M. Jean-Jacques Jégou. Merci l’euro !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Souhaitons ne pas avoir à subir cette crise monétaire plus tard, le cas échéant par la faute de quelques autres…
Un examen des conditions d’emprunt des pays de la zone euro montre que les écarts se creusent. Or ces écarts traduisent l’appréciation des marchés non seulement sur les finances publiques, mais aussi et surtout sur la soutenabilité des modèles économiques nationaux.
De ce point de vue, l’Allemagne est bien entendu la mieux placée.
Selon l’indice synthétique établi par l’Agence France Trésor, à la date du 19 janvier 2009, la France paie ses emprunts d’État 25 à 26 points de base plus cher que l’Allemagne, et l’Espagne paie 115 points de base plus cher, toujours par rapport à l’Allemagne.
Arrêtons-nous quelques instants sur ces données. La situation instantanée des finances publiques de l’Espagne est encore bien meilleure que celle de la France. Le taux d’emprunt sur le produit intérieur brut est de l’ordre de 45 %, soit une différence de 20 points en notre défaveur. Par ailleurs, ses finances publiques ont été équilibrées, voire en excédent pendant plusieurs années.
Pourtant, les marchés considèrent, sans doute à juste titre, que le modèle économique espagnol est beaucoup plus menacé et beaucoup moins soutenable que le modèle économique français, malgré toutes nos faiblesses et en dépit de nos difficultés à réduire, autant qu’il le faudrait, la dépense publique et les déficits.
En fait, et j’insiste sur ce point, il s’agit d’une appréciation globale. Toutes les structures économiques, financières et industrielles de l’Espagne dépendent de l’immobilier, du bâtiment, des travaux publics, ce qui constitue un facteur de fragilité dont les marchés tiennent compte.
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est un modèle économique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il en résulte, pour l’Espagne, un surcoût de 115 points de base de ses emprunts. Et je pourrais faire d’autres comparaisons.
Cela démontre la nécessité d’adopter une approche équilibrée. Il faut faire en sorte que l’investissement public soit le relais et l’adjuvant de l’investissement privé, que la situation du système financier soit suivie de près, améliorée en tant que de besoin, mais pas trop.
C’est d’ailleurs, madame le ministre de l’économie, une responsabilité importante qui nous est confiée : le comité de suivi va siéger pour la première fois, sous votre présidence, le 27 janvier prochain et va permettre de faire le point sur la situation de financement et de refinancement des établissements de crédit.
À la vérité, tout ce qui est dit aujourd’hui sur les établissements de crédit et le système financier devrait l’être avec une très grande prudence. En effet, qui connaît aujourd’hui les comptes au 31 décembre ? Les commissaires aux comptes qui les étudient et les révisent les connaissent certainement, mais rien n’est encore publié ni certain.
Faites donc preuve, de grâce, mes chers collègues, de réserve en ces matières ! Les écarts peuvent être considérables, tout comme les risques de se tromper ou de créer des enchaînements psychologiques pervers. Évitons, dans ce débat, d’incriminer telle ou telle profession. Certes, la tentation de trouver des boucs émissaires nous guette toujours en période de crise, mais l’Histoire nous montre non seulement qu’il s’agit d’une erreur morale, mais aussi que cela ne sert à rien lorsque l’on recherche de véritables solutions.
M. Jean-Luc Mélenchon. La morale…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour conclure mon intervention, je voudrais insister sur la nécessité de rendre compte. S’agissant de la relance, nous avons effectivement tout intérêt à pouvoir nous adresser à un interlocuteur identifié. Bien souvent, les ministres sectoriels et techniciens affirment leur existence en exprimant leur avis, en soutenant leurs administrations et, parfois, en bloquant les initiatives de leurs collègues.
Le ministre de la relance, pour sa part, a le pied sur l’accélérateur. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ayant pour rôle de faire sortir des projets, il assume une responsabilité particulièrement éminente et nécessairement fort sympathique aux yeux des gestionnaires de collectivités locales que nous sommes. C’est effectivement un ministre qui pourra sans doute concrétiser nombre de nos espoirs, d’autant que les programmes et la mission sont identifiés, ce qui nous permettra de suivre régulièrement l’évolution de la situation et de mesurer l’efficacité du dispositif que nous aurons voté.
