M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de la proposition de résolution :
Demande que, dans la perspective du renouvellement de la Commission européenne au 1er novembre 2009, soit confiée à un Commissaire européen la charge de garantir la prise en compte dans toutes les politiques communautaires des services publics, de leur niveau de qualité et de leur bon fonctionnement.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Tout en partageant l'objectif de la proposition de résolution de confier explicitement à un commissaire européen la charge de défendre les services publics, j’estime toutefois souhaitable d'assouplir la rédaction proposée pour cet alinéa, en prévoyant que la compétence en question pourrait être rattachée à un poste de commissaire déjà existant et non pas nécessairement confiée à un nouveau commissaire qui n'aurait que cette attribution. Disposant de prérogatives plus larges, celui-ci bénéficierait d’un poids plus important au sein de la Commission.
Au surplus, l’application des règles du traité de Nice risque de conduire à une diminution du nombre de commissaires européens, rendant problématique la création d’un poste de commissaire pour cette seule et unique compétence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Je l’ai dit tout à l’heure, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Selon M. le rapporteur, il n’est pas nécessaire de prévoir un poste spécifique de commissaire européen pour les services publics, la responsabilité de veiller à la prise en compte des services publics dans toutes les politiques communautaires pouvant revenir à un commissaire existant.
À notre sens, une telle proposition n’est pas acceptable. Cela revient à dire que les services publics passeraient définitivement sous la coupe de la direction générale du marché intérieur ou, pire encore, de la direction de la concurrence. Or notre objectif, avec cette proposition de résolution, est justement de faire apparaître la spécificité des services publics.
M. le rapporteur souligne que le respect de leur prise en compte dans les politiques communautaires est une fonction dévolue au secrétariat général du Conseil. Je vous le dis sans animosité, monsieur Hérisson : soyons sérieux ! En effet, le secrétaire général du Conseil paraît de peu de poids aujourd’hui face au volontarisme ultralibéral de M. Mac Creevy ou de Mme Kroes. Car ce sont bien eux qui ont fait, ces dernières années, la pluie et le beau temps en matière d’interprétation du rôle et des missions des services publics. Ils sont progressivement parvenus à instaurer la primauté du droit de la concurrence sur les services publics, lesquels devraient pourtant se voir reconnaître des droits exclusifs. Rappelez-vous, mes chers collègues, ma citation des trois arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes.
Pour notre part, nous pensons qu’en raison de la complexité des missions et des champs d’action des services publics – santé, transports, énergie, poste, services sociaux –, de leur place dans le renforcement d’une Europe sociale ainsi que de leur rôle dans la cohésion économique et sociale, un commissaire à part entière ne serait pas de trop pour que les citoyens européens puissent bénéficier d’une véritable politique volontariste en faveur de la préservation et du développement des services d’intérêt général.
Il nous semble que l’existence de ce commissaire est parfaitement justifiée, puisqu’il serait le garant de la cohésion sociale et économique, affichées au rang des priorités premières de l’Union européenne.
Nous considérons donc que la modification proposée par la commission des affaires économiques constitue une déformation de notre intention, et même une régression par rapport à la situation actuelle.
Aussi, nous demandons le rétablissement de notre proposition initiale. À défaut, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution européenne, je donne la parole à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. La proposition de résolution européenne que j’ai portée au nom du groupe socialiste du Sénat est la première à être débattue dans le cadre de la semaine d’initiative sénatoriale, avec toutes les conséquences procédurales que cela implique.
La réforme constitutionnelle et ses déclinaisons s’avèrent difficiles à évaluer dans leurs effets. À l’évidence, l’articulation entre la portée du droit d’amendement en commission et l’instauration d’une semaine d’initiative sénatoriale n’est pas aisée. Mais la conférence des présidents s’est efforcée, hier, d’apporter une solution pragmatique à cette situation.
Reste que notre assemblée a pu débattre aujourd’hui, par le biais d’une proposition de résolution européenne du groupe socialiste, des services d’intérêt général en Europe et des instruments législatifs permettant de leur apporter la protection juridique qui leur fait actuellement défaut.
