M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette rédaction, quelque peu ambiguë, risque de provoquer des contentieux ou des recours.
C’est pourquoi l’amendement du Gouvernement précise que « les personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire exercent leurs droits d’expression et de manifestation dans les conditions prévues par leur statut. »
Cet amendement lève toute ambiguïté, donc tout risque de contentieux. Il ne s’agit pas de revenir sur la rédaction ou sur l’esprit de l’article qui a été adopté par la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. J’écoute toujours avec une grande attention les propos de M. Hyest. Depuis hier, il nous explique qu’il est inutile de répéter dans la loi les principes généraux, tout ce qui n’est pas normatif. Je le comprends fort bien.
Pourtant, c’est exactement ce que nous faisons lorsque nous précisons que les personnels de l’administration pénitentiaire sont soumis au statut général de la fonction publique de l’État. Peut-on imaginer que tel ne soit pas le cas, que le statut des fonctionnaires de l’État ne s’applique pas aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ? Il est bien évident que la réponse est négative.
Cet amendement tombe donc dans la catégorie des amendements non normatifs que vous pourfendez à juste titre, monsieur le président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis tellement d’accord avec M. Yung que je considère qu’il vaudrait mieux retirer l’article 4 quater !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouvez voter contre, mais pas le retirer !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il suffit de ne pas l’adopter !
Nous proposons que cet article ne figure pas dans la loi. À cette fin, nous demandons au Sénat de voter contre.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est votre position, mais pas celle de la commission des lois !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai quelques difficultés à m’y retrouver.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n’êtes pas la seule !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 4 quater de la commission a un sens différent du texte qui nous est proposé par l’amendement no 288. Je tenais donc, moi aussi, à défendre le texte adopté par la commission.
M. le président de la commission des lois invite à l’instant le Sénat à voter contre l’article présenté par la commission.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est étrange !
M. Richard Yung. C’est curieux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il me semble néanmoins que ceux qui ont soutenu cette rédaction en commission pourront également la soutenir en séance publique.
M. le président. En conséquence, l’article 4 quater est ainsi rédigé, et l'amendement n° 80 n'a plus d'objet.
Article 4 quinquies
Les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire sont tenus de suivre une formation initiale et continue adaptée à la nature et à l'évolution de leurs missions.
Ils participent, à leur demande ou à celle de l'administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l'École nationale de l'administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation. – (Adopté.)
Article 5
I. - La protection de l'État dont bénéficient les agents publics de l'administration pénitentiaire en vertu de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires couvre les préjudices qu'ils subissent à l'occasion ou du fait de leurs fonctions.
Elle est étendue à leurs enfants, leurs ascendants directs, leurs conjoints, leurs concubins ou aux personnes auxquelles ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsque, du fait des fonctions de ces agents, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.
II. - Au premier alinéa du I de l'article 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, les mots : « les agents des services de l'administration pénitentiaire, » sont supprimés. – (Adopté.)
Section 2
De la réserve civile pénitentiaire
Article 6
Il est créé une réserve civile pénitentiaire destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice, ainsi que de coopération internationale.
La réserve est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l'administration pénitentiaire.
Un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice des missions prévues au premier alinéa ne peut se porter volontaire pour entrer dans la réserve civile.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 82 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 222 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié.
M. Richard Yung. Mes propos, qui viseront à exposer la position générale du groupe socialiste sur la proposition de création d’une réserve civile pénitentiaire, vaudront également pour les articles 7, 8 et 9.
L’idée est de créer une réserve civile pénitentiaire constituée de volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire.
Aux termes du texte, leur mission serait de nature sécuritaire, puisqu’elle consisterait à assurer la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, c’est-à-dire, si nous comprenons bien, à surveiller les palais de justice et à effectuer le contrôle de sécurité à l’entrée des tribunaux.
