M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les raisons invoquées à l’appui de ces amendements me paraissent peu fondées.
M. Cazeau, en particulier, évoque une sorte de convergence nécessaire entre le directeur général de l’ARS et le préfet. Il faut rappeler que de très nombreuses compétences qui seront exercées par les ARS sont aujourd’hui des compétences de l’État : la politique de santé publique, la veille et la sécurité sanitaires, l’organisation des soins, le domaine médico-social. De fait, c’est l’État qui, avec les DDASS et les DRASS, apportera plus de 80 % des moyens humains appelés à constituer demain les personnels des agences régionales de santé. Il est donc légitime qu’il ait sa place au sein du conseil de surveillance. Il apportera aussi une part importante des moyens financiers des agences.
À elle seule, cette raison suffirait pour demander le rejet de ces amendements, mais j’ajoute que la présidence exercée par le préfet de région permettra de garantir l’impartialité du service public et la continuité de l’action publique.
Le fait de lui confier la présidence du conseil de surveillance s’impose également dans la mesure où les ARS ont pour rôle de territorialiser et décloisonner les politiques de santé. Il est donc essentiel que cette territorialisation soit réalisée en bonne cohérence avec les autres politiques publiques menées sur le territoire. Je pense en particulier à des politiques de santé conduites par d’autres acteurs que l’ARS : vous avez été nombreux à évoquer la santé scolaire, la santé au travail. Je pense aussi aux politiques qui touchent à l’aménagement du territoire et qui ont une incidence sur la santé ou encore aux politiques de développement économique qui, on le sait bien, peuvent avoir un retentissement sur la santé de nos concitoyens.
Qui mieux que le préfet de région peut apporter une vision transversale de ces politiques publiques et faciliter le travail entre tous les décideurs ?
Je veux insister à nouveau sur cette volonté de territorialiser, de décloisonner, d’assurer l’impartialité du service public, de garantir la fonction régalienne que doit assumer l’État et que personne n’a contestée dans cet hémicycle. Il ne s’agit absolument pas de faire de l’ARS un instrument étatique ! D’ailleurs, cette agence aura une personnalité morale propre et l’État, comme je le rappelais à l’instant, sera largement minoritaire – 25 % des membres – au sein du conseil de surveillance.
M. Bernard Cazeau. Mais chacun de ces membres aura plusieurs voix !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par conséquent, les élus locaux, les partenaires sociaux, à travers les représentants des caisses d’assurance maladie, les représentants des patients, des personnes âgées, des personnes handicapées, disposeront d’une large majorité.
Au regard de la légitimité et des garanties qu’apporte le préfet de région, je suis persuadée que lui confier la présidence du conseil de surveillance est la meilleure solution pour faire fonctionner cette instance.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 926, 1030 et 1063.
Monsieur Desessard, vous souhaitez ajouter une précision complémentaire, à savoir que le conseil de surveillance se réunit une fois par trimestre. Je n’y vois aucune objection de fond, mais cette disposition est de nature réglementaire.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, la guerre des polices, cela a existé ! La rivalité entre des services de l’État, ce n’est pas une chimère ! Vous semblez penser que ces services travaillent systématiquement de façon complémentaire.
La concurrence entre le préfet de région et un superpréfet sanitaire, pour reprendre l’expression de M. Autain,…
M. Jean Desessard. … peut exister. Vous avez d’ailleurs dit assumer cette qualification parce qu’elle n’était pas dévalorisante et qu’elle correspondait peu ou prou à ce que vous vouliez faire.
Rien ne garantit qu’il n’y aura pas de conflit de pouvoir entre ces deux superpuissances régionales.
