M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a rappelé très justement M. le rapporteur, cette proposition de loi a été déposée le 29 octobre 2008 par notre collègue députée Chantal Brunel en réaction à la crise financière et économique qui venait de s’aggraver au cours des mois de septembre et d’octobre derniers.
Cette crise financière et économique, bien réelle, sur laquelle s’est greffée une crise de confiance, a entraîné une frilosité des établissements financiers, une diminution des crédits bancaires aux entreprises, mais aussi une réduction des investissements de ces dernières.
Selon une étude de l’IFOP publiée le 25 mai dernier et citée par Mme Brunel lors de la présentation de son texte devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, 48 % des PME renonceraient à investir par crainte d’un refus de crédit bancaire et 87 % de leurs patrons redoutent un durcissement important de l’accès au crédit.
Les PME étant le moteur de l’économie française et les crédits bancaires étant indispensables à leur dynamisme, puisqu’ils financent notamment leurs investissements, il est devenu primordial, dans un contexte de hausse du chômage, de ralentissement économique et de fragilisation des entreprises, de faciliter et de sécuriser leur accès au crédit.
Il est notamment essentiel de renforcer l’encadrement des réductions ou interruptions de crédit bancaire aux entreprises. À cet égard, la proposition de loi de Mme Brunel prévoit d’imposer aux établissements financiers l’obligation de motiver les réductions ou interruptions de crédit bancaire si les entreprises concernées en font la demande. Cette mesure est attendue notamment par les plus petites entreprises, qui sont les plus fragilisées par la crise et sont très dépendantes des crédits bancaires.
Selon les résultats d’une enquête de conjoncture réalisée par l’IFOP pour le cabinet de conseil Fiducial, 800 000 très petites entreprises, soit le tiers des TPE de France, affirment avoir abandonné leurs projets d’investissement ou craindre de devoir les reporter, pour un montant moyen évalué à 54 000 euros. Cela représente, au total, la somme considérable de 42 milliards d’euros d’investissements reportés. Selon Fiducial, 16 % de ces TPE expliquent leur comportement par un refus ou une peur de refus de crédit bancaire.
En outre, le médiateur du crédit, qui, depuis sa mise en place en octobre 2008, a accompli un travail considérable, indique que, durant les quinze derniers jours du mois de mai, 358 entreprises l’ont saisi pour faciliter leur financement. Son rôle est notamment de veiller à ce que les banques, qui ont bénéficié d’un plan de soutien de 360 milliards d’euros, redistribuent bien ces aides à l’économie réelle sous la forme de crédits, en particulier aux entreprises. La présente proposition de loi permettra de renforcer cette logique du donnant-donnant.
Un amendement de la commission des finances de l’Assemblée nationale, adopté par les députés, conduira à renforcer le contrôle du respect par les banques de leur obligation légale en matière d’emploi des 16,5 milliards d’euros issus de l’épargne réglementée versés par la Caisse des dépôts et consignations au dernier trimestre de 2008. En cas de manquement, des sanctions sont désormais prévues. Grâce à la présente proposition de loi, des statistiques relatives aux crédits bancaires consentis aux jeunes entreprises et aux PME seront également publiées.
Notre excellent rapporteur Philippe Marini, dont je tiens à saluer la qualité du travail, a ainsi prévu une publication des encours de crédits et des nouveaux crédits par chaque réseau et non pas seulement par la Banque de France, une publication des crédits accordés aux PME de moins de dix salariés et une publication des taux moyens pour chaque catégorie. Ces statistiques seront fort utiles pour contrôler l’utilisation des crédits.
Au bénéfice des quelques mesures que j’ai évoquées sans entrer dans le détail, nous considérons que l’adoption du texte que nous examinons aujourd’hui permettra de renforcer notre soutien aux entreprises en difficulté. C’est donc dans un esprit positif et constructif que le groupe UMP aborde l’examen de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises – modeste en apparence avec ses sept articles – est censée apporter une nouvelle pierre à l’édifice législatif construit depuis le mois d’octobre dernier pour répondre à la crise financière et à ses conséquences économiques.
