M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement doit être l’occasion de fonder les bases d’une nouvelle économie autour du principe du développement durable. La France en a besoin, le monde aussi. Il s’agit d’une question de société fondamentale. C’est pourquoi, compte tenu des enjeux, notre groupe au Sénat entend être un élément fédérateur et souhaite enrichir l’action du Gouvernement.
Le Grenelle de l’environnement ouvre des chantiers majeurs comme l’amélioration de l’efficacité énergétique de nos bâtiments, mais aussi l’évolution de nos modes de transport, en glissant progressivement du « tout automobile individuel » vers une approche plus collective du transport, à la fois urbain et rural, grâce au développement du ferroviaire.
Ces projets doivent se réaliser en adéquation avec les hommes de la France d’en bas, ceux qui, au quotidien, vivent dans un environnement qui doit s’améliorer non seulement par la volonté de l’État, mais aussi par celle de ses habitants.
Enfin, ce projet de loi fixe la volonté nationale de désengager notre économie du « tout pétrole ». Cela se justifie pour des raisons d’indépendance nationale et de géopolitique, mais aussi pour des raisons écologiques. Oui, notre, pays doit participer à ce nouveau défi mondial qu’est la réduction des gaz à effet de serre.
En outre, le déséquilibre entre la demande et l’offre de pétrole entraîne des prix toujours plus élevés et menace directement nos équilibres commerciaux et notre compétitivité économique.
Des études récentes ont montré que le trou constaté dans la couche d’ozone était en passe de se résorber, en partie grâce à l’action menée au niveau international pour bannir les aérosols. Voilà bien la preuve que nous avons les moyens d’inverser les tendances lourdes lorsque cela devient vital pour notre monde.
Aujourd’hui, ce sont l’ensemble des leviers dont dispose l’État – réglementaires, budgétaires et fiscaux – qui doivent être mobilisés au service de cette mutation d’intérêt général.
M. le ministre d’État a été, avec ses collègues Nathalie Kosciusko-Morizet et Dominique Bussereau, l’artisan, pour reprendre cette belle expression, de cette conférence des parties prenantes de l’environnement. Il s’agit là, vous le savez, de la conférence des différents acteurs de l’environnement, qui a réuni les collectivités territoriales, les syndicats, les entreprises et les associations au sein de plusieurs groupes de travail. Nous tenons à saluer le caractère innovant de cette démarche. Marcel Deneux l’a dit avant moi, je n’y reviens pas longuement.
Ce texte contient des dispositions intéressantes. Ainsi, il est prévu que la stratégie nationale de développement durable est élaborée par l’État et que le Gouvernement rend compte chaque année de sa mise en œuvre devant le Parlement. Mais comment prendre en compte les modifications permanentes des objectifs en fonction des événements géopolitiques et des percées technologiques à venir qui bouleverseront nécessairement ce projet de loi ?
Que restera-t-il des objectifs du Grenelle si nous vivons à nouveau une crise géopolitique profonde dans certains pays où la production de pétrole est déterminante ?
La France doit construire un projet responsable et cohérent. Ce projet doit être réaliste et appliqué avec bon sens, sinon, c’est chercher une aiguille dans une meule de foin sans même regarder la meule elle-même…
Les objectifs du Grenelle, ainsi que leurs moyens d’exécution, doivent être réactualisés régulièrement. Madame la secrétaire d'État, ne devra-t-on pas s’adapter en fonction de l’évolution de certaines réalités ? Ne devra-t-on pas aussi tout faire pour associer écologie et économie ? Cela me semble très important.
