M. François Autain. C’est pourtant ce que vous faites !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous le dis avec force : il faut mettre fin à ces dysfonctionnements et améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens. Comment pourrait-il en aller autrement ?
J’ai longuement écouté les professionnels de santé et les représentants des usagers, qui ont, les uns et les autres, exprimé leurs besoins et leurs attentes. Aujourd’hui, les aspirations ne sont plus les mêmes qu’hier. Nos concitoyens souhaitent désormais être acteurs de leur propre santé. Ils désirent bénéficier de soins et d’une prévention adaptés à leurs particularités et à leurs besoins.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils pourront aller acheter leurs médicaments au supermarché !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ils ne veulent plus être victimes de l’éclatement des structures, de la multiplicité des interlocuteurs, du manque de coordination, ou de la lenteur des décisions.
Les professionnels médicaux et paramédicaux, notamment les nouvelles générations, sont volontaires pour de nouveaux modes d’organisation et d’exercice, plus souples, plus cohérents, plus efficaces.
De la même manière que je veux les écouter, j’ai choisi de ne pas ignorer les défis et les évolutions majeurs auxquels notre système de santé doit faire face.
Ne nous y trompons pas, ni la force de l’attachement des Français à notre système de santé, ni le positionnement favorable de notre pays en termes d’indicateurs de santé ne doivent faire illusion : la survie de notre modèle solidaire est en jeu.
Je n’ai pas peur de le dire, nous ne sommes encore qu’à l’aube des défis que nous aurons à relever.
Alors que les passages aux urgences ont doublé depuis dix ans, peut-on décemment refuser de prendre ses responsabilités ? Alors que, pour 100 000 habitants, on compte 830 médecins à Paris contre seulement 198 dans l’Eure, peut-on laisser la répartition des médecins sur le territoire se dégrader sans agir ?
M. Adrien Gouteyron. Non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est pourquoi je vous le demande instamment : prenez conscience des changements que nous sommes en train de vivre, et tirons-en ensemble toutes les conséquences nécessaires !
La population vieillit. Nous sommes actuellement en pleine transition démographique. Ce défi d’envergure nous pousse à développer les soins de suite et le médico-social, dont vous parlera Valérie Létard.
Les inégalités sociales et territoriales dans l’accès aux soins se creusent : il nous faut impérativement réduire ces écarts.
Les progrès techniques se multiplient : ils nous incitent à repenser l’organisation des soins, dans un souci constant de qualité et de sécurité. Peut-on accepter des disparités entre hôpitaux, au détriment des patients et de l’impératif de justice qui nous guide ?
Les outils que le texte nous offre pour relever ces défis sont nombreux et variés. Je veux cependant souligner qu’ils constituent un ensemble de mesures cohérentes, répondant aux exigences d’une politique de prévention ambitieuse.
Comment transmettre sans dommage notre système de santé aux générations futures ? Comment garantir, aujourd’hui et demain, la qualité et la sécurité des soins ? Comment assurer, partout en France et à tous les Français, un égal accès aux soins ?
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne faites que poser des questions ! Nous attendons des réponses !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce sont de bonnes questions ! Les réponses viendront ensuite !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comment offrir aux établissements de santé et aux professionnels les moyens de mieux accomplir leurs missions ?
En un mot, comment préserver durablement les principes de qualité, de solidarité et de justice ?
M. René-Pierre Signé. Avec un directeur tout puissant ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce projet de loi procède ainsi d’une visée résolument prospective, Nicolas Sarkozy et François Fillon l’ont voulu ainsi. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Il nous faut, en effet, agir sur le long terme et anticiper les dégradations prévisibles de notre patrimoine.
Notre système de santé a besoin de moyens et d’organisation. Pourquoi opposer les deux ?
