M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. le président About, M. le rapporteur, M. Mercier et d’autres encore ont développé des arguments tout à fait intéressants. Je reconnais aux auteurs des amendements le souci de préserver l’hôpital public, mais je veux revenir sur un certain nombre de points.
Dans mon intervention, j’ai indiqué que les mesures proposées étaient contraires aux décisions du Conseil constitutionnel – Michel Charasse l’a également souligné – et du Conseil d’État. Par ailleurs, je n’ai pas voulu invoquer l’article 40, mais une charge supplémentaire serait imposée aux hôpitaux publics, afin de compenser l’interdiction de s’installer.
Si j’en crois la teneur des débats, ce dispositif créerait beaucoup plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. Comme M. del Picchia l’a très bien dit, l’utilisation des termes « il peut être interdit », au motif d’apporter une simplification, engendre une réelle difficulté : cela est interdit ou cela ne l’est pas !
M. Michel Charasse. C’est interdit s’il y a concurrence !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par ailleurs, un problème d’interprétation se poserait : qu’est-ce que la concurrence ? À quel praticien hospitalier s’appliquerait-elle ?
La concurrence peut effectivement exister pour certaines catégories de praticiens hospitaliers. Mais on voit mal comment un pharmacien exerçant dans une pharmacie à usage intérieur pourrait, demain, entrer en concurrence avec l’hôpital public. Un anesthésiste réanimateur, avec tout le respect que je porte à cette fonction, peut quitter l’hôpital public sans rentrer en concurrence avec ledit établissement. Ce travail d’évaluation sera ingérable !
Comment, à quel niveau et sur quel territoire géographique s’exerce la concurrence ?
Le praticien appartenant à un petit hôpital et celui qui exerce dans un CHU se verront attribuer des zones géographiques plus ou moins étendues. Les différences de rayonnement des établissements induiront donc une inégalité de traitement considérable entre les praticiens quand il s’agira de déterminer le périmètre sur lequel s’exerce la concurrence.
Qui sera juge en la matière ? Imaginez-vous le nid à contentieux que nous créerions ? Il faudra mener une analyse de la concurrence et de la non-concurrence et, pratiquement, chaque départ de praticien hospitalier aboutira devant le tribunal administratif.
M. Jean Desessard. Comme pour les licenciements économiques !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. Chevènement a établi une comparaison avec les policiers. Or, avec tout le respect que je dois à cette profession, on ne saurait comparer un policier et un praticien hospitalier, d’une part, parce que ce dernier a fait quinze ans d’études, d’autre part, et surtout, parce qu’il pratique toujours le même métier, qu’il exerce dans un hôpital public ou dans une clinique privée. Le policier, en revanche, peut exercer plusieurs métiers selon les cas et passer d’une fonction régalienne, lorsqu’il appartient à la police nationale, à la pratique du renseignement économique ou familial lorsqu’il exerce au sein d’une officine de police privée.
Enfin, le cas des praticiens à temps partiel – ceux du privé qui exercent à mi-temps à l’hôpital public et ceux de l’hôpital public qui exercent à mi-temps dans le privé – entraînera des difficultés considérables : les mesures présentées auront pour conséquence de priver le système de souplesse.
Je comprends le souci des auteurs de cet amendement. Mais le dispositif qu’ils souhaitent mettre en place, outre le fait que ses fondements juridiques ne sont pas avérés, créera des problèmes en termes de financement des établissements et de traitement des dossiers au cas par cas. Enfin, et je maintiens cet argument, il risque de faire fuir les praticiens hospitaliers de l’hôpital public. Or c’est précisément ce que nous voulons éviter.
Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs de l’amendement, malgré la sincérité de leurs intentions, de bien vouloir le retirer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Monsieur Vanlerenberghe, l’amendement n° 215 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je comprends vos arguments, madame la ministre. Mais, comme l’indiquent les termes « il peut être interdit », cet amendement vise simplement à autoriser un établissement hospitalier à signer avec les praticiens des contrats dans lesquels peut figurer ou non une clause de non-concurrence. Une telle clause est prévue pour de nombreux organismes, professions et entreprises : on l’accepte ou on la refuse !