La réserve civile pénitentiaire n’assurerait pas la sécurité dans les établissements pénitentiaires, puisque cette mission ne relève pas de sa compétence. En revanche, elle participerait à des missions de coopération internationale, ce qui nous a étonnés, car c’est l’image de la France dans ce domaine qui est en jeu. Vous avouerez qu’il est assez curieux de faire appel, pour mettre notre savoir-faire à disposition de pays voisins, à des personnels retraités qui ne sont plus en activité depuis cinq ans au maximum, et qui, par conséquent, ne sont plus au fait des nouveautés et des dernières techniques employées ! Nous connaissons bien cela dans d’autres secteurs d’activité.
Nous nous posons donc des questions et émettons des doutes sur les missions qui seraient confiées à cette réserve civile pénitentiaire. En réalité, nous sommes même opposés à la création de cette réserve.
Nous considérons que la situation dans les établissements pénitentiaires, qui a été longuement décrite, est catastrophique. Il manque un certain nombre de personnels pour assurer l’encadrement nécessaire afin que nos établissements pénitentiaires soient convenables et ne soient plus montrés du doigt par les différentes administrations, par les corps de contrôle européens, peut-être même par les anglais…
Nous pensons que la création de cette réserve ne réglera pas du tout la question. La solution au vrai problème, celui dont on devrait s’occuper, nous la connaissons : c’est bien sûr le recrutement et la formation de nouveaux personnels pénitentiaires qui seront affectés à plein-temps dans la prison.
Nous estimons également – je l’ai déjà dit hier, et je n’y reviens donc pas – que la politique pénale en amont doit être révisée.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que les articles prévoyant le principe d’une réserve pénitentiaire civile soient supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 222.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit ici de créer une réserve civile pénitentiaire afin d’assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements pénitentiaires.
À l’instar de ce qu’avait fait la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure en créant une réserve civile de la police nationale, l’actuel gouvernement souhaite créer une réserve civile pénitentiaire. Mais la création d’une telle réserve ne va pas de soi, et nous nous devons de nous interroger sur les fondements de cette décision.
En effet, il n’a échappé à personne que la création d’une réserve civile pénitentiaire tend principalement à pallier le manque d’effectifs des personnels pénitentiaires, en permettant à l’administration pénitentiaire de faire appel à des personnels retraités.
Deux questions se posent alors.
Si les effectifs sont insuffisants pour assurer la sécurité, ce qui est effectivement le cas puisque le nombre de détenus a augmenté plus rapidement que le nombre de surveillants, pourquoi l’État ne recrute-t-il pas plus de personnels ? Ou alors, ne faudrait-il pas vider les prisons en stoppant l’escalade sécuritaire ? (Protestations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, poussons le raisonnement à son terme ! Certaines questions appellent une réponse par l’absurde, et ce pourrait en être une !
Par ailleurs, la création d’une réserve civile pénitentiaire constituée de personnels à la retraite risque, à terme, de remettre en cause l’âge de départ à la retraite des personnels pénitentiaires. Aujourd’hui, l’âge minimal de départ à la retraite est de cinquante-cinq ans pour cette catégorie de personnel. Cet aménagement de la législation traduit la prise en compte de la pénibilité de leur travail.
Mais si, demain, ces personnels, même retraités, peuvent reprendre leur activité dans les établissements pénitentiaires afin d’assurer des missions de sécurité, pourquoi le Gouvernement ne proposerait-il pas, à terme, de relever l’âge de départ à la retraite ?
Cette disposition, qui crée, à n’en pas douter, une faille dans la reconnaissance de la pénibilité de la profession de surveillant pénitentiaire, ne vise qu’à pallier le manque de personnels pénitentiaires.
Étant opposés à ce choix, nous demandons la suppression de l’article 6, ainsi que des articles 7, 8 et 9, et nous considérons que les amendements nos 223, 224 et 225 sont défendus.
M. le président. L'amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
de renforcement de la sécurité
par les mots :
d'insertion, de formation, d'encadrement des activités sportives, d'extractions
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 281, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice,
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La commission des lois a ajouté une mission supplémentaire aux personnels de la réserve civile pénitentiaire, le contrôle de l’exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice.
