M. Dominique Braye. Si !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. … la grave crise économique que nous traversons imposant d’autres urgences. Cependant, on demande aux collectivités territoriales de participer au plan de relance et le Président de la République annonce, sans concertation, la suppression de la taxe professionnelle.
M. Gérard Longuet. C’était dans son programme !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. De surcroît, ce sont les collectivités territoriales qui devront aider nos concitoyens en difficulté, qui sont de plus en plus nombreux.
C’est pourquoi je suis convaincue que l’on ne peut cloisonner la vie des collectivités et celle de la nation. Chaque collectivité est une essence, une parcelle de la République, dont elle participe au bon fonctionnement. Nous sommes tous ici des élus et nous savons à ce titre que si nos concitoyens ne sont certes pas passionnés par la technicité des débats, ils en perçoivent cependant la logique et la nécessité. Le Sénat se doit de répondre aux attentes des élus et de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Je remercie le président, les deux vice-présidents et les deux rapporteurs de la mission temporaire de leur contribution.
Orateurs des groupes
M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Michel Mercier. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’évidence, ce n’est pas en cinq minutes que l’on peut faire le point sur la question de la décentralisation. Ma contribution sera donc nécessairement à la fois partielle et partiale. Néanmoins, je pense qu’elle mérite tout de même d’être versée au débat.
Des premières lois de décentralisation, en 1982, à l’inscription dans la Constitution du caractère « décentralisé » de l’organisation territoriale de la République, en 2003, beaucoup d’étapes ont été franchies. Sans la décentralisation, un certain nombre de politiques que nous mettons quotidiennement en œuvre ne connaîtraient pas le succès qui est le leur aujourd’hui.
À titre d’exemples, je mentionnerai le développement des transports ferroviaires régionaux, la rénovation profonde des collèges et des lycées, ainsi que les politiques sociales, qui ont été mieux adaptées à la réalité quotidienne grâce aux transferts effectués au profit des collectivités territoriales, notamment des départements. Ainsi, sans la décentralisation, la mise en place du revenu de solidarité active, le RSA, ne pourrait probablement pas intervenir au mois de juillet prochain.
La décentralisation est donc d’abord un grand succès, dont nous pouvons tous nous féliciter. Je tenais à le souligner.
Cela étant, nous pouvons naturellement nous interroger : la situation actuelle est-elle satisfaisante ou une réforme est-elle nécessaire ?
Nous voyons bien quels sont les écueils à éviter. En matière de transferts de compétences, un long chemin a déjà été parcouru, et il n’est probablement pas nécessaire d’aller beaucoup plus avant dans cette voie.
Par conséquent, la véritable question qui se pose à nous est d’abord de nature institutionnelle. La décentralisation a été mise en œuvre par le Parlement en fonction des échelons institutionnels existants, à savoir les communes, les départements et les régions. Faut-il « tout changer pour que rien ne change », comme l’a joliment dit Mme Gourault, se souvenant du Guépard ? (Sourires.) Faut-il au contraire engager une véritable réforme, pour rechercher à la fois plus d’efficacité et plus de démocratie ?
Pour ma part, j’estime que nous devons procéder à une réforme en profondeur, de nature à changer les choses en tenant compte des réalités. À défaut, mieux vaut ne rien faire : nous n’avons pas besoin d’un coup de ripolin supplémentaire ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Michel Mercier. Dans cet esprit, je souhaite évoquer quelques points, afin de montrer qu’une réforme en profondeur est nécessaire.
Tout d’abord, nous devons dire haut et fort que c’en est fini du « paysage unique » : les mêmes institutions ne peuvent prévaloir sur l’ensemble du territoire national, parce que les réalités locales sont diverses ! (M. Jean-Patrick Courtois applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Mercier. Sur ce point, nous devons, je le crois, avoir la position la plus claire et la plus ferme : la République n’a rien à craindre de la décentralisation,…
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Michel Mercier. … elle ne sera elle-même, au contraire, qu’en prenant en compte la diversité des situations locales. Cela passe par une adaptation des modèles institutionnels, qui ne doivent pas être les mêmes partout.
