M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. J’ajouterai un mot aux arguments que vient de défendre notre collègue.
Le rapporteur et la ministre viennent de nous donner une bien curieuse définition du travail d’un homme politique. Il s’agit du Président de la République, et je ne vois pas comment on pourrait « détricoter » son activité nationale de son activité internationale !
M. Aymeri de Montesquiou. Justement !
M. Jack Ralite. Il n’y a qu’une politique !
L’opposition a, elle aussi, une activité internationale ; elle aussi, fort heureusement, entretient des rapports avec les peuples étrangers ! Allez-vous distinguer, dans le décompte de son temps de parole, cette activité de son activité nationale ? Vous faites preuve d’une conception bien étriquée de la politique !
C’est en tant que Président de la République française que le chef de l’État intervient à l’étranger, comme il intervient dans le pays. Je pense qu’il faut tenir compte de nos deux amendements, des amendements de dignité et de vérité… et républicains ! J’allais dire « par-dessus le marché », mais vous en faites si peu de cas que je ne me permettrai pas ce mauvais jeu de mots !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il est dommage que nous ne puissions pas donner à ces débats une autre dimension que la simple suppression de la publicité sur la télévision publique afin d’exaucer le vœu du Président de la République – de toute façon, la mesure est déjà entrée en application.
J’avais cru aux perspectives ouvertes par la création de la commission Copé sur « la nouvelle télévision publique ». Nous pensions nous réunir avec des créateurs, pour évoquer avec eux les moyens d’aider la télévision publique à trouver sa place spécifique dans le nouveau paysage audiovisuel, la modernisation, les défis des dix ans qui viennent… Tout cela promettait d’être passionnant !
Or, chaque fois que nous essayons d’ouvrir ce débat – il est vrai que nous présentons la tare d’être l’opposition –, nous nous heurtons à un mur : Mme la ministre nous explique en trois phrases lapidaires qu’il convient de passer à un autre sujet !
Chaque fois que nous abordons des chantiers qui peuvent donner une autre dimension à cette réforme, en réfléchissant à la nécessaire adaptation de notre audiovisuel aux évolutions du monde, y compris des institutions et des pratiques politiques, le débat est évacué !
Pourtant, le Président de la République a changé la pratique présidentielle, il est donc légitime de se demander comment prendre en compte ce changement. Nous agissons pour une réforme qui s’inscrive dans le mouvement, contre la réforme-régression à laquelle vous nous avez habitués ! Nous voulons une réforme qui nous oriente vers le progrès et la démocratie !
Nous n’étions pas favorables à la transformation de la fonction présidentielle, mais le Président de la République, qui pouvait y renoncer, a fait ce qu’il avait dit qu’il ferait : il est le chef de l’exécutif, il le montre tous les jours. Et il ne déserte pas les médias, car, en homme moderne, il a compris que, dans le monde actuel, on ne peut pas communiquer avec les citoyens sans les médias dont on sait la place absolument fondamentale qu’ils occupent dans la société.
Le fait de légiférer en fonction de cette nouvelle pratique est fondamental ! À qui allez-vous faire croire que le Président de la République n’est pas tous les jours le chef de l’exécutif et que comptabiliser son temps avec celui du Gouvernement ne répond pas à une évidence ? Il aurait d’ailleurs dû proposer lui-même cette modification de la loi, puisqu’il a voulu cette modification de la fonction !
Auparavant, le Président de la République était un arbitre. L’actuel président ne veut plus être un arbitre, et se pose tous les jours en chef de l’exécutif. Oui, tous les jours, il donne les ordres dans ce sens ! Certains apprécient, d’autres moins, mais c’est un fait : en politique intérieure, en politique internationale, dans tous les domaines, c’est le Président de la République qui gouverne et, en plus, il le dit tous les jours dans les médias ! Il faut donc que son temps de parole soit décompté avec celui du Gouvernement.