De mon point de vue, mes chers collègues, les textes qui nous sont soumis sont les meilleurs possibles dans la situation actuelle. Cela étant, ils ne sont pas la session de rattrapage des débats passés.
J’entends par là que la loi de finances rectificative de janvier 2009 n’est pas la suite de la loi de finances rectificative de décembre 2008. Il est tout à fait inutile de rouvrir les débats passés. C’est d’ailleurs pourquoi la commission des finances a fait preuve d’une sévérité particulière à l’égard d’amendements dont la seule vocation ou le seul effet seraient de nous ramener aux discussions budgétaires de l’automne : l’automne est mort et 2010 est encore loin !
Certains parlent, en effet, de « visibilité pour 2010 ». Je leur donne rendez-vous à l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Sachons vivre jusque-là, résister à la crise, faire face, tracer un chemin, de préférence meilleur que celui qui est emprunté par bon nombre d’États voisins et partenaires, et nous verrons bien ! Nous sommes obligés de raisonner ainsi.
Je souscris à la fort limpide analyse des résultats de l’exercice 2008 et des incertitudes de l’année 2009 faite par le ministre Éric Woerth. Nous devons accepter et assumer ces incertitudes.
Il n’en serait pas moins coupable, pour autant, de laisser filer la dépense de fonctionnement, de compromettre les restructurations nécessaires qui nous permettront, lorsque la crise sera terminée et que nous atteindrons le point de retournement du cycle économique, de jouir de la meilleure compétitivité possible. Là réside toute la difficulté de l’exercice : il faut accélérer la bonne dépense, mais aussi savoir contrôler celle qui nuirait finalement à notre compétitivité.
C’est ce rôle de pilotage que, forts d’une vision d’ensemble et dans le respect des objectifs et orientations fixés par le Président de la République, vous allez, madame, messieurs les ministres, exercer ensemble, en jouant de l’accélérateur et du frein, tous leviers inséparables de l’action gouvernementale.
Avec ce premier exercice financier de l’année 2009 qu’est le projet de loi de finances rectificative, nous voilà donc appelés, mes chers collègues, au sens des responsabilités, que ce soit dans l’exercice de nos fonctions de gestionnaires locaux, pour jouer le jeu de la relance, ou en tant que législateurs nationaux. Quelles que soient nos opinions sur les causes de la crise, les circonstances et l’avenir, nous visons, solidairement et conjointement, un objectif commun : la réussite de ce plan de relance, la résistance de notre pays à la crise et la préparation de l’avenir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen du plan de relance par le Sénat intervient dans un contexte préoccupant. La France doit faire face à une crise financière mondiale, sans doute la plus grave depuis 1929, qui a dégénéré en crise économique internationale soumettant notre pays à rude épreuve.
Le projet de loi d’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, que je rapporte au nom de la commission des affaires économiques, est l’un des éléments de la réponse apportée par le Gouvernement à cette situation d’urgence. Il s’inscrit dans la continuité des mesures mises en œuvre depuis dix-huit mois, tout d’abord pour consolider le système bancaire français, puis pour soutenir les entreprises menacées par la raréfaction du crédit et, enfin, pour agir en faveur de l’emploi des salariés les plus vulnérables aux conséquences néfastes du ralentissement économique.
Ce texte constitue donc l’un des volets du plan de relance d’ensemble de l’économie française tel qu’annoncé par le Président de la République dans son discours de Douai du 4 décembre 2008, et pour lequel un total de 26 milliards d’euros est mobilisé. Ses dispositions juridiques s’articulent avec les mesures financières, fiscales et budgétaires du projet de loi de finances rectificative pour 2009, que nous examinons conjointement.
Le Gouvernement a fait le choix, que la commission des affaires économiques approuve sans réserve, d’axer son plan de relance de 26 milliards d’euros sur les investissements. En effet, ces derniers, qu’ils soient publics ou privés, préparent l’avenir et ont un effet d’entraînement sur l’économie. L’impact immédiat du plan de relance est estimé par le Gouvernement à 0,6 point de PIB. Si les effets d’entraînement de la hausse des investissements sur la demande jouent à plein, son effet macroéconomique global pourrait atteindre 0,8 à 1 point de PIB.
