M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Madame Bricq, je crains que le balancier ne soit reparti du côté de la centralisation ! En nous incitant à étendre les particularités du réseau des caisses d’épargne à celui des banques populaires, vous diluez les spécificités du premier.
Mme Nicole Bricq. C’est pour la bonne cause !
M. Philippe Marini, rapporteur. Cela ne serait pas conforme à l’équilibre entre organe central et structures régionales décentralisées que nous propose le Gouvernement de manière judicieuse.
M. Yvon Collin. Discutable !
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission ne peut donc être favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les caisses d’épargne conservent des missions spécifiques de promotion et de collecte de l’épargne ainsi que de développement de la prévoyance. Ni l’histoire ni la loi n’ont confié de telles missions aux banques populaires, qui sont davantage tournées vers le financement des petites et moyennes entreprises.
L’adoption de cet amendement serait donc contraire à l’objectif de respect de l’autonomie et de la spécificité de chaque réseau, objectif que vous avez vous-même rappelé à maintes reprises, madame Bricq.
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l’article L. 512-108 du code monétaire et financier, supprimer les mots :
ou aux instructions fixées par l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement a pour objet de mettre en évidence une réalité : les dispositions du projet de loi traduisent bel et bien des efforts particuliers de mise sous tutelle par le nouvel organe central des différentes composantes du groupe issu de la fusion.
Le texte proposé par l’article 1er pour l’article L. 512-108 du code monétaire et financier tend en effet à mettre en place une forme de double veto quant aux décisions que pourraient prendre les caisses régionales d’épargne ou les banques régionales issues du groupe Banque populaire.
Sous certains aspects, le projet de loi reprend les termes de l’article L. 512-98 du même code sur les pouvoirs de sanction dévolus à l’organe central des caisses d’épargne, c’est-à-dire, aujourd’hui, la Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance.
En clair, ces pouvoirs de sanction dévolus à la CNCE et, notamment, aux censeurs présents dans chaque caisse régionale, sont aujourd’hui transférés au nouvel organe central, sans que soit précisée l’identité des personnes habilitées à prendre de telles décisions.
Pour faire bonne mesure, ces pouvoirs de sanction procèdent à la fois du respect des règles législatives en vigueur, ce qui peut tout à fait se concevoir, et des instructions édictées par le nouvel organe central, ce qui est beaucoup plus discutable, surtout lorsque l’on sait comment ce dernier est constitué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur Vera, je crains, là, que le balancier ne reparte dans l’autre sens, c’est-à-dire vers trop de décentralisation ! (Sourires.)
Il convient, en ce domaine, d’avoir une bonne vision sur les conditions d’exercice des responsabilités des mandataires sociaux au sein des établissements du réseau ; un peu de centralisme démocratique ne peut donc pas faire de mal !
Mme Nicole Bricq. Comme à l’UMP !
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n’est donc pas favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l’article L. 512-108 du code monétaire et financier, après les mots :
activité de cet établissement
insérer les mots :
, en raison du non respect des instructions fixées par celui-ci dans le cadre de son rôle de garant de la solvabilité du groupe,
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. L’amendement vise à limiter le pouvoir de révocation des dirigeants au non-respect des instructions fixées par l’organe central dans le cadre de son rôle de garant de la solvabilité du groupe.
Le pouvoir de révocation du nouvel organe central des caisses d’épargne et des banques populaires ne doit pas conduire à inverser la philosophie des deux groupes, celle que vous rappeliez, monsieur le président de la commission, et que j’approuve. En effet, le pouvoir de décision doit toujours être détenu par les clients, qu’ils soient sociétaires ou autres, de ces deux entités au travers de la gouvernance de leurs instances régionales.
L’objet de l’amendement est donc très simple et très compréhensible : montrer clairement notre volonté de rapprocher le pouvoir de décision du terrain et des sociétaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur Carrère, je crains que cet amendement ne soit très proche du précédent, que nous avons rejeté.
M. Jean-Louis Carrère. Il n’est pas très éloigné !
M. Philippe Marini, rapporteur. Par conséquent, il devrait subir le même sort.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Sans surprise, le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je tiens à le préciser, monsieur Carrère, les dispositions que vous proposez de supprimer s’appliquent aujourd’hui à la Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance. Il convient en effet de donner à l’organe central les moyens de faire respecter les instructions données aux établissements constituant le groupe.