Je me réjouis que ce débat sur les services d’intérêt général ait pu avoir lieu. Je me réjouis également qu’il ait eu lieu sur l’initiative des sénateurs socialistes. De fait, cela témoigne de notre engagement à bâtir un modèle social européen, dont les services d’intérêt général constituent l’un des piliers. Pourtant, leur reconnaissance juridique minimale les expose aux règles de la concurrence et du marché intérieur, bien que leur rôle stabilisateur ait été reconnu, y compris par les pays les plus marqués par l’idéologie libérale.
Les travaux de la commission des affaires économiques en ont apporté la preuve, une telle analyse fait consensus au Sénat. Il faut désormais passer à sa mise en œuvre : c’est tout l’objet de notre proposition de résolution, qui demande l’élaboration d’une législation-cadre pour les services d’intérêt général et son inscription dans la stratégie politique de la Commission.
Ce pas supplémentaire, la droite le refuse, défendant de ce fait un statu quo en matière de services d’intérêt général qui n’est plus défendable, notamment en période de crise. Les amendements que vous avez déposés, qui ont été adoptés et qui sont loin d’être anodins ou purement rédactionnels ont modifié en profondeur l’esprit même de notre proposition de résolution.
J’aborde ce vote avec le sentiment d’un rendez-vous manqué. En vous faisant les partisans du statu quo, vous vous rangez aux côtés de la Commission européenne et de son président, qui n’ont cessé de s’opposer à toute élévation du niveau de protection des services publics. Vous soutenez une Commission qui use de son droit d’initiative comme d’une force de blocage à l’édification d’une Europe qui protège.
Les socialistes ont illustré tout au long de ce débat leur volonté, que vous dites partager, de garantir de façon efficace les services publics en Europe. En réalité, vous vous payez de mots, car si vous prétendez nous rejoindre sur la nécessaire protection des services publics, vous refusez de franchir ce pas supplémentaire qui permettrait de donner corps à cette analyse.
Ainsi, sur deux points cruciaux, vous refusez le passage à l’acte.
Premièrement, vous vous opposez à une législation-cadre, pourtant seule à même de constituer un rempart efficace contre la remise en cause dont les services publics sont victimes. Deuxièmement, vous écartez la perspective de la création d’un poste de commissaire chargé des services d’intérêt général. Or, vous le savez fort bien, confier cette politique à un commissaire chargé du marché ou de la concurrence, c’est condamner d’avance les services d’intérêt général à l’effacement.
J’ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, votre appel au pragmatisme et à la prudence. Mais depuis des années, ce « pragmatisme » nous conduit au recul des services d’intérêt général.
Nous avons souhaité défendre, dans ce débat, une position exigeante. C’est au nom de cette exigence que nous voterons contre la proposition de résolution telle qu’amendée par la commission.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la conception des services d’intérêt général au niveau communautaire ne permet pas de définir aujourd’hui une ambition de service public à la hauteur des besoins des citoyens européens.
À ce titre, la directive « services » conduit à amplifier le travail de démantèlement des services publics par un véritable éclatement de la notion de service d’intérêt général. Ceux-ci sont seulement considérés comme des facteurs de compétitivité économique. Ainsi, dans son rapport, voté par le Parlement européen en septembre 2006, M. Bernard Rapkay estime que les services d’intérêt général contribuent avant tout à la compétitivité des États membres.
Le droit souverain des États membres à définir l’intérêt général et à organiser leurs services publics se trouve par conséquent limité par les traités au nom de la libre concurrence et de la liberté d’établissement.
Les techniques de passation de marchés publics sont modifiées, les aides d’État prohibées, la puissance publique ne peut être opératrice d’une mission de service public que si elle est mise en concurrence par d’autres opérateurs, dans les conditions strictes fixées par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
Le choix de substituer à la notion française de service public la notion communautaire de service d’intérêt général a permis aux gouvernements successifs d’exclure progressivement tout principe de maîtrise publique de secteurs clés de l’économie.
