M. Roland du Luart. C’est exact !
M. Yves Détraigne. Et que dire du débat redondant sur l’inadaptation évidente de certaines limitations de vitesse à la réalité du terrain ? Force est de reconnaître qu’il est parfois fondé et que certaines limitations apparaissent comme de véritables pièges pour les conducteurs.
Nous avons tous des exemples frappants en tête. Pour ma part, étant champenois, j’en citerai simplement deux qui concernent des routes de ma région que j’emprunte fréquemment.
Sur l’autoroute A34, reliant Reims à Charleville-Mézières, le tronçon entre Reims et Rethel, soit un peu plus de 30 kilomètres, est limité à 110 kilomètres par heure parce qu’une section de seulement 4 kilomètres, qui reprend une partie de l’ancienne voie express, la nationale 51, n’a pas encore de bandes d’arrêt d’urgence aménagées et ne remplit donc pas les conditions permettant de rouler à 130 kilomètres par heure. Ce tronçon de l’autoroute A34 ayant été ouvert en 1999, cela fait dix ans que cette situation dure !
De même, sur une partie de l’ancienne nationale 51 qui n’a pas été reprise dans l’autoroute et qui relie Reims et la commune dont je suis le maire, soit seulement trois kilomètres, et qui est une deux fois deux voies avec un rail central, la vitesse est limitée à 110 kilomètres par heure dans un sens – jusque-là, rien à redire ! –, mais à 90 kilomètres par heure seulement dans l’autre ! Personne ne peut m’expliquer pourquoi, mais c’est ainsi !
Il faut bien l’avouer, tout cela donne le sentiment que l’on veut piéger les conducteurs, y compris les plus raisonnables !
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Yves Détraigne. Ce ne sont que quelques exemples, mais quand on fait la somme de toutes les incohérences de notre politique de sécurité routière, est-il vraiment possible de dire que cette politique est une vache sacrée, à laquelle il ne faut pas toucher ?
Est-il légitime pour la représentation parlementaire de se pencher sur quelques anomalies incontestables souvent liées à la manière dont s’applique la loi, comme nous y invite la proposition de loi de Nicolas About ? Ou est-il politiquement incorrect de le faire et interdit d’aborder ce sujet, au motif que l’on risquerait de « casser » la dynamique vertueuse qui s’est enclenchée depuis quelques années en matière de sécurité routière ?
S’il ne faut pas revenir sur les grands principes de notre politique de sécurité routière, je considère en revanche qu’il n’est pas interdit et qu’il est même parfois recommandé de faire preuve de bon sens dans la déclinaison de ces principes. Il faut se rendre compte que rouler à 92 kilomètres par heure sur une route limitée à 90 kilomètres par heure, ce n’est pas tout à fait la même chose que d’y rouler à 109 kilomètres par heure : en tenir compte ne serait pas scandaleux.
Mes chers collègues, n’avez-vous d’ailleurs pas été frappés par le débat qui s’était engagé au plus haut niveau de l’État voilà un peu plus d’un an, à une époque où le prix du pétrole flambait ? On se demandait alors sérieusement s’il ne fallait pas abaisser de 130 à 120 kilomètres par heure la limitation de vitesse sur autoroute.
M. Yves Détraigne. Je constate que M. le secrétaire d’État exprime son désaccord, mais, en tout cas, ce débat s’était engagé sur la place publique et a duré un certain temps.
M. Nicolas About. On pourrait sauver 40 % des tués sur autoroute !
M. Yves Détraigne. L’idée était de baisser la facture de carburant des automobilistes et de faire ainsi des économies, ce qui concerne pratiquement tous les Français.
Si la mesure avait été adoptée, on en serait arrivé à cette situation étrange où un automobiliste qui, un jour, conduit à 129 kilomètres par heure est considéré comme un conducteur vertueux et, le lendemain, traité comme un chauffard dès lors qu’il aurait roulé à 121 kilomètres par heure ! (M. le président de la commission des lois s’exclame.)