En effet, une première étape a consisté à solvabiliser le système bancaire et à favoriser la liquidité des établissements de crédit : ce fut la réponse urgente aux immenses dégâts provoqués par la crise des subprimes née aux États-Unis.
Ensuite, 22 milliards d’euros ont été dédiés à l’amélioration de la capacité de financement des PME. À cette occasion, nous avions particulièrement apprécié le fléchage des excédents d’épargne sur les livrets de développement durable et les livrets d’épargne populaire au profit des PME et des entreprises de taille intermédiaire.
Par ailleurs, la décentralisation des dispositifs de suivi du crédit aux PME a permis de mieux recenser les difficultés sur le terrain.
Toutefois, malgré un important arsenal déployé en l’espace de six mois, force est de constater que les banques n’ont pas totalement rempli leurs engagements : elles continuent de restreindre l’accès au crédit en renforçant les exigences de solvabilité et en relevant les taux. Pourtant, les entreprises françaises ont un taux d’endettement parmi les plus faibles d’Europe.
En mars 2009, la production de crédits aux sociétés non financières continue en effet de ralentir en rythme annuel. Le recul est particulièrement marqué pour les crédits de trésorerie. La production de crédits à l’investissement est moins touchée, mais elle est, elle aussi, en repli. Les premières victimes de ce durcissement des conditions d’octroi des crédits sont les PME. Le rapport du médiateur du crédit est éclairant sur ce point : 94 % des entreprises en médiation sont des PME de moins de cinquante salariés.
Cette pratique à courte vue a un effet procyclique ; elle aggrave la crise car elle menace l’existence d’entreprises viables dans des conditions normales de crédit. Mes chers collègues, le risque de paralysie de l’économie est donc réel.
Il ne faut pas que les banques oublient pourquoi l’État leur a prêté de l’argent. Il faut qu’elles se rappellent leurs devoirs, d’autant que certaines d’entre elles accumulent déjà des profits dans une conjoncture encore très dure pour toutes les autres entreprises. Si les banques ont une vocation commerciale, elles ont aussi une mission d’intérêt général. Quand l’État vole à leur secours, c’est la moindre des choses !
Il ne faut pas non plus que les banques oublient une donnée économique importante : les PME sont un moteur essentiel du développement économique. Elles ne génèrent pas moins de 40 % de la valeur ajoutée produite chaque année dans notre pays. Elles occupent 55 % des personnes actives du secteur privé. Plus spectaculaire, les PME ont créé 2,3 millions d’emplois nouveaux ces vingt dernières années, sur un total de 2,8 millions.
Compte tenu de ces chiffres, il est fondamental de s’intéresser à leur sort en révisant les rapports entre les banques et les PME. Tel est le principal objet de la présente proposition de loi.
Un certain nombre d’articles visent à responsabiliser les banques et les assureurs-crédit et à instaurer davantage de transparence. L’article 1er, notamment, tend à inscrire dans la loi le délai minimal de soixante jours de préavis avant interruption de crédit bancaire. De ce point de vue, rien de vraiment neuf ; ce qui est intéressant, c’est l’introduction de l’obligation de motivation. Celle-ci pourrait conduire les banques à prendre leurs décisions avec une certaine objectivité. En outre, la publication trimestrielle d’un document faisant état de la part et du volume des crédits bancaires consentis aux entreprises de moins de trois ans et aux PME concourra sans doute également à une plus grande transparence.
Durant l’examen du texte par l’Assemblée nationale, les députés ont introduit un certain nombre de modifications tendant à favoriser le développement de certains segments des marchés financiers. Pour plus de cohérence, la commission des finances du Sénat a choisi de compléter dans ce sens l’intitulé de la proposition de loi, ce qui était finalement assez logique.
Toutefois, on pourrait s’interroger sur certains de ces ajouts,…
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Yvon Collin. … relatifs au transfert de la cotation d’une société du marché réglementé Euronext vers le marché non réglementé Alternext, qui divergent quelque peu, me semble-t-il, de l’objet initial du texte.
Mme Nicole Bricq. Complètement !
