M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Le président de la commission des finances nous a expliqué à l’instant que le fait de ne pas accorder de droit de vote aux représentants des salariés au sein du conseil de surveillance n’était pas bien gênant.
S’agit-il d’un principe de bonne gouvernance d’une entreprise que d’accorder un droit de vote aux représentants des salariés au sein d’un conseil de surveillance qui réunira sans doute plusieurs dizaines de votants ? À l’évidence, un ou deux votes émis par les représentants des salariés ne remettent pas en question les équilibres de pouvoir ! Dans toutes les théories de management et de gestion des entreprises édictées depuis des dizaines d’années, on considère que, pour mobiliser les acteurs d’une organisation, quelle qu’elle soit, il faut leur donner une parcelle d’accès à l’information et au pouvoir de décision.
De ce point de vue, le fait d’accorder le droit de vote aux représentants des salariés contribuerait certainement à favoriser une mobilisation collective au sein de ces entreprises, qui bénéficieront désormais d’une organisation commune et dont on espère des performances à la hauteur des objectifs fixés. Une mobilisation collective permettrait sans doute d’atteindre ces objectifs. Avec l’adoption du présent amendement, nous pourrions aller un peu plus loin dans cette mobilisation collective.
Je souhaite également attirer l’attention sur un second argument. Au fond, comme l’a souligné le président Jean Arthuis, cette entreprise se recommande d’une philosophie coopérative et mutualiste qui, à ma connaissance, repose sur la recherche d’un consensus entre tous les acteurs et la mobilisation de ces derniers pour atteindre un objectif non pas de maximisation du profit, mais de services, à savoir la fourniture d’une prestation bancaire de qualité, correctement mutualisée. La philosophie même du mutualisme et de la coopération plaide incontestablement pour que le facteur humain soit pleinement associé à la prise de décision dans l’organisation.
Ces deux arguments justifient qu’un écho soit donné à la proposition formulée par Mme Nicole Bricq, au nom du groupe socialiste, et que je soutiens pleinement.
Si l’on n’octroie pas ce droit de vote aux représentants des salariés, si l’on écarte d’un revers de main cette revendication, on privera d’une chance ce projet de long terme.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 512-106 du code monétaire et financier.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Il s’agit d’un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je profite de cet amendement pour demander une précision au Gouvernement.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, il a été dit que les représentants des sociétaires auraient vocation à être désignés paritairement au sein du conseil de surveillance, soit, pour chacun des deux réseaux, caisses d’épargne et banques populaires, au moins cinq représentants sur sept. S’agit-il bien des représentants des sociétaires, lesquels ne doivent pas être confondus avec les dirigeants salariés des établissements de ces réseaux ? Je vous demande de bien vouloir me le confirmer, monsieur le secrétaire d’État, car c’est important pour la gouvernance du nouvel ensemble.
Cela étant, tout en remerciant M. Foucaud de m’avoir fourni cette accroche, je ne peux qu’appeler au retrait ou au rejet de son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement de M. Foucaud, l’objectif des dispositions qu’il prévoit de supprimer étant justement de permettre la création du nouvel organe central des caisses d’épargne et des banques populaires, dont les missions relèvent nécessairement de la loi.
Pour répondre à votre interrogation, monsieur le rapporteur, je vous précise très clairement que le conseil de surveillance comprendra bien, sur les sept représentants des caisses d’épargne, cinq représentants des sociétaires. De la même manière, il comprendra cinq représentants des sociétaires pour le réseau des banques populaires, soit dix représentants au total sur les dix-huit membres du conseil de surveillance, sans compter les quatre représentants des salariés.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je vous remercie de cette précision, monsieur le secrétaire d’Etat !
M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 512-106 du code monétaire et financier par un alinéa ainsi rédigé :
« Les représentants des sociétaires doivent voir leurs fonctions validées par la majorité des caisses locales, s'agissant des caisses d'épargne et des banques régionales, s'agissant des banques populaires.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. La mise en place de l’organe central prévu par le projet de loi a connu une première évolution.
Ainsi, l’Assemblée nationale a acté la nécessité d’une représentation majoritaire des sociétaires des caisses d’épargne et des banques populaires au sein du conseil de surveillance du nouvel organe central. Mais, ce faisant, elle n’a fait qu’une partie du chemin.
Ce que nous préconisons au travers de cet amendement, c’est d’éviter que ne se produise un processus de cooptation des représentants des sociétaires, qui pourrait nuire à la pertinence de l’ensemble.
