Mme Christine Albanel, ministre. Le documentaire-fiction d’hier sur l’assassinat d’Henri IV était aussi une excellente production.
Quant à l’information régionale et locale, elle n’est, bien sûr, nullement remise en question. Il y a d’ailleurs maintenant cinq minutes de plus pour l’information régionale et trois minutes de plus pour l’information locale dans le 19-20, sans parler du nouveau décrochage dans Soir 3.
Avec cette réforme, nous portons des missions de service public. Cela changera le rapport à la télévision et aux soirées. De surcroît, on peut aussi se coucher plus tôt, ce qui n’est pas anodin. Appliquer ces changements aux programmes du soir a du sens également parce qu’il s’agit d’un moment où les familles sont réunies.
Il s’agit d’une grande réforme, très globale et qui va bien au-delà de la suppression de la publicité examinée en ce moment au Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 356, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. L’article 18 modifie l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 qui est, globalement, consacré aux modalités de financement des sociétés nationales de programme.
Un grand nombre de dispositions qui figurent dans cet article et modifient le dispositif de l’article 53 justifient notre amendement de suppression.
La première, c’est la possible conclusion d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens après la nomination d’un nouveau président. Cette possibilité n’est aucunement de nature à nous rassurer compte tenu du risque de valse des présidents, après l’entrée en vigueur de la loi, du simple fait du prince !
La deuxième disposition, c’est l’objectif de résultat d’exploitation au moins équilibré, accompagnant les moyens financiers prévus par le contrat d’objectifs et de moyens. Cela signifie le retrait de l’autonomie de gestion à la direction de la société alors même que la tutelle ne lui donnerait pas les moyens suffisants.
La troisième disposition, c’est la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions. Nous reviendrons sur cette décision intempestive et irresponsable dont les effets néfastes, pour l’ensemble des acteurs du paysage audiovisuel français, n’ont pas été évalués préalablement. Cette suppression qui s’applique entre 20 heures et 6 heures depuis le 5 janvier 2009 deviendra intégrale à l’extinction de la diffusion en analogique de France Télévisions.
La quatrième disposition, c’est la suppression de la publicité dans les départements d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle Calédonie, lors de l’extinction de l’analogique, « sous réserve de l’existence d’une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair ». Cette mesure scandaleuse répond au lobbying de la chaîne de télévision privée Antilles télévision, ou ATV.
La cinquième et dernière disposition, c’est la compensation financière de l’État, car il n’est pas mentionné que cette compensation est intégrale, ni que d’autres sociétés que France Télévisions pourront en bénéficier. J’y reviendrai.
Je souhaite d’abord interpeller l’ensemble de mes collègues sénateurs sur un point. Alors que les débats avaient commencé, au soir du deuxième jour, vers minuit, j’ai appris par courrier électronique que plusieurs de nos amendements sont frappés par l’article 40. Ils seront retirés de la liasse le lendemain : personne ne les aura vus. La commission elle-même n’aura pas pu en discuter !
M. André Dulait. Oui, c’est le principe de l’article 40 !
M. Robert del Picchia. C’est le règlement !
M. David Assouline. En effet, c’est le règlement. Mais faites attention, cela pourra aussi vous arriver !
M. Robert del Picchia. Cela s’est déjà produit !
M. David Assouline. À la commission, on s’en est ému, comme moi. Je vous demande donc de m’écouter ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Il faut être correct !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laissez parler l’orateur.
M. David Assouline. Je me réjouis que l’hémicycle s’anime.
M. le président. Vous avez tout fait pour ! (Sourires.)
M. David Assouline. Je préférerais que cette animation prenne la forme d’argumentations et d’échanges d’idées. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Mais à ceux qui ne savent faire que du brouhaha, il faut laisser ce loisir. D’ailleurs, ça m’amuse. Je poursuis mon propos tranquillement.
Nous avions proposé un amendement prévoyant une compensation intégrale du manque à gagner consécutif à la suppression de la publicité. C’est presque mot pour mot ce qu’avait dit le Président de la République lorsqu’il avait déclaré que la compensation se ferait à l’euro près. Et même s’il manquait deux euros, personnellement, je m’en contenterais. Mais « à l’euro près », c’est une compensation intégrale !
