Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.

M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, par cette intervention sur l’article, nous souhaitons non pas nous lamenter, mais attirer solennellement l’attention de la Haute Assemblée sur le fait que le présent projet de loi est le premier texte de transposition sectorielle de la tristement célèbre directive « Bolkestein ».

En effet, alors que le titre Ier de ce texte s’intitule « moderniser la réglementation des professions du tourisme », son objet principal est la mise en adéquation de la législation nationale avec le droit communautaire, en l’espèce avec la directive sur les services.

Dans cette perspective, l’article 1er tend à supprimer le principe d’exclusivité applicable aux agences de voyage.

En outre, ce texte a également pour objet de simplifier l’organisation administrative du secteur du tourisme, ce qui revient à appliquer à ce dernier les principes de la révision générale des politiques publiques. Et je ne parle pas des amendements tendant à généraliser le travail du dimanche et sur lesquels la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat…

Nous voyons donc bien que ce texte vise en réalité à entériner des reculs sociaux importants, au rebours de l’objectif affiché de modernisation.

Nous ne pouvons admettre ces procédés, de plus en plus récurrents, consistant à se servir de projets de loi comme de ballons d’essai pour faire passer de manière insidieuse des dispositions de portée majeure et élargir ensuite leur application aux autres secteurs de l’économie.

En particulier, nous estimons que les enjeux majeurs liés à la libéralisation totale de l’ensemble des activités humaines, y compris les services publics et les services sociaux, organisée par la directive sur les services exigent un débat politique national. Cette transposition ne doit donc pas être réalisée au détour de l’examen de projets de loi dont ce n’est pas l’objet principal.

Par conséquent, nous considérons que l’inscription du présent texte à l’ordre du jour de nos travaux n’est pas opportune dans les formes proposées.

À cet instant, je dois également rappeler que, en mai 2005, les Français avaient rejeté tout à la fois le traité constitutionnel et l’inscription du principe de concurrence libre et non faussée en tant que pierre angulaire de toute politique publique, principe qui constitue l’essence même de la directive sur les services, dans la droite ligne de l’accord général sur le commerce et les services.

Cette transposition intervient au moment où le modèle libéral, partout dans le monde, est lourdement mis en échec par la crise économique, financière et sociale que nous traversons.

Pourtant, au lieu d’agir avec le pragmatisme auquel vous nous appelez régulièrement et de vous interroger sur la pertinence de ces politiques de déréglementation et de libre circulation des capitaux, vous faites le choix d’accélérer le rythme et l’ampleur des réformes, tout en déplorant les conséquences négatives de ce système libéral.

Dans les sommets internationaux, par exemple lors du récent G 20, vous affirmez la nécessité de moraliser le capitalisme, d’encadrer et de contrôler les pratiques financières. Cependant, dans le même temps, vous poursuivez la mise en œuvre de vos politiques de déréglementation de tous les secteurs d’activité et de liquidation des services publics.

Je tiens également à rappeler que l’adoption de cette directive sur les services avait engendré de sérieux doutes et une inquiétude immense au sein du mouvement social et parmi les élus, notamment au regard du principe du pays d’origine. Ce principe permettait en effet à des entreprises de choisir librement le lieu d’implantation de leur siège social et d’appliquer la législation nationale correspondante, y compris pour les établissements situés sur le territoire d’un autre État membre.

La réapparition de ce principe, dont l’inscription avait été mise en échec lors de la discussion de la directive sur les services, au travers d’une proposition de règlement européen sur les sociétés privées européennes nous choque profondément. Nous demandons solennellement au Gouvernement d’agir, dans le cadre du Conseil européen, pour la suppression de ce principe dans ladite proposition de règlement.

Il est également particulièrement choquant de voir que la Commission réintègre par voie de règlement des dispositions qui n’ont pu trouver leur place dans une directive. L’adoption de cette proposition de règlement écarterait toute transposition par les parlements nationaux. Bel exemple de démocratie !