Or le fait de restreindre l’exercice du pouvoir de révocation au cas où une décision est contraire aux instructions de l’organe central me semble aller à l’encontre de cette gouvernance efficace que nous appelons de nos vœux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le secrétaire d’État, la rédaction que vous proposez pour l'article L. 512-108 du code monétaire et financier – elle a, certes, sa cohérence, même si je ne la partage pas – est porteuse, selon moi, de conflits à venir.
Mes chers collègues, je vous demande de bien mesurer la portée de votre vote : imaginez que l’organe central décide, tout à coup, sans concertation, de prononcer la révocation du dirigeant d’une caisse régionale, lequel aurait été nommé par cette dernière, sur proposition dudit organe central. Cela risque d’entraîner de très graves frictions entre l’échelon régional et l’échelon national !
À mon sens, mieux vaut qu’une telle décision soit prise à l’échelon régional : il serait totalement contradictoire d’autoriser une caisse régionale à procéder à la nomination de son dirigeant tout en permettant à l’échelon national de prononcer la révocation de celui-ci.
M. François Marc. Eh oui !
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse, Fortassin et Mézard, Mme Escoffier et M. Plancade, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 8° du I de cet article pour l'article L. 512-12 du code monétaire et financier par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil de surveillance de l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires comprend notamment des membres élus par les salariés du réseau des caisses d'épargne et par les salariés du réseau des banques populaires dans les conditions prévues par ses statuts ».
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement vise à permettre une représentation, avec voix délibérative, des salariés des caisses d’épargne et des banques populaires au sein du conseil de surveillance du nouvel organe central.
Il est effectivement préférable que ce conseil de surveillance comprenne des membres élus par les salariés des deux réseaux, à l’instar de ce que prévoit actuellement la loi de 1999 portant réforme des caisses d’épargne pour le conseil de surveillance de la Caisse nationale. Ces membres du conseil représenteraient les salariés des deux réseaux avec toutes les prérogatives attribuées aux autres membres, notamment la voix délibérative.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. J’ai le sentiment que le texte du projet de loi donne satisfaction à M. Collin, puisqu’il prévoit quatre représentants des salariés.
Mme Nicole Bricq et M. Yvon Collin. Ils n’ont pas voix délibérative !
M. Philippe Marini, rapporteur. Certes, mais, si je ne me trompe, l’amendement porte sur le principe de l’élection des membres.
Il est prévu que le conseil de surveillance comprenne quatre représentants des salariés. Deux sont semblables à des sénateurs, puisqu’ils sont élus par les comités d’entreprise, dans le cadre d’un système à deux niveaux, et deux sont semblables à des députés, car ils sont élus par un collège unique. Si je comprends bien – et j’en demande confirmation à M. le secrétaire d’Etat –, les salariés de chacune des branches éliraient un représentant au conseil de surveillance : ce seraient les « députés ». (M. le secrétaire d'État acquiesce.)
Finalement, c’est un système très équilibré qui nous est proposé. Deux « députés » et deux « sénateurs » : que peut-on demander de mieux ? (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce point a été abordé dès le début de l’examen de ce projet de loi, lors de la discussion générale, et nous en avons de nouveau débattu au cours de la présentation des amendements.
Je rappelle que la composition des instances dirigeantes de l’organe central relève non pas de la loi, mais du choix des groupes, fixé dans les statuts du nouvel organe central. C’est ainsi que le protocole de négociations signé le 16 mars dernier prévoit que des représentants des comités d’entreprise participent au conseil de surveillance, avec voix consultative.
Sous l’impulsion de la commission des finances et après l’audition de différents représentants des salariés, il a été précisé qu’assisteraient aux séances du conseil de surveillance deux représentants du comité d’entreprise de l’organe central, mais aussi un représentant des salariés du réseau des banques populaires, élu par un collège unique selon des modalités qui restent à déterminer par le groupe, et un représentant des salariés du réseau des caisses d’épargne. La présence de ces quatre représentants des salariés constitue, me semble-t-il, une véritable avancée.
M. Daniel Raoul. Ils « assisteraient » aux séances !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous voterons, bien évidemment, l’amendement présenté par le groupe du RDSE.
