compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Nachbar,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage aux victimes d’une catastrophe aérienne
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à faire part au Sénat de l’émotion du Gouvernement devant la catastrophe aérienne survenue dans la nuit de dimanche à lundi, qui a bouleversé l’ensemble de la communauté nationale et internationale. Nos sentiments vont vers les familles et les proches des victimes, le personnel de la compagnie Air France et les pays qui ont vu certains de leurs ressortissants trouver la mort tragiquement.
Nos pensées seront avec toutes celles et tous ceux qui se réuniront tout à l’heure, à seize heures, à la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, où un office œcuménique sera célébré en souvenir des personnes qui nous ont quittés beaucoup trop tôt.
M. le président. Madame la ministre, le Sénat s’associe à l’hommage que vous venez de rendre aux victimes de la catastrophe aérienne. Hier, M. le président du Sénat a fait observer dans l’hémicycle une minute de silence en leur mémoire.
3
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Alfred Gerin, qui fut sénateur du Rhône de 1977 à 1986.
4
Dépôt d’un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, le rapport retraçant au titre des années 2007 et 2008, d’une part, les recettes des impôts et taxes attribuées aux caisses et régimes de sécurité sociale affectataires, et, d’autre part, le montant constaté de la perte de recettes liée aux mesures d’allègements généraux de cotisations sociales.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
5
Réforme de l’hôpital
Suite de la discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion d’un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 290, 380 et 381).
Vendredi dernier, nous avons commencé l’examen de l’article 18, dont je rappelle les termes.
Article 18 (suite)
(Texte modifié par la commission)
I. - L’article L. 1110-3 du code de la santé publique est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne pour l’un des motifs visés au premier alinéa de l’article 225-1 du code pénal ou au motif qu’elle est bénéficiaire de la protection complémentaire ou du droit à l’aide prévus aux articles L. 861-1 et L. 863-1 du code de la sécurité sociale, ou du droit à l’aide prévue à l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles.
« Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné des faits qui permettent d’en présumer l’existence. Cette saisine vaut dépôt de plainte. Elle est communiquée à l’autorité qui n’en a pas été destinataire. Le récipiendaire en accuse réception à l’auteur, en informe le professionnel de santé mis en cause et peut le convoquer dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte.
« Hors cas de récidive, une conciliation est menée dans les trois mois de la réception de la plainte par une commission mixte composée à parité de représentants du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné et de l’organisme local d’assurance maladie.
« En cas d’échec de la conciliation, le président du conseil territorialement compétent transmet la plainte à la juridiction ordinale compétente avec son avis motivé et en s’y associant le cas échéant.
« En cas de carence du conseil territorialement compétent, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut prononcer à l’encontre du professionnel de santé une sanction dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.
« Hors le cas d’urgence et celui où le professionnel de santé manquerait à ses devoirs d’humanité, le principe énoncé au premier alinéa ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins. La continuité des soins doit être assurée quelles que soient les circonstances, dans les conditions prévues par l’article L. 6315-1. »
II. - Le titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Suppression maintenue par la commission.......................................
2° Après l’article L. 162-1-14, il est inséré un article L. 162-1-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-14-1. - Peuvent faire l’objet d’une sanction, prononcée par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie, les professionnels de santé qui :
« 1° Pratiquent une discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins, définie à l’article L. 1110-3 du code de la santé publique ;
« 2° Exposent les assurés à des dépassements d’honoraires excédant le tact et la mesure ;
« 3° Exposent les assurés à des dépassements d’honoraires non conformes à la convention dont relève le professionnel de santé, au I de l’article L. 162-5-13, au dernier alinéa de l’article L. 162-9 ou aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 165-6 ;
« 4° Ont omis l’information écrite préalable prévue par l’article L. 1111-3 du code de la santé publique.
« La sanction, prononcée après avis de la commission et selon la procédure prévus à l’article L. 162-1-14 du présent code, peut consister en :
« - une pénalité financière forfaitaire, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale pour les cas mentionnés au 1° ;
« - une pénalité financière proportionnelle aux dépassements facturés pour les cas mentionnés aux 2°, 3° et 4°, dans la limite de deux fois le montant des dépassements en cause ;
« - en cas de récidive, un retrait temporaire du droit à dépassement ou une suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales telle que prévue au 5° de l’article L. 162-14-1.
« Les sanctions prononcées en vertu du présent article peuvent faire l’objet d’un affichage au sein des locaux de l’organisme local d’assurance maladie et peuvent être rendues publiques, en cas de récidive, dans les publications, journaux ou supports désignés par le directeur de l’organisme local à moins que cette publication ne cause un préjudice disproportionné aux parties en cause. Les frais en sont supportés par les personnes sanctionnées.
