenses de matériel militaire supplémentaire, alors que ce budget a déjà augmenté de 5 % entre 2008 et 2009 ! Si nous refusons de faire des choix, nous ne pourrons pas fixer les objectifs qui s’imposent dans la mise en œuvre du Grenelle.
Je regrette donc de ne pas avoir pu déposer mon amendement, qui visait à inscrire une norme d’isolation de 80 kilowattheures par mètre carré pour les logements sociaux dans le projet de loi. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du premier alinéa de cet article par les mots :
avec pour objectif d'atteindre à l'issue des travaux une consommation moyenne d'énergie pour l'ensemble du parc de logements rénovés de 80 kilowattheures par mètre carré par an pour les cinq usages réglementés, dont 50 au maximum pour le chauffage
Cet amendement a déjà été défendu. (M. Jacques Muller opine.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Tout d’abord, monsieur Muller, il serait peut-être souhaitable de se limiter à la présentation des amendements qui ont effectivement été déposés et qui font l’objet d’un examen en séance. Ce n’est pas en commençant à dire « si j’avais pu déposer mon amendement » ou « si l’article 40 ne s’appliquait pas » que nous raccourcirons les débats et que nous irons à l’essentiel. Mais chacun est libre de sa parole…
L’objectif que l’amendement n° 35 vise à fixer en valeur absolue nous semble trop ambitieux. Au demeurant, une telle disposition serait redondante avec l’objectif fixé par le projet de loi, qui est exprimé en valeur relative : une diminution d’au moins 38 % des consommations d’énergie du parc des bâtiments existants d’ici à 2020.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le sénateur, je suis désolé de devoir émettre un avis défavorable lors de ma première intervention devant le Sénat, mais je souscris à l’analyse qui vient d’être développée par M. le rapporteur.
Comme vous le savez, nous avons retenu l’objectif d’une diminution des consommations d’énergie de 38 %, ce qui devrait nous faire passer d’une moyenne de 240 kilowattheures à une moyenne de 150 kilowattheures. Il serait évidemment très positif de pouvoir atteindre une moyenne de 80 kilowattheures, comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur, mais cela semble trop ambitieux dans les circonstances actuelles.