Avec l’entrée en vigueur du quinquennat, nous sommes quasiment sûrs de ne plus connaître de ces cohabitations qui, pendant vingt ans, avaient permis de réaliser des équilibres même pour la composition du CSA ; ils étaient peut-être contre nature, mais ils existaient ! Maintenant, le Président, la majorité parlementaire, le Gouvernement sont tous de la même couleur politique. Le jour où la gauche gagnera l’élection présidentielle,…
M. Robert del Picchia. Il faudrait déjà qu’elle ait un candidat !
M. David Assouline. … je peux vous assurer que je serai très content d’entendre les démocrates de droite venir se plaindre de l’absence de pluralisme dans la composition du CSA et dans les nominations de l’audiovisuel, de l’absence de comptabilisation du temps de parole du Président de la République avec celui du Gouvernement…
Non, vraiment, il est dommage d’en arriver à évaluer la règle démocratique à l’aune des intérêts partisans ! Je vous donne rendez-vous dans quelques années : vous le regretterez ! N’oubliez pas que, aujourd'hui, nous nous battons non pas seulement pour nous, mais pour vous et pour nous, c'est-à-dire pour la démocratie !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante,
est reprise à vingt et une heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettres en date de ce jour, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel concernant la loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution et la loi relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.
Acte est donné de ces décisions.
Elles seront publiées au Journal officiel, édition des Lois et décrets.
7
Communication audiovisuelle
Suite de la discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Dans la suite de l’examen des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er B.
Article 1er B
Après l’avant-dernier alinéa de l’article 15 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Avant le 31 décembre 2009, la haute autorité remet un rapport au Parlement qui dresse le bilan de la politique salariale et de recrutement menée par les sociétés nationales de programme visées à l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française. Ce rapport propose, le cas échéant, des mesures pour améliorer l’action des sociétés nationales de programme en ce domaine. »
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après les « séduisantes » déclarations d’intention du précédent article, nous entrons avec cet article 1er B dans le champ du cahier des charges de l’audiovisuel public.
Si l’on suit en effet les termes du projet de loi, cet article devrait inciter France Télévisions à faire un effort particulier de recrutement de personnels appartenant aux « minorités visibles » de la population.
C’est donc à une vaste entreprise de stigmatisation que nous assistons. Elle constitue, faut-il le souligner, une forme de « discrimination positive » appliquée à l’audiovisuel public, et à lui seul.
Il s’agit, en effet, de confier à la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la rédaction d’un rapport sur la politique salariale et de recrutement des sociétés nationales de programme, et ce au regard du paramètre de la « diversité ».
Une telle démarche ne peut manquer d’étonner, tant nous pouvons craindre que cela ne conduise précisément les sociétés nationales de programme, singulièrement France Télévisions, à réaliser au plus tôt d’importantes économies de structure conduisant à la suppression de plusieurs centaines d’emplois.
C’est donc au moment même où l’audiovisuel public est directement touché par la réduction de ses effectifs qu’il lui est demandé de faire un effort particulier pour le recrutement de personnels issus de la « diversité ».
On peut d’ailleurs se demander dans cette affaire s’il est forcément bienvenu de confier cette mission à la HALDE, alors même que la question de la gestion des effectifs des sociétés nationales de programme participe pleinement du dialogue social interne à ces sociétés.
À mon sens, le choix fait ici n’est pas forcément le bon, et je suis parfaitement consciente que les organisations syndicales de nos sociétés de programme sont plus qu’attentives à ces problématiques.
Dès la discussion de la loi pour l’égalité des chances, autre concept pour le moins sujet à caution, qui comportait plusieurs mesures relatives aux pouvoirs de la HALDE, nous avions notamment souligné ceci à propos de la HALDE : « Il conviendrait de renforcer ses missions dans le domaine de l’assistance aux victimes en termes de constitution du dossier, [en la dotant] des moyens de réaliser un travail de terrain effectif et d’agir au niveau des institutions et instances républicaines : l’école, le lieu de travail, l’habitat, etc. […] »
« En tout état de cause, cette Haute Autorité ne peut pas, à elle seule, "réparer" le mal causé par les politiques antisociales d’exclusion et de stigmatisation qui sont menées […] »
« Pour autant, nous estimons – et il semblerait que nous soyons suivis en cela par le Conseil d’État – que cette instance ne doit se substituer ni à l’action du pouvoir judiciaire, et nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen des amendements, ni à celle des pouvoirs publics, dont le rôle essentiel est de promouvoir et mettre en œuvre le principe d’égalité et de lutte contre les discriminations. »
Mes chers collègues, ce n’est donc pas à la HALDE de donner le ton au dialogue social à France Télévisions, un dialogue dont nous avons pu constater, à l’occasion de la dernière réunion du conseil d’administration de notre société nationale de programme, qu’il pouvait se trouver quelque peu « téléguidé » par une injonction présidentielle, au mépris des droits du Parlement.
