M. Nicolas Alfonsi. Si, si !
M. Jean-François Copé. Ce rendez-vous consiste à réfléchir à l’après-crise. Nous qui sommes en plein cœur du combat, qui, tous les jours, nous faisons l’écho des inquiétudes et des angoisses liées au chômage, à l’incertitude du lendemain que ressentent nos compatriotes à qui l’on demande tant d’efforts et de sacrifices, nous avons l’obligation signalée de tracer avec le Président de la République des perspectives pour les années qui viennent. Les Français nous le demandent.
Et à ceux qui affirment qu’il est trop tôt pour parler de l’après-crise, je veux simplement dire : « parlons-en », car beaucoup nous ont reproché de ne pas avoir su prévoir la crise. Soyons à la hauteur des missions qui sont les nôtres en les invitant à réfléchir à la manière de mieux nous en sortir.
Ce travail, mes chers collègues, il nous revient de le mener à bien aux côtés du Président. Nous ne sommes plus seulement des législateurs, nous sommes aussi invités, chaque jour, à faire remonter à Paris ce que nous entendons sur le terrain. La nouvelle Constitution nous donne la possibilité de coproduire les réformes, d’apporter notre propre contribution, sortant ainsi d’un système infernal, que nous dénonçons depuis des années, où le Gouvernement soumet un texte à un Parlement à qui l’on demande de voter d’autant plus rapidement que d’autres réformes suivent, un système où celles et ceux qui sont en contact presque tous les jours avec les Français arrivent trop tard, tout ayant été déjà été évoqué. De ce point de vue, une chance fantastique nous est offerte de faire des propositions et de réfléchir ensemble.
J’évoquerai quelques pistes pour rebondir sur les propos de M. le Président.
Tout d’abord, j’aimerais vous faire part d’une conviction profonde : ce serait une énorme erreur de penser que la réponse à la crise n’est qu’une réponse technique et que nous ne sommes là que pour apporter des liquidités aux banques en faillite afin de sauver l’épargne de nos compatriotes et mettre en œuvre un plan de relance pour redresser l’investissement et sauver l’emploi. La crise nous invite, au-delà de ces réponses techniques, à apporter des réponses fondées sur un mot magique : les valeurs. À chaque fois que les responsables politiques oublient les valeurs, ils se trompent de combat et les Français les rejettent. Les valeurs renvoient à la question du respect,…
M. Bertrand Pancher. Très bien !
M. Jean-François Copé. …de l’engagement, de l’éthique, autant de mots que le Président a prononcés et que nous faisons nôtres. (Applaudissements.)
M. Jean-Paul Charié. Très bien !
M. Jean-François Copé. Parce qu’une réponse fondée sur les valeurs est essentielle, nous avons à honorer au moins trois grands rendez-vous.
Le premier, au cœur du discours du Président, est celui de la dette. Ne nous mentons pas à nous-mêmes. Désormais, les Français, même s’ils n’affectionnent pas l’économie – on les sait plus passionnés par l’histoire et la politique –, auront à cœur d’entendre de la part de leurs responsables politiques des propositions destinées à absorber le stock de dettes. De ce point de vue, les réponses amorcées devront très vite constituer des pistes de travail pour nous. Je pense en particulier à l’annonce de l’emprunt. Au-delà, la question centrale est celle de la dépense publique, celle qui est utile et celle qui est inutile, celle qui est productive et celle qui ne l’est plus, pour l’État, pour les collectivités locales et pour la protection sociale. (Applaudissements.)
Mme Brigitte Barèges. Bravo !
M. Jean-François Copé. Dans l’excellent discours prononcé à l’instant par Henri de Raincourt, j’ai noté que l’évocation des conseillers territoriaux avait recueilli des applaudissements.
M. Philippe Briand. Très bien !
M. Jean-François Copé. Je fais partie de ceux qui vont même un peu plus loin car je pense depuis longtemps que l’heure est venue d’aborder, en prenant le temps qu’il faudra, l’idée de conseils territoriaux produits de la fusion entre départements et régions. (Applaudissements.)