La réserve civile pénitentiaire a fait l’objet d’une expérimentation portant sur la sécurité des tribunaux. J’ai souhaité que cette réserve civile figure dans un texte législatif, au même titre que la réserve de la police nationale.
Imposer une nouvelle mission à cette réserve civile reviendrait à en dénaturer l’objet initial. La surveillance des personnes placées sous bracelet électronique, qui sont écrouées, ne peut être confiée qu’à des personnels de surveillance en activité et non à des réservistes, pour les raisons que je viens de vous indiquer.
Tel est l’objet de l’amendement n° 281.
M. le président. L'amendement n° 289, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les réservistes sont soumis au code de déontologie du service public pénitentiaire.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 289 vise, pour répondre aux craintes exprimées par un certain nombre de personnes, à soumettre les membres de la réserve civile pénitentiaire au code de déontologie du service public pénitentiaire.
Je rappelle que cette réserve sera composée exclusivement de volontaires, qui feront l’objet d’une sélection stricte, puisqu’ils devront remplir des conditions d’aptitude précisées par décret en Conseil d’État. En tout état de cause, un agent ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour un motif incompatible avec l’exercice des missions de la réserve ne pourra être engagé.
Les amendements identiques nos 82 rectifié et 222 tendent à supprimer la réserve pénitentiaire.
La commission a non seulement approuvé la création d’une réserve civile pénitentiaire, mais elle a étendu le champ des missions de cette dernière : alors que le Gouvernement avait simplement prévu des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, ainsi que des missions de coopération internationale, la commission a ajouté le contrôle de l’exécution des mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice.
La réserve civile pénitentiaire reposera sur le volontariat. Il en existe une dans bien d’autres corps de l’administration, notamment la police nationale, où elle est obligatoire. Dès lors, rien ne paraît devoir s’opposer à sa création.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 82 rectifié et 222.
L’amendement n° 83 rectifié a pour objet, d’une part, d’exclure toute participation de la réserve civile pénitentiaire à des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, d’autre part, de lui confier des missions d’insertion, de formation, d’encadrement des activités sportives et d’extractions.
Sur le fond, il apparaît pour le moins singulier à la commission de vouloir exclure toute participation de la réserve civile pénitentiaire à des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, notamment les tribunaux, et de lui confier des missions d’extractions des détenus, qui sont ô combien plus dangereuses et qui relèvent des compétences régaliennes de l’administration pénitentiaire. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 83 rectifié.
J’en arrive à l’amendement n° 281 du Gouvernement. Les mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice connaissent actuellement une forte croissance : le nombre des bracelets électroniques utilisés simultanément est désormais supérieur à 3 000 pour le placement sous surveillance électronique « fixe », le PSE, et d’une vingtaine pour le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM.
Le projet de loi pénitentiaire tend à favoriser largement le développement de ces mesures de surveillance électronique, notamment en créant l’assignation à résidence avec surveillance électronique, destinée à limiter le recours à la détention provisoire, et en posant le principe du placement sous surveillance électronique des personnes détenues condamnées à de courtes peines d’emprisonnement dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à quatre mois.
Le contrôle de l’exécution de ces mesures pourrait utilement être confié aux réservistes de l’administration pénitentiaire, car il ne les expose guère à des risques. Cela permettrait aux surveillants en activité de se consacrer à d’autres tâches, plus exposées.
Les personnes qui travailleront dans la réserve civile pénitentiaire sont encore jeunes. Mme Assassi pourrait en faire partie (Mme Éliane Assassi rit.), mais elle est l’une des rares ici, puisque l’âge de la retraite dans l’administration pénitentiaire est de cinquante-cinq ans, voire de cinquante ans, donc cinq ans plus tôt si les agents peuvent justifier de vingt-cinq années de service effectif. Il n’y a donc pas de réel problème d’incompatibilité physique, si je puis m’exprimer ainsi, pour exercer ce type de mission.