M. le rapporteur a avancé un argument tout à fait recevable selon lequel cette disposition risquait de priver l’hôpital public de talents. Je ne pense pas, pour ma part, qu’une clause de non-concurrence restreignant pendant deux ans seulement la liberté d’installation des praticiens puisse avoir un tel résultat. Cet amendement, tel qu’il a été rectifié sur la suggestion de M. Charasse, ne prévoit rien de plus qu’une simple possibilité d’insérer dans les contrats une clause de non-concurrence. L’argumentation développée est donc nulle et non avenue !
Par conséquent, je maintiens cet amendement. (Mme la ministre s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 215 rectifié.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 166 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 163 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3, et les amendements nos 318 et 401 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 41, présenté par Mme Payet, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le sixième alinéa du I de l'article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il finance des actions favorisant un exercice pluridisciplinaire et regroupé des professionnels de santé sur la base d'honoraires respectant les tarifs conventionnés, notamment pour :
« - permettre le traitement des urgences par les maisons de santé sur une plage horaire la plus large possible ;
« - développer au sein ou en partenariat avec les maisons de santé des missions de santé publique (prévention et éducation à la santé) ;
« - et, dans les zones définies comme déficitaires ou fragiles en offre de soins, créer et maintenir des maisons de santé. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à recourir davantage aux maisons pluridisciplinaires de santé, notamment pour maintenir et développer l’offre de soins de premiers recours dans les secteurs définis comme déficitaires ou fragiles, et ce pour garantir une offre optimale sur l’ensemble du territoire.
La réalisation de cet objectif passe par l’élargissement des plages horaires d’ouverture des maisons de santé au public, le développement de missions de santé publique au sein de ces maisons de santé par l’État, les collectivités locales et les organismes d’assurance sociale, ainsi que la création de maisons de santé sur fonds publics, là où l’offre de soins est déficitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Les dispositions proposées, outre le fait qu’elles ne sont pas d’ordre législatif, sont déjà satisfaites par les principes énoncés à l’article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale.
Je demande donc à Mme Payet de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La volonté exprimée par Mme Payet d’améliorer l’accès aux soins grâce au développement des maisons de santé, financées par le Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, correspond tout à fait à l’une des priorités que j’ai défendues à l’occasion du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale. Je vous invite donc, madame la sénatrice, à vous reporter à ce texte : vous y trouverez plusieurs dispositions qui répondent à vos préoccupations et pourront d’ailleurs être parfaites dans la future loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
En tout état de cause, le véhicule législatif adéquat ne peut être une loi d’organisation, c’est pourquoi je vous serais très reconnaissante de bien vouloir retirer votre amendement, tout à fait pertinent sur le fond.
M. le président. Madame Payet, maintenez-vous l’amendement n° 41 ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 41 est retiré.
Article additionnel après l'article 7 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 442, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre V du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est abrogé.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement vise à supprimer les dispositions du code de la santé publique autorisant les praticiens hospitaliers à temps plein à exercer une activité libérale au sein des établissements publics de santé, laquelle ne doit toutefois pas représenter plus de 20 % de leur activité totale.
Nous souhaitons la suppression de cette possibilité parce qu’elle nous semble contraire à l’éthique. Elle a même pu donner lieu à des abus parfaitement immoraux. Certes, elle ne concerne que 4 400 médecins au total, soit 10 % de l’effectif des praticiens hospitaliers. En France, 583 chirurgiens hospitaliers bénéficient d’une rémunération moyenne de 92 000 euros liée à leur seule activité libérale, dont le volume est pourtant plafonné.
Certains exemples ayant récemment fait l’objet d’articles de presse sont édifiants. Ainsi, les dépassements d’honoraires de deux urologues de l’hôpital Cochin ont atteint 261 733 euros et 606 954 euros respectivement en 2007.