M. Richard Mallié. Très bien !
M. Jean-François Copé. Mes chers collègues, je sais que c’est un sujet difficile et je suis heureux d’entendre à nouveau des applaudissements. Cela représentera l’heure de vérité pour nous : à ceux que l’on entend si souvent dire que les parlementaires français sont conservateurs, nous pourrons faire la démonstration grâce à cela que nous sommes bien dans le camp de la réforme, du mouvement et du courage politique. (Applaudissements.)
Enfin, je veux vous dire qu’absorber le stock de dettes ne doit pas se faire n’importe comment. Il faut réduire les dépenses inutiles, c’est ma conviction profonde, et pas seulement du fait de mon passage passionné au ministère du budget, à Bercy. Ce serait folie que de tenter de nouvelles expériences d’augmentation des prélèvements obligatoires, ces fameuses formules qui cassent la croissance net au moment où l’on doit chercher partout l’énergie de ceux qui veulent prendre des risques, de ceux qui s’engagent, de ceux qui investissent, de ceux qui embauchent.
En revanche, s’ouvre à nous une perspective fantastique : nos atouts de croissance. Sur ce point, je voudrais vous rendre attentifs à un sujet qui me tient profondément à cœur. Parce que cette crise est inédite, parce qu’elle n’a rien à voir avec l’éclatement de la bulle internet, il y a huit ans, ou celui de la bulle immobilière, il y a quinze ans, des investisseurs du monde entier seront à la recherche des continents et des pays les plus attractifs. Ces pays seront ceux où l’on se loge le mieux, où l’on se nourrit mieux, où l’on soigne et où l’on éduque le mieux les enfants, où l’on a les meilleurs services publics, les meilleures infrastructures, la meilleure eau, le meilleur air, les meilleures économies d’énergie, cher Jean-Louis Borloo. Vous l’aurez compris : nous avons de quoi de prendre des options majeures pour faire de notre pays, la France, de notre continent, l’Europe, des terres parmi les plus compétitives du monde de l’après-crise. À nous d’aller de l’avant ! La crise alimentaire constitue un bel exemple. On entend ici ou là des partisans de la dérégulation de la PAC : folie que tout cela ! Nous savons qu’elle constitue au contraire un enjeu majeur pour l’indépendance alimentaire de notre continent à l’heure où les Américains se protègent, où les Chinois achètent des milliers d’hectares. De la même manière, dans le domaine de la santé, nous avons une expérience et un savoir-faire exceptionnels. Ne voyons pas simplement la réforme de l’assurance maladie comme un combat commencé le jour où le Doliprane a cessé d’être remboursé, pensons plutôt qu’il faut aller bien plus loin et chercher à travers la télémédecine et les recherches scientifiques de formidables outils pour demain.
J’en viens, mes chers collègues, à mon dernier point, que je considère comme majeur. Nous avons de grandes forces, mais nous avons sans doute aussi une faiblesse. Cette faiblesse réside dans ce que les sportifs appellent notre mental, cet « aquoibonisme » si souvent partagé en France par celles et ceux qui pensent que, dans notre pays, il est trop tard et qu’on n’arrivera plus à rien, cet « aquoibonisme » que nous constatons si souvent lorsque nous parlons avec nos compatriotes. Mes chers collègues, la question de l’identité française sera au cœur des dix prochaines années. Il s’agit pour nous de réfléchir à une France rassemblée dans un pays où les gens sur un même palier, dans un même quartier, ne se parlent plus, ne s’écoutent plus, ne se respectent plus simplement parce qu’ils ne se connaissent plus, parce qu’ils ne savent pas quelle est la religion de l’autre, quelle est sa culture ou son histoire, un pays qui n’assume ni l’histoire de la colonisation ni celle de la décolonisation, un pays où l’on a peur les uns des autres parce que pendant trop longtemps on a laissé la nation se fissurer en silence.