À cet égard, je souhaite formuler une proposition de nature à faire évoluer fortement l’échelon départemental. Cela pourra peut-être surprendre de la part du président d’un conseil général qui, je le crois, fait bien son travail, mais notre pays a changé profondément, et si nous n’en tenons pas compte, nous passerons à côté de la réalité. Or la décentralisation, c’est d’abord la prise en compte de la réalité.
M. Roland du Luart. C’est vrai !
M. Michel Mercier. Par conséquent, je suis favorable à la création de grandes métropoles, au nombre de cinq ou six, et ce pour une raison toute simple : elles existent déjà dans les faits !
M. René-Pierre Signé. Et le reste ?
M. Michel Mercier. Pour le reste, ce sera autre chose, monsieur Signé ! En ce qui vous concerne, vous ferez comme d’habitude : vous monterez au château, et vous regarderez en bas ! (Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Michel Mercier. Cela ne vous changera pas. D’ailleurs, personne ne vous demande de changer, mon cher collègue, mais laissez aller de l’avant ceux qui le souhaitent ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Ils ne nous empêcheront pas d’avancer !
M. Michel Mercier. Quoi qu’il en soit, monsieur Signé, permettez-moi d’exprimer mon point de vue, et dites-vous bien que vous ne parviendrez pas à me faire taire ni à me déstabiliser ! (Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Cette question étant réglée, le débat peut se poursuivre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je suis donc favorable à la création, par la loi, de cinq ou six grandes métropoles. Le législateur doit prendre ses responsabilités : lorsqu’une agglomération compte plus d’un million d’habitants, il faut en tirer les conséquences s’agissant de l’exercice des compétences en matière de recherche, d’enseignement supérieur, de culture ou d’action économique. À défaut, il y aura, comme d’habitude, Paris et le reste de la France. Ce n’est pas cela que nous voulons !
Notre pays compte de grandes métropoles capables de le faire progresser et de créer de la richesse autour d’elles.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Michel Mercier. Il ne s’agit pas de considérer ces métropoles isolément. Tout le monde profitera de leur développement, mais elles ont besoin d’une organisation efficace et démocratique, que nous devons mettre en place.
Pour ma part, je suis très favorable à une telle évolution. Les communes relevant de la métropole pourront garder la personnalité juridique de droit public, mais elles n’auront plus toutes les compétences qu’elles exercent actuellement. Pour être plus clair encore, je suis favorable au transfert à la métropole des compétences du département, l’essentiel étant de rechercher tous ensemble une plus grande efficacité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Telle est ma position, mes chers collègues !
MM. Dominique Braye et Jean-Patrick Courtois. Elle est partagée !
M. Michel Mercier. J’ai bien le droit de l’exprimer ! Elle est tout à fait réaliste, parce qu’elle correspond à ce que je vis tous les jours !
M. Roland Povinelli. Ceux qui sont sur le terrain, ce sont les conseillers généraux, et non les conseillers régionaux ! (Protestations sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Vous parlez à un président de conseil général !
M. le président. Vous vous exprimerez tout à l’heure, monsieur Povinelli !
Veuillez poursuivre, monsieur Mercier.
M. Michel Mercier. Je suis donc favorable à ce que le législateur s’engage dans cette voie.
En ce qui concerne les autres évolutions institutionnelles, je pense que le législateur doit mettre à disposition des communes, des départements et des régions une sorte de « boîte à outils » dans laquelle ces collectivités territoriales pourront puiser librement, pour se regrouper ou s’associer sur la base du volontariat. Après trois ou cinq ans, le législateur pourra prendre acte des choix qui auront été faits sur le terrain et légiférer pour les graver dans le marbre de la loi.
Certes, j’ai bien conscience d’être relativement isolé sur ce sujet… (Non ! sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non ! C’est également, hélas ! la position du comité Balladur et du Président de la République !
M. Michel Mercier. Toutefois, ce n’est pas une raison pour renoncer à mon opinion.
Cela étant, nombre de questions restent en suspens.