De plus, le développement de cette pratique libérale dans certains services a pour effet de marginaliser l’activité normale, à laquelle le praticien devrait pourtant consacrer 80 % de son temps. Il crée une médecine à deux vitesses : il est évidemment beaucoup plus facile d’obtenir rapidement un rendez-vous si l’on a les moyens d’acquitter un dépassement d’honoraires.
Certes, nous devons saluer, à cet égard, l’initiative récente de Mme la ministre, qui a revalorisé par décret le reversement auquel sont assujettis les praticiens exerçant une activité libérale au sein de l’hôpital public. Ce reversement, encore symbolique voilà peu, a ainsi été porté à 40 % du montant total des rémunérations perçues.
Cela a immédiatement entraîné une révolte des médecins concernés, qui ont entamé une grève du codage des actes. Celle-ci a coûté 150 millions d’euros, notamment aux hôpitaux parisiens, puisque c’est essentiellement dans les hôpitaux des grandes villes que sont pratiqués ces dépassements d’honoraires.
Je regrette que Mme la ministre n’ait pas tenu bon et ait ramené le pourcentage de reversement de 40 % à 25 %. Ce qui me paraît le plus grave, c’est que ces médecins n’ont encouru aucune sanction, tandis que les enseignants-chercheurs, par exemple, ont subi, eux, une retenue sur leur salaire, quoi que l’on pense par ailleurs des motivations de leur mouvement.
C’est la raison pour laquelle il me semble que le secteur privé au sein de l’hôpital public devrait être supprimé ou, à défaut, moralisé. Malheureusement, je pense que l’on n’en prend pas le chemin !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Sur cet amendement extrêmement radical, l’avis de la commission est radicalement défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, permettez-moi de citer quelques chiffres en général peu connus : moins de 13 % des praticiens de l’hôpital public qui pourraient y prétendre exercent effectivement une activité libérale, les trois quarts d’entre eux respectant les tarifs opposables. Il faut donc rendre hommage à ces médecins qui pourraient pratiquer des dépassements d’honoraires et qui ne le font pas. On parle toujours des professionnels qui se comportent d’une façon plus discutable, mais il convient de saluer ceux qui font preuve d’un grand respect de la déontologie et de l’intérêt général.
Par ailleurs, deux dispositions doivent vous rassurer, monsieur le sénateur : la Haute Assemblée vient de décider, en adoptant l’article 7 bis, que les usagers de l’hôpital seront représentés au sein des commissions nationales et locales chargées de contrôler l’activité libérale des médecins hospitaliers, et elle a en outre voté l’interdiction de la grève du codage des actes. Une telle forme d’action, qui entraîne une déperdition financière et des retards de versement importants, est en effet absolument inadmissible !
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 442.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 8 bis (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 1193, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la seconde phrase du septième alinéa de l'article L. 6147-2 du code de la santé publique, les mots : « sont adaptées par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « peuvent faire l'objet, par voie réglementaire, de dérogations en vue de les adapter ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement vise à doter le centre d’accueil et de soins hospitaliers – le CASH – de Nanterre d’une gouvernance adaptée à la spécificité de ses missions.
En effet, cette structure assume des missions plus étendues que celles d’un établissement de santé classique, ce qui justifie des dérogations. Il s’agit de prévoir un régime intermédiaire entre celui qui prévaut dans les établissements publics de santé et celui des établissements sociaux et médico-sociaux. Ainsi, le conseil de surveillance du CASH, à l’image des conseils d’administration des établissements médico-sociaux, devrait pouvoir disposer de compétences plus larges, au moins en ce qui concerne la partie médico-sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je tiens à remercier Mme la ministre. J’avais demandé, lors de la discussion d’un article précédent, que le sort de l’établissement de Nanterre soit un peu amélioré et que l’on essaie de trouver des formules mieux adaptées à ses missions. Cet amendement va dans le bon sens et son adoption permettra aux représentants des collectivités territoriales du département de suivre de plus près le fonctionnement de cet établissement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 bis.
