compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
Mme Sylvie Desmarescaux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision que nous avons adopté le 16 janvier 2009.
La liste des candidats établie par la commission des affaires culturelles a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Legendre, Michel Thiollière, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bruno Retailleau, Mme Catherine Dumas, MM. David Assouline et Serge Lagauche.
Suppléants : Mme Marie-Christine Blandin, MM. Pierre Bordier, Jean-François Humbert, Mlle Sophie Joissains, MM. Joseph Kergueris, Jean-Pierre Plancade et Jack Ralite.
3
Loi de finances rectificative pour 2009
Accélération des programmes de construction et d'investissement
Discussion de deux projets de loi, le second étant déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2009 (nos 154 et 162) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés (nos 157, 167, 163 et 164).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Patrick Devedjian, ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, les textes que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, avec Mme Christine Lagarde et M. Éric Woerth, sont la traduction législative du plan de relance annoncé en décembre dernier par le Président de la République.
Le collectif budgétaire et le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés sont deux textes complémentaires et indissociables. Ils reflètent les deux caractéristiques majeures de ce plan, massif dans son volume d’intervention, rapide dans son exécution.
Le premier texte, le projet de loi de finances rectificative pour 2009, ouvre ainsi 10,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires. Notre objectif est de les affecter en totalité cette année et il est également prévu que les trois quarts de cette somme sortent effectivement des caisses de l’État en 2009. Ainsi, 9,8 milliards d’euros sont inscrits en crédits de paiement dans le collectif à cet effet.
Le second texte, en parfaite cohérence avec le premier, présente un ensemble de propositions destinées à alléger certaines procédures administratives. C’est sa seule ambition.
Cela étant, il illustre la démarche pragmatique que nous nous attacherons à promouvoir, pour mener aussi vite que possible l’ensemble des actions prévues par le plan de relance.
J’ai bien conscience que, avec ce collectif de début d’année, nous suivons un calendrier parlementaire inédit. Mais l’urgence de la situation nécessitait des mesures exceptionnelles et immédiates.
Tel est bien l’état d’esprit du Gouvernement, qui est intervenu à plusieurs reprises pour soutenir notre économie.
En effet, le plan de relance, qui mobilise 26 milliards d’euros, fait partie d’un tout.
Près de 11 milliards d’euros seront consacrés à des interventions directes du budget de l’État. En outre, 11 milliards d’euros seront injectés pour renflouer la trésorerie des entreprises, via notamment le remboursement des créances fiscales décidé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008. Enfin, des investissements supplémentaires seront réalisés, à hauteur de 4 milliards d’euros, par les grandes entreprises publiques, pour moderniser et développer nos infrastructures ferroviaires et énergétiques, ainsi que nos services postaux.
Ces actions complètent une série de mesures prises par le Président de la République et le Gouvernement pour stimuler notre économie et soutenir la croissance.
Ainsi, je citerai, entre autres, 10 milliards d’euros de baisses d’impôts, en 2008 et 2009, afin de soutenir l’activité et le pouvoir d’achat des ménages ; une somme de 10 milliards d’euros consacrée à la revalorisation des prestations sociales et à la création du RSA, le revenu de solidarité active, pour que la solidarité nationale joue à plein ; enfin, 6 milliards d’euros au Fonds stratégique d’investissement, pour soutenir et protéger nos entreprises.
Il faut enfin mentionner les interventions du Gouvernement pour assurer la stabilité du système bancaire et financier. Je pense, bien sûr, à la garantie apportée par l’État pour le refinancement des banques, à hauteur de 320 milliards d’euros, au renforcement des fonds propres des grands établissements de crédit français, de plus de 11 milliards d’euros, ou encore au soutien du financement des PME, premier employeur des Français, pour un montant de 22 milliards d’euros.
C’est en cohérence avec l’ensemble des mesures de soutien à l’économie, et dans leur prolongement, que le Gouvernement a défini ce plan, qui repose résolument sur l’investissement.
Ce choix répond à une conviction profonde.
Investir est le meilleur moyen de stimuler les commandes et, par conséquent, l’emploi, le revenu et, finalement, la demande. Ce n’est pas de la dépense à perte. Bien au contraire, ces investissements contribuent à préparer l’avenir, à renforcer notre compétitivité et, donc, à protéger nos emplois et à en créer de nouveaux.
