Mme Nathalie Goulet. Elle n’en a pas non plus ailleurs !
M. Rémy Pointereau, vice-président de la mission temporaire. Le véritable interlocuteur du président du conseil général est plus le maire de la ville ou le président de l’agglomération que les conseillers généraux.
En zone rurale, on pourrait conserver le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, dans des cantons parfois élargis en fonction de la population. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
La spécialisation des compétences est indispensable : il faut prévoir des compétences exclusives pour le département et la région, tout en ouvrant la possibilité de déléguer une compétence d’un niveau vers l’autre sur la base d’un « constat de carence ».
Nous devons ainsi confirmer le département dans son rôle de garant des solidarités sociales et territoriales et la région dans sa mission de stratégie globale et de réalisation des grandes infrastructures.
Il conviendrait, par ailleurs, d’aller au bout de la logique des compétences réunies par ces deux collectivités de manière que l’État en tire les conséquences en supprimant ses services déconcentrés, qui doublonnent avec ceux des collectivités, et en transférant bien entendu les moyens financiers affectés à ces services.
Je voudrais maintenant évoquer les financements croisés : certains veulent les supprimer purement et simplement, tandis que d’autres souhaitent limiter le nombre de financeurs à deux par projet.
Certes, cela aboutirait à une meilleure lisibilité et à une diminution des délais d’exécution des projets. Mais il faut se garder de trop de restrictions, notamment pour les communes rurales ou leurs regroupements, dont les ressources sont faibles. Ces collectivités arrivent à mettre en place des projets importants grâce aux financements croisés, ce qui participe au développement local et permet finalement une péréquation financière au bénéfice des communes les plus défavorisées.
Compte tenu du temps imparti, je laisserai le soin à Jean-Patrick Courtois et Philippe Dallier d’évoquer le cas des métropoles et du Grand Paris.
Enfin, pour réussir cette réforme, nous devons impérativement repenser les finances locales, en un mot, simplifier le mille-feuille de la fiscalité locale.
Aujourd'hui, 39 000 organismes décident, à un niveau ou à un autre, d’un taux d’imposition sur au moins quatre types de ressources fiscales. À mes yeux, nous devrions nous limiter à deux types de ressources fiscales par niveau de collectivité territoriale et restreindre les cumuls d’impôts sur une même assiette. Nous devons aussi maintenir un lien fiscal entre les territoires et les entreprises.
D’une manière générale, l’autonomie financière des collectivités territoriales doit être renforcée.
Je le rappelle, l’État est devenu le premier contribuable local au travers des exonérations et dégrèvements adoptés au fil des années par le Parlement et les gouvernements successifs. C’est ainsi que le taux de prise en charge par l’État des taxes directes locales a progressé dans le temps pour atteindre globalement 26 % en 2008, ce qui représentera 20,5 milliards d’euros en 2009.
Cette situation est devenue intenable et incohérente. Avec de tels chiffres, on peut prévoir plus d’autonomie fiscale et une meilleure péréquation entre les collectivités territoriales.
L’objectif est bien d’offrir à tous nos territoires la meilleure organisation possible, pour une plus grande efficacité, sans remettre en cause l’action de l’une ou l’autre collectivité, mais en s’adaptant à un monde qui évolue de plus en plus vite.
L’amélioration qui est attendue ne doit pas être uniquement l’affaire d’experts et d’élus. Les solutions retenues et votées devront être à la hauteur de cette attente.
Nous devons refuser le statu quo, mais le pire serait d’aboutir à une demi-réforme sans ambition et sans effet sur les défauts les plus criants de notre système actuel.
Nous devons ainsi faire fi des intérêts particuliers et faire preuve de courage et d’audace, pour ne pas rester arc-boutés sur une attitude conservatrice. C’est ainsi que nous pourrons finalement être à la hauteur des enjeux auxquels nous devons collectivement répondre.
Je relève d’ailleurs que sur les vingt propositions du comité pluraliste présidé par M. Balladur, dix-sept ont fait l’unanimité parmi ses membres. Le travail mené dans le cadre de la mission pluraliste sénatoriale s’effectue également dans un bon état d’esprit : sur les vingt-sept propositions formulées, vingt-quatre font l’unanimité.