Les missions liées à la coopération internationale ne représenteront pas l’essentiel de la mission de la réserve pénitentiaire. Il ne reste donc que les fonctions de surveillance des bâtiments dépendants du ministère de la justice. C’est pourquoi il me paraissait réellement intéressant de prévoir que cette réserve civile pourrait se préoccuper en outre du contrôle du placement sous surveillance électronique.
J’entends les arguments avancés concernant la nature régalienne de ces fonctions. Mais où commence et où finit le caractère régalien ? Je serais tenté de dire, par exemple, que des fonctions d’extractions, visées par l’amendement n° 83 rectifié, me paraissent ô combien plus régaliennes que les missions de surveillance qui consistent à rester derrière un écran et à vérifier que la mise en place d’un dispositif d’alarme ne pose aucun problème.
On pourrait d’ailleurs très bien concevoir que cette réserve civile pénitentiaire soit cantonnée à ce rôle face à l’écran, et que les vérifications à domicile, missions plus régaliennes, soient effectuées par les personnels de l’administration, directement envoyés sur place.
« Les chants désespérés sont les chants les plus beaux… » Mes collègues de l’opposition ne sont pas favorables à la mise en place d’une réserve civile pénitentiaire, et le Gouvernement, quant à lui, souhaite limiter le champ d’action de cette réserve civile pénitentiaire à la portion congrue. Je pense pour ma part que, si l’on décide de créer cette réserve, il faut faire en sorte de lui donner des compétences plus nombreuses.
Je n’irai pas jusqu’à émettre un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement. Ce serait me donner à moi-même un avis défavorable, que je ne pense pas mériter sur ce point. Je me contenterai donc de m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour compléter l’argumentation de la commission, j’ajouterai que l’opération de pose d’un bracelet électronique peut se révéler dangereuse pour celui qui l’effectue, par exemple dans un quartier difficile. Quant à la surveillance électronique, on ne peut pas diviser la mission de sécurité et dire que les réservistes pourraient s’occuper de la surveillance devant les écrans mais qu’ils ne pourraient être envoyés sur place en cas de problème. Cela rendrait l’organisation et la gestion encore plus complexes.
En outre, je rappelle que, dans la police nationale, les réservistes ont pour mission, par exemple, d’accompagner le Tour de France. Ils ne sont pas chargés de missions de sécurité ou de missions régaliennes. Par conséquent, si le texte de la commission était adopté, les réservistes de l’administration pénitentiaire seraient les premiers à accomplir une mission régalienne.
Si l’on dit que surveiller n’est pas très compliqué, on en vient à considérer que la sécurité et la surveillance des personnes écrouées ne relèvent plus d’une mission régalienne, même si ces personnes sont dangereuses.
Or les personnes placées sous bracelet électronique mobile – une petite vingtaine, comme vous l’évoquiez – sont généralement des délinquants très lourds : l’expérimentation effectuée grâce au Sénat s’adressait en effet en premier lieu aux pédophiles, délinquants au profil généralement extrêmement dangereux.
S’agissant des amendements identiques nos 82 rectifié et 222, le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable, puisque la création de la réserve civile pénitentiaire constitue un élément fondamental dans l’effort de sécurisation des établissements, bâtiments et services relevant du ministère de la justice, les juridictions pour l’essentiel.
Aujourd'hui, le bilan que l’on peut tirer de l’expérimentation sur une durée de près d’un an est extrêmement positif. Les réservistes ont donné entière satisfaction à plusieurs égards, notamment par leur connaissance du milieu judiciaire, leur savoir-faire dans la gestion des incidents et de la sécurité.
Depuis 2006, l’expérimentation dans trois cours d’appel puis la généralisation de la mesure ont abouti à l’emploi d’environ cent quarante agents de sûreté chaque année.