On rappellera, en particulier, qu’aux termes de l’article 4, qui déroge très largement au droit commun pour assurer la réussite de l’opération de fusion, peu de moyens seront laissés aux sociétaires pour intervenir, ne serait-ce que fort partiellement, sur l’opération dans son ensemble.
Au demeurant, l’émergence de contentieux juridiques sur le dossier de la fusion, à l’image de celui qui a été déposé récemment par les organisations syndicales des caisses d’épargne dans trois régions, montre, s’il en était besoin, que l’on fait bon poids, dans ce projet de loi, des règles jusqu’ici en vigueur.
En l’occurrence, ce qui nous importe– nous reparlerons de la question de l’évaluation des apports lors du débat sur l’article 4 –, c’est que les dirigeants du nouvel organe central soient légitimés par les responsables des caisses régionales d’épargne et ceux des banques régionales du groupe Banque Populaire.
Cet amendement vise donc à assurer que cette légitimité découle de l’approbation majoritaire, au niveau des structures coopératives concernées par le nouvel organe central, de l’élection de tel ou tel membre du conseil de surveillance.
Ce cheminement démocratique est à nos yeux une garantie pour éviter tout conflit d’intérêts et toute incompréhension qui viendrait à se manifester.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais convaincre nos collègues du groupe CRC-SPG de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Dans une autre série d’amendements, nos collègues souhaitent que le caractère décentralisé de l’organisation de ce double réseau soit effectivement pris en compte. Or, au travers de cet amendement, ils voudraient que la désignation des représentants des sociétaires au sein du conseil de surveillance de l’organe central soit validée par un vote majoritaire des caisses qui s’expriment. Une telle exigence ne peut conduire qu’à placer entre les mains de l’état-major du groupe un pouvoir d’influence encore plus considérable.
Je me permets de souligner cette apparente contradiction, mais, bien entendu, les auteurs de l’amendement en sont juges.
Par ailleurs, contrairement à ce que certaines interventions semblent laisser entendre, je rappelle que, par rapport à la période comprise entre 1999 et 2009, le caractère mutualiste des caisses d’épargne reste perfectible.
M. Jean-Louis Carrère. C’est surtout le choix des dirigeants qui l’est !
M. Philippe Marini, rapporteur. N’oublions pas qu’il s’agit d’une représentation à deux niveaux : on commence par constituer des sociétés locales d’épargne avant d’extraire de celles-ci des représentants aux assemblées générales des caisses d’épargne elles-mêmes.
Je vous renvoie aux discussions qui ont eu lieu lors de l’examen de la loi du 25 juin 1999 ; j’avais déjà l’honneur d’être rapporteur de ce texte. En réalité, l’état-major du groupe Caisse d’épargne avait la volonté de ne pas se trouver confronté à des assemblées générales de caisses quelque peu incertaines : il était très réservé quant à l’expression directe et authentique du sociétariat.
Quand je parle d’une loi minimaliste, je veux dire que l’on ne touche ni au statut ni au mode de fonctionnement des caisses d’épargne et des banques populaires. (M. Alain Gournac fait un signe d’approbation.) Il faut, naturellement, parer au plus pressé et constituer le nouvel ensemble, tout en n’excluant pas de faire évoluer ce mutualisme pour le rendre un peu plus conforme aux principes de droit commun.
Je voulais apporter cette précision, car, à entendre certains de nos collègues, on pourrait avoir le sentiment que tout était parfait dans ce monde quasi-mutualiste, alors qu’un progrès est sans doute concevable. (M. Alain Gournac acquiesce.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce qui est important, aujourd’hui, dans ce rapprochement, c’est la mise en place de l’organe central commun, la manière dont il va fonctionner et sa composition. Les réseaux conserveront leur autonomie et leurs marques.
Ce rapprochement n’implique aucune modification dans la gouvernance des sociétés locales d’épargne, qu’il s’agisse des caisses d’épargne ou des banques populaires. Il ne faut pas insulter l’avenir ! Aujourd’hui, nous traitons de la création de ce nouvel organe central, et nous devons nous focaliser sur cet objectif.
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes surtout très pressés !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En conséquence, à l’instar de la commission, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?
M. Bernard Vera. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 512-107 du code monétaire et financier par les mots :
après avis conforme de la majorité des caisses régionales des caisses d'épargne et des banques régionales des banques populaires
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Après la répartition des fonctions dirigeantes, venons-en à la traduction concrète du rôle du nouvel organe central, tel que le nouvel article L. 512-107 du code monétaire et financier le prévoit.