L’épisode de la burka en est une nouvelle illustration. Nous avons les uns et les autres des dizaines d’exemples à rapporter que ne relate plus le journal de vingt heures depuis bien longtemps et qui montrent pourtant la souffrance intime de tant de nos compatriotes qui pensent que pour eux, parce qu’ils sont issus de l’immigration récente, parce qu’ils n’ont pas la même couleur de peau ou le même prénom que les autres, la vie sera plus dure que pour les autres.
Voilà le rendez-vous que nous devons honorer : réfléchir ensemble à ce que cela veut dire d’être Français pour préparer l’après-crise et élaborer ensemble un gigantesque projet de société porté par l’ambition d’une nation rassemblée.
Voilà ce que j’ai entendu dans le discours du Président de la République, mes chers collègues. Je veux vous dire qu’à travers tout cela nous est donnée une fantastique invitation à agir, à prendre nos responsabilités, nous parlementaires investis de ces nouvelles compétences, désormais autorisés à fabriquer nous-mêmes des lois, à coproduire les réformes avec le Gouvernement, afin de faire demain du mandat de député autre chose que ce qu’il est aujourd’hui.
Nous considérons tous ces rendez-vous comme autant de moments fantastiques à venir.
Une main nous est tendue. Je veux vous dire ici, mesdames, messieurs les députés, et je le dirai à chaque fois que je le pourrai à nos homologues de l’opposition, qu’il est des sujets sur lesquels nous pouvons travailler ensemble parce que nous le faisons au nom d’une République qui a besoin d’être rassemblée et que c’est dans ces moments-là qu’elle a des raisons d’être le plus fière d’elle-même. (Vifs applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen du Sénat.
M. Yvon Collin. Monsieur le président du Congrès, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette première réunion du Congrès sous l’empire de la nouvelle rédaction de l’article 18 de la Constitution marque le triomphe de la conception très personnelle qu’a le Président de la République du rôle et du fonctionnement de nos institutions : un président qui impulse, oriente et décide dans tous les domaines, un Gouvernement sans marges de manœuvre et souvent impuissant, un Parlement victime du fait majoritaire et qui n’influe qu’à la marge. Comment ne pas voir dans l’organisation même de cette journée et dans la place dévolue dans cet hémicycle à chacune des trois institutions, l’illustration de ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’« hyper-présidence » ?
Jamais depuis Adolphe Thiers, en 1873, un Président de la République n’avait été autorisé à s’adresser en personne à la représentation nationale. La peur raisonnée des parlementaires de l’époque les avait conduits, deux ans plus tard, à proscrire la présence physique du chef de l’État dans l’hémicycle pour couper court à toute tentation de glissement vers le présidentialisme.
Ainsi il fut permis que s'enracinât la République dans notre pays. Et c'est cet héritage républicain, à la fois laïc et humaniste, qu'il nous revient de préserver. Car la République est notre bien commun le plus précieux. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)
Ainsi, le Parlement, érigé en pouvoir constituant, a donc décidé, l'année dernière, de mettre fin à une règle vieille de 135 années. En dépit des vives oppositions qui s'étaient alors exprimées, le droit de la République doit s'appliquer, car il incarne la volonté générale du peuple souverain et de ses représentants. Je le dis avec d'autant plus de conviction que je me suis prononcé contre la révision constitutionnelle du 21 juillet dernier.
Nul ici n'a aujourd'hui violé la Constitution. Il est donc de notre devoir de républicain de participer à ce débat. (Applaudissements.)
M. François Sauvadet. Très bien !
M. Yvon Collin. C'est la position unanime du plus ancien groupe parlementaire que j'ai l'honneur de présider, comme c'est aussi celle des Radicaux de gauche, ma famille politique. (Applaudissements.)
M. François Sauvadet. Très bien !
M. Yvon Collin. Cette réunion du Congrès restera dans l'histoire comme la première déclaration de politique générale prononcée par un Président de la République devant les parlementaires, tâche qui incombait, jusqu'à présent, au chef du Gouvernement. D'ores et déjà, une question se pose : que va-t-il advenir de la fonction de Premier ministre ?