C’est plutôt au pouvoir politique lui-même de faire en sorte que le secteur public de l’audiovisuel ait les moyens de son développement – ce projet de loi est pour le moins éloigné de cet objectif – et que le dialogue social, « naturel », logique, comme il est de règle dans une grande entreprise publique, et une grande entreprise tout court, se fixe des objectifs de création d’emplois précis et effectifs.
Cessons donc la stigmatisation des salariés, comme nous y invite cet article ! Cessons aussi de laisser penser que le secteur public de l’audiovisuel fait peu en matière de recrutement, notamment quand on se souvient de ce que sont RFO et RFI, avant qu’elles ne soient englouties par la société « chapeau » Audiovisuel extérieur de la France, ou encore des multiples démonstrations qu’a pu faire le service public en recrutant des journalistes et des animateurs issus de l’ensemble des composantes de la société française.
Doit-on, pour établir une égalité de traitement entre opérateurs de télévision, imposer les mêmes règles au cahier des charges de TF1 ?
En tout cas, rien ne permet à nos yeux de voter cet article en l’état.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :
« Avant le 31 décembre 2009, la haute autorité remet un rapport au Parlement qui dresse le bilan de la politique de gestion des ressources humaines menée par les sociétés nationales de programme visées à l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française. »
La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission, tout en partageant le souhait d’une meilleure connaissance des pratiques des sociétés de l’audiovisuel public dans le cadre de leur gestion des ressources humaines, propose néanmoins une nouvelle rédaction de cet article, et ce pour une triple raison.
Il s’agit, tout d’abord, d’introduire une disposition transitoire dans le présent texte sans modifier la loi du 30 décembre 2004, car cette dernière a une portée générale, alors que la modification proposée s’éteindra au 31 décembre 2009 et qu’elle ne concerne que le secteur de l’audiovisuel public.
Il s’agit, ensuite, d’évoquer la « politique de gestion des ressources humaines », plutôt que la « politique salariale et de recrutement ». En effet, une telle rédaction apparaît à la fois plus générale et plus adaptée au cadre réglementaire en vigueur en matière de politique salariale et de recrutement.
Il s’agit, enfin, de supprimer une disposition redondante avec la loi de 2004, dans la mesure où la HALDE dispose déjà d’un pouvoir de proposition : en application de l’article 11 de cette loi, elle peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle estime être discriminatoire ou à en prévenir le renouvellement ; en outre, les autorités ou personnes intéressées sont tenues, dans un délai fixé par la Haute Autorité, de rendre compte à celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. Il nous paraît donc inutile de rappeler ce pouvoir de proposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Il paraît intéressant de substituer la notion de politique de ressources humaines, plus large, à celle de politique salariale.
L’avis du Gouvernement est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er B, modifié.
(L’article 1er B est adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L’amendement n° 111, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précité est ainsi rédigé :
« Art. 3-1. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille au strict respect du pluralisme inhérent à la définition du service public dans les différentes catégories de programmes : d'une part, pluralisme politique en matière d'information et de débats d'idées, d'autre part, pluralisme culturel, artistique, sociétal dans l'ensemble des programmes de culture et de divertissement, selon les critères avancés à l'article 44 de la présente loi. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer l’objectif cardinal qui doit être visé dans toute législation visant l’audiovisuel en général, et l’audiovisuel public en particulier : le pluralisme.
Objectif de valeur constitutionnelle, comme on peut le lire notamment dans la décision du Conseil constitutionnel du 18 septembre 1986, obligation explicitement mentionnée à l’article 13 de la Charte des droits fondamentaux, le pluralisme est l’élément essentiel de la garantie des libertés publiques dans une démocratie.
Les progrès techniques, la globalisation et le contexte national actuel accentuent encore le besoin de politique et, le cas échéant, de réglementations destinées à promouvoir ce principe.
Mais promouvoir réellement le pluralisme dans les médias impose au législateur d’adopter deux comportements essentiels.
Tout d’abord, il importe qu’il mette cette valeur au centre de sa réflexion. Or c’est loin d’être le cas dans ce projet de loi, qui ne prévoit aucune disposition qui puisse améliorer l’état de l’espace public français de ce point de vue. Au contraire ! Les scandaleuses dispositions de la loi organique, retranscrites ici aux articles 5 à 9, dont nous avons déjà discuté et sur lesquelles nous reviendrons, l’absence de propositions de réforme de l’instance chargée de veiller au respect de cette valeur, le CSA, et les diverses dispositions pro-concentrations prises par ailleurs, cet été, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, dite loi LME, constituent un réseau de dispositifs qui travaillent à fragiliser le pluralisme dans notre pays.