Ce choix n’est d’ailleurs pas isolé, puisqu’il a été concerté avec nos voisins européens. Les différents plans des États membres se ressemblent et se complètent. La réponse étant commune, les bénéfices attendus s’amplifieront grâce aux liens commerciaux. J’exclus bien sûr la position adoptée par le Royaume-Uni, dont la consommation nationale s’était effondrée et qui a misé sur une relance par la consommation via une baisse de la TVA. Pour notre part, nous profitons d’un système social qui amortit les chocs et d’une consommation qui se maintient.
L’Allemagne a fait des choix qui se rapprochent des nôtres. Son plan de relance donne une place prépondérante à l’investissement. Les autres mesures telles que les baisses de cotisations sociales ou les hausses de prestations n’entreront en vigueur qu’au 1er juillet 2009 ou graduellement, sur les années 2009 et 2010.
Il y a donc cohérence dans nos décisions.
Je le redis, le choix de la France, c’est l’investissement. Il s’agit d’un effort massif, l’investissement public jouant le rôle d’accélérateur.
C’est pourquoi l’État investira directement 4 milliards d’euros dans des domaines stratégiques. Il s’agit des infrastructures, du développement durable, du patrimoine, de l’enseignement supérieur et la recherche, ainsi que des industries de défense.
À l’évidence, les collectivités territoriales seront très présentes, au travers, notamment, des plans de développement et de modernisation des itinéraires ou de l’accélération dont bénéficieront les contrats de projets État-régions.
Mais surtout, les collectivités, qui réalisent près des trois quarts des investissements civils publics, seront les principaux vecteurs des efforts locaux d’équipement.
C’est tout le sens de la mesure de remboursement anticipé de la TVA aux collectivités locales, dont le montant est estimé à 2,5 milliards d’euros. Je dis bien « estimé », et Éric Woerth abondera certainement en ce sens. En effet, il ne peut s’agir là que de crédits évaluatifs, qui varieront en fonction de l’adhésion des collectivités locales au dispositif, adhésion que nous souhaitons la plus importante possible.
La mesure sera pérenne pour les collectivités qui en bénéficieront. En d’autres termes, le FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, ainsi versé par anticipation sera une recette définitivement acquise de la section d’investissement.
À cet égard, le Gouvernement a fait preuve de pragmatisme pour que les collectivités participent à l’effort de relance : la hausse des investissements des collectivités qui donnera droit au bénéfice de la mesure sera considérée comme effective dès le premier euro investi au-delà du niveau de la période de référence 2005-2007.
Dans ce contexte, je crois que notre objectif est clair : il s’agit d’assurer la relance par l’investissement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre. L’investissement est un facteur durable de la vie économique. Il donne du travail, partout où il se réalise.
Cela étant, plusieurs mesures du plan sont destinées au soutien à l’emploi et à la solidarité.
Les ménages les plus vulnérables feront l’objet d’une attention particulière, ce qui constitue le complément indispensable à l’effort d’investissement.
Ainsi, le programme « Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi » bénéficie de près de 5 milliards d’euros.
Il prévoit notamment des mesures en faveur du financement des PME via OSEO, l’établissement public chargé de soutenir l’innovation et la croissance des PME, et la SIAGI, la société de caution mutuelle de l’artisanat et des activités de proximité, une aide à l’embauche dans les très petites entreprises, à hauteur de 700 millions d’euros, une dotation budgétaire supplémentaire de 500 millions d’euros pour accompagner les salariés victimes de licenciement et une prime à la casse de 1 000 euros, dont j’ai pu vérifier l’efficacité auprès des concessionnaires.
Ce volet est complété par un effort exceptionnel, notamment en faveur du logement social et de la solidarité, qui mobilisera 1,9 milliard d’euros.
Grâce à ces crédits, nous avons l’ambition de proposer 100 000 logements supplémentaires.
La rénovation de l’habitat ainsi que la lutte contre l’habitat indigne et les dépenses d’énergie seront renforcées par la mise en place d’un fonds exceptionnel de 200 millions d’euros.
Les structures d’accueil et d’hébergement bénéficieront de 160 millions d’euros en vue de conduire un indispensable programme d’amélioration et de développement de leurs capacités.
