M. Dominique Braye. Mais non !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s’agit bien de cela avec les « métropoles », telles qu’elles sont définies dans le rapport Balladur, et non telles qu’elles le sont par notre mission,…
M. Jean-Claude Peyronnet. … puis avec les agglomérations – là est bien le problème ! –, puis avec toutes les communautés regroupées qui deviendraient des « communes nouvelles » élues selon le « système PLM », dirigées par un « super conseil communautaire », lui-même présidé par un « super maire » et ne gardant guère comme compétences – cela est expressément précisé dans le rapport Balladur – que l’état civil et la police, qui sont des missions régaliennes, et la délivrance des permis de construire, ce sur la base – j’attire votre attention sur ce point, mes chers collègues – d’un règlement d’urbanisme défini non par la commune, mais par la « commune nouvelle ». (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Pour faire bonne mesure, après l’hommage au travail qualifié de « remarquable » des départements, le comité les supprime à petit feu en transférant toutes leurs compétences aux métropoles, puis aux agglomérations qui voudraient avoir le même statut particulier et pourquoi pas, ensuite, à toutes les communautés.
Le système qui ferait du département une simple division administrative de la région dont il serait l’exécutant – le département ne lèverait plus d’impôt à terme -, et qui ne garantirait aucune cohérence dans un espace vaste mêlant, comme actuellement, urbain et rural, le système qui s’établirait forcément sur la compétition généralisée, qui supprimerait de fait la péréquation et l’équilibre des territoires que les départements sont les seuls à assurer tant bien que mal, oui, un tel système serait, à mon sens, et à l’évidence, une régression.
Qui ne voit, d’ailleurs, qu’il serait à peu près inapplicable, car étalé sur dix ou vingt ans, ce qui, en attendant la mort des départements, rendrait la vie administrative de nos concitoyens tellement éclatée qu’elle serait impossible ?
Beaucoup plus sagement, la mission du Sénat préconise une reconnaissance du fait métropolitain, en le limitant en nombre et en lui attribuant des compétences négociées par voie contractuelle.
Qui est le plus réformateur ? Celui qui préconise un bouleversement cataclysmique avec pour objectif une reconstruction dont la fonctionnalité est à démontrer, ou celui qui, partant des réalités profondes, s’accommode des contraintes et propose des retouches ?
Nous en sommes au rapport d’étape : autrement dit, à notre rythme, la réflexion se poursuit et la discussion entre nous également, je veux dire entre les composantes politiques de notre assemblée, mais aussi sûrement à l’intérieur même de ces composantes.
À gauche, au parti socialiste en tout cas, nous avons sûrement à approfondir nos positions sur le mode d’élection départemental, comme sur le rôle des métropoles.
Nous avons tous à clarifier nos idées sur ce qui est sans doute l’essentiel, et le moins traité, à savoir la réforme fiscale.
À droite, mes chers collègues, vous avez à gérer le mode d’élection fusionné des conseillers territoriaux et ses conséquences. Je crois savoir que cela fait débat chez vous, et on le comprend, car cette disposition est un élément du processus de disparition du département.
Sachez en tout cas que son adoption constituerait pour nous un point de rupture.
Monsieur le président, mes chers collègues, la mission a fait un bon travail. Elle réaffirme les principes de libre administration des collectivités territoriales et, par voie de conséquence, l’interdiction d’une tutelle de l’une sur l’autre.
Elle définit de façon claire les missions des départements et des régions. Elle clarifie parfaitement l’instruction des dossiers entre collectivités. Elle sauvegarde les communes tout en favorisant l’intercommunalité. Elle rejette le principe de l’impôt unique dédié à une seule collectivité. Elle conserve un « impôt ménage » rénové et un impôt lié à l’activité économique sur des entreprises bien implantées dans les territoires. Enfin, elle préserve la clause générale de compétence des différents niveaux de collectivité, qui est le fondement même de leur liberté.
Je suis bien conscient que, par-delà les grands principes qui peuvent susciter un quasi-consensus, le travail sera encore plus ardu lorsque nous entrerons dans le détail. Cependant, jusque-là, la mission a fait un travail réaliste, susceptible d’améliorer le fonctionnement de la France décentralisée.
Certes, il demeure quelques points qui mériteraient d’être amendés. Ainsi l’idée de compétences exclusives qui débouche sur la tutelle serait-elle avantageusement remplacée par celle de compétences obligatoires. Il faut y penser.
Malgré tout, je crois pouvoir dire que le groupe socialiste se retrouve de façon largement majoritaire dans l’essentiel de ces propositions.