M. Yvon Collin. Ces articles ont au moins le mérite de poser la question de la diversité des sources de financement des PME. Cela étant, n’ayons pas trop d’illusions, mes chers collègues, s’agissant des possibilités offertes par les marchés, quels qu’ils soient, pour lever de l’argent en faveur des PME ! En raison de leur taille modeste, la majeure partie d’entre elles ne trouveront aucune solution de rechange au financement bancaire.
Néanmoins, la présente proposition de loi recueille le soutien des membres du RDSE, ce qui ne doit pas nous exonérer, mes chers collègues, d’une réflexion plus globale sur les spécificités des PME, au-delà de leurs difficultés d’accès au crédit. Elles sont en effet indispensables à notre économie, et je tiens à dire solennellement qu’aucune relance, aucun progrès économique ne sera possible sans elles. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’origine, la proposition de loi vise non pas à renforcer directement les moyens financiers des PME, mais à remédier à l’asymétrie d’information qu’elles subissent par rapport aux banques et à assurer une traçabilité des encours de crédits.
Chemin faisant, sous l’impulsion du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, attentif au respect de la loi de modernisation de l’économie…
Mme Nicole Bricq. … concernant le fléchage au profit des PME des surplus de liquidités dont bénéficient les banques depuis la banalisation du livret A, le texte a été nettement amélioré.
Le rapporteur de la commission des finances du Sénat s’est assuré de la faisabilité du dispositif – ce qui est un point positif –, mais il n’a pu s’empêcher de céder à son penchant habituel pour le droit financier et la fiducie en introduisant, à la suite de ce que le Gouvernement avait proposé à l’Assemblée nationale, des dispositions n’ayant rien à voir avec les PME. De surcroît, il nous propose de ratifier trois ordonnances, ce qui a conduit logiquement la commission à suggérer de modifier l’intitulé du texte.
Pour finir, le Gouvernement nous a présenté un ajout tendant à inscrire dans la loi la participation de la France au financement du FMI, conformément à ses engagements européens, et il nous a transmis ce matin même en commission un amendement concernant Wallis-et-Futuna…
Cela signifie que le Sénat se voit soumettre ce soir un petit DDOEF – un texte portant diverses dispositions d’ordre économique et financier. Sans doute est-ce là ce que certains appellent la « coproduction législative » !
Au moins l’examen de cette proposition de loi nous donne-t-il l’occasion de revenir sur un sujet crucial dans cette période, à savoir la situation des petites et moyennes entreprises.
Comme vous, mes chers collègues, j’observe ce qui se passe sur le terrain, en l’occurrence dans mon département de la Seine-et-Marne, où se confirme malheureusement la tendance générale d’une dégradation très significative de la situation, avec pour toile de fond, sur le plan social, une augmentation de 42 % des licenciements économiques de mars 2008 à mars 2009. Dans le même temps, le nombre des offres diffusées par le Pôle emploi a diminué de 25 % et l’intérim, à lui seul, recule de façon très significative. On constate, comme sur le plan national – vous pouvez sans doute malheureusement faire le même constat dans vos départements respectifs –, une érosion de la progression des encours de crédits mobilisés et mobilisables, en particulier pour les PME et les très petites entreprises.
L’attitude restrictive des banques en matière de crédit est un facteur certes non exclusif, mais réel. S’y ajoutent la baisse de la demande, qui se traduit par des carnets de commandes plats, des reports d’investissement et des difficultés de trésorerie, en raison notamment d’une réduction de la garantie des assureurs-crédit.
Sur le plan national, le mois d’avril a apporté une mauvaise nouvelle : l’encours de crédit aux entreprises a enregistré, pour la première fois depuis le début de la crise, un recul, à hauteur de 1 %. Cette contraction témoigne de la chute de la production de nouveaux crédits et de la difficulté persistante, pour les entreprises, de trouver des financements auprès des banques.