Les ménages les plus fragiles recevront une prime exceptionnelle de 200 euros, en anticipation du revenu de solidarité active. Cela représente un effort de solidarité de 760 millions d’euros qui bénéficiera à près de 3,8 millions de foyers.
L’important, maintenant, c’est d’aller vite.
Dans cette perspective, le meilleur gage de succès résidera dans notre aptitude à aplanir les obstacles issus de procédures longues et incertaines ainsi que de pratiques héritées de notre culture administrative qui constituent, souvent, autant de contraintes injustifiées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre. C’est le sens des décrets examinés par le conseil des ministres du 19 décembre 2008. C’est aussi le sens du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés qui vous est soumis.
Évidemment, ce dernier texte ne constitue pas le support d’une réforme majeure. Mais telle n’est pas sa vocation. Son ambition se résume en un seul mot : l’efficacité, celle-ci devant permettre de conduire à leur terme, dans les meilleurs délais, des projets de construction ou des investissements industriels.
Je pense notamment à la création d’un régime de modification simplifié des plans locaux d’urbanisme et à l’élaboration d’un rapport sur les procédures de révision desdits plans.
Je pense aussi à l’amélioration des possibilités de recours au partenariat public-privé ou aux simplifications des procédures de marchés publics, qui permettront d’accélérer les projets d’équipement.
Quant à l’assouplissement du régime de remise de dettes par les créanciers publics, il évitera qu’une faillite ne génère d’autres faillites en cascade.
De manière analogue, le Gouvernement sollicite votre habilitation pour définir par voie d’ordonnance un nouveau régime d’installations classées au titre de la protection de l’environnement. Le but est de diviser par quatre les délais d’instruction des dossiers pour environ cinq cents entreprises par an, sans évidemment dégrader de quelque façon que ce soit les règles de sécurité.
Cette dernière mesure illustre parfaitement le souci de pragmatisme qui nous anime.
Car, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi vise à lever des règles couramment dénoncées, sans altérer l’économie des procédures ni leurs objectifs.
Nous pourrons donc mesurer la concrétisation de cette ambition au travers d’indicateurs de performance, associés aux trois programmes de la nouvelle mission définie dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009.
C’est, pour moi, la condition essentielle de notre réussite. Le plan doit fédérer de nombreux d’acteurs : l’État, les collectivités locales, mais aussi les entreprises, notamment les entreprises publiques. Il nous invite à coordonner et à anticiper.
Aussi veillerai-je personnellement, en liaison avec les ministères ou les opérateurs concernés, au suivi de chacune des mesures.
Des procédures d’évaluation seront mises en place afin de mesurer l’état d’avancement des opérations et leur impact en termes d’effet de levier sur notre économie.
C’est là tout le sens de la création d’un ministère et d’une mission budgétaire dédiés à la mise en œuvre du plan de relance.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation est inédite. C’est pour cela qu’il y a urgence.
Nous faisons face à une crise grave. Elle est mondiale ; elle est brutale ; elle est injuste pour notre pays.
Parce que nous ne la surmonterons qu’ensemble, tous les acteurs publics et économiques ont leur rôle à tenir.
Les deux projets de loi que nous vous soumettons avec Christine Lagarde et Éric Woerth mobilisent, dès 2009, des moyens exceptionnels.
Ils nous invitent au rassemblement, pour une action collective et efficace. C’est, à l’évidence, notre devoir vis-à-vis de nos concitoyens.
Soyez donc assurés de ma totale disponibilité pour conduire cette action avec tous les acteurs concernés, au premier rang desquels figurent les élus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, sur certaines travées de l’Union centriste ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, Patrick Devedjian et moi-même avons été, dès la rentrée des vacances de Noël, auditionnés par trois de vos commissions et, pour la sixième fois en quatre mois, nous nous retrouvons en discussion générale.
C’est une première dans notre histoire budgétaire que de soumettre au Parlement un collectif dès le mois de janvier. L’intensité de nos discussions financières est donc forte, mais elle doit être mesurée à l’aune de la crise que nous traversons.