Les moyens dont notre système de soins a besoin, nous les lui donnons et nous continuerons à le faire. Sur plusieurs années, nous investissons pour donner aux hôpitaux et à l’ensemble de notre système de santé les moyens de fonctionner et de se moderniser. La dernière loi de financement de la sécurité sociale, au terme d’un débat que nous avons conduit ensemble, avec son rapporteur, Alain Vasselle, a accordé pour 2009 près de 5 milliards d’euros de plus qu’en 2008, soit une progression de 3,1 % pour l’hôpital comme pour la médecine de ville. Le plan Hôpital 2012 mobilisera, pour la période 2008-2012, près de 10 milliards d’euros d’investissements ; par ailleurs, 279 projets ont d’ores et déjà été notifiés, pour un montant d’environ 2,5 milliards d’euros.
Mais notre système de santé a aussi besoin d’organisation, pour assurer partout et toujours la qualité et la sécurité des soins. Malgré le dévouement et le talent de tous les professionnels de santé, auxquels je veux rendre un plein et sincère hommage, notre système présente des fragilités, nous venons d’en parler. Dans ce contexte, il m’a paru essentiel de proposer, pour la première fois, la mise en place d’un véritable système de santé.
Nous ne pouvons plus continuer à parler de « système de santé » sans établir une vraie cohérence entre l’organisation de la médecine libérale et celles de l’hôpital, de la prévention et du médico-social, sans rapprocher l’organisation et le financement, sans mettre fin au cloisonnement d’entités performantes, mais trop souvent isolées, trop enclines à agir pour leur propre compte et à se rejeter la responsabilité d’un dysfonctionnement.
Il faut donc repenser l’organisation de notre système, dans une perspective de santé durable et solidaire. (M. Autain manifeste son agacement.)
Cette nouvelle organisation a pour socle les agences régionales de santé, les ARS, conçues pour unir nos forces au lieu de les disperser. Leur création vise à simplifier notre système en réunissant, au niveau régional, sept services différents de l’État et de l’assurance maladie. On a trop longtemps séparé l’organisation des soins de leur financement. Cela doit changer.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il faut cesser de croire que l’organisateur et le financeur peuvent continuer à rester séparés, car c’est mettre en danger non seulement l’efficacité de notre réponse, mais aussi la préservation même de notre système. Nicolas About nous l’a indiqué lors des travaux de la commission et je suis pleinement d’accord avec lui : il ne peut y avoir de dyarchie au niveau régional !
Il faut cesser de croire que l’organisateur peut organiser sans se préoccuper du financement et des éventuels déficits, et que le financeur peut financer sans penser à l’organisation ni aux territoires. Nous connaissons le résultat : il n’est pas satisfaisant. Qu’avons-nous obtenu ? Tout à la fois les déficits et les inégalités territoriales !
Les agences régionales de santé sont un outil indispensable de réconciliation, d’autant plus qu’elles ont aussi pour but de dépasser les cloisonnements sectoriels en investissant l’ensemble du champ de la santé, grâce à l’addition des forces de l’État et de l’assurance maladie. Les ARS permettront ainsi une réponse plus efficace et plus cohérente, ainsi qu’une efficience accrue dans la gestion des dépenses.
Leur mission consistera, en particulier, à organiser l’offre de santé sur tout le territoire, dans une perspective d’amélioration de l’accès aux soins et de l’état de santé de nos concitoyens.
Votre commission a eu raison de mieux mettre en perspective le niveau national et le niveau régional : nous avons besoin d’un pilotage national affirmé avec des contours et des pouvoirs clairs. Les dispositions adoptées en commission garantiront que les ARS disposent, à tout moment, d’instructions cohérentes, malgré la diversité des donneurs d’ordre.
Les membres du conseil de surveillance contribueront à la définition de la stratégie de l’agence. La composition du conseil de surveillance est fondée, en effet, sur une double volonté : volonté d’équilibre entre l’État et l’assurance maladie et, surtout, volonté d’ouverture à la démocratie sanitaire, à la démocratie politique, représentée par les élus locaux, à la démocratie sociale, représentée par les partenaires sociaux, et à la présence de représentants des usagers.
Dans la définition de la politique régionale de santé, les agences s’appuieront sur les conférences régionales de santé, lieu de concertation entre les agences et tous les acteurs régionaux, notamment les élus.