Ce principe particulièrement contesté permettra aux entreprises de contourner les législations les plus protectrices, notamment en termes de droits de participation des salariés. Sa mise en œuvre encouragera donc le dumping fiscal, social et environnemental, puisqu’il légitime la recherche de la baisse des coûts par le contournement des législations nationales.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent que, actuellement, l’urgence n’est pas de transposer la directive sur les services, qui alimente un système déjà moribond. Bien au contraire, l’urgence est sociale. L’Union européenne et la France doivent prioritairement garantir les droits sociaux et les services publics, ce qui permettra la sortie de la crise et la mise en œuvre d’une autre construction européenne, fondée sur le progrès social partagé et l’harmonisation par le haut.

Cela passe, comme le demande la Confédération européenne des syndicats, par une directive-cadre sur les droits de participation des travailleurs, ainsi que par l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général, que nous appelons de nos vœux depuis de nombreuses années. Cela devait d’ailleurs être l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne. On a vu le succès qu’a connu cette entreprise…

L’Europe des marchés a fait son temps ; il est maintenant urgent de construire l’Europe des peuples, ce qui ne passe pas par l’application de la directive Bolkestein ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :

Après le mot :

morales

rédiger comme suit la fin du V du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 211-1 du code de tourisme :

qui émettent ou vendent des bons permettant d'acquitter l'une des prestations mentionnées au présent article et à l'article L. 211-2.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 20 rectifié est présenté par M. Soulage, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste.

L'amendement n° 24 rectifié quinquies est présenté par MM. Bécot, César, Hérisson, Houel, Revet, Chatillon, Carle et J. Blanc, Mme Des Esgaulx et MM. Jarlier, Lefèvre et Alduy.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après le mot :

prestations

rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du f) du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 211-3 du code du tourisme :

une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité professionnelle et une garantie financière permettant le remboursement des fonds, effets ou valeurs déposés, dont le montant est modulé par décret en fonction de la nature des activités exercées.

La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié.

Mme Françoise Férat. Cet amendement vise à adapter la rédaction présentée pour l’article L. 211–3 du code du tourisme au cas particulier des centrales de réservation de meublés de tourisme.

En effet, certaines de ces centrales réalisent des prestations à titre accessoire, pour des chiffres d’affaires extrêmement faibles. Or les dispositions de l’article, tel qu’il est rédigé, conduiront au cumul des garanties financières, notamment à l’application d’un minimum de garantie pour les activités accessoires de prestations touristiques.

Les forfaits minimaux de garantie prévus au titre de ces activités accessoires sont inadaptés aux petites structures. C’est pourquoi il est nécessaire d’instaurer, par voie de décret, une modulation en fonction de la nature des activités exercées.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié quinquies.

M. Michel Bécot. Certaines centrales de réservation de meublés de tourisme réalisent par ailleurs des prestations de tourisme à titre accessoire, pour des chiffres d’affaires extrêmement faibles. Elles ne sauraient être traitées, à cet égard, comme de véritables professionnels. En particulier, le minimum de garantie financière prévu pour les activités accessoires de prestations touristiques étant inadaptés à ces petites structures, une modulation définie par décret en fonction de la nature des activités exercées nous apparaît nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteur. Il paraît sage, en effet, de prévoir que les montants de garantie imposés puissent être modulés en fonction de la nature des activités exercées, notamment dans le cas où les opérateurs exercent l’activité d’agent de voyage à titre accessoire.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ces deux amendements visent à moduler, en fonction de la nature des activités exercées, le montant de la garantie financière que doivent apporter les titulaires d’une carte professionnelle d’agent immobilier assurant des prestations de tourisme à titre accessoire. Or c’est ce que prévoit déjà le droit existant. En outre, les dispositions visées à ces deux amendements sont de nature réglementaire. Néanmoins, je comprends le souci de lisibilité rédactionnelle exprimé par leurs auteurs, c’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Monsieur Bécot, l'amendement n° 24 rectifié quinquies est-il maintenu ?

M. Michel Bécot. Les observations du Gouvernement m’amènent à le retirer, madame la présidente. Si tout est déjà prévu, j’en prends acte.

Notre préoccupation était qu’il soit tenu compte du cas des petites structures, monsieur le secrétaire d'État.

Mme la présidente. L'amendement n° 24 rectifié quinquies est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 211-15 du code du tourisme, supprimer les mots :

de plein droit

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 15, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 211-15 du code du tourisme, après les mots :

résultant du contrat,

insérer les mots :

que ce contrat ait été conclu à distance ou non,

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Cet amendement vise à lever une contradiction entre deux dispositions, issues l’une du code du tourisme, l’autre du code de la consommation, des régimes de responsabilité différents s’appliquant selon que les billets ont été achetés à distance ou non. Cette contradiction a été source de nombreux litiges dans plusieurs affaires de faillite de compagnie aérienne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteur. Si l’objet de cet amendement est de soumettre les agences de voyage en ligne, voire toutes les agences, à une responsabilité de plein droit lorsqu’elles vendent des vols ou des billets dits « secs », la commission y est défavorable. En effet, dans ce cas, seule la compagnie est responsable, l’agence de voyage agissant en simple mandant.

Il apparaît cependant que l’adoption de cet amendement, tel qu’il est rédigé, n’aurait aucune conséquence directe sur notre législation.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le régime de la responsabilité de plein droit des opérateurs de voyage s’applique, que la vente soit conclue en ligne ou non. Il ne concerne en tous cas que les opérations entrant dans un forfait touristique.

Votre amendement, qui est de portée rédactionnelle, comme vient de le préciser Mme le rapporteur, ne soulève pas de difficulté particulière. En revanche, il apparaît, à la lecture de l’exposé des motifs, que vous semblez vouloir étendre cette responsabilité de plein droit du vendeur de voyages, physique ou en ligne, à toutes les prestations fournies.

Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Si seul l’exposé des motifs est en cause, je maintiens l’amendement, car la précision apportée me paraît importante pour le consommateur.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Bariza Khiari, rapporteur. L’avis défavorable de la commission porte sur la rédaction de l’amendement, et non sur l’exposé des motifs.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 14 est présenté par M. P. Dominati.

L'amendement n° 19 est présenté par M. Maurey.

L'amendement n° 66 est présenté par MM. Raoult, Chastan, Guillaume et Repentin, Mme Herviaux, MM. Courteau, Navarro, Teston, Raoul, Botrel, Rainaud, Lise, Patient et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

À la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 211-15 du code du tourisme, supprimer les mots :

et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales

La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 14.

M. Philippe Dominati. Cet amendement tend à supprimer la référence à la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales en cas de préjudice subi lors d’un voyage à forfait.

En effet, la fixation d’une telle limite serait une innovation préoccupante pour le consommateur et pourrait lui être préjudiciable, surtout dans le cas d’un incident plus grave qu’une perte de bagages. Je vous renvoie sur ce point, mes chers collègues, à l’exemple qu’a cité l’un de nos collègues au cours de la discussion générale.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 19.

M. Hervé Maurey. Je propose moi aussi de supprimer ce plafonnement de la responsabilité des agences de voyage. C’est une nouveauté. Leur responsabilité éventuelle doit demeurer pleine et entière, y compris en cas de préjudice moral.

Cela ne va pas dans le sens des intérêts des agences – on nous l’a reproché en commission –, mais je préfère, pour ma part, défendre ceux des consommateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 66.

M. Roland Courteau. Contrairement à l’amendement n° 12, qui visait à remplacer, au bénéfice des agents de voyage, le régime de la responsabilité de plein droit par celui de la responsabilité pour faute, notre amendement tend à supprimer la référence à la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales, afin de protéger les droits des consommateurs, notamment leur droit à demander la réparation de l’intégralité du préjudice qu’ils ont subi dans le cadre de l’exécution d’un forfait touristique.

Mes chers collègues, il faut replacer les choses dans leur contexte.

La responsabilité de plein droit, et donc la présomption de responsabilité du vendeur, est engagée quand les obligations découlant du contrat conclu avec le client ne sont pas correctement exécutées. C’est une règle de base en matière contractuelle, et le secteur des services touristiques ne doit pas y déroger.