Monsieur le rapporteur, vous évoquiez tout à l'heure les missions de coopération internationale pouvant être confiées à des personnes ayant cessé leur activité. Il ne me paraît pas déshonorant d’envoyer à l’étranger des directeurs, jeunes retraités, possédant des connaissances étendues et une grande expérience afin de contribuer à la promotion de l’action de la France au-delà de nos frontières.
M. Richard Yung. Pendant un an, soit, mais pas plus !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’amendement n° 83 rectifié appelle les mêmes observations de ma part, puisqu’il vise à confier des missions d’insertion et de probation à la réserve civile.
M. Richard Yung. Comme dans le Tour de France !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les missions d’insertion et de probation n’ont rien à voir avec l’accompagnement du Tour de France ! Elles sont extrêmement importantes non seulement pour la réinsertion des personnes détenues, mais également pour la sécurité de nos concitoyens. Par conséquent, laissons-les aux professionnels.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 83 rectifié.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 289.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 82 rectifié et 222.
M. Jean-Pierre Michel. Je soutiens les amendements nos 82 rectifié et 222, et notre groupe votera contre l’article 6.
Les débats qui viennent d’avoir lieu au travers de la présentation des amendements montrent la très grande incertitude relative à cette section du texte consacrée à la réserve civile pénitentiaire.
Qui sont les réservistes en question ? Quels seront leur statut et leurs moyens ?
Tout d’abord, puisque Mme le garde des sceaux nous dit qu’une expérimentation a déjà eu lieu, cela signifie que des retraités de l’administration pénitentiaire effectuent d’ores et déjà des tâches de surveillance. Comment ont-ils été recrutés ?
Sachant que l’expérimentation a été mise en place sans disposition législative à cet égard, pourquoi faut-il inscrire dans une loi le statut de cette réserve ?
Si c’est une nécessité, l’expérimentation en cours est totalement illégale et ne devrait pas avoir lieu. Sur quelles bases juridiques se fonde-t-elle ?
Il y a là une contradiction que je ne comprends pas, et je souhaite que Mme la ministre m’apporte quelques éclaircissements à ce sujet.
Ensuite, cette disposition constitue la sanction du manque de moyens de l’administration pénitentiaire. Lorsque les moyens sont insuffisants pour assurer toutes les missions nécessaires, il est fait appel aux retraités, que l’on appelle « la réserve ». Que feront-ils ? Pourront-ils exercer des missions de contrôle et de sécurité ? Non, nous dit-on.
En dépit du travail intense de la commission et surtout du rapporteur, l’article 6 est mal rédigé, car ce point n’a pas été approfondi.
En effet, les missions de contrôle et de sécurité sont des missions régaliennes, qui appellent des moyens, notamment la nécessité d’être éventuellement armé. Les réservistes auront-ils l’usage d’une arme pour exécuter, dans des conditions quelquefois très difficiles, ces missions de contrôle, de sécurité et de surveillance des personnes portant un bracelet électronique ? Auront-ils seulement le droit d’en porter une ? Vraisemblablement, non !
Le texte ne dit rien sur les moyens dont disposeront les réservistes.
Enfin, M. le rapporteur, n’ignorant pas que cet article est un embrouillamini très mauvais, nous objecte que les réservistes seront soumis au code de déontologie. La belle affaire ! Que cela signifie-t-il ?
Les réservistes seront-ils recrutés en application d’une loi et non pas d’une simple circulaire ? Mais il est vrai que pour Mme le garde des sceaux, « chef des procureurs », les circulaires ont presque force de loi ! J’y reviendrai ultérieurement dans le débat.
Les réservistes resteront-ils membres du corps des personnels de surveillance des établissements pénitentiaires ? Telle est la vraie question. Si la réponse est « oui », le code de déontologie s’appliquera naturellement. Dans le cas contraire, les réservistes ne pourront exercer aucune des missions de contrôle et de sécurité dévolues aux surveillants des établissements pénitentiaires. Il faudra leur en confier d’autres.
Tel est bien le sens de l’amendement n° 83 rectifié du groupe socialiste : si vous ne disposez pas des moyens suffisants, confiez aux réservistes des missions d’insertion – accompagnement, surveillance des activités sportives, culturelles et du travail en prison – qui n’exigent pas le port d’une arme, puisqu’il ne s’agit pas de missions de sécurité et de contrôle. Une telle disposition permettrait de pallier le manque criant de personnel à l’intérieur des prisons. Mais vous n’y êtes pas favorables.
Quant à confier aux réservistes des missions dans le cadre de la coopération internationale, pourquoi pas ? On peut les envoyer à l’étranger dispenser des cours pour présenter l’administration pénitentiaire française, qui, même si elle est « une honte pour la République », selon les termes du président Hyest, est tout de même meilleure que celle de certains pays.
Telles sont les raisons pour lesquelles il faut à tout prix voter l’amendement n° 82 rectifié et les suivants, qui visent à supprimer toute cette partie du texte consacrée à la réserve civile pénitentiaire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons indiqué dans le rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France que les prisons françaises étaient une humiliation pour la République.
Mais je n’ai jamais, au grand jamais, mis en cause les personnels ; bien au contraire, j’en ai toujours fait l’éloge, parce qu’ils exercent un métier extrêmement difficile.
M. Jean-Pierre Michel. J’ai parlé un peu rapidement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme votre phrase était pour le moins ambiguë, mon cher collègue, je tenais à le rappeler de façon très claire.
M. Jean-Pierre Michel. Je vous en donne acte !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. La création d’une réserve civile pénitentiaire me paraît une bonne idée. En tout cas, elle vaut la peine d’être expérimentée, car il est intelligent de ne pas se priver des compétences de personnes encore relativement jeunes, qui ont été sélectionnées sur des bases non contestables, puisqu’il s’agit de recourir non pas à des personnes n’ayant jamais exercé cette profession auparavant, mais à d’anciens agents ayant fait leur carrière dans l’administration pénitentiaire. C’est donc plutôt une bonne chose.
Le statut des réservistes est précisé dans le projet de loi. Quant à la question de savoir s’ils feront partie du corps des personnels de surveillance des établissements pénitentiaires, il faudra apporter une réponse à cet égard.
S’agissant du port d’armes, contrairement à notre collègue Jean-Pierre Michel, j’avais compris, pour ma part, qu’il ne posait pas de difficultés pour les réservistes.
En effet – et là, je m’oppose à l’un des arguments avancés par le Gouvernement pour justifier la réserve –, la mission qu’il est proposé de confier à la réserve est à mon avis régalienne. On ne peut affirmer que certains aspects de la mission sont régaliens, alors que d’autres aspects ne le seraient pas ! C’est tout ou rien ! Dans la mesure où les réservistes exerceront une mission qui leur sera confiée par l’État, par la puissance publique, leur statut est régalien.
Je souhaite également soulever un autre point important. S’agissant des bracelets électroniques mobiles, nous sommes encore dans une phase expérimentale de ce dispositif attendu par tout le monde depuis longtemps. Dans sa phase actuelle de montée en puissance, ce dispositif nécessite une vigilance particulière, car le moindre incident déclencherait des remous dans l’opinion.
Par conséquent, nous ne devons pas prendre le moindre risque concernant le suivi des bracelets électroniques fixes et a fortiori mobiles.
Dans la mesure où les réservistes exerceront leur profession à temps partiel – j’ai compris que ce serait un petit mi-temps –, il y a un risque de distension de leurs liens avec la hiérarchie et, peut-être, de relâchement disciplinaire, risque qui existe moins chez le personnel pénitentiaire travaillant à temps plein.
C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 281 du Gouvernement me paraît judicieux. Si, plus tard, il faut attribuer aux réservistes des missions complémentaires, nous le ferons, mais, dans un premier temps, ne leur confions pas le suivi des personnes portant un bracelet électronique.