Cet amendement porte sur les rapports de pouvoir à l’intérieur du groupe et vise à compléter l’alinéa qui dispose que l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires a pour mission « de définir la politique et les orientations stratégiques du groupe ainsi que de chacun des réseaux qui le constituent ».
Il s’agit, en fait, de poser le principe d’une autonomie de gestion des réseaux qui leur ouvrirait une capacité de contrôle de leur propre avenir.
Le directeur d’une banque régionale ou d’une caisse d’épargne aura-t-il encore la capacité de mener une politique ancrée sur un territoire, qui répond aux besoins de celui-ci, ou son rôle se limitera-t-il à s’occuper de la logistique et des problèmes d’intendance, c’est-à-dire, comme il est à craindre, à traduire sur le terrain les orientations dites « d’optimisation des synergies » ?
L’amendement vise, en outre, à tempérer ou à lever certaines inquiétudes. Qui ne craint pas de voir des agences fermer ou des rapprochements au moins partiels s’opérer entre les réseaux ? Nous considérons que l’organe central ne pourra pas décider de tout en ce qui concerne la taille, l’exploitation et la physionomie des deux groupes. Si cette mesure est adoptée, chacun d’eux aura la certitude de pouvoir s’exprimer. Autant dire qu’il s’agit d’un amendement de bon sens et de clarification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement ne nous semble pas compatible avec les méthodes de fonctionnement d’un groupe bancaire. Le fait de demander à la direction générale de rechercher systématiquement une majorité sur les principales décisions s’apparente plus au mode de fonctionnement d’un conseil général ou d’un conseil régional qu’à celui d’une banque.
Mes propos ne se veulent nullement désobligeants ou culpabilisants, mais force est de reconnaître que les environnements ne sont pas comparables. De fait, les décisions ne font pas sentir leurs conséquences dans des délais totalement identiques.
Franchement, je ne crois pas que l’on puisse « plaquer » les principes régissant le fonctionnement de nos collectivités locales sur un ensemble d’établissements de crédit tel que celui-ci.
Pour cette raison, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de M. le rapporteur. Celui-ci, à la page 59 de son excellent rapport, a d’ailleurs dressé un tableau comparatif très éclairant des dispositions législatives afférentes au statut et aux missions des organes centraux actuels et du futur organe central du groupe.
La Banque fédérale des banques populaires est chargée de définir la politique et les orientations stratégiques du réseau des banques populaires. Il n’y a aucune raison de réduire les pouvoirs du nouvel organe central des caisses d’épargne et des banques populaires par rapport à ce qui prévaut aujourd’hui.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° 27 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse, Fortassin et Mézard, Mme Escoffier et M. Plancade, est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 512-107 du code monétaire et financier, supprimer les mots :
ainsi que de chacun des réseaux qui le constituent
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Selon les présentations effectuées aux deux comités de groupe, celui des banques populaires et celui des caisses d'épargne, la fusion des organes centraux s'effectue suivant le principe de « maintien de l'autonomie des deux réseaux complémentaires et non spécialisés, dans le respect de la primauté des deux marques ».
Donner au nouvel organe central pour mission de définir la politique et les orientations de ces deux réseaux constitue, à l’évidence, une entrave au principe d'autonomie et limite sans doute les marges de manœuvre et le pouvoir de décision des caisses d'épargne et des banques populaires régionales.
Cet amendement vise donc à limiter cette compétence au niveau du nouveau groupe constitué et donc à laisser l'autonomie nécessaire aux réseaux des caisses d'épargne et des banques populaires pour définir leur propre politique et leurs orientations stratégiques.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 512-107 du code monétaire et financier par les mots :
pourvu que, s'agissant de ces derniers, les décisions les concernant aient été validées par la majorité des caisses régionales et des banques régionales
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Cet amendement, complémentaire de celui qui vient de présenter notre collègue Yvon Collin, vise à ce que le rapprochement des caisses d'épargne et des banques populaires ne diminue pas la capacité des deux réseaux de peser sur les décisions qui les concernent, donc à conforter la stratégie qui a été exprimée précédemment.
L’adoption de cet amendement irait dans le sens de ce que préconisait le président de la commission, à savoir la conservation de leur pouvoir par les sociétaires du groupe Caisse d’épargne et par les partenaires du groupe Banque populaire, ce qui constitue l’originalité de ces deux groupes.
Le rapprochement des deux groupes bancaires au travers de la fusion des organes centraux des caisses d’épargne et des banques populaires doit s’effectuer sans que les deux réseaux se voient retirer leur capacité complémentaire, et non spécialisée, de peser sur les décisions qui les concernent.
