Mme Annie David. Non, pas sur toutes !
M. René-Pierre Signé. Ils ne s’y intéressent pas beaucoup à l’UMP, vu le nombre de présents !
M. Luc Chatel, secrétaire d’État. Je me réjouis que la réforme constitutionnelle ait instauré les semaines d’initiative parlementaire, permettant notamment le contrôle de l’activité du Gouvernement et la tenue de ce type de débat.
En préambule, je souhaite rappeler les raisons de l’engagement de l’État et de l’ensemble des partenaires dans le pacte automobile.
La gravité de la crise justifiait l’ampleur de la réaction du Gouvernement, d’autant que le secteur de l’automobile a été le premier à être touché de plein fouet.
Ce secteur a en effet besoin de liquidités abondantes et d’un large accès aux marchés financiers. Or, dès le début du mois de novembre, l’ensemble des constructeurs mondiaux se sont trouvés dans l’impossibilité de financer non seulement leurs investissements, mais aussi leur activité industrielle courante.
Le secteur de l’automobile a ensuite subi l’effondrement de la demande. Souvenez-vous : lors du Mondial de l’automobile, au début du mois d’octobre dernier, les chiffres marquaient encore une croissance de l’activité de l’industrie automobile pour le premier semestre de 2008. La crise financière a provoqué un effondrement de la demande : la répercussion a été immédiate, les industriels prenant les premières décisions d’arrêt de lignes de production dès le mois de décembre. En outre, les constructeurs ont commencé à déstocker, ce qui a entraîné un gel des commandes à leurs fournisseurs de premier et de deuxième rangs.
Une deuxième raison justifiant notre mobilisation tient naturellement au poids de l’industrie automobile dans notre pays.
Le secteur automobile occupe en effet près de 10 % de la population active, depuis la sous-traitance jusqu’à la distribution, en tenant compte de l’ensemble des emplois directs ou indirects. En tant qu’élu d’un département à la fois rural et industriel, je sais l’importance, pour nos territoires, de tout ce tissu de PME de la forge, de la fonderie, de la plasturgie, du décolletage, qui travaille en sous-traitance pour l’industrie automobile.
Par ailleurs, l’automobile représente 1 % du produit intérieur brut français, mais 15 % de l’effort de recherche et développement. Elle constitue donc un facteur d’innovation essentiel pour notre économie. Cela explique aussi notre mobilisation.
Troisième facteur motivant notre engagement, la crise est toujours plus longue dans l’automobile que dans d’autres secteurs.
Ainsi, après les trois précédentes crises économiques mondiales que nous avons connues – les deux chocs pétroliers et la récession de 1993 –, il avait fallu de trois à cinq ans pour que le secteur de l’automobile retrouve le volume de ventes qu’il réalisait antérieurement.
Il était d’autant plus nécessaire d’apporter une réponse forte à la crise actuelle que cette dernière ne saurait masquer, comme l’a fort justement rappelé M. Cornu, les difficultés structurelles de la filière automobile. Au-delà de la crise financière et de la récession mondiale, l’automobile est victime d’une crise de son modèle économique, marquée par une évolution de la demande des consommateurs. Les constructeurs expliquent qu’ils avaient bien perçu un changement des attentes de leurs clients, qui souhaitent désormais des véhicules plus propres, moins tape-à-l’œil.
M. Daniel Raoul. Moins « bling-bling » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Luc Chatel, secrétaire d’État. Le « tout-bagnole » est peut-être derrière nous.
Toujours sur le plan structurel, il faut souligner que, en 2008, notre pays, qui a contribué à l’invention de l’automobile voilà plus de cent ans, a été pour la première fois importateur net de véhicules automobiles. Cela veut bien dire qu’une dérive s’est opérée depuis quelques années. En cinq ans, la production automobile française a baissé de près de 1 million d’unités, passant de 3 millions de véhicules à un peu plus de 2 millions aujourd’hui.
Il fallait enrayer cette tendance. La crise nous impose certes de répondre à l’urgence, mais, sur un plan plus structurel, nous devons également faire en sorte que la filière automobile redevienne un secteur industriel d’avenir pour notre pays, d’où la démarche inédite que nous avons engagée. Je crois, monsieur Sueur, que les mesures prises sont à la hauteur des difficultés.
Au mois de décembre, nous avons mis en place un comité stratégique pour l’avenir de l’automobile. Songez, mesdames, messieurs les sénateurs, que jamais auparavant les acteurs de la filière – constructeurs, équipementiers, sous-traitants de premier, deuxième et troisième rangs, mais aussi représentants des salariés, élus, responsables des pôles de compétitivité, etc. – ne s’étaient trouvés ainsi réunis pour parler de leur avenir et travailler ensemble ! Ils se voient quotidiennement pour discuter des produits, des prix et négocier, mais c’est la première fois qu’ils disposent d’un tel lieu de concertation, d’échange et de débat. Ce comité stratégique permet à toute la filière automobile de prendre le temps d’une réflexion commune sur la construction de son avenir.
Les états généraux de l’automobile du 20 janvier dernier, auxquels vous avez été un certain nombre à participer, mesdames, messieurs les sénateurs, s’inscrivaient dans la même démarche. Ils ont permis de mettre en place le pacte automobile.
Ce pacte est un plan massif, permettant d’agir en même temps sur cinq leviers. Cette dénomination de « pacte » suppose des engagements mutuels et des contreparties aux aides apportées. J’y reviendrai dans un instant.
La priorité était de répondre aux difficultés rencontrées par les constructeurs, qui sont à l’origine de la crise du secteur. S’il n’y a plus de constructeurs, monsieur Sueur, il n’y a plus de filière ! Il nous fallait donc d’abord éviter la faillite des constructeurs automobiles, faire en sorte qu’ils puissent trouver des liquidités. Songez que les deux constructeurs automobiles français ne parviennent pas, aujourd’hui encore, à se financer sur le marché obligataire !
Nous avons décidé de soutenir l’activité des constructeurs en accordant des prêts participatifs à Renault, à PSA et au fabricant de camions Renault Trucks. Il ne s’agit pas de « cadeaux ». Cette mesure était une façon de répondre à l’urgence. Elle aura une incidence sur toute la filière, car la meilleure aide aux équipementiers, qui sont au cœur de notre discussion, c’est un redémarrage des commandes passées par les donneurs d’ordre, c’est-à-dire les constructeurs.
Pour relancer l’activité des constructeurs, il convenait également d’apporter une aide à leurs clients. Je rappelle que, en France, deux véhicules neufs sur trois sont achetés à crédit. Or une crise totale du crédit s’était installée, qui frappait notamment les filiales bancaires des constructeurs. D’une manière quelque peu paradoxale, celles-ci avaient resserré leurs conditions de prêt. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de consacrer 1 milliard d’euros à une relance du crédit à la consommation.
La prime à la casse est également une mesure destinée à encourager la consommation. Trois mois après le début de sa mise en œuvre, que constatons-nous ? Le marché européen de l’automobile, à la fin du mois de février, avait reculé de 22 %, le marché britannique de 28 %, le marché espagnol de 45 %, le marché français de 10 %... Certes, il existe des tensions pour certains modèles, les consommateurs se tournant vers les véhicules économiques, comme les Clio ou les 207, dont les ventes ont progressé de 52 %, tandis que celles de Laguna ou de 407 ont baissé de 22 %. Cette inadéquation ponctuelle ne concerne pas uniquement les constructeurs français. Lorsque le marché aura repris, ce phénomène sera lissé.
Naturellement, monsieur Bourquin, nous réfléchissons à l’après-prime à la casse, l’échéance du dispositif étant fixée au 1er janvier 2010. Nous ne voulons pas que la fin de la prime à la casse ait une répercussion négative immédiate sur l’activité du secteur automobile, et nous nous montrerons très vigilants à cet égard. Le système du bonus-malus, pour sa part, s’appliquera jusqu’en 2012.
Le deuxième axe de notre action est le soutien aux équipementiers.
Monsieur Bel, je ne peux vous laisser dire que le Gouvernement se désintéresserait du sort des équipementiers et des sous-traitants. Cette question est au cœur de notre action.
La mise en place du fonds de modernisation des équipementiers automobiles a donné lieu à une discussion difficile. Mon idée était d’amener les donneurs d’ordre à soutenir leurs sous-traitants, comme cela a été fait dans le secteur de l’aéronautique avec les fonds Aerofund I et II. Nous avons fini par obtenir gain de cause, et des engagements sur ce point ont été inscrits, à titre de contreparties, dans les contrats des prêts accordés aux constructeurs automobiles. Un tour de table a permis de doter le fonds de modernisation des équipementiers automobiles de 600 millions d’euros, 200 millions d’euros étant apportés par chacun des deux constructeurs et 200 millions d’euros par l’État.
Des prises de participation chez des équipementiers ont déjà été annoncées. On peut certes trouver que les choses ne vont pas assez vite, monsieur Sueur, mais nous n’en sommes qu’au début du processus : le pacte automobile a été lancé le 9 février dernier, et l’accord de la Commission européenne pour la mise en place du fonds de modernisation des équipementiers automobiles a été donné le 28 février, il y a moins d’un mois.
Une trentaine de dossiers sont en cours, et leur nombre croît chaque jour. Ce fonds n’a d’ailleurs pas vocation à concerner l’ensemble des PME de France ; il s’agit de prendre des participations dans le capital d’entreprises moyennes qui ont besoin d’un renforcement de leurs fonds propres, souvent moins importants que ceux d’entreprises allemandes comparables, afin de mieux traverser la crise. C’est sur ces entreprises que nous pourrons construire une filière automobile d’avenir, consolidée, moderne et compétitive.
Nous voulons également éviter d’enfreindre la réglementation européenne en la matière : dans le secteur agricole, on rembourse aujourd’hui des aides octroyées par l’État en contradiction avec la réglementation européenne !
La création du fonds de modernisation des équipementiers automobiles n’est que l’une des mesures destinées à soutenir la filière.
Pour répondre à une demande très forte des sous-traitants, nous avons décidé de porter à 90 % la garantie d’Oseo. Plutôt que d’inventer une usine à gaz, nous avons jugé plus efficace de renforcer un dispositif éprouvé, souple, bien connu des chefs d’entreprise, relayé par les régions et adapté aux besoins des petites et moyennes entreprises.
M. Cornu a très bien rappelé que la loi de modernisation de l’économie comporte une mesure très favorable aux équipementiers et aux sous-traitants : la réduction des délais de paiement leur est particulièrement destinée. Cela permet de transférer 1 milliard d’euros des constructeurs aux équipementiers et aux sous-traitants, qui ont bien besoin d’une telle somme en cette période de crise !
J’invite donc les détracteurs de l’action du Gouvernement à additionner l’ensemble de ces mesures substantielles prises en faveur des équipementiers et de la sous-traitance, sachant que je n’ai pas encore évoqué les dispositions fiscales en faveur de la compétitivité !
En outre, dans un climat tendu, nous avons eu des discussions dures, parfois violentes, avec les donneurs d’ordre pour leur imposer un changement de leurs pratiques à l’égard des sous-traitants. Ils doivent cesser d’obliger ceux-ci à délocaliser une partie de leur production dans des pays low cost. De telles clauses figuraient bel et bien dans des contrats d’approvisionnement de constructeurs automobiles français, mais nous avons obtenu leur suppression ! Hier encore, j’ai demandé aux dirigeants de Renault de sensibiliser leur direction des achats sur ce point. M. Cornu peut témoigner qu’un sous-traitant a apporté la preuve, au cours d’un comité stratégique, des pratiques déloyales d’un donneur d’ordre. La situation a été immédiatement corrigée par le constructeur en question.
Le code de bonnes pratiques prévoit dorénavant un partage plus équitable du risque et des investissements entre sous-traitants et constructeurs, les premiers ne devant pas tout supporter pour le compte des seconds. Cela vaut, par exemple, pour la prise en charge du coût des modèles dans le secteur de la plasturgie. Il s’agit là aussi d’une réelle avancée.
Enfin, les sous-traitants ont besoin d’améliorer leur compétitivité, afin que leurs produits se vendent mieux.
Dans cette optique, nous avons mis en place deux mesures pour aider les sous-traitants, petits ou gros, à améliorer la gestion de leur production.
Voilà quelques jours, j’ai lancé, à l’École catholique des arts et métiers de Lyon, le projet d’usine modèle, qui consiste à former chaque année 200 ingénieurs aux techniques de lean manufacturing. Celles-ci pourront ainsi être diffusées dans l’ensemble de la filière.
Par ailleurs, dans le cadre du pacte automobile, j’ai annoncé la mise à disposition des directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, les DRIRE, d’une somme de 15 millions d’euros destinée à aider les PME à améliorer la gestion de leur production, donc leur compétitivité et, finalement, leurs ventes.
Le troisième volet du pacte automobile a pour objet de soutenir l’emploi et le développement des compétences.
Naturellement, notre objectif partagé est de maintenir l’outil de production et de sauvegarder des compétences humaines reconnues pendant cette crise, afin de préserver les capacités de l’industrie automobile française dans l’attente de la reprise.
Dans cette optique, la principale mesure prise concerne le chômage partiel. Eu égard au ralentissement d’activité sans précédent que nous constatons, le quota d’heures a été porté à 1 000 par an pour permettre au secteur automobile de traverser la crise. Surtout, la charge des entreprises est allégée par un relèvement de la part de l’indemnisation des salariés assumée par l’État. Cette indemnisation est portée à hauteur de 95 % du SMIC, soit quasiment l’équivalent du salaire net.
Je souligne, monsieur Sueur, que nous avons assorti ces mesures relatives au chômage partiel de deux contreparties fortes : l’interdiction de licencier les salariés concernés durant une période au moins équivalente au double du temps de chômage partiel qui a été accordé ; l’obligation de proposer une formation d’au moins dix jours aux salariés pendant leur temps de chômage partiel. Cette seconde contrepartie avait d’ailleurs été recommandée par les organisations syndicales.
C’est aussi pour soutenir l’emploi que la charte automobile a été signée l’été dernier entre Christine Lagarde, les représentants des syndicats et les constructeurs automobiles.
L’idée est de mieux anticiper les évolutions des besoins des entreprises dans le domaine automobile. Par exemple, une convergence est intervenue entre les métiers de la production et ceux de la distribution automobile, alors que ces filières étaient auparavant totalement distinctes. L’avènement de l’électronique les a fortement rapprochées. Sous réserve d’une formation et d’une adaptation des compétences préalables, cela permettra d’ouvrir à des salariés qui perdraient leur emploi dans la production 10 000 emplois aujourd’hui disponibles dans le secteur de la distribution.
Nous menons ces actions en concertation avec les organisations syndicales, monsieur Sueur. Au cours des deux derniers mois, j’ai reçu à quatre reprises les représentants des branches spécialisées des organisations syndicales pour échanger avec eux et entendre leurs propositions, dont nous avons repris un certain nombre dans le pacte automobile. Ils participent tous les mois au comité stratégique pour l’avenir de l’automobile, dont la prochaine réunion se tiendra le 1er avril. Vous le voyez, nous associons donc très étroitement à notre action les représentants des syndicats.
Bien sûr, ces mesures en faveur de l’emploi et du développement des compétences prennent un relief tout à fait particulier avec les fermetures d’usines et les restructurations que nous connaissons aujourd’hui. Comme le Président de la République l’a annoncé, le Gouvernement a décidé de renforcer sa politique concernant les restructurations.
Monsieur Danglot, ce n’est pas, à mon sens, en interdisant les licenciements que l’on règlera la situation ! Interdire les licenciements aujourd’hui, c’est interdire les embauches demain ! Je ne crois donc pas que ce soit la solution…
M. Guy Fischer. On n’a pas dit cela !
Mme Annie David. C’est de la caricature !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le vrai remède, monsieur Danglot, c’est que tout salarié victime du ralentissement d’activité économique se voie proposer soit un autre emploi, soit une formation, soit le maintien d’un niveau de revenu qui lui permette de traverser la crise. Dans cette perspective, nous avons retenu une proposition de la CFDT de créer un fonds social qui sera affecté à l’accompagnement des mutations économiques par l’aide à la reconversion des salariés victimes de la crise.
Suivant la même démarche, nous avons décidé de nommer des commissaires à la réindustrialisation dans les bassins de vie les plus durement frappés par la crise. J’aurai ainsi l’occasion, dans les prochains jours, d’installer à ce poste M. Claude Trink dans le département de l’Oise, emblématique des difficultés actuelles.
Un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont appelé mon attention sur quelques cas précis qui font l’actualité.
Madame Goulet, je puis vous indiquer que l’État a aidé l’actionnaire principal de Faurecia. Hier, devant la commission à laquelle vous appartenez, le président de PSA a annoncé qu’il prendrait ses responsabilités en recapitalisant sa filiale Faurecia.
En outre, l’État a joué un rôle important de médiation, notamment sur le site d’Auchel. La production a pu reprendre, ce qui est un point important car les usines de plusieurs constructeurs automobiles se trouvaient bloquées. Naturellement, l’État sera particulièrement attentif à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi et à l’indemnisation des salariés concernés.
Madame Gourault, le cas du groupe Delphi constitue un nouvel exemple d’intervention de l’État, débouchant en l’occurrence sur un remboursement anticipé du crédit d’impôt recherche. Je reviendrai sur cette mesure essentielle.
Monsieur Bel, le dossier de la société Michel Thierry est entre les mains du Comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI. Il est particulièrement difficile, les besoins de trésorerie de cette entreprise étant évalués, pour l’année 2009, à une vingtaine de millions d’euros. Nous mobilisons néanmoins nos équipes pour essayer de parvenir coûte que coûte à une solution.
Le quatrième volet du pacte automobile est consacré à la compétitivité.
Préserver l’avenir de notre industrie automobile suppose d’entretenir, chez les industriels, l’envie d’investir et de fabriquer des voitures en France. Sinon, dans cinq ans, la production sera tombée de 2 millions à 1 million de véhicules !
Une étude minutieuse de la situation a fait apparaître que le prix de revient moyen d’un véhicule est de quelque 11 000 euros en France, contre 10 000 euros dans les pays low cost, soit 1 000 euros d’écart. Ce différentiel de 10 % est certes non négligeable, mais il est possible de l’effacer en grande partie si nous agissons simultanément dans plusieurs directions.
Dans le domaine de la fiscalité, la taxe professionnelle est une spécificité française. C’est elle qui pénalise au premier chef notre industrie, plus particulièrement l’industrie automobile. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Elle représente en effet 250 euros par véhicule fabriqué en France, dont 150 euros à la charge du constructeur, le solde étant acquitté par toute la chaîne des sous-traitants, eux aussi assujettis à cet impôt.
La taxe professionnelle sera supprimée, dès cette année, pour tous les nouveaux investissements. La suppression portera, l’année prochaine, sur un tiers du montant de la taxe, soit 8 milliards d’euros. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une bonne nouvelle pour l’industrie française et la compétitivité de notre secteur automobile !
M. René-Pierre Signé. Vous oubliez de dire que cette taxe est transférée aux contribuables !
Mme Nathalie Goulet. Et aux collectivités !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Accessoirement, monsieur Sueur, vous pourrez constater, vous qui êtes amateur d’additions, qu’au total ce sont 600 millions d’euros que le Gouvernement affecte directement à l’industrie automobile !
Autre mesure en faveur de la compétitivité, nous avons décidé d’anticiper le remboursement du crédit d’impôt recherche. Le taux actuel de remboursement, qui est de 30 %, est le plus fort des pays de l’OCDE. Le secteur automobile est le premier bénéficiaire de ce dispositif.
Toujours en matière de soutien à la compétitivité, les PME de la sous-traitance vont bénéficier de mesures visant à promouvoir le lean management. Il s’agit d’améliorer la gestion de la production, comme les Japonais l’ont fait avant nous, afin d’abaisser les prix de revient et de rendre nos entreprises plus compétitives.
Le dernier volet du pacte automobile a trait à l’innovation.
Monsieur Bourquin, nous croyons aux véhicules propres, nous croyons aux véhicules électriques. Afin d’encourager leur développement, nous mobilisons des moyens importants au travers du fonds démonstrateur de recherche de l’Agence de l’environnement de la recherche et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, et des prêts bonifiés instaurés dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Le pacte automobile prévoit de coordonner des actions et des initiatives aujourd’hui dispersées. Nous allons les fédérer par le biais d’un consortium, afin de favoriser la mise au point d’une solution française en matière de véhicules électriques. Il serait inconcevable que notre pays, qui compte deux des huit premiers constructeurs automobiles mondiaux et de grands énergéticiens, ne dispose pas d’une telle filière dans les années à venir !
Dans le même esprit, nous nous penchons sur la question des infrastructures. Avec Chantal Jouanno, nous avons installé un groupe de travail ad hoc. Comment équiper l’ensemble du territoire en bornes de rechargement ? En effet, il est très bien de mettre au point des véhicules électriques, mais cela ne servira pas à grand-chose si l’on ne peut les recharger facilement.
Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de dire hier aux salariés d’Heuliez que l’État ne laisserait pas tomber ce groupe. Il n’est cependant pas question de le nationaliser, aussi devons-nous trouver un partenaire économique et industriel. J’ai entendu le conseil régional exprimer sa volonté politique d’intervenir ; j’attends qu’il traduise en actes les engagements annoncés, pour un montant de 5 millions d’euros. Pour l’instant, seuls 3 millions d’euros ont été votés par la commission permanente du conseil régional. Cela dit, il faut surtout mettre en place un tour de table réunissant des partenaires industriels. Mon équipe et moi-même agirons en ce sens au cours des prochains jours.
Enfin, de nombreux orateurs m’ont interrogé sur les contreparties aux aides de l’État. À cet égard, j’ai parlé de pacte « donnant-donnant ».
En premier lieu, nous avons exigé la non-fermeture de sites industriels en France. En effet, comment imaginer que les usines continuent de fermer alors que le contribuable est sollicité et que l’ensemble des acteurs se mobilisent en faveur de la filière automobile ?
Cela ne signifie pas, pour autant, que nous tombions dans le protectionnisme. J’indique d’ailleurs à Mme Escoffier que nous n’avons pas voulu prendre de mesures tendant à imposer aux constructeurs de ne travailler qu’avec des sous-traitants français. Cela aurait été, à mon sens, une erreur très grave, car notre pays compte sur son territoire de très nombreuses entreprises industrielles à capitaux étrangers qui fournissent des emplois et contribuent à notre dynamisme économique, toutes choses dont nous avons besoin.
Le comité stratégique pour l’avenir de l’automobile comprend d’ailleurs des représentants des groupes Bosch, Iveco et Renault Trucks, dont l’actionnaire principal est aujourd’hui Volvo. La France a besoin de capitaux étrangers. Par conséquent, prendre des mesures protectionnistes nous exposerait à un désastreux retour de bâton. De surcroît, de telles mesures seraient en contradiction avec les règles européennes.
En deuxième lieu, nous avons exigé que des engagements soient pris en matière de gouvernance, excluant le versement de bonus, les éventuels bénéfices devant être affectés en priorité à l’investissement et au renforcement des fonds propres.
En troisième lieu, nous avons fait expressément figurer dans les conventions signées le 9 février dernier, à l’Élysée, en présence du Président de la République, un engagement des constructeurs automobiles en faveur de la filière. Nous les avons sollicités pour boucler le fonds de modernisation des équipementiers automobiles.
Le contrôle du respect de ces engagements sera assuré, monsieur Bourquin, par le comité stratégique pour l’avenir de l’automobile. Le Parlement y est associé, puisque les présidents des groupes d’études sur l’automobile de l’Assemblée nationale et du Sénat participent aux travaux de ce comité, ce qui me paraît important.
En outre, nous avons des échanges permanents avec la Commission européenne depuis le mois de juin 2008. Le Président de la République a demandé la mise en œuvre d’un plan européen en faveur de l’automobile. À défaut d’un tel plan, la France a été le premier État membre de l’Union européenne à prendre des initiatives. L’ensemble des pays dotés d’une industrie automobile forte ont d’ailleurs suivi son exemple et institué des plans comparables.
Pour conclure, je ne crois pas, monsieur Sueur, que ce plan ne soit pas adapté aux besoins des équipementiers et à la gravité de la situation. Je ne pense pas non plus, monsieur Bel, qu’il manque de vision. Sa mise au point a fait l’objet d’une large concertation, en amont, avec l’ensemble des acteurs de la filière, lors des états généraux de l’automobile.
Cette démarche est bien accueillie. Sur le terrain, je présente le pacte automobile dans les grandes régions de production. Je me suis ainsi rendu, notamment, à Douai, en région Rhône-Alpes et en Lorraine.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, le président du conseil régional, qui n’est pas précisément un membre de la majorité gouvernementale, a pris publiquement la parole pour exprimer son soutien au pacte automobile, estimant que ces mesures allaient dans le bon sens pour répondre à la crise que traverse actuellement le secteur de l’automobile. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Raoul. Quel scoop !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Ce plan a d’ailleurs été repris, j’y insiste, par les principaux pays producteurs d’automobiles en Europe.
Comme l’a très bien dit M. Cornu, nous devons aussi délivrer un message d’avenir. Je crois en l’avenir de l’automobile en France, pour peu que ce secteur tienne compte de l’évolution des attentes des consommateurs. L’émergence d’un certain nombre de pays représentant d’importants réservoirs de croissance suscitera des besoins considérables à l’échelle mondiale. Il convient de reconnaître la mutation des technologies et du modèle de l’automobile, et de s’y préparer. Notre industrie automobile est bien armée pour cela, elle avait simplement besoin d’être soutenue au travers d’un plan massif. Tel est précisément l’objet du pacte automobile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)