M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le Premier ministre, je crois que, au point où nous en sommes, et avant l’intervention du chef de l’État, vous êtes le responsable le mieux indiqué pour éclairer notre assemblée sur les intentions du Gouvernement face la situation d’extrême urgence que connaissent la Guadeloupe et la Martinique.
En effet, depuis un mois, la Guadeloupe est en situation de crise grave, une crise pour laquelle on ne voit, à l’heure actuelle, aucune issue se dégager. Pis, depuis trois jours, nous constatons sur place l’apparition de la violence : le grand mouvement de mobilisation et de protestation populaire se poursuit, mais, désormais, il se double d’une situation quasi insurrectionnelle, voire franchement insurrectionnelle. Nous assistons en effet à des phénomènes de guérilla : affrontements entre jeunes et forces de l’ordre, barrages routiers, tirs à balles réelles. Nous avons ainsi eu à déplorer des blessés graves et, depuis hier, un mort ! Je tiens d’ailleurs à saluer ici la mémoire de cette personne.
Comment en est-on arrivé là ? Les élus guadeloupéens n’ont pourtant pas cessé d’adresser au Gouvernement des messages d’alerte. Tout récemment, à la suite du déclenchement du mouvement par le LKP, j’ai moi-même mis l’accent sur le sérieux, la profondeur et la portée des revendications.
Monsieur le Premier ministre, plus personne ne peut ignorer que cette crise révèle le profond malaise qui habite la population guadeloupéenne. Il est l’expression d’une crise sociale et économique, certes, mais aussi identitaire. Vous devez donc y répondre dans sa dimension plurielle.
Il faut d’abord prendre des mesures d’urgence, celles qui permettront aux Guadeloupéens de vivre dignement au quotidien et de faire face à la vie chère. Et puis, dans un second temps, votre gouvernement et ceux qui lui succéderont devront témoigner plus de respect, plus de considération, plus d’intérêt envers les populations de l’outre-mer. Le temps est venu d’en finir avec les vieux clichés !
Mais revenons à l’urgence et à ce qu’il convient de faire pour débloquer au plus vite une situation devenue dangereuse ! Comme les Français de l’Hexagone, mais dans des proportions bien plus grandes, les Guadeloupéens sont confrontés à une dérive des prix telle qu’ils ont désormais la certitude d’être spoliés dans leur pouvoir d’achat par une oligarchie économique et tout un système d’approvisionnement qui, jusque-là, semble aussi bénéficier de la passivité, sinon de la caution des services de l’État. Cela n’est plus acceptable ! Cela doit cesser au plus vite !
Monsieur le Premier ministre, entendez-vous mettre enfin à plat le dossier de la formation des prix en outre-mer et faire cesser l’exploitation outrancière dénoncée par le LKP ?
Mes chers collègues, pour bien comprendre la situation, il suffit de procéder à un petit calcul relativement simple : en métropole, un SMIC permet d’acheter 625 paquets de pâtes alimentaires, alors que ce même SMIC, en Guadeloupe, ne permet d’en acheter que 416 !
M. Jean-Louis Carrère. Deux minutes trente !
M. Daniel Marsin. Cela montre bien l’injustice à laquelle nous sommes confrontés. La revendication d’une hausse des salaires de 200 euros nets est donc légitime puisqu’elle correspond précisément au rattrapage de cette injustice.
Alors, monsieur le Premier ministre, après un mois de crise, de manifestations et de blocages, que comptez-vous faire pour débloquer la situation autrement que par une réponse policière et pour renouer, enfin, le fil du dialogue ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Daniel Marsin. Ce matin, sur une radio, vous avez annoncé une réponse à la revendication des 200 euros pour les bas salaires : pouvez-vous la confirmer et la préciser devant la représentation nationale ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, la crise sociale grave que traverse la Guadeloupe est, vous venez de le rappeler, une crise ancienne. Elle tire ses origines dans l’organisation de l’économie dans l’île, et cela vaut d’ailleurs pour tous les départements d’outre-mer. Cette crise est aggravée, mais aggravée seulement, par la crise mondiale.