C’est dans cet esprit qu’a été présenté le projet de fusion des organes centraux aux comités des deux groupes. Néanmoins, la rédaction actuelle du projet de loi limite les marges de manœuvre ainsi que le pouvoir de décision des caisses régionales des caisses d’épargne et des banques populaires régionales.
D’ailleurs, monsieur le rapporteur, si le Gouvernement et la majorité avaient écouté davantage les sociétaires, peut-être aurions-nous pu éviter un épisode très regrettable pour le groupe Caisse d’épargne.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de prêter une attention particulière à cet amendement, car il convient d’améliorer la rédaction de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission s’est livrée à un examen approfondi de ces deux amendements.
Quelle est la situation de référence ? M. le secrétaire d'État m’incitait à consulter l’excellent tableau comparatif contenu dans mon propre rapport. À sa lecture, il apparaît que la Banque fédérale des banques populaires, organe central, définit la politique et les orientations stratégiques du réseau, c'est-à-dire non seulement ses propres orientations en tant que banque fédérale, mais aussi celles de l’ensemble du réseau et des établissements du réseau. Donc, s’agissant des banques populaires, c’est le statu quo.
En revanche, concernant la Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance, rien n’est précisé. En pratique, il était d’usage d’affirmer les prérogatives et les responsabilités de l’organe central de la caisse nationale.
M. Jean-Louis Carrère. La nébuleuse marseillaise ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Aussi, la formulation retenue dans le projet de loi représente en réalité une synthèse. Il serait tout de même difficile de constituer un ensemble économique sans envisager qu’il soit mû par une seule et même stratégie. Pour que ce grand corps évolue de façon efficace et harmonieuse, encore faut-il qu’il puisse marcher sur ses deux jambes. C’est une question de pilotage ! Il est difficile de dénier à l’organe central un droit de regard sur la stratégie de chacun des établissements des deux réseaux.
Les auteurs de l’amendement n° 2 souhaitent que les décisions du conseil de surveillance concernant les réseaux soient « validées par la majorité des caisses ».
Ce n’est pas ainsi que fonctionne un groupe bancaire ! J’irai même jusqu’à dire qu’une telle mesure inciterait au clientélisme ; c’est peut-être ce qui s’est passé au cours des années écoulées. Une fois constituée une majorité au sein de chaque conseil d’orientation et de surveillance, on encourage ceux qui sont les plus proches, puis ceux qui sont plus réservés en tant que possibles pôles de résistance. À l’intention de ces derniers, on engage éventuellement telle ou telle manœuvre de déstabilisation. Au final, une majorité est constituée, mais le jour où de réels problèmes surviennent, le roi est nu, en quelque sorte, parce que les contre-pouvoirs nécessaires au sein de ces réseaux à la culture bien particulière ont été supprimés.
Pour ces raisons, il est préférable d’en rester à une gouvernance de droit commun.
Au demeurant, comme M. le secrétaire d'État l’a rappelé tout à l’heure, parmi les dix-huit membres que comptera le conseil de surveillance central, dix d’entre eux représenteront les sociétaires, soit plus de la moitié. En principe, rien ne doit pouvoir se faire sans l’adhésion d’une majorité au sein du conseil de surveillance, qui lui-même a vocation à être représentatif de l’un et l’autre de ces réseaux.
C’est une heureuse synthèse à laquelle le Gouvernement nous invite. Pour autant, je ne conteste pas que des améliorations devront sans doute être apportées. Toutefois, comme le disait M. le secrétaire d'État, il ne faut pas injurier l’avenir et il importe de parer au plus pressé.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission sollicite le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Sans surprise, j’approuve la démonstration de M. le rapporteur. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
Le Gouvernement souhaite que ce nouvel organe central soit capable de tenir son rôle de deuxième financeur de l’économie française, grâce à ses réseaux. Dans ces conditions, vouloir, d’une certaine manière, priver de sa capacité de pilotage ce nouvel organe central commun irait à l’encontre de cet objectif.
M. Jean-Louis Carrère. Je comprends pourquoi vous ne voulez plus des départements !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Selon le projet de loi, cet organe central définit la politique et les orientations stratégiques du groupe et des deux réseaux. C’est le moyen de pouvoir fonctionner dans de bonnes conditions.
À la suite de M. le rapporteur, je rappelle que, parmi les dix-huit membres du conseil de surveillance, on compte dix sociétaires des deux réseaux. À n’en point douter, ceux-ci sauront faire valoir leurs points de vue.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Je comprends très bien l’esprit qui anime les auteurs de l’amendement n° 2, mais ils ont tout lieu d’être satisfaits.
Les caisses régionales des caisses d’épargne sont pleinement représentées au sein de la fédération. C’est cette dernière qui désigne les membres du conseil de surveillance de la caisse nationale, ceux-ci se répartissant entre les représentants des sociétés d’épargne et les membres des directoires. À tout moment, la fédération fait pression, d’une certaine façon, sur ses membres au conseil.
Par conséquent, la présence des banques régionales est assurée en permanence et il n’est pas nécessaire d’en rajouter.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Ces deux amendements visent au même objectif. Nous sommes à un moment important du débat, car, au travers des mesures proposées, nous entendons mesurer jusqu’à quel point le Gouvernement et sa majorité entendent garantir le caractère coopératif et mutualiste du futur ensemble.
Monsieur le rapporteur, vous lisant toujours attentivement, je voudrais citer un extrait de l’introduction de votre rapport écrit : « En tant que banques coopératives et mutualistes, les caisses d’épargne et les banques populaires ont une organisation régionale, décentralisée et en forme de “pyramide inversée”, qui les différencie des groupes de sociétés traditionnels. » Je partage totalement votre point de vue.
Puisque vous voulez un vote conforme, je comprends que vous vous montriez défavorable à nos amendements. Ce faisant, vous vous privez également de toute possibilité de modifier ce texte. C’est toutefois le moment de faire en sorte que le caractère coopératif du groupe qui est rappelé dans le projet de loi soit non pas virtuel, mais préservé pour l’avenir. Le positionnement du curseur entre centralisation et décentralisation nous renseignera sur la conservation ou non du caractère mutualiste et coopératif du groupe bancaire.
Monsieur le secrétaire d’État, vous considérez que ces amendements sont contraires à l’objectif du Gouvernement. Mais pourriez-vous nous dire quel est, au juste, l’objectif du Gouvernement ? En commission, d’aucuns n’ont pas hésité à soutenir l’idée que la présence de banques à caractère mutualiste et coopératif dans le paysage bancaire constituerait un anachronisme.
Nous redoutons, à terme, la banalisation du nouveau groupe. Or, vous le savez, et le RDSE semble être sur la même longueur d’ondes, le groupe socialiste ne veut pas de cette banalisation.
Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré, à plusieurs reprises, qu’il n’était pas prouvé que le caractère mutualiste aurait pu empêcher les dérives qui ont eu lieu. Comme je l’ai indiqué hier soir, nous partageons cette conviction. Si nous avions pris le temps de débattre correctement de ce projet de loi, nous aurions pu nous en expliquer en faisant un bilan pour les banques populaires, qui furent dès leur origine dans le monde coopératif, et pour les caisses d’épargne qui y sont depuis la loi de 1999.
Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ces dérives ; il n’y a pas longtemps qu’elles se sont produites et je ne pense pas qu’elles aient disparu de nos mémoires. À l’époque, vous étiez déjà dans la majorité et les décisions furent prises de concert avec l’Élysée. Je n’ai pas le souvenir que vous ayez émis beaucoup de critiques.
Ces amendements visent à réaffirmer le caractère coopératif et mutualiste du mode d’organisation du nouveau groupe. Si les réseaux sont complémentaires et autonomes, comme cela a été indiqué aux deux comités de groupe et ainsi que cela figure dans le protocole d’accord du mois de mars, alors, il faut l’affirmer. C’est le sens des deux amendements que nous soumettons au vote du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je tiens à réaffirmer mon attachement à l’esprit et à la culture mutualiste.
J’observe que les groupes concernés, composés de caisses régionales, n’ont eu de cesse de constituer des caisses nationales. C’est vrai pour le Crédit agricole, pour le groupe Caisse d’épargne et aussi, dans une moindre mesure, pour le Crédit mutuel. Ces caisses nationales sont les filles uniques de multiples mères. Il a fallu, d’une part, les doter d’un statut, plutôt celui de société anonyme, parce qu’elles devaient être cotées sur le marché, et, d’autre part, assurer la fluidité des dividendes qui devaient pouvoir remonter vers les caisses mères.
Force est de constater que le mouvement mutualiste lui-même a parfois emprunté des chemins quelque peu tortueux. Si les caisses d’épargne et les banques populaires n’avaient pas eu la grande idée de créer Natixis, sans doute n’en serions-nous pas là aujourd’hui !