Or, sans qu’il y ait débat, on décide que cet amendement ne sera pas discuté, parce que le terme « intégral » tombe sous le coup l’article 40. C’est un aveu et cela signifie qu’il n’y a pas de compensation intégrale. On a donc menti non seulement aux téléspectateurs, mais également à France Télévisions, parce que l’on ouvre la possibilité que, demain, cette compensation ne soit pas intégrale.
Et, après, l’on s’émeut d’entendre certains ici dire que le secteur public est non pas renforcé, mais fragilisé économiquement par cette mesure !
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 53 de la même loi est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa du I est ainsi rédigée :
« Des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'État et chacune des sociétés ou établissements suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ARTE-France et l'Institut national de l'audiovisuel. » ;
2° Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président. » ;
3° Les troisième à septième alinéas sont remplacés par onze alinéas ainsi rédigés :
« - les axes prioritaires de son développement ;
« - les engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création ;
« - les montants minimaux d'investissements de la société visée au I de l'article 44 dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;
« - les engagements permettant d'assurer, dans un délai de cinq ans suivant la publication de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l'adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés, à l'exception des messages publicitaires, sous réserve des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes ;
« - les engagements permettant d'assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;
« - le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui sont retenus ;
« - le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;
« - le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;
« - les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix ;
« - les axes d'amélioration de la gestion financière et de ressources humaines ;
« - le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier. »
4° Le huitième alinéa du I est supprimé ;
5° La première phrase du neuvième alinéa du I est complétée par les mots : « et au Conseil supérieur de l'audiovisuel » ;
6° Au dernier alinéa du I, les mots : « les sociétés Radio France, Radio France Internationale et Arte-France ainsi que » sont remplacés par les mots : « La société Arte-France et » ;
7° Le deuxième alinéa du II est supprimé ;
8° Le troisième alinéa du II est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Chaque année, les présidents de France Télévisions et de Radio France présentent, devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'ils président. » ;
« Chaque année, le président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France présente, devant les commissions chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'il préside. »
9° Au dernier alinéa du II, les mots : « et des sociétés Radio France et Radio France Internationale » sont remplacés par les mots : «, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France » ;
10° Le VI est ainsi rédigé :
« VI. - Les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l'article 44, à l'exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette disposition s'applique également aux programmes diffusés par ces services entre six heures et vingt heures à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au I de l'article 44 sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle ne s'applique pas aux campagnes d'intérêt général. À compter de cette même date, le temps maximal consacré à la diffusion de messages publicitaires s'apprécie par heure d'horloge donnée. À l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur le territoire d'un département d'outre-mer, d'une collectivité d'outre-mer ou de Nouvelle-Calédonie, et au plus tard le 30 novembre 2011, les programmes de télévision de la société mentionnée au I de l'article 44 diffusés sur le territoire de la collectivité en cause ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, sous réserve de l'existence d'une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair. Au plus tard le 1er juin 2011, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de cette disposition et son incidence, notamment sur la société France Télévisions. Ce rapport propose, le cas échéant, les adaptations nécessaires de la présente loi. Au plus tard le 1er mai 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel évaluant, après consultation des organismes professionnels représentatifs du secteur de la publicité, l'incidence de ces dispositions sur l'évolution du marché publicitaire et la situation de l'ensemble des éditeurs de services de télévision.
« La mise en œuvre de l'alinéa qui précède donne lieu à une compensation financière de l'État. Dans des conditions définies par chaque loi de finances, le montant de cette compensation est affecté à la société mentionnée au I de l'article 44. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Avant de présenter cet amendement, je précise que la commission est défavorable à l’amendement n° 356.
Vos rapporteurs ne reviendront pas sur le fait qu’ils soutiennent l’idée de la suppression de la publicité, ils s’en sont expliqués lors de discussion générale. Ils soulignent par ailleurs qu’il serait fort dommage de supprimer les contrats d’objectifs et de moyens qui sont, il faut bien l’avouer, des outils essentiels de l’information du Parlement.
Mme Annie David. Ces COM seront inatteignables !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. J’en viens à l'amendement n° 34 rectifié.