Arrivé à la moitié de son quinquennat, le Président de la République a choisi cette date pour faire usage de cette nouvelle disposition. Le bilan dressé de son action est, de mon point de vue, loin d'être aussi flatteur que l’image idyllique que nous venons d'entendre, notamment de la part des orateurs qui m'ont précédé.
Force est de constater, mes chers collègues, que je suis le seul orateur pouvant se réclamer de l'opposition à intervenir à cette tribune, une opposition jamais systématique, une opposition toujours constructive, une opposition qui préfère toujours le débat au combat ! (Applaudissements.)
À présent, parlons d'Europe ! La présidence française de l'Union européenne a certes été empreinte d'un dynamisme utile qu'il faut reconnaître. Le Président de la République n'a pas ménagé ses efforts sur certains dossiers, comme la guerre en Géorgie ou la sécurité énergétique. Mais force est de constater que très peu de nouveaux chantiers ont été ouverts. Certains, urgents et très attendus par les professionnels – je pense à la politique de santé et à la PAC –, n'ont pratiquement pas évolué.
Le groupe du RDSE, qui revendique son attachement à l'Europe, s'interroge. Quel est aujourd'hui l'avenir institutionnel de l'Europe, à l'heure où le traité de Lisbonne reste une Arlésienne ? Comment permettre au Parlement de prendre toute sa place ? Pourquoi ne pas élargir le mandat de la BCE à la stabilisation macro-économique ? Autant de grands sujets auxquels le Président de la République n’a apporté aucune réponse dans son discours.
Quoi qu'on en dise, nos compatriotes ne s'y sont pas trompés : les résultats des dernières élections européennes ne sont flatteurs pour personne. Le succès revendiqué par la majorité n'est qu'un trompe-l’œil, dès lors que 60 % de nos concitoyens ne se sont pas déplacés et que 73 % n'ont pas adhéré à sa politique.
Malgré la très grave crise économique que nous traversons, le Président de la République refuse d'infléchir une politique en total décalage avec ses discours prônant la régulation et le retour de l'État. Le bouclier fiscal en est la cruelle illustration, malgré une partie croissante de la majorité qui appelle à sa suppression.
Il est certain aujourd'hui qu'une autre politique, fondée sur une coordination des politiques économiques en Europe, aurait permis d'amortir le terrible choc que nous subissons. Les dysfonctionnements macro-économiques en Europe et leurs conséquences financières et monétaires déploient leurs effets dans une crise qu'on aurait tort de n'imaginer qu'importée des États-Unis.
Les résultats de cette politique sont malheureusement tangibles au quotidien. Les services publics subissent les conséquences d'un détournement de l'orthodoxie budgétaire : hier Gaz de France et AREVA, aujourd'hui la SNCF et La Poste. À qui le tour demain ?
Je ne nie pas le besoin de réformes, mais je conteste que la seule rentabilité l'emporte sur l'intérêt général. Je pense ici, en particulier, aux territoires ruraux, qui ont pourtant tant besoin de services publics de proximité et de qualité.
M. Raymond Vall. Très bien !
M. Yvon Collin. De la même façon, il est inacceptable que l'addition d'une politique de dépenses publiques non maîtrisée soit payée par les collectivités locales !
On cherche à faire croire aux Français que les collectivités sont aujourd'hui responsables de l'explosion de la dette publique, qu'elles sont incapables de gérer leurs budgets ou qu'elles ne savent qu'augmenter les impôts. Rien de plus faux, quand on sait que l'État, qui a transféré de nouvelles compétences, n'a jamais donné les moyens financiers correspondants !
Mme Brigitte Barèges. C’est souvent le cas, notamment dans le Tarn-et-Garonne !
M. Yvon Collin. Pire, les dotations compensent de moins en moins les charges nouvelles des collectivités : plafonnement de l'enveloppe normée de la DGF, plafonnement de la taxe sur le foncier non bâti, plafonnement de la valeur ajoutée dans le calcul de la taxe professionnelle. Enfin, dois-je rappeler que la RGPP s'entend autant pour l'État que pour les collectivités ?