M. Nicolas About. Mais oui !
M. Yves Détraigne. Une telle situation résulterait de l’application purement mathématique et automatique de notre réglementation !
Le simple fait que l’on se soit posé cette question démontre, me semble-t-il, qu’il n’est pas interdit, particulièrement au Parlement, de discuter du sujet et qu’on ne peut pas rejeter d’un revers de la main tout ce que propose Nicolas About.
Cela ne veut pas dire pour autant que je sois d’accord avec tout ce qu’il présente. En tout cas, ne faisons pas preuve de dogmatisme, dans un sens ou dans un autre, sur un sujet de cette importance. C’est dans cet esprit que les sénateurs du groupe de l’Union centriste abordent l’examen de ce texte.
Personnellement, je parcours plus de 40 000 kilomètres par an depuis plus de vingt ans. Comme certains d’entre vous peut-être, mes chers collègues, j’ai déjà participé à un stage de récupération de points. Il me restait en effet six points sur mon permis de conduire. Les deux derniers que j’ai perdus, c’était à la suite du changement, du jour au lendemain, d’une limitation de vitesse sur l’autoroute A4, sous le tunnel de Champigny, à l’entrée de Paris.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela m’est arrivé aussi !
M. Yves Détraigne. La veille, conformément à la vitesse autorisée, j’avais traversé ce tunnel à 110 kilomètres par heure. Le lendemain, la vitesse avait été ramenée à 90 kilomètres par heure. Comme mon régulateur de vitesse était déjà réglé, j’ai été piégé et je me suis fait flasher.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yves Détraigne. Je vais accélérer, monsieur le président.
Mme Jacqueline Gourault et M. Gérard Longuet. Surtout pas ! (Sourires.)
M. Yves Détraigne. Vous avez raison, je ne veux pas reperdre mes points. (Nouveaux sourires.)
Au cours du stage que j’ai effectué, nous étions dix-sept, dont une douzaine de commerciaux et d’artisans qui avaient absolument besoin de leur permis pour travailler. Il faut savoir que leurs patrons leur avaient fixé des objectifs de visite tels qu’ils n’avaient pas eu d’autres choix que de flirter avec les limitations de vitesse.
La disposition emblématique qui figure à l’article 1er de la proposition de loi et qui vise, lorsque l’excès de vitesse ne dépasse pas 5 kilomètres par heure par rapport à la limitation fixée, à supprimer la perte d’un point sur le permis tout en conservant la sanction financière est donc une mesure de bon sens. Tous ceux qui ont l’habitude de conduire savent parfaitement qu’on ne peut pas rouler en ayant en permanence les yeux rivés sur le compteur de vitesse de la voiture. D’ailleurs, cela pourrait même être dangereux.
M. Yvon Collin. C’est vrai !
M. Yves Détraigne. On peut donc facilement dépasser de 2 ou 3 kilomètres par heure la vitesse autorisée. D’ailleurs, comme Mme Catherine Troendle le dit dans son rapport, il suffit d’un changement de déclivité de la route pour dépasser la limite. (M. Gérard Longuet opine.) On la dépasse donc par simple inadvertance et sans volonté délibérée de le faire, alors qu’on le sait parfaitement quand on roule à 20 ou 30 kilomètres par heure au-dessus de la vitesse autorisée. Je ne vois d’ailleurs pas comment on pourrait prétendre le contraire.
Voter l’article 1er de la proposition de loi n’est donc en rien une remise en cause de la politique de sécurité routière instaurée dans notre pays. Au contraire, cela montrerait notre volonté de remédier au caractère aveugle de la réglementation actuelle et à une manière de l’appliquer souvent sans discernement, ce qui donne parfois – je ne dis pas souvent – le sentiment que les objectifs « quantitatifs » l’emportent sur le souci d’assurer la sécurité routière.