Cet amendement vise à réécrire l’article 18 afin, premièrement, d’apporter des améliorations rédactionnelles, deuxièmement, de supprimer l’avis obligatoire du CSA sur les contrats d’objectifs et de moyens.
En effet, il est apparu à vos rapporteurs que la commission risquait d’être fortement liée à cet avis du régulateur et qu’il était politiquement plus clair, si elle l’estimait nécessaire, d’auditionner le CSA avant d’émettre un avis sur le COM. Je vous rappelle qu’hier nous avons adopté une mesure qui lui donne plutôt un rôle d’éclaireur par la remise d’un rapport au CSA.
Troisièmement, cet amendement prévoit que le président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France présentera un rapport sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société qu’il préside devant la commission des affaires étrangères de chaque assemblée.
Quatrièmement, enfin, il s’agit d’opérer le passage du système dit de l’heure glissante à celui de l’heure d’horloge pour les chaînes publiques.
M. le président. Le sous-amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après le 5° de l'amendement n°34 rectifié, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après la première phrase du neuvième alinéa du I, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le contrat d'objectifs et de moyens de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. »
La parole est à M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, en remplacement de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.
M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. L’article 18 du projet de loi vise à pallier une faille majeure : l’absence actuelle de pilotage stratégique de l’audiovisuel extérieur. Il prévoit en effet de soumettre la société en charge de l’audiovisuel extérieur à l’obligation de la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État, à l’image de France Télévisions et de Radio France.
Rappelons que, s’agissant de Radio France Internationale, cette obligation ne s’est jamais concrétisée, alors même que la loi l’impose depuis 2000, ce qui illustre les déficiences de la tutelle de l’État, comme l’a souligné récemment la Cour des comptes.
La grande nouveauté tient donc au fait que, désormais, Radio France Internationale, France 24 et, dans une certaine mesure, TV5 Monde seront à l’avenir pilotées en fonction d’une stratégie globale, et ce dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens unique qui sera commun à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel extérieur et qui garantira un financement pluriannuel à l’audiovisuel extérieur.
La loi prévoit déjà, mes chers collègues, que le Parlement est informé avant leur signature et qu’il peut se prononcer par un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens conclus entre l’État et les sociétés de l’audiovisuel public. En effet, l’article 53 de la loi de 1986 dispose actuellement : « Avant leur signature, les contrats d’objectifs et de moyens sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. » Il est précisé plus loin : « Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d’objectifs et de moyens dans un délai de six semaines. »
Toutefois, mes chers collègues, dès lors que le projet de loi prévoit d’étendre des contrats d’objectifs et de moyens à la société en charge de l’audiovisuel extérieur, il paraît logique d’associer aussi les commissions des affaires étrangères, compte tenu de l’importance de l’audiovisuel extérieur pour la place et l’influence de la France et de notre langue à l’échelle mondiale.
Ce sous-amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères et de la défense, vise donc à ce que les commissions des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat soient également destinataires du contrat d’objectifs et de moyens relatif à l’audiovisuel extérieur, aux côtés des commissions des affaires culturelles et des finances, et qu’elles puissent éventuellement formuler un avis sur ce contrat.
M. le président. Le sous-amendement n° 228 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Amoudry, Détraigne, Pozzo di Borgo et Deneux, est ainsi libellé :
Supprimer les trois dernières phrases du premier alinéa du texte proposé par le 10° de l'amendement n° 34 rectifié pour le VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Ce sous-amendement tend à supprimer l’un des rapports proposés dans l’article 18. En effet, il semble plus logique que le Gouvernement présente un seul rapport - nous vous proposerons d'ailleurs des amendements en ce sens aux articles 20 et 21 – faisant le point sur la réforme avant la suppression totale de la publicité à la télévision.
Ce serait plus simple et permettrait d’éclairer le Parlement avant que la deuxième phase de la réforme intervienne.
M. le président. L'amendement n° 357, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. La disposition prévoyant d’aligner la durée des contrats d’objectifs et de moyens sur celle du mandat des présidents constitue, à nos yeux, une arme à double tranchant.