Par ces temps difficiles, le sénateur que je suis est fier d'œuvrer à la défense des petites communes, de plus en plus mises à mal par la dégradation continue de leur environnement juridique et financier. Avec mes collègues du RDSE, il ne nous a manqué que trois voix le 26 mars pour faire adopter une proposition de loi visant à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d'accueil des élèves. Faut-il rappeler que le Président de la République avait lui-même promis cette mesure à l'occasion du dernier Congrès des maires ? Personne ici ne peut me contredire.
Le récent rapport de la mission d'information du Sénat sur l'organisation et l’évolution des collectivités locales a dégagé des propositions pour clarifier leurs compétences. Elles ont le grand mérite de ne pas faire du rapport de force l’unique méthode de réforme. Quelle suite sera donnée à ce rapport ? Est-il parvenu jusqu'au Président de la République ? Ayant bien écouté sa déclaration, j'en doute, et je le regrette.
Car, à l'inverse, le big bang territorial annoncé par le Chef de l'État porte bien son nom et illustre tout aussi bien la méthode retenue. Rompre ou plier : voilà l'alternative proposée, plutôt que de faire émerger un consensus que chacun appelle de ses vœux. Et si l'on refuse de céder, voici qu'on brandit la menace du référendum. Mais il serait absolument inacceptable que la volonté du Parlement ne soit pas entendue, à plus forte raison celle du Sénat qui assure « la représentation des collectivités territoriales de la République ».
Que l'on songe aussi à la suppression de la taxe professionnelle annoncée le 5 février dernier pour le 1er janvier prochain. Alors que la loi de finances pour 2010 est entrée dans sa phase de préparation, le Gouvernement est incapable d'expliquer aux parlementaires et aux élus locaux quel sera le nouveau dispositif. Or, aujourd'hui, les collectivités ont besoin des 23 milliards d'euros qu'elles représentent, surtout dans un contexte de crise. Comment alors garantir le principe constitutionnel d'autonomie des collectivités, si l'État vient, une nouvelle fois, substituer une dotation à un impôt local librement déterminé ?
Nos compatriotes sont également très inquiets pour l'avenir de leur système de retraites. La solidarité nationale n'est pas négociable : le système par répartition ne doit pas être sacrifié. La loi Fillon est loin d'avoir réussi le miracle annoncé, à savoir garantir l'avenir du système de retraites. Et voici que l'on nous explique qu'il faudra travailler jusqu'à soixante-sept ans ! Pourquoi cette annonce, alors qu'un rendez-vous avait été fixé avec les partenaires sociaux en 2012 ? Et pourquoi priver le Parlement d'un débat qui lui revient de droit ?
Mais, s'il est un domaine où l'activisme présidentiel interpelle, c'est bien celui de la justice et des libertés publiques. Après la chaotique réforme de la carte judiciaire, l'inquiétante loi sur la rétention de sûreté, la très répressive loi sur la récidive, la très décevante réforme pénitentiaire, voici que se profilent la suppression des avoués, le renforcement de la répression des clandestins et la suppression du juge d'instruction.
La combinaison de ces réformes ne manque pas d’inquiéter tous ceux qui sont attachés à la défense des droits fondamentaux et à la protection de la dignité humaine.
Avant de conclure, je voudrais préciser que la démarche à la fois critique et constructive dans laquelle s'inscrit mon groupe m'amène à reconnaître les progrès accomplis depuis le début de ce quinquennat en matière de développement durable. Sur ce sujet, nous sommes collectivement, par-delà les clivages partisans, en train de remporter la plus difficile des batailles : changer les mentalités pour parvenir à la révolution verte.
Enfin, les dernières propositions annoncées en faveur de la jeunesse me semblent aller dans le bon sens. Et c'est avec satisfaction que je constate, quelques semaines seulement après le débat qui s'est tenu au Sénat, à l'initiative de mon groupe, que l'on préconise aujourd'hui de renforcer la participation citoyenne des jeunes avec un véritable service civique.