Il y a donc plus d’éléments qui nous rassemblent que d’éléments qui nous séparent. En cette période difficile, nous devons garder le cap des réformes structurelles qui permettront à nos collectivités d’être plus performantes, à moindre coût, au service des Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, rapporteur.
M. Yves Krattinger, rapporteur de la mission temporaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est difficile de rapporter dans un temps aussi court cinq mois d’auditions et de discussions animées au sein de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales. Je me bornerai donc à exposer le plus fidèlement possible les positions que nous avons adoptées. Cette première séance sera d’ailleurs suivie d’un autre débat, au mois de mai, et je suis convaincu que le Sénat jouera un rôle essentiel dans le processus engagé.
En préambule, je dois souligner que la mission, qui a entendu de nombreux acteurs, n’a pas instruit de réquisitoire contre les collectivités territoriales. Elle a précisé, au contraire, que celles-ci sont soumises à des règles comptables strictes, qu’elles financent 73 % de l’investissement public civil, qu’elles ne représentent environ que 10% de la dette publique, et que, à l’heure où le Gouvernement les appelle à soutenir l’économie, il faut veiller tous ensemble à ne pas les déstabiliser.
J’indique également que je ne parlerai ni des communes, ni de l’intercommunalité, ni des pays, car ces sujets seront abordés par Jacqueline Gourault, corapporteur.
Les membres de la mission se sont très majoritairement accordés sur un grand nombre de principes essentiels, au-delà peut-être de nos espérances initiales. Je vais essayer de les présenter.
La mission a noté l’attachement d’un très grand nombre d’élus à la clause générale de compétence. Pour le président de l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, présent aujourd’hui dans les tribunes, « elle a permis de répondre à l’hétérogénéité des territoires et de s’adapter, par des réponses appropriées, innovantes et réactives, à la diversité des problématiques locales ».
Pour tous ceux qui ont été auditionnés, la clause générale de compétence est une forme d’expression de la liberté des élus : elle leur permet de disposer d’une marge de « respiration » et d’« initiatives », voire d’un « filet de sécurité » pour répondre aux besoins nouveaux et spécifiques qui s’expriment. Des exemples récents, comme la téléphonie mobile, le haut débit ou les lignes à grande vitesse, qui font d’ailleurs le plus souvent suite à une demande très forte du Gouvernement, le montrent.
La mission a donc réaffirmé le principe de libre administration des collectivités territoriales ainsi que l’indispensable liberté de coopération entre elles et leurs établissements publics. Il apparaît clairement que cette « interterritorialité » doit être encouragée. Elle est facteur de progrès : les territoires comme les hommes ont besoin d’échanger et de coopérer entre eux pour produire plus de valeur.
La mission s’est évidemment positionnée sur les fusions de collectivités.
Cette question ne doit pas être un tabou. La mission a retenu qu’un projet de fusion doit correspondre à un « territoire vécu », être lié à des références historiques, sociales et économiques fortes.
Des espaces ont probablement vocation à construire ensemble un projet de territoire et, à terme, à fusionner. Ces fusions éventuelles doivent être facilitées et se réaliser selon un référentiel méthodologique unique connu de nos concitoyens. Qu’il s’agisse de fusions de communes, de départements ou de régions, la démarche pourrait être la même : délibérations concordantes de chacune des assemblées délibérantes des territoires concernés statuant à la majorité, puis ratification par référendum organisé par les pouvoirs publics à l’issue d’un large débat.
La mission préconise la même procédure concernant les modifications éventuelles à apporter aux limites territoriales des régions, des départements ou des communes. Elle propose aussi qu’une possibilité supplémentaire de regroupement volontaire soit ouverte entre une région et les départements qui la composent, selon la même procédure que précédemment.
Les auditions auxquelles nous avons procédé démontrent abondamment que toute voie autoritaire aurait peu de chances de prospérer et que toute procédure qui se rapprocherait de l’annexion d’une collectivité et de son territoire par une autre serait vouée à l’échec. Il pourrait donc être proposé aux collectivités volontaires de travailler à rapprocher progressivement leurs politiques et leurs méthodes de travail avant d’aller plus loin.