On évoque très souvent le rapprochement entre les départements et les régions. C’est un sujet difficile, car il n’existe pas aujourd’hui de couple région-département, alors que le couple département-commune est une réalité depuis très longtemps. C’est parce qu’il y a des communes qu’il y a des départements, dont un des rôles est d’assurer la solidarité financière, sociale, territoriale entre les communes.
M. Jean-Pierre Chevènement. Et la République ?
M. Michel Mercier. Si demain nous voulons modifier cette situation, cela nécessitera un certain nombre d’évolutions, en particulier le transfert aux communes de compétences départementales d’extrême proximité. Je pense notamment à la compétence relative à la petite enfance, qui est aujourd'hui partagée entre les communes et les départements.
Cependant, de tels transferts de compétences supposent que l’on accorde aux communes les moyens correspondants. Ainsi, elles devront pouvoir se regrouper si elles en ressentent le besoin. Elles pourront dès lors exercer les compétences qui leur seront transférées, et peut-être sera-t-il alors possible d’envisager différemment le couple département-commune.
Mes chers collègues, ce débat mérite d’être mené à son terme. Il s’agit d’une véritable et grande réforme. Il ne faut pas avoir peur de s’engager dans cette voie, il ne faut pas non plus vouloir tout changer d’un coup. Nous devons prendre le temps de la réflexion, mais nous ne pourrons faire l’économie d’une réforme institutionnelle si nous voulons rendre la décentralisation à la fois plus efficace et plus démocratique. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme chacun le sait, les orientations définies par le Président de la République s’agissant de l’avenir des collectivités territoriales visent à réduire le champ d’intervention de ces dernières.
L’objectif masqué d’une telle déstabilisation est la reprise en main des pouvoirs locaux. Il s’agit de réduire le nombre et l’influence de ces milliers de contre-pouvoirs, jugés d’autant plus insupportables qu’ils s’appuient sur un fort capital de sympathie parmi nos concitoyens.
Cette sympathie prend ses racines dans la mise en œuvre des politiques publiques locales, qui sont autant de réponses concrètes aux problèmes de la vie quotidienne, ainsi que dans leur proximité, qui permet aux citoyens d’influer sur les choix effectués.
Or la liberté accordée aux autorités locales, pourtant garantie par la Constitution, est aujourd’hui insupportable au pouvoir central, car elle leur permet d’être des points de résistance aux politiques libérales de régression sociale.
Aujourd'hui, il s’agit d’envisager l’application de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, aux collectivités territoriales, afin de réduire durablement les politiques et les services publics.
« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », nous enseigne un dicton populaire. En l’occurrence, le Président de la République a caché sa volonté de reprise en main par une critique démesurée, bien éloignée des réalités, de la gestion des collectivités territoriales et de leurs relations. À l’entendre, rien ne fonctionnerait, et notre organisation territoriale coûterait très cher. Or ce n’est pas exact !
Cette dénonciation du prétendu « mille-feuille » institutionnel, des financements croisés, de l’illisibilité des choix et des responsabilités, d’une situation qui serait alarmante, vise à justifier une remise en cause totale de l’organisation territoriale et démocratique de notre République.
Ces critiques s’accompagnent du couplet habituel selon lequel tout irait mieux dans le reste de l’Europe, la lourdeur de notre administration locale constituant un handicap… Dans ce domaine comme dans tous les autres, la mise en concurrence et le nivellement par le bas en Europe restent les objectifs principaux de la majorité.
Notre pays compte certes beaucoup plus de communes que les autres, mais nous considérons, pour notre part, que c’est une richesse.
Ainsi, des centaines de milliers de citoyens élus se consacrent bénévolement au vivre-ensemble, à la défense de l’intérêt général et à la mise en œuvre, au plus près des besoins, des actions publiques nécessaires. Il serait d’ailleurs temps que ces élus disposent d’un statut reconnaissant leur mission et leur permettant de l’exercer.
Par ailleurs, nos régions ne sont ni plus pauvres ni plus petites que la moyenne européenne, et le nombre de nos départements est parfois faible au regard de celui des structures intermédiaires de nombreux autres pays européens. En réduisant leur nombre, nous accroîtrons certes la taille de ces collectivités, mais leur gestion deviendra plus lourde.