Voilà quelques jours, nous avons vu la violence se déchaîner sur l’île de la Guadeloupe. Un homme est mort. Je veux naturellement condamner ce meurtre devant vous et vous indiquer que les responsables de ce meurtre seront poursuivis et jugés, car rien ne justifie que l’on tire sur un homme qui exerçait une fonction de syndicaliste dans des conditions parfaitement légales. Pendant plusieurs semaines, le mouvement s’est en effet déroulé de façon tout à fait pacifique, en utilisant les moyens d’expression reconnus par la Constitution : la grève et les manifestations. C’est à partir du moment où des barrages ont été dressés et des attaques ont eu lieu contre des commerces et entreprises que la violence s’est déchaînée.
Cette crise, depuis le premier jour, l’État cherche à la résoudre. M. le secrétaire d'État à l’outre-mer s’est rendu en Guadeloupe et a réussi à négocier avec le Collectif 131 réponses sur les 132 questions qui étaient posées par le Guadeloupéens. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Parmi ces réponses, certaines sont évidemment très importantes, y compris sur le plan financier. Je pense à la question du prix de l’essence. Je ne suis pas sûr que tout le monde dans cet hémicycle sache que, désormais, grâce aux mesures qui ont été prises, l’essence est moins chère en Guadeloupe qu’en métropole ! (Mme Lucette Michaux-Chevry applaudit.)
Parmi les autres décisions très importantes, je citerai la mise en œuvre anticipée du RSA, qui sera appliqué dès 2009 alors qu’il avait été prévu qu’il le serait en 2011, ou les mesures destinées à aider les familles, notamment le gel des loyers pour les plus modestes d’entre elles.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut faire la même chose en métropole !
M. François Fillon, Premier ministre. Il est vrai, cependant, que nous butions depuis plusieurs semaines sur la question des salaires.
Le collectif réclame une augmentation salariale dans le secteur privé. Nous avons indiqué que, naturellement, nous étions prêts à relayer leur demande et à faire en sorte qu’une médiation soit mise en place, mais que l’État ne pouvait en aucun cas se substituer aux entreprises et payer à leur place l’augmentation demandée.
Qui peut raisonnablement réclamer que l’État assure intégralement la compensation des augmentations de salaire dans les entreprises privées ? Personne ! Et réclamer cela n’est pas faire preuve de responsabilité !
Les médiateurs que nous avons envoyés sur place voilà plusieurs jours, travaillant avec le patronat d’un côté et avec le collectif de l’autre côté, ont réussi à élaborer une proposition qui a été mise à quinze heures – à l’instant, donc – sur la table des négociations.
Pourquoi a-t-il fallu des médiateurs ?
M. René-Pierre Signé. Parce que vous n’y arriviez pas !
M. Didier Boulaud. Parce que c’est la mode !
Un sénateur du groupe socialiste. Pareil pour les enseignants-chercheurs !
M. François Fillon, Premier ministre. La raison est simple, et vous la connaissez mieux que quiconque, monsieur le sénateur : il s’agit d’une île où il est assez rare que le patronat et les organisations syndicales se parlent, leurs relations passant plutôt par l’affrontement et par la violence. Il n’y a pas de tradition de dialogue social…
M. Jean-Luc Mélenchon. Patronat vorace !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Patrons voyous !
M. François Fillon, Premier ministre. …et nous nous sommes efforcés de créer les conditions pour qu’un tel dialogue se noue.
La proposition qui est faite est nouvelle et porte, d’une part, sur des augmentations très significatives des salaires, en particulier des bas salaires, à la charge du patronat. Je reconnais qu’il a fallu un certain temps pour réussir à obtenir cet accord, mais, d’autre part, nous avons proposé que ces augmentations s’accompagnent d’un calcul différent du revenu de solidarité active, non seulement en Guadeloupe, mais aussi, évidemment, dans l’ensemble des départements d’outre-mer.