Certaines incohérences doivent être levées, notamment en matière de dates – faut-il retenir 2012, 2015 ou 2020 ? Le Grenelle de l’environnement ne peut être simplement une accumulation de mesures ; il doit être générateur d’un état d’esprit nouveau, un engagement partagé par tous les acteurs de la vie économique et sociale, afin de transformer progressivement notre façon de vivre dans un plus grand respect du monde qui nous héberge, du monde qui nous entoure, du monde qui est le nôtre. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, avec le Grenelle de l’environnement, dont nous discutons aujourd’hui la « programmation », le Gouvernement rend irréversibles un certain nombre de projets structurants pour notre territoire. Tel n’était pas le cas lorsque les mêmes décisions étaient prises dans le cadre de comités interministériels pour l'aménagement et le développement du territoire.
Il faudra sans doute veiller au respect des engagements pris sur le moyen terme et le long terme, mais je veux saluer ici l’important travail accompli, dans la plus grande concertation, parfois, contre toute attente, avec les acteurs concernés.
Le Grenelle de l’environnement ouvre des chantiers majeurs. Oui, il est bien urgent d’agir dans la lutte contre le changement climatique, comme il est urgent d’économiser notre énergie et de mettre en œuvre des solutions de substitution. Oui, la dimension environnementale doit être prise en compte comme une composante de notre politique de santé.
Pour autant, comme en toute chose, il faut définir un juste équilibre pour que les préoccupations environnementales ne nuisent pas au développement économique.
Si la concertation a été large, il semble toutefois que les professionnels du végétal et de l’énergie hydraulique aient eu le sentiment d’avoir été exclus des résultats du Grenelle, alors qu’ils proposaient des avancées parfaitement compatibles avec les objectifs fixés. Je souhaite donc poursuivre la discussion déjà engagée à l’Assemblée nationale sur ces sujets grâce à des amendements auxquels, je l’espère, le Gouvernement sera sensible.
Les transporteurs routiers, quant à eux, sont une profession très sensible, fragilisée et en voie de mutation par la force des choses, puisque d’autres modes de transport sont désormais privilégiés. La création d’une taxe kilométrique sur les poids lourds – l’éco-redevance – pénalise quelque peu des entreprises déjà très malmenées par la concurrence européenne et le cabotage. Il ne faudrait pas que cette taxe devienne, comme d’autres, un droit à polluer. D’une manière générale, il faut toujours privilégier la pédagogie et la prévention.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne pas expérimenter, comme le font plusieurs de nos partenaires européens, des véhicules plus volumineux sans polluer davantage ? J’ai déposé un amendement dans ce sens et un second visant à ce que les mesures d’accompagnement proposées dans ce texte bénéficient également aux chargeurs, pour des raisons d’équité.
J’en viens maintenant à l’aménagement du territoire, auquel, finalement, le Grenelle de l’environnement fait écho en privilégiant, notamment, le transport ferroviaire par le développement des lignes à grande vitesse.
Dans le cadre de la relance à court terme de notre économie, c’est une bonne chose que des financements aient pu être trouvés en faveur de quatre lignes de TGV, mais la relance doit aussi s’inscrire dans le moyen terme et le long terme. Permettez-moi, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, de proposer une approche pragmatique, réactive, efficace et, ainsi, de privilégier l’état d’avancement du projet et le désenclavement sur tout autre critère.
À cet égard, un principe de fongibilité pourrait être adopté entre les 2 000 kilomètres de lignes à grande vitesse à l’horizon 2020 et les 2 500 kilomètres supplémentaires.
À l’article 11 du présent projet de loi, il est indiqué que le maillage du territoire par les LGV sera renforcé, d’une part, pour relier les capitales régionales à Paris, d’autre part, pour les relier entre elles et assurer ainsi la connexion du réseau français au réseau européen.
Cela me paraît être un principe d’avenir pour l’ensemble de nos territoires.
La réalisation - enfin ! - d’une ligne de TGV Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon reliant trois capitales régionales avec Paris en est un exemple concret.
Ce projet ouvre de nouvelles perspectives à la fois pour le département du Cher et, plus largement, pour les régions Centre et Auvergne, ainsi que pour la partie ouest de la Bourgogne, aujourd’hui exclues des lignes à grande vitesse. Il s’inscrit parfaitement dans les lignes directrices fixées par le projet de loi.