Par ailleurs, madame la ministre, votre argumentation aurait pu être recevable s’il s’était agi d’un conseil d’administration. Je rappelle que, lorsque nos collègues du groupe CRC-SPG ont défendu un amendement qui visait à transformer le conseil de surveillance en conseil d’administration, vous en avez demandé le rejet au motif qu’un conseil d’administration a le pouvoir de décider et gère, alors qu’un conseil de surveillance contrôle. S’il s’était agi d’un conseil d’administration, donc, nous aurions pu entendre vos arguments selon lesquels c’est l’État qui apporte l’essentiel des moyens humains et financiers, qui assume cette responsabilité régalienne, etc. Mais nous avons ici affaire à un conseil de surveillance, chargé de veiller à la bonne application des décisions.
Dès lors qu’il s’agit d’un organe chargé de surveiller, mieux vaut qu’il donne tous les signes de son indépendance. Or le fait d’être présidé par un élu ou par une personnalité qualifiée apparaîtrait bien comme un tel signe. À l’inverse, si le président est le représentant de l’État dans la région, dès qu’un problème se posera, il suffira que le ministre chargé du dossier lui téléphone pour qu’il soit réglé ! Il est clair que, dans ce cas de figure, le président du conseil de surveillance ne pourra pas contrôler en toute indépendance la bonne application des décisions, la cohérence de la politique de santé à l’échelon régional.
Je le répète, votre argumentaire aurait été juste s’il s’était agi d’un conseil d’administration. À partir du moment où vous avez choisi une instance de contrôle et de surveillance,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui vote aussi le budget !
M. François Autain. Mais dans quelles conditions !
M. Jean Desessard. Monsieur About, vous ne pouvez pas dire une chose l’après-midi et le contraire le soir !
M. Alain Milon, rapporteur. Vous non plus !
M. François Autain. Nous constatons !
M. le président. L'amendement n° 927 rectifié, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Dans le neuvième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 1432-3 du code de la santé publique, remplacer les mots :
par une majorité qualifiée
par les mots :
à la majorité simple
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement permet de mettre en exergue l’une de ces bizarreries dont fourmille ce texte ! Il vise les modalités d’adoption et de rejet par le conseil de surveillance du budget de l’ARS.
Ce conseil approuve le projet de budget de l’agence régionale de santé à la majorité simple de ses membres, mais, s’il souhaite le repousser, une majorité qualifiée est requise.
Il serait plus conforme à la démocratie de revenir sur cette étrangeté, qui instaure une sorte d’asymétrie pour le moins discutable.
La majorité simple requise pour l’adoption du budget pourra être recueillie sans trop de difficultés en regroupant les voix des représentants de l’État, des représentants des organisations d’employeurs et de quelques élus locaux suffisamment dociles et complaisants. En revanche, la majorité qualifiée nécessaire à son rejet sera beaucoup plus malaisée à obtenir.
Au cas où nous ne l’aurions pas tout à fait compris, tout est fait pour que le budget de l’agence – traduction déconcentrée de la loi de financement de la sécurité sociale – soit accepté quoi qu’il arrive.
Vous nous expliquez que, bien que l’État soit minoritaire, tout doit se passer comme s’il était majoritaire. Autrement dit, vous voulez que le budget soumis à l’agence soit automatiquement adopté. Vous auriez dû tomber le masque et assumer !
Si vous jugez que le conseil de surveillance est une structure à ce point gênante, il aurait fallu soit en modifier la composition, soit vous dispenser de recourir à de telles acrobaties pour obtenir ce que vous voulez, à savoir que les décisions prises nationalement soient immédiatement adoptées à l’échelon régional.
Pour que le fonctionnement de l’ARS soit démocratique, la majorité simple doit être requise tant pour l’adoption que pour le rejet de son budget. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Le neuvième alinéa du I vise les conditions non pas d’approbation mais de rejet du budget de l’ARS.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est remarquable, monsieur le rapporteur !
M. Alain Milon, rapporteur. Cela ôte toute pertinence à l’objection relative à l’absence de parallélisme des formes.
Je rappelle ce que nous disions tout à l’heure à propos de la répartition des voix : il ne serait pas normal que le budget soit rejeté contre l’avis des financeurs que sont l’État et les organismes d’assurance maladie. (M. Jean Desessard s’exclame.) La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite apporter une précision, car il semble y avoir une confusion. Il s’agit du budget de l’ARS et non de celui de l’assurance maladie, destiné à mener les politiques de santé, à faire fonctionner l’hôpital, notamment.