À propos des compétences exercées par chacune des collectivités territoriales, question qui fait l’objet de critiques souvent exagérées, sachez que la mission a travaillé à améliorer la lisibilité de l’action de chacun des niveaux. Le Sénat trouvera dans nos propositions des réponses qui font accord et qui seront déclinées de manière détaillée dans les prochains mois.
Ainsi, nous avons souhaité définir le rôle fondamental de chacun des trois niveaux reconnus par la Constitution : le lien social et les services de proximité pour la commune et son échelon coopératif, l’intercommunalité ; les solidarités sociales et territoriales pour le département ; le renforcement, pour les régions, des missions stratégiques …
M. François Patriat. Très bien !
M. Yves Krattinger, rapporteur. … liées à la préparation de l’avenir, à savoir la formation des hommes, la compétitivité des territoires, la recherche, l’innovation, les aides aux entreprises, les schémas prescriptifs.
Ces rôles étant clarifiés, il importe d’adapter les compétences attribuées à chacun. Ce travail est engagé et il progresse. Il trouvera son aboutissement dans le rapport définitif.
Pour nous donner des chances de réussir ce petit remembrement, nous avons retenu plusieurs principes généraux.
Il convient tout d’abord de renforcer les compétences pour chaque niveau de collectivités territoriales en vue d’améliorer l’efficacité et la lisibilité, avec l’idée complémentaire de faciliter la délégation de compétences, ce qui ne veut pas dire le transfert.
En cas de défaut d’intervention d’une collectivité dans l’un des domaines relevant de sa compétence, la mission a souhaité ouvrir la possibilité pour une autre d’intervenir dans le sens de l’intérêt général sur la base d’un « constat de carence ».
La mission a ensuite plaidé pour la reconnaissance effective d’un « chef de filat » pour les compétences partagées. Pour les financements croisés, elle a proposé l’instauration d’un dossier unique d’instruction déposé dans un guichet unique. Le service instructeur deviendrait alors garant de la conformité et de la qualité du projet finalement soutenu.
Le corollaire de la mise en œuvre de ces principes clarificateurs – conclusion tardive mais impérieuse des différentes lois de décentralisation et de transfert des compétences –, c’est bien sûr la suppression des interventions des services déconcentrés de l’État dans les domaines transférés. C’est aussi le transfert de leurs personnels aux collectivités territoriales et le transfert aux régions et aux départements, dans leurs domaines de compétence respectifs, des subventions attribuées localement par l’État aux communes, aux syndicats intercommunaux et aux intercommunalités. C’est enfin le transfert aux régions de la responsabilité de répartir les fonds européens. Il n’y aurait ainsi plus aucun doublon avec les services instructeurs, ni entre les collectivités, ni avec l’État.
La mission appelle aussi à l’amplification de l’expérimentation et à sa reconnaissance comme outil privilégié de préparation de l’avenir. Par exemple, la compétence « emploi » pourrait être expérimentée assez rapidement par quelques régions volontaires. Seraient ainsi réunies les conditions pour un transfert de parties du pouvoir réglementaire aux départements et aux régions et l’avènement de la « République dont l’organisation est décentralisée », chère à notre collègue Jean-Pierre Raffarin.
La révision générale des politiques publiques, qui n’a pas ou a très peu pris en compte le fait territorial, trouverait, si elle était adaptée à cette nouvelle donne des territoires, davantage de légitimité et de lisibilité.
La mission a entendu notre collègue Claude Lise sur le thème très spécifique des collectivités territoriales d’outre-mer.
Celui-ci a souligné combien « l’enchevêtrement des compétences et la multiplicité des centres de décision, sur des territoires somme toute restreints, étaient préjudiciables à la lisibilité de l’action publique et à la bonne gestion des finances locales ».
La mission a conclu comme lui qu’il y avait lieu de progresser rapidement vers l’installation, dans chaque département et région d’outre-mer, là où le périmètre de l’un se confond avec celui de l’autre, d’une collectivité territoriale unique.
Sur le Grand Paris, la mission affinera sa position dans les prochaines semaines. Elle considère qu’il s’agit d’un débat essentiel visant à trouver les bonnes réponses aux défis que doit relever la « ville monde ». Elle mesure aussi qu’il s’agit d’un problème très spécifique, auquel il faut trouver des réponses particulières.