Ce sentiment a d’ailleurs été accru au début de l’année par la publication dans un magazine automobile – Auto Plus, si je ne m’abuse – d’une note de service d’un commissaire de police d’une ville de province, une préfecture de région que je connais bien,…
M. Nicolas About. En Champagne, donc ! (Sourires.)
M. Yves Détraigne. … demandant à ses motards de relever « a minima » soixante-six défauts de ceinture de sécurité, cent soixante-quinze excès de vitesse, cent trente-trois infractions au stationnement, trente-cinq feux rouges grillés, etc.
Mme Jacqueline Gourault. Un véritable contrat d’objectif !
M. Yves Détraigne. Cela pousse évidemment les forces de l’ordre à agir délibérément sans discernement dans certains cas.
Loin d’être malvenue, la proposition de loi de notre collègue arrive donc en discussion au bon moment. Nous ne porterions pas tort – je dirais même au contraire – à la compréhension et à l’acception de notre politique de sécurité routière par l’ensemble de nos concitoyens…
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Yves Détraigne. … en osant, sur certains points, dire que cela ne va pas et qu’il faut adapter la réglementation ou sa mise en œuvre.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Yves Détraigne. Voilà, monsieur le secrétaire d’État, mes chez collègues, les quelques éléments de réflexion que je voulais vous soumettre avant que nous examinions chacun des articles de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste – M. Roland du Luart applaudit également.)
Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir dépassé de 50 % mon temps de parole.
M. le président. Mon cher collègue, heureusement, il n’existe pas encore de permis à points pour les orateurs. (Sourires.) Les risques en ce domaine sont plus limités, mais j’invite tout de même les intervenants à respecter leur temps de parole.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Nicolas About, dont nous débattons aujourd’hui, vise à aménager les règles de retrait de points du permis de conduire pour les délits considérés comme mineurs.
De fait, nous sommes tous concernés par les contraintes du permis à points, qui provoquent bien souvent l’agacement des automobilistes, particulièrement de ceux que leur profession oblige à prendre la route. « Ni délinquants, ni dangers publics », comme le précise l’exposé des motifs, bien des conducteurs ressentent les verbalisations comme des sanctions injustes. Lequel d’entre nous n’a d’ailleurs jamais pesté contre la présence inopinée d’un radar lors d’un dépassement de quelques kilomètres à l’heure de la vitesse maximale autorisée ?
Toutefois, s’il comprend bien les motivations de cette proposition de loi, le groupe UMP souhaite rappeler fermement son attachement au dispositif du permis à points, qui vise à sauver des vies ! Nous estimons que nous ne pouvons en aucun cas baisser la garde et risquer de compromettre les succès obtenus depuis 2002 grâce à la politique de sécurité routière. La crainte de la sanction est souvent le début d’une attitude responsable.
À l’heure où les comportements sont en pleine mutation et où les automobilistes ont intégré le système des points, une modification du dispositif constituerait un véritable signal de recul et affecterait gravement ses bénéfices pédagogiques et préventifs.
M. Dominique de Legge. Ne remettons pas en cause les progrès accomplis par la sécurité routière depuis 2002 !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. Dominique de Legge. Cette politique a en effet permis de mettre fin à l’impunité de nombreux conducteurs et les a considérablement responsabilisés.
Entre 2002 et 2008, 12 741 vies et 157 000 blessés ont ainsi pu être épargnés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Dominique de Legge. Par ailleurs, les solutions avancées par la proposition de loi ne nous semblent pas de nature à résoudre les problèmes réels soulevés par notre collègue Nicolas About.
Prenons tout d’abord l’article 1er, qui tend à supprimer le retrait de points en cas de dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 kilomètres à l’heure.
Nous comprenons bien les motivations de M. About. Un excès de vitesse de 4 kilomètres à l’heure n’est pas aussi dangereux qu’un dépassement de 19 kilomètres à l’heure, en particulier en ville. Pour autant, nous estimons qu’il n’est pas opportun de légiférer sur des situations qui restent marginales. En effet, les petits excès de vitesse ne sont pas la cause principale des retraits de permis.