Pour autant, il serait faux de prétendre que le Gouvernement se désintéresse de la relance de la consommation et du soutien du pouvoir d’achat des moins favorisés.
Le 6 janvier dernier, lors de son audition commune par les commissions des affaires économiques, des finances et des lois du Sénat, Éric Woerth a justement souligné, comme il le rappelait tout à l’heure, qu’il convenait de tenir également compte des mesures parallèlement votées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui conduiront à une augmentation des transferts sociaux de 17 milliards d’euros par rapport à 2008. Cela correspondra à une progression supérieure d’au moins trois points à l’inflation prévue. La seule revalorisation des prestations sociales, telles les retraites, les minima sociaux et les prestations familiales, représentera un effort additionnel de 9 milliards d’euros.
Le Gouvernement veille donc à ce que la relance de l’économie française soit engagée de manière équilibrée : s’il fait prioritairement porter les efforts sur l’investissement, il agit également sur la consommation.
En ce qui concerne l’investissement, il faut impérativement que l’impulsion donnée fasse sentir ses effets rapidement, dès les premiers trimestres de l’année 2009, avant même que la France s’enfonce davantage dans la récession. Or rien ne servirait de mobiliser des fonds supplémentaires pour les investissements, si ces fonds ne pouvaient être engagés immédiatement. Il est donc essentiel d’aménager les conditions dans lesquelles peuvent être réalisés les investissements publics et privés en levant, avec toutes les précautions nécessaires, un certain nombre d’obstacles procéduraux.
Telles sont les conditions et les considérations qui ont inspiré le présent projet de loi dont les auteurs recherchent avant tout, comme l’intitulé l’indique, un effet accélérateur des programmes de construction et des investissements publics et privés.
Tel qu’il avait été adopté en conseil des ministres, le texte initial comportait en tout sept articles, visant principalement à faciliter la réalisation de projets de construction de logements, d’opérations immobilières dans les hôpitaux et d’installations classées, ainsi que le recours aux contrats de partenariat.
L’Assemblée nationale a considérablement élargi le champ du projet de loi en ajoutant à ses sept articles initiaux un total de dix-sept articles nouveaux, d’importance très variable, certains d’entre eux résultant d’amendements présentés par le Gouvernement.
L’Assemblée nationale a notamment autorisé les organismes d’HLM à acquérir directement sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement plus de 50 % des logements d’une même opération immobilière.
Elle a enserré dans des délais stricts la réalisation des opérations d’archéologie préventive et augmenté en contrepartie le taux de la redevance d’archéologie préventive.
Elle a donné à l’État une latitude supplémentaire lorsqu’il envisage de réduire ses créances sur une entreprise en difficulté. Elle a autorisé la ratification de l’ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, ordonnance prévue par l’article 97 de la loi de modernisation de l’économie, et habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance à l’adoption de la partie législative du code de la commande publique.
Elle a permis que l’offre finale faite par le candidat à un contrat de partenariat puisse être présentée sans bouclage financier définitif et autorisé l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale à déléguer à l’exécutif la passation des marchés publics sans limite de montant.
Elle a également modifié la définition du délit de favoritisme, pour confirmer son caractère intentionnel et, enfin, en matière de zones de protection du patrimoine architectural, elle a transformé l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France en avis simple.
Si la commission des affaires économiques du Sénat constate que certains des ajouts apportés au texte initial n’ont pas d’effet accélérateur évident sur l’investissement, elle vous propose néanmoins de prendre acte de l’extension du champ du présent projet de loi et d’intituler « Dispositions diverses » sa dernière division. C’est dans ce cadre élargi qu’elle a réfléchi aux moyens de perfectionner et de compléter l’ensemble des mesures soumises à l’appréciation du Sénat.
S’agissant des contrats de partenariat, la commission des affaires économiques vous proposera deux amendements.
Le premier tend à améliorer le mécanisme de la cession de créances prévu à l’article 3, en portant le taux d’acceptation des créances de 80 % à 90 %.
