compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Saisines du Conseil Constitutionnel
M. le président. J’ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel deux lettres par lesquelles il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 février 2009, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d’une part, par plus de soixante députés, d’autre part, de demandes d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Les textes de ces saisines du Conseil constitutionnel sont disponibles au bureau de la distribution.
Acte est donné de ces communications.
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.
M. Jack Ralite. Ce matin, nous devions débattre de la deuxième loi relative à l’audiovisuel, la loi organique, dont je rappelle que la discussion fut, dans l’actuelle logique affolée du Gouvernement, d’abord déclarée d’urgence, avant de revenir à un statut normal, pour finalement disparaître de l’ordre du jour du Sénat. Je trouve l’attitude de la majorité de notre assemblée par trop marquée par le silence. Pourtant la déconsidération du Sénat ne tient pas à ces errances, même si certains veulent laisser son examen en souffrance.
Prenons le recours de notre groupe CRC-SPG devant Conseil d’État. Il était double : d’abord en urgence, ensuite sur le fond. Nous avons eu une première réponse : l’urgence n’est pas retenue parce qu’il est impossible de revenir en arrière ; il faudrait plusieurs mois pour rétablir, le cas échéant, la publicité, notre recours serait donc trop tardif. Autrement dit, la démocratie peut être laissée pour compte parce qu’il est trop tard ! Voilà une aberration grossière que nous devrions tous ici méditer…
Mais le Conseil d’État n’a pas écrit que cela. Il s’est déclaré compétent – c’est important ! – pour examiner au fond la légalité de la procédure retenue par le Gouvernement, procédure qui foule aux pieds les droits du Parlement. En effet, le Conseil d’État considère que la contestation des sénateurs du groupe CRC-SPG, « en l’état de l’instruction » – ce qui signifie que celle-ci se poursuit –, « ne paraît pas insusceptible de relever de la compétence de la juridiction administrative ». Par conséquent, le recours pour excès de pouvoir est jugé fondé et sera instruit : la légalité de l’acte de Mme Albanel n’est donc pas validée, à ce jour, par le Conseil d’État.
Le fait que le Conseil d’État ne se soit prononcé que sur l’urgence et n’ait retenu aucun des arguments de droit de la ministre, tout en poursuivant l’instruction sur le fond, est un premier avertissement pour le Gouvernement. C’est aussi, pour notre assemblée, la preuve que l’affaire n’est pas classée et qu’elle doit continuer à défendre, dans un même mouvement, son honneur et la démocratie.
Comme vous venez de nous en informer, monsieur le président, le groupe socialiste a, de son côté, saisi le Conseil constitutionnel : la question qui nous préoccupe tant est donc toujours posée !
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement, bien que son lien avec le règlement soit des plus ténus.
4
Mise en œuvre du Grenelle de l'environnement
Explications de vote et adoption d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (nos 42 et 165).
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà le ministre de la tempête !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, monsieur le rapporteur, Bruno Sido, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons à un moment assez particulier et solennel de la vie de notre pays en ce début de XXIe siècle.
Lors du débat démocratique qui a précédé l’élection présidentielle, l’ensemble des candidats à cette élection avaient pris note d’un appel de la société civile en faveur de l’ouverture d’une réflexion en profondeur sur les mutations du XXIe siècle – ce que d’aucuns ont appelé « le pacte écologique », ratifié par la quasi-totalité des candidats.
À peine élu, le Président de la République a choisi d’accomplir un geste de confiance et d’entreprendre cette radiographie en profondeur de la société française en réunissant cinq collèges – les représentants de l’État, les organisations syndicales, les entrepreneurs, toutes formes d’entreprises confondues, industrielles, de services, agricoles, les collectivités territoriales et les associations – pour bâtir une réflexion relative aux éléments économiques, de production et de consommation, à l’usage de nos territoires, à l’étalement urbain, aux problèmes d’eau, de traitement des déchets, etc. Au fond, il s’agissait d’évaluer les chances et les capacités de progrès économique et social dans un monde dont les ressources sont aujourd’hui globalement limitées, en tout cas restreintes et, dans un certain nombre de cas, abîmées.