Selon les statistiques de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière, les excès de vitesse ne contribuent qu’à un quart des invalidations du permis de conduire.
M. Nicolas About. Mais cela en fait partie !
M. Dominique de Legge. Par ailleurs, « seuls 0,12 % des conducteurs ont leur permis invalidé après avoir commis des infractions sanctionnées par un retrait d’un ou deux points maximum ».
En outre, dans la pratique sur autoroute, la limitation à 130 kilomètres à l’heure, qui fait déjà l’objet d’une tolérance de 5 %, autorise de fait déjà le conducteur à rouler à 137 kilomètres à l’heure. Assouplir encore de 5 kilomètres à l’heure revient à permettre de rouler à 141 kilomètres à l’heure !
M. Nicolas About. Absolument pas ! Il y a 40 % d’erreurs ! Le tribunal de Vesoul !
M. Dominique de Legge. La suppression du retrait de points serait immédiatement interprétée comme un relèvement de 5 kilomètres à l’heure des vitesses maximales autorisées. Or une telle différence n’est pas anodine. (M. Nicolas About s’exclame.)
De plus, une telle mesure créera fatalement une inégalité entre les automobilistes ayant les moyens financiers d’acquitter de nombreuses amendes et les autres. Et, surtout, elle ne manquera pas de se traduire immédiatement par une augmentation du nombre d’accidents. Les chiffres des experts ont été rappelés par Mme le rapporteur.
Par ailleurs, l’expérience montre que l’amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Tout à fait !
M. Dominique de Legge. Précisons enfin que, en 2007, la loi a déjà assoupli les sanctions relatives aux petits excès de vitesse en donnant la possibilité de récupérer un seul point perdu au bout d’un an sans infraction ou retrait de points.
M. Nicolas About. Un point seulement !
M. Dominique de Legge. Quant à la suppression des retraits de points en cas de défaut de port de la ceinture de sécurité, nous y sommes opposés.
M. Roland du Luart. Et la même chose pour tout le monde, y compris pour les policiers !
M. Dominique de Legge. Le port de la ceinture de sécurité est vital, au sens étymologique du terme ! Il sauve des vies de manière indiscutable et diminue la gravité des blessures.
Or la quasi-totalité des conducteurs ont désormais le réflexe de toujours mettre leur ceinture lorsqu’ils conduisent.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Tout à fait !
M. Dominique de Legge. L’absence de ceinture sur la route constitue aujourd’hui la troisième cause de mortalité des conducteurs après l’alcool et une vitesse excessive.
M. Dominique de Legge. Il a également été établi, pour l’année 2007, que 400 vies supplémentaires auraient pu être sauvées si l’obligation du port de la ceinture avait été respectée.
On ne peut à la fois vouloir prévenir les handicaps et assouplir un dispositif destiné à limiter le nombre de blessés sur la route. On ne peut se lamenter sur les déficits sociaux et ne pas tout faire pour limiter les accidents générateurs de coûts. C’est pourquoi nous n’adopterons pas l’article 2 de la proposition de loi.
Enfin, j’en viens à l’article 3, qui a pour objet d’aligner la vitesse maximale autorisée de nuit sur la vitesse par temps de pluie.
Mme le rapporteur nous a expliqué que la surmortalité constatée la nuit n’était pas la conséquence directe de vitesses excessives.
M. Nicolas About. C’est curieux, la sécurité routière dit le contraire !
M. Nicolas About. J’ai le rapport, monsieur le secrétaire d’État ! (M. Nicolas About montre le rapport.) Je peux vous donner lecture du passage concerné !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Le taux d’alcoolémie est premier !
M. Nicolas About. Que faites-vous contre l’abus d’alcool ? Rien !
M. Dominique de Legge. J’ajoute qu’il me semble peu compréhensible de chercher à la fois à desserrer la pression sur la vitesse le jour et à renforcer la limitation de vitesse de nuit, alors que ce n’est pas la période la plus accidentogène.