Le conseil de surveillance de l’agence est composé des représentants de l’État, d’élus locaux, de partenaires sociaux, de représentants des patients, des personnes âgées et des personnes handicapées, de personnalités qualifiées. Je le répète, les représentants de l’État seront minoritaires en sièges, alors que la plus grande partie des ressources et des moyens humains de l’agence proviendra de l’État. Il serait particulièrement illogique que l’État, financeur principal des ARS, puisse être mis en minorité lors du vote du budget du simple fait qu’il est minoritaire et en sièges et en voix.
Le rejet du budget d’une ARS est une décision grave. Il me semble donc légitime de requérir une majorité qualifiée. Tel est d’ailleurs aujourd’hui le cas pour ce qui concerne le budget des caisses d’assurance maladie.
Permettez-moi une comparaison, mesdames, messieurs les sénateurs. Imaginons qu’un conseil d’usagers puisse vous mettre en minorité et rejeter le budget de votre collectivité territoriale. C’est tout à fait impensable !
M. Jean Desessard. Des comités de quartier !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comment pouvez-vous envisager pareille incongruité au sein des collectivités ou des organismes dont vous avez la responsabilité ?
M. Bernard Cazeau. Nous sommes élus ; nous ne sommes pas nommés !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je souhaite obtenir des éclaircissements de M. le rapporteur, car j’ai quelque peine à décrypter ce qui est écrit
J’ai bien compris ce qu’a dit Mme la ministre, à savoir qu’il s’agissait du budget de fonctionnement de l’ARS et de rien d’autre. Certes, ce n’est pas négligeable, mais ce n’est pas non plus fondamental. Mme la ministre nous a expliqué que l’État fournirait environ 80 % des moyens. Il serait donc plus simple qu’il dispose du même pourcentage de voix. Le problème serait ainsi réglé !
Cela étant, aux termes du texte proposé pour l’article L. 1342-3 du code de la santé publique, « le conseil de surveillance approuve le budget de l’agence » ; fort bien ! Je lis ensuite qu’« il peut le rejeter par une majorité qualifiée ». Mais, s’il le rejette à la majorité simple, le budget n’est alors ni approuvé ni rejeté !
M. François Autain. Eh oui, que se passe-t-il ?
M. Alain Vasselle. Juste remarque, monsieur Mercier !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est le principe de la motion de censure : il est réputé approuvé !
M. Michel Mercier. Je veux bien, mais il faudrait au moins l’écrire dans le projet de loi, car la rédaction actuelle n’est pas très explicite !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est comme pour une réforme de la Constitution : au Congrès, une majorité qualifiée est requise !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, vous nous répétez que, le budget de l’État étant en cause, ce sont les représentants de ce dernier qui doivent décider. Fort bien, mais alors, comme vous y a invitée M. Autain, allez au bout de votre logique ! Pourquoi demander aux membres du conseil de surveillance de voter ce budget pour, ensuite, refuser leur verdict ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour les associer ! Vous n’allez tout de même pas nous reprocher d’être démocrates !
M. Jean Desessard. Quel est votre objectif ?
Soit vous estimez que le conseil de surveillance doit seulement donner son avis sur le budget, puis veiller à sa bonne exécution, compte tenu des objectifs qui ont été établis par le directeur de l’agence et qu’il a validés. Dans ce cas, le rôle du conseil de surveillance est tout entier contenu dans son appellation !
Soit vous lui accordez un rôle actif et lui permettez de participer aux décisions, mais alors il faut en tirer toutes les conséquences.
Vous citez en exemple les caisses d’assurance maladie, mais celles-ci sont paritaires ! L’État ne prend pas spécialement en charge leur fonctionnement. Et il est normal qu’une majorité qualifiée soit prévue afin d’arbitrer entre les composantes syndicales et patronales de ceux qui les gèrent.