Le groupe du RDSE demeure attentif et vigilant à la politique du Président de la République. C'est pourquoi il entend faire le meilleur usage des prérogatives que lui confère désormais son statut de groupe minoritaire, au sens de l'article 51-1 de la Constitution.
Soucieux du respect des minorités politiques et du pluralisme sénatorial, mon groupe continuera de privilégier le dialogue et le débat. Nous refusons le manichéisme politique érigé en consigne de vote : voter systématiquement contre quand on est dans l’opposition et pour quand on est dans la majorité ne sera jamais notre marque de fabrique. (Applaudissements.) De même, ceux d'entre nous qui sont Radicaux de gauche, et donc aujourd'hui dans l'opposition, refusent toute opposition systématique. (Applaudissements.)
Le groupe du RDSE est plus que jamais fier d'être constitué de sénateurs issus d'horizons politiques différents, mais qui tous se rassemblent sur l’essentiel : des affinités communes mais aussi des valeurs partagées. N'est-ce pas là l'essence même du Parlement ? C'est avec ce type d'attitudes politiques et de comportements responsables que nous entrerons alors, peut-être, dans l'ère trop vite annoncée de l’hyper Parlement ! Mais, pour l'heure, ne nous y trompons pas : c'est bien l’hyper présidence qui prédomine. (Applaudissements.)
M. le président. Au titre des parlementaires inscrits à aucun des groupes politiques de l’Assemblée et du Sénat, la parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour cinq minutes.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, rassurez-vous : cinq minutes, ce n’est pas long ! (Sourires.)
Vous conviendrez que cette première institutionnelle depuis la IIe République est assez paradoxale et ubuesque, puisque l’on nous demande de débattre, en réponse au discours du Président de la République, alors que ce dernier est déjà parti et ne peut donc nous écouter.
M. Jean-François Copé. Mais nous sommes là !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Pour autant, fallait-il refuser de participer à cette séance ? Je ne le crois pas. Car, au moment où les Français s'inquiètent, à juste titre, pour leur avenir, c'est bien la moindre des choses pour chaque force politique de proposer un chemin pour notre pays. À cet égard, la dérobade du parti socialiste n'est pas glorieuse.
En effet, la France est embourbée dans la pire crise économique et sociale de son histoire récente. J'espérais d'ailleurs que le Président de la République s'adresserait à nous pour prononcer un discours de vérité sur la gravité de cette crise et sur ses causes réelles, une crise dont l'origine n'est pas seulement américaine, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire.
L'hémorragie des emplois industriels dans toutes nos régions, l'explosion du déficit du commerce extérieur, l'aggravation en chaîne des déficits publics et sociaux, s'expliquent par l'effondrement de notre compétitivité liée autant à nos faiblesses nationales, l’excès des charges qui pèsent sur les entreprises qu'à la politique européenne suicidaire de l'euro trop cher et du libre-échange intégral.
J’attendais un discours de vérité sur le remède de cheval indispensable pour s’attaquer enfin aux racines du mal, mal à la fois national et européen.
Certes, le Président de la République a prononcé de belles paroles sur le modèle républicain. Comment ne pas partager non plus son analyse de la mondialisation ? Comment ne pas adhérer à cette idée que la rigueur bête et méchante est une impasse et qu’il faut investir massivement dans les secteurs d’avenir pour préparer le XXIe siècle ?
Mais alors, pourquoi le Président de la République ne va-t-il pas au bout de sa logique ? Car ce ne sont pas les réformes annoncées, comme celle des collectivités locales ou encore celle des retraites, qui vont nous armer suffisamment dans la guerre économique mondiale que nous sommes en train de perdre.
Le Président s’est inquiété de voir une France sans usines. Mais pourquoi se refuse-t-il alors à changer sa politique européenne ? Pourquoi a-t-il signé le traité de Lisbonne, qui fait perdre à notre pays le droit de veto sur les questions commerciales internationales qui sont décisives, alors même que, sur les vingt-sept pays, nous sommes totalement minoritaires dans notre volonté de réguler la mondialisation ?