En conclusion, cette proposition de loi nous semble peu opportune au moment même où les automobilistes commencent à changer durablement de comportements sur la route et alors que les réformes récentes commencent seulement à produire leurs effets. Son adoption constituerait donc un mauvais signal adressé aux automobilistes et serait interprétée comme un relèvement de fait de la vitesse maximale autorisée.
Si nous devons rester fermes sur les principes, mes chers collègues, il convient néanmoins de s’interroger sur la cohérence de certaines limitations de vitesse. En effet, on observe parfois sur une distance de 2 à 3 kilomètres à topographie identique des changements de limitation inexpliqués et incohérents ou des aberrations comme celles qu’a indiquées tout à l’heure M. Détraigne.
M. Roland du Luart. Surtout sur autoroute !
M. Dominique de Legge. Cela est à ajouter au zèle parfois exagéré de certains agents soucieux de faire du chiffre avec des clients de bonne foi.
M. Alain Fouché. C’est bien dit !
M. Dominique de Legge. La proposition de loi de notre collègue ne répond pas à ces deux nécessités : rendre plus cohérente et lisible la signalisation des limitations ; verbaliser avec discernement afin de prévenir plutôt que de punir. Le changement des seuils ne répond pas à cette problématique.
Si nous ne retenions de ce débat que ces deux orientations, alors il aura démontré son utilité. Privilégions donc une application intelligente et éclairée de la loi plutôt que son assouplissement.
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe UMP suivra les conclusions de Mme le rapporteur. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Henri de Raincourt applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la baisse significative du nombre de morts sur les routes françaises est incontestable depuis, d’une part, l’entrée en vigueur du permis à points en 1992 et, d’autre part, la multiplication des radars fixes à partir de 2003.
Plus grande responsabilisation des conducteurs et peur de l’amende sont toujours les deux piliers de notre politique de sécurité routière. D’ailleurs, il nous faut reconnaître que nos concitoyens-conducteurs sont de plus en plus raisonnables et de plus en plus responsables sur les routes.
M. Yvon Collin. Les comportements évoluent et nous devons nous en féliciter.
La politique de prévention routière menée par différentes majorités parlementaires depuis de nombreuses années porte donc indiscutablement ses fruits. Si j’osais, je dirais qu’il nous faut continuer sur cette voie, sans changer de direction ni surtout d’objectif, et peut-être non plus sans ralentir. (Sourires.)
Est-ce à dire qu’il ne faut rien changer, qu’il n’y a pas d’amélioration à apporter ou encore que le « tout-répressif » est la seule option ?
En 2002, le nombre de points retirés était de l’ordre de 3,1 millions. En 2008, il est passé à 9,5 millions. Quand on y regarde de plus près, ce sont notamment les infractions sanctionnées par la perte d’un seul point qui ont été multipliées par cinq depuis 2002.
On peut donc en conclure que les infractions enregistrées sont de moins en moins graves et, par la même occasion, que la grande majorité des automobilistes français ne sont ni des chauffards ni des criminels en puissance…
Dans ces conditions et après ces remarques introductives, comment apprécier les principales dispositions contenues dans la proposition de loi de notre collègue Nicolas About ?
Tout d’abord, l’article 1er prévoyant que « toute contravention résultant d’un dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 kilomètres par heure ne peut pas donner lieu à une réduction du nombre de points du permis de conduire » nous apparaît comme une mesure à la fois raisonnable et raisonnée.
En effet, avec la plupart des membres de mon groupe, nous considérons que le retrait de points pour un excès de vitesse de moins de 5 kilomètres par heure est disproportionné par rapport à l’infraction commise. Sans remettre en cause l’économie générale de notre système de sanction d’infractions et sans tomber dans un quelconque laxisme que personne ne souhaite, monsieur le secrétaire d’État, il nous faut toutefois introduire un peu de souplesse dans un système particulièrement rigide et sans appel.