Dans ce contexte, les citoyens, usagers des services publics, sont cantonnés à un rôle de client-consommateur, ce qui limite toute expression démocratique de choix concernant des services nécessaires à l’organisation de la société entière.
Les législations des États membres sont, de fait, mises sous tutelle. En matière de services publics, ils devront justifier toute initiative législative ou réglementaire, ainsi que tous les aspects des régimes d’autorisation. C’est ce qu’on appelle le « mandatement ». Certes, on nous dit qu’en cas de conflit entre les règles de la concurrence et les missions d’intérêt général, ce sont ces dernières qui priment. Les textes en vigueur reconnaissent également que les États ont le droit de définir l’intérêt général. Mais c’est la Commission et, en dernier ressort, la Cour de justice des Communautés européennes qui décident des limites d’une telle « dérogation ».
Pourtant, les auteurs de la proposition de résolution, tout comme M. le rapporteur, affirment que le traité de Lisbonne, qui prévoit un protocole additionnel pour les services sociaux d’intérêt général, permettra une reconnaissance des services d’intérêt général. Nous sommes en profond désaccord avec une telle affirmation ! En effet, une récente recommandation de la Commission rappelle que, en tout état de cause, ce sont les règles de la concurrence qui prévaudront pour nos services publics.
Des débats récents sur le sujet ont bien mis en évidence que la protection sociale elle-même est en jeu, puisque nous passons d’une conception assurantielle à une conception assistantielle, comme nous venons de vous le démontrer, mes chers collègues, en présentant notre amendement sur ce texte.
Selon nous, l’Europe doit au contraire nourrir de grandes ambitions en matière de services publics. Car le champ à couvrir est tout simplement celui des droits fondamentaux du XXIe siècle : l’éducation, la santé, le logement et l’habitat, l’information, la culture, les transports, les télécommunications, les services postaux, l’énergie, l’eau, les traitements des déchets, ainsi que des besoins devenus incontournables tels que l’accès au crédit. Ces secteurs doivent donc obéir à des règles d’efficacité sociale, sans être soumis aux pressions de la concurrence ni aux diktats des marchés financiers.
Certes, les expériences varient d’un pays à l’autre en matière de gestion des services publics, de structure de propriété et de mode de financement. Les choix relèvent de la souveraineté de chaque État.
Pour autant, dans l’urgence de la situation de très grande crise économique et sociale que nous connaissons, une directive-cadre contraignante fixant les principes et les champs d’intervention de l’ensemble des services publics est absolument indispensable.
Ce texte devrait au moins garantir une sécurité juridique au secteur social et au secteur public. La majorité de notre assemblée y renonce : c’est un abandon consternant.
Au demeurant, cette directive-cadre ne serait pas suffisante, car les institutions européennes doivent tout d’abord reconnaître et respecter les services publics et les services sociaux d’intérêt général de chaque État membre de l’Union européenne.
Ces services doivent être soustraits à la concurrence et considérablement développés. L’Europe doit favoriser la coopération bilatérale ou multilatérale entre services publics et sociaux nationaux ou locaux, sur tout l’espace européen. Elle doit également contribuer à la création de véritables services publics européens, d’abord dans des domaines où ils s’avèrent nécessaires, je pense notamment au fret ferroviaire et à l’énergie.
La constitution progressive d’un pôle de services publics européens pourrait leur permettre de devenir les agents principaux d’une coopération internationale axée sur l’aide au développement économique et social.
C’est le contraire de ce que permettent les traités actuels et, évidemment, celui de Lisbonne.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de résolution modifiée, qui ne vise en aucune façon à sortir les services d’intérêt général d’une logique ultralibérale dont la crise nous montre chaque jour combien elle a failli.
Chers collègues de la majorité, votre position est logique : elle confirme le soutien total que vous apportez à la politique de recul continu du développement des services publics en France.