Le second porte sur l’article 3 bis, relatif aux conditions du bouclage financier des offres de contrats de partenariat afin, d’une part, d’autoriser les personnes publiques à supporter jusqu’aux deux tiers du coût d’un projet et, d’autre part, de préciser les modalités d’ajustement final des conditions financières. Toutefois, je tiens à préciser que le sort de cet amendement dépendra essentiellement du vote de notre assemblée sur l’amendement présenté sur le même sujet par M. Marini, qui modifie de manière générale les conditions de financement pour les contrats de partenariat.
S’agissant de l’article 5 quater relatif à la transformation de l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France en avis simple, dans le champ des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, la commission vous proposera de reprendre la rédaction proposée, sur le même sujet, par l’article 14 du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II ».
Dans le même esprit, l’article 2 ter enserre dans des délais les opérations de diagnostic et de fouilles archéologiques et relève, en contrepartie, le taux de la redevance d’archéologie préventive.
Personnellement, j’aurais été tentée de supprimer cette hausse des charges pesant sur les entreprises, qui me semble un peu paradoxale, à un moment où l’on cherche plutôt à encourager l’activité économique. La commission des affaires économiques vous proposera toutefois d’en rester à l’augmentation décidée par l’Assemblée nationale. En revanche, elle considère avec intérêt certains des amendements qui prévoient de réduire encore les délais proposés par les députés.
S’agissant de l’article 6 quater, qui est relatif à la ratification de l’ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, la commission des affaires économiques a été sensible à la nécessité de ratifier rapidement cette ordonnance, qui risque autrement d’être contestée devant les juridictions.
Néanmoins, comme toute ratification, celle-ci appelle un examen attentif du texte soumis. La commission vous proposera donc un amendement visant à assortir la ratification de deux réserves.
Il convient en effet, d’une part, de rétablir pleinement le pouvoir donné au président de l’Autorité de la concurrence d’adopter seul les actes de pure procédure, d’autre part, de confirmer la volonté du législateur que le conseiller-auditeur placé auprès de ladite Autorité de la concurrence possède la qualité de magistrat.
Enfin, la commission des affaires économiques proposera deux amendements portant articles additionnels et tendant, le premier à alléger les procédures d’attribution des aides en faveur de l’habitat privé, le second à favoriser le développement des réseaux de fibre optique. Ces deux dispositions visent à accélérer les procédures de construction et d’investissement et à les faciliter : elles s’inscrivent donc pleinement dans le cadre du plan de relance.
Du reste, la commission a également considéré favorablement d’autres amendements dont l’objet est d’introduire dans le texte de nouveaux dispositifs tendant à accélérer l’investissement. C’est en effet par ce biais que nous pourrons préparer efficacement l’avenir et la reprise économique.
Aussi, sous réserve de ces modifications, la commission des affaires économiques vous proposera, mes chers collègues, d’adopter les dispositions du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Béteille, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise économique que traverse notre pays ne doit pas dissuader les responsables politiques d’engager des réformes pour s’attaquer aux blocages de notre économie. Bien au contraire, elle les invite à en accélérer le rythme et à en amplifier la portée.
Cette exigence a conduit le Président de la République à présenter le 4 décembre 2008, à Douai, un plan de relance de 26 milliards d’euros résolument orienté vers l’investissement public et privé, puis à nommer dès le lendemain un ministre chargé de sa mise en œuvre en la personne de M. Patrick Devedjian, dont je souhaite ici saluer l’implication depuis sa prise de fonction.
Ce plan comporte un volet réglementaire, dans lequel s’inscrit la prorogation du délai de validité des permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, qui est porté de deux à trois ans ; un volet financier, au travers du projet de loi de finances rectificative pour 2009, dont la commission des finances est saisie au fond ; et un volet législatif, dont le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, adopté en conseil des ministres le 19 décembre 2008, constitue la traduction.