D’ailleurs, je proposerai, avec plusieurs de mes collègues, des aménagements à ce texte pour faire valoir cette adéquation d’un projet, que nous sommes nombreux à défendre, visant à doubler la ligne Paris-Lyon, aujourd’hui saturée, tout en optimisant la gare d’Austerlitz, sous-exploitée, de telle sorte que l’aménagement du territoire se fasse de manière plus équilibré et profite à des zones défavorisées et en grande difficulté économique.
L’Association TGV Grand Centre Auvergne, que je préside, et dont votre collègue Brice Hortefeux est président d’honneur, attend beaucoup de ce débat parlementaire. Plusieurs de nos collègues députés sont déjà intervenus lors de la discussion à l’Assemblée nationale en octobre dernier.
La nouvelle rédaction de l’article 11 proposée par le Gouvernement a permis des avancées. Les amendements que je proposerai à cet article ne le dénaturent en aucun cas ; au contraire, ils visent à en clarifier quelques aspects.
Le Grenelle de l’environnement est donc un début de réponse à l’urgence et l’amorce d’un processus qui va sans cesse évoluer. Sans doute comporte-t-il des limites et des imperfections, mais l’essentiel est que soit impulsé un changement profond des logiques et des tendances actuelles.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, avec ces quelques amendements que nous avons déposés, auxquels, je l’espère, vous vous montrerez favorables, nous souhaitons vous aider à avancer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, mon intervention portera sur le volet « transports » de ce projet de loi.
Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 et promouvoir le transfert modal de la route vers les autres modes de transport constituent, de toute évidence, des objectifs louables, et nous les soutenons. De même, nous soutenons la volonté de donner aux autorités organisatrices de transport la possibilité de définir une politique globale de la mobilité durable. Enfin, il est fort opportun de reprendre les dispositions importantes de la proposition de loi que j’ai fait voter à l’unanimité dans cette enceinte voilà deux ans tendant à promouvoir l’autopartage dans les deux volets législatifs du Grenelle.
À cet égard, il serait souhaitable que cette proposition de loi soit enfin déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Mais, au-delà de ces déclarations de bonnes intentions, je suis au regret de dire qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. La traduction budgétaire de ces belles orientations n’est pas au rendez-vous !
Vous l’avez dit, le budget pour 2009 devait être la traduction du Grenelle pour la période 2009-2011. Or, comme l’avait justement souligné mon collègue Michel Teston lors de la discussion de la loi de finances, les crédits du programme 203, « Infrastructures et services de transports » et, plus précisément, ceux de l’action 10, « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires », sont loin de traduire concrètement les orientations du Grenelle de l’environnement.
En un mot comme en mille, les lettres sont belles, mais les chiffres, pour l’instant, ne suivent pas en loi de finances.
À ce sujet, permettez-moi de revenir sur un dossier particulièrement sensible non seulement pour nos grandes agglomérations, mais aussi, de manière croissante, pour nos agglomérations moyennes, à savoir les investissements nécessaires pour développer les transports en commun en site propre, les TCSP.
Le Groupement des autorités responsables de transports publics, le GART, estime qu’un minimum de 18 milliards d’euros devrait être investi à l’horizon des dix ans qui viennent. Après avoir annoncé dans un premier temps une aide de 4 milliards d’euros, l’État l’a réduite à 2,5 milliards d’euros. Encore faut-il défalquer de cette somme les 500 millions d’euros du plan Espoir banlieues, destinés au désenclavement des quartiers sensibles.
Dans le même ordre d’idées, et à plus court terme, l’appel à projets TCSP, dont la date limite de dépôt des dossiers est fixée au 31 janvier, qui concerne les projets susceptibles d’être mis en chantier rapidement, comporte une enveloppe de 710 millions d’euros, alors que le recensement effectué par le GART montre que, additionnés, les projets répondant à ces critères exigeraient plus de 1,1 milliard d’euros.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, nous le savons bien, dans le domaine des transports, la qualité de l’offre détermine très directement la demande et influe sur les choix modaux.
Considérant la part croissante que prennent les collectivités territoriales dans le financement des transports – le poids des transports dans les budgets des régions varie entre 20 % et 25 %, et s’élève même à 35 % pour l’Île-de-France –, il devient chaque jour plus urgent de rechercher de nouvelles sources de financement. À cet égard, on ne peut que regretter de voir combien la fiscalité environnementale se situe souvent en deçà des engagements ou, à tout le moins, des orientations que vous évoquiez vous-même au moment des discussions initiales du Grenelle.
Passons sur l’instauration de l’écotaxe sur les poids lourds qui a connu, il faut bien le reconnaître, un certain « retard à l’allumage ». En Alsace, dont je suis originaire, la mesure n’a toujours pas vu le jour, trois ans après l’adoption du principe de son expérimentation. De toute évidence, il conviendra de mettre en conformité la rédaction relative à l’instauration de cette écotaxe avec l’article 60 de la dernière loi de finances, c’est-à-dire de passer du « on pourra » au « il faudra ».
Je regrette surtout que les nouveaux leviers de financement proposés par le GART, qui ne figuraient pas dans le projet de loi de finances, ne se retrouvent pas davantage dans ce projet de loi, ni dans ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler le Grenelle II. Je pense en particulier au versement transport, qui constitue, vous le savez, un outil essentiel à la disposition des autorités organisatrices pour leur permettre de satisfaire leurs besoins de financement.
Pour faire face aux nouveaux défis des transports collectifs, des majorations spécifiques du taux plafond du versement transport devraient être rendues possibles dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants réalisant un transport collectif en site propre.
Il faut aussi, à mon sens, donner aux régions la possibilité de mettre en place un versement transport en dehors des périmètres de transports urbains, pour financer le développement des services régionaux de transport, comme l’avait du reste préconisé le comité opérationnel du Grenelle no 7 du transport urbain et périurbain. Cette ressource supplémentaire serait évidemment la bienvenue pour les régions, aujourd'hui étranglées par l’augmentation des charges qui résultent de leurs nouvelles compétences en matière ferroviaire.
La mise en place du versement transport régional aurait aussi pour effet – pourquoi ne pas le dire ? – de réduire les distorsions entre les entreprises selon qu’elles se situent, ou non, à l’intérieur d’un périmètre de transports urbains, un PTU. Cela faciliterait un meilleur équilibre territorial en termes de zones d’activité. Il n’y a pas de raison, en effet, qu’il y ait un versement transport à l’intérieur du périmètre d’une communauté urbaine, par exemple, et rien au-delà, alors que c’est précisément là où se posent avec le plus d’acuité les problèmes de desserte des zones d’activité.
À l’heure où les collectivités territoriales sont amenées à exercer des responsabilités plus importantes en matière de transports, il devient plus que jamais nécessaire de les aider à accéder à d’autres modes de financement. Taxation des plus-values foncières liées aux investissements dans les transports publics, dépénalisation du stationnement, péage urbain, part de TIPP, ce sont quelques-unes des pistes que le GART propose depuis longtemps, mais qui sont absentes du projet de loi. Nous défendrons plusieurs amendements allant dans ce sens.
J’en viens au transport fluvial. Là encore, le texte ne manque pas d’intentions louables. Il met en avant un plan de restauration et de modernisation du réseau fluvial. Un seul projet concret était mentionné dans la rédaction initiale, deux projets figurent dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Cela étant, nous avons besoin non pas d’une addition de projets, d’un canevas inachevé, mais bel et bien d’un schéma directeur des voies navigables en France et d’une planification d’ensemble des investissements que l’État est prêt à consentir.
En la matière, l’Europe attend beaucoup de la France et de son réseau fluvial qui est, avec ses 8 500 kilomètres de voies d’eau, le plus long d’Europe.
Telles sont, madame, monsieur les secrétaires d’État, les réflexions que votre projet de loi nous inspire en matière de transports. Nous vous proposerons bien sûr des améliorations mais, nous le savons tous, sans financements adéquats, le Grenelle de l’environnement restera largement en deçà des espérances qu’il a suscitées.
Comme le rappelait fort justement un ancien président du Conseil constitutionnel, « la loi n’est pas faite pour affirmer des évidences, émettre des vœux ou dessiner l’état idéal du monde. Elle est faite pour fixer des obligations » et, devrais-je ajouter, des objectifs précis.
Madame, monsieur les secrétaires d’État, c’est sur ce plan que le groupe socialiste attend des réponses et des mesures concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Madame, monsieur les secrétaires d’État, les riches travaux des différents groupes de travail du Grenelle de l’environnement, conduits sous la houlette de M. le ministre d’État, que je tiens à saleur à travers vous, trouvent dans le Grenelle I leur première traduction législative. Ce projet de loi sera suivi prochainement d’un second, le Grenelle II. Nous nous en félicitons, car nous l’attendions.
Comment ne pas se réjouir que les préoccupations environnementales apparaissent non plus comme des questions dogmatiques, qui empêchent tout développement, mais comme un autre moyen de penser l’économie ? L’économie doit prendre en compte les impératifs du développement durable. Les métiers de l’environnement offrent désormais de belles perspectives de croissance, j’en suis comme vous convaincu. C’est pourquoi il est devenu impératif d’adapter les formations éducatives et professionnelles à ces nouveaux secteurs créateurs d’emplois.
Je vais sans doute m’éloigner quelque peu de l’objet de présent texte, et je vous prie de m’en excuser, madame, monsieur les secrétaires d’État, mais je n’oublie pas pour autant que vous avez voulu, avec ce texte, donner un signal fort.
Je traiterai tout d’abord de l’urbanisme. Je tiens à saluer la politique de lutte contre la régression des surfaces agricoles et naturelles chaque jour entamées par l’urbanisation. Nos territoires doivent leur attrait certes à la diversité des paysages, mais aussi à la possibilité pour les agriculteurs d’y vivre ou de s’y installer. Le choix reste délicat entre les vocations naturelles du terrain : produire ou bâtir ?
Par ailleurs, l’agglomération devient l’échelle de référence pour l’établissement des documents de planification. Ce mouvement de mise en cohérence se fera sans doute au détriment des compétences des communes. L’urbanisme remonte d’un échelon par rapport aux lois de décentralisation de 1982. Le schéma de cohérence territoriale, le SCOT, devient de ce fait essentiel, en raison de la composition de ses instances. Il ne faudra pas l’oublier.
L’article 8 bis prévoit la possibilité de financer les transports par le biais de la participation pour voirie et réseaux, la PVR.
Je partage l’idée d’établir un lien entre l’ouverture à l’urbanisation et le développement des transports collectifs. Néanmoins la PVR, qui suffit à peine à réaliser les objectifs qui lui ont été assignés, ne me semble pas du tout adaptée au financement des infrastructures de transports dont les coûts d’installation sont particulièrement élevés. Je partage donc la volonté du rapporteur de supprimer cet article.
Madame, monsieur les secrétaires d’État, je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur l’inquiétude des élus concernant le nouveau dispositif de financement des raccordements aux réseaux électriques, en vigueur depuis le 1er janvier 2009. Cette réforme a notamment pour objectif de responsabiliser les élus locaux dans la lutte contre l’étalement urbain et le mitage en les pénalisant financièrement au travers de leur participation aux financements des extensions de réseaux.
Toutefois, le décret du 28 août 2007, pris en application de l’article 23-1 de la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité du 10 février 2000, a élargi la définition de l’extension en y incluant le renforcement, ce qui augmente notablement l’assiette de la contribution à la charge des communes.
Cela revient à transférer les coûts de renforcement sur les budgets des communes, contrairement à l’esprit du législateur qui a voulu que le renforcement soit financé au travers du tarif d’acheminement que tout usager acquitte via sa facture d’électricité.
Le décret précité mériterait d’être modifié pour devenir compatible avec la loi du 10 février 2000 précitée. Madame, monsieur les secrétaires d’État, je compte sur vos services pour trouver une solution efficace et juste.
Les trames vertes et bleues constituent un engagement fort du Grenelle de l’environnement en faveur de la biodiversité, mais aussi de la qualité des paysages. Leur élaboration se fera au travers des SCOT. Certaines collectivités territoriales du Calvados ont déjà commencé à travailler sur la mise en place de trames vertes ou bleues. Toutefois, de nombreuses questions restent en suspens quant aux modalités de prise en compte de la trame dans les documents d’urbanisme. J’espère que le Grenelle II permettra d’y apporter une réponse.
Madame, monsieur les secrétaires d’État, je souhaite attirer votre attention sur une difficulté concrète – hors sujet, sûrement ! – souvent rencontrée par les maires.
En l’état actuel du droit, il est possible de mettre en demeure les propriétaires riverains de voies communales et départementales de réaliser les travaux d’entretien nécessaires – traitement des racines, élagages des arbres, taille des haies –, mais aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit l’exécution d’office aux frais du propriétaire défaillant.
À l’inverse, sur les chemins ruraux, l’exécution d’office à la demande du maire peut se faire après une mise en demeure restée sans résultat. Une disposition réglementaire, l’article D. 161-24 du code rural, en dispose expressément.
Il serait donc utile pour nos collègues maires qu’une mesure équivalente figure dans la partie réglementaire du code de la voirie routière.
Madame le secrétaire d’État, en matière de publicité, la réforme de la loi de 1979 soulève de grands défis pour concilier la création, l’économie et la préservation des paysages. M. Hubert Falco et votre prédécesseur, Mme Kosciusko-Morizet, m’ont confié dernièrement une mission de réflexion sur ce thème dont les conclusions devraient s’inscrire dans le Grenelle II.
Dans le domaine de la publicité, beaucoup reste à faire, mais je rappelle que des règles existent. Les maires et, d’une façon générale, les pouvoirs publics les appliquent peu, ou mal. Certaines zones urbaines, notamment dans les entrées de villes, offrent un spectacle lamentable de pollution visuelle tant l’implantation des publicités, enseignes et préenseignes est anarchique. Une application plus rigoureuse de la loi s’impose.
L’article 36 bis qui, introduit par nos collègues de l’Assemblée nationale, vise à remplacer la simple déclaration par une autorisation, me semble inapproprié. C’est de plus l’une des rares mesures techniques de cette loi de programme à vocation générale. J’en proposerai donc la suppression.
De nombreuses mesures du texte prévoient un renforcement des dessertes par rail et la création de lignes à grande vitesse. L’amélioration du transport de passagers était nécessaire.
J’espère que la Normandie ne sera pas oubliée dans les projets ferroviaires en gestation. Je fais confiance à M. Dominique Bussereau sur ce point. Caen, métropole régionale, est moins bien reliée à Paris et à l’Île-de-France aujourd’hui qu’elle ne l’était voilà trente ans. C’est un triste constat. Les usagers sont exaspérés à juste titre et beaucoup d’entre eux prennent la route, avec les problèmes qui en résultent : pollution, accidents.
Je n’oublie pas la dimension de ce texte et je me réjouis des orientations qu’il propose. J’espère que nous saurons en faire un outil pour convaincre chacun de la nécessité de cette grande évolution dans notre façon de vivre. N’oublions pas que nécessité doit faire loi !
Je ne saurais conclure ce propos sans adresser mes félicitations à Mme et MM. les secrétaires d’État, pour avoir mené ce combat, et à notre rapporteur, pour le travail attentif qu’il a accompli avec la commission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous participons en ce mois de janvier 2009 à la discussion de ce que l’on appelle communément le Grenelle I, après un vote consensuel intervenu à l’Assemblée nationale en octobre 2008.
Ce texte emblématique est le fruit d’une longue procédure à laquelle j’ai eu l’honneur de participer en qualité de vice-président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France et de pilote du comité opérationnel consacré à la biodiversité, le COMOP « biodiversité ».
Ce vote un peu tardif est bouleversé par l’apparition d’une grave crise économique mondiale qui modifie sensiblement l’angle de vue sur la crise écologique.
Mais cette longue procédure de concertation avec les forces vives de la nation et les ONG a permis de faire émerger dans l’opinion publique la conscience de la gravité de la crise écologique mondiale à laquelle nous devons faire face.
C’est un mouvement de fond que le pouvoir politique se doit de prendre en compte.
Nous savons aujourd’hui que nous sommes dans un monde fini où les ressources naturelles sont limitées et qu’il faut donc les utiliser avec parcimonie. Sans tomber dans le catastrophisme facile et la sinistrose ambiante, j’affirme que c’est la survie de l’espèce humaine sur notre planète qui est en jeu.
Il nous faut donc bâtir un autre monde, qui mesure les limites de la science et de la technique et qui, sans oublier la justice sociale, se fonde sur d’autres valeurs, liées à la préservation de notre environnement et au développement durable.
Il nous faut assurer une véritable conversion intellectuelle et morale. C’est à un réel sursaut que nous sommes conviés, car le temps presse, même s’il n’est pas encore trop tard. C’est pourquoi, au-delà des apostrophes incantatoires, il faut une volonté politique forte pour assumer cette transition inévitable.
Ce projet de loi introduit pour la première fois dans un texte législatif les notions de trame bleue et de trame verte. Son but est d’enrayer la chute de la biodiversité. L’objectif est donc de restaurer les continuités, les connectivités écologiques des milieux naturels.
Afin de lutter contre la fragmentation des habitats naturels, il faut mettre en place de véritables réseaux écologiques, tout en s’appuyant sur les besoins de déplacement des espèces principales. Il convient d’essayer de limiter au maximum les ruptures, de raisonner en termes de maillage et de fonctionnalité des écosystèmes.
L’enjeu majeur sera donc de traduire ces objectifs dans les documents d’urbanisme : plan local d’urbanisme, ou PLU, et schéma de cohérence territoriale, ou SCOT.
Aussi, je souhaite que l’État donne davantage de moyens humains et financiers aux petites communes pour élaborer SCOT et PLU. Sinon, la trame verte et bleue restera lettre morte, ce qui serait regrettable pour la préservation des milieux naturels.
Nous ne devons jamais oublier que la trame verte et bleue représente une richesse économique et qu’elle rend des services au niveau du cadre de vie, des activités de loisirs, de l’alimentation des populations, en particulier en eau potable, et de la préservation quant au risque d’inondation.
Avouons que les solutions sont souvent difficiles à mettre en œuvre, surtout quand on a affaire à de grandes infrastructures linéaires de transport. J’ai cru comprendre, à travers les exposés des orateurs précédents, que chacun a un projet de transport linéaire dans sa poche, mais il faudrait faire attention à ce qui existe plutôt que de créer de nouvelles structures, alors que de nombreuses lignes sont mal entretenues.
Tout cela devrait se faire dans la concertation et la contractualisation les plus larges possibles. Quand on a un projet routier, il faut prendre en considération différents critères - largeur, vitesse, trafic, grillage, remblai, mur antibruit, nuisances sonores et éclairage par rapport au milieu naturel environnant.
Aussi faudra-t-il prendre au sérieux l’installation de passages pour les animaux, crapauducs ou autres, en fonction des connaissances scientifiques du terrain.
Le cas échéant, on peut se poser la question des compensations. Mais qu’est-ce qui est compensable en matière de biodiversité ?
On ne doit pas non plus oublier le danger que représentent les plantes invasives ou exotiques qui agressent nos écosystèmes et qui sont une menace permanente sur les écosystèmes atlantiques et méditerranéens.
Sera-t-on cependant capable de construire des servitudes contractuelles pour pérenniser le bon fonctionnement des milieux naturels ? Vaste question qu’il faudra négocier avec le monde agricole.
Il faut nous en convaincre, la trame verte et bleue est une véritable assurance sur la vie pour l’homme sur la planète Terre.
Nous devons donc intégrer plus qu’on ne l’a fait dans le passé une réflexion et une action pour le maintien des espaces et des espèces naturels, les espèces communes comme les espèces exceptionnelles ou rares, et faire l’inventaire des espèces menacées.
La trame verte et bleue pose aussi des questions fiscales et budgétaires qui sont loin d’être réglées dans vos propositions, madame la secrétaire d’État.
Mais la crise écologique peut être une chance pour notre développement économique. L’économie verte est créatrice d’emplois : 440 000 emplois directs pour les seules activités liées à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables, qui représentent un marché de 70 milliards d’euros d’ici à 2012, soit le double de 2007, au cours de laquelle 220 000 emplois directs ont été créés.
À l’heure d’une crise de l’emploi d’une violence inouïe, les travaux d’isolation des bâtiments, les infrastructures nécessaires à l’énergie renouvelable, les infrastructures de transports collectifs sont une chance qu’il faut absolument saisir, conforter et intensifier à l’avenir avec un appui financier plus fort qu’il n’est prévu.
Mais tout cela suppose des modifications dans nos comportements de consommateurs : acheter des voitures plus petites, plus économes, réfléchir à un meilleur dosage de l’éclairage public, en diminuant son intensité lumineuse. Aujourd’hui, 800 000 lampadaires à boule éclairent le ciel, mes chers collègues !
Nous devons aussi mesurer, réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre. Chaque Français émet neuf tonnes équivalent CO2 par an, contre dix-huit tonnes pour un Américain. Or les scientifiques estiment qu’il faudrait parvenir à moins de deux tonnes par habitant pour enrayer l’emballement de la machine climatique. Il reste encore, là aussi, beaucoup à faire ; la volonté politique sera-t-elle suffisante pour atteindre cet objectif ?
Dans notre vie de tous les jours, il faut mettre en œuvre une écologie concrète appliquée. Quand on veut acheter des produits courants en « bio », on est vite désarmé : cela va du biberon en plastique pour bébé aux couches recyclables et aux petits pots sans pesticides, en passant par le shampoing, les peintures ou les papiers peints.
Au-delà des mots, il faut une volonté réglementaire plus affirmée quand on sait que 45 % des légumes et 70 % des fruits contiennent des résidus de pesticides et que, respectivement, 7 % et 8,5 % d’entre eux dépassent les normes.
Oui, il faut aller vers une agriculture « bio » ou « orientée bio », mais il faut aider les agriculteurs dans leur formation et dans la construction de la « filière bio », afin de leur permettre d’en vivre décemment. Si on pouvait le faire en priorité sur les aires d’alimentation des champs captants, ce serait encore mieux. Il faut changer nos modes de production et de consommation, et le débat actuel sur la nocivité du Roundup montre que le sujet est brûlant.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons aujourd’hui que vous ayez la capacité politique de mettre en œuvre ces objectifs auxquels nous souscrivons dans l’ensemble. Mais ils devront être accompagnés de moyens financiers et humains bien plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Il faudra en outre résister aux nombreux groupes de pression, industriels et financiers, qui ne visent qu’à tirer le maximum de profit du court terme, en oubliant l’intérêt général du long terme.
À cet égard, la façon dont le plan de relance a été présenté m’inquiète énormément. Il ne faut pas céder aux demandes visant à assouplir telle ou telle règle, sous prétexte d’une mise en œuvre plus rapide. Cela ne peut se faire qu’au détriment de l’environnement, de la santé et de nos concitoyens. Nous avons besoin d’être rassurés par des engagements précis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)