Madame la ministre, nous ne comprenons pas ce que vous voulez ! Vous affirmez souhaiter la démocratie, mais vous entravez celle-ci au motif que c’est vous qui détenez le pouvoir. Vous êtes en train de créer un simulacre de démocratie qui n’est même pas utile, car on pourrait très bien comprendre que l’État décide de la politique de santé et exerce clairement ses responsabilités, le conseil de surveillance se contentant de donner un avis et de veiller à la bonne exécution du budget.
Au contraire, vous dites en quelque sorte aux membres du conseil de surveillance : « Vous aurez le droit de donner votre avis, mais, s’il ne convient pas, vous devrez vous prononcer à 95 % pour qu’on en tienne compte ! » Cela n’a pas de sens !
M. François Autain. C’est un simulacre de démocratie !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, Jean Desessard a très justement souligné tout à l'heure que vous aviez voulu instituer un conseil de surveillance, et non un conseil d’administration. Je me suis permis alors de faire remarquer que ce conseil de surveillance approuverait tout de même le budget.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. D’où vient cette contradiction ? Tout d'abord, dans le texte du Gouvernement, il était prévu que le conseil de surveillance ne voterait pas le budget, mais contrôlerait simplement celui-ci, ce que nous pouvions tout à fait comprendre.
Nos collègues députés ont souhaité donner à ce conseil de surveillance le pouvoir d’approuver le budget.
M. François Autain. C’est peut-être vous qui avez introduit ce déséquilibre…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Naturellement, le Gouvernement a demandé alors que ce vote s’exerce dans des conditions qui permettent malgré tout de mettre en place un budget. M. le rapporteur a donc proposé une double disposition : d'une part, on prévoit que le conseil votera le budget et, d'autre part, on rend possible l’adoption de ce dernier, mais dans des conditions de majorité qui sont effectivement un peu curieuses (M. François Autain s’esclaffe.) puisque, sur le modèle de la motion de censure, le budget ne peut être repoussé qu’à une majorité qualifiée.
Tout à l'heure, madame la ministre, vous nous avez indiqué que, avec 25 % des sièges, l’État disposerait d’environ 33 % des voix. (Mme la ministre acquiesce.) On peut donc imaginer que la majorité qualifiée nécessaire pour rejeter le budget sera grosso modo celle des deux tiers. À défaut d’une telle proportion de votes défavorables, le budget sera réputé adopté.
M. François Autain. Même si la majorité simple est contre !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela étant, pour plus de clarté, j’aurais préféré que l’on s’en tienne à la proposition initiale du Gouvernement, c'est-à-dire qu’il ne revienne pas au conseil de surveillance de voter le budget. Une telle disposition aurait tout de même l’élégance de la clarté ! Mais nous reviendrons sur ces questions en commission mixte paritaire ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le sentiment de vous proposer, pour une administration centrale de l’État, un mode de fonctionnement qui est profondément original.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est le moins que l’on puisse dire…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est clair que nous ne sommes pas ici dans une logique de décentralisation puisque chacun souhaite que les responsabilités régaliennes de l’État dans l’organisation de notre santé soient respectées.
M. François Autain. Que l’État s’en donne d'abord les moyens !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous travaillons à un dispositif tout à fait singulier, qui consiste à associer certains acteurs du système de santé à l’exercice d’une mission revenant à l’État et à l’assurance maladie, dont les forces sont liées au niveau des agences régionales de santé. Dès lors, si l’on se réfère à des modèles préexistants, on fait fausse route !
Nous proposons un schéma qui n’existe dans aucune de vos collectivités territoriales, mesdames, messieurs les sénateurs, ni dans aucune des administrations de l’État : les représentants de l’État et de l’assurance maladie seraient chargés de la gestion, tandis que, à leurs côtés, des voix proposeraient, surveilleraient, apporteraient un souffle nouveau à une administration de la santé qui a trop longtemps été éloignée des gens !