Article additionnel après l'article 8 ter (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 572 rectifié, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 8 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'un professionnel médical remplit la fonction de conseil auprès de l'industrie pharmaceutique ou d'un fabricant de dispositifs médicaux ou de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, il doit en informer le président du directoire de l'établissement public de santé ou le directeur de l'établissement privé d'intérêt collectif qui l'emploie.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Le rapport thématique de la Cour des comptes sur les personnels des établissements publics de santé publié en mai 2006 indique clairement que « les activités parallèles sont source de revenus complémentaires, le plus souvent sous forme d’honoraires. Ces revenus ne sont en règle générale pas connus de l’administration hospitalière. Le chef d’établissement n’est d’ailleurs même pas toujours tenu informé des activités du personnel médical, comme l’ont relevé les chambres régionales des comptes à propos, notamment, des conventions d’honoraires passées entre les médecins et les industries pharmaceutiques. »
Ces activités donnant lieu à rémunération sont nombreuses et variées : elles vont de la prestation de services tels que la rédaction d’articles et les études cliniques aux actions de formation, en passant par les expertises, les invitations à des congrès…
Nous entendons, par cet amendement, rendre plus transparente la rémunération de certains praticiens hospitaliers et permettre éventuellement aux directeurs des établissements de santé visés par cette disposition d’en tenir compte dans la gestion opérationnelle des services ou des pôles concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Nous avions demandé, en commission, que cet amendement soit rectifié afin de prévoir simplement que le praticien remplissant la fonction de conseil visée en informera le directeur. La commission ne souhaitait pas aller au-delà.
Cette rectification ayant été apportée, l’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Didier, les dispositions de l’article 10 sont, à mon sens, beaucoup plus dures que l’amendement que vous présentez.
En effet, alors que vous préconisez l’information préalable du président du directoire, l’article 10 du projet de loi prévoit que les personnels médico-hospitaliers seront soumis aux dispositions relatives au cumul d’activités et de rémunérations qui s’appliquent aux personnels relevant de la fonction publique. Ainsi, les praticiens qui souhaitent réaliser des expertises, notamment au bénéfice de l’industrie pharmaceutique, devront solliciter l’autorisation préalable du directeur de leur établissement d’affectation. Ces activités pourront être autorisées dans la mesure où elles ne portent pas atteinte au fonctionnement du service hospitalier.
Je vous invite donc, madame Didier, à retirer cet amendement.
M. le président. Madame Didier, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 572 rectifié est retiré.
Article additionnel après l'article 9 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 449, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre I du titre VI du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre…
« Modalités de contrôle de l'exercice de missions de service public par les établissements de santé privés.
« Art. L. … - Les établissements de santé privés, dès lors qu'ils sont amenés à participer à une ou plusieurs missions de service public, organisent dans un recueil spécifique la séparation comptable entre les recettes et les dépenses liées à des activités effectuées par lesdits établissements en raison desdites missions de service public, et des activités non liées à l'exécution de ces missions.
« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités selon lesquelles les établissements de santé privés participant à une ou plusieurs missions de service public soumettent les comptes ainsi organisés à l'autorité chargée de la tarification de ces établissements.
« Art. L. … - Les comptes ainsi certifiés doivent attester que les établissements de santé privés participant à une ou plusieurs missions de service public ne tirent aucun bénéfice financier de l'exercice des missions mentionnées à l'article L. 6112-1 du code de la santé publique.
« Art. L. … - Le directeur des établissements de santé privés communique au directeur de l'agence régionale de santé et de la chambre régionale et territoriale des comptes les conclusions du recueil mentionné à l'article L. … du chapitre… du titre VI du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique.
« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités selon lesquelles le directeur de l'agence régionale de santé et la chambre régionale et territoriale des comptes organisent la publicité des conclusions mentionnées à l'alinéa précédent.
« Art. L. … - Le directeur de l'agence régionale de santé, s'il constate, au regard des éléments comptables communiqués par les établissements de santé privés, l'existence d'un bénéfice financier au titre de l'exercice par cet établissement d'une ou de plusieurs missions de service public, dispose, dans un délai de six mois à compter de cette publication, de la capacité juridique pour exiger de l'établissement de santé privé le remboursement des bénéfices ici mentionnés.
« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités selon lesquelles le directeur de l'agence régionale de santé organise les mécanismes de récupération des sommes visées à l'alinéa précédent. »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement tend à instaurer, pour les établissements de santé privés commerciaux qui se verraient confier une ou plusieurs missions de service public, l’obligation de présenter aux directeurs des agences régionales de santé intéressées, ainsi qu’à la chambre régionale des comptes, un document comptable qui devra apporter toutes preuves que l’exercice des missions de service public n’a pas engendré de bénéfices.
En effet, s’il est légitime que les établissements privés qui se verraient confier une ou plusieurs missions de service public obtiennent, dans le cadre de leurs contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les dotations nécessaires à la compensation, nous considérons qu’il serait inopportun – c’est peu dire ! – que l’exécution de ces missions de service public permette aux établissements de santé commerciaux de dégager des bénéfices, lesquels seraient ensuite répartis entre les actionnaires.
Mes chers collègues, cet amendement ne manifeste pas une défiance à l’égard des cliniques commerciales. Voilà quelques minutes, vous avez accepté, et nous ne nous y sommes pas opposés, que les établissements publics de santé voient leurs comptes certifiés. Nous n’avons pas considéré qu’il s’agissait là d’un manque de confiance envers les établissements publics de santé, je vous demande donc d’accueillir cet amendement dans le même esprit.
Nous entendons soumettre les établissements de santé privés commerciaux, pour l’exercice de leurs seules missions de service public, à des règles similaires à celles qui s’appliquent aux établissements publics de santé. Nous considérons que notre amendement apporte de la transparence à un dispositif dont on peut craindre qu’il ne donne lieu à d’importantes dérives.
La disposition que nous proposons n’est sans doute pas parfaite, mais au moins permettrait-elle, si elle était adoptée, d’instituer un cadre général qui pourrait aisément être précisé et complété par décret.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les établissements de santé privés séparent, dans leurs comptes, ce qui relève des activités liées à des missions de service public de ce qui ressortit à leurs autres activités.
Ses auteurs souhaitent également que ces établissements ne tirent aucun bénéfice de leurs activités liées à des missions de service public.
L’amendement prévoit enfin que le directeur général de l’ARS pourra demander la restitution des bénéfices lorsqu’ils auront été réalisés au titre de l’exécution des missions de service public.
Outre qu’il introduit une contrainte particulièrement difficile à respecter, à savoir la séparation comptable des différentes activités, laquelle aura en elle-même un coût pour l’établissement, cet amendement va à l’encontre de l’ensemble du projet de loi. Quel intérêt les établissements privés auraient-ils de participer aux missions de service public s’ils ne peuvent en tirer des bénéfices ?
Surtout, cet amendement oppose bonne gestion et service public, ce qui est évidemment une profonde erreur : la bonne gestion est également un objectif du service public.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien entendu, je comprends les préoccupations des auteurs de l’amendement, mais je dois rappeler que les cliniques privées sont soumises au plan comptable général et que, de plus, la tenue d’une comptabilité analytique peut permettre à l’autorité de tarification de veiller à l’ajustement des moyens alloués au regard de l’exercice des missions de service public, ce qui doit permettre d’éviter de créer des « rentes » qui ne seraient pas justifiées. En tout état de cause, ces dispositions de gestion interne ne relèvent pas de la loi.
En outre, les établissements sont soumis à la certification des comptes, ce qui permet de vérifier la bonne application des règles comptables mais pas de se prononcer sur l’excédent ou sur le déficit : la certification donne simplement l’assurance que le résultat constaté, perte ou bénéfice, est sincère et régulier. Le dispositif que vous proposez, madame Schurch, ne permettrait donc pas d’atteindre l’objectif que vous visez.
Je veux rappeler cependant que lorsque l’exécution de missions de service public sera confiée à des établissements privés, ces derniers devront justifier des moyens mis en œuvre lors de la révision périodique de leur contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.
Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !