M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, auteur de la question n° 445, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mme Bernadette Dupont. Monsieur le secrétaire d’État, ma question a également trait aux personnes vulnérables, et cela au premier degré puisqu’elle porte sur le respect des engagements de l’État quant à l’intégration dans la vie scolaire des enfants ayant besoin d’un accompagnement.
Je souhaite ainsi attirer l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur la situation des nombreux AVS, les auxiliaires de vie scolaire, recrutés en contrat d’accompagnement dans l’emploi.
Du fait des rigidités de ce type de contrat, il est en effet impossible de prolonger l’activité des AVS auprès des enfants qu’ils accompagnent, même lorsque ces professionnels ont donné satisfaction et que le terme de leur contrat intervient au cours de l’année scolaire.
Or les équipes pédagogiques constatent que l’accompagnement par une même personne tout au long de l’année favorise, au-delà des rapports affectifs qui se nouent, l’insertion et la participation dans la classe de l’élève. Aussi, tous plaident, dans l’intérêt des enfants, en faveur de la continuité de l’accompagnement.
La loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, dont j’ai été le rapporteur, prévoit la mise en place au 1er janvier 2010 d’un contrat unique d’insertion, en remplacement des différents contrats aidés. Le régime juridique sera plus souple, en particulier s’agissant de la durée, de la prolongation ou du renouvellement.
Les difficultés rencontrées par les établissements scolaires pour recruter des AVS et les inconvénients qui en résultent pour les enfants concernés justifieraient, me semble-t-il, que, par exception, cette disposition s’applique dès la rentrée de 2009 aux AVS embauchés en contrat d’accompagnement dans l’emploi.
Je remercie le ministre de l’éducation nationale de l’intérêt qu’il voudra bien porter à cette question dont le but est tant de permettre à des enfants déjà très éprouvés par la maladie ou le handicap de continuer à apprendre et à évoluer dans un environnement stable que d’apporter aux personnels la reconnaissance de leur travail.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la sénatrice, le Gouvernement partage avec vous l’ambition de la qualité du service rendu aux élèves et aux familles par les auxiliaires de vie scolaire.
C’est pourquoi le recrutement, l’accompagnement et la formation de ces personnels ont fait l’objet d’instructions précises prévoyant notamment la signature de conventions régionales tripartites avec le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et l’Agence nationale pour l’emploi.
Dans toute la mesure du possible, la durée de référence fixée des contrats doit couvrir l’année scolaire.
Le ministère de l’éducation nationale ne verrait pas d’obstacle à utiliser de manière plus précoce, ainsi que vous le suggérez, madame la sénatrice, le contrat unique d’insertion, pour autant que la loi le permette.
Le ministère de l’emploi et le haut-commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse seront saisis pour examiner les différentes solutions envisageables à cette fin.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de cette réponse qui me paraît tout à fait adaptée à la question que j’ai posée.
J’espère donc que les conventions tripartites seront rapidement signées et que les différents ministères concernés pourront s’entendre afin que, dès la rentrée de 2009, les enfants puissent avoir l’assurance d’être accompagnés tout au long de leur année scolaire. Je crois d’ailleurs savoir que M. Hirsch est favorable à cette solution.
M. le président. Il s’agit là, monsieur le secrétaire d’État, de questions qui intéressent bien entendu tous les élus locaux, à Versailles comme à Marseille ! (Sourires.)
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Loi de finances rectificative pour 2009
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 297 et 306).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’actualité et les débats – tout à fait légitimes – sur les rémunérations des chefs d’entreprise ne doivent pas nous faire oublier la réalité du collectif budgétaire que nous vous présentons aujourd’hui, Christine Lagarde et moi-même.
Ce projet de loi est un texte de justice : il soutient les classes moyennes et modestes, il favorise l’emploi, il est crucial pour notre secteur automobile et traduit, très concrètement et très rapidement, les mesures annoncées à l’issue du sommet social convoqué par le Président de la République, le 18 février dernier.
Je voudrais profiter de cette occasion pour faire un bref point d’étape sur les mesures de relance. En effet, nous vous avons proposé de nombreuses mesures et vous avez voté plusieurs projets de loi pour que la France puisse résister au mieux à la crise. On peut donc légitimement se demander si ces mesures sont appliquées et fonctionnent convenablement. C’est bien le moindre avant d’examiner les mesures complémentaires que nous présentons aujourd’hui.
Oui, le plan de relance est en marche ! Patrick Devedjian a déjà transféré 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 1,4 milliard d’euros de crédits de paiement aux ministères concernés. Par ailleurs, il a débloqué 1,8 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1,1 milliard d’euros de crédits de paiements en faveur d’opérateurs comme l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, ou le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA. D’autres versements devraient intervenir très prochainement. Des chantiers sont d’ores et déjà engagés : une cinquantaine de projets dans une quinzaine de régions ont commencé ou commenceront dans les tout prochains jours.
Le dispositif d’anticipation des attributions au titre du Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, a démarré sous les meilleurs auspices : au 20 mars 2009, 1 311 conventions avaient déjà été signées. Ces conventions correspondent à environ 3 milliards d’euros d’investissements prévisionnels.
S’agissant des aides fiscales, les entreprises ont déjà demandé 9,5 milliards d’euros de remboursements, et 5,8 milliards d’euros ont déjà été versés, dont 2,1 milliards d’euros à des petites et moyennes entreprises. Ces aides représentent soit des créances d’impôt sur les sociétés, remboursées pour près de 5,5 milliards d’euros – quatorze fois plus que sur la même période de 2008 –, soit des crédits de TVA à hauteur de 370 millions d’euros ; depuis février, les crédits de TVA sont désormais remboursés chaque mois et non plus chaque trimestre, si les entreprises le souhaitent.
Nous aidons aussi nos fournisseurs en réduisant tous les délais de paiement à moins de trente jours et en versant des avances de 20 %, au lieu de 5 %, à la conclusion du marché : ainsi, les avances versées en février ont doublé par rapport au même mois de 2008. Je vais par ailleurs déléguer 500 millions d’euros de crédits aux ministères pour accélérer, dès maintenant, le versement de ces avances.
Sur mon instruction enfin, les services fiscaux et les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, les URSSAF, accordent des délais de règlement aux entreprises qui éprouvent des difficultés à faire face à leurs obligations de paiement. Les demandes d’échelonnement peuvent même être formulées sans attendre la date de mise en recouvrement, précision que j’ai communiquée très récemment aux URSSAF notamment. En février 2009, les services fiscaux ont accordé plus de 5 500 plans de règlement, représentant plus de 75 millions d’euros. Les URSSAF, quant à elles, ont accordé plus de 12 300 délais de paiement. Dans les deux cas, le volume des facilités accordées par ces services a doublé par rapport à leurs pratiques antérieures. J’ai encore renforcé ces instructions la semaine dernière, à l’issue d’une table ronde avec les représentants des entreprises : ainsi, les pénalités seront systématiquement remises lorsque le plan de règlement sera respecté ; par ailleurs, une seule demande de délais pourra être adressée pour tous les services de recouvrement sociaux.
Comme Yves Jégo l’a rappelé en présentant le plan Corail, j’ai pris des mesures particulières pour octroyer des délais de paiement aux entreprises et aux particuliers de Guadeloupe et de Martinique, notamment en matière de contributions sociales et de droits de douanes.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan très concret de la mise en œuvre, à ce jour, du plan de relance. Vous le voyez, nous n’avons pas perdu de temps pour, avec votre aide, adopter ces mesures ; nous n’en perdons pas non plus pour les appliquer.
Ce dernier point ne doit en effet pas être oublié dans les comparaisons entre les plans de relance des différents pays. Quand des chiffres sont avancés, il faut s’interroger sur le calendrier de mise en œuvre. Dans les plans allemands ou américains par exemple, les baisses d’impôt devraient s’étaler jusqu’en 2010. L’office budgétaire du Congrès américain estime qu’à peine 10 % des investissements annoncés par le président Obama seront réalisés dans l’année. Au Japon, les versements d’aide semblent prendre du retard. Nous nous attachons, quant à nous, à ce que les mesures de relance soient d’effet rapide, concentré en 2009, et temporaire, comme le recommande la Commission européenne.
Notre action doit aussi être replacée dans le contexte de notre système social. En France, ce système est très développé et joue à plein son rôle d’amortisseur. En septembre 2008, les pensions de quinze millions de retraités ont été revalorisées de manière anticipée de 0,8 % ; elles le seront à nouveaux de 1 % dès demain. En novembre 2008, la prime exceptionnelle de fin d’année a été portée de 152 à 220 euros pour 1,5 million de titulaires du revenu minimum d’insertion ou de l’allocation de solidarité spécifique. En janvier 2009, six millions de familles ont bénéficié d’une hausse de 3 % des prestations familiales, versées en février – il s’agit d’une progression sans précédent depuis longtemps ! – et 5,7 millions de locataires ont vu leurs aides au logement progresser de 2,95 %. En avril 2009, 3,8 millions de ménages modestes recevront une prime de solidarité active de 200 euros, dans l’attente de la mise en place du revenu de solidarité active en juillet 2009. En avril également, une hausse de 2,2 % de l’allocation aux adultes handicapés profitera à 820 000 personnes et une hausse similaire est prévue en septembre. Le minimum vieillesse augmentera aussi, cette année, de 6,9 %, pour 400 000 personnes isolées.
Que ce soient des mesures de relance ou de transferts sociaux, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’actions concrètes et rapides, qui soutiennent le revenu et l’investissement, l’emploi et l’activité.
Après ce bref rappel des mesures précédentes, j’aborderai, d’un point de vue plus global, l’équilibre du collectif budgétaire et les prévisions concernant l’évolution des finances publiques.
Je ferai un très bref retour sur 2008, puisque l’INSEE a publié ce matin même sa première estimation du déficit public pour 2008. Cette estimation concorde avec notre dernière prévision à 3,4 points de PIB. La dégradation de la conjoncture a déjà pesé sur les recettes de 2008, mais nous avons pu éviter un dérapage des dépenses : nous avons respecté la norme de progression des dépenses de l’État – c’est-à-dire zéro volume – et nous avons maîtrisé la progression des dépenses d’assurance maladie. En euros constants, la progression de la dépense a été d’à peine 1 % : elle est donc deux fois moins élevée que lors des dix dernières années, où elle s’élevait, en moyenne, à environ 2 %. Ces estimations étant globalement conformes aux prévisions de déficit pour 2008 que nous vous avions communiquées, elles ne remettent pas en cause nos prévisions pour 2009.
J’en reviens plus précisément au collectif budgétaire pour 2009. Nous proposons tout d’abord 2,6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en faveur des classes moyennes et modestes, et en faveur de l’emploi. Ce montant atteint même 2,9 milliards d’euros, si l’on y ajoute les crédits en faveur de l’outre-mer que nous avons ouverts par amendement à l’Assemblée nationale, concernant notamment le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA.
Ces 2,6 milliards d’euros sont la traduction directe des décisions du sommet social : ils aideront directement environ dix millions de ménages modestes, car tel est l’objectif prioritaire de ce collectif budgétaire. S’y ajoutent près de 7 milliards d’euros de prêts pour soutenir notre secteur automobile.
Mais ce collectif intègre aussi une profonde révision des hypothèses macroéconomiques. Par rapport au collectif de janvier, les recettes fiscales sont ainsi revues fortement à la baisse, d’environ 6,3 milliards d’euros, pour mieux respecter la réalité.
La correction principale porte sur la TVA. La consommation en valeur a en effet été révisée de 2,9 % en loi de finances initiale à 0,8 % aujourd’hui, en raison notamment de la forte révision du niveau de l’inflation. D’autres éléments constituant l’assiette de la TVA sont aussi en net repli, comme l’investissement des ménages ou des entreprises.
Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 1,1 milliard d’euros, sous l’effet de la diminution des recettes attendues des participations de l’État, et ce en dépit des recettes nouvelles issues des garanties que l’État fait payer aux banques.
L’évolution du déficit budgétaire par rapport aux prévisions établies en janvier s’explique donc par la baisse des recettes, d’une part, et par les mesures prises lors du sommet social en faveur de nos compatriotes les plus exposés ainsi que du secteur automobile, d’autre part. Par rapport au collectif de janvier, le déficit budgétaire prévu pour 2009 se dégrade de 17 milliards d’euros, pour atteindre 104,1 milliards d’euros.
Compte tenu du ralentissement de la progression de la masse salariale, le déficit de la sécurité sociale atteindrait, quant à lui, 17 milliards à 18 milliards d’euros en 2009. Au total, le déficit public s’établirait donc globalement à 5,6 points de PIB.
Ces chiffres résument par leur niveau la gravité des difficultés économiques que nous affrontons.
Mais ce déficit budgétaire d’un peu plus de 100 milliards d'euros masque en réalité deux déficits : un déficit structurel et, surtout, ce que l’on pourrait appeler « un déficit de crise ».
Ce déficit de crise s’élève à un peu plus de 60 milliards d'euros. Il s’explique, pour une moitié, par les moins-values de recettes dues à la crise - notamment en termes d’impôt – et, pour l’autre moitié, par l’ensemble des mesures prises pour faire face à la crise, c'est-à-dire des dépenses publiques.
Ce déficit de crise est réversible : les dépenses engagées pour le plan de relance ont précisément été conçues pour ne pas être pérennes et s’éteindre à la fin de 2010 au plus tard.
Les prêts seront remboursés ; dans l’intervalle, ils produisent des intérêts. Les participations sont des actifs qui seront réalisés ; dans l’intervalle, elles rapportent des dividendes.
Enfin, on sait que, pendant une année de croissance forte, les recettes fiscales, notamment l’impôt sur les sociétés, peuvent tout à fait faire apparaître des plus-values annuelles d’une dizaine de milliards d’euros par an. C’est ce que nous avons connu dans un passé récent.
Soyons clairs : même s’il doit se résorber à moyen terme, ce déficit de crise n’est ni anodin ni bénin pour autant – nul ne le dit, et certainement pas moi -, car il alourdit la dette. Chaque dépense doit donc être ciblée sur la croissance et l’emploi, et non entraîner de la dépense courante supplémentaire.
Le déficit structurel se monte, quant à lui, à environ 40 milliards d'euros. Il provient de la stratification de dépenses publiques que vous connaissez bien et qui ne sont, malheureusement, que peu remises en cause. Il n’est pas né de la crise et ne disparaîtra pas si nous ne poursuivons pas nos efforts pour maîtriser les dépenses récurrentes.
C’est pourquoi nous poursuivons la RGPP et l’ensemble des réformes structurelles. Philippe Marini, qui suit de près – il y participait encore hier soir – les travaux du comité de suivi de la RGPP peut en témoigner.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons en effet de fréquentes réunions sur ce sujet de la RGPP, qui représente un travail considérable, mené pour moderniser notre administration et limiter la dépense.
C’est pourquoi, avec l’aide des parlementaires, notamment le président et le rapporteur général de votre commission des finances, nous avons réalisé des avancées majeures sur le contrôle des niches fiscales et sociales lors des dernières lois de finances et dans la loi de programmation des finances publiques.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C’est vrai !
M. Éric Woerth, ministre. Les députés ont lancé les « états généraux de la dépense publique » ; si vous le vouliez - je sais que le rapporteur général en sera friand - des « états généraux de la dépense fiscale » pourraient être lancés, et vous pouvez compter sur mon soutien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. C’est aussi pourquoi nous avons inscrit une croissance des dépenses dans la loi de programmation des finances publiques deux fois plus faible que celle que notre pays a connue en moyenne par le passé.
Le Premier ministre a confirmé cette orientation, en adressant le 20 février dernier à l’ensemble des ministres une lettre de cadrage pour la préparation du budget pour 2010. Ce cadrage est fondé sur le respect du budget triennal qui est inscrit dans la loi de programmation. Cela justifie bien qu’en dépit des incertitudes économiques nous ayons tenu à ce que soient menés à leur terme la discussion et le vote de cette loi pluriannuelle, qui est véritablement un point de repère dans cet environnement actuel très incertain.
Réduire le déficit structurel est indispensable pour préserver la soutenabilité de nos finances publiques et donc la qualité de la signature de la France, qui lui permet de s’endetter aujourd'hui encore à des taux bas. La crise ne doit en aucun cas être une excuse ou un prétexte pour relâcher la maîtrise de la dépense courante.
Je voudrais pour terminer revenir plus précisément sur certains aspects du collectif.
J’aborderai tout d’abord la mesure concernant l’impôt sur le revenu, sur laquelle Christine Lagarde reviendra.
Je souhaite avant tout dissiper tout malentendu. Sur les six millions de foyers concernés, deux millions sont imposés dans la première tranche - celle à 5,5 % -, deux millions sont imposés au début de la deuxième tranche - celle à 14 % - et deux millions de foyers, en raison de réductions ou de crédits d’impôt, reçoivent un chèque du Trésor public en fin d’année.
Il n’est évidemment pas envisagé de traiter ces personnes différemment des autres ; ce sont principalement des bénéficiaires de la prime pour l’emploi, la PPE, et nous ne lèverons pas l’impôt les concernant. Il serait d'ailleurs assez aberrant que la PPE finance l’exonération d’impôt. Ces personnes seront donc également concernées par la mesure de l’impôt sur le revenu.
Par ailleurs, le processus est géré intégralement par l’administration fiscale, ce qui simplifie la vie des contribuables. Ils déclareront leurs revenus de 2008 dans le calendrier habituel, en mai ou en juin prochain. L’administration, sur la base des revenus déclarés l’an dernier, suspendra le deuxième acompte ou les mensualités à partir de mai des contribuables qui étaient taxés l’an dernier dans la tranche à 5,5 %.
Enfin, en fin d’année, l’administration calculera l’impôt dû par les personnes qui sont effectivement dans le champ de la mesure sur la base de leurs revenus de 2008.
Dans certains cas, malgré la suppression des acomptes et des mensualités, des contribuables auront payé en début d’année des sommes supérieures à leur impôt calculé en septembre. Dans ce cas, il leur sera reversé le trop-payé. Inversement, certains seront sortis du périmètre de la mesure, car leurs revenus auront augmenté en 2008 par rapport à 2007 : dans ce cas, ils auront au moins bénéficié d’un avantage de trésorerie.
Ce que nous proposons, c’est donc de réduire l’impôt des contribuables les plus modestes.
Certains, au nom de la justice, souhaitent augmenter l’impôt des plus riches. Le débat doit avoir lieu en responsabilité, avec le souci, en cette période de crise, de ne pas dresser les Français les uns contre les autres.
Je tiens à dire qu’augmenter les impôts n’est pas une solution. Lorsque l’on commence à augmenter les impôts des plus aisés, le temps n’est pas très loin où l’on augmentera les impôts des classes moyennes, et finalement l’impôt de tous ! Qui peut également croire qu’une augmentation d’impôt serait provisoire ? En cette période, la justice et l’efficacité me semblent mieux servies par une baisse des prélèvements sur les plus modestes que par une sanction sur les plus riches.
De manière générale, cette crise appelle à plus de justice sociale. Nombre de nos compatriotes sont victimes de la crise, alors qu’ils n’en sont absolument pas responsables. Il est normal de les soutenir plus qu’en période de croissance. La crise, cela doit être plus et non pas moins de cohésion sociale, C’est ce que s’applique à faire le Gouvernement.
Pour cela nous agissons de plusieurs façons et, tout d’abord, par un soutien direct des plus modestes.
J’ai rappelé toutes les augmentations de transferts sociaux qui ont déjà eu lieu ou qui sont prévues cette année. Il faut naturellement y ajouter le revenu de solidarité active, le RSA, et, si vous votez ce collectif, la baisse de l’impôt sur le revenu et les aides aux plus fragiles de nos concitoyens.
Mais plus de justice, cela veut aussi dire lutter contre les excès. Nous l’avons fait récemment en mettant fin à deux aberrations de notre système fiscal. Avant, en France, on pouvait, si on savait s’entourer de bons conseillers, n’acquitter aucun impôt en étant riche, grâce aux niches fiscales. Au contraire, si l’on était moins bien conseillé, on pouvait payer un montant d’impôt supérieur à son revenu.
M. Jean-Louis Carrère. Maintenant, le fisc le rembourse !
M. François Marc. Qui les a créées ?
M. Éric Woerth, ministre. … avec le plafonnement global des niches et le bouclier fiscal. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Personne n’avait réussi à le faire. Nous y sommes, avec votre aide, parvenus. Et le vrai scandale, ce n’est pas d’avoir mis en place le bouclier fiscal, c’est que ceux qui nous donnent des leçons n’aient jamais plafonné les niches fiscales.
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez du mal à vous justifier !
Mme Marie-France Beaufils. Vous en avez tellement rajouté !
M. Éric Woerth, ministre. Les excès, c’est aussi l’évasion fiscale, quand on profite des « trous noirs » de la finance pour ne pas contribuer justement à l’effort commun. Là aussi, les avancées sont sans précédent.
Il ne se passe pas un jour sans qu’un pays accepte – Christine Lagarde et moi-même pouvons en témoigner - de réviser ses positions. Nous signerons rapidement des accords bilatéraux avec tous les pays qui ont accepté de faire évoluer leurs politiques bancaire et financière.
Les progrès dans ce domaine sont spectaculaires. Nous avons, en un an, progressé plus rapidement que sur les dix dernières années. Je souhaitais le dire devant la représentation nationale.
M. Jean-Louis Carrère. C’est la rupture avec l’ère Chirac !
M. Éric Woerth, ministre. Les excès, ce sont bien sûr aussi les rémunérations de certains patrons, qui dépassent l’entendement. Mais l’immense majorité des patrons sont également des victimes de la crise. Le patron de PME qui doit mettre la clé sous la porte est tout aussi perdant et inquiet que ses salariés. Nous avons voulu, en prenant ce matin un décret sur les rémunérations des dirigeants d’entreprise, porter une politique très claire permettant de mettre fin à l’ensemble de ces excès.
M. Jean-Marc Todeschini. Il est bien timoré !
M. Éric Woerth, ministre. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, on ne crée pas de cohésion en dressant nos concitoyens les uns contre les autres.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. On maintient la cohésion sociale en s’assurant que l’État protège les plus exposés et en veillant à ce que nul ne puisse indument s’exonérer des efforts nécessaires pour que l’ensemble du pays traverse au mieux cette crise.
C’est ce que nous faisons en menant une politique cohérente à la fois sur le plan économique et sur le plan social.
En conclusion, permettez-moi de réaffirmer les deux combats dans lequel le Gouvernement est engagé.
Le premier, évidemment, est le combat contre la crise, à travers la mise en place rapide du plan de relance. La seule réponse possible, c’est de tout faire pour sortir de la crise. C’est ce que fait le Gouvernement.
Le second point clé, c’est bien sûr de poursuivre les réformes structurelles, d’investir dans l’avenir et de maîtriser la dépense courante. C’est aussi la seule façon de sortir de la crise plus forts que nous n’y sommes entrés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’usage voudrait que je vous rappelle un certain nombre de chiffres concernant notre économie et la manière dont, sur un certain nombre de points, tels la consommation des ménages, l’inflation, l’immobilier et le secteur bancaire - il faut en effet noter la stabilité de ce dernier -, la France fait un peu mieux que d’autres pays.
Dans un environnement international extraordinairement perturbé par une crise financière d’abord, économique ensuite, avec les conséquences sociales qu’elle emporte, où l’ensemble des économies mondiales sont affectées, notre pays résiste mieux que beaucoup de ses voisins.
Plutôt que de vous rappeler des chiffres que vous connaissez déjà et qui varient en fonction des prévisions – nombreuses et elles-mêmes environnées d’un halo d’incertitude, comme le soulignent l’ensemble des prévisionnistes, qu’il s’agisse des nôtres, de ceux de l’OCDE, du FMI, ou de la commission -, je soulignerai que l’action que vous engagez en examinant ce collectif budgétaire s’inscrit très précisément dans une mission à laquelle l’ensemble des gouvernements se sont attelés.
Cette mission consiste à tenter de juguler la crise internationale, de réorganiser l’ensemble du système financier, de nettoyer les bilans de l’ensemble des banques pour leur permettre de fonctionner à nouveau, de mettre en place des moyens financiers pour l’ensemble des pays en développement et des pays émergents, qui sont les premières victimes de la crise et les plus gravement touchés.
Tous ces sujets seront abordés à partir de demain soir et, plus généralement, pendant la journée de jeudi, lors du sommet du G20.
Ce sont des sujets cruciaux, que devront traiter tous les parlements, dans l’ensemble des pays du monde. Votre action s’inscrit dans ce cadre.
Permettez-moi de vous présenter rapidement la position de la France dans la perspective du G20.
Tout d’abord, notre pays, en accord avec l’ensemble de ses partenaires, s’attache à présenter une plate-forme de propositions qui visent à la relance coordonnée, selon des critères qui ont été énoncés par la Commission européenne et qui respectent la règle des trois T – « timely, targeted, temporary » -, c’est-à-dire des mesures temporaires, adéquates dans leur cible et appropriées dans leur montant.
Par ailleurs, nous voulons obtenir, vaille que vaille et coûte que coûte, une modification en profondeur du système de régulation, de manière que la réglementation et la supervision s’appliquent à l’ensemble des acteurs, des produits et des territoires.
Mon collègue Éric Woerth vous a rappelé tout à l’heure les modifications en profondeur qui ont affecté la scène internationale au cours des dernières semaines en ce qui concerne les centres non coopératifs et les paradis fiscaux, qui ont accepté de communiquer des informations en matière fiscale mais également d’adopter un certain nombre de principes dans le domaine prudentiel.
Dans le domaine de la régulation, nous serons extrêmement fermes en ce qui concerne les mécanismes de compensation des opérateurs de marché au niveau international. Si ces dispositions ne sont pas convenues sur un plan international, nous aurons beau prendre toutes les mesures que nous voudrons au niveau national, cela mettra tout simplement notre pays en situation de compétitivité défavorable pour nos opérateurs et nos institutions. Nous savons que, dans ce domaine, c’est évidemment à l’échelon international que doivent se prendre les décisions.
Dans le domaine de la régulation encore, nous prônerons une modification d’un certain nombre de principes comptables afin de tenir compte de la défaillance du marché qui empêche de déterminer la valeur d’un certain nombre d’actifs actuellement inscrits au bilan des banques.
D’autre part, dans le domaine des règles prudentielles applicables aux établissements bancaires, nous soutiendrons des mécanismes contra-cycliques, qui permettent de tempérer les effets extrêmement négatifs de la crise, et non de les accentuer, comme nous avons pu en avoir la démonstration ces derniers mois. Nous avons mené ces combats au niveau de l’Union européenne dans le cadre de la présidence française ; nous maintiendrons de tels efforts au niveau international.
Ce projet de loi de finances rectificative pour 2009 s’inscrit véritablement dans ce contexte : la France fera valoir à la fois ses exigences de relance coordonnée, selon les trois critères que j’évoquais tout à l’heure, de régulation et de gouvernance internationales.
Il s’agit de permettre au FMI, en liaison avec le Forum de stabilité financière, de financer les pays émergents avec des instruments beaucoup plus flexibles et mieux dotés financièrement. Dans le même temps, celui-ci devra se réformer pour assurer une meilleure représentation de l’ensemble des grands acteurs économiques et financiers mondiaux, quel que soit leur stade de développement. Je pense notamment à des pays comme la Chine, dont la représentation devra être modifiée au cours des mois à venir. Nous soutenons, pour notre part, une accélération du processus de réforme du FMI.
Par ailleurs, nous serons évidemment favorables aux mesures permettant l’amélioration du financement des échanges, afin d’éviter la diminution importante du commerce mondial qui est aujourd'hui annoncée par les instituts de prévision.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouveau projet de loi de finances rectificative pour 2009 s’inscrit dans le cadre d’une politique de relance dans laquelle la France s’est engagée plus tôt que d’autres pays : en effet, le Parlement français a été parmi les premiers parlements à voter des mesures de relance. Ce texte est donc construit, vous le savez, sur l’hypothèse d’une évolution du PIB de moins 1,5 % pour 2009, hypothèse qui nous a paru raisonnable mais qui, comme l’indique l’ensemble des prévisionnistes, est auréolée d’une grande incertitude, dans la mesure où les paramètres qui permettent de l’établir sont régulièrement révisés.
Cette prévision est assortie d’un risque majeur de destructions d’emplois qui pourraient atteindre 350 000 en 2009. Toutefois, ce chiffre pourrait être ramené à 300 000 avec le développement des emplois aidés dans les secteurs marchand et non marchand, auxquels il pourra être recouru dans des conditions plus favorables qu’aux conditions actuelles, qui, je le sais pertinemment, posent des difficultés aux collectivités locales.
En revanche, dans cette hypothèse, nous attendons en 2010 une reprise de l’activité qui conduirait à une hausse du PIB de 1 %. Nous espérons en effet que la coordination des plans de relance permettra d’avoir des effets sur la croissance dès l’année prochaine. Par ailleurs, nous aurons inévitablement un mouvement de restockage, qui sera consécutif au déstockage de l’année 2009, dans une proportion de l’ordre d’un tiers de la prévision
Sur le plan international, l’action du Gouvernement face à la crise pourrait être comparée à celle d’un architecte associé qui participe à la reconstruction du système financier internationale et à la stimulation de la relance.
Parallèlement, l’État français est obligé d’assumer un rôle de pompier. En effet, nous avons engagé plus de 50 milliards d’euros pour assurer le fonctionnement des circuits bancaires – garantir les dépôts et l’épargne – et les maintenir en état de financer la vie économique. Je le répète, ce plan, que nous exécutons régulièrement au fur et à mesure de nos émissions, n’est évidemment pas destiné à faire des cadeaux aux banquiers, mais tout simplement à maintenir le circuit financier en état de fonctionner et lui permettre d’aider nos entreprises.
Nous avons également mis en place un plan de soutien, que vous avez voté, de 22 milliards d’euros pour venir en aide aux PME, qui sont les premières à rencontrer des difficultés de financement. D’Oséo à la Caisse des dépôts et consignations, tous les acteurs publics du financement ont été mobilisés. Quant au travail du médiateur du crédit, relayé par les médiateurs départementaux que sont les directeurs départementaux de la Banque de France, il a permis de trouver des solutions de financement pour plus de 2 600 entreprises, et, partant, a permis le maintien de l’emploi de 63 000 personnes.
Dans le même esprit, comme l’a annoncé le Président de la République, des « commissaires à la réindustrialisation » seront nommés dans chaque bassin d’emploi en difficulté. M. le rapporteur général le sait, c’est déjà le cas dans la région de Compiègne, dont certains secteurs d’activité sont particulièrement touchés, notamment ceux de l’automobile et du caoutchouc. Ces commissaires auront les pleins pouvoirs pour mobiliser l’ensemble des agences et des guichets – ils sont multiples aux niveaux national et européen – et pour agir par des moyens d’intervention financiers destinés à soutenir l’activité ou à pallier les difficultés rencontrées par les entreprises.
Le plan de relance voté le 4 décembre dernier est largement axé sur l’investissement sur tout le territoire. Plus de 1 000 projets ont été identifiés. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance, est allé au-delà et a recensé d’autres projets qui sont prêts et qui pourront être activés soit dans le cadre du redéploiement des moyens non utilisés soit tout simplement parce qu’ils sont éligibles. Comme Éric Woerth l’a indiqué, plus d’une centaine de projets ont déjà été lancés, qui permettront, tout au long de l’année 2009, d’irriguer l’activité économique de l’ensemble des territoires.
C’est au niveau international que la France doit jouer un rôle d’architecte. Si nous n’arrivons pas à résoudre les problèmes du système bancaire et du système financier dans son ensemble, notamment la question de la coordination et de la supervision, nous n’arriverons pas à remettre sur pied nos économies, tant elles dépendent manifestement des circuits financiers et de la manière dont les risques sont pris au sein de ces établissements.
Comme l’a dit le Président de la République à Saint-Quentin, « cette crise et les souffrances qu’elle engendre nous concernent tous ». Nous devons tous nous engager dans un effort d’unité et de mobilisation non seulement au niveau international, mais également au niveau national. D’ici à la reprise, que nous attendons pour 2010, l’État va venir en aide à ceux de nos concitoyens qui sont le plus touchés par la crise. Tel était l’objet du sommet social du 18 février voulu par le Président de la République.
Les principales victimes de la crise qui se développe actuellement et affecte des pans entiers de notre économie, en particulier de notre industrie, sont les classes modestes et moyennes. C’est à cette France-là que le Chef de l’État, en concertation avec les partenaires sociaux, a décidé de consacrer 2,6 milliards d’euros, qui font l’objet de ce collectif budgétaire.
L’État, dans un souci de justice, va renforcer son aide aux plus vulnérables par des mesures ciblées, temporaires et à effets quasi immédiats. J’insiste sur l’importance de ces trois critères définis par l’Union européenne, qui sont indispensables pour garantir à la fois la durabilité et la solidité de nos finances publiques dans le long terme, sur lesquelles Éric Woerth a insisté tout à l’heure. Si les mesures respectent ces trois critères, cela signifie que, lorsque la crise sera passée, le ciblage ne sera plus nécessaire et la réversibilité sera assurée, puisque les effets quasi immédiats, nous l’espérons, se seront fait sentir.
C’est bien à l’aune de ces trois critères qu’il convient donc d’analyser et de mesurer les propositions qui figurent dans ce projet de loi ou dans les amendements.
Quand je parle d’unité et de mobilisation, c’est au plan interne que je pense en même temps qu’au plan international.
Actuellement, l’annonce quotidienne de bonus ou de stock-options exceptionnels, qui arrivent au plus mauvais moment pour les uns et au meilleur pour les autres, vient brouiller la ligne très claire que le Gouvernement s’est fixée depuis deux ans, particulièrement lorsqu’ils sont présentés de manière agrégée pour affoler tout le monde. Le Gouvernement souhaite que la valeur travail soit véritablement instaurée comme la clé de voûte, l’impératif absolu, du fonctionnement de notre économie, afin de la rendre plus compétitive, plus attractive et plus satisfaisante pour ceux qui y participent ; que le mérite soit reconnu ; que l’incompétence soit sanctionnée. Il n’est pas tolérable que ces trois principes, sur lesquels nous devons nous appuyer, soient bafoués, car il y va de l’intérêt des entreprises, mais également de l’intérêt général.
C’est d’ailleurs dans le même esprit que le Gouvernement souhaite établir un partenariat véritable entre le contribuable et l’État en instaurant le « principe du 50-50 », parfaitement incarné par le bouclier fiscal.
Hier, le Premier ministre a ainsi, sur ma proposition, signé un décret qui interdit aux dirigeants des entreprises soutenues par l’État de bénéficier des outils que j’évoquais tout à l’heure, en particulier les stock-options ou les attributions gratuites d’actions. Cette démarche va dans le sens des amendements que certains d’entre vous ont évoqués ou déposés.
Le Premier ministre a expliqué, lors de son point de presse, pourquoi nous avons eu recours au règlement : dans la mesure où un décret est effectif dès sa publication, il permet une action rapide, ce que ne peut nous garantir la meilleure des lois, compte tenu du processus législatif.
Interdire les stock-options, les attributions gratuites et certains dispositifs de rémunération lorsque les établissements envisagent des licenciements d’ampleur, c’est évidemment le sens de l’action que nous entendons mener dans le cadre de la valorisation du travail et du mérite, de la juste reconnaissance de ces valeurs et de la sanction des incompétences.
J’aimerais à présent détailler les mesures que nous prenons pour les classes modestes et moyennes, qui sont consécutives aux annonces du sommet social. Elles concernent ceux qui ont du mal à vivre avec un revenu modeste ou moyen, ceux qui travaillent dans des secteurs particulièrement menacés – je pense à l’automobile –, enfin ceux qui sont les plus fragilisés par la crise, les victimes de baisses d’activité ou du chômage.
L’Assemblée nationale a déjà apporté sa contribution à ce texte, et je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous aider à l’améliorer encore. À cet égard, je salue particulièrement le travail et les propositions du président de la commission des finances, Jean Arthuis, et du rapporteur général, Philippe Marini.
Pour les classes modestes et moyennes, une mesure phare de ce collectif est mise en œuvre, celle qui consiste à diminuer leurs impôts. Nous voulons réduire des deux derniers tiers l’impôt des contribuables de la première tranche à 5,5 %, et étendre cette diminution à ceux qui sont situés dans le bas de l’échelle de la tranche à 14 %. Éric Woerth l’a évoqué tout à l’heure, plus de 6 millions de foyers verront ainsi leur impôt diminuer significativement. Le gain de pouvoir d’achat qui en résultera pour les classes modestes et moyennes représentera 1,1 milliard d’euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, notre objectif n’est pas d’augmenter les impôts – nous n’avons pas été élus pour cela, et le Président de la République ne l’a pas prévu dans son programme – mais, bien au contraire, de les diminuer chaque fois que cela est possible ou justifié, y compris par des mesures ciblées comme celle que je viens d’évoquer.
Vous le voyez, un calendrier précis a été mis en place. D’autres mesures ont été prévues dans le cadre du sommet du 18 février, dont l’aboutissement législatif se trouve dans ce collectif budgétaire. Je songe par exemple à la prime exceptionnelle de 150 euros pour les familles ayant des enfants scolarisés de plus de 6 ans, qui sera délivrée au mois de juin et concernera 3 millions de familles. Je songe aussi aux 230 000 salariés précaires sans droit à l’allocation chômage, à qui sera versée la somme de 500 euros dès le mois d’avril.
L’Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté par MM. Censi, Bouvard et de Courson, qui aligne le régime de réduction d’impôt pour l’investissement locatif dans les résidences avec services sur le régime dit « Scellier ». De l’aveu même des spécialistes, ce dispositif, allié au doublement du prêt à taux zéro, a permis d’engager un léger mouvement d’amélioration dans le secteur immobilier français. Il s’agit donc d’un amendement particulièrement bienvenu dans la mesure où il élargit le champ d’application du dispositif « Scellier ».
Nos mesures de soutien portent également sur les salariés qui travaillent dans des secteurs particulièrement frappés par la crise. Je pense au premier chef au secteur automobile, qui emploie environ 10 % de la population active. C’est pourquoi mon ministère, avec l’aide très active de Luc Chatel, s’est mobilisé pour conclure le pacte automobile, le 9 février dernier, à la suite des états généraux de l’automobile, qui a rassemblé tous les représentants de la filière, y compris les distributeurs et l’ensemble des sous-traitants.
L’État va donc octroyer à l’ensemble de la filière – vous savez qu’elle est touchée dans le monde entier et pas seulement en France – un soutien ciblé sous forme de prêt, à hauteur de 6,5 milliards d’euros sur une durée de cinq ans, et augmenter de 1 milliard d’euros la garantie de prêts aux sous-traitants des entreprises automobiles.
Ce plan a bien entendu été présenté à la Commission européenne, en particulier aux responsables chargés de la concurrence. En l’état actuel, il est parfaitement compatible avec les règles relatives aux aides d’État et au principe de non-discrimination. En effet, il ne profitera pas uniquement aux constructeurs automobiles français. Ainsi, une partie de ce concours financier bénéficiera notamment à Renault Trucks, qui est une société détenue en réalité par Volvo, et nous sommes actuellement en négociation avec Iveco, société appartenant à Fiat. En contrepartie, les constructeurs bénéficiaires s’engagent à accélérer les programmes de véhicules décarbonés.
Dans le même souci d’allier relance économique et développement durable, l’État veut octroyer 150 millions d’euros de prêts bonifiés pour les nouveaux véhicules innovants en matière écologique, ces « véhicules verts » en quelque sorte que nous appelons de nos vœux.
Je précise que le Fonds stratégique d’investissement est également mobilisé pour un certain nombre d’acteurs de la filière, dont certains méritent évidemment toute notre attention non seulement sur le plan économique et technologique, mais également sur le plan social.
De plus, pour les toutes petites entreprises qui peinent à trouver des capitaux, l’Assemblée nationale a proposé, grâce au député Nicolas Forissier, une modification judicieuse du dispositif ISF-PME, qui permet en quelque sorte aux redevables de l’impôt sur la fortune de payer l’entrepreneur plutôt que le percepteur, en autorisant les « holdings ISF » à compter de plus de cinquante associés, à condition que les investissements qu’elles réalisent soient ciblés sur les petites entreprises de moins de dix ans. Ce dispositif, dont le champ d’application est restreint, aura un effet de levier important pour les petites entreprises jeunes et innovantes, auxquelles nous pensons tous.
Il faut enfin répondre aux difficultés du crédit interentreprises, qui est l’un des mécanismes de financement de nos entreprises.
En cette période de risques parfois difficiles à assumer, mais en tout cas mesurés de manière beaucoup plus rigoureuse, un certain nombre de nos entreprises subissent les effets de la réduction du crédit interentreprises. En effet, les assureurs-crédit réduisent, voire retirent leurs couvertures aux entreprises.
Face à cette situation, le Gouvernement a très vite mis en place le complément d’assurance-crédit public, le CAP, afin de prendre le relais des assureurs-crédit qui ne couvrent pas la totalité du risque. Les encours garantis au titre du CAP sont ainsi passés de 18 millions d’euros début février à plus de 100 millions d’euros début mars. Toutefois, nous savons que ce mécanisme n’est pas suffisant, car il a été conçu pour répondre aux cas de réductions de garantie et non aux cas de coupure pure et simple de garantie.
Conformément à ce qu’a annoncé le Premier ministre, le Gouvernement propose donc que l’État garantisse jusqu’à 5 milliards d’euros de crédits interentreprises au bénéfice des entreprises qui perdent la totalité de leur couverture d’assurance-crédit. Nous aurons l’occasion de discuter de la mise en place de ce nouveau dispositif, le CAP+, au cours de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative. Je le répète, il ne s’agit pas d’un complément de l’assurance-crédit, mais d’un substitut à l’assureur-crédit qui retire purement et simplement sa couverture.
L’autre catégorie de Français que nous voulons aider, ce sont les salariés en activité partielle.
Au-delà de ce plan spécifique, certains secteurs tournent au ralenti. Nous espérons que cette situation sera provisoire. En attendant, nous devons soutenir le versement d’indemnités aux salariés concernés. Aussi, nous souhaitons prendre deux mesures.
La première mesure touche au relèvement des plafonds.
Le contingent d’heures de chômage partiel maximum par salarié et par an, aujourd’hui de 600 heures, sera porté à 800 heures et même à 1 000 heures pour certains secteurs comme l’automobile et le textile. De même, la durée maximale de chômage partiel consécutif sera portée de quatre semaines à six semaines. Le projet d’activité de longue durée permettra de conclure des conventions de six mois en contrepartie d’un engagement de la part de l’employeur à maintenir le salarié dans son emploi pendant le double de cette durée selon le principe « donnant-donnant ».
La seconde mesure, directement issue du sommet social, a trait à l’amélioration du pouvoir d’achat.Le taux d’indemnisation du chômage partiel pourra atteindre jusqu’à 90 % du salaire net, l’État augmentant sa participation au remboursement.
Enfin, nous envisageons des mesures pour ceux qui peinent à trouver ou à retrouver un emploi.
Nous sommes bien conscients que les mesures en faveur du chômage partiel ne sont pas suffisantes, en particulier lorsque des entreprises sont contraintes par la crise à mettre fin à une partie de leur activité et à procéder à des licenciements collectifs pour motif économique. Dès lors, le fonds d’investissement social sera mobilisé. L’État a décidé de l’abonder directement à hauteur de 800 millions d’euros pour agir sur trois volets : la formation et le reclassement à destination de ceux qui seront licenciés pour motif économique ; le soutien des bassins d’emploi en difficulté avec le CTP ; l’accompagnement des jeunes à travers des contrats de professionnalisation, des contrats aidés, des écoles de la deuxième chance, qui s’avèrent très efficaces.
S’agissant du reclassement, je rappelle que la convention de reclassement personnalisé, la CRP, a déjà été améliorée par un accord national interprofessionnel du 23 décembre. La durée pendant laquelle le salarié est pris en charge par la CRP est allongée de huit à douze mois et l’indemnisation est augmentée à hauteur de 80 % du salaire antérieur brut pendant les huit premiers mois, puis de 70 % pendant les quatre mois restants.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous vous proposons dans le cadre de ce collectif budgétaire. Je le répète, nous ciblons les ménages modestes et moyens, les salariés qui souffrent d’une diminution d’activité ou d’une perte d’emploi. Notre action s’inscrit dans le cadre des relances concertées à l’échelon international, qui feront l’objet de débats lors de la réunion du G20, réunion qui m’empêchera malheureusement de participer à l’intégralité de cette discussion, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)