Cet amendement prévoit une rédaction différente de celle de l’amendement n°1, que nous avons défendu précédemment, mais il rejoint exactement notre proposition dans la mesure où il fait référence aux statuts de l’organe central. Dans les deux cas, il s’agit bien de donner aux représentants des salariés une voix délibérative au sein du conseil de surveillance du nouvel organe central.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Charasse, Fortassin et Mézard, Mme Escoffier et M. Plancade, est ainsi libellé :
Après le 8° du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...°L'article L. 512-85 est ainsi rédigé :
« Art. L. 512-85. - Le réseau des caisses d'épargne et le réseau des banques populaires participent à la mise en œuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions. Les deux réseaux ont notamment pour objet la promotion et la collecte de l'épargne ainsi que le développement de la prévoyance, pour satisfaire notamment les besoins collectifs et familiaux. Ils contribuent en priorité à la protection de l'épargne populaire, au financement du logement social, à l'amélioration du développement économique local et régional et à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale. »
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement tend à étendre aux banques populaires les missions sociétales traditionnellement dédiées aux caisses d’épargne. En effet, conformément à l’esprit qui sous-tend le projet de loi, il semble opportun que le réseau des caisses d’épargne et celui des banques populaires fassent l’objet d’un traitement identique quant à leur investissement respectif dans des missions sociétales.
M. Jean-Louis Carrère. C’est une utile piqûre de rappel !
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le 8° du I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...° - Le début de l'article L. 512-85 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Le réseau des caisses d'épargne et des banques populaires participe à la mise en œuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions. Il a en particulier pour objet la promotion et la collecte de l'épargne ainsi que le développement de la prévoyance, pour satisfaire notamment les besoins collectifs et familiaux. Il assure une présence d'agences des caisses d'épargne et des banques populaires sur l'ensemble du territoire. Il contribue à la protection de l'épargne populaire, au financement des investissements publics et du logement social.... (le reste sans changement). »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement a pour objet d’étendre aux banques populaires les compétences attribuées aux caisses d’épargne pour des missions d’intérêt général.
En effet, l’article L. 512-85 du code monétaire et financier dispose : « Le réseau des caisses d’épargne participe à la mise en œuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions. […] Il contribue à la protection de l’épargne populaire, au financement du logement social, à l’amélioration du développement économique local et régional et à la lutte contre l’exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale. »
On notera d’ailleurs que cet article L. 512-85 a été assez nettement modifié par la loi de modernisation de l’économie, qui a également transformé les missions des caisses d’épargne. En effet, comme nous l’avons déjà indiqué, l’utilisation du dividende social des caisses d’épargne s’est trouvée quelque peu réduite par l’abrogation de l’article L. 512-91 du code monétaire et financier.
La loi de modernisation de l’économie a supprimé cet article et les mentions suivantes dans le texte du code monétaire et financier tel qu’il découlait de la codification introduite par la loi de 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière.
On peut notamment se référer à l’article 1er de cette loi, qui, entre autres mesures, apportait la précision suivante : « Dans les conditions fixées par l’article 6, les caisses d’épargne et de prévoyance utilisent une partie de leurs excédents d’exploitation pour le financement de projets d’économie locale et sociale. Elles présentent une utilité économique et sociale spécifique au sens du présent article. »
La disparition des notions de dividende social et d’utilité sociale des caisses d’épargne est donc évidente et les termes de la loi de modernisation de l’économie, qui semblent encore plus généraux et imprécis que ceux de la loi de 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière, n’apportent, de toute évidence, aucune garantie en la matière.
En vérité, nous sommes presque convaincus que l’article 147 de la loi de modernisation de l’économie visait, d’une certaine manière, à préparer le terrain pour la suite, en particulier pour le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.
À force de réduire la portée de l’intérêt général, on peut finir par faire disparaître celui-ci de la loi et aboutir à une utilisation de l’instrument législatif à des fins plus privées. Pourtant, l’existence de missions d’intérêt général est intrinsèquement liée à l’histoire des caisses d’épargne.
Le statut des caisses d’épargne a évolué au fil des ans. Toutefois, cette prégnance de l’intérêt général se retrouve dans l’article L. 512-85 du code monétaire et financier qui définit les missions de la banque. Certes, sur bon nombre de points, cet article a un aspect cosmétique, notamment depuis la banalisation du livret A, mais il continue à conférer aux caisses d’épargne leur spécificité dans le paysage bancaire français.
De plus, les banques populaires et les caisses d’épargne ont déjà mis en commun certaines de leurs activités, par exemple par le biais de Natixis. Pourquoi, alors qu’on accepte que ces banques mutualistes s’orientent vers la spéculation et les opérations boursières, domaines bien éloignés de leurs compétences, refuserait-on l’idée qu’elles puissent agir de concert pour des missions d’intérêt général ?