Il faut aussi souligner que le code du tourisme prévoit des dérogations à la responsabilité de plein droit du prestataire de services touristiques. Ce dernier peut les invoquer lorsque la prestation est exécutée hors forfait ou lorsqu’il apporte la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait imprévisible et insurmontable d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

Nous nous trouvons ici à la jonction de plusieurs droits : le code de la consommation prévoit la responsabilité pleine et entière du vendeur, le code du tourisme reconnaît la responsabilité pour faute et le code civil prévoit, j’insiste sur ce point, le paiement de dommages et intérêts lorsqu’une obligation contractuelle n’est pas remplie ou lorsqu’elle l’est avec retard.

Du fait de cette complexité du droit de la responsabilité, les litiges se sont multipliés, le cœur de la problématique étant la supériorité supposée d’un code sur l’autre.

En vertu du principe selon lequel « le spécial déroge au général », d’aucuns soutiennent que le code du tourisme, notamment ses dispositions spéciales dérogatoires concernant par exemple la vente de vols secs, doit l’emporter sur le code de la consommation.

Il est donc très important que le code du tourisme soit clair. Créer une référence aux conventions internationales qui limiterait les niveaux de dédommagement risquerait de compliquer plus encore le choix du régime de réparation applicable en cas de litige.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteur. Mes chers collègues, nous avons largement débattu de ce sujet en commission.

Sans revenir sur la responsabilité de plein droit des agents de voyage, le texte de la commission a maintenu la disposition du projet de loi initial qui prévoyait de limiter le montant des dédommagements dus dans certains cas en fonction des conventions internationales applicables aux compagnies aériennes, ferroviaires et maritimes.

Ce choix vise à maintenir un juste équilibre entre la protection du consommateur et la santé économique des agences de voyage, dont les frais d’assurances sont extrêmement lourds. Il paraît plutôt néfaste de revenir sur cette option, et la commission souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement sur ce point.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est clairement défavorable aux amendements nos 14, 19 et 66.

Tout en maintenant la responsabilité de plein droit du vendeur de voyages, qui, vous l’avez rappelé, madame le rapporteur, est un élément fort de la protection du consommateur, ce projet de loi a pour objet de transcrire dans le code du tourisme une disposition de la directive du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, conformément au principe, j’attire votre attention sur ce point, de la primauté des conventions internationales sur le droit interne.

La possibilité que les opérateurs de voyages français soient conduits à indemniser au-delà de ce que prévoient les conventions internationales, notamment en matière de transport aérien, apparaîtrait comme une contrainte supplémentaire injustifiée au regard du droit existant dans plusieurs pays européens. Ainsi, les législations allemande et britannique ont d’ores et déjà intégré une disposition identique à celle qui est prévue par la directive.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous avons eu des discussions serrées et approfondies avec le Syndicat national des agents de voyage, le SNAV. Cette profession va devoir affronter des mutations importantes du fait de l’adoption du présent texte, puisque la licence des agents de voyage sera remplacée par un autre dispositif.

En cette période délicate pour les agences de voyage, il ne m’a pas paru opportun d’aller au-delà des obligations prévues par les conventions internationales et par la directive européenne.

Du reste, je tiens à vous rassurer sur la portée, en définitive très limitée, de cette disposition. Les conventions considérées instaurent certes des plafonds de responsabilité, mais sur des aspects limités des voyages et des séjours. Pour les compagnies aériennes, par exemple, cela concerne essentiellement la perte ou la détérioration des bagages des passagers.

J’ajoute enfin que cette limitation ne contredit en aucune manière la jurisprudence très restrictive qui s’est développée en matière d’obligations d’information et de sécurité pesant sur les vendeurs de voyages et qu’elle n’empêche pas le consommateur de se voir reconnaître par la justice, le cas échéant, le droit à réparation du préjudice moral.

La Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 12 mars 2002 dit arrêt Leitner, a interprété l’article 5 de la directive de 1990 sur les voyages, vacances et circuits à forfait comme conférant par principe au consommateur un droit à réparation du préjudice moral résultant de l’inexécution ou de la mauvaise exécution des prestations constituant un voyage à forfait.

Le juge, qui dispose en droit français d’une appréciation souveraine pour évaluer le montant des dommages et intérêts, pourra, en vertu des dispositions relatives à la responsabilité contractuelle et à la responsabilité délictuelle, reconnaître le préjudice moral.