On peut effectivement estimer, à l’instar du rédacteur de la disposition, que l’alignement des durées sécurise l’action d’un président élu ayant lui-même négocié son COM, qui ne pourra être négocié durant son mandat.
À l’inverse, on a compris que les présidents, si ce projet de loi est adopté, seraient désormais sur un siège éjectable. Comment, dès lors, accepter que les contrats puissent être renégociés à des fréquences diverses, concomitamment à l’arrivée d’un nouveau président dont la nomination pourra être assortie d’une invective de l’exécutif à faire faire des économies à la société dont il aura la charge ?
Il convient de rappeler que l’État s’engage à fournir les moyens financiers convenus pour la durée du COM. En contrepartie de leurs engagements sur des objectifs de résultat et de maîtrise de leurs moyens, les organismes du secteur public audiovisuel ont une visibilité à moyen terme sur l’évolution de leurs ressources. Que va-t-il advenir de cette visibilité pluriannuelle si les COM sont remis en cause à chaque nomination ? Qu’en est-il, par ailleurs, de la logique de responsabilisation mutuelle entre l’État et les sociétés ?
II faut maintenir la durée initiale du COM afin que les engagements pris à cette occasion par les signataires revêtent un caractère stable et pérenne.
Pour ne pas trop compromettre cette pérennité du financement des sociétés de l’audiovisuel public, qui est déjà bien entamée par ailleurs avec la suppression de la collecte de la publicité par les chaînes publiques, il nous semble totalement inopportun de prévoir un alignement de la durée des COM sur celle du mandat des présidents.
M. le président. L'amendement n° 362, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° de cet article :
« La renégociation d'un contrat d'objectifs et de moyens avant son terme ne peut survenir qu'en cas de hausse de l'indice des prix à la consommation imprévue et exceptionnelle, de moins-value des recettes de redevance ou de mise en œuvre de nouvelles orientations technologiques. »
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. La loi dite « Trautmann-Tasca » du 1er août 2000 qui constitue, réaffirmons-le, la dernière vraie réforme de la loi de 1986 avant le retour en arrière auquel vont aboutir les projets de lois que nous examinons, a construit un dispositif réglementaire complet et cohérent fixant une perspective pérenne au développement de la télévision publique.
Ce dispositif complétait la création de la société holding France Télévisions et l’allongement de la durée du mandat du président du groupe de trois à cinq ans par la formalisation des relations stratégiques et financières entre l’État et les organismes du service public de l’audiovisuel dans le cadre de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.
Ce bel édifice, la droite revenue au pouvoir en 2002 s’est immédiatement acharnée à l’abattre en décidant unilatéralement d’annuler le plan de développement de France Télévisions pour la période 2001-2005 et de bloquer les financements importants. J’attire particulièrement votre attention sur ce point, monsieur Fourcade, compte tenu de ce que vous avez dit tout à l’heure !
Ainsi était signée la disparition, sans autre forme de procès, du projet numérique de France Télévisions, qui prévoyait de faire de la télévision publique le premier bouquet de chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre, la TNT, sans que le gouvernement de M. Raffarin crût nécessaire de renégocier le premier COM signé à la fin de 2001 par Marc Tessier, alors président de France Télévisions, et par Catherine Tasca, alors ministre de la culture et de la communication.
La logique vertueuse instaurée par la loi d’août 2000 de contractualisation pluriannuelle des relations entre France Télévisions et l’État était en fait brisée pour longtemps.
France Télévisions ne se vit doter d’un nouveau COM qu’en 2007, après deux ans de tergiversations de l’État, sur la stratégie de développement de la télévision publique et sur les moyens à y accorder.
Finalement, ce second COM confirma le sous-financement structurel de France Télévisions, induit par le blocage décidé en 2003 du taux de la redevance. J’attire également votre attention sur ce point, monsieur Fourcade !
Ce contrat avait cependant le mérite d’exister et permettait au moins aux équipes de France Télévisions de gérer le développement des sociétés du groupe dans un cadre fixe. Par son annonce du 8 janvier 2008, le Président de la République fit voler en éclats ce contrat.