Sur un territoire de santé dont elle sera libre de définir le périmètre, l’agence régionale de santé pourra également constituer des conférences de territoire. Celles-ci permettront de conjuguer les expertises, en partageant avec les acteurs locaux les analyses précises des besoins existants et la définition des actions adaptées aux réalités concrètes des territoires.
Par ailleurs, la volonté d’ouverture et de dialogue avec les partenaires légitimes de l’agence se marque par une concertation étroite de l’ARS avec les unions régionales des professionnels de santé.
Les ARS contribueront à améliorer l’accès aux soins, qui est une priorité absolue : nous devons, collectivement, une réponse aux Français. Chacun doit pouvoir accéder à la même qualité de soins, quels que soient son lieu de vie ou ses moyens financiers.
Je soutiens notamment l’initiative tendant à instituer un devis obligatoire pour les prothèses dentaires, complémentaire de la politique de transparence tarifaire menée par le Gouvernement. Il convient d’aboutir au même équilibre que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je suis certaine que nous réussirons !
Puisque cette réforme se veut préventive, nous devons aussi nous donner les moyens de mieux organiser l’offre de soins, dans le respect de la liberté d’installation.
M. François Autain. Au détriment du patient !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous devons agir ensemble, en responsabilité, pour anticiper nos difficultés démographiques et pour nous organiser.
Je le dis d’emblée : les mesures proposées procèdent d’une logique de confiance tout autant que d’efficacité.
M. Guy Fischer. Et vous instaurez la contrainte !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous faisons le pari de la responsabilité, de l’implication de médecins libéraux, disposant d’un grand nombre d’atouts et investis au quotidien pour répondre aux besoins des patients.
M. René-Pierre Signé. Aux heures ouvrables !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On n’a jamais, en effet, conduit de bonne politique de santé contre les professionnels de santé. (M. Gilbert Barbier applaudit.) Le temps du manichéisme stérile est dépassé : nous devons agir ensemble, dans l’intérêt de nos concitoyens.
Puisque 70 % des médecins s’installent dans la région où ils ont fait leurs études, il importe de former les médecins là où leur présence est la plus nécessaire. Ainsi, ce projet de loi prévoit que le numerus clausus de première année et la répartition des internes dans les régions au moment de l’examen national classant se fassent non plus à la discrétion de quelques-uns, mais en fonction des besoins constatés de la population et de l’état de l’offre de soins en ville et à l’hôpital.
M. Adrien Gouteyron. Très bien ! C’était nécessaire !
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sur ce point, les internes et les étudiants eux-mêmes ont témoigné un profond sens des responsabilités. Je les en remercie.
Votre rapporteur a souhaité corriger une incohérence qui voulait que les étudiants français diplômés d’un second cycle dans un des pays de l’Union européenne ne puissent pas se présenter à l’examen national classant. Je me félicite d’une telle initiative, qui remédie à une situation inégalitaire et nous évite ainsi des contentieux communautaires.
La proposition de Marie-Thérèse Hermange concernant le mi-temps thérapeutique des internes a également retenu toute mon attention : c’est une mesure de justice.
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans le domaine de la formation, je veux encourager le développement professionnel continu, que nous devrons mettre en place avec un réel pragmatisme.
Pour les médecins, votre rapporteur a jeté les bases d’un véritable dispositif de validation des acquis de l’expérience, qui coordonne utilement l’université et l’ordre des médecins. Cette mesure est importante : je veillerai à ce qu’elle se mette en place au plus vite et dans le respect des prérogatives de chacun.
Pour les professionnels de santé, je souhaite que les formations puissent légitimement être intégrées au schéma européen licence-maîtrise-doctorat, ou LMD. Cette démarche trouvera à s’appliquer dès cette année pour les infirmières. Les échanges en commission ont également démontré notre volonté commune d’avancer rapidement sur la « masterisation » de la formation des sages-femmes. (Mmes Gisèle Printz et Raymonde Le Texier approuvent.) Je présenterai un amendement en ce sens.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Oui, très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’évolution des métiers et leur modernisation nous permettront de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens. Parallèlement, il s’agit de définir un schéma d’aménagement de l’offre de soins de premier recours sur l’ensemble du territoire, et pas uniquement dans les zones en difficulté.