Ce dernier texte, qui, on l’a dit, comptait initialement sept articles, en comporte vingt-trois depuis son examen par l’Assemblée nationale les 7 et 8 janvier dernier. Toutes ses dispositions ont pour objet commun d’offrir un cadre juridique propice à l’investissement public et privé, principalement par des mesures de simplification et d’allégement, et ce dans des domaines variés : urbanisme, commande publique, sauvegarde des entreprises, environnement…
La commission des affaires économiques étant, naturellement, saisie au fond du projet de loi, la commission des lois a souhaité se saisir pour avis des quatorze articles du texte qui portent sur l’urbanisme, la commande publique, le code de commerce et le déclassement des biens du domaine public, eu égard à sa compétence traditionnelle dans ces quatre secteurs.
À titre liminaire, je saluerai certaines dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2009 qui participent de ce plan de relance.
En particulier, je me réjouis de la mise en place, à l’article 5, d’un système de garantie destiné à sécuriser le financement des projets réalisés sous la forme de contrats de partenariat. Ce mécanisme permettra à l’État, en fonction d’une analyse au cas par cas des projets, d’apporter une garantie à la dette émise par le partenaire privé, dans la limite de 80 % de l’encours de prêt, ce qui devrait faciliter l’octroi de prêts par les banques tout en maintenant le partenaire privé en risque. La garantie est limitée à un montant total de 10 milliards d’euros et aux projets conclus avant le 30 juin 2010. C’est l’article 5 du projet de loi de finances rectificative.
Par ailleurs, je ne peux que me féliciter de la création d’une nouvelle mission budgétaire intitulée « Plan de relance de l’économie ». Dotée de 10,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 9,9 milliards d’euros en crédits de paiement, elle se compose de trois programmes : « Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité », « Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi » et « Programme exceptionnel d’investissement public ».
Votre rapporteur pour avis a examiné les deux actions de ce dernier programme, qui intéressent directement la commission des lois. Il s’agit des actions 03 : « Équipements de défense et de sécurité », et 04 : « Patrimoine », dans le cadre desquelles je note avec satisfaction que seront mobilisés, pour relancer l’investissement public, de nouveaux fonds.
Ainsi, 100 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, seront destinés à l’amélioration de l’équipement de la police et de la gendarmerie nationales en véhicules modernes, plus propres et consommant moins d’énergie. Environ 5 000 véhicules seront acquis à ce titre en 2009, dans le cadre des marchés en cours, ce qui permettra le renouvellement de plus de 10 % du parc correspondant. Ces véhicules pourront être acquis avec leur équipement.
Par ailleurs, 80 millions d’euros en autorisations d’engagement et 56 millions d’euros en crédits de paiement seront consacrés à divers travaux concernant la justice : rénovation dans les établissements pénitentiaires ; restructuration, réhabilitation et mise aux normes des palais de justice ; lancement anticipé des quartiers de courte peine ; anticipation en 2009 d’opérations pénitentiaires et judiciaires.
S’agissant maintenant du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, objet du présent avis, certaines des mesures de simplification qu’il propose interviennent dans des domaines de compétence de la commission des lois : l’urbanisme, le contrat de partenariat et le code général de la propriété des personnes publiques. Toutes ont pour objet d’offrir un cadre plus favorable à l’investissement public et privé.
En matière d’urbanisme, tout d’abord, l’article 1er du projet de loi permet au conseil municipal ou à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, jusqu’à la fin de 2010, de modifier les règles de mitoyenneté par simple délibération, en s’affranchissant des enquêtes publiques. Cette disposition devrait effectivement permettre d’accélérer la construction de logements tout en luttant contre l’étalement urbain.
De plus, l’article 2 écarte l’exercice des droits de priorité et de préemption des communes dans le cadre des « grandes » opérations d’intérêt national – implantation de villes nouvelles, d’installations portuaires lourdes… –, afin que les procédures de cession soient raccourcies et que la réalisation des opérations envisagées ne soit pas retardée.