Il me reste encore quelques secondes de temps de parole, que je mettrai à profit pour citer un auteur que j’aime beaucoup – et ce n’est pas pour moi faire de la basse politique ! –, à savoir François Mitterrand. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Je rapporterai les propos qu’il avait tenus alors que, Président de la République en déplacement à Montpellier, en juin 1985, il se souvenait avec nostalgie de sa mission ancienne d’élu local, rendant ainsi hommage à tous les élus locaux, et pas seulement départementaux : « Je suis resté, je vous l’ai dit, très attaché à ces fonctions. Ma carrière de président du conseil général a été brisée en 1981, d’une certaine façon... Je ne veux pas faire de coquetterie, mais vraiment j’ai ressenti comme une sorte de manque. Maintenant, quand je vais dans mon département, j’y suis invité et j’y vais souvent ; cela m’est quelquefois pénible, car ces fonctions de président du conseil général sont celles qu’il m’a été le plus pénible de quitter : c’étaient 250 000 habitants et, ces 250 000 personnes, on peut dire que je les connaissais, je savais comment elles étaient, je savais comment étaient leurs parents, je savais comment réagissaient leurs enfants. On avait un compagnonnage de vie. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la brièveté du temps de parole qui m’est imparti m’oblige à aller à l’essentiel. Je vous prie donc de bien vouloir excuser un propos un peu lapidaire.
Mes chers collègues, l’heure est grave, car les réformes qui sont envisagées ne le sont pas toujours pour de bonnes raisons ; selon moi, un certain dogmatisme préside, car des choix sont énoncés avant même que les rapports aient été remis. Je ne parle pas du rapport de la présente mission sénatoriale, document que j’apprécie, même si je n’en partage pas toutes les conclusions.
Ainsi, on nous a annoncé par avance qu’il y aurait l’intercommunalité et les régions, que les couples étaient déjà formés. Je conteste, pour ma part, l’idée que la commune et l’intercommunalité puissent former un couple, puisque la commune et l’intercommunalité, c’est la même chose, la seconde étant le prolongement de la première. Or, que je sache, il faut deux personnes pour former un couple !
Selon moi, le véritable acteur de solidarité avec les communes, c’est le département. En revanche, il est nécessaire, pour garantir l’unité de la France, de former un couple constitué cette fois de l’État et de la région. Je rappelle que, d’ailleurs, les contrats de plan étaient conclus entre l’État et la région.
M. François Patriat. Très bien !
M. Philippe Adnot. On a dénoncé les coûts, la complexité, les financements croisés, mais ces analyses traduisent bien souvent, en réalité, une véritable défiance vis-à-vis des élus et des collectivités locales, et sont de ce fait mauvaises.
Oui, l’heure est grave, car il se pourrait que les effets des réformes annoncées soient à l’opposé de ceux qui sont escomptés.
Appliquer les conclusions du comité Balladur entraînerait, de mon point de vue, une augmentation de la dépense publique.
M. Charles Revet. C’est sûr !
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. C’est évident !
M. Philippe Adnot. Il est reproché aux petites communes d’être coûteuses, mais qui osera m’affirmer que faire accomplir par des cohortes de salariés la multitude de tâches qu’assurent aujourd’hui bénévolement, donc gratuitement, tous les conseillers municipaux permettra de réaliser des économies ?
Dans les préconisations du rapport Balladur, il est question de confier à des métropoles un certain nombre de fonctions actuellement dévolues aux départements. Cela signifie qu’il y aurait dédoublement des structures : il faudrait une structure chargée du social au sein de la métropole et une autre à l’échelon des communes, puisqu’il ne saurait y avoir de tutelle de l’une sur les autres. La dépense augmenterait à coup sûr, sans parler de l’éloignement des centres de décision et de la sclérose des initiatives qui seraient à déplorer si, demain, les régions et les départements perdaient la clause générale de compétence, dont on sait qu’elle est la clé de la réussite des territoires parce qu’elle permet la prise d’initiatives conjointes.
Je le dis tout net : je m’opposerai, comme, certainement, nombre d’autres élus, à la relégation des communes au rang de simples personnes morales, ce qu’aucun de nos concitoyens ne comprendrait ; je m’opposerai à la perte de la compétence générale des régions et des départements, car la clause générale de compétence est un outil d’initiative, un outil de solidarité, un outil d’optimisation des structures.
Dans le département dont je suis l’élu a été construit un centre sportif départemental. Qui le ferait, demain ? L’agglomération, pour le compte de l’ensemble des communes ? Les petites communes ? La région ? Une université a également été construite, ainsi qu’une technopole, dont nous pouvons apprécier aujourd’hui les bienfaits. Qui les aurait décidées à notre place ? Nous bâtissons des zones d’activités départementales. Qui les réaliserait à notre place ?
