M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le Premier ministre, la France va mal, et pourtant, vous me répondrez – ou, pis, vous me ferez répondre – qu’elle s’en sort mieux que les autres, que la reprise arrive.
Malheureusement, cette méthode Coué ne remplace pas une politique économique volontariste. Mme Lagarde, lundi, et vous-même ce matin l’illustraient dans les quotidiens qui vous ouvrent leurs colonnes.
Jusqu’ici, en effet, l’improvisation le dispute à l’inaction. Le Gouvernement espère certainement que les plans de relance des autres viendront remplacer celui que la France n’a pas su faire et celui que l’Europe de MM. Berlusconi, Sarkozy et Barroso n’a pas su ou pas voulu mettre en place.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Michel, vous fûtes meilleur !
M. Jean-Pierre Michel. De même, le dernier sommet du G20 avait rappelé trois objectifs pour les plans bancaires : fonds propres, financements, actifs toxiques. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne ont pris des dispositions en ce sens ; la France, elle, n’a pas encore tranché. Qu’attend-elle ?
Malheureusement, monsieur le Premier ministre, les prévisions démentent votre optimisme forcené ; la production industrielle française a encore reculé de 1,4 % au mois de mars, après avoir baissé de 0,9 % au mois de février, portant ainsi le recul à 7 % au premier trimestre. Le produit intérieur brut français devrait reculer cette année d’au moins 3 % – cela signifie 3 % de récession, pour parler clairement –, selon les prévisions des organismes internationaux et français ; les déficits publics atteignent des niveaux inconnus jusqu’à ce jour.
Depuis le début de la crise, les prévisions du Gouvernement ont toujours un temps de retard, monsieur le Premier ministre. Allez-vous une fois de plus nous confirmer la prévision d’une récession de 1,5 %, antienne que vous avez répétée encore ce matin ?
Vous allez certainement me répondre que le point le plus bas est passé et entonner l’air guilleret de la reprise à nos portes. Franchement, nous espérons, nous aussi, et comme les Français, que la crise est dans sa phase terminale et que la reprise pointe à l’horizon. Mais le blocage des crédits se poursuit, les crédits nouveaux accordés aux ménages au mois de mars sont en repli de 27 % sur un an, la contraction étant particulièrement sensible pour les crédits à l’habitat, qui enregistrent un repli de 34 %.
La brutalité de la récession a des conséquences durables et terribles sur l’emploi. Les licenciements ne cesseront de se produire, dans des conditions sociales parfois indignes comme chez Caterpillar. Que faites-vous en la matière ?
Dans l’aire urbaine Belfort, Montbéliard, Héricourt, Delle dont je suis un élu et dans le département de la Haute-Saône où les équipementiers sont soumis à la mono-industrie de l’automobile, les difficultés sont importantes : certaines des entreprises parmi Sonas Automotive à Beaucourt, Pyle industries à Servance, Fuinto à Gray, les tréfileries de Conflandey, font l’objet de reprises aléatoires, et toutes subissent un plan social conduisant au licenciement de la moitié du personnel existant.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue, vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est important, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, si vous m’ôtez la parole, vous couperez alors la voix à l’opposition !
M. le président. Mais ce sont vos collègues qui pâtiront de votre dépassement !
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le Premier ministre, la souffrance sociale s’aggrave ; 600 000 postes devraient être perdus d’ici à la fin de l’année 2010 ; de surcroît, pour des raisons idéologiques, vous annoncez la suppression de plus de 30 000 postes supplémentaires de fonctionnaires. Quand allez-vous enfin lancer le plan de relance qui s’impose, pour redonner confiance aux Français, surtout aux travailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir respecter vos temps de parole par égard pour les autres intervenants.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le président, il me sera assez facile de respecter mon temps de parole, étant donné les outrances qui ont émaillé la question de M. Michel ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste. )
M. Paul Raoult. Ça commence bien !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Les chiffres de la croissance du premier trimestre seront connus demain. D’ici là, on peut dire que la crise est grave.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout le monde le sait !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Malheureusement, l’activité a baissé au premier trimestre de 2009, comme ce fut hélas ! le cas au dernier trimestre de l’année dernière.
M. Paul Raoult. Les faits sont les faits, les chiffres sont les chiffres !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh ! Alors…
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. … la France résiste mieux que la plupart de ses voisins. Telle est la vérité.