La mission auditionnera donc, dans les prochaines semaines, les principaux acteurs de ce territoire afin d’élaborer une proposition consolidée. Elle tracera des pistes susceptibles d’être empruntées par le plus grand nombre pour sa mise en œuvre.
En ce qui concerne le financement des collectivités locales, la mission appelle à une refondation des relations financières entre l’État et les territoires.
L’État ne peut continuer à intervenir aussi brutalement et sans préavis dans les bases fiscales ou les ressources des collectivités. Il est en effet extrêmement important que toute décision soit subordonnée à une concertation préalable et fasse l’objet de véritables négociations entre l’État et les partenaires territoriaux.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Yves Krattinger, rapporteur. La mission s’est aussi accordée sur l’attribution de deux types de ressources fiscales par niveau de collectivités, sur la limitation des cumuls d’impôts sur une même assiette et sur le maintien impératif d’un impôt lié à l’activité économique pour préserver les relations entre les entreprises et les territoires dont les destins sont extrêmement liés. Elle précisera ces propositions dans le rapport final.
La mission a également noté que le rapport Valletoux avait fait l’unanimité parmi les associations de collectivité et que c’était une bonne base de dialogue avec l’État dans ce domaine. Nous aurons à le faire fructifier.
La mission s’est saisie du mode d’élection des conseillers généraux.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Yves Krattinger, rapporteur. Elle s’est rassemblée sur l’idée de leur élection la même année pour une durée de six ans, ce qui correspond à une demande unanime et très ancienne de l’Assemblée des départements de France. Cela donnerait plus de force aux assemblées départementales.
La mission ne s’est pas mise d’accord à ce jour sur le mode de scrutin relatif à l’élection des conseillers généraux.
Elle n’a donc pas arbitré entre plusieurs hypothèses : le scrutin uninominal actuel, garant d’une grande proximité entre les élus et les citoyens, dans des cantons bien sûr redécoupés ; …
M. René-Pierre Signé. Et les territoires !
M. Yves Krattinger, rapporteur. … un scrutin de liste départementale à la proportionnelle avec prime majoritaire, comme dans les régions (Vives exclamations sur les travées de l’UMP), …
M. François Patriat. Très bien !
M. Yves Krattinger, rapporteur. … garantissant une majorité de gestion et l’identification de la personne appelée à présider (Exclamations sur de nombreuses travées) ; ...
M. Alain Fouché. C’est grotesque !
M. Yves Krattinger, rapporteur. Ne vous énervez pas, mes chers collègues : je le répète, nous n’avons pas encore tranché.
… le scrutin mixte évoqué tout à l’heure par Rémy Pointereau : proportionnelle dans les agglomérations et uninominal dans le reste du territoire, dont la constitutionnalité n’est pas assurée ; ou encore, l’élection de conseillers territoriaux, qui, pour certains d’entre eux, siégeraient simultanément à la région et au département (Exclamations sur de nombreuses travées), …
M. Jacques Blanc. Pourquoi pas tous ?
M. Yves Krattinger, rapporteur. Attendez, je ne vous ai pas encore indiqué ma position !
… avec un fort risque de mise sous tutelle de la collectivité départementale par l’échelon régional (Exclamations sur les travées de l’UMP), ce qui pourrait, là aussi, être contraire à la Constitution. (Bien sûr ! sur les travées du groupe socialiste.)
La mission n’a pas, à ce jour, arbitré. La sagesse qui a prévalu pendant ses travaux doit continuer à nous guider, conformément au souhait exprimé par Claude Belot tout à l'heure.
En conclusion – provisoire –, je me réjouis du chemin déjà parcouru et des vingt-sept propositions qui ont été retenues, la plupart à l’unanimité. Nous sommes peut-être allés au-delà de ce que nous espérions au départ.
M. René-Pierre Signé. Un peu trop loin !
M. Yves Krattinger, rapporteur. Je continuerai, en qualité de corapporteur, à travailler, avec Jacqueline Gourault, Claude Belot et Pierre-Yves Collombat, dans le même esprit. Je répondrai bien entendu avec plaisir aux questions qui pourraient m’être posées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, rapporteur.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la décentralisation est l’une des réformes majeures de ces trente dernières années. Elle a permis de répondre aux attentes des citoyens. Elle a encouragé l’esprit de responsabilité des gestionnaires locaux, auxquels ont été confiées de nouvelles compétences. La démocratie locale, grâce notamment au dévouement exceptionnel des 500 000 élus locaux, dont de nombreux bénévoles dans les zones rurales, a donné aux territoires la place essentielle qui leur revenait dans la conduite de l’action publique.