Il est désormais démontré qu’il peut s’avérer largement plus dangereux pour un automobiliste de surveiller fréquemment son compteur sur une longue distance, avec le stress occasionné par la peur permanente de l’éventuel radar, que de faire un excès de vitesse de 2 ou 3 kilomètres par heure.
En toute logique, et c’est une obligation du code de la route, l’attention du conducteur devrait d’abord être portée à la signalisation extérieure, aux autres usagers, aux obstacles imprévus et, plus généralement, aux multiples attentions que nécessite la conduite plutôt que sur le compteur.
C’est pourquoi la disposition proposée à l’article 1er de la présente proposition de loi témoigne de la volonté d’introduire une dose de souplesse dans un système rigide et mérite alors notre soutien. Elle présente l’avantage de maintenir la sanction financière mais d’éviter la sanction pratique, celle de la perte des points qui peut se transformer en perte d’emploi faute de permis de conduire ou, pire encore, faire passer dans la clandestinité certains conducteurs qui se retrouvent au volant de leur véhicule sans permis de conduire.
Chez certains de nos voisins européens, une telle marge de tolérance, ou plutôt de « semi-tolérance », en matière de petits excès de vitesse est déjà appliquée avec succès. Ainsi, en Allemagne, les dépassements allant jusqu’à 20 kilomètres par heure au-delà de la vitesse autorisée sont considérés comme des « petits dépassements » et aucune sanction n’est encourue pour un excès de moins de 5 kilomètres par heure. Or il est communément admis que l’Allemagne est un modèle en matière de conduite automobile et de sécurité routière en Europe. L’Espagne, quant à elle, a poussé la latitude jusqu’à 10 kilomètres par heure pour un excès qui n’est sanctionné ni par la perte de points ni par une amende. Pour des excès de vitesse compris entre 11 et 30 kilomètres par heure, seule l’amende est appliquée, et c’est seulement à partir de 31 kilomètres par heure que le système des points entre en ligne de compte.
L’article 2 vise à instituer le fait que tout conducteur qui ne porte pas la ceinture de sécurité ne peut être sanctionné que par une amende. Cette disposition revient, là encore, à maintenir la sanction financière en cas de non-port de la ceinture de sécurité mais à supprimer la sanction supplémentaire que constitue le retrait des points du permis.
Il est démontré que la ceinture de sécurité ne constitue pas, à forte vitesse, une garantie de protection suffisante et efficace en cas d’accident. Il nous paraît donc opportun de maintenir les sanctions financières afin de rappeler que le port de la ceinture est obligatoire et peut sauver des vies, essentiellement en cas d’accident à faible vitesse, mais tout en supprimant la perte de points, compte tenu du caractère ambivalent du port de la ceinture de sécurité, qui peut même, dans certains cas très limités et exceptionnels, s’avérer dangereux. C’est pourquoi la majorité des membres de mon groupe soutiendra cette disposition de la proposition de loi.
Enfin, l’article 3 prévoit que « la vitesse de nuit sur l’ensemble du réseau […] ne peut être supérieure à la vitesse limitée par temps de pluie ». Nous y sommes résolument opposés. Nous n’en voyons pas l’utilité ni même la pertinence, bien au contraire. Rappelons simplement que la principale source d’accidents la nuit est la consommation d’alcool et de stupéfiants. (M. Nicolas About opine.) Il ne nous paraît donc pas indispensable d’agir à ce niveau de prévention et de répression.
En conclusion, si les amendements de suppression déposés sur chacun des articles de la proposition de loi sont repoussés et si nous parvenons à un vote sur l’ensemble du texte, le groupe du RDSE s’abstiendra. (MM. Nicolas About et Yves Détraigne applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, appliqué en France depuis le 1er juillet 1992, le dispositif du permis à points est un élément essentiel de la politique de lutte contre l’insécurité routière menée avec détermination par les pouvoirs publics.