Ceux qui ont imaginé cette réforme ne connaissent pas la réalité des territoires et ne soupçonnent pas la sclérose qui en découlerait.
Je m’opposerai à la proportionnelle mixant le conseil général et le conseil régional qui ferait des conseillers généraux des élus de seconde zone.
Je m’opposerai à l’étouffement financier qui est programmé pour les communes et pour les départements.
À quoi bon promettre aux communes de base qu’elles disposeront de la clause générale de compétence si elles ne peuvent en aucun cas la mettre en œuvre ?
À quoi bon affirmer que les départements ne seront pas supprimés si, dans le même temps, toute autonomie financière leur est retirée, de même que la capacité de s’intéresser à ce qui fait vraiment la vie du territoire qu’ils recouvrent ? Ils n’auront pas de réelle existence.
Je ne suis en revanche pas opposé à de bonnes réformes. Cependant, il faut d’abord poser des objectifs partagés.
Or, de ce point de vue, il est curieux que, dans le rapport Balladur, ne soient pas d’emblée fixés les objectifs à atteindre. Au contraire, c’est la fiscalité qui est évoquée en premier. La lecture des premières pages est tout à fait instructive : la question des moyens est traitée d’abord et avant tout, ce qui évite de parler des objectifs qui devraient nous rassembler.
Quels seraient ces objectifs partagés ?
Pour ma part, je suis pour le meilleur rapport qualité/prix dans la proximité, pour la pratique de la subsidiarité, pour le droit à l’initiative et à la libre administration. À partir de là, oui, mes chers collègues, l’intercommunalité peut être une excellente chose.
Je suis pour une intercommunalité de projets qui ne soit pas fondée sur un sur-financement du fonctionnement. Je propose, au contraire, des dotations d’équipement destinées à aider à la réalisation d’équipements collectifs réellement structurants et porteurs d’économies d’avenir.
Je suis pour une intercommunalité qui soit le prolongement de la commune, et non pour la commune prolongement de l’intercommunalité.
Il est, selon moi, tout à fait possible de réformer le mode d’élection des conseillers généraux et de redessiner la carte des cantons dans le respect d’un équilibre entre les hommes et les territoires qui ne soit pas nécessairement le même partout.
Il est, selon moi, tout à fait possible de garder le système uninominal en milieu rural et d’instaurer l’élection à la proportionnelle en agglomération sans pour autant risquer le reproche d’inconstitutionnalité.
Il est d’ailleurs assez drôle de relever que ceux qui nous disent qu’un tel système n’est pas possible le prévoient expressément pour l’intercommunalité, puisqu’il y aurait des délégués communautaires élus à la proportionnelle à partir de 500 habitants, les autres, en dessous de ce seuil, étant élus au scrutin uninominal. Pourquoi ne pas le faire aussi à l’échelon du département ? L’argumentation n’est guère crédible.
Il est, selon moi, tout à fait possible de supprimer les financements croisés obligatoires. Toutefois, je suis de ceux qui estiment que les financements croisés sont une bonne chose, quand ils sont volontaires.
M. Michel Mercier. Tout à fait !
M. Philippe Adnot. Nombre de réalisations n’auraient pas été possibles sans l’association volontaire. Il n’y a pas que du mauvais dans les financements croisés.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Philippe Adnot. Ce sont les financements obligatoires qui sont mauvais ; les financements volontaires, eux, supposent que l’on se rassemble en s’accordant sur un projet commun. Ce faisant, on réussit à tirer le meilleur parti de toutes les énergies.
Dans mon département, la réalisation du chantier de l’université a ainsi recueilli des financements de l’État, de la région Champagne-Ardenne, de l’agglomération, de l’Europe et même de la région d’Île-de-France. Si tout le monde a accepté d’apporter son écot, c’est tout simplement parce que nous avons su convaincre les uns et les autres de la qualité de ce projet et de l’utilité de le porter ensemble.
Ceux qui pensent que les financements croisés sont compliqués à mettre en œuvre ne connaissent sans doute pas l’existence des nouvelles technologies ! Le système que, pour notre part, nous avons mis à la disposition de l'ensemble des communes leur permet d’agir extrêmement rapidement et de ne plus avoir à monter des dossiers compliqués.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en la matière, point n’est besoin de faire des textes de loi pour travailler avec intelligence !