Les professionnels de santé et les élus contribueront à la définition de ce schéma par l’ARS, schéma ambulatoire qui viendra compléter le schéma hospitalier, le schéma de prévention et le schéma médico-social. Là encore, il s’agit d’unifier sans contraindre. Bien entendu, le schéma régional d’organisation sanitaire, le SROS, n’entrave en rien le dispositif du médecin traitant, qu’il n’est pas question d’affaiblir ou de remettre en cause.
Enfin, pour améliorer l’accès de nos concitoyens à des soins de qualité, les coopérations entre professionnels de santé au niveau local doivent être renforcées.
Le texte tend à moderniser les ordres professionnels et nous avons eu de nombreux échanges en commission à ce sujet. Je vous proposerai des ajustements aux dispositions sur les réformes des ordres médicaux et paramédicaux. Ces instances sont des rouages essentiels dans notre système de santé ; elles auront un rôle important à jouer dans la mise en place des coopérations. Je me réjouis que vous participiez activement à l’optimisation de leur fonctionnement.
Dans le même esprit, je veux saluer aussi les travaux de la commission concernant les pharmaciens d’officine. (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Les défis sociaux, économiques et démographiques qui se présentent nous imposent de faire évoluer les pratiques et d’instaurer des modes de prise en charge différents.
Je suis attachée à ce que les coopérations soient mises en œuvre à partir du terrain, entre des professionnels de santé volontaires qui y trouvent un intérêt pour mieux prendre en charge leurs patients.
Les maisons de santé ou pôles de santé ont largement fait leurs preuves. Même dans les zones les moins dotées, les maisons de santé n’ont aucun problème de recrutement. Nous devons diffuser ces expériences concrètes réussies par les professionnels au bénéfice de tous.
Enfin, destiné à inciter les médecins à pratiquer dans les zones déficitaires en médecins,…
M. René-Pierre Signé. Et les dispensaires ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … au cas où les mesures d’organisation s’avéreraient insuffisantes, le contrat santé solidarité tel qu’il est défini dans la « petite loi » marque un point d’équilibre entre les exigences des professionnels et les attentes de nos concitoyens. J’y suis particulièrement attachée, et je souhaite que ce point puisse être réexaminé.
Je n’ai jamais pensé, contrairement à certains, que c’est en réduisant la liberté et l’indépendance des médecins que l’on améliorera l’accès aux soins.
Cela étant, il appartient aux médecins de s’approprier, en conscience, avec audace et responsabilité, le vaste espace de liberté que leur ouvre ce projet de loi.
M. René-Pierre Signé. Et le serment d’Hippocrate ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous devons ensemble mieux répondre aux besoins des Français. C’est notre responsabilité.
La réforme de la biologie médicale s’inscrit dans ces grandes orientations.
Cette réforme structurelle, profonde, est impérative et urgente.
Permettre à chacun d’avoir accès à une biologie médicale de qualité prouvée, payée à son juste prix est, en effet, un objectif que nous ne pouvons ignorer plus longtemps.
Peut-on laisser des défauts de fiabilité perdurer, alors que le diagnostic et les décisions thérapeutiques dépendent de cette étape cruciale du parcours de soins ?
Ce projet de loi fait, pour la biologie, le choix de la médicalisation et de l’amélioration du maillage territorial, dans l’intérêt du patient.
Pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, la réforme de notre système hospitalier procède d’une logique similaire, puisqu’elle vise à mieux adapter l’hôpital aux situations réelles.
Il est impératif, en ce sens, de moderniser notre hôpital.
Que n’ai-je pas entendu sur la gouvernance des hôpitaux ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Autain. Et nous donc !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Non, gouverner, ce n’est pas se mêler de tout. Non, gouverner, ce n’est pas harceler. Non, gouverner, ce n’est pas caporaliser.
M. François Autain. Gouverner, c’est prévoir, et rien n’est prévu !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Gouverner, c’est donner les moyens d’atteindre ses objectifs, c’est donner les moyens de prendre des décisions positives. C’est identifier les responsabilités.