« L’organisme local d’assurance maladie informe l’organisme d’assurance maladie complémentaire de la sanction prononcée en vertu du présent article, ainsi que des motifs de cette sanction.
« L’organisme local d’assurance maladie ne peut concurremment recourir au dispositif de pénalités prévu par le présent article et aux procédures conventionnelles visant à sanctionner le même comportement du professionnel de santé.
« Les modalités d’application du présent article, notamment les modalités d’affichage et le barème des sanctions applicables, sont fixées par voie réglementaire. »
III. - La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1111-3 du code de la santé publique est supprimée.
M. le président. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 1337, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
A. - Dans le cinquième alinéa du I de cet article, après le mot :
conciliation,
insérer les mots :
ou en cas de récidive,
B. - Dans le sixième alinéa du même I, après les mots :
territorialement compétent,
insérer les mots :
dans un délai fixé par voie réglementaire,
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle.
La commission des affaires sociales du Sénat a amélioré la procédure de traitement des réclamations en cas de refus de soins dans la rédaction retenue par l’Assemblée nationale, en prévoyant que la conciliation préalable s’applique seulement hors cas de récidive.
La première partie de cet amendement vise donc à préciser la procédure à suivre en cas de récidive, la plainte étant alors directement transmise par le président du conseil de l’ordre concerné à la juridiction ordinale compétente.
En outre, aux termes de l’article 18, si, à l’issue de la phase de conciliation, le conseil de l’ordre territorialement compétent omet de transmettre la plainte, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie pourra sanctionner directement le professionnel de santé, après avis d’une commission des pénalités.
Il faut toutefois borner dans le temps l’appréciation de l’absence de transmission de la plainte, afin de pouvoir constater la carence du conseil de l’ordre et permettre ainsi à l’organisme d’assurance maladie de prendre le relais. La seconde partie de l’amendement tend donc à prévoir que le délai permettant de constater une telle carence est fixé par voie réglementaire. Si rien n’était précisé, la mesure serait totalement inopérante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
La modification proposée, loin d’être simplement rédactionnelle, vient fort opportunément compléter le dispositif prévu.
M. le président. L'amendement n° 749, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa du I de cet article, après le mot :
transmet
insérer le mot :
immédiatement
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. L'article 18 est au cœur des préoccupations du groupe socialiste. Du reste, lorsque nous avons commencé à dénoncer le fait qu’un certain nombre de professionnels de santé ne respectaient pas leurs obligations déontologiques en refusant d’admettre dans leur consultation des patients relevant de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, ou de l’aide médicale d’État, l’AME, vous aviez nié nos propos, prétendant qu’il s’agissait de mensonges. Nous vous remercions de cette conversion !
Madame la ministre, nous vous soutenons lorsque vous entendez sanctionner ces refus de soins, qu’ils obéissent à des motifs financiers ou d’une autre nature. Rappelons, en effet, que le code de déontologie médicale précise : « Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. »
Les médecins enfreignant ces règles sont passibles de sanctions qui sont prononcées soit sur le fondement du code de la santé publique, par les chambres disciplinaires des ordres professionnels, soit en application du code de la sécurité sociale, par les sections des assurances sociales.
Ces condamnations peuvent aller du simple avertissement à la radiation du tableau de l’ordre ou à l’interdiction de délivrer des soins aux assurés sociaux. Toutefois, très peu de médecins ont été réellement sanctionnés par les tribunaux.
Il convient d'être énergique sur le refus de soins. De ce point de vue, le délai de trois mois entre le moment de l'enregistrement de la plainte auprès du conseil départemental et la transmission de la plainte à la juridiction ordinale en cas de litige est trop long.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Si le conseil territorialement compétent met trop de temps pour transmettre la plainte, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut prononcer des sanctions.
Par ailleurs, le délai de trois mois n’est prévu que pour fixer un terme avant lequel la conciliation doit être conduite, conciliation qui n’a lieu, je le rappelle, qu’en dehors des cas de récidive.
En cas d’échec de la conciliation, l’adoption, en commission, d’un amendement que j’ai proposé a permis de poser le principe d’une transmission immédiate.
Par conséquent, mon cher collègue, la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Daudigny, le Gouvernement est défavorable à votre amendement non pas sur le fond, mais pour des raisons techniques : votre proposition n’est pas applicable.
Le président du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné devra disposer d’un délai minimal suffisant lui permettant de joindre à sa plainte un avis motivé. L’adoption de l’amendement que je viens de défendre permet de répondre à vos préoccupations.
M. le président. Monsieur Daudigny, l'amendement est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 750, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le sixième alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
peut prononcer
par le mot :
prononce
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a renforcé les sanctions en cas d’abus et de fraudes à l’assurance maladie, en élargissant le périmètre des fraudes concernées. Le présent projet de loi entend renforcer la lutte contre la restriction de l’accès aux soins, en envisageant des sanctions à l’égard des professionnels en cas de refus ou de discriminations dans l’accès aux soins. Toutefois, la comparaison s’arrête là.
La différence entre ces deux textes réside dans le fait que les représentants des assurés ne sont pas habilités à sanctionner leurs congénères, alors que, contrairement à la plupart de leurs collègues des autres pays occidentaux, en France, c’est aux médecins et non à la justice de sanctionner immédiatement le professionnel de santé incriminé. Il arrive malencontreusement parfois que la justice aille à l’encontre des avis rendus par les ordres professionnels.
Le cumul des fonctions des membres de ces conseils paraît souvent singulier : côtoyer plus ou moins la personne incriminée et rendre des décisions juridictionnelles qui vont à son encontre peut prêter à confusion.
De tels pouvoirs réunis entre des mêmes mains appellent des limitations réfléchies. Le II de l'article 18 prévoit ainsi la mise en place d’un régime de sanctions spécifiques pour les faits de discrimination et les dépassements tarifaires : en cas de défaillance du conseil de l’ordre territorialement compétent, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie pourra prononcer une sanction à l’encontre du professionnel de santé. La condamnation d’un médecin par le conseil de l’ordre peut s’avérer difficile au vu des résistances constatées au sein du corps médical.
Cet amendement a donc pour objet de prendre en compte de telles situations en réaffirmant la volonté des pouvoirs publics de lutter contre le refus de soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Mon cher collègue, la carence du conseil est sans lien avec la culpabilité ou l’innocence du médecin. Il faut donc que le directeur de l’organisme local d’assurance maladie conserve un pouvoir d’appréciation pour décider s’il y a lieu, ou non, de prendre une sanction.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, car son adoption risquerait de causer un préjudice excessif en l’absence de preuves suffisantes d’un comportement anormal.
Sur un sujet aussi délicat, il est totalement inconcevable d’imaginer des sanctions automatiques : ce serait aller au-delà de ce que nous voulons faire.
M. le président. Monsieur Le Menn, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacky Le Menn. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 493, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
S'il se dégage de sa mission, le professionnel de santé doit alors en avertir le patient et s'assurer qu'il est effectivement pris en charge par l'un de ses confrères auquel il transmet les informations utiles à la poursuite des soins.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La disposition que notre amendement tend à modifier témoigne, une nouvelle fois, de la manière dont la commission des affaires sociales a amoindri la portée des mesures qui, dans cet article, sont destinées à garantir aux patients un minimum de protection.
Le projet de loi, après son passage à l’Assemblée nationale, prévoyait en effet que, dans le cas d’un refus de soins non fondé sur un motif discriminatoire, le professionnel de santé qui se dégageait de sa mission devait « alors en avertir le patient et transmettre au professionnel de santé désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins ».
Cette obligation à la charge du professionnel de santé, destinée à garantir la continuité des soins, semble être une mesure de bon sens. Or la majorité du Sénat considère qu’elle est trop lourde, puisque cette disposition a été supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat. Le texte actuel prévoit, en effet, que « la continuité des soins doit être assurée quelles que soient les circonstances ».
Cette rédaction floue, ambiguë, présente toutefois l’avantage pour la majorité UMP de déresponsabiliser le professionnel de santé en noyant son obligation personnelle dans une responsabilité plus collective, c’est-à-dire dans l’irresponsabilité.
M. Alain Gournac. N’importe quoi !
M. Guy Fischer. Monsieur Gournac, ne me cherchez pas en début de séance ! (Sourires.)
Notre amendement tend à revenir à la rédaction initiale, mais également à renforcer le dispositif premier, en prévoyant que, s’il se dégage de sa mission, le professionnel de santé doit alors en avertir le patient et s’assurer que celui-ci est effectivement pris en charge par l’un de ses confrères, auquel il transmet les informations utiles à la poursuite des soins.
Soyons bien clairs : la disposition visée concerne le cas du refus de soins en raison des orientations personnelles du professionnel de santé, ce qu’il est convenu d’appeler la « clause de conscience ».
Nous n’entendons pas limiter cette faculté ouverte aux médecins de se dégager de leurs obligations de soins et de continuité de soins pour un motif personnel, mais nous entendons préciser que, dans ce cas, il appartient au médecin de s’assurer que le patient soit effectivement accueilli. En effet, si la continuité doit être assurée par tous les moyens, aucun acteur particulier n’est chargé de veiller au respect de la prise en charge effective du patient.
Cette précision est particulièrement importante dans les cas d’interruptions volontaires de grossesse, pour lesquelles le temps compte : le praticien qui refuse de prendre en charge la patiente doit veiller à ce qu’elle soit réellement accueillie par l’un de ses confrères, notamment afin de lui éviter une recherche stressante et parfois infructueuse, ou trop tardive, se concluant finalement par l’impossibilité de pratiquer l’intervention. (M. Gilbert Barbier s’exclame.)
Nous considérons donc que le praticien qui refuse le soin – c’est son droit, nous ne le contestons pas ! – doit toutefois prendre les mesures nécessaires pour garantir, dans les faits, la continuité totale des soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cette proposition, pour des raisons qui ont déjà été largement expliquées à M. Fischer.
Cet amendement n’est pas nécessaire, car les mécanismes d’information sont déjà prévus tant pour l’exercice de la clause de conscience que pour la continuité des soins.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens à vous rassurer, monsieur Fischer : cette obligation figure déjà dans le code de déontologie médicale. Elle est très clairement rappelée à l’article 16 du projet de loi, auquel renvoie l’article 18. Le texte répond donc aux préoccupations que vous avez exprimées.
Mais vous allez plus loin, en demandant que le médecin s’assure de la continuité effective des soins. Ce serait faire peser une trop lourde charge sur le médecin dans l’accompagnement du patient. Surtout, j’ai du mal à imaginer les modalités pratiques de cet accompagnement.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Fischer, l’amendement est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. L’amendement n° 744, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations peuvent exercer en justice toutes actions résultant de l'application des dispositions du présent article. »
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement vise, en cas de refus de soins, à permettre explicitement aux associations régulièrement constituées depuis cinq ans en vue de lutter contre les discriminations de pouvoir exercer en justice toutes les actions résultant de l’application des dispositions du présent article.
En effet, ce sont souvent les personnes vivant dans la précarité qui sont victimes de refus de soins, et elles n’ont pas toujours la capacité de recourir à de telles procédures. De nombreuses enquêtes de terrain ont montré que l’accès à la justice était loin d’être aisé pour tous et que l’exercice de ce droit était inégalement réparti selon les catégories sociales, les plus fragiles de nos concitoyens ayant tendant à se refermer sur eux-mêmes plutôt qu’à rendre publiques les discriminations dont ils sont victimes.
Il nous paraît donc indispensable que les assurés sociaux puissent être aidés par les associations. Cela passe nécessairement par l’établissement d’un fondement juridique, afin d’éviter que les résultats de ces actions ne demeurent purement médiatiques.
Sous certaines conditions, le recours collectif contre les discriminations est reconnu en matière pénale. Pour faciliter la tâche des associations dans le domaine civil, il est nécessaire de lui donner une base légale.
Notons, par ailleurs, que cette mesure s’inscrit directement dans la logique qui a présidé à la parution d’un décret du mois de mars 2007 élargissant la saisine des ordres aux « associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité ». Ces dernières peuvent donc désormais former une plainte devant les conseils de l’ordre en cas de refus de soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement tend à donner aux associations le droit d’ester en justice en matière de discriminations. Or il est déjà prévu que les associations reconnues d’utilité publique – et non les autres, afin d’éviter les problèmes sectaires ! – peuvent se joindre à une plainte déposée devant la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE.
Aller au-delà n’a pas semblé nécessaire à la commission, qui a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il ne faut pas faire de confusion entre « ester en lieu et place » et « ester pour soi-même ». Le décret du 27 mars 2007 prévoit que les actions contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme peuvent désormais être introduites devant la chambre disciplinaire de première instance par les associations de défense des droits des patients.
Vous proposez, par cet amendement, que les associations se substituent aux victimes. S’il est très important d’associer les associations de défense des droits des personnes malades à la lutte contre les refus de soins, il est également fondamental de préserver un principe qui est au cœur de notre système judiciaire : l’action en justice doit être exercée sur l’initiative de la victime qui dépose la plainte, afin qu’il existe un véritable intérêt à agir.
Je rappelle régulièrement aux associations, en particulier à l’occasion des réunions du comité de suivi pour l’accès aux soins des bénéficiaires de la CMU-C, les actions qu’elles doivent mener afin de défendre les droits de ces personnes, qui sont souvent en situation de précarité et très démunies.
J’émets un avis défavorable sur cet amendement qui, s’il était adopté, risquerait d’introduire de la confusion dans un dispositif bien étayé sur le plan juridique. Les victimes ont besoin d’un accompagnement réaffirmé de la part des associations, mais certainement pas d’être supplantées par elles.