Pourtant, les banques qui ont reçu le soutien de l’État, soit en fonds propres, soit en garantie, se sont engagées sur une progression de l’encours de crédit de 3 % à 4 %. Or, les chiffres de l’Observatoire du crédit pour la période allant de septembre 2008 à mars 2009 indiquent que les établissements en question n’ont augmenté leurs encours que de 2,2 %. Si la tendance d’avril devait se confirmer, l’objectif fixé dans la loi de finances rectificative d’octobre 2008, qui comportait un plan d’urgence pour les banques, risquerait de ne pas être atteint.
Afin de faciliter le financement des PME, les banques se sont pourtant vu restituer par la Caisse des dépôts et consignations, à la fin de 2008, 16 milliards d’euros d’encours déposés sur les livrets d’épargne populaire, à hauteur de 9 milliards d’euros, et sur les livrets de développement durable, à hauteur de 7 milliards d’euros.
Les entreprises, du moins celles qui offrent des niveaux de rentabilité corrects, se tournent vers des fonds d’investissement régionaux. Il faut saluer, à cet instant, l’action des conseils régionaux qui, au travers des sociétés de capital-risque, notamment en Île-de-France, participent au soutien aux entreprises en croissance. Par ailleurs, les conseils régionaux ont adapté leurs aides à la crise et se sont montrés très réactifs en proposant des prêts destinés à renflouer la trésorerie des entreprises, comme en Bourgogne sous l’impulsion de notre collègue François Patriat.
Ce texte ne modifiera pas la donne que nous connaissons tous dans nos départements respectifs. Il tend à améliorer les procédures, mais, de ce point de vue, il est regrettable que nous ne puissions disposer d’un outil fiable pour mesurer la distribution du crédit aux PME. Cette demande, pourtant exprimée par un grand nombre de membres de la commission des finances au-delà des clivages politiques, n’a malheureusement pas abouti. Elle s’est vu opposer l’argument de faisabilité avancé par la Banque de France, qui sait donner des informations sur la répartition des encours bancaires aux PME mais pas sur les flux de crédits nouveaux, ainsi qu’à l’argument du coût d’une telle collecte d’informations, dont la mise en place nécessiterait d’ailleurs l’approbation du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne.
Nous avons appris à cette occasion qu’une extension importante des données de la Banque centrale européenne était programmée à l’horizon de la mi-2010, mais que l’item « PME » n’y figurait pas ! La Banque centrale européenne ne serait donc pas capable d’inclure dans ses statistiques les encours de crédit aux PME ? L’argument laisse rêveur au lendemain des élections européennes où l’abstention a été massive. Mais faut-il d’ailleurs s’en étonner…
Bref, que la BCE ne puisse pas fournir de telles données nous ennuie profondément.
Le véhicule législatif qui nous est proposé comporte des éléments positifs, je les ai rappelés,…
Mme Nicole Bricq. … mais ils ne suffisent pas, à eux seuls, à répondre au problème initialement posé, à savoir le soutien aux PME.
Par ailleurs, les dispositions ajoutées par M. le rapporteur en matière de droit financier et de fiducie renouent avec des habitudes contestables, qui consistent soit à ratifier des ordonnances dont on ne mesure pas la portée, faute d’expertise, soit à adapter, en pleine crise financière, la place de Paris à la compétition financière,…
Mme Nicole Bricq. … ce qui nous laisse très dubitatifs !
M. Philippe Marini, rapporteur. Mais la crise se terminera un jour !
Mme Nicole Bricq. Nous aurions bien voulu approuver ce texte,…
Mme Nicole Bricq. … mais ces ajouts n’entrent pas dans son objet.
M. Philippe Marini, rapporteur. Des ajouts démoniaques, sans doute !
Mme Nicole Bricq. Pas du tout, monsieur le rapporteur, mais, sous couvert de dispositions à caractère technique, vous faites avaler à la représentation nationale des mesures dont on ne peut apprécier la portée que dans le temps.
Au vu de ce qui s’est fait par le passé pour adapter la place de Paris à la compétition financière,…
M. Philippe Marini, rapporteur. La situation n’a pas toujours été mauvaise !
Mme Nicole Bricq. … je ne regrette pas le vote négatif que nous avons émis à plusieurs reprises. J’avais d’ailleurs indiqué à nos collègues de la majorité qu’ils ne mesuraient pas la portée du chèque en blanc qu’ils signaient !
M. Philippe Marini, rapporteur. On n’a pas de subprimes en France !
Mme Nicole Bricq. Au moins, nous n’avons pas à regretter notre choix négatif.
C’est dommage, nous aurions pu, je le répète, voter ce texte,…
M. François Marc. Il est surchargé !
Mme Nicole Bricq. … mais, dans les circonstances actuelles, nous nous abstiendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nos PME jouent un rôle de premier plan pour assurer la vitalité de notre tissu économique et social. L’élu de la Meuse que je suis le constate quotidiennement : nos commerces, nos restaurateurs, toutes nos petites entreprises, font vivre nos territoires.
Les PME représentent 66 % de l’emploi marchand et 56 % de la valeur ajoutée marchande de l’économie française. Pourtant, elles éprouvent de graves difficultés à se financer. Valable en temps normal, ce constat est devenu encore plus patent depuis que notre pays subit les effets de la crise économique.
En effet, le resserrement important des conditions du crédit bancaire est le premier syndrome de cette crise, et les PME en sont les premières victimes.
Certes, des mesures d’urgence sont intervenues depuis l’automne 2008.
Il s’est tout d’abord agi de solvabiliser le système bancaire et de restaurer sa liquidité. Ensuite, il a fallu mettre en place un plan de soutien pour les PME. Enfin, des mesures de relance de l’activité et de la consommation sont venues compléter ces dispositifs par le biais de collectifs budgétaires.
Pourtant, la situation demeure très préoccupante.
Une étude réalisée par l’IFOP et publiée le 11 mars dernier montre notamment que 80 % des patrons de PME redoutent un durcissement important de l’accès au crédit.
La situation nationale présentée par le médiateur du crédit témoigne également des mêmes problèmes de financement : plus de 90 % des entreprises en médiation sont des TPE ou des PME de moins de cinquante salariés.
Dans ce contexte difficile, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui part d’un constat qui me semble être le bon. Certes, les moyens financiers manquent, mais c’est aussi la confiance des acteurs économiques, notamment des PME, qui fait défaut.
Pour restaurer cette confiance et pour que les entrepreneurs puissent projeter leur activité dans l’avenir, ceux-ci ont besoin de visibilité sur leurs financements futurs. En ce sens, la fixation effective à soixante jours du délai de préavis pour toute réduction ou interruption d’un concours bancaire ainsi que l’obligation faite aux banques de motiver leurs décisions de suspension ou d’interruption d’un prêt bancaire à une entreprise lorsque celle-ci le demande, sont des mesures qui vont dans le bon sens. C’était même la moindre des choses !
En effet, si leurs financements viennent à être réduits, voire supprimés, les dirigeants de PME ont, d’une part, besoin de savoir quand cette décision sera effective et, d’autre part, le droit d’en connaître les raisons.
Pour aider les PME à développer leurs activités, à embaucher et à croître, il importe également de leur permettre d’entretenir des relations sereines et transparentes avec leurs interlocuteurs, au premier rang desquels se trouvent leurs banques et l’administration.
Personnellement concerné par le projet d’une PME, je suis effaré par les obligations administratives et bancaires qui me sont imposées…
M. Claude Biwer. … pour garantir la finalité des investissements, garantir les prêts sollicités et même garantir la succession de mes biens, au cas où il m’arriverait malheur, tout cela demandé avec le sourire, bien sûr ! Il est étonnant qu’une PME soit obligée d’aller jusque-là…
Oui, nous sommes aujourd’hui vraiment loin de la transparence et de la simplicité administrative.
Alors qu’elles conditionnent le développement, voire quelquefois la simple survie des PME, les décisions des banques en matière de financement sont parfois prises dans la plus grande opacité. La fourniture obligatoire par la banque à l’entreprise qui le demande d’explications sur les éléments ayant conduit à la décision de notation interne la concernant va dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup à faire.
Par ailleurs, je viens d’en témoigner, les PME sont aujourd’hui confrontées à des contraintes administratives lourdes. Ces formalités mobilisent leur temps et leurs ressources, alors que nombre d’entre elles peinent à rester en activité durant cette période de crise.
Pour simplifier les relations des PME avec l’administration et réduire le poids des formalités auxquelles elles sont soumises, la dispense de l’obligation d’établir un rapport de gestion pour certaines sociétés unipersonnelles va, là encore, dans la bonne direction.
Concernant le financement des PME ou, plus précisément, la diversification nécessaire de leurs sources de financement, l’introduction d’une procédure plus souple pour transférer les sociétés d’Euronext vers Alternext est une très bonne chose : pour certaines PME, Euronext est à la fois trop cher et trop complexe.
Cette mesure, comme d’autres dispositions, tend à lever certains obstacles auxquels les dirigeants de PME sont aujourd’hui confrontés.
Cette proposition de loi s’inscrit donc dans une tendance qu’il faut saluer : la prise en compte croissante des spécificités des PME.
La crise révèle la vulnérabilité financière de nombreuses petites entreprises. Elle appelle non seulement des mesures de soutien exceptionnelles, mais aussi une amélioration durable des conditions dans lesquelles les PME financent et développent leurs activités.
Le développement des PME est véritablement, pour la France, un objectif économique et commercial. Il est aussi un objectif en termes de politiques publiques parce que celles-ci contribuent au renouvellement de notre tissu productif et sont porteuses d’innovation. Surtout, il s’agit d’un objectif social de première importance parce que les PME constituent une source d’emplois qui irrigue tous nos territoires. C’est pourquoi il nous faudra aller au-delà de cette proposition de loi.
Les pistes qui ont été récemment dégagées par le Conseil d’analyse économique méritent d’être explorées. Ainsi conviendrait-il sans doute d’aller plus loin pour orienter l’épargne vers les PME. Les professionnels de l’assurance vie doivent tenir leurs engagements en la matière ; il faudra y veiller.
Par ailleurs, il est indispensable de réfléchir aux moyens de répondre au désengagement important des assureurs crédit enregistré ces derniers mois par certaines entreprises.
J’ajoute que la proposition de loi de notre collègue Jean Arthuis visant à renforcer l’efficacité de la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises me paraît tout à fait opportune.
Enfin, je voudrais vous faire part de mon étonnement à la lecture d’un amendement présenté par notre collègue Pierre Hérisson portant sur l’organisation de la mutualisation entre les opérateurs de la partie terminale des réseaux de communication électroniques en fibres optiques. Eu égard à la longue discussion que nous avons eue l’an dernier dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, cet amendement ne me semble pas avoir sa place ici.
De plus, cette proposition aurait très certainement un coût, qu’il y aurait lieu d’affecter. Elle creuserait encore un peu plus le fossé existant entre la ville et la ruralité, alors que le monde rural ne peut déjà pas bénéficier de toutes les technologies de la communication et des services afférents.
Quoi qu’il en soit, cette question exige une autre discussion et un autre texte. Peut-être pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous donner quelques explications sur ce sujet ?
M. Claude Biwer. Pour en revenir à la proposition de loi, l’Union centriste a bien entendu le message et souhaite la soutenir, mais nous aimerions savoir, monsieur le secrétaire d'État, de quoi demain sera fait pour nos PME locales. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.
M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le président, je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer pour la première fois à la tribune de notre honorable assemblée. Il est au demeurant naturel, pour le chef d’entreprise que j’ai été, d’intervenir dans le cadre de la discussion d’un texte qui traite de la vie, voire de la survie de nos PME.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte, équilibré et précis dans ses objectifs, concis et pratique dans son dispositif, n’a pas la prétention de révolutionner les rapports entre le banquier et le chef d’entreprise, et encore moins de transformer ou de réinventer la mécanique bancaire. Les amendements adoptés par la commission l’ont enrichi sur les aspects liés aux marchés financiers, mais n’est concernée qu’une infime minorité des 3 millions de PME françaises.
Pour ma part, je m’en tiendrai donc à évoquer les dispositions qui concernent la quasi-totalité des PME.
Si elle n’est pas révolutionnaire, la présente proposition de loi vient opportunément compléter un ensemble de mesures tant nationales qu’européennes.