Je fais confiance aux ressources humaines de ce corps vivant qu’est l’hôpital public, aux professionnels de santé et aux directeurs. Je veux donner aux soignants, médecins ou paramédicaux, aux cadres, aux personnels administratifs et médico-techniques les moyens de porter haut les valeurs de l’hôpital public.
M. François Autain. On en reparlera !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je le dis très clairement : tous les services doivent être unis autour d’une même cause, la qualité et la sécurité des soins.
Certains voudraient faire porter à ce texte des responsabilités qui ne sont pas les siennes. Ils se trompent de combat, car, ce qu’ils dénoncent, en réalité, c’est la situation actuelle.
M. René-Pierre Signé. La direction collégiale ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certains voudraient faire croire que ce projet prive les médecins de pouvoir ; c’est le contraire !
M. René-Pierre Signé. Mais non, ils n’auront aucun pouvoir !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Entendons-nous bien : en plaçant le président de la commission médicale d’établissement, la CME, dans une position déterminante au sein de l’exécutif, le projet de loi renforce le projet médical, qui, bien entendu, sera élaboré par le président de la CME, avec le directeur. Ce projet médical sera d’ailleurs, grâce au texte adopté par la commission des affaires sociales, approuvé par le directoire, composé majoritairement de médecins.
De la même manière que l’on ne peut pas opposer organisation et financement, on ne peut pas opposer soin et administration de l’hôpital. (M. le président de la commission des affaires sociales acquiesce.) Sortons, une bonne fois pour toutes, de cette opposition absurde entre administration et médecine…
M. René-Pierre Signé. C’est l’administration qui commande !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … que certains agitent en laissant penser que l’un pourrait fonctionner sans l’autre.
Rien n’est moins vrai : comme l’ensemble du corps médical et des soignants, l’administration est d’abord, elle aussi, au service des soins.
L’acte de soin est un acte d’équipe, qui engage toute la communauté hospitalière.
Si l’hôpital a bien un directeur, qui est un homme ou une femme de gestion, mais aussi un homme ou une femme de santé publique…
M. François Autain. Ou du secteur privé !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … et de synthèse - personne d’ailleurs ne conteste la nécessité d’un responsable pour l’hôpital -, il est un service public relevant de l’ensemble de la communauté hospitalière.
Ainsi, j’entends que soit mise en place une gouvernance unie, rassemblée, soudée, autour d’un projet médical, au bénéfice des patients.
Nous devons construire l’hôpital de demain et cela passe par une appropriation du texte soucieuse des responsabilités de chacun. Vous le savez mieux que quiconque, pouvoir et responsabilité vont de pair.
M. René-Pierre Signé. Donc, on a intérêt à rester bien portants !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sur cette question de la gouvernance, j’ai volontairement privilégié à l’origine un texte limité, preuve de ma confiance dans la richesse des débats. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Plus riches que le projet du Gouvernement !
M. François Autain. On aura tout entendu !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce choix a pu susciter des inquiétudes. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Je veux vous rassurer : je ne doute pas un seul instant que nous parviendrons à une décision équilibrée, sans dénaturer la règle d’un fonctionnement qui respecte chacun dans ses prérogatives.
J’ai exprimé mon ouverture à des évolutions du texte sur la gouvernance et la commission des affaires sociales a également amendé le texte. La discussion nous permettra, j’en suis convaincue, de parvenir à un équilibre satisfaisant pour tout le monde.
Il ne faut pas confondre indépendance de la décision médicale et individualisme.
Croyez-vous vraiment que le directeur, homme de santé publique,…
M. Guy Fischer. Ce ne sera plus un homme de santé publique !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … ne se préoccupe pas du soin (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) et que le médecin ne se soucie pas de l’avenir de son établissement, et donc de sa pérennité financière ?
Des directeurs et des présidents de CME, j’en ai rencontré beaucoup.
M. François Autain. Des directeurs de supermarché essentiellement !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai vu combien ils étaient souvent solidaires, unis dans la même volonté que leur hôpital progresse,….