Quant à la position de notre groupe, je crois que vous l’aurez aisément comprise, mes chers collègues.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiée, la proposition de résolution européenne.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 141 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté.
En application de l’article 73 bis, alinéa 11, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.
9
Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat.
Je vous rappelle que le débat sera organisé autour des quatre thèmes suivants :
- Évolution du système d’information Schengen ;
- Association des parlements nationaux au contrôle d’Europol ;
- Mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement ;
- Application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
Chacun de ces sujets donnera lieu à un débat.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, dans le cadre de chacun de ces débats, interviendront :
- le représentant de la commission compétente ou de la commission des affaires européennes, pour cinq minutes ;
- le Gouvernement, pour cinq minutes.
Une discussion interactive de vingt minutes s’ouvrira ensuite sous la forme de questions-réponses de deux minutes maximum par intervention.
I. – Évolution du système d’information Schengen
M. le président. Dans le cadre du débat sur l’évolution du système d’information Schengen, la parole est à M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires européennes.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2001, le Conseil de l’Union européenne a confié à la Commission européenne le soin de développer un système d’information Schengen de deuxième génération, le SIS II, doté de nouvelles fonctionnalités comme les photographies et les empreintes. Ce système devait aussi permettre la connexion des nouveaux États membres.
Dans une résolution du 8 février 2006, le Sénat avait demandé au Gouvernement de s’opposer à une gestion du SIS II par la Commission.
Je veux d’abord rappeler que le système d’information Schengen joue un rôle essentiel : opérationnel depuis 1995, cet outil de contrôle constitue la contrepartie de la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen. Il est composé d’une partie nationale dans chaque État membre ainsi que d’une structure de support centrale, installée à Strasbourg et dont la gestion technique est assurée par la France.
Force est de constater que l’évolution vers le SIS II a subi de nombreux retards. Il a été décidé, sous présidence portugaise, d’étendre le système aux nouveaux États membres ayant adhéré en 2004. Baptisé du nom de SISone4all, ce dispositif fonctionne depuis le 1er septembre 2007 et a permis aux nouveaux États membres d’intégrer l’espace Schengen.
La présidence française a fait adopter par le Conseil, en octobre 2008, les textes nécessaires pour proroger le mandat de la Commission européenne tout en clarifiant ses relations avec les États membres.
La situation actuelle, mes chers collègues, demeure préoccupante. La clarification juridique n’est pas allée de pair avec la clarification technique, et des blocages empêchent le système central de fonctionner de manière satisfaisante.
Les efforts se poursuivent pour remettre en état le système central du SIS II. Je souligne qu’il faudra aussi vérifier la fiabilité des liens entre le système central et les systèmes nationaux. Parallèlement, l’examen du scénario alternatif doit être approfondi.
Un rapport doit être présenté en mai par la présidence et la Commission européenne, en liaison avec la « task force » qui associe les États membres. Ce rapport devra contenir une évaluation et une comparaison détaillée des deux scénarii – le perfectionnement du système existant ou la solution alternative.
Devant ces difficultés, et dans la perspective des décisions que le Conseil serait appelé à prendre en juin, nous voulons réaffirmer aujourd’hui l’exigence que le Sénat avait clairement posée dans sa résolution de 2006 : le nouveau système devra être au moins aussi performant que le système existant.
Cela me conduit, pour conclure, à vous poser plusieurs questions, monsieur le secrétaire d’État.
En premier lieu, pouvez-vous éclairer le Sénat sur les travaux techniques en cours et les résultats obtenus ?
En second lieu, pouvez-vous nous donner des précisions sur le coût de ce projet ?
En troisième lieu, quelle évaluation peut-on faire des deux scénarii envisagés : poursuite du SIS II ou scénario alternatif ?
En quatrième lieu, peut-on escompter que le Conseil parvienne en juin à des conclusions fermes permettant de tracer une feuille de route précise et réaliste ?
Enfin, au-delà de ces préoccupations immédiates, quelles modalités de gestion du système d’information pourront être envisagées pour rendre celui-ci plus opérationnel ?