Seront-elles alors mieux armées pour entendre les besoins des populations et y répondre ? Nous n’en sommes pas persuadés. Permettront-elles le renforcement de la démocratie locale s’agissant des choix à mettre en œuvre ? Nous pensons le contraire.
Nous contestons aussi cette mise en concurrence des territoires, dans notre pays et en Europe. Ne faudrait-il pas plutôt réfléchir au développement de coopérations, de politiques et de services publics communs ? En effet, mettre en concurrence les territoires, c’est aussi mettre en concurrence les hommes et les femmes qui y vivent ; c’est renforcer les disparités et les inégalités.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que les premières préconisations de la mission sénatoriale suivent la logique du comité Balladur. Nous le regrettons, d’autant que tel n’était pas son objet.
Avant d’envisager toute réforme, il aurait été plus utile et plus sage, à notre sens, de dresser un état des lieux partagé de la situation réelle de nos collectivités territoriales.
En partant des problèmes qu’elles connaissent, de leurs contraintes et de leurs potentialités, des avancées et des blocages rencontrés dans la mise en œuvre des lois de décentralisation et du développement, toujours nécessaire, de leur vitalité démocratique, nous aurions, j’en suis sûr, dégagé d’autres axes de réforme. Aussi souhaitons-nous que la mission du Sénat poursuive son travail dans ce sens.
À la lumière des éléments fournis par le cabinet Ernst & Young à la mission, nous demandons que l’ensemble des compétences assurées par nos collectivités territoriales et les relations qu’elles entretiennent avec l’État fassent l’objet d’une telle étude détaillée, afin de réorienter les compétences transférées, ainsi que leurs modalités d’exercice et de financement. Seule cette approche permettra de dégager les axes de réformes à venir.
En effet, les collectivités territoriales ont besoin de réformes. Personne n’est partisan du statu quo. Nous ne le sommes pas !
Critiquant les postulats à l’origine des travaux actuels, nous considérons qu’il faut réviser et stabiliser les compétences des collectivités territoriales, afin d’ouvrir une phase de consolidation de la décentralisation, dans un environnement juridique clarifié et sécurisé.
Cependant, nous tenons pour un préalable que les trois niveaux de collectivités locales soient maintenus sur tout le territoire, y compris en région parisienne et dans les grandes métropoles, auxquelles le droit commun doit s’appliquer.
Sur la question du Grand Paris, nous souhaitons que la mission sénatoriale se démarque totalement des préconisations du rapport Balladur, ainsi que des propositions du secrétaire d’État Christian Blanc, qu’elle soit à l’écoute de la volonté majoritaire des élus concernés, qui travaillent dans le cadre du syndicat mixte d’études Paris Métropole regroupant communes, départements et région, représentés par des élus de toutes sensibilités.
La clause de compétence générale doit être maintenue pour toutes les collectivités territoriales. En effet, la compétence générale est le moteur du suffrage universel. C’est elle qui permet l’expression de la souveraineté à partir des projets présentés lors des élections locales. En la supprimant, nous transformerions les élus locaux en de simples administrateurs, en des manageurs aux compétences définies ailleurs et encadrées par l’État ou par une autre collectivité.
Nous sommes convaincus que non seulement la libre administration de toutes les collectivités locales, mais aussi le respect de l’égalité des citoyens sur tout le territoire, doivent être sauvegardés.
Dans ce contexte, nous sommes favorables au renforcement de coopérations librement consenties, au sein d’établissements publics ou de tous autres organismes gérant des compétences déléguées ou des projets communs.
Cependant, nous pensons que leur fonctionnement doit être démocratisé, pour permettre aux conseils élus des collectivités territoriales qui en sont membres d’être mieux écoutés et aux populations d’être associées aux réflexions et aux décisions.
Par ailleurs, nous considérons que tout regroupement de collectivités territoriales doit être rendu possible si, et seulement si, la souveraineté populaire s’est exprimée dans ce sens.