Un sénateur socialiste. Nous n’avons pas dit autre chose ! Ces informations sont dans La Tribune et dans Les Échos.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. La crise est mondiale, et seuls de très rares pays émergents enregistreront cette année une croissance positive. Malheureusement, la plupart des autres pays connaissent des augmentations du chômage bien supérieures à celles de la France.
M. Didier Boulaud. Alors, nous sommes contents ! Tout va très bien, madame la marquise !
Un sénateur socialiste. En mars, 60 000 chômeurs supplémentaires !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je rappelle qu’en mettant en place les actuelles mesures de relance, le Gouvernement a privilégié résolument l’investissement, c'est-à-dire le soutien de l’activité à court terme – on le voit déjà dans les régions – et a montré son ambition d’avoir un pays plus fort encore après la crise.
M. Didier Boulaud. Arrêtez ! Pas si vite !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je souhaite surtout insister sur les mesures de justice, qui sont les deux piliers de la politique du Gouvernement.
M. Didier Boulaud. En matière de justice, surtout sociale, nous ne craignons rien !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Relevons tout d’abord les mesures concrètes prises en faveur de 11 millions de ménages à hauteur de 2,6 milliards d’euros et mises en œuvre depuis le sommet social de la fin du mois de février et le plan en faveur de l’emploi des jeunes – 500 000 d’entre eux sont concernés –, doté de 1,3 milliard d’euros.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout va bien, alors ?
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Non, mais ce qui va bien, c’est l’engagement et l’action du Gouvernement, afin de passer ce cap difficile,…
M. Didier Boulaud. Vous allez voir les jeunes, à la rentrée !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. … d’en atténuer les effets, notamment pour les plus modestes,…
M. Didier Boulaud. Vous allez voir : à la rentrée, les jeunes vont battre le pavé !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. … et de pouvoir rebondir dès la fin de la crise mondiale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
situation dans les universités
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Ivan Renar. « Chronique d’une crise annoncée dans les universités » : tel était l’intitulé de la lettre, en date du 5 janvier dernier, que la conférence des présidents d’universités, la CPU, a adressée au Président de la République, avant même que ce dernier ne prononce, le 22 janvier, ses propos méprisants à l’égard de la communauté scientifique nationale.
La CPU faisait alors état de la vive inquiétude régnant sur les campus quant à la faiblesse des financements d’État parvenant réellement aux universités et à la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dans un contexte de suppressions de postes et de remise en cause des statuts des personnels.
Après quatorze semaines d’un conflit inédit par son ampleur, le Gouvernement demeure sourd aux revendications exprimées par les syndicats et par les collectifs représentant les communautés scientifique et estudiantine. Pis encore, la stigmatisation, la dramatisation et les provocations verbales renforcent l’incompréhension et l’exaspération, jettent de l’huile sur le feu et compromettent le dialogue qu’il conviendrait de mettre en place, en urgence, afin de donner un nouveau souffle à l’enseignement supérieur et à la recherche dans notre pays.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Ivan Renar. En misant sur le pourrissement du conflit, le Gouvernement prend la responsabilité de fragiliser durablement les universités françaises.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Ivan Renar. Il est pourtant grand temps de créer les conditions permettant à tous les étudiants de valider leur année.
Répétons-le, l’université de demain ne se fera pas contre les étudiants, contre les enseignants-chercheurs, contre les personnels IATOS.
La promotion de l’autonomie, à laquelle s’est encore livré ce matin M. le Président de la République, ne peut s’accompagner d’un manque total de confiance à l’égard des acteurs et des usagers des universités, des étudiants qui seront les cadres de demain.
Une société, un gouvernement qui ne veulent pas dialoguer avec la jeunesse ou qui ne savent plus le faire sont condamnés. Le grand Corneille disait ceci : « Ce que l’on appelle fermeté chez les rois se nomme entêtement chez les ânes ».
Mme Annie David. Très bien !
M. Ivan Renar. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement doit reprendre le chemin du dialogue. Quand allez-vous ouvrir de véritables discussions et concertations pour que les universités françaises puissent retrouver le calme nécessaire à l’accomplissement de leur mission de production et de transmission des connaissances ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –M. François Patriat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, depuis 1984, l’université française souffre d’un mauvais statut qui a mis à mal l’un de ses principes fondateurs : l’autonomie.
Après bien des efforts conduits par des gouvernements de gauche comme de droite et qui n’ont jamais été couronnés de succès, la majorité a soutenu une réforme de l’université, votée par l’Assemblée nationale et par le Sénat, qui offre un cadre nouveau à l’université française – l’autonomie –, que vingt universités ont déjà choisi.