Entre le maintien de la responsabilité de plein droit et la limitation justifiée au dédommagement prévu par les conventions internationales, le texte qui vous est proposé établit donc un juste équilibre entre les prestataires de services et les consommateurs.

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Dominati, l'amendement n° 14 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Non, je le retire, madame la présidente. M. le secrétaire d’État m’a convaincu.

Mme la présidente. L'amendement n° 14 est retiré.

Monsieur Maurey, l'amendement n° 19 est-il maintenu ?

M. Hervé Maurey. Non, je le retire également.

Mme la présidente. L'amendement n° 19 est retiré.

Monsieur Courteau, retirez-vous également l'amendement n° 66 ?

M. Roland Courteau. Non, madame la présidente, je le maintiens.

Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez indiqué qu’une telle limitation de responsabilité avait déjà été introduite dans les législations allemande et britannique. Pour ma part, je vous signale que d’autres pays européens, tels que l’Autriche, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie ou la Roumanie, ne se sont pas engagés dans cette voie.

Par ailleurs, nous n’avons pas la même lecture de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes que vous avez cité : il m’apparaît assez clairement que celui-ci stipule que le consommateur doit pouvoir être dédommagé en cas de perte d’agrément de ses vacances, c’est-à-dire pour préjudice moral, donc au-delà des limitations prévues dans les conventions internationales.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Bariza Khiari, rapporteur. Monsieur Courteau, le texte issu des travaux de la commission me semble vraiment équilibré, entre la protection du consommateur et les intérêts des agences de voyage. Deux raisons justifient, à mon sens, que l’on s’en tienne à ce dispositif.

En premier lieu, la concurrence est aujourd'hui déloyale en Europe dans ce secteur. Les faibles prix proposés par les agences étrangères, notamment sur internet, créent un réel risque d’écroulement de la filière française.

En second lieu, les agences françaises ne peuvent quasiment plus s’assurer en France. Elles cherchent donc des assureurs britanniques pour couvrir leurs risques, ce qui me semble être le signe d’une réglementation excessive.

Cela me conduit à réitérer l’avis défavorable de la commission sur l’amendement n° 66.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Roland Courteau. Je vous remercie de m’avoir répondu, madame le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Nous souscrivons tous au souhait de M. Maurey de défendre les intérêts des consommateurs. Cela étant, si les agences de voyage françaises en viennent à disparaître, nous ne leur aurons pas rendu service. Je propose donc au Sénat de suivre l’avis défavorable du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le présent texte tend à modifier radicalement le cadre de l’activité des agences de voyage. Dans cette perspective, le SNAV m’a demandé, légitimement, de ne pas leur imposer des contraintes plus fortes que ce que prévoient les conventions internationales, d’autant que le juge aura toujours la faculté d’apprécier la réparation d’un préjudice éventuel.

Nous sommes donc parvenus à un équilibre et il convient, me semble-t-il, d’en rester là. C’est pourquoi je réitère la position défavorable du Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :

Compléter le I du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 211-17 du code du tourisme par quatre phrases ainsi rédigées :

Une licence d'opérateur de voyage leur est délivrée à cet effet. Cette licence est exigée de toute personne physique ou morale mentionnée à l'article L. 211-1. Elle est établie au nom de celle-ci et incessible. Elle fait l'objet d'un retrait en cas de radiation du registre prévu au a de l'article L. 141-3.

Cet amendement n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'article 1er.

Mme Odette Terrade. Au terme de la discussion de cet article, nous entendons réaffirmer notre vive opposition à toutes les opérations de dérégulation et de déréglementation qui sous-tendent la réforme du régime de la vente de voyages.

La transposition de la directive européenne sur les services est au cœur de la logique libérale de l’offre qui irrigue l’ensemble de la politique du Gouvernement. « Faciliter l’adaptation de la vente de voyages à l’apparition de nouveaux acteurs » : le vœu que vous formulez, monsieur le secrétaire d'État, sonne comme une incantation alors qu’il s’agit surtout d’offrir moins de garanties aux consommateurs.

Les dispositions ajoutées par la commission des affaires économiques ressemblent plus à des « cache-misère » qu’à de véritables garde-fous. C'est pourquoi nous voterons contre cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)