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. C’est une très bonne question, bien formulée !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Je vous prie tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir m’excuser pour la brièveté de ce débat, laquelle s’explique par la réunion exceptionnelle qui se déroulera à 19 heures 45 autour du Premier ministre au sujet de la grippe porcine, un domaine dans lequel la coordination européenne est évidemment essentielle.
Je vous remercie, monsieur del Picchia, d’avoir posé ces questions : elles portent sur des sujets majeurs pour lesquels le contrôle des parlements nationaux me semble absolument décisif.
Nous avons engagé des fonds importants pour rénover le système d’information Schengen et passer à la deuxième phase de ce système, le SIS II. Le coût total, de l’ordre de 27 millions d’euros, se justifie par la nécessité d’inclure davantage de données, notamment biométriques, dans le nouveau système d’information Schengen, afin que la liberté de circulation à l’intérieur de l’espace du même nom soit sécurisée par un contrôle le plus efficace possible.
On se heurte, je ne vous le cache pas, à des difficultés techniques sérieuses. Je ne peux donc pas vous garantir ce soir que nous serons en mesure de mettre en œuvre ce système SIS II dans des délais raisonnables.
Face à ce constat, le Gouvernement a fixé des exigences qui, je crois, rejoignent celles du Sénat.
Première exigence : faire en sorte que, quelle que soit l’issue du système, les 27 millions d’euros qui ont déjà été dépensés pour sa rénovation ne l’aient pas été en vain, que l’on opte pour un système SIS I réformé et plus performant ou pour le système SIS II. Les investissements ne doivent pas être perdus et les rénovations technologiques qui ont été réalisées doivent être conservées dans le nouveau système.
Deuxième exigence absolue, et je regrette que le maire de Strasbourg ait quitté l’hémicycle, mais je sais que le président Hubert Haenel y est également attaché, et que nous défendons tous cette cause : le maintien du système d’information Schengen à Strasbourg. Cela fait partie des différents aspects de la vocation européenne de Strasbourg qu’il nous faut défendre dans tous ses aspects et sous toutes ses formes.
Enfin, troisième exigence : s’il est souhaitable d’accroître la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen, cela doit aller de pair avec le déploiement de systèmes technologiques qui, tout en étant respectueux des libertés publiques, soient aussi extrêmement performants. On l’a vu encore récemment avec l’affaire Élise et le mandat d’arrêt européen : la liberté de circulation ne saurait se concevoir si la sécurité de nos concitoyens n’est pas concomitamment assurée.
M. le président. Nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.
L’intervention de chaque sénateur ne devra pas excéder deux minutes.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je profite de ce débat sur l’évolution du système d’information Schengen pour évoquer l’inquiétude que celle-ci m’inspire en matière de protection des données personnelles.
La commission des affaires européennes du Sénat a été saisie de plusieurs textes ayant de sensibles implications dans ce champ de la protection des données personnelles. Des considérations similaires peuvent être émises en ce qui concerne le basculement vers le SIS II.
Nous le savons, le problème n’est pas uniquement technique. Il ne s’agit pas seulement d’améliorer le système pour qu’il fonctionne avec davantage d’États. Il s’agit aussi de modifier l’économie même du système en y intégrant de nouvelles données, je pense aux données biométriques.
Le rapporteur du Parlement européen sur le SIS II, Carlos Coelho, a parfaitement résumé les attentes qui découlent de cette incorporation des nouvelles données, à savoir un besoin de transparence. Les citoyens européens, notamment les citoyens français, doivent savoir quelle sera l’incidence d’une nouvelle architecture du SIS sur la protection des droits fondamentaux.
De manière générale, les textes se multiplient tellement que l’on a du mal à y voir clair et à apprécier l’état de la protection des données personnelles en Europe. Seules quelques études fragmentaires nous donnent un aperçu de cette question pourtant fondamentale.