Lors de la mise en œuvre de cette réforme, deux difficultés sont apparues.
La première d’entre elle était relative au statut des personnels. En l’espèce, un décret, dont la rédaction a suscité une forte opposition, a été réécrit, en concertation étroite avec l’ensemble de la communauté universitaire.
La seconde difficulté concernait la réforme de la formation des maîtres, qui fait elle aussi l’objet d’une concertation très étroite dans des délais impartis. L’objectif du Gouvernement est de faire en sorte que, demain, les professeurs des écoles reçoivent une formation de niveau bac+5,…
M. Paul Raoult. C’est déjà le cas !
M. François Fillon, Premier ministre. … ce qui ne paraît pas choquant eu égard au niveau exigé de professions moins stratégiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Présentation mensongère !
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, aujourd’hui, dans six universités sur les quatre-vingts qui existent, des blocages empêchent la tenue des examens, blocages qui, la plupart du temps, sont le fait d’une minorité refusant tout vote au sein des assemblées générales. Cette situation affecte 60 000 étudiants.
Vous êtes un démocrate, monsieur Renar. Vous pouvez comprendre qu’il est hors de question pour le Gouvernement, alors que l’immense majorité des universités françaises et des étudiants sont au travail et souhaitent que les examens soient organisés à la date initialement prévue, d’accéder à la demande, formulée par une petite minorité, de retrait d’une loi votée par le Parlement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
En ce moment, avec la ministre chargée de l’enseignement supérieur, nous veillons à ce que tous les étudiants puissent passer leurs examens et à ce que ceux-ci soient tous de même niveau. En effet, il est hors de question de brader les examens dans notre pays ! Ce serait dramatique pour l’avenir de l’université, pour la réputation de nos établissements et, au fond, pour l’ensemble de notre jeunesse. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Nous sommes donc en train d’examiner la situation des universités où le blocage perdure, pour déterminer s’il y a lieu de repousser les examens au mois de septembre prochain ou de mettre en œuvre les procédures nécessaires pour organiser ces épreuves dans d’autres établissements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’acceptera pas que l’on remette en cause une réforme qui est absolument fondamentale pour l’avenir de l’université…
MM. Alain Gournac et Gérard Dériot. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. … et qui vise, tout simplement, à offrir à la communauté universitaire son autonomie et le contrôle de ses décisions !
Vingt universités françaises ont choisi, à la majorité absolue des membres de leur conseil d’administration, ce statut d’autonomie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un conte de fée pour le Vatican que vous nous racontez, monsieur le Premier ministre ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. Et les moyens financiers nécessaires ?
M. François Fillon, Premier ministre. Le Parlement devrait avoir à cœur de défendre ce statut et de faire en sorte que l’université française soit au premier rang mondial des universités ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
le grand paris
M. le président. La parole est à M. Michel Houel. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Michel Houel. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale.
Lors de son allocution du 29 avril dernier à la Cité de l’architecture et du patrimoine,…
M. Didier Boulaud. Un discours de plus !
M. Michel Houel. … le Président de la République a dévoilé son projet pour la métropole parisienne.
Ce plan ambitieux fera de Paris, à partir de l’Homme et pour lui, une agglomération moderne, un lieu « de progrès, de prospérité et de partage », qui sera très largement en harmonie avec la nature. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
J’oserai même ajouter, monsieur le secrétaire d'État, que, en entendant le discours du Président de la République, le 29 avril dernier, j’ai eu le sentiment de vivre un moment historique. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit. – Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. C’est sûr !
M. Richard Yung. Et même davantage ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Houel. En effet, voilà quarante ans que l’on ne nous avait pas proposé une telle ambition, un tel projet !
M. Didier Boulaud. Quel champion du bla-bla !
M. Michel Houel. Mes propos vous dérangent peut-être, chers collègues de l’opposition, mais telle est bien la vérité ! (Exclamations prolongées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-François Voguet. Pas de discours, des actes !
M. Michel Houel. D'ailleurs, vous ne réussirez pas à me faire taire ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Élu d’un département francilien, je ne puis qu’adhérer à cet immense défi, qui dessinera le modèle urbain du XXIe siècle et rendra à Paris et à sa région un rôle de leader au cœur de l’économie européenne et mondiale.
J’y adhère, parce qu’il appelle une nouvelle stratégie d’aménagement et de développement du territoire, qui s’écrira avec tous les élus et les habitants d’Île-de-France.
Mme Raymonde Le Texier. Et les collectivités territoriales ?
M. Didier Boulaud. Des actes, pas de discours !
M. Michel Houel. Les affirmations du Président de la République rassurent les élus de la Grande Couronne, qui se sentaient jusqu’à présent quelque peu exclus des différentes propositions publiées.
M. Robert Hue. Les élus du Val-d’Oise continuent de se sentir exclus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Val-d’Oise, ce n’est pas le problème du Gouvernement…
M. Michel Houel. Il reste néanmoins une interrogation, qui fera l’objet de ma question et qui porte sur la mise en œuvre du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF.
Mme Catherine Tasca. C’est la région !
M. Michel Houel. Ce document d’urbanisme, voté par le conseil régional en septembre 2008, développe une vision globale de l’Ile de France et de ses territoires pour les vingt-cinq prochaines années.
Le SDRIF pourra-t-il s’appliquer, et à quelle échéance, sachant que de nombreuses communes attendent son entrée en vigueur pour lancer leurs initiatives ? Comment pourra-t-il s’articuler avec le projet de Grand Paris, qui prévoit, à court terme, une réforme de l’urbanisme afin de libérer l’offre foncière ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Michel Houel. Tous les maires d’Île-de-France attendent des réponses à ces questions primordiales…
M. Simon Sutour. Là, on laisse l’orateur dépasser son temps de parole…
M. Michel Houel. … qui conditionnent le lancement de nombreux projets et travaux. Ceux-ci, d’ailleurs, participeront à la relance de l’économie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces travaux permettront surtout de donner de l’argent à des grands groupes !
M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi de souligner que M. Houel n’est pas l’orateur qui a le plus outrepassé son temps de parole. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Simon Sutour. Soyez objectif !
M. le président. Je le suis avec tout le monde, monsieur Sutour !
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’articulation du projet du Grand Paris avec le schéma directeur de la région Île-de-France.
Je voudrais appeler votre attention et celle de la représentation nationale sur la chance exceptionnelle que représente le Grand Paris pour notre pays. Ce projet, nous devons le réussir ensemble, car ses effets bénéficieront à tout le territoire national.
Mme Catherine Tasca. Des mots !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Tout d'abord, en ce qui concerne la croissance, le développement des potentiels de l’une des quatre « villes monde », avec New York, Londres et Tokyo, profitera à toute l’économie nationale, et tout particulièrement à nos métropoles régionales.
Ensuite, en matière d’urbanisme, le Grand Paris sera réussi le jour où l’on ne parlera plus de banlieue, où les cités auront été réhabilitées et désenclavées, où Paris, région capitale, sera au cœur du réseau des métropoles françaises.
Mme Gisèle Printz. C'est-à-dire quand les poules auront des dents !
M. Didier Boulaud. C’est le retour de Ferdinand Lop ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Enfin, s'agissant des transports, nous allons créer la troisième génération de transports parisiens : après le métropolitain et le RER, ce sera le réseau de métro automatique à grande capacité, qui s’étendra sur 130 kilomètres, avec des rames roulant de 60 à 80 kilomètres par heure et pouvant fonctionner jour et nuit. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste.)
Il sera réalisé en douze ans, …
M. Yannick Bodin. On verra bien !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … et sera articulé sur le réseau existant, ce qui permettra de fluidifier le RER.
Nous nous donnons à présent deux mois pour parvenir à un accord avec la région sur un nouvel avant-projet de SDRIF qui intégrerait les modifications substantielles liées au projet du Grand Paris. Le document modifié pourrait ainsi être soumis au vote des élus régionaux au début de l’automne.
Dans le même temps, un projet de loi sera déposé au Parlement afin d’accélérer les procédures, de définir les maîtrises d’ouvrage et de proposer des moyens de financement. Vous en serez donc saisi, mesdames, messieurs les sénateurs.
Réussir le Grand Paris,…
M. Didier Boulaud. C’est un pari ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … relève de l’intérêt national. Par-delà les clivages partisans, d’ici à vingt ou trente ans, nous pourrons, je l'espère, être fiers d’avoir réalisé une œuvre qui profite à tous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
Monsieur le ministre, le Gouvernement vient une fois encore de reporter l’examen du projet de loi de programmation militaire.
La première annuité prévue, celle de 2009, est actuellement en cours d’exécution, et Bercy prépare déjà la deuxième, celle de 2010. Or, pendant ce temps, vous ne parvenez pas à inscrire votre projet de loi à l’ordre du jour du Parlement !
C’est une mauvaise manière qui est faite à la représentation nationale, mais aussi un mauvais signe adressé à notre outil de défense, à nos armées et à nos industries militaires.
Ce projet de loi devait mettre en œuvre la nouvelle stratégie de défense et de sécurité nationale, ainsi que les décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP.
Il prévoit, en outre, des mesures qui concernent l’organisation même de notre défense et l’avenir des emplois de l’industrie militaire, et touchent des milliers de civils et de militaires.
Ce texte, qui n’est pas encore voté mais qui est déjà en application, aura des conséquences importantes pour les personnels et les territoires, en raison de la nouvelle carte militaire qui en découle.
La restructuration de la défense, c’est, à terme, la suppression de 54 000 emplois. Dans le contexte actuel de montée brutale du chômage, il s’agit ni plus ni moins du plus grand plan social que va connaître notre pays. Et c’est justement le moment que choisit le Gouvernement pour maintenir le Parlement hors du jeu !
Monsieur le ministre, ce projet de loi, élaboré voilà plus d’un an, est désormais en déphasage total avec les nouvelles réalités et priorités économiques et sociales de notre pays. La crise est là, et le Gouvernement se refuse à prendre les mesures nécessaires pour y répondre.
M. Robert Hue. Alors que tous les autres pays le font !
M. Didier Boulaud. De facto, votre projet de loi est caduc. Il faut impérativement que le Gouvernement refasse ses calculs. Les bases de défense seront probablement beaucoup plus coûteuses que prévu (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), et ce malgré vos dénégations, hier, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
Les fameuses « recettes exceptionnelles », quant à elles, ne seront pas au rendez-vous, nous l’avons tous compris, ce qui reviendra à fragiliser encore davantage les budgets pour 2009 et 2010…
Le coût du plan social de suppression des emplois de la défense doit prendre en compte la triste situation de nos finances publiques, œuvre des derniers gouvernements soutenus par l’actuelle majorité.
Il n’est pas possible que notre outil de défense connaisse des dérapages aussi importants que ceux qui ont marqué la précédente programmation militaire et que vous traînez comme un boulet, hérité de la politique menée par votre prédécesseur entre 2002 et 2007 !
M. Henri de Raincourt. Et par M. Jospin !
M. Didier Boulaud. Ma question est donc la suivante : monsieur le ministre, allez-vous, oui ou non, préparer un nouveau projet de loi de programmation militaire, cette fois sincère et cohérent, et faire en sorte que le Parlement puisse enfin se prononcer ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je vais vous causer une grande joie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je vais vous donner l’occasion de voter, dans les semaines ou les mois qui viennent,…
M. Didier Boulaud. « Les mois qui viennent » ?
M. Hervé Morin, ministre. … ce projet de loi de programmation militaire, déjà débattu et voté par la commission de la défense de l’Assemblée nationale et qui sera inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale au cours du mois de juin prochain.
Comme il s'agit d’un excellent projet de loi de programmation militaire (Rires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…
M. Charles Gautier. Bien sûr !
M. Yannick Bodin. Vive l’autosatisfaction !
M. Hervé Morin, ministre. … qui, je vous le rappelle, est triennal et offre donc une perspective pour nos armées et leurs équipements, les crédits prévus pour la seule année 2009 constituent le meilleur budget de la défense depuis 1958. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. C’est ce que nous a dit Mme Michèle Alliot-Marie pendant cinq ans !
M. Hervé Morin, ministre. En effet, grâce aux arbitrages rendus par le Président de la République et le Premier ministre, le budget de la défense connaît une augmentation globale de 5,5 %, les dépenses d’équipement s’accroissant de près de 20 %, en tenant compte du plan de relance. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc. Où allez-vous chercher ces 20 % ?
M. Didier Boulaud. Il manque en réalité 12 milliards d'euros !
M. Paul Raoult. Vous ne dépensez pas les crédits !
M. Hervé Morin, ministre. Jamais un tel effort n’avait été consenti au profit de la modernisation et de l’équipement de nos armées !
M. Didier Boulaud. Quand le Sénat se prononcera-t-il ?
M. Didier Boulaud. Et nous, quand votons-nous ?
M. Didier Boulaud. Et nous, quand voterons-nous ? Le Sénat n’est pas content !
M. Hervé Morin, ministre. … dans une précédente loi de finances et elles sont déjà mises en œuvre, notamment en ce qui concerne les reclassements.
M. Didier Boulaud. On vote quand, ici ?