Enfin, il ne saurait y avoir de réforme des collectivités territoriales sans que nous nous assurions du respect des principes d’unité et d’égalité de notre République. Seul le pouvoir central a la mission et le pouvoir de le garantir. Aussi attendons-nous plus que jamais de lui qu’il mette un terme à son désengagement actuel dans toute une série de domaines.
En un mot, nous attendons qu’il fasse son retour aux responsabilités, laissant ainsi les collectivités territoriales assurer pleinement et librement leurs missions originales au service de nos territoires et de nos populations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les membres du groupe UMP abordent ce débat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales dans un esprit de pragmatisme et d’ouverture, avec une grande conviction.
Au cours des dernières années, nous avons tous dénoncé, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, l’enchevêtrement des prérogatives des différents acteurs publics locaux et nationaux. C’est une source de confusion des responsabilités, de perte de temps, d’inflation de la dépense publique, mais aussi d’incompréhension pour nos concitoyens et de désenchantement pour les élus locaux, dont la capacité d’action est entravée par une multitude de normes et de procédures contraignantes.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. Le groupe UMP du Sénat a donc salué la décision du Président de la République d’ouvrir un grand chantier pour réformer les structures des administrations locales.
Afin de soutenir et d’accompagner cette réforme, les responsables des groupes parlementaires de la majorité ont décidé, le 15 octobre dernier, d’organiser et de mener une large réflexion commune sur ce sujet.
J’ai eu l’honneur, avec M. Dominique Perben, député du Rhône, d’animer les travaux du groupe constitué à cette fin, auxquels ont participé plus de deux cents députés et sénateurs de l’UMP.
Nous avons remis notre rapport de synthèse le 28 janvier dernier, pour contribuer à la réflexion du comité présidé par M. Édouard Balladur et de la mission temporaire du Sénat, mise en place sur votre heureuse initiative, monsieur le président, et présidée par notre collègue Claude Belot, dont la grande compétence est saluée par tous.
Nous notons avec satisfaction l’existence de nombreux points de convergence sur le diagnostic, les principes et certaines orientations, en particulier en matière d’intercommunalité, même si des nuances apparaissent entre les différents rapports, ce qui est bien naturel.
Nous pensons néanmoins que la recherche du consensus et le souci de l’équilibre ne doivent pas nous faire perdre de vue l’objet de la réforme.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. Rien ne serait pis que de se contenter d’un simple toilettage, qui provoquerait de nouvelles déceptions parmi les élus locaux et nos concitoyens. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)
M. Dominique Braye. Bravo !
M. Jean-Patrick Courtois. Ces derniers sont confrontés à des difficultés concrètes, auxquelles nous devrons apporter des solutions concrètes.
Notre groupe de travail s’est donc efforcé de répondre à trois questions essentielles : comment faire mieux de manière moins coûteuse ? Comment sortir du « jardin à la française » pour mieux prendre en compte la diversité territoriale de notre pays ? Comment revoir la gouvernance des collectivités pour renforcer la légitimité des élus et améliorer l’efficacité de la gestion publique ?
Au cours de cette réflexion se sont dégagées des orientations claires, qui reposent sur des convictions fortes, partagées par la plupart des députés et des sénateurs membres du groupe de travail de la majorité parlementaire.
Nous souhaitons, tout d’abord, favoriser deux couples de collectivités territoriales, pour simplifier leur gouvernance et clarifier leurs compétences : communes et intercommunalités, d’une part, départements et régions, d’autre part.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. Nous proposons également la création d’une nouvelle catégorie d’élus locaux, les conseillers territoriaux, siégeant à la fois à l’échelon départemental et à l’échelon régional.
Notre groupe de travail n’a pas tranché entre les différentes options en matière de mode de scrutin. Nous sommes, en effet, très attachés au maintien d’un lien de proximité entre les élus et leurs électeurs, surtout en milieu rural, et nous comptons poursuivre la réflexion sur ce sujet.
Il n’y a pas de piège politique, contrairement à ce que certains cherchent à faire croire, d’autant que le nouveau dispositif ne pourra s’appliquer qu’en 2014, soit deux ans après l’échéance de 2012.
Cette proposition repose sur la conviction qu’il faut des élus communs pour supprimer la concurrence entre les deux niveaux de collectivités et permettre une véritable clarification des compétences, ainsi qu’une réelle simplification administrative, source d’économies et d’un meilleur service rendu aux usagers.
De manière générale, nous considérons qu’il est possible de clarifier et, surtout, de simplifier les compétences sans supprimer complètement un échelon. Selon nous, seuls les « pays » pourraient être supprimés, car ils n’ont pas fait la preuve de leur pertinence.
À l’inverse, nous proposons de réserver la compétence générale à l’échelon communal, c’est-à-dire à la commune ou à l’intercommunalité, par délégation, parce qu’il s’agit du principal échelon de proximité.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Et les départements ?
M. Jean-Patrick Courtois. Nous sommes très attachés à ce principe de proximité, et nous veillerons à ce qu’il soit privilégié, et même renforcé, dans le cadre de la future réforme.
Parallèlement, nous sommes favorables à l’introduction d’un principe de subdélégation exclusive, pour permettre à une collectivité de transférer librement à une autre une compétence qu’elle ne souhaite pas ou ne peut pas exercer elle-même.
De même, il est nécessaire de supprimer ou, au moins, de limiter fortement les financements croisés et de moderniser la fiscalité locale, afin de la faire coïncider avec les réalités du xxie siècle.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. L’objectif de clarification et de simplification doit s’imposer à tous les échelons, en particulier au plan intercommunal.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. Nous sommes favorables à la création d’un nombre restreint de grandes métropoles à statut particulier – je rejoins, sur ce point, M. Mercier –, car aucune division administrative actuelle n’est vraiment adaptée aux grandes agglomérations. Il paraît donc nécessaire de regrouper sur ces aires fortement peuplées des compétences aujourd’hui dispersées.
Le regroupement des compétences départementales, communales et intercommunales au sein d’une structure unique suscite légitimement des interrogations, voire certaines inquiétudes, que nous devons naturellement prendre en compte. Nous devrons cependant avoir le courage, là encore, de faire des choix clairs, si nous voulons vraiment favoriser l’émergence de grandes métropoles capables de mener des politiques dynamiques, comparables à celles qui sont conduites ailleurs en Europe.
Le cas particulier des grandes métropoles mis à part, nous proposons de mettre en place un « fléchage » des délégués communautaires à l’occasion du scrutin municipal et d’achever la carte des intercommunalités.
Cet achèvement de la carte intercommunale doit se faire non pas à marche forcée, mais avec souplesse et vigilance, compte tenu des conséquences financières que pourrait avoir l’intégration de certaines communes fortement endettées ou connaissant un retard en matière d’équipements.
Nous devrons aussi saisir cette occasion pour clarifier les structures existantes et mettre fin à certaines anomalies.
J’attire en particulier l’attention du Sénat sur le fait qu’il sera nécessaire de tenir compte de la démographie des communes membres pour éviter une tutelle de la structure intercommunale.
Cette anomalie résulte de l’effet de la répartition des délégués entre les communes lors de la création de la structure intercommunale. Sans instaurer nécessairement un droit de veto, il me paraît indispensable de corriger cette situation d’ici à 2014 au plus tard, car elle n’est pas conforme à un fonctionnement démocratique de l’intercommunalité.
Par ailleurs, si nous réservons la compétence générale à la commune et si nous facilitons les délégations de compétences à l’intercommunalité, nous devons faire en sorte que cette dernière prenne entièrement en charge les compétences qui lui sont déléguées. C’est une question de clarté et, surtout, d’efficacité.
Dans le même esprit, à partir du moment où nous décidons d’achever la carte des intercommunalités, nous devons nous interroger sur le devenir des syndicats de communes.
Là encore, le pragmatisme et la souplesse doivent primer, car il ne sera pas facile, ni même pertinent, de regrouper certains syndicats, en particulier les syndicats techniques, qui œuvrent, par exemple, dans le domaine des eaux et de l’assainissement.