À mon avis, même si l’autonomie est absolument indispensable, il est possible de mettre en place une fiscalité locale intéressante et de l’encadrer par un plancher et un plafond, car ceux qui ont permis certaines dérives en matière de taxe d’habitation ou de taxe professionnelle ont nui à la fiscalité locale.
En outre, il importe d’éviter une spécialisation à outrance des impôts, porteuse de nombreux risques.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Adnot.
M. Philippe Adnot. Et que l’on ne nous dise pas que la feuille d’impôt est aujourd'hui complexe : il n’y a rien de plus facile à lire ! Les taux d’imposition pratiqués par les différentes collectivités y sont mentionnés, ce qui permet de connaître l’évolution de chacun d’eux.
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous mets au défi de trouver un citoyen qui sache assez s’y retrouver en matière de TIPP ou de TSCA pour savoir quelle collectivité bénéficiera de quoi. La fiscalité que l’on nous propose sera, dans ces cas-là, totalement illisible pour nos concitoyens.
À cet égard, la vignette était un bon impôt local, parce que, justement, elle correspondait à un usage précis.
Au vu de la situation actuelle, qui ne mérite pas que l’on se divise sur l’accessoire, sachons, mes chers collègues, nous rassembler sur l’essentiel. J’espère que nous y parviendrons ! (Applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention viendra compléter celle de mon collègue Jean-François Voguet.
Les collectivités territoriales répondent aux multiples besoins de leurs habitants grâce aux services qu’elles organisent. Aujourd’hui, en cette période de crise, tout le monde reconnaît qu’elles jouent encore plus le rôle d’amortisseur pour une population durement touchée.
Pourtant, les collectivités territoriales voient leurs capacités se réduire au fil des années, les compétences transférées n’étant toujours pas complètement compensées depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
L’autonomie financière inscrite dans la Constitution est mise à mal.
Les élus et leurs associations font de façon quasi unanime le même constat : pour remplir leurs missions, les collectivités ne peuvent pas vivre au jour le jour, il leur faut des ressources pérennes.
C’était la base du contrat de croissance et de solidarité. Mais la loi de finances pour 2009 y a mis totalement fin. Le remboursement de la TVA a été inclus dans l’enveloppe normée. Et, cerise sur le gâteau, après avoir fortement diminué son évolution en la bloquant à 3,5 % de la valeur ajoutée et supprimé la cotisation sur les nouveaux investissements, le Gouvernement programme, aujourd’hui, la suppression définitive de la taxe professionnelle, après la déclaration en ce sens du Président de la République.
L’asphyxie des finances locales est inacceptable. Comme le disait l’un de nos collègues, c’est véritablement l’intercommunalité qui est mise en cause, notamment celle à taxe professionnelle unique.
M. Dominique Braye. Mais non !
Mme Marie-France Beaufils. Pourtant, l’importance économique de l’intervention des collectivités a été reconnue par le Président de la République lui-même dans le cadre du plan de relance : 73 % des investissements publics, soit environ 46 milliards d’euros par an, ce n’est pas négligeable ! Elles parviennent à maintenir ou à créer, par les travaux ou les achats qu’elles réalisent, près de 850 000 emplois dans la sphère privée, ce qui est également significatif.
S’il y a besoin d’une réforme, elle doit être fondée sur des principes clairs, en fonction du rôle que l’on veut faire jouer aux collectivités. Il faut permettre à leurs conseils de répondre aux besoins des hommes et des femmes qui les ont élus et de contribuer à la réduction des inégalités entre les populations, entre les territoires.
Dans le débat actuel, nous avons beaucoup entendu parler de gaspillage, de dépenses inutiles, de manque de transparence. En réalité, tout cela est fait pour préparer les esprits à d’importants changements.
La mise en cause des financements croisés en est la parfaite illustration. Si, pour réaliser un équipement dans la commune ou sur le territoire de la communauté de communes, un maire ou un président d’EPCI fait appel au conseil général et au conseil régional, c’est tout simplement parce que les recettes dont il dispose sont insuffisantes ! Ensuite, ces collectivités sont libres de choisir d’apporter ou non leur contribution. C’est en cela aussi que la clause générale de compétence de ces collectivités me semble essentielle.
Toutefois, je tiens à le rappeler, les financements croisés les plus fréquents sont ceux que l’État exige lui-même. C’est lui qui, peu à peu, a considéré que les communes sur lesquelles étaient implantés les sièges des universités devaient contribuer à leur financement. C’est lui qui a, ensuite, sollicité les conseils généraux et régionaux.
L’un de nos collègues l’a souligné tout à l’heure, c’est la même démarche qui est engagée aujourd’hui par le Gouvernement pour le financement de la nouvelle ligne du TGV Aquitaine.