Aujourd’hui, on nous affirme que des négociations sont en cours entre les services compétents de l’État et la direction de France Télévisions pour construire un plan d’affaires cohérent avec la réforme dont nous discutons.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quand ce plan d’affaires, dont la conclusion nous semble urgente au regard de la situation économique et sociale de France Télévisions, sera prêt et si l’équipe dirigeante actuelle du groupe public aura la responsabilité de le mettre en œuvre ? On peut effectivement en douter au regard des déclarations du Président de la République, ces dernières heures, sur ses intentions quant au changement de président à la tête de notre télévision publique.
En outre, le projet prévoit que chaque COM devra avoir pour durée d’exécution la durée du mandat du président qui l’aura négocié et signé.
Vu que l’horizon de vie - ou plutôt de survie - de l’équipe dirigeante actuelle de France Télévisions paraît limité, au mieux, à l’été 2010, pensez-vous qu’un COM « nouvelle formule » prendra le relais du plan d’affaires en cours de négociation dans moins d’un an et demi ?
Pour notre part, nous considérons que toutes ces incertitudes nourrissent un climat de confusion très malsain autour des perspectives de développement de France Télévisions. C’est pourquoi nous estimons nécessaire d’encadrer les possibilités de renégociation, en cours d’exécution, d’un COM.
Seuls des événements imprévisibles ayant un impact certain sur la gestion des organismes du service public audiovisuel, liés à la conjoncture économique ou à des évolutions technologiques rapides, devraient à notre sens pouvoir justifier la renégociation d’un COM.
Cet amendement permettrait ainsi d’éviter que l’État ne décide unilatéralement de revoir ses engagements à l’égard du service public audiovisuel en cours d’exécution d’un COM.
M. le président. Les amendements nos 141 et 358 sont identiques.
L'amendement n° 141 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 358 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° bis de cet article.
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 141.
M. Ivan Renar. Avec cet article 18, nous abordons le nerf de la guerre et, si j’en crois les événements survenus tout à l’heure, nous entrons dans la guerre des nerfs : le financement de France Télévisions ou, plutôt, son sous-financement.
Or, par une extraordinaire propension à rajouter de la difficulté à la difficulté, un amendement défendu à l’Assemblée nationale par le rapporteur Christian Kert est venu rajouter dans le contrat d’objectifs et de moyens de l’ensemble des sociétés et établissements publics de l’audiovisuel une obligation insensée, celle d’avoir « un résultat d’exploitation au moins équilibré » ; j’insiste sur les termes « au moins ». C’est impensable !
Cette mesure, à lire l’exposé sommaire de l’amendement n° 91 défendu à l'Assemblée nationale par le rapporteur Christian Kert, serait une « contrepartie d’un financement assuré et neutre en matière de politique éditoriale ». Avons-nous examiné le même texte ? Je m’interroge, car le financement prévu par ce projet de loi est loin d’être « assuré » et encore moins « neutre » en matière de politique éditoriale !
Il est en effet impensable d’imposer une telle obligation à l’heure où l’audiovisuel public – dont le budget pour 2009 prévoit un déséquilibre de 135 millions d’euros – se voit privé d’une grande partie de ses ressources sans qu’une compensation pérenne et satisfaisante ait été garantie par l’État.
Dans un tel contexte, cette disposition est dangereuse, à terme, pour le caractère public de l’audiovisuel public. Elle est citée dans le rapport de la commission, mais sans aucun commentaire, et il n’est pas proposé de la modifier.
C’est donc avec un certain intérêt que j’ai noté, en lisant l’amendement n° 34 rectifié déposé par nos rapporteurs, que la position de la commission avait évolué. Celle-ci évoque non plus « un objectif de résultat d’exploitation au moins équilibré », mais « le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier ».
Le retour à l’équilibre financier, c’est ce que l’on peut espérer, voire souhaiter, pour France Télévisions. Mais les mesures contenues dans ce projet de loi, tels des boulets chevillés à France Télévisions, laissent augurer du contraire.
On ne peut donc pas maintenir les dispositions majeures de cet article 18, dont la suppression de la publicité, et, dans le même temps, formuler le vœu pieux d’une « perspective de retour à l’équilibre financier ».
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement de suppression.