Faire passer la sécurité pour tous avant son intérêt personnel, c’est ce qui sous-tend la mise en œuvre du permis à points, qui a été, depuis lors, adopté par de nombreux pays européens. Chaque conducteur devrait avoir cet état d’esprit dès qu’il utilise son véhicule.
Mais ce dispositif a avant tout contribué à des résultats remarquables en termes de vies épargnées et de diminution du nombre des personnes blessées. Depuis trente ans, la courbe du nombre des tués diminue régulièrement de façon linéaire du fait de l’application du permis à points, mais également grâce aux airbags, aux systèmes de freinage, au rajeunissement du parc automobile, aux contrôles techniques et aux aménagements routiers. Deux vies sur trois ont ainsi été sauvées.
Depuis 2002, en soutien d’une action renforcée dans le domaine du contrôle et de la sanction des infractions routières, ce mécanisme a introduit un véritable changement de comportement des conducteurs et, par là même, la réduction du nombre des victimes. Et c’est bien là l’important !
Cependant, si les principes d’organisation du permis à points sont restés inchangés depuis l’origine, les contrôles, eux, du fait notamment de leur automatisation, sont désormais devenus une autre réalité. La sanction du retrait de point a été renforcée, d’une part, par l’extension de la nature des infractions entraînant de plein droit la réduction du nombre de points du permis de conduire et, d’autre part, par l’évolution du barème des retraits de points.
Ce sont ces dernières évolutions qui font que notre assemblée est saisie, à intervalles réguliers, de propositions de loi visant à modifier les contours de son champ d’application, à sortir telle ou telle catégorie d’infraction jugée trop sévèrement punie par le retrait de point pour une catégorie de conducteurs – les professionnels de la route ont ainsi fait l’objet d’une proposition de loi déposée par le groupe UMP le 12 mars dernier et reprise aujourd'hui dans un amendement – ou telle ou telle situation conjoncturelle.
La crise économique justifierait aujourd’hui les mesures contenues dans cette proposition de loi pour s’attaquer au retrait de points en cas de faible dépassement de vitesse ou de défaut de port de la ceinture de sécurité. L’auteur de cette proposition de loi avance même, dans un article de presse, des chiffres chocs : 30 000 emplois auraient été perdus à la suite d’un permis de conduire invalidé.
Je ne nie pas la nécessité de posséder un permis pour obtenir un emploi, l’existence d’abus de verbalisation, l’incompréhension des sanctions pour les petits excès de vitesse. Pas plus tard qu’avant-hier, toutefois, France Info recevait notre collègue dans une émission matinale où il défendait, sans contradicteur, sa position. Il faut s’interroger sur l’opportunité des mesures proposées et sur l’argumentation, parfois provocante, souvent discutable, mise en avant dans ce document.
La proposition qui nous est faite aujourd’hui s’intéresse, comme l’indique son intitulé, à introduire « une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière ». En réduisant les sanctions à une amende, il n’en est rien, au contraire !
La suppression du retrait de points va créer une inégalité entre les conducteurs ayant les moyens financiers d’acquitter de nombreuses amendes et les autres, moins chanceux. En outre, l’expérience démontre qu’en matière de répression des contraventions routières l’amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de point.
Enfin et surtout, la suppression de la réduction de points n’intervient que pour les infractions qui coûtent le plus de vies. Le retrait de trois points pour défaut d’assurance – ce qui ne va pas toucher toutes les catégories sociales – mérite certainement débat au regard de la législation existante. D’emblée, cette sanction paraît non pas trop sévère mais disproportionnée par rapport aux autres mesures qui mettent directement des vies en danger.
Au nom du principe que tout système est perfectible à la marge, c’est l’économie générale des retraits de points qui est attaquée et fragilisée. Or le permis à points s’inscrit dans une démarche avant tout pédagogique. C’est un système qui se présente comme un tout et les attaques dont il fait l’objet pour les catégories non représentatives de la population globale – comme celle qui est visée à l’article 1er, qui ne représente que 0,12 % des conducteurs, soit une centaine de personnes en infraction –…