Les critiques qui peuvent parfois être formulées ne sauraient faire oublier les succès incontestables de la décentralisation et la qualité de l’action publique locale. Ces succès importants imposent justement de ne pas céder à la facilité ; ils commandent de continuer à améliorer l’organisation et le fonctionnement des collectivités territoriales.
Dans le même temps, et c’est un corollaire, l’État doit tirer toutes les conséquences de la décentralisation et, par ailleurs, adapter ses services déconcentrés. C’est à cette seule condition que s’instaurera un nouveau climat de confiance, clé de la réussite de cette réforme.
Il faut ajouter à la décentralisation le développement accéléré de l’intercommunalité, avec la loi dite « Chevènement » du 12 juillet 1999. En dix ans, les communes se sont approprié cet outil souple, fondé sur le volontariat et l’engagement des communes.
Devant cette évolution du paysage local et les difficultés grandissantes des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, les grandes associations d’élus locaux, qui sont représentées aujourd'hui dans les tribunes, réclament depuis longtemps une réforme : je pense notamment à l’Association des maires de France, l’AMF, à l’Association des régions de France, l’ARF, à l’Assemblée des départements de France, l’ADF, et à l’Assemblée des communautés de France, l’ADCF. Il n’est donc pas étonnant que le Président de la République ait souhaité ouvrir ce chantier, qu’il a confié au comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par M. Édouard Balladur
C’est dans cet esprit et dans ce contexte que M. Gérard Larcher, président du Sénat, a créé notre mission. Le Sénat, qui examinera en premier le projet de loi, s’est saisi de cette question avec toute sa légitimité de représentant constitutionnel des collectivités territoriales, mais aussi avec sa connaissance experte des territoires.
Le rôle majeur qui revient au Sénat doit nous inciter à l’innovation et peut-être même, mes chers collègues, à l’audace. Il ne s’agit pas de tout bouleverser, car ce serait finalement l’assurance de ne rien changer, mais si rien ne bougeait, nous décevrions à coup sûr nos collègues élus de tous niveaux de collectivités.
C’est avec beaucoup d’intérêt et de plaisir que je travaille avec mes collègues en tant que corapporteur, avec Yves Krattinger, de cette mission présidée par Claude Belot. Je m’attacherai à vous présenter les préconisations de la mission en ce qui concerne le couple de la proximité par excellence que forment les communes et les intercommunalités.
Les membres de la mission sont unanimes à reconnaître que la commune constitue le socle de l’organisation locale. Collectivité territoriale de plein exercice, la commune doit nécessairement détenir la clause générale de compétence. Tous, ici, nous connaissons l’attachement fondamental des citoyens à leur commune et savons que celui-ci trouve son origine dans l’assurance qu’ils ont d’être entendus et de voir leurs besoins pris en compte par leurs élus.
Parallèlement, la reconnaissance du couple formé par la commune et l’intercommunalité s’impose aujourd’hui à tous. Nous prenons acte de sa formidable réussite.
Une idée nouvelle est apparue dans la structuration et le développement de nos territoires, celle de la reconnaissance du fait métropolitain. La mission estime que cette notion de métropole doit être réservée aux cinq ou six grandes conurbations millionnaires. C’est pourquoi elle est attachée au principe de la création législative d’un nombre limité de métropoles aux compétences renforcées, que celles-ci leur soient transférées par les communes ou déléguées par le département ou la région. Comme nous l’avons constaté lors de notre déplacement à Lyon, certains souhaitent que la métropole ait un statut propre ; le débat se poursuivra donc sur ce sujet.
Pour tirer pleinement parti des potentialités de l’intercommunalité, il nous faut, d’une part, favoriser la rationalisation de la carte intercommunale, et, d’autre part, développer et renforcer les structures intercommunales.