Enfin, le vote de cet amendement permettrait de donner une forme de contrepartie aux 7 milliards d’euros d’argent public qui ont été injectés pour soutenir le groupe.
En raison du choix opéré par le Gouvernement et malgré l’importance de la somme investie dans le nouvel organe central, l’aide publique apparaît de plus en plus comme le gage de mise en œuvre d’un processus de fusion, ouvrant la porte à moyen terme à la banalisation pure et simple du regroupement des deux réseaux.
Il nous semble donc nécessaire de faire en sorte que les missions d’intérêt général, dévolues jusqu’ici aux caisses d’épargne, soient étendues aux différentes entités du groupe constitué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Par souci de cohérence avec les votes qui sont intervenus précédemment, la commission souhaite que ces amendements soient retirés ou rejetés.
M. Yvon Collin. Quel dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Ces deux amendements ont vraiment du sens.
Ils se rapportent au fort contenu social, fondé sur l’intérêt général, que nous reconnaissons à l’activité des caisses d’épargne. Je puis vous assurer que, dans certaines régions de France, que je connais mieux que d’autres, les sociétaires et les collectivités territoriales restent très attachés à ce rôle.
Je regrette un peu que les formes de nivellement que vous introduisez par le biais de cette loi soient des nivellements par le bas. En effet, il y a plusieurs façons de niveler : en ajoutant de la matière, on nivelle par le haut, ce que je vous propose ; en retranchant de la matière, on nivelle par le bas, ce que vous êtes en train de faire. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous traitez la question de la représentation démocratique des salariés, vous ne choisissez pas de niveler par le haut et de vous aligner sur la pratique des caisses d’épargne ; vous préférez niveler par le bas !
M. Jean-Louis Carrère. Je vous assure que vous nivelez par le bas ! Que penseriez-vous, monsieur le secrétaire d’Etat, si on vous retirait tout droit de vote ou toute possibilité d’expression en conseil des ministres ? D’ailleurs, c’est peut-être le cas ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Mais il ne s’agit pas d’un problème législatif. Pour ce qui est du contenu social et de l’intérêt général, vous ne choisissez pas d’attribuer aux banques populaires les mêmes prérogatives que les caisses d’épargne : vous faites l’inverse !
Ne me faites pas croire que vous êtes pétris de bonnes d’intentions. Non ! Vous êtes pressés, pressurés. Vous obéissez à des ordres. Ne le prenez pas mal, mais vous êtes même souvent en désaccord avec vos positions personnelles.
Ce que vous êtes en train de faire n’est pas empreint d’une grande générosité et je le regrette pour ces deux groupes bancaires ! (Alain Gournac s’exclame.)
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est excessif !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais revenir sur cette question des missions d’intérêt général.
En 1999, pour faire entrer les caisses d’épargne, au statut si spécifique, dans un cadre nouveau, on a inventé le concept de contribution à l’intérêt général…
M. Philippe Marini, rapporteur. De dividende social !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. …de dividende social, en effet. C’était généreux, sympathique.
M. Yvon Collin. Et justifié !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’était aussi la contrepartie du monopole sur le livret A. Tout cela justifiait une vraie spécificité. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Eh bien ! les caisses d’épargne sont devenues un groupe mutualiste. Pourquoi ne pourraient-elles pas avoir recours aux lois sur le mécénat si elles souhaitent remplir des missions d’intérêt général ? Pourquoi s’accrocher à un dispositif si spécifique, si original et, finalement, complètement symbolique ? Il ne s’agit pas de tuer une culture d’une telle générosité. Mais, très franchement, je ne crois pas que l’enjeu soit majeur.
Quant aux banques populaires, en application des dispositions sur le mécénat, elles pourront tout à fait se livrer, si elles le veulent, à des actions de la même portée sur le plan social et sociétal.
M. Jean-Louis Carrère. La clientèle est différente !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je pense donc pouvoir apaiser votre crainte.
Le fait que le groupe rencontre de réelles difficultés, ne sait plus où trouver de l’argent et risque le dépôt de bilan est générateur d’angoisse pour l’ensemble des collaborateurs des deux réseaux ; nous les libérons de cette angoisse. Il ne faut peut-être pas en faire trop…
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je pense donc que ces amendements peuvent être rejetés.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Je ne comprends pas le pessimisme que recèlent ces amendements. En effet, les caisses d’épargne assurent bien leurs missions sociales. À un moment donné, c’était une obligation : il fallait réserver, dans les résultats, une partie qui était liée aux rémunérations des parts sociales. Un mécanisme très simple permettait, au moment de la répartition des résultats, de financer des actions sociales.