Pour ce qui est du contrat de partenariat, ensuite, la procédure sera clarifiée. C’est ainsi que les articles 3 et 4 modifient à la marge la loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat, respectivement pour faciliter les montages financiers de ce type de contrat et pour corriger une erreur matérielle. Ces améliorations, attendues par les professionnels du secteur et les élus locaux, devraient permettre de stimuler le recours au contrat de partenariat, outil essentiel pour favoriser l’investissement public dans notre pays et qu’il sera en outre intéressant d’encourager dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Quant au code général de la propriété des personnes publiques, enfin, ses règles seront assouplies. C’est l’objet de l’article 5 du projet de loi, qui étend aux établissements publics de santé les dispositions de l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel permet à l’État ou à ses établissements publics, à titre dérogatoire, de déclasser et de vendre un immeuble appartenant à son domaine public dès que sa désaffectation a été décidée, alors même que l’immeuble continue d’être affecté au service public ou à l’usage direct du public pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois ans. Cette mesure devrait favoriser la mise en œuvre de la restructuration des bâtiments hospitaliers prévue dans le plan Hôpital 2012.
J’évoquerai à présent les apports de l’Assemblée nationale à ce projet de loi, dont, je le rappelle, elle a fait passer le nombre d’articles de sept à vingt-trois.
Dans le champ de compétence de la commission des lois, les apports des députés sont de trois ordres : certains visent à accentuer l’effort d’allégement des procédures applicables aux collectivités territoriales, d’autres à améliorer certaines règles de la commande publique, d’autres enfin à accorder une aide supplémentaire aux entreprises en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
Pour accentuer l’effort d’allégement des procédures applicables aux collectivités territoriales – c’est le premier point –, l’Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des affaires économiques, a complété l’article 1er en prévoyant la présentation au Parlement, par le Gouvernement, d’un rapport sur la simplification des procédures de modification des plans locaux d’urbanisme, les PLU, dans les trois mois suivant la promulgation du présent texte.
Les députés ont également introduit un article 1er bis prévoyant une procédure simplifiée de modification des PLU. Il s’agit en réalité de pérenniser dans certains cas la disposition ponctuelle temporaire proposée par le Gouvernement à l’article 1er.
Enfin, pour assouplir les procédures de passation des marchés publics, l’Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, et tendant, d’une part, à généraliser la délégation de passation des marchés publics à l’exécutif d’une collectivité territoriale, sans limite de seuil, et, d’autre part, à assouplir la procédure en cas d’absence de délégation.
Pour améliorer certaines règles de la commande publique – c’est le deuxième point –, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement tendant à habiliter celui-ci à créer un code de la commande publique, attendu depuis longtemps par les professionnels. Cet amendement est devenu l’article 8.
Soucieuse de faciliter la réalisation de grands équipements sportifs et de leurs installations connexes, l’Assemblée nationale a par ailleurs introduit deux nouveaux mécanismes juridiques : d’une part, la création d’un bail emphytéotique spécifiquement dédié aux infrastructures sportives et, d’autre part, l’amélioration des règles relatives aux contrats de concession.
Les députés ont également adopté deux amendements portant sur la publicité des marchés publics.
Le premier, présenté par la commission des affaires économiques, prévoit que le Gouvernement adressera au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport précisant l’étendue de la publicité requise pour les appels publics à la concurrence relatifs aux procédures adaptées pour lesquelles n’existe, à l’heure actuelle, aucune indication sur les modalités de publicité à prévoir.
Le second, présenté par M. Jean-Luc Warsmann, prévoit que les personnes publiques doivent mettre en permanence à la disposition des citoyens la liste à jour des marchés publics en cours, afin que soit assurée une plus grande transparence que celle que permettent les dispositions actuelles du code des marchés publics, qui, je le rappelle, n’imposent qu’une obligation de publication annuelle.
En outre, sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a offert aux candidats à un contrat de partenariat la possibilité de présenter une offre sans bouclage financier définitif. Cette mesure, limitée dans le temps, est justifiée par l’instabilité actuelle des marchés financiers et la frilosité des banques.
Enfin, toujours sur la proposition de M. Jean-Luc Warsmann, les députés ont modifié l’article 432-14 du code pénal afin de restreindre le champ du délit de favoritisme aux infractions commises « en connaissance de cause » et avec « une intention délibérée », tout en aggravant les sanctions applicables. L’auteur de l’amendement a fait valoir que ce délit, aujourd’hui constitué même en cas de simple erreur de procédure, conduisait les élus à s’abriter derrière un formalisme excessif, ce qui a pour conséquence d’allonger inutilement les procédures.