La première priorité est d’achever, avant la fin de l’année 2011, la carte de l’intercommunalité. La mission pense que des incitations financières négatives pourraient être utilisées. Cet objectif ne devrait pas être difficile à atteindre. En effet, seules 2 522 communes étaient en dehors de l’intercommunalité au 1er janvier 2009, et 528 communes ont adhéré l’an passé à une intercommunalité.
M. Dominique Braye. Il est grand temps de finir !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. La deuxième priorité est de rationaliser les périmètres, dans le respect de la diversité des territoires, c'est-à-dire sans critère de population ou de taille.
M. Jacques Blanc. Oui !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Cette rationalisation doit être liée aux bassins de vie.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Il convient donc d’écarter les intercommunalités de défense ou d’opportunité. La fusion des communautés doit être encouragée avec des outils souples, afin d’éviter que des situations de blocage ne s’installent. Dans le Grenelle II, par exemple, on observe que les communautés sont associées de façon importante à la réforme de l’urbanisme, ce qui démontre l’urgence de cette rationalisation.
M. Dominique Braye et Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. L’outil que constituent les commissions départementales de coopération intercommunale, les fameuses CDCI, pourrait voir son rôle renforcé pour déterminer les périmètres pertinents d’intercommunalité, à la condition cependant que la composition de ces commissions soit revue et que leur représentativité soit améliorée.
D’ailleurs, dans le même souci de simplifier l’organisation locale, on doit encourager les fusions de communes, s’agissant en particulier des plus petites d’entre elles et des communes associées,…
M. René-Pierre Signé. Elles ne veulent pas !
M. Michel Mercier. Certaines le veulent peut-être !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. … sur la base du volontariat, naturellement, par la voie d’un référendum proposé par une majorité qualifiée des membres des conseils municipaux des communes concernées.
En outre, les compétences obligatoires des intercommunalités pourraient être renforcées, en particulier celles des communautés de communes, qui sont aujourd’hui limitées. Un certain nombre d’entre elles sont des coquilles vides, il faut bien le reconnaître, c’est pourquoi les blocs de compétences doivent être renforcés.
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Rendue plus pertinente dans ses périmètres et ses compétences, l’intercommunalité devrait aussi être améliorée dans sa gouvernance. Il est nécessaire de renforcer la légitimité démocratique des conseillers communautaires, en prévoyant notamment leur élection par « fléchage » sur les listes de candidats aux élections municipales. Pour ce faire, il conviendrait d’étendre le scrutin de liste aux communes de plus de 500 habitants et de mettre en place pour toutes les communes une obligation de candidature pour les élections municipales.
Enfin, le renforcement de l’intercommunalité devrait logiquement s’accompagner d’une forte réduction du nombre des syndicats intercommunaux. Il y serait procédé par le représentant de l’État sur avis conforme de la CDCI, après une large concertation départementale, et ce avant la fin de l’année 2012.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. De la même manière, la suppression des dispositions législatives réglementant l’existence des « pays » devrait permettre de faire disparaître ceux d’entre eux qui sont dépourvus d’utilité réelle,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. … tout en garantissant le maintien des autres, comme l’a réclamé notre collègue breton Edmond Hervé, sur la base de la liberté d’association et de coopération des collectivités territoriales.
S’agissant de la question importante des finances locales, déjà abordée par Yves Krattinger, je voudrais simplement revenir sur le maintien d’un impôt lié à l’activité économique. C’est un point essentiel pour préserver les relations entre les territoires et les entreprises, ce qui intéresse particulièrement les intercommunalités relevant du régime de la taxe professionnelle unique. La réforme de la fiscalité locale est donc primordiale pour l’intercommunalité.
Telles sont les préconisations de la mission concernant le niveau de proximité, auquel nos concitoyens sont, je le rappelle, très attachés.
Nos travaux vont naturellement se poursuivre, car un certain nombre de difficultés ne sont pas encore tranchées. Hormis peut-être le statut des métropoles, les questions en suspens les plus compliquées ne concernent pas le niveau des communes et des intercommunalités, mais plutôt celui des départements et des régions.
Je voudrais souligner à quel point j’ai été impressionnée par l’analyse des élus de terrain – je pense en particulier aux présidents des conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin –, qui sont parfois en avance sur les textes.
Mes chers collègues, on entend quelquefois dire que ce n’est pas le moment de réformer les collectivités territoriales,…