Depuis l’automne dernier, sur l’initiative du chef de l’État, le plan de financement de l’économie a restauré la liquidité du système bancaire pour que les banques continuent à servir les entreprises. Cette attention du politique à l’endroit des PME n’est que la juste contrepartie de ce que ces entreprises rapportent à la nation, c'est-à-dire 50 % de la valeur ajoutée produite en France.
Sans cette initiative, l’assèchement du marché interbancaire, l’absence de confiance des établissements entre eux et le repli de ceux que l’on appelle les « zinzins », c'est-à-dire les investisseurs institutionnels, auraient bloqué l’ensemble des rouages de l’économie, avec les conséquences sociales que l’on peut imaginer.
Ce texte, comme les mesures du plan de soutien à l’activité et aux PME, renforce le principe selon lequel l’État n’a pas à signer de chèque en blanc aux banquiers. « Un prêté pour un rendu », voilà en cinq mots le rapport aux banques !
Toutefois, ce texte doit posséder d’autres vertus, celles d’un dispositif qui pose dans la durée des principes pratiques : plus d’éthique, plus de transparence, plus d’information.
Qu’un entrepreneur soit informé par sa banque des raisons de la réduction ou de l’interruption d’une ligne de crédit ou par l’assureur crédit des motivations sérieuses qui aboutissent à la rupture d’une garantie, voilà qui paraît trivial et, pourtant, il fallait un texte pour rendre cette pratique systématique ! Ce sera chose faite.
Qu’un dirigeant ait accès à la justification de la notation de son entreprise, cela paraissait la moindre des choses, mais c’était rarement le cas ! Ce sera un nouveau droit.
Des relations équilibrées entre l’entrepreneur et le banquier, c’est une meilleure visibilité pour ce voyage à deux tout au long de la vie de l’entreprise. Les PME peinent encore à négocier les lignes de découvert et leurs besoins de crédit à court terme. Mais les choses bougent, et bougent vite.
À l’instar de ce qui se passe dans la plupart des départements, dans le Gard, autour du préfet, du trésorier-payeur général et du directeur de la Banque de France, médiateur du crédit, la cellule restreinte, je peux en témoigner, accomplit un travail remarquable. Ainsi, dans mon seul département, sans bruit, des dizaines de PME ont été entendues et des centaines d’emplois ont été sauvés.
Enfin, ce texte a permis d’aborder une nouvelle fois la nécessaire traçabilité des financements dédiés aux PME et le contrôle de l’emploi de l’épargne et des actifs des sociétés d’assurances.
Bien que l’article L. 221-5 du code monétaire et financier précise le cadre d’emploi des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable, le parlementaire que je suis perd régulièrement son latin sur cette question ! (Sourires.)
Nous devons à nos concitoyens des explications sur l’efficacité collective de leur épargne. La clarté ne nuit pas. À épargne grand public, information grand public ! Ce serait valorisant, notamment pour le petit épargnant.
Cohérence, efficacité et nouvelle éthique, voilà qui résume l’esprit de ce texte comme l’esprit des politiques publiques de financement de l’économie et du soutien aux PME qui sont menées concomitamment.
Cela étant, prolongeons la démarche en veillant à ce que la logique industrielle, chère au chef de l’État, ne soit pas prise en défaut par une politique de rémunération excessive de l’actionnariat de certaines banques françaises.
Même philosophie pour les compléments d’assurance crédit publics, dits CAP, et la Caisse centrale de réassurance, ou CCR, qui ne doit pas être le bouclier facile d’assureurs crédit par trop frileux.
Cela fait tache en cette période où l’État, donc le contribuable, soutient massivement, par ses garanties, l’activité bancaire et le crédit.
Les treize millions de salariés des PME françaises sont attentifs à tout ce qui relève de l’éthique et de la solidarité nationale.
Nos PME sont l’image d’un capitalisme à visage humain. Leur bonne santé économique doit rester une obsession pour nous tous qui avons des responsabilités publiques. Par conséquent, j’observe avec satisfaction que ce texte y contribuera ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)