La seconde exigence d’un travail en direction du pluralisme médiatique est d’abandonner les positions incantatoires qui instrumentalisent cette valeur au profit d’une position déterminée et concrète. De ce point de vue, il importe de donner le contenu le plus précis possible à ce que l’on entend par « pluralisme ».
C’est l’objet de cet amendement, qui vise notamment à inscrire dans la loi une définition plus complète des diverses formes de pluralisme, à savoir les pluralismes politique et culturel. Cette précision affine la nature des missions confiées au Conseil supérieur de l’audiovisuel, participant ainsi à sa nécessaire réforme.
Cet amendement vise ainsi à inscrire dans la loi l’objectif de pluralisme culturel, brandi à l’envi par le Président de la République et le Gouvernement depuis le début de cette réforme, dans leurs déclarations orales et écrites, jusques et y compris dans l’exposé motifs du présent projet de loi.
Voter cet amendement tombe ainsi sous le sens, à condition, bien sûr, qu’il ne s’agisse pas là de déclarations incantatoires qui se serviraient des valeurs à d’autres fins ...
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986. La commission s’est étonnée, dans ces conditions, qu’il n’ait pas été déposé à l’article 1er A, qui concerne cet article et confie notamment au CSA des missions en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations.
Nous préférerions de surcroît la notion de « diversité de la société française » à celle de « pluralisme ». C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. En premier lieu, le respect du pluralisme par le service public de l’audiovisuel figure déjà dans la loi du 30 septembre 1986, en particulier aux articles 13 et 16, qui confient au CSA la mission d’assurer le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes de l’ensemble des services de radio et de télévision. De plus, des dispositions étaient insérées dans le projet de loi afin que le service public de l’audiovisuel garantisse, dans sa programmation, le pluralisme culturel.
En second lieu, la réécriture de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, à laquelle tend cet amendement, entraînerait la suppression de nombreuses missions dévolues aujourd’hui au CSA – défense de la langue française, respect de la concurrence dans le secteur audiovisuel, diversité de la langue française dans les programmes des services –, ce qui ne paraît pas souhaitable.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 111.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
I. - Le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :
« I. - La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, des émissions de radio ultramarines ainsi que tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.
« L'ensemble des services de télévision qu'elle édite et diffuse assure la diversité et le pluralisme de ses programmes dans les conditions fixées par son cahier des charges.
« Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, dont les caractéristiques respectives sont précisées par son cahier des charges. Elle peut les éditer par l'intermédiaire de filiales.
« Elle tient compte du développement des technologies numériques pour assurer l'accès de tous les publics à ses programmes.
« France Télévisions veille à ce que sa nouvelle organisation garantisse l'identité des lignes éditoriales de ses services. Cette organisation assure le pluralisme et la diversité de la création, de la production et de l'acquisition des œuvres audiovisuelles et cinématographiques d'expression originale française et européenne.
« Elle reflète dans sa programmation la diversité, notamment ethnoculturelle, de la société française et veille à engager une action adaptée pour améliorer la présence de cette diversité dans les programmes. »
II. - Au premier alinéa du V de l'article 44 de la même loi, les mots : « et les filiales mentionnées au dernier alinéa du I » sont supprimés. Au premier alinéa du II de l'article 57 de la même loi, les mots : « ou dans les sociétés mentionnées au dernier alinéa du I de l'article 44 » sont remplacés par les mots : « ou dans des filiales répondant à des missions de service public définies à l'article 43-11 ».
III. - Au second alinéa du V de l'article 44 de la même loi, les mots : « d'une filiale, propre à chacune d'elles et » sont remplacés par les mots : « de filiales ».
IV. - France Télévisions diffuse dans les régions des programmes qui contribuent à la mise en valeur de la richesse de ces territoires.
Elle conçoit et diffuse à travers des décrochages spécifiques, y compris aux heures de grande écoute, des émissions et des programmes reflétant la diversité de la vie économique, sociale et culturelle régionale, les activités créatrices ainsi que l'information de proximité.
Au travers de sa grille de programmes, elle contribue fortement, s'il y a lieu, à l'expression des langues régionales.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l’article.
M. Jean-François Voguet. L’article 1er crée l’entreprise unique. Comment ne pas s’en étonner, alors que la droite a démantelé l’ORTF en 1974 ? Que cache donc ce revirement ?
Bien sûr, vous mettez en avant une meilleure rationalisation des moyens, tout comme la nécessité de favoriser les économies d’échelle et la mutualisation. Nous ne sommes pas contre des gains de productivité, mais n’est-ce pas ce que fait déjà le président de France Télévisions ?
Par ailleurs, compte tenu de l’asphyxie financière à laquelle vous condamnez le service public, celui-ci aura-t-il d’autres choix ? Sûrement pas ! Alors, pourquoi l’inscrire dans la loi ?
N’est-il pas étrange d’avoir contribué à multiplier le nombre de chaînes gratuites grâce à la TNT afin de renforcer la diversité de la télévision française, et de vouloir aujourd’hui homogénéiser le service public ?
C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article 1er dont nous pensons qu’il n’a pas lieu d’être. Il est trop évident que, sans ressources et sans moyens nouveaux à la hauteur des défis qui l’attendent, une telle réorganisation vise ni plus ni moins le démantèlement de l’audiovisuel public. Car ce type de nouvelle « gouvernance », comme vous aimez la qualifier, est une bombe à retardement tant pour le périmètre actuel de France Télévisions que pour l’emploi des salariés.
Aujourd’hui, c’est un sujet tabou. Pourtant, il est bien question de 900 départs volontaires, et le porte-parole de l’UMP prépare le terrain en évoquant un plan social intégrant 2 000 licenciements. L’entreprise unique aura inévitablement des conséquences sociales, juridiques et économiques majeures.
Comment les salariés pourraient-ils ne pas être inquiets face à la perspective d’un plan social, lequel n’est d’ailleurs pas financé, et face à la disparition programmée de leur convention collective ?
De plus, il est évident que cette fusion-absorption mettra en péril l’identité de chacune des chaînes et entraînera une centralisation des choix éditoriaux et artistiques, fatale au pluralisme comme à la diversité des programmes. Contrairement à la loi audiovisuelle de 1986, ce projet de loi ne fait jamais référence aux différentes sociétés de programme que sont France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô. On ouvre ainsi la porte à leur privatisation.
Bien sûr, vous vous défendez d’avoir de telles intentions. Mais que ferez-vous quand les 140 millions d’euros d’économies attendues de cette fusion-absorption ne suffiront pas à combler les déficits, puisque vous compensez seulement a minima la suppression de la publicité ?
De plus, comment accepter cette conception de l’entreprise unique, alors que la représentation nationale n’aura plus de droit de regard sur le périmètre du service public ? Une fois encore, on écarte le Parlement, alors même que l’exécutif non seulement tiendra les cordons de la bourse, mais fera également peser une épée de Damoclès sur la présidence de France Télévisions.
Déjà, certains rêvent à voix haute de voir disparaître la rédaction nationale de France 3 – comme s’il y avait trop d’informations et trop de pluralisme ! –, masquant à peine le projet de la vendre à la découpe à la presse régionale, qui s’en frotte déjà les mains.
Vous présentez ce regroupement comme un sésame magique pour le passage vers le média global. Bien sûr, France Télévisions doit relever les défis technologiques du XXIe siècle et se diversifier. Mais, heureusement, elle n’a pas attendu le Gouvernement pour le faire, même sans moyens adéquats.
Si France Télévisions est « unique » – j’approuve complètement ce terme ! –, elle n’est pas une simple entreprise. Elle n’est pas et ne sera jamais une entreprise comme une autre, car elle est avant tout une entreprise culturelle. Faire l’impasse sur cette dimension essentielle ne peut conduire qu’à affaiblir l’identité de France Télévisions, qui ne s’adresse ni à des clients ni à des consommateurs, mais à des citoyens.
Même le CSA redoute que les synergies entre les rédactions ne conduisent à une rédaction unique fournissant la même information standardisée et la même expression uniformisée à l’ensemble des chaînes. Ce serait très grave pour le traitement pluraliste de l’information.
Et comment ne pas relayer la légitime inquiétude des artistes et des créateurs ? L’entreprise unique telle qu’elle est conçue porte en elle le ferment du guichet unique, qui implique l’uniformisation des programmes, l’appauvrissement des contenus, le formatage des œuvres. Ce n’est pas rendre service à la diversité culturelle ; c’est même aller à l’encontre de la convention de l’UNESCO sur la promotion de la diversité culturelle et de son expression.
Demain, le guichet unique s’imposera, tout simplement parce que le sous-financement chronique de France Télévisions sera significativement aggravé. Quand l’argent manque, on sait bien que les salariés et la création servent de variables d’ajustement !
Le pluralisme ne se limite pas à l’information, mais concerne aussi l’