Redéfinir les compétences et les ressources qui y sont associées est donc indispensable. Mais la proposition du comité Balladur de fixer un « objectif national d’évolution de la dépense locale » ne peut être acceptée, sauf à considérer, tout simplement, que nos collectivités territoriales sont devenues des prestataires chargés de mettre en œuvre les politiques décidées par le Gouvernement, ce qui serait totalement contraire au rôle que la Constitution leur reconnaît.
Nous ne partageons pas ce choix de vouloir, à n’importe quel prix, réduire les dépenses publiques et, ce qui va de pair, les services publics.
Réduire les services publics pour les transférer au privé, et ainsi faire payer plus les usagers, c’est diminuer le nombre de ceux qui pourront y avoir accès.
Culpabiliser les collectivités pour les faire contribuer au respect par la France des critères de Maastricht, alors qu’elles gèrent leur budget dans un parfait équilibre, n’est pas admissible.
Accuser les collectivités d’aggraver le déficit public, alors que des milliards d’euros sont accordés aux banques, alors que les allégements fiscaux sur les plus hauts revenus et les réductions des charges sociales ont mis à mal les équilibres financiers du budget de l’État, c’est faire de nos collectivités des boucs émissaires et se dispenser d’une analyse objective de l’efficacité réelle de ces mesures.
À notre sens, ces choix sont catastrophiques pour l’avenir.
Nous ne disons cependant pas que tout doit rester en l’état.
Ainsi, voilà quelque temps, nous avons déposé une proposition de loi pour moderniser, et non supprimer, la taxe professionnelle. C’est en effet le seul impôt qui établit un lien direct entre l’entreprise et son lieu d’implantation. Supprimer cette taxe, ce serait remettre fondamentalement en cause ce lien.
Les investissements en infrastructures, les dépenses d’éducation, les dépenses sociales, culturelles et de loisirs – je pourrais en citer bien d’autres ! – sont déterminantes pour le bon fonctionnement des entreprises, pour la vie de leurs salariés et leur formation.
Ces dépenses justifient, à elles seules, une participation financière obligatoire des entreprises au financement des collectivités.
Les mesures que nous avons prônées par le biais de notre proposition de loi permettraient de donner de nouvelles capacités aux collectivités. Voilà quelques années, Jean-Paul Delevoye, évoquant les difficultés des collectivités territoriales, rappelait qu’il n’avait pas été tenu compte de l’évolution économique pour prévoir celle de la taxe professionnelle. Ainsi s’exprimait-il : « L’économie est devenue principalement aujourd’hui une économie de services et financière. Or cette sphère est notoirement sous-fiscalisée ».
En 2004, avec les services de l’État, nous avions constaté que, pour les activités du secteur financier, la taxe professionnelle pesait 1,7 % de la valeur ajoutée, contre 5,6 % pour le secteur de l’énergie.
Les actifs financiers des grandes entreprises représentaient, en 2006, quinze fois le budget de la nation, vingt fois ceux des collectivités locales, plus de deux fois notre PIB ! Les entreprises du CAC 40 ne sont pas en difficulté, puisqu’elles ont dégagé 75 milliards de bénéfices en 2008. Taxer ces actifs financiers à un taux, modeste, de 0,5 % ne ruinerait pas les entreprises, notamment celles du CAC 40. Ces actifs sont tirés du travail et de l’activité des entreprises.
Une telle taxation permettrait de faire contribuer davantage les entreprises les plus riches, plutôt que les PME et les artisans, et offrirait à nos collectivités une nouvelle ressource potentielle.
Elle pourrait alimenter un fonds de péréquation national. Sa répartition serait réalisée sur la base de critères incluant les charges réelles des collectivités territoriales, prises, bien évidemment, dans leur diversité. Ce serait un élément moteur d’une péréquation régénérée.
Cette proposition doit être étudiée en toute objectivité dans le cadre de la réflexion menée actuellement sur le financement des collectivités territoriales. Elle permettrait également de réduire le poids de la pression fiscale sur les ménages. L’impôt se doit d’être un outil efficace de justice et de solidarité. Malheureusement, la fiscalité des ménages, notamment la fiscalité locale, en est la démonstration contraire. Il nous faut donc travailler sur ce sujet, afin que la taxe d’habitation et la taxe foncière tiennent mieux compte des revenus réels des ménages.
Si une réforme doit être engagée, il importe de le faire dans l’optique de mieux répondre aux besoins des populations. La mission dispose d’un peu de temps encore pour travailler sur ces questions, et nous aussi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)