Troisième point, pour terminer, sur l’initiative de M. Olivier Carré, avec l’avis favorable de leur commission des affaires économiques et du Gouvernement, les députés ont assoupli les conditions de remise de dettes par les créanciers publics aux débiteurs faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Le dispositif supprime l’obligation faite aux créanciers publics de ne consentir de remises de dettes que concomitamment aux créanciers privés, avec pour objectif d’effacer plus facilement les dettes de ces derniers.
Si votre commission des lois approuve l’essentiel des dispositions du projet de loi et des apports de l’Assemblée nationale, elle vous proposera néanmoins, mes chers collègues, huit amendements. Hormis trois amendements tendant à clarifier les modifications des règles d’urbanisme proposées, ils visent un triple objet.
Je commencerai par le code de la commande publique.
Si la commission approuve, dans son principe, la création d’un code de la commande publique, elle considère que la rédaction de l’habilitation est à la fois trop timorée et trop ambiguë : trop timorée parce qu’elle exclut le code des marchés publics, qui représente de très loin la plus grande part de la commande publique et qu’il ne nous semble pas souhaitable d’avoir deux codes : un code de la commande publique et un code des marchés publics dont les dispositions voisines vont inévitablement poser des problèmes d’interprétation.
Si l’on doit établir un code, il en faut un seul et qui soit cohérent. En effet, avec un code des marchés publics, d’une part, et un code de la commande publique, d’autre part, à quoi rattacher les contrats de partenariat, notamment, qui, en droit européen, je le rappelle, sont des marchés publics ? Certains marchés seraient rattachés au code des marchés publics et d’autres au code de la commande publique. Si le Gouvernement peut nous éviter cette complication, tout le monde y gagnera.
Par ailleurs, cette démarche est ambiguë, car elle ne définit pas clairement ce qui relève du domaine de la loi et ce qui relève du domaine du règlement.
Or ces dispositions relèvent pour l’essentiel du domaine du règlement. Dans ces conditions, il faudra, me semble-t-il, faire en sorte que la partie législative soit strictement limitée à l’énoncé des grands principes et ne déborde pas sur des dispositions qui relèvent clairement du règlement. Telle est la raison pour laquelle la commission des lois vous présentera deux amendements visant à supprimer des articles introduits par l’Assemblée nationale qui tendent à préciser certaines règles de publicité des marchés publics, règles qui relèvent manifestement de la compétence du pouvoir réglementaire.
D’autre part, la commission souhaite améliorer le mécanisme de cession de créance propre au contrat de partenariat.
Si le Parlement a refusé, en juillet 2008, que l’intégralité de la rémunération due par la personne publique au partenaire privé puisse faire l’objet d’une cession de créance acceptée par la personne publique et a ainsi retenu un plafond de 80 %, au moment où l’on parle de relance et de la nécessité de recourir plus fréquemment à ces contrats, la commission estime que ce plafond n’est guère satisfaisant et écarte de ce type de contrat les PME notamment. Elle pense qu’il est nécessaire de remonter ce taux tout en sachant que la cession de créance ne concerne pas, bien sûr, la rémunération due pour l’entretien et le fonctionnement des établissements.
La commission des lois vous proposera donc, mes chers collègues, un amendement permettant une acceptation de la cession de créance à 100 %.
Enfin, si la commission des lois comprend le nouvel équilibre proposé par les députés pour le délit de favoritisme, dont la limitation est compensée par une sévérité accrue, elle est très réservée sur l’utilité d’une telle évolution.
Sur la forme, elle juge assez ténu le lien avec l’objet du présent projet de loi, qui est de relancer l’investissement dans notre pays.
Sur le fond, non seulement elle estime complexe la nouvelle rédaction proposée par les députés pour le délit de favoritisme, mais elle juge inopportun de soumettre le délit de favoritisme à des règles spéciales par rapport aux autres manquements au devoir de probité, définis dans le code pénal, car cela risque d’avoir des conséquences contraires à l’objectif.
En conséquence, la commission des lois vous proposera un amendement de suppression de l’article 3 B introduit par l’Assemblée nationale.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu’elle vous soumettra, la commission des lois a émis un avis favorable sur le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)