Comment peut-on prononcer ici un discours de régulation de la mondialisation et se mettre en minorité, à Bruxelles, sur des politiques qui dérégulent dans tous les domaines encore plus ?
Cette contradiction majeure entre la politique nationale et la politique européenne, le Président l’a implicitement reconnue puisqu’il a intelligemment commencé son discours en disant : « J’ai déjà parlé de l’Europe, je parle aujourd’hui de la France. » Il a même dit, à la fin de son intervention, qu’il faudra, bien sûr, revoir la politique européenne. Mais comment pourra-t-il procéder à cette révision alors même que la France s’est, au fil du temps, lié les mains par des traités qui l’ont privée de la maîtrise de son destin, et qui le conduisent donc à prononcer des discours déconnectés de la réalité ? Pourquoi accepte-t-il cette gestion suicidaire de l’euro qu’il avait contestée, à juste raison, dans ses grands discours de campagne avant 2007 ? Dans un contexte de libre-échange déloyal, rien ne pourra se faire avec une monnaie surévaluée qui nous asphyxie ! Nous le payons cher et, dans toutes vos régions, vous voyez sans cesse des entreprises fermer. L'Angleterre, les États-Unis et la Chine, qui ont dévalué massivement, ont bien compris cette impossibilité. (Exclamations sur plusieurs bancs.)
M. Gérard Larcher, président du Sénat. L’Angleterre…
M. Nicolas Dupont-Aignan. Quand comprendra-t-on que l’on ne peut pas mener deux politiques contradictoires ? Soit le Président de la République accepte la politique européenne qui a été décidée depuis des années et continue dans cette voie, et la politique nationale qu’il vient d’annoncer ne sera alors pas valable et finira dans le mur ; soit le Président de la République mène cette politique nationale – je ne pourrais que m’en réjouir comme je me réjouis de certains passages de son discours – mais, en ce cas, il faudra bien qu’à un moment ou un autre, on en arrive à l’instant de vérité à Bruxelles, notamment avec nos amis allemands.
Pour conclure, je note que le Président a également prononcé de belles paroles sur la nécessaire cohésion sociale et nationale. Sans cette cohésion républicaine, il n’y aura pas d’adhésion aux réformes et à l’effort, nous le savons tous. La France ne s’en sortira que lorsque les Français en auront conscience et le voudront vraiment. Mais ils ne le voudront vraiment que quand ils seront convaincus que le chemin qu’on leur propose est efficace et juste.
Un chemin efficace implique que les actes suivent les discours. À cet égard, je souhaite bon courage à M. le Premier ministre pour concilier le développement et le renforcement de la sécurité avec la disette d’effectifs dans nos banlieues et le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Je souhaite bon courage à M. le Premier ministre pour renforcer la justice dans notre pays tout en acceptant des lois qui supprimeraient les peines de prison pour les délinquants condamnés à des peines inférieures à deux ans. Je souhaite bon courage à M. le Premier ministre pour interdire la burka en France : même si j’adhère totalement à cette idée, comment interdire la burka durablement si on ne maîtrise pas nos frontières, si on continue à adhérer à cette politique européenne des frontières ouvertes qui explique notre incapacité à maîtriser l’immigration ?
Les Français n’adhéreront au chemin proposé que s’il est juste, ce qui suppose des réformes conformes à nos valeurs républicaines et à notre histoire nationale. Comment, sinon, demander aux salariés de se serrer la ceinture ? Or il faudra se serrer la ceinture, comme il faudra un jour augmenter les impôts – bien avant 2012 en raison de la catastrophe financière qui approche. Comment demander aux fonctionnaires de changer leur façon de travailler si on ne suspend pas le bouclier fiscal, si on ne plafonne pas la rémunération des grands patrons, si on ne diminue pas – et pourquoi pas ? – les indemnités des élus ?