Ce travail en profondeur a été accompli avec le concours de centaines, voire de milliers d’experts, plus de 20 000 participants aux débats de proximité en région, 15 000 contributions « lourdes » sur internet, parmi les contributions de 300 000 intervenants. Ce processus démocratique innovant partait de l’idée qu’une mutation aussi importante et complexe n’était réalisable qu’avec l’engagement de soixante-deux millions d’acteurs.
Mais notre démocratie comporte également un Parlement. L’ensemble de ce processus a fait l’objet d’un accord unanime de tous les acteurs et de tous les experts et, ensuite, s’est ouvert le temps du Parlement. Après l’Assemblée nationale, c’est maintenant au tour du Sénat de se prononcer solennellement, car c’est le Parlement qui, en dernier ressort, donne la feuille de route à la nation pour lui permettre d’entreprendre cette mutation.
J’ai résumé les grands objectifs de ce projet de loi de programmation. Bien sûr, il comprend un certain nombre de points normatifs, sur les chantiers de bâtiment, sur les transports, sur les déchets, sur la gouvernance : vous connaissez toutes ces dispositions. J’ai été frappé de voir à quel point le Sénat a pris le temps d’examiner sereinement ce texte, afin de mener à bien des discussions plus compliquées qu’il n’y paraît au premier abord. Quelque 850 amendements ont été déposés, dont un nombre important ont été adoptés, dans le respect des rôles du législatif et de l’exécutif. Le texte qui en résulte aujourd’hui offre une vision et une cohérence. Certains ont exprimé des inquiétudes, d’autres leur impatience, ce qui est bien normal.
La France est, aujourd’hui, dans un consensus républicain assez affirmé, le premier pays occidental qui accompagne à ce point la mutation de la prochaine décennie, dont l’incidence sur notre vie durera tout le demi-siècle à venir. Ne nous y trompons pas, le XXIe siècle ne sera pas la répétition du XXe siècle : il développera une autre économie, une autre façon de produire, de consommer, de respecter les espaces…
M. Jean-Louis Carrère. Ce sera le siècle du pouvoir d’achat !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Mais cette mutation n’est pas un retour en arrière ; il ne s’agit pas d’avoir peur de tout, de se recroqueviller ; il s’agit de mettre en place une croissance verte, une croissance heureuse, à la fois économiquement viable et respectueuse de notre environnement.
Tous les pays du monde s’engagent dans cette voie. J’observe simplement qu’ils le font souvent par des décisions venues d’en haut. Or le Grenelle a véritablement mobilisé l’ensemble de la population. C’est sa caractéristique, mesdames, messieurs les sénateurs, et le texte que vous vous apprêtez aujourd’hui à voter est la validation d’un processus démocratique le plus large possible, qui laisse toutefois le dernier mot au Parlement, ce qui est légitime.
Ce texte amorce donc de grandes mutations. Il a été enrichi par le Sénat, grâce aux très nombreux amendements qui ont été déposés par l’ensemble des groupes, tant par l’UMP, l’Union centriste, le RDSE, le groupe socialiste et les Verts que par le groupe CRC-SPG.
M. Roland Courteau. Amendements pertinents !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Un consensus républicain s’est, je crois, dégagé. Chantal Jouanno et moi-même avons beaucoup apprécié le climat d’écoute réciproque et respectueuse qui a prévalu, et qui a permis que soient défendues des visions qui, finalement, se sont révélées assez proches.
Dans cette période de crise importante que vit notre pays, je n’ai qu’un souhait, mesdames, messieurs les sénateurs : que ce texte reste une forme d’exception, une capacité que nous avons, nous, Français, à bâtir un consensus sur ce qui engage l’avenir de notre pays et celui de nos enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureuse que ma première expérience au Parlement ait eu lieu ici pour l’examen d’un texte aussi fort, que nous appelions d’ailleurs tous de nos vœux.
Nous avons passé environ cinquante heures ensemble, qui ne m’ont pas paru longues, loin de là.
J’ai apprécié la technicité des débats. Même s’il n’est pas habituel de mettre cet aspect en avant, cette technicité prouve que la complexité du sujet ne doit pas effrayer. En tout état de cause, il ne faut pas avoir peur de la complexité d’un sujet quand on doit prendre des décisions.
Je souligne que la commission a accompli un travail de fond extrêmement important sur ce texte.