Il est vrai que cet exercice n’est pas facile, parce que l’on veut tout et son contraire. On veut évidemment que la ministre de la santé puisse être interpellée sur toutes les difficultés qui se présentent, fût-ce dans le plus petit hôpital de France ou dans le canton le plus modeste d’une des zones les plus désertifiées de notre pays, et qu’elle soit responsable. Mais, en même temps, on veut instaurer une démocratie sanitaire « basiste », ce qui n’est évidemment pas possible, car les différents acteurs ne pourraient pas alors exercer les responsabilités qui leur incombent.
Il est tout de même quelque peu paradoxal, me semble-t-il, qu’après nous avoir accusés de ne pas instituer une véritable démocratie sanitaire qui serait une sorte d’assemblée générale permanente, on nous reproche de vouloir faire fonctionner le système !
Comme M. le président de la commission et M. le rapporteur l’ont rappelé, nous donnons au conseil de surveillance le pouvoir de voter le budget, ce qui signifie, en réalité, que pour approuver ce dernier une majorité simple suffira, mais que pour le rejeter il faudra une majorité qualifiée,…
M. Paul Blanc. Comme dans les lycées !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … car l’État, à travers ses représentants, ne va bien évidemment pas voter contre lui-même !
Vous voyez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce dispositif est d’une pureté de cristal !
Mme Isabelle Debré. Que de poésie ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Comme l’a souligné à juste titre M. le président de la commission des affaires sociales, il aurait été plus logique et plus cohérent de respecter le parallélisme des formes entre le conseil de surveillance de l’hôpital et celui des ARS.
D'ailleurs, c’est ce qu’avait fait la commission : M. le rapporteur ayant émis un avis favorable sur le vote du budget par le conseil de surveillance de l’hôpital, il avait proposé, par voie de conséquence, que le conseil de surveillance des ARS puisse faire de même, ce qui revenait à adopter la disposition introduite par l’Assemblée nationale.
Pour ma part, quand j’analyse l’architecture du texte relatif aux ARS et à l’hôpital, je regrette il n’y ait pas un minimum de parallélisme des formes en ce qui concerne le mode de fonctionnement de ces structures.
À l’évidence, des considérations qui ne sont pas techniques, et que nous pouvons comprendre, amènent soit le Gouvernement soit certains de nos collègues à proposer des amendements. Et, comme l’a fait justement remarquer M. Mercier, la mention « approuve le budget » était inutile : dans la mesure où une procédure de rejet par une majorité qualifiée a été prévue, celle-ci suffirait, me semble-t-il, ce qui donnerait toute sa cohérence au dispositif.
M. le président de la commission aurait donc pu présenter un sous-amendement visant à faire disparaître ce qui concerne l’approbation du budget. Toutefois, j’ai bien compris qu’il souhaitait garder du grain à moudre pour la commission mixte paritaire : il craint sans doute que nous y manquions de sujets de discussion ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. J’ai le sentiment que les explications de Mme la ministre n’ont fait que nous embrouiller davantage, alors que j’éprouvais déjà des difficultés à comprendre le dispositif.
M. François Autain. Vous mettez de côté les représentants de l’État, pour ne faire voter que les autres membres du conseil de surveillance, et ainsi le budget sera approuvé, si j’ai bien compris, par une majorité simple !
Madame la ministre, je ne vois pas pourquoi vous avez recours à ce simulacre de démocratie.
Certes, il est clair que ne voulez pas d’une véritable démocratie…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je n’admets pas ce genre de procès ! Je suis aussi démocrate que vous, monsieur Autain ! Pourquoi ces insultes ?
M. François Autain. … dans la mesure où celle-ci remettrait en cause les décisions que vous avez adoptées s'agissant du budget de la sécurité sociale. Vous souhaitez que, dans les régions, votre budget ne puisse pas être remis en cause et qu’il soit appliqué.
Je comprends votre souci, mais, dans ce cas, assumez votre choix et faites en sorte que le conseil de surveillance ne soit pas en mesure de contester des décisions qui sont prises ailleurs ! Accordez une majorité claire aux représentants de l’État, les autres membres du conseil assistant aux débats, certes, mais sans voix délibérative.
Madame la ministre, c’est vous qui voulez concilier les contraires ! Vous souhaitez à la fois que la déconcentration soit effective et que la démocratie joue pleinement son rôle, ce qui nous conduit à de telles contradictions ! Pour donner un semblant de réalité à cette démocratie sanitaire, vous êtes obligée d’accorder plusieurs voix à certains membres du conseil de surveillance et de faire en sorte qu’un budget qui serait rejeté par une majorité simple soit quand même adopté.
Toutes ces contorsions font que votre projet n’est plus crédible ! Il vaudrait mieux préciser d’emblée que le conseil de surveillance sert à mettre en œuvre les décisions prises ailleurs. Tous ses membres qui souhaiteraient participer au débat en auraient la possibilité, mais sans voix délibérative ou avec l’obligation de s’abstenir au moment du vote. Or on nous présente un dispositif informe et ingérable !
M. le président. L'amendement n° 1023, présenté par MM. Cazeau, Le Menn et Desessard, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du neuvième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 1432-3 du code de la santé publique, supprimer les mots :
, selon des modalités déterminées par voie réglementaire
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Avec ce texte, on confine à l’absurde : non seulement le conseil de surveillance peut rejeter le budget à une majorité qualifiée – une disposition dont nous venons de démontrer le caractère aberrant –, mais cette prérogative s’exerce « selon des modalités déterminées par voie réglementaire » !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est normal !
M. Bernard Cazeau. C’est proprement kafkaïen !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, c’est intelligent !
M. Bernard Cazeau. Qu’est-ce que cette disposition signifie ?
Nous avons prouvé tout à l'heure que ce conseil de surveillance ne disposait d’aucun pouvoir. Soit ! Mais nous constatons à présent que, en plus, on se moque de lui en prévoyant que les modalités de son fonctionnement seront déterminées « par voie réglementaire » ! La plaisanterie est poussée un peu loin et nous proposons, à tout le moins, de supprimer ces derniers mots.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je reviendrai brièvement sur le débat que nous avons eu précédemment, car il s'agit tout de même d’un point important du texte.
Le projet de loi donne au conseil de surveillance la compétence d’approuver le budget. Comme le soulignait tout à l'heure M. About, une telle prérogative n’entre pas, normalement, dans les compétences d’un conseil de surveillance. Le texte prévoit aussi le principe d’une majorité qualifiée pour le rejet de ce budget.
Une fois ces règles posées, mon cher collègue, il ne nous semble pas anormal que leurs conditions d’application soient renvoyées à des textes réglementaires !
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. À l’évidence, les solutions proposées pour ce conseil de surveillance ne sont pas les bonnes !
Lorsqu’on ne veut pas prendre le risque de la démocratie, toujours présent, il ne faut pas donner l’illusion de celle-ci. Il ne faut pas faire semblant ! Or c’est ce que vous faites, madame la ministre, avec le dispositif que vous mettez en place aujourd'hui.
Mes chers collègues, je le répète, j’ai vécu une situation de ce type. Imaginons que les deux tiers des membres d’un conseil de surveillance soient opposés au budget proposé, mais que, à l’issue du vote, en raison de la répartition des voix, ce document ne soit pas rejeté. Quelle ne sera pas la frustration de celles et de ceux qui, autour de la table, sont physiquement majoritaires mais juridiquement minoritaires ! Mes chers collègues, quand il n’y a pas de démocratie, il ne faut pas donner l’apparence de celle-ci !
Les solutions qui sont proposées aujourd'hui ne sont pas adaptées. C'est pourquoi nous tentons de les corriger, à travers ces différents amendements.