Bien qu’il ne soit plus obligatoire pour les caisses d’épargne, avec la disparition du monopole de la distribution du livret A, de réserver une partie de leurs résultats au financement des actions sociales, j’ai constaté, au travers des délibérations de la Fédération nationale des caisses d’épargne et de quelques caisses d’épargne, que celles-ci avaient gardé l’habitude de le faire, de manière facultative, mais massive. Il n’y a donc pas lieu d’être inquiet : cette mission sociale continue d’être assurée. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Elle continuera de l’être ! C’est l’esprit du texte !
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II de cet article :
II. - Toute mesure prise en vertu des dispositions de l'article L. 512-107 du code monétaire et financier est soumise à l'avis majoritaire des caisses d'épargne et de prévoyance.
Cet amendement n’est pas soutenu.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l’article 1er.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur cet article 1er, qui illustre le caractère profondément discutable du présent projet de loi, je ne peux manquer de produire quelques observations complémentaires.
Le moins que l’on puisse dire est qu’au-delà du projet de loi ce projet de fusion est loin de recueillir l’assentiment général.
Les organisations syndicales des caisses d’épargne ont refusé, pour le moment, de donner un avis sur le projet de loi, et trois d’entre elles ont introduit des recours juridiques, arguant, à juste titre, des multiples et denses zones d’incertitude qui entourent ce texte. Parmi ces incertitudes figure, par exemple, l’évaluation des actifs apportés par les deux groupes et leurs filiales. Je m’étonne d’ailleurs que vous ne trouviez pas étrange, monsieur le rapporteur, que l’on réalise une fusion de cette importance avant même d’avoir procédé à l’évaluation desdits actifs !
Nous n’acceptons pas, en qualité de parlementaires, d’être ainsi pressés de voter un texte dont le caractère prétendument technique masque mal les visées politiques profondes. Les zones d’incertitude de ce texte sont pourtant connues : les bilans, notamment celui de Natixis, n’ont pas été « passés à la paille de fer », et l’évaluation réelle des pertes potentielles liées à la crise financière n’a pas encore été produite.
On sait que Natixis a malheureusement rencontré sur son chemin les œuvres de Bernard Madoff ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur. Malgré le mutualisme !
M. Thierry Foucaud. ... et les placements hasardeux dans les banques islandaises. Mais nous craignons que les placards ne soient remplis d’autres cadavres.
Allons plus loin dans notre analyse : cette non-évaluation de la réalité des bilans pose question, alors que l’article 1er prévoit notamment que les nouvelles entités rattachées au NOC devront souscrire une nouvelle forme d’assurance mutuelle, par appel de cotisations complémentaires de celles déjà existantes dans les fonds sécurisés.
Parlons peu, mais parlons bien ! Ce que vous nous proposez, c’est de valider un dispositif dans lequel l’effacement des pertes liées à la crise financière nécessitera, au-delà de l’apport de fonds par l’État, des ressources sans cesse plus importantes issues des réseaux eux-mêmes.
Résumons-nous : après les 7 milliards d’euros de fonds accordés par la Société de prise de participation de l’État, la SPPE, et la Société de financement de l’économie française, la SFEF, nous assisterons, d’une part, à la sollicitation des caisses régionales et des banques régionales, par mobilisation de leurs excédents de trésorerie, faisant du NOC une véritable « pompe aspirante » et, d’autre part, au déploiement de toute la batterie des outils habituels de recherche d’argent frais.
L’absence d’évaluation des actifs et l’annonce d’une révision des effectifs pour la fin de l’année signifient, en fait, que l’on va procéder à la cession de certaines filiales qui n’auront pas adhéré au NOC, à commencer par les huit banques régionales, par exemple HSBC. Cela signifie également que l’on supprimera quelques emplois, après avoir incité tel ou tel salarié à quitter les lieux « de son plein gré », et que l’on procédera, selon la formule consacrée, à l’optimisation des synergies.
En tant que parlementaires, nous refusons de nous contenter d’accompagner M. Pérol sur sa brillante trajectoire de liquidateur du secteur bancaire mutualiste. (Protestations sur les travées de l’UMP ; M. le secrétaire d’État proteste également.) C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet article 1er.