J’ai apprécié le pragmatisme de vos positions. Le texte est sorti grandi de l’ancrage territorial dont il a bénéficié. En cela, le Sénat a joué tout son rôle. C’est un point très important parce que, si le projet de loi issu du Grenelle de l’environnement ne profitait qu’à Paris, nous n’aurions pas réussi à relever le défi auquel nous sommes confrontés. Le texte issu du Grenelle de l’environnement doit, par définition, être ancré dans nos territoires.
Le ministre d’État a bien souligné que plusieurs avancées avaient été réalisées grâce aux 263 amendements qui ont été adoptés pendant ces débats.
Certaines d’entre elles, qui me tiennent particulièrement à cœur, ont trait à la prévention des risques dans le domaine de la santé environnementale.
C’est le cas de l’introduction du carnet de santé du salarié, qui retrace ses expositions environnementales.
La création de postes de conseillers en environnement, très attendue, est un point extrêmement important.
Je me félicite également de l’information des consommateurs sur la présence de substances nanoparticulaires dans les produits.
En matière de maîtrise des déchets, plusieurs avancées ont aussi été enregistrées. Vous avez souhaité réduire de dix à cinq ans le délai pour la mise en place d’une tarification incitative. Vous avez introduit un censeur d’État dans les éco-organismes. Vous avez souhaité prendre en compte la dimension très spécifique des déchets d’ameublement.
Dans le domaine de la biodiversité, qui est aussi un sujet dont il faut parler davantage, vous avez souhaité avancer de 2020 à 2015 la date à laquelle 10 % des mers territoriales devront être protégées en outre-mer. Vous avez souhaité intégrer la question des produits phytosanitaires dans la protection des 500 points de captage les plus sensibles.
Il est un autre point que nous partageons : la prise en compte de la politique de l’herbe, la nécessité de protéger et de développer les prairies en France.
Je pense enfin à un point qui était aussi très attendu : la facilitation des procédures de mise sur le marché des préparations naturelles.
C’est finalement un message d’optimisme qui ressort des débats que nous avons eus. Il montre bien que nous avons franchi une étape. Aux Cassandre qui prédisaient que le Parlement allait détricoter le texte, vous avez prouvé que vous avez fait plus qu’adhérer aux ambitions du Grenelle, puisque vous les avez dépassées. Donc, ce texte est vraiment un beau message de soutien et d’optimisme dans le contexte actuel.
Grâce au vote qui va intervenir et dont vous avez voulu marquer le caractère solennel, nous allons probablement entrer dans une nouvelle ère. Soyez-en de nouveau remerciés ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que cette première expérience au Sénat a été particulièrement réussie et que la manière dont vous avez répondu aux questions a été fort appréciée par l’ensemble des groupes de notre assemblée.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà arrivés au terme d’un marathon parlementaire de cinquante heures environ, avec, me semble-t-il, de nombreux motifs de satisfaction.
Ce fut pour moi un honneur d’être rapporteur sur cet important projet loi. À cet égard, je remercie le président de commission des affaires économiques de m’avoir fait confiance.
Je remercie également mes collègues qui ont participé aux nombreuses auditions comme ceux qui ont pris part au débat en séance publique. Ce débat, très constructif, j’y reviendrai, nous a permis d’améliorer encore le texte.
Je tiens aussi à remercier toutes celles et tous ceux qui, tant au cabinet de M. le ministre d’État que dans nos services, ont énormément travaillé, m’ont très bien conseillé, et dont l’aide a été tout à fait profitable à la mise au point de ce texte.
Enfin, je voudrais également adresser mes remerciements aux très nombreuses personnes que nous avons auditionnées, qui ont consacré beaucoup de temps à nous apporter des explications importantes, parfois contradictoires. J’ai beaucoup appris dans ce domaine que je ne maîtrisais pas complètement et ces explications ont donc été très bénéfiques pour la suite de nos travaux.
Les débats ont été riches, denses et constructifs. Le Sénat a validé les principales conclusions du Grenelle et, surtout, respecté l’esprit du texte voté par les députés, tout en l’enrichissant significativement, puisque 263 amendements ont été adoptés.
Ces amendements concernent tous les domaines. Il s’agit notamment du rapport que le Gouvernement devra remettre très rapidement au Parlement sur l’impact de la généralisation de l’autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes accompagnée de la réduction de la vitesse à 80 kilomètres par heure et de l’interdiction de dépasser sur autoroute, ou encore de la création d’un carnet de santé des travailleurs. Rassurez-vous, je n’évoquerai pas tous les points qui ont été améliorés ici même.
Ces débats se sont déroulés dans une atmosphère très consensuelle, puisque, sur les 263 amendements adoptés, 117 viennent de la commission, 33 de l’UMP, 17 de l’Union centriste, 5 du RDSE, monsieur Fortassin, 86 du groupe socialiste (Exclamations sur les travées du groupe socialiste)…
M. Thierry Repentin. Ils méritaient d’être adoptés !
M. Bruno Sido, rapporteur. …et des Verts et 4 du groupe CRC–SPG. Parmi ces dispositions, je me félicite notamment que le Sénat ait adopté, sur l’initiative du groupe de l’Union centriste, l’obligation, dans les services de restauration collective de l’État, de recourir à des emballages réutilisables consignés pour les bières, les boissons gazeuses sans alcool et les eaux, ou encore, sur l’initiative du groupe socialiste, la création d’une instance chargée de garantir la transparence des expertises. Cette mesure me paraît fondamentale dans la société où nous vivons aujourd’hui.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Bruno Sido, rapporteur. Je tiens donc ici à remercier l’ensemble des groupes pour leur participation constructive et responsable à l’occasion de ces débats.
Je veux également, au terme de ce travail, remercier chaleureusement le président Jean-Paul Emorine de sa présence constante et de son appui à mes côtés. Sa grande expérience, beaucoup plus importante que la mienne, m’a été très précieuse tant en commission qu’en séance publique.
Enfin, monsieur le ministre d’État, je souhaite vous adresser également mes remerciements, ainsi qu’à vous-même, madame la secrétaire d’État et à M. Bussereau, aujourd'hui absent, mais qui connaît lui aussi particulièrement bien ces dossiers.
Vous avez apporté, tout au long de ces débats, votre grande compétence au service de ce projet de loi. D’ailleurs, cela s’est bien vu lors de la discussion de certains amendements dont la commission n’avait pas forcément saisi tous les enjeux et sur lesquels elle sollicitait l’avis du Gouvernement. C’était non pas pour « botter en touche », mais pour obtenir des informations supplémentaires que nous n’avions pas pu avoir auparavant, et cela a été très important pour nous.
Au final, le texte ambitieux que nous nous apprêtons à adopter témoigne de la volonté de la France d’être très volontariste sur le chemin du développement durable et de saisir la chance d’une économie durable et d’un nouveau progrès social et environnemental. Nous ne pouvons que nous en féliciter, mais il nous reste désormais, au-delà de l’affichage de l’ambition, à nous accorder sur les moyens les plus efficaces pour la mettre concrètement en œuvre.
Le Sénat sera amené, dans les prochains mois, à se pencher de nouveau sur ce sujet si important du développement durable. En effet, ce projet de loi nous reviendra en deuxième lecture, l’urgence n’étant pas déclarée, et nous examinerons également le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, qui, lui, a été déclaré d’urgence.
Nous reparlerons donc de ce projet de loi dit « Grenelle I », je l’espère, le plus rapidement possible, et nous entrerons dans le vif du sujet à l’occasion de la discussion du texte dit « Grenelle II ». Je ne peux que souhaiter, pour l’heure, que les débats sur ce texte se déroulent dans la même ambiance que celle qui a prévalu lors de l’examen du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. Roland Courteau. Nous aussi !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme de près de 50 heures de débat et après avoir examiné plus de 800 amendements et, peut-être, plus de 200 sous-amendements, nous voici parvenus au vote sur l’ensemble du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Je me félicite de la manière dont les débats - toujours riches et documentés - se sont déroulés tant en commission qu’en séance publique.
Je tiens à rappeler que la commission des affaires économiques, saisie au fond de ce projet de loi, s’est mobilisée, sur mon initiative, dès le début du processus de négociation innovant qu’a constitué le Grenelle de l’environnement, voulu par le Président de la République et lancé en juillet 2007.
À notre demande, le Gouvernement a accepté que le Sénat et l’Assemblée nationale désignent respectivement un représentant dans chacun des six groupes de travail. D’autres parlementaires y ont également participé, comme nos collègues Jean-François Le Grand et Marie-Christine Blandin, qui ont coprésidé le groupe de travail sur la biodiversité, soit comme représentants d’associations d’élus, comme nos collègues Dominique Braye et Paul Raoult.
Mais surtout, la commission a constitué, dès cette date, un groupe de suivi du Grenelle de l’environnement, composé de représentants de tous les groupes politiques et présidé par Bruno Sido. Ce groupe a auditionné les différents groupes de travail, préparé le débat en séance publique qui a été organisé en octobre 2007 sur le Grenelle de l’environnement et participé aux réunions de finalisation qui ont eu lieu à la fin du mois d’octobre 2008.
Une fois le projet de loi déposé par le Gouvernement, Bruno Sido a été tout naturellement choisi comme rapporteur et il a procédé à un travail considérable d’auditions et de réunions pour préparer son rapport et l’examen du texte en séance plénière.
Ces auditions étaient ouvertes à l’ensemble du groupe de suivi, ce qui a permis à chacun de prendre connaissance du texte et des enjeux qu’il portait.
Les parlementaires ont pu ainsi s’approprier ce projet de loi, qui constitue, s’agissant de la prise en compte de la préservation de l’environnement, notre feuille de route pour les dix années à venir.
Ce texte fixe les objectifs et un cadre d’actions qu’il nous faudra décliner lors de la prochaine étape, à savoir l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement.
Je me félicite, à ce sujet, du fait que le Gouvernement ait choisi de déposer ce projet de loi en première lecture sur le bureau du Sénat, car nombre de mesures proposées concernent nos territoires et les compétences des collectivités territoriales, qu’il s’agisse d’urbanisme, de transports collectifs, de gestion des déchets, de protection des espèces et des habitats, ou encore de gouvernance locale, au travers de la réforme des études d’impact et des enquêtes publiques.
Il nous faudra appréhender ce texte de manière pragmatique et réaliste, sans perdre de vue les enjeux de la « révolution écologique douce » incarnés par le Grenelle de l’environnement et salués par M. le rapporteur au début des débats.
En conclusion, je voudrais souligner, pour m’en réjouir, la qualité des débats et des relations de travail qui a prévalu depuis le début, tout d’abord au sein de la commission, grâce au travail de concertation conduit par le rapporteur, puis avec vous, monsieur le ministre d’État, et vos collaborateurs, tout au long de la préparation du rapport et du passage en séance plénière, avec M. Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, et avec vous-même, madame la secrétaire d’État, lors de la séance publique, qui a constitué votre baptême du feu, parfaitement réussi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen au Sénat du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement laisse une impression mitigée avec, d’un côté, les consensus autour des bonnes intentions exprimées et, de l’autre, les doutes et incertitudes quant à la faisabilité des objectifs et aux moyens financiers qui y seront consacrés.
Cette introduction résume l’état d’esprit qui est le nôtre au moment du vote, à caractère solennel, de ce texte. Cette loi de programmation vise, avant tout, à donner une tonalité écologique à une politique libérale qui, depuis toujours, a privilégié la rentabilité, le productivisme, les cadences infernales aux dépens de la santé humaine et de la préservation de l’environnement. Il existe en effet un espace important entre ce qui peut apparaître comme de l’intégrisme écologique, d’un côté, et rien, ou presque, de l’autre. Ce texte veut occuper cet espace.
La crise des énergies fossiles et le réchauffement climatique annoncé pèsent lourdement sur les consciences et les réflexions, y compris à droite. Aussi était-il devenu indispensable d’aborder sous un nouvel angle les grands sujets de société relatifs à l’énergie et au développement durable.
Le Grenelle I est empreint de généralités qui touchent au changement climatique, à la consommation énergétique des bâtiments, à la politique des transports, aux énergies renouvelables, à la recherche, à la biodiversité, à l’eau, à l’agriculture, à la pêche, à la forêt, aux déchets et à la pollution de l’air. Je ne voudrais pas oublier les dispositions spécifiques à l’outre-mer, lequel est actuellement confronté à une crise du coût de la vie qui n’est pas sans liaison avec une conception très libérale des échanges, des transports et de la distribution.
Certes, il a été reproché à ce texte composé de généralités et de bonnes intentions d’entrer parfois dans le détail de mesures et d’objectifs qui auraient dû relever du Grenelle II. Ce dernier sera examiné, à notre grand regret, dans l’urgence et ne traitera pas réellement de toutes les mesures de nature à nous convaincre du caractère réalisable des intentions.
Ma collègue Evelyne Didier a souligné à ce titre le manque de mesures fiscales structurantes concernant la santé, la protection des lanceurs d’alerte et la responsabilité sociale et environnementale. La multiplication de taxes plus pénalisantes qu’incitatives va se traduire, une fois de plus, par un alourdissement des charges au détriment des plus modestes, dans les domaines les plus divers du quotidien.
Prenons l’exemple des bâtiments, et singulièrement des habitations. Le particulier doit aujourd’hui satisfaire à de nombreux contrôles quand il transmet son bien : l’amiante, les termites, le plomb, le bilan énergétique et la mise aux normes dans le cadre des services publics d’assainissement non collectif, dont le coût dépasse souvent 5 000 euros par foyer. L’isolation des habitations est également très coûteuse. Qui sera le plus pénalisé par la contribution climat-énergie ?
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Gérard Le Cam. Qui pourra atteindre les 50 kilowattheures par mètre carré et par an sans que des mesures en faveur du pouvoir d’achat soient abordées et que la spéculation éhontée sur les terrains soit stoppée ou taxée ?
Quelles collectivités locales pourront assurer les programmes de rénovation et d’économie d’énergies si les dotations de l’État continuent de baisser,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Gérard Le Cam. …si la taxe professionnelle disparaît et si les communes, elles-mêmes, sont mises à mal quant à leur existence à l’issue des travaux de la commission Balladur ?
On nous demande également, à nous élus, de favoriser la consommation de produits issus de l’agriculture biologique dans notre restauration collective. Mais un repas « bio » coûte aujourd’hui le double d’un repas conventionnel ! (M. le ministre d'État fait un signe de dénégation.)
Qui paie la différence ? Ce ne sont pas les familles ; c’est donc le budget de la commune ou celui de la caisse des écoles.
Qu’attendez-vous pour proposer, à l’instar de ce qui s’est fait pour les produits laitiers via l’ONILAIT ou de ce qui est en train de se faire pour les fruits à l’école, la mise en place d’un organisme destiné à subventionner la consommation de produits « bio » au sein de la restauration collective ? Je remarque d’ailleurs que ce sujet est totalement absent du Grenelle II.
En ce qui concerne l’agriculture et son évolution, j’ai eu l’occasion de souligner, dans le débat, le caractère ambitieux, et parfois irréalisable, de certaines mesures en faveur de l’évolution de la surface consacrée aux cultures biologiques. Je salue cependant les intentions affichées en matière de consommation de produits phytosanitaires, et j’ose espérer que la recherche leur portera secours.
De lourdes contradictions demeurent cependant entre les objectifs du Grenelle et les grandes orientations agricoles définies pour la France, l’Europe et l’OMC.
À titre d’exemple, le découplage total vers lequel tend l’agriculture permet d’évoluer, au gré des spéculations, vers le plus rentable : tantôt on développe les agrocarburants, au détriment de la culture de céréales, ce qui provoque des famines à l’échelle mondiale ; tantôt, on assiste à des déséquilibres nationaux ou internationaux au profit de quelques cultures momentanément rentables. La gestion actuelle des aides ne devrait pas contribuer à conduire à des comportements vertueux. Il est ainsi significatif de constater que nos amendements visant à la sécurité et à la souveraineté alimentaires n’ont pas été adoptés. Le monde de l’« agro-business » et des spéculateurs a encore de beaux jours devant lui !
À propos des transports, on peut lire à l’article 10 : « La politique durable des transports donne la priorité en matière ferroviaire au réseau existant. Cette priorité s’appuie d’abord sur sa régénération, puis sur sa modernisation. » C’est ce qu’on peut appeler « du bricolage à pas cher » ! Où sont les 80 milliards d’euros nécessaires à la construction d’un véritable réseau de fret ferroviaire offrant une alternative efficace pour permettre le développement de transports durables ?