Ainsi que l’a très justement souligné Patrick Devedjian, la rapidité d’exécution apparaît comme une donnée cruciale pour la réussite du plan de relance. De fait, tout est mis en œuvre pour ne pas perdre de temps : le Président de la République a présenté ce plan à Douai le 4 décembre dernier ; les mesures fiscales ont été intégrées dès le collectif adopté à la fin de l’année 2008 et celles qui devaient relever du projet de loi de finances rectificative pour 2009 ont été adoptées par le conseil des ministres le 19 décembre ; la discussion s’est engagée le plus tôt possible à l’Assemblée nationale ; finalement, ce texte arrive en discussion au Sénat dès la mi-janvier, en tirant au passage la totalité des conséquences de l’exécution budgétaire 2008 dont nous venons tout juste d’avoir les résultats.
En complément de l’intervention de Patrick Devedjian et avant celle de Christine Lagarde, je voudrais pour ma part revenir sur deux points. Je rappellerai tout d’abord la cohérence d’ensemble du plan de relance ; je détaillerai ensuite son impact sur nos finances publiques et vous fournirai des informations sur l’exécution budgétaire.
Le plan de relance s’inscrit dans une politique budgétaire cohérente dans le temps. On ne construit pas un plan ex nihilo, sans tenir compte ni des spécificités économiques d’un pays ni des politiques précédemment mises en œuvre.
Si le plan de relance est concentré sur l’investissement, c’est d’abord parce qu’il n’entend pas léguer à nos enfants un « actif net » dégradé : certes, nous nous endettons davantage mais c’est pour investir ou, plus précisément, pour anticiper des investissements. Ce faisant, nous faisons d’une pierre deux coups : nous soutenons l’activité d’aujourd’hui ; nous préparons la France de demain.
Cet investissement, c’est celui de l’État, des entreprises publiques mais aussi des collectivités locales, qui réalisent les trois quarts de l’investissement public dans notre pays. Lors de nos débats, nous ne manquerons pas de revenir sur la mesure d’accélération du remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA.
Mais si le plan est centré sur l’investissement, c’est aussi et surtout parce que d’autres mesures, qui concourent au soutien de l’activité, notamment au soutien des revenus et de la consommation, ont déjà été prises en compte par le Gouvernement. Quelles sont-elles ?
Dès avant le début de la crise, des baisses de prélèvements obligatoires importantes ont été décidées pour 2008 et 2009. Elles permettent de soutenir l’activité et représentent environ 10 milliards d’euros.
De plus, la revalorisation des prestations sociales est particulièrement forte en 2009 : elle s’élève à quelque 9 milliards d’euros. Les allocations familiales seront ainsi revalorisées de 3 % le 5 février. Quant au minimum vieillesse et aux pensions de retraite, ils progresseront respectivement de 6,9 % et de 2,1 % à compter du 1er avril, si toutefois les prévisions d’inflation pour 2009 sont confirmées. Pour l’ensemble des transferts sociaux, compte tenu de la dynamique du nombre de bénéficiaires, cela correspond à une progression supérieure d’au moins 3 % à l’inflation, à laquelle il faut, naturellement, ajouter la création du RSA.
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures soutiennent incontestablement le pouvoir d’achat des Français.
Enfin, la France est l’un des pays qui disposent de la couverture sociale et du niveau de prélèvements obligatoires les plus élevés au monde. Lorsque des difficultés interviennent, la décision de ne pas compenser les moins-values de recettes par des hausses d’impôts ou des coupes claires dans les dépenses soutient l’activité. Cet effet est d’autant plus fort que la sphère publique est importante. C’est le cas dans notre pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
Mme Nicole Bricq. Ce qui était mal hier ne l’est plus aujourd’hui !
M. Éric Woerth, ministre. Cet effet est donc bien plus puissant en France que dans d’autres pays, notamment les pays anglo-saxons, comme l’a souligné encore très récemment le FMI. Il jouera au moins pour 15 milliards d’euros en 2009.
Ce choix de laisser jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques » se traduit également par l’accroissement du déficit, en raison des pertes de recettes publiques et de l’augmentation de certaines dépenses sociales.
Ces différents éléments n’excluent par ailleurs nullement les mesures de garantie et de prêts nécessaires au financement de l’économie, que Patrick Devedjian vient de rappeler. Je souligne une dernière fois leur nature très différente des mesures que j’ai rappelées précédemment. Ces garanties et ces prêts ne sont pas attribués sans contrepartie ; ils sont rémunérés par l’État, lequel a déjà reçu 200 millions d’euros à ce titre en fin d’année 2008, comme Mme Lagarde l’a confirmé il y a peu.
C’est donc dans ce contexte préexistant, et pas dans un autre, mesdames, messieurs les sénateurs, que vient s’inscrire le plan de relance que nous vous proposons aujourd’hui.
J’ai entendu dire que l’on faisait des comptabilités parallèles. Mais la seule comptabilité du plan de relance, c’est 26 milliards d’euros ! Il s’agit, passez-moi l’expression, de « vrai argent ». Ce n’est pas de l’affichage ou du recyclage de vieilles mesures, ainsi qu’en témoigne d’ailleurs son impact sur le déficit budgétaire – 19 milliards d’euros en 2009. Quand je lis ici ou là les comparaisons que l’on peut faire entre notre plan de relance et les plans conduits par d’autres pays, je constate que cette distinction cruciale est souvent omise.
Certains nous opposeront encore, j’en suis sûr, que notre plan reste insuffisant pour la consommation et qu’il ne suit pas l’exemple des plans anglais, américain ou allemand.
Mme Marie-France Beaufils. C’est sûr !
M. Éric Woerth, ministre. Soyons clairs : si la crise est mondiale, les situations économiques et sociales sont intrinsèquement différentes d’un pays à l’autre.
Quand un pays dispose d’un système de retraite par répartition, il n’a pas les mêmes besoins qu’un pays qui recourt à un système par capitalisation.
Mme Marie-France Beaufils. Vous admettez donc que la répartition est un bon système…C’est nouveau !
M. Éric Woerth, ministre. Le retraité américain qui compte uniquement sur son plan d’entreprise a vu ses perspectives de retraite s’effondrer avec la bourse depuis six mois. Rien de tel, en revanche, pour le retraité français, et heureusement ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Quand un pays dispose d’une indexation automatique de ses prestations sociales sur l’évolution des prix, il n’a pas les mêmes besoins qu’un pays qui ne pratique pas cette indexation. Il n’a pas besoin de prévoir une compensation spécifique de la perte de pouvoir d’achat des prestations sociales, celle-ci existant d’ores et déjà.
Quand un pays dispose d’une assurance chômage couvrant pendant deux ans les personnes qui, malheureusement, perdent leur emploi, il n’a pas les mêmes besoins qu’un pays où cette couverture n’est que de quelques semaines.
M. Jean-Claude Frécon. Quel culot !
M. Éric Woerth, ministre. Quand un pays met en place le RSA et dispose d’une couverture efficace et renforcée du chômage partiel, il n’a pas les mêmes besoins pour lutter contre la précarité, accrue par la crise, des travailleurs pauvres.
La France possède ce système avancé de retraites, de protection contre le chômage, de prestations sociales.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas grâce à vous !
M. Daniel Raoul. C’est précisément ce que vous vouliez détruire ! C’est incroyable !
M. Éric Woerth, ministre. Or, c’est ce système développé qui nous donne la chance de pouvoir concentrer notre plan de relance sur l’investissement et sur des facilités de trésorerie accordées aux entreprises pour les aider à passer ce cap difficile. Il va de soi que la situation anglaise ou américaine est bien différente.
De même, la situation allemande n’est pas comparable. Pour comprendre les différences existant entre nos plans, il faut savoir que la croissance du revenu des ménages allemands a été inférieure de près de 2 % en moyenne à celle du revenu des ménages français sur les cinq dernières années.
M. Pierre-Yves Collombat. Génial !
M. Éric Woerth, ministre. Le deuxième plan annoncé par Mme Merkel contient des baisses d’impôt et de cotisations sociales, des mesures tendant à encourager l’investissement ainsi que des mesures sectorielles portant, notamment, sur l’automobile.
Je ne reviendrai pas sur ces deux derniers axes, qui ressemblent beaucoup à ce que nous vous proposons aujourd’hui. S’agissant en revanche des baisses d’impôt, il convient de préciser que, contrairement à nous, les Allemands n’indexent pas chaque année sur l’inflation les taux du barème de l’impôt sur le revenu. Leur plan tend donc à compenser en une seule fois les effets de l’inflation sur les deux dernières années, alors que notre système fiscal réalise régulièrement cette compensation.
Et il ne faut pas oublier, non plus, la baisse des taux de l’impôt sur le revenu que la majorité a réalisée en 2006 et en 2007.
Quant à la baisse des cotisations maladie, il s’agit simplement pour l’Allemagne d’annuler la hausse qui avait été prévue au 1er janvier 2009. Le gouvernement allemand ne cherche donc plus à compenser la baisse des recettes par des hausses de taux : c’est bien la stratégie que nous suivons depuis le début de cette crise.
Je voudrais maintenant évoquer les prévisions relatives aux finances publiques, en commençant par faire un point sur l’année 2008. Nous disposons désormais des résultats de l’exécution budgétaire pour l’année qui vient de s’écouler et je souhaiterais brièvement, monsieur le président de la commission des finances, les détailler.
L’année 2008 s’est achevée sur un déficit budgétaire de 56,2 milliards d’euros, en augmentation de 14,5 milliards par rapport à la loi de finances initiale et de 4,7 milliards par rapport au collectif voté en décembre dernier.
Cette dégradation de 4,7 milliards d’euros est – je tiens à y insister – intégralement imputable à la conjoncture, qui pèse fortement sur les recettes fiscales. L’analyse détaillée des moins-values de recettes montre que celles-ci sont concentrées sur l’impôt sur les sociétés, sur la TVA portant sur l’investissement et les consommations intermédiaires, ainsi que sur la taxe professionnelle.
Cela témoigne d’une dégradation de la situation des entreprises plutôt que de celle de la consommation finale des ménages, ce que chacun d’entre vous a sans doute d’ailleurs pu constater dans son propre département. Voilà qui conforte la stratégie retenue dans le cadre du plan de relance. Celui-ci privilégie en effet le soutien à l’activité des entreprises et à l’investissement par rapport à la consommation.
Les dépenses s’établissent quant à elles, au sens de la norme élargie – c’est-à-dire en incluant les prélèvements sur recettes – à 344,9 milliards d’euros, ce qui représente un dépassement de 4 milliards par rapport à la loi de finances initiale, lié principalement à la charge de la dette, du fait de l’inflation.
La progression des dépenses de l’État en 2008 est ainsi restée conforme à l’objectif « zéro volume », fixé d’un commun accord par le Gouvernement et par le Parlement, qui consiste, je le rappelle, à ce que ces dépenses n’augmentent pas plus vite que l’inflation. Leur progression est en effet, à périmètre constant, de 2,8 % en valeur par rapport 2007, ce qui correspond à l’estimation actualisée de l’inflation pour l’année 2008.
Il faut ajouter à la détérioration du solde budgétaire l’impact de moins-values de recettes sociales, puisque la masse salariale a été malheureusement moins dynamique que prévu. L’ajustement des recettes de l’État et de la sécurité sociale conduit ainsi à réviser de 0,3 point de produit intérieur brut la prévision de déficit de l’ensemble des administrations publiques pour 2008. Cette prévision de déficit sera donc portée, à la fin de cette même année, à 3,2 points de PIB.
Cela reste bien sûr une prévision, car nous ne disposons pas encore, à ce stade, de toutes les données, en particulier celles qui concernent la situation des collectivités locales. La prévision intègre un déficit de 0,3 point de PIB pour les collectivités, ce qui est, à l’heure actuelle, la meilleure estimation possible.
Ces résultats de 2008 nous conduisent à réviser aujourd’hui la prévision de déficit de 2009. La base de référence n’étant plus la même, nous révisons les prévisions de recettes pour 2009 contenues dans le collectif. Nous serons aussi amenés, monsieur le rapporteur général, à réviser notre prévision sur l’évolution du solde de la loi de programmation.
En ce qui concerne l’État, la moins-value pour 2009 serait, par rapport à la loi de finances initiale, de 7 milliards d’euros, ce qui porterait le déficit budgétaire à environ 86,5 milliards d’euros. Nous reportons la moins-value constatée sur la TVA en 2008, et nous accentuons celle qui a été enregistrée sur l’impôt sur les sociétés.
La diminution des acomptes d’impôt sur les sociétés versés en décembre 2008 laisse en effet craindre une moins-value supplémentaire à l’occasion du versement du solde de l’impôt dû au titre de l’année 2008. Nous en revenons d’ailleurs, pour les recettes de cet impôt, à des montants comparables à ceux enregistrés pour les années 2002 ou 2003. Autant dire que, pour nos finances publiques, l’écart est évidemment tout à fait considérable.
Si l’on reporte également les moins-values de la sphère sociale, le déficit public pour 2009 serait aggravé au total, là encore à périmètre constant, de près de 9 milliards, ce qui représente de 0,4 à 0,5 point de PIB supplémentaire, pour un total de 4,4 points de PIB.
Christine Lagarde reviendra probablement sur les prévisions de la Commission européenne, qui sont plus pessimistes que celles que je viens d’exposer et auxquelles nous ne souscrivons pas.
Mais une chose est claire : si la croissance est plus faible que dans l’hypothèse que nous retenons, nous laisserons jouer les stabilisateurs automatiques. Nous ne compenserons pas les manques à gagner de recettes fiscales ou de cotisations sociales.
On peut estimer que la perte d’un point de croissance se traduirait par un accroissement du déficit public d’environ un demi-point de PIB. Ainsi, l’écart entre la prévision de la Commission et la nôtre correspond intégralement à des hypothèses de croissance différentes, et non à des façons différentes d’apprécier la politique budgétaire menée, ce qui est évidemment très important pour la suite.
Pour les années 2010 à 2012, l’impact des révisions de recettes sur le déficit serait le même qu’en 2009, soit environ 9 milliards d’euros. Il s’inscrirait donc à 3,1 points de PIB en 2010, 2,3 points en 2011 et 1, 5 point en 2012.
Si cette prévision nous fait revenir assez rapidement en deçà des 3 points de PIB et nous permet d’espérer un déficit limité en 2012, ce n’est pas par angélisme de notre part.
D’une part, nous croyons évidemment qu’une reprise est toujours possible en 2010.
D’autre part – il s’agit là aussi d’un point important – ce plan de relance est strictement limité dans le temps, parce qu’il ne remet en cause ni les efforts accomplis en matière de maîtrise de la dépense publique, ni l’objectif de retour à l’équilibre de nos comptes publics. Nous ne devons pas perdre de vue ce dernier objectif, même s’il est bien sûr plus difficile à atteindre compte tenu de la crise.
L’incidence budgétaire du plan de relance est en effet concentrée sur l’année 2009. Quand on regarde l’état des finances publiques françaises, on comprend que nous avons trop souvent souffert de la stratification de mesures qui pouvaient être adaptées à un moment donné, mais n’étaient jamais modifiées par la suite.
Aux États-Unis, si l’État fédéral a su par le passé recourir massivement à l’arme budgétaire, il a su tout aussi radicalement revenir sur des mesures prises à un certain moment.
Aujourd’hui, toute l’idée du plan que nous vous présentons est d’injecter de l’argent en grande quantité là où cela est nécessaire et sur une période courte, c'est-à-dire sans obérer l’avenir. Il ne s’agit absolument pas d’ajouter une charge supplémentaire au poids que représentent les finances publiques dans le produit intérieur brut.
Ce plan, parce qu’il est ciblé sur des dépenses d’investissement, est donc largement réversible. Il est en effet composé soit de dépenses temporaires qui n’ont plus d’effet à partir de 2011, soit d’une anticipation de dépenses qui étaient programmées – je pense par exemple au crédit d’impôt recherche, ou à certaines dépenses d’investissement – et qui n’auront donc pas à être effectuées en 2011 et en 2012.
En tout état de cause, les dépenses de fonctionnement et de personnel prévues dans le budget triennal ne sont pas impactées ; les réformes qui les sous-tendent ne sont pas remises en cause.
En 2009, l’impact du plan de relance sur le déficit budgétaire de l’État sera de 19 milliards d’euros hors dotation au Fonds stratégique d’investissement et de 22 milliards si l’on intègre le Fonds. L’impact sur le déficit public, tel que celui-ci est défini par les critères de Maastricht, devrait être de l’ordre de 15,5 milliards en 2009, soit 0,8 % de PIB, ce qui s’explique par des différences entre les règles de comptabilisation des recettes utilisées par notre comptabilité budgétaire et celles utilisées par la comptabilité maastrichtienne.
L’effet du plan devrait être limité à environ 1 milliard en 2010. Enfin, son impact global sur la dette publique sera de l’ordre de 20 milliards d’euros. Les charges d’intérêt liées ne devraient pas progresser. Nous n’avons pas modifié le chiffrage, puisque la baisse des taux absorbe l’augmentation du volume d’emprunts.
Contrairement à ce que dit l’opposition, …