Ce sujet mériterait qu’on lui consacre plus que deux minutes. J’aurais préféré une question orale avec débat, qui nous aurait permis de dresser la liste des différents systèmes en présence et de les évaluer, non seulement le système Schengen, mais également le PNR – passenger, name, record – ou la refonte de la directive sur la protection des données.
Je souhaite donc savoir si les services du secrétariat d’État chargé des affaires européennes mènent une réflexion sur l’état de la protection et la conservation des données en Europe lorsque celles-ci incluent des données biométriques.
M. le président. Merci d’avoir respecté le temps de parole qui vous était imparti, madame Boumediene-Thiery.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Madame le sénateur, vous soulevez là une vraie question. À ce stade, aucune réflexion n’a été engagée. Toutes les décisions qui sont prises le sont dans le respect des règles de droit public et de protection de la sécurité de nos concitoyens. Cela étant, je ne suis pas du tout défavorable à ce que le secrétariat d’État aux affaires européennes ou le service européen du Premier ministre engage une telle réflexion sur cette question de la conformité des décisions européennes en matière de liberté de circulation des personnes avec les règles d’un État de droit. Cela ne me paraît soulever aucune difficulté.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Nous en avons terminé avec ce premier thème.
II. – Association des parlements nationaux au contrôle d’Europol
M. le président. Dans le débat sur l’association des parlements nationaux au contrôle d’Europol, la parole est à M. le président de la commission.
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à plusieurs reprises, le Sénat a demandé un contrôle démocratique d’Europol auquel les parlements nationaux seraient associés. Dans ce but, il s’est prononcé pour la création d’une commission mixte composée de parlementaires européens et nationaux.
Le Sénat a récemment réitéré cette demande dans une résolution du 27 février 2007, restée jusqu’à présent sans réponse.
La nécessité du renforcement de la coopération policière en Europe n’est plus à démontrer. Mais ces coopérations doivent être soumises à un contrôle démocratique et les parlements nationaux doivent être associés à ce contrôle. Nous sommes en effet dans un domaine de coopération qui fait intervenir à la fois l’Union européenne et les États membres. Les parlements nationaux ont traditionnellement une mission éminente pour le contrôle des activités de police et l’évaluation des activités judiciaires. Les associer aux procédures de contrôle menées par le Parlement européen répond donc tout à la fois à une exigence démocratique et à un objectif d’efficacité.
L’idée de mettre en place un contrôle parlementaire d’Europol n’est pas nouvelle. Dès 2002, la Commission européenne avait présenté une proposition qui prévoyait la possibilité pour le Parlement européen de créer une commission mixte parlementaire composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux. Cette commission mixte aurait été chargée d’examiner les questions liées à Europol et de procéder à la « comparution » de son directeur. Cependant, curieusement, au cours des négociations au sein du Conseil, cette disposition a été modifiée et les parlements nationaux ont été écartés, pour ne pas dire plus.
Le traité de Lisbonne ouvre la voie à ce contrôle démocratique d’Europol. Il prévoit en effet pour cet organe des règlements qui devront notamment fixer « les modalités de contrôle des activités d’Europol par le Parlement européen, contrôle auquel sont associés les parlements nationaux ».
La France doit prendre des initiatives pour la préparation de ces règlements. Qu’on ne nous objecte pas que le traité de Lisbonne n’a pas été ratifié ; cette procédure est en bonne voie et il faut s’y préparer. J’espère que le Gouvernement aiguillonnera la Commission de manière que celle-ci prépare d’ores et déjà ces règlements. Il s’agit là d’un enjeu essentiel du contrôle démocratique d’Europol, auquel je tiens particulièrement. Dans tous les États de l’Union européenne, les parlements nationaux ont pour principe de contrôler étroitement les activités de police.
Bref, monsieur le secrétaire d'État, nous voulons que la voix de la France se fasse entendre pour porter ce message simple qui a été exprimé par le Sénat : plus de démocratie dans le contrôle d’Europol et, partant, plus de légitimité pour cet organe essentiel au renforcement de la coopération policière en Europe.