Cela assurera la compensation que vous évoquiez, monsieur le sénateur, en attendant que nous soyons capables d’engager tous ensemble – et ce sera l’objet de la réunion qui aura lieu ce soir sous la présidence du Président de la République – une réflexion profonde en vue de donner aux départements d’outre-mer des structures économiques, et peut-être aussi institutionnelles, permettant d’éviter la situation que vous avez justement dénoncée et dont vous conviendrez tous avec moi, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’elle n’existe pas depuis quelques mois seulement. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux indiquer en cet instant que, devant l’inquiétude exprimée par l’ensemble de nos collègues sénateurs des départements d’outremer et compte tenu de l’attention que notre assemblée porte à nos compatriotes de ces départements, la conférence des présidents a décidé, à l’unanimité, de faire droit à la proposition de l’ensemble des présidents des groupes politiques de mettre en place une mission commune d’information chargée d’évaluer la situation des départements d’outremer et de faire toutes propositions pour des solutions de moyen et de long terme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
réforme de la taxe professionnelle
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Madame le ministre, le Président de la République a annoncé, le 5 février dernier, la suppression de la taxe professionnelle. Cette décision a suscité une certaine perplexité chez la plupart des observateurs, à commencer par les élus locaux que nous sommes.
Lundi, M. le Premier ministre a annoncé qu’en dépit de cette suppression le niveau des ressources des collectivités locales serait maintenu. Cette promesse est rassurante,…
M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle est même inquiétante !
M. Robert Hue. Vous croyez au père Noël !
M. Jean Boyer. … mais l’enchaînement des annonces soulève tout de même de nombreuses questions et des craintes que j’aimerais, madame la ministre, relayer devant vous.
La taxe professionnelle représente pour bon nombre de collectivités une source de recettes fiscales très importante.
M. Robert Hue. En moyenne, 47 % !
M. Jean Boyer. Elle est souvent un levier incontournable au service de développement local.
Cette annonce pose deux problèmes, l’un sur la forme et l’autre sur le fond.
Sur la forme tout d’abord, la suppression de la taxe professionnelle semble avoir été décidée sans attendre les conclusions du comité présidé par M. Édouard Balladur, dont le travail, encore en cours, doit notamment conduire à des recommandations sur l’avenir des finances locales.
M. Bernard Frimat. Eh oui !
M. Jean Boyer. On parle souvent de codécision ; c’est une notion à laquelle nous devons penser.
Sur le fond, la suppression de la taxe professionnelle pose un problème de chiffrage précis. On parle de 8 milliards d’euros qui devront être compensés,…
M. René-Pierre Signé. Par les contribuables !
M. Jean Boyer. … parfois de 11 milliards, voire de 22 milliards.
De plus, en abolissant la taxe professionnelle sur les équipements bruts mobiliers et en la conservant sur le foncier professionnel, on créera une forte distorsion entre les territoires. Quel sera donc le périmètre exact de la suppression qui sera retenu afin de ne pas créer trop d’inégalités ?
En tout état de cause, cette mesure pose le problème de la compensation pour les collectivités. Les solutions proposées, telles que la taxe carbone…
Mme Nicole Bricq. C’est du vent !
M. Jean Boyer. …ne semblent pas, pour l’instant, très pérennes et la taxe carbone sera de toute façon dégressive.
À un moment où l’on souhaite miser sur l’investissement public, et notamment sur celui des collectivités, pour sortir de la crise, on pourrait avoir l’impression que celles-ci sont ignorées ; si j’étais excessif, je dirais même brimées !
Ma question est donc simple : pouvez-vous, madame le ministre, nous dire très concrètement quel est le moyen de remplacement des ressources des collectivités le plus juste possible et quelles pistes de compensation sont envisagées ?
Les relations entre l’État et les collectivités constituent un sujet récurrent et primordial au sein de notre assemblée. Il faut qu’elles soient claires, justes et transparentes. À partir de là, madame le ministre, chacun pourra et devra assumer ses responsabilités au service de notre pays.
M. le président. La parole est à madame la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, nous sommes les seuls en Europe à avoir un impôt qui pénalise ceux qui investissent et qui épargne, au contraire, ceux qui se contentent d’importer. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Il y a une taxe professionnelle en Allemagne !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C’est une pénalisation que, à l’évidence nous ne pouvons plus supporter, et le Président de la République avait depuis longtemps déjà…
M. René-Pierre Signé. Il n’y a pas si longtemps qu’il est Président de la République !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …indiqué – et il l’a répété récemment – qu’il fallait aller vers la suppression de la taxe professionnelle.
Plusieurs sénateurs socialistes. Qui l’a inventée ?
M. Jacques Mahéas. Chirac en 1975 !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Elle a été inventée voilà des années et je constate, messieurs, que vous ne l’avez pas modifiée pendant que vous étiez au pouvoir !
M. Jean-Pierre Sueur. Dominique Strauss-Kahn avait supprimé la part « salaires » !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous en êtes donc tout autant responsables ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations non moins vives sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Et vous, vous n’avez pas supprimé les 35 heures !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il convient par conséquent, pour protéger la capacité d’investissement des collectivités locales, qui est en effet un facteur très important de l’activité économique dans notre pays, de prévoir une compensation.
Le Premier ministre a annoncé qu’il y aurait une compensation intégrale du manque à gagner pour les collectivités,…
M. Jean-Pierre Sueur. Comment ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … soit environ 22 milliards d’euros.
Comment ? Il s’agira d’abord d’une compensation par d’autres systèmes d’imposition protégeant l’autonomie financière des collectivités locales,…
M. Jean-Pierre Sueur. Lesquels ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …ce qui répond à une revendication également importante.
Connaissant le volume, sachant qu’il doit y avoir un transfert…
M. René-Pierre Signé. Vers les contribuables !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …et qu’il doit y avoir préservation des finances des collectivités locales, c’est en effet en fonction des résultats des travaux de la commission Balladur que nous allons déterminer quels types d’impôts pourront être transférés en compensation pour les collectivités locales de leur manque à gagner. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Tout cela va être examiné en étroite concertation avec les associations d’élus,…
M. Didier Boulaud. Comme d’habitude !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …conformément à la règle générale, et aussi, bien entendu, avec le Parlement.
M. Didier Boulaud. Concertation piège ! Concertation bidon !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ainsi, nous aurons, dans quelques semaines au plus, l’occasion de débattre dans le détail des propositions que nous vous soumettrons pour compenser intégralement le manque à gagner des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Bravo !
M. Jean-Luc Mélenchon. Bravo pour quoi ? C’est absurde : vous ne savez même pas qui va payer !
M. le président. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, même si, à en croire le document qui nous a été distribué par le service de la séance, il ne souhaite apparemment pas répondre à l’opposition d’outre-mer…
La Guadeloupe est, depuis un mois, en proie à un mouvement social d’une ampleur sans précédent et qui est en train de connaître un développement d’une exceptionnelle gravité puisque l’on doit déjà déplorer la mort d’un homme.
À mon tour, je veux adresser à sa famille, à ses proches et au peuple guadeloupéen un message de sympathie et de solidarité.
La Martinique connaît, elle aussi, depuis plus de dix jours, un mouvement syndical et citoyen de revendications sans précédent.
En réalité, on le voit bien, ce sont les quatre départements d’outre-mer qui ne peuvent plus supporter en silence les effets d’une crise sociale se caractérisant non seulement par des taux de chômage, notamment des jeunes, qui constituent de tristes records d’Europe et un pourcentage de RMIstes cinq fois supérieur à celui de l’Hexagone, mais également par un coût de la vie atteignant des niveaux inacceptables.
Cette crise, il faut le souligner, ne peut être considérée comme un simple effet de la crise financière et économique mondiale actuelle. Il s’agit d’une crise dont les racines sont anciennes, et Dieu sait que nous avons été un certain nombre à multiplier, y compris ici même, les cris d’alarme et les mises en garde !
M. René-Pierre Signé. Ils sont sourds !
M. Claude Lise. Hélas ! nous nous sommes toujours heurtés à un mur de surdité !
Il s’agit d’une crise structurelle profonde, qui dépasse de loin une simple crise sociale. Il s’agit d’une véritable révolte des citoyens d’outre-mer contre la condition qu’ils subissent depuis trop longtemps dans des sociétés encore largement structurées par un passé colonial, des sociétés extrêmement inégalitaires, marquées par beaucoup trop d’abus, d’injustices et, disons-le aussi, de discriminations et d’atteintes à la dignité des personnes.
Je ne reviendrai pas sur les différentes erreurs commises par le Gouvernement dans la gestion de la crise ni sur le silence assourdissant du Président de la République. (Nombreuses marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Ce qui importe maintenant, c’est de savoir si le Gouvernement a enfin pris la mesure des enjeux – cela ne semble pas être le cas pour l’instant – et compris la nécessité de s’engager dans la recherche d’une issue pacifique aux mouvements en cours, en renonçant à tout recours à une répression dont on ne connaît que trop les conséquences.
Dans ce cadre, le Gouvernement a-t-il pris la mesure du caractère inadapté de l’actuel projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer ?
Est-il prêt à aller vers une réécriture de ce texte dans la plus large concertation, à dégager de nouvelles marges de manœuvre financières, à prendre en compte d’indispensables amendements et à répondre néanmoins, d’urgence, à un certain nombre de revendications légitimes portées par les collectifs de Guadeloupe et Martinique, singulièrement en matière de vie chère, de pouvoir d’achat, de contrôle des prix ou encore de logement social ?
Par ailleurs, le Gouvernement va-t-il respecter les engagements déjà pris avec les syndicats et le patronat, notamment en Guadeloupe – point auquel mon collègue Jacques Gillot tient beaucoup – dans le cadre du préaccord négocié le 8 février dernier sur la revalorisation des bas salaires, grâce à des allégements de charges sociales destinées aux très petites entreprises ?
Enfin, au-delà de la réponse à l’urgence, le Gouvernement est-il prêt à engager une réflexion approfondie avec les élus et les forces vives de nos pays…
M. Dominique Braye. Temps de parole dépassé !
Mme Éliane Assassi. Un peu de pudeur et de respect, monsieur Braye !
M. Claude Lise. … pour repenser les modes de développement ainsi que les modalités des rapports entre l’État et les départements d’outre-mer dans le cadre d’indispensables réformes institutionnelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Lise, je ne refuse pas de répondre à l’opposition et il me semble que nous avons d’ailleurs eu l’occasion de nous entretenir à plusieurs reprises. Je suis même allé deux fois dans votre département et je crois avoir tenu tous les engagements que j’y avais pris. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Bien entendu, nous partageons le constat que vous faites de la situation, et c’est bien parce que nous le partageons que nous avons depuis un an mis en chantier le projet de loi pour le développement de l’outre-mer, dont le Sénat va débattre dans quelques jours.
Encore une fois, ce constat ne date pas d’aujourd'hui, vous le reconnaissez avec moi. Il est lié à une structure économique. Il est peut-être lié aussi à une organisation institutionnelle qui mérite d’être réformée.
Vous me demandez si nous sommes prêts à aborder ces deux sujets. Ce sera l’objet de la réunion qui va avoir lieu tout à l'heure et à laquelle vous allez participer. Nous sommes prêts à tout mettre sur la table. Nous verrons d’ailleurs à cette occasion si l’ensemble des élus d’outre-mer sont prêts aussi à accepter les changements qui sont nécessaires,…
M. Dominique Braye. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. …en termes d’organisation et de structures économiques, pour assurer l’avenir de l’outre-mer.
En attendant que ce débat puisse s’engager, nous allons tout faire, monsieur le sénateur, pour répondre à l’urgence de la crise sociale qui se déroule en Guadeloupe et, naturellement, les mesures que nous prendrons seront étendues aux trois autres départements d’outre-mer.
Vous m’avez demandé, monsieur le sénateur, si le Gouvernement était prêt à tenir les engagements qu’il aurait pris de compenser l’intégralité des hausses de salaire par l’impôt. (Plusieurs sénateurs socialistes font des signes de dénégation.)
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Didier Boulaud. Il n’a pas dit cela ! Vous transformez !
M. François Fillon, Premier ministre. Par des allégements de charges sociales, ce qui revient à peu près au même ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Vous travestissez !
M. Jacques Mahéas. Travestissement !
M. François Fillon, Premier ministre. En faisant une telle suggestion, vous rendez singulièrement plus commode la position du patronat dans la négociation,...
M. Didier Boulaud. Vous entendez ce que vous voulez !
M. François Fillon, Premier ministre. ... car il n’a plus qu’à attendre que l’État dégage les sommes nécessaires pour accepter d’augmenter les salaires !
La réponse est non : je n’accepterai pas cette mesure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
S’il existe un problème de salaire aux Antilles, c’est par une négociation entre le patronat et les organisations syndicales qu’il faut le régler. Le Gouvernement est prêt à y apporter sa contribution, mais en aucun cas il n’acceptera que les augmentations de salaire dans les entreprises privées soient prises en charge par les contribuables. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous le faites depuis des années !