M. René-Pierre Signé. Ce sont des fonctionnaires de passage !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … que leur hôpital réponde au mieux aux besoins et aux attentes des patients.
M. François Autain. C’est n’importe quoi !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je les ai vus, je les ai entendus, et je ne peux pas faire mine de l’oublier.
Parce que l’hôpital est un corps vivant…
M. François Autain. Turbulent, même !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … et que cette réforme devra être mise en œuvre par une communauté, nous devons ensemble nous assurer de l’apaisement et de relations pacifiées, au sein d’une gouvernance unie.
M. François Autain. C’est très mal parti !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai manifesté clairement mes intentions en décidant des gestes forts vis-à-vis de la communauté médicale : rappeler dans le texte l’existence des services hospitaliers, qui structurent l’activité d’enseignement et les spécialités ; nommer les chefs de pôle sur proposition du président de la CME, afin de manifester leur légitimité auprès de l’ensemble de la communauté médicale, tout en s’assurant d’une procédure de déblocage pour préserver les prérogatives du directeur ; faire élaborer le projet médical par le président de la CME, même si cet exercice, qui engage l’ensemble de l’hôpital, doit être fait avec le directeur ; faire approuver le projet médical par le directoire, composé d’une majorité médicale.
Le président de la CME est élu par ses pairs. Il représente l’autorité morale médicale de l’hôpital. Je souhaite que son avis soit obligatoirement recueilli pour toutes les décisions concernant les médecins.
Mais ne serait-il pas extrêmement difficile pour lui de garantir l’indépendance de ses décisions s’il devait nommer seul et directement les confrères qui l’ont élu ?
Et comment rendre, ensuite, le directeur responsable de la gestion de son établissement s’il n’a pas pris, in fine, les décisions correspondantes ?
C’est cette ligne de partage qu’il nous faut préciser, pour construire une gouvernance unie et rénovée, donnant au président de la CME comme au directeur la plénitude de leurs attributions et leur offrant les conditions qui leur permettent de participer ensemble au développement de leur hôpital.
En cas de conflits - ils sont toujours possibles, même s’ils sont heureusement rares (M. le président de la commission des affaires sociales le confirme) -, les avis écrits du président de la CME seront les témoins de ses positions et, à tout moment, le conseil de surveillance pourra les consulter et demander, s’il le souhaite, des explications au directeur.
Le directeur devra assumer toutes ses responsabilités devant le conseil de surveillance, pour que celui-ci exerce son pouvoir de contrôle. À qui demandera-t-il des comptes s’il ne peut identifier quelqu’un pour les assumer ?
Ne recréons pas les situations de blocage dont notre système de santé a trop longtemps pâti.
M. René-Pierre Signé. Et le malade, dans tout cela ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ne privons pas l’hôpital de cette occasion de clarification.
Notre débat sera fructueux, j’en suis certaine, sur ce sujet fondamental pour l’avenir de notre hôpital public.
Réformer l’hôpital, c’est aussi mieux prendre en compte la gradation des besoins et y répondre par une gradation des structures.
Dans une logique de gradation des soins et de complémentarités, les communautés hospitalières de territoire offriront la garantie d’une offre cohérente, bien visible et adaptée aux besoins de santé sur chaque territoire.
À aucun moment je ne l’oublie : les hôpitaux de proximité sont un maillon essentiel de l’offre de soins. Ces coopérations renforcées entre établissements leur redonneront toute leur place.
La commission des affaires sociales a exprimé des inquiétudes fortes à ce sujet ; le débat sera l’occasion de préciser les choses, pour lever définitivement ces inquiétudes et aboutir à une solution qui pourra convenir à tout le monde. Là aussi, j’ai des propositions à vous faire.
Je veux vous redire que mon objectif, en créant les communautés hospitalières de territoire, n’est pas de donner naissance à des « mastodontes régionaux » ; il est de renforcer les complémentarités entre établissements de taille moyenne, pour une activité totale MCO – médecine, chirurgie, obstétrique - de l’ordre de 400 à 600 lits.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !