M. Jean-Marc Todeschini. Mais si !
M. Pierre Mauroy. Il faut dire que, même au sein du comité auquel j’ai appartenu, nous ne l’avons découverte que progressivement, et souvent grâce aux membres du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale…
En tout cas, ce n’est pas envisageable !
André Vallini et moi-même proposons un système beaucoup plus simple, et beaucoup plus moderne, pour élire les conseillers généraux : il consiste à appliquer au département ce qui s’applique à la région.
Nous disposons en effet d’une loi municipale parfaite : adoptée sous mon gouvernement, elle a été rapidement acceptée et elle donne satisfaction aux uns et aux autres ; appliquée à l’échelon régional, elle n’est remise en cause par personne.
Je me demande donc pourquoi l’intelligence pratique toute simple n’a pas déjà conduit à la transposer aux départements. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
M. Jean-Marc Todeschini. Bien sûr !
M. Pierre Mauroy. Cette loi prévoit à la fois un scrutin proportionnel, mais aussi, par ses modalités, une certaine forme de scrutin uninominal, ce qui a fait la force de la réforme de la loi électorale à l’échelon des municipalités.
Je propose par conséquent un scrutin de liste proportionnel départemental avec prime majoritaire.
Ce mode de scrutin permet au parti principal de nouer des alliances.
Il permet aussi de respecter le principe de parité, ce qui n’est pas simple avec le scrutin uninominal, et je ne comprends pas qu’après avoir tant défendu cette parité à laquelle chacun de vous est attaché, chers collègues, l’on puisse s’embarquer dans de pareilles initiatives !
Le scrutin de liste proportionnel résout donc les principaux problèmes.
Pour ne pas nuire à la mission de proximité du conseil général, une loi électorale toute simple – et pas politique – pourrait déterminer un certain nombre de circonscriptions uniquement électorales pour les départements les plus importants. En effet, il y a des disparités entre départements et la loi électorale pourrait prévoir des dispositions particulières pour certaines circonscriptions, comme elle l’avait fait pour certains arrondissements lorsque la proportionnelle a été appliquée au niveau national, ou pour prendre en compte les situations particulières, comme celle des régions de montagne.
Satisfaction pourrait ainsi être donnée à tout le monde, de façon très simple. Trop simple, sans doute. Non, il fallait un big bang, et nous allons donc vers le big bang… À écouter les uns et les autres, je perçois tout de même des réticences, et il faut que cette affaire soit venue de bien haut pour avoir pu progresser un peu – un peu, mais pas plus ! Nous verrons bien quelle sera la suite des événements…
C’est en tout cas un point de désaccord fondamental et il n’est pas possible que l’on nous impose ainsi, sans crier gare, une réforme dont personne n’a jamais parlé auparavant, dont on ne trouve nulle part la trace… Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Posez-vous la question, mes chers collègues, car la poser c’est peut-être déjà trouver la réponse ! Mais nous avons quelques mois devant nous pour revenir sur le sujet.
Nous avons, André Vallini et moi-même, un autre point de désaccord avec le comité. Je veux parler de la question des finances locales.
Si nous avons approuvé les mesures portant sur ce sujet – notamment la proposition prévoyant de réviser les bases foncières des impôts directs et leur révision tous les six ans –, nous avons tenu à faire savoir qu’elles nous paraissaient tout à fait insuffisantes, car en aucun cas elles n’abordaient au fond la question essentielle de la réforme des finances locales.
Il s’agit tout de même d’un problème important ! Je ne l’aborderai pas, si ce n’est pour rappeler que deux gouvernements déjà ont essayé de réviser les bases foncières : ils ont fait un travail considérable, qui a coûté beaucoup d’argent, et, au moment d’appliquer la réforme, l’un comme l’autre ont calé ! Or on ne pourra parler ni d’égalité, ni de péréquation s’il n’y a pas au moins une révision, sous une forme ou sous une autre, des bases foncières.
La suppression de la taxe professionnelle, annoncée tout de go et dans des conditions très particulières le 1er de l’an – cela n’avait rien d’un cadeau de Noël ! – a été confirmée depuis par le Président de la République et par le Premier ministre sans que l’un ou l’autre dise par quoi elle serait remplacée.
Le comité mis en place, n’ayant pas su trouver la solution, a dû prolonger son action, mais n’a pas rencontré plus de succès… et on a abandonné.
Nous restons donc « en plan », sans véritable proposition, alors que la taxe professionnelle a été, en tout cas pour les communautés urbaines, dont elle a assuré, depuis vingt ans, la progression, l’impôt le plus économique en même temps que le plus utile.
André Vallini et moi-même avons tenu à préciser, y compris aux entreprises qui, quelquefois, se laissent aller à applaudir la suppression de la taxe professionnelle – alors qu’elles auront beaucoup plus de difficultés à s’implanter dans les communes, départements et régions où, justement, cette taxe a suscité une dynamique formidable entre entreprises et collectivités locales –, que cette suppression n’était envisageable que si et seulement si trois conditions étaient réunies : le montant des ressources des collectivités doit être garanti par une autre recette fiscale dynamique ; le lien fiscal entre les entreprises et le territoire où elles sont implantées doit être maintenu ; enfin, la réforme de la fiscalité doit être globale.
J’engage donc le Gouvernement à se mettre au travail pour apporter des solutions avant de nous parler de la suppression de la taxe professionnelle.
Nous n’avons pas approuvé non plus et, sur ce point, la mission sénatoriale va plutôt dans notre sens, la proposition n°11 du rapport Balladur, laquelle retire aux départements et aux régions la clause générale de compétence, notamment pour limiter les financements croisés.
Mon prédécesseur à cette tribune a eu une formule heureuse : c’est dans la clause générale de compétence que se trouve l’esprit même de la décentralisation. Les collectivités ne font pas qu’appliquer les règlements ! Il y a celles qui rêvent, qui imaginent et qui avancent des propositions, en tenant compte des particularismes de chaque groupement.
M. le président. Monsieur Mauroy, devant gérer la péréquation des temps de parole (Sourires), je me permets de vous demander de conclure.
M. Pierre Mauroy. Oui, monsieur le président.
Vous l’avez compris, chers collègues, nous voulons que la clause générale de compétence s’applique à tous les niveaux et nous faisons une proposition pour limiter les financements croisés, préoccupations sans doute louable. Il s’agit de permettre aux collectivités, à quelque niveau qu’elles se situent, de répondre aux mutations économiques et sociales comme aux nouveaux besoins des populations, ou même d’assumer des projets divers.
Je rappelle d’ailleurs que, si l’État veut être le censeur des collectivités locales, il doit lui-même se corriger, car c’est lui, plus que tout autre, qui propose, quand il veut mener à bien des projets, de faire appel à la région, au département, voire aux communes !
Toutefois, avec André Vallini, je pense qu’il est nécessaire de limiter le financement d’un même projet à deux collectivités, et nous faisons dans notre rapport annexe des propositions à ce sujet.
Dans les réflexions du comité Balladur, un point m’a particulièrement intéressé : la création de grandes métropoles, que je réclame depuis des années, après la grande réussite des communautés urbaines, et avec leur accord.
J’ai donc approuvé cette proposition bien que, selon moi, elle n’aille pas assez loin puisqu’elle ne crée, par la loi, que onze métropoles, alors que j’en aurais souhaité une vingtaine pour prendre pleinement en compte l’urbanisation de notre pays au cours des quarante dernières années et engager ce que l’on appelle la « métropolisation de la France ».
Cette « métropolisation », si elle se répercute aux différentes intercommunalités – communautés urbaines, d’agglomération et de communes –, est absolument nécessaire pour permettre, avec le temps, le regroupement de nos 36 000 communes, car, s’il y a une anomalie, c’est bien celle-là ! Voilà le moyen, puisque l’on ne veut pas les supprimer, de les regrouper.
Sur ce plan, l’intercommunalité, je le dis à Jean-Pierre Chevènement, a été un immense succès et je suis sûr que, par des dispositions particulières, nous parviendrons, y compris avec les petites villes et les villages, à constituer de petits ensembles autour d’une petite « métropole ». Le mot peut paraître inadéquat, mais on est toujours un peu la métropole d’un territoire ! Pour avoir été élevé au Cateau-Cambrésis, je puis vous dire que c’était réellement la métropole des vingt kilomètres à la ronde ! (Sourires.)
Je suis par conséquent persuadé que l’on pourra, même si cela doit prendre des années, répercuter les dispositions prises pour les métropoles en faveur des villes de taille plus modeste.
Il s’agit en effet de dynamiser les territoires ruraux regroupés autour d’une « ville métropole », pas forcément très grande ni très peuplée, et notre très beau réseau de villes devrait servir de pivot.
En revanche, je suis formellement opposé à ce que les communes membres des métropoles deviennent de simples personnes morales, comme le propose le rapport Balladur, d’autant que, parmi ces villes, certaines sont importantes et sont dotées d’une histoire et de traditions qui font qu’il serait humiliant pour elles de ne plus être des collectivités de plein exercice.
La « métropolisation » signifie non pas l’humiliation des villes membres mais, au contraire, leur promotion, et il me semble que, sur ce point, une correction doit être apportée.
Mes chers collègues, je terminerai cette intervention en évoquant le cas de Paris. (Marques d’impatience sur de nombreuses travées de l’UMP.)
Nous n’avons pas véritablement reçu de propositions de la part des élus parisiens, qui se sont engagés à en présenter, mais dans les prochaines semaines ou les prochains mois…
Nous n’en avons pas davantage reçu de la part de l’État, puisque M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale, nous a fait savoir qu’il nous faudrait attendre quelque temps avant d’avoir connaissance des propositions qu’il prépare.
Il faudra donc reprendre cette discussion, et il nous appartiendra, aux uns et aux autres, de présenter nos propres propositions sur Paris et le Grand Paris.
Il reste, et chacun le sent bien, que maintenir le statu quo serait tourner le dos à l’avenir ; par conséquent, il nous faut être inventifs !
Pour l’heure, nous avons approuvé seize propositions et nous en avons rejeté quatre, dont deux que nous considérons particulièrement nuisibles ; nous avons refusé un vote global ainsi que la rédaction d’une proposition de loi. Il appartiendra aux groupes parlementaires d’élaborer une telle proposition. J’apporterai pour ma part tout mon concours, car l’approfondissement de la décentralisation et de la régionalisation a toujours été une démarche fondamentale à mes yeux et un véritable défi que nous devrons relever pour bâtir la France du xxie siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, je me réjouis que le chronomètre soit désormais bloqué : je n’ai plus à m’inquiéter de mon temps de parole ! (Sourires.)
M. le président. Rassurez-vous, mon cher collègue, le chronomètre est réparé ! (Nouveaux sourires.)
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je soulignerai tout d’abord l’important travail réalisé par la mission temporaire du Sénat, son président, ses vice-présidents, ses rapporteurs et féliciter ceux-ci de la qualité de nos débats, toujours empreints de respect mutuel.
Je réitère cependant aujourd'hui le regret que j’ai déjà exprimé au cours des travaux de la mission : je déplore que nous n’ayons pas élaboré un projet en amont de celui qu’a présenté le comité présidé par M. Balladur. Le Sénat aurait été pleinement dans son rôle, en anticipant ce débat et en étant davantage une force de propositions et d’entraînement.
Je ne doute pas que les prochaines semaines permettront de dissiper ce regret et que nous saurons être à la hauteur de notre vocation institutionnelle, que vous avez rappelée au début de la séance, monsieur le président.
J’observe d’ailleurs avec satisfaction que le rapport d’étape de la mission temporaire est porteur de propositions très intéressantes sur des questions importantes, parfois insuffisamment évoquées par le comité Balladur.
Je pense notamment à la question du périmètre des intercommunalités et à celle de leurs compétences.
Je me suis rendu vendredi dernier dans un canton de mon département dont une partie est intégrée à une communauté d’agglomération et l’autre, à une autre communauté d’agglomération. L’une des communautés d’agglomération détient la compétence « voirie », mais n’a pas la compétence « enfance », alors que, pour l’autre, c’est l’inverse.
Dans la communauté d’agglomération qui n’a pas la compétence « voirie », on dénombre trois syndicats de voiries différents et certaines communes ne font partie d’aucun d’entre eux. Tout cela dans le même canton ! Pour reprendre le titre du rapport du comité Balladur, « il est temps de décider » et de le faire avec détermination, audace et courage.
Il est temps, car notre pays souffre d’un enchevêtrement des compétences qui est préjudiciable à l’efficacité et à la lisibilité des politiques publiques ainsi qu’à la nécessaire maîtrise de nos finances publiques. De toute évidence, les compétences des uns et des autres doivent être clarifiées et ne plus être exercées par tout le monde. Aujourd’hui, chaque collectivité s’occupe de tout ou presque : le tourisme, le développement économique, la culture... Nos concitoyens ne s’y retrouvent pas !
Une clarification est indispensable et, dans cet esprit, je suis favorable à la suppression très controversée de la clause générale de compétence des départements et des régions. (M. Daniel Dubois applaudit.)
Je crois également qu’il est nécessaire de réduire le « millefeuille » administratif. Il a été rappelé aujourd'hui que tous les pays avaient trois échelons de collectivité. Si tel est le cas, du moins sommes-nous le seul pays à avoir cinq degrés d’intervention à l’échelon local : la commune, l’intercommunalité, le pays, le département, la région, sans compter les multiples syndicats intercommunaux à vocation scolaire, les syndicats d’eau, les syndicats de déchets, et j’en oublie.
Je rappelle que, en 1970, seuls existaient la commune et le département ; la France ne se portait pas plus mal !
La difficulté est que chacun, ou presque, partage le constat sur la nécessité de la réforme, sous réserve toutefois que soit conservée l’assemblée dans laquelle il siège ! Je crains – les interventions d’aujourd'hui me le confirment – que nous n’avancions assez peu sur ce sujet et que le « touche pas à mon poste » soit plus fort que tout raisonnement ou analyse objective sur le sujet. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
La désignation de conseillers siégeant à la région et au département serait sans doute un progrès, à tout le moins une étape. Elle se heurte néanmoins au choix du mode de scrutin, qui semble incompatible avec le maintien du scrutin uninominal auquel nous sommes nombreux à être attachés, au moins en milieu rural.
J’en profite pour ajouter que je tiens beaucoup au mode de scrutin applicable dans les petites communes ; là encore, je crains que le fléchage proposé ne conduise à un scrutin de liste bloquée, qui implique inévitablement une politisation des candidatures.
Parmi les sujets éminemment délicats que nous devrons aborder figure celui de l’avenir des communes.
Chacun affirme être très attaché à l’échelon communal. Pourtant, nombre d’élus locaux sont inquiets, car ils ont le sentiment, à juste titre, que, subrepticement, clandestinement presque, on veut réduire leur rôle, sans que l’on ait le courage de le dire.
Aujourd’hui, sur certains territoires, les conseils généraux ou régionaux ne financent les projets que s’ils sont portés par une intercommunalité. Pourquoi ? Au nom de quoi ? Est-ce la qualité du projet qui importe ou la personne qui le porte ? La CAF procède de la même façon ; je pourrais développer ce point.
Il faudra donc avoir le courage de se prononcer clairement, dans le cadre de la réforme de nos collectivités, sur le devenir des communes, dont le Président de la République a dit, voilà quelques semaines, lorsqu’il a reçu notre groupe, qu’elles constituaient « un maillage civique, social et citoyen ».
Pour ma part, j’ai coutume d’affirmer que la commune est l’échelon de la proximité, de la démocratie, du lien social et de la bonne gestion.
Nous avons 36 000 communes. Est-ce une richesse ou une faiblesse ? Souhaitons-nous maintenir cette spécificité ou voulons-nous, comme M. Marcellin voilà bientôt quarante ans, réduire ce nombre et le passer, comme semble le souhaiter M. Balladur, à 10 000 ? Voulons-nous que les intercommunalités deviennent les véritables lieux de décision et les communes de simples mairies d’arrondissement, comme celle du XVe arrondissement de Paris ? (M. Bruno Sido rit.)
Si nous voulons réduire le nombre et le rôle des communes, il faudra alors avoir le courage de l’affirmer clairement ! Si nous souhaitons au contraire conforter le rôle de la commune, ce qui est mon cas, il ne faudra pas se contenter de paroles : il faudra faire en sorte que cela soit possible.
Or on voit bien que les petites communes, qui constituent, je le rappelle, l’immense majorité du territoire – deux tiers des communes comptent moins de cinq cents habitants –, ont de plus en plus de difficultés à faire face à l’alourdissement des tâches, à la raréfaction des financements et au désengagement de l’État.
Nous devrons, mes chers collègues, répondre à ces questions fondamentales. Nous ne pourrons y échapper, car elles sont au cœur de la réforme des collectivités que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux.
J’espère sincèrement que nous aurons le courage d’aller au bout de cette indispensable réforme et que la recherche du consensus le plus large possible ne conduira pas la montagne à accoucher d’une souris. Comme l’a souligné Michel Mercier, l’heure n’est certainement pas au « ripolinage » ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste – M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.)
Je vous remercie, monsieur le président, de votre mansuétude !
M. le président. Il n’en reste pas moins, mes chers collègues, que, si nous voulons terminer ce débat avant le dîner, et non le souper, chacun doit respecter son temps de parole.
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur la réorganisation territoriale de la France a bien entendu mobilisé l’attention de l’Assemblée des départements de France et, plus singulièrement, au sein de cette association pluraliste, celle du groupe d’opposition que j’ai l’honneur et le plaisir d’animer depuis quelques mois.
Ce débat a permis d’identifier les véritables problèmes auxquels nous sommes confrontés et les difficultés à résoudre : paysage administratif unique – le fameux jardin à la française –, enchevêtrement des compétences, finances locales désuètes et inadaptées, nécessité d’une meilleure prise en compte du fait urbain.
Personne, ou presque, ne prône aujourd’hui le statu quo, mais des divergences s’expriment quant aux priorités à traiter, aux évolutions à engager ou aux solutions à apporter.
Faut-il craindre que, faute de compromis, on ne se résigne à abandonner cette réforme ou à la reporter sine die ?
Je pense que le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, aura le courage d’aller au bout de ce travail et de porter haut et fort cette ambition. Il en aura l’opportunité grâce à la volonté politique du Parlement, singulièrement celle de la Haute Assemblée, qui aura l’honneur d’en débattre la première, puisque tel est son rôle constitutionnel.
Je voudrais remercier ici tous ceux qui ont permis de faire avancer le débat, même si je ne partage pas toujours leurs avis ou si je ne souscris pas toujours à leurs propositions. Je citerai d’abord le président du comité pour la réforme des collectivités locales, Édouard Balladur, qui a réalisé avec les membres de son comité un travail prospectif tout à fait remarquable, mais aussi le président de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, Claude Belot, mes collègues rapporteurs, Yves Krattinger et Jacqueline Gourault, ainsi que l’ensemble des membres de la mission.
Vous le savez, je suis président de conseil général depuis plus de dix ans et j’ai l’honneur d’animer aujourd’hui ce groupe des quarante-quatre présidents de conseil général de la droite, du centre et des indépendants, en qualité de secrétaire général de l’Assemblée des départements de France.
Loin de prôner l’immobilisme, comme certains pourraient le croire, nous avons décidé de participer activement à ce débat. Je voudrais vous exprimer nos positions, qui tiennent en quatre points.
Premièrement, le statu quo en matière de finances locales n’est plus possible : pas de réforme des collectivités locales sans garantie financière !
Deuxièmement, la clarification des compétences est une nécessité absolue, monsieur le secrétaire d'État. Aucune économie ne pourra être réalisée sans un partage clair des rôles de chacun.
Troisièmement, la suppression de la clause générale de compétence pose problème. Sa disparition s’apparenterait à une régression, à un retour vers notre cher passé jacobin, monsieur Mauroy. Le rapport de la mission temporaire apporte une idée intéressante, qu’il faut approfondir, celle du « constat de carence ».
Quatrièmement, le mode d’élection doit s’adapter aux territoires : le maintien du scrutin majoritaire nous semble indispensable, mais il peut s’accompagner, si nécessaire, d’un autre scrutin en milieu urbain.
Faute de temps, monsieur le président, je ne développerai pas ces différents points.
Pour apaiser les inquiétudes qui naissent chez bon nombre d’entre nous, je rappelle cette définition de la réforme : c’est un changement profond apporté dans la forme d’une institution afin de l’améliorer et d’en obtenir de meilleurs résultats. Voilà qui devrait tous nous rassurer !
Trop longtemps, nous avons attendu ce changement. Les rapports se sont succédé, alors que la situation se dégradait peu à peu, notamment en termes de finances locales. Les relations entre collectivités et État se tendent inéluctablement, chacun pensant faire des efforts.
Aujourd’hui, il est nécessaire de moderniser notre pays, nos collectivités, mais aussi l’État, pour accompagner son développement et son attractivité, pour garantir à l’ensemble de nos concitoyens un service de proximité et de qualité, et pour éviter les fractures sociales et territoriales.
Chacun s’accorde à considérer que les actes I et II de la décentralisation ont été de grandes réussites ; je tiens d’ailleurs à saluer, au nom des quarante-quatre présidents de conseil général composant le groupe que j’anime, la vision prospective de Pierre Mauroy, ici présent, et de Jean-Pierre Raffarin, qui lui ne l’est pas. Il nous faut les adapter à la réalité sociologique et politique de notre pays, qui n’est plus la même en 2009 qu’en 2004, en 1982 ou a fortiori en 1789, en prenant soin de ne pas casser les institutions qui fonctionnent bien.
Profitons de notre mobilisation pour améliorer ensemble notre démocratie locale, en décentralisant plus et mieux, et en évitant le piège d’un retour au jacobinisme et de la recentralisation.
Je souhaite, pour conclure, me poser devant vous la question qui me semble essentielle : sans modification, que permet la Constitution en termes de réformes ? Peut-on supprimer la clause générale de compétence ? Peut-on instituer un mode d’élection mixte avec fléchage ?
Il conviendrait de connaître les règles qui régissent les marges de manœuvre du Parlement, tant il est vrai que l’on ne peut bâtir que sur des fondations solides. Il est vain de discuter sur des dispositifs qui se révéleraient interdits par la loi fondamentale !
L’avenir est à l’audace, non au passéisme ! Faisons preuve d’imagination, de liberté et d’ambition pour notre pays, nos communes, nos départements et nos régions, sans oublier les intercommunalités ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans ce débat sur la réorganisation de nos collectivités territoriales, je centrerai mon propos sur l’Île-de-France, qui tient une place spécifique en raison de son statut de région capitale. Elle mérite qu’il soit procédé à une analyse objective de ses forces et de ses faiblesses dans le rôle qu’elle tient tant à l’échelon national qu’au niveau mondial. Cela justifie une attention particulière sur les besoins des Franciliens dans des domaines aussi cruciaux que l’emploi, le logement, les transports, les inégalités territoriales, qui hélas ! restent flagrantes.
Au fond, la question qui nous est posée est celle de l’organisation optimale de nos collectivités dans la répartition de leurs compétences, dans leurs formes de coopération, pour assurer la compétitivité de l’Île-de-France et satisfaire au mieux les besoins de ses habitants tout en réduisant les inégalités qui la déchirent.
Manifestement, cette question n’a pas, à ce jour, de réponse évidente. Le rapport de la mission temporaire conclut donc fort justement à la nécessité de poursuivre les réflexions sur ce qu’il est convenu d’appeler « le Grand Paris ». Je crois avoir compris que tel était d’ailleurs le souhait du Président de la République.
Pour autant, nous ne partons pas de rien. Dans la décantation progressive de ce sujet, deux projets émergent clairement : celui du comité Balladur et celui de Paris Métropole.
Celui du comité Balladur, tout d’abord. Admettons d’emblée qu’il n’a déchaîné ni l’enthousiasme des élus, quelle que soit leur appartenance politique, ni d’ailleurs celui de certains membres du Gouvernement. C’est sans doute que ses conclusions reposaient sur deux erreurs initiales.
Le comité Balladur a d’abord traité la question de la gouvernance comme un sujet en soi, sans véritablement s’interroger sur les besoins de la région et des Franciliens.
Mais il a commis une seconde erreur, corollaire de la première : il a voulu plaquer un schéma de gouvernance préétabli sur un périmètre prédéterminé, en contradiction totale avec un constat pourtant juste du comité Balladur évoquant dans son rapport des « besoins criants » de coordination entre les collectivités locales d’Île-de-France. Et comment le comité Balladur s’y prend-il pour répondre à de tels besoins ? En supprimant des collectivités locales !
C’est tout le sens de la création d’un département unique de la petite couronne qui, de plus, risque de provoquer la dissolution de toutes les intercommunalités existantes.
Au fond, on nous dit : puisque vous n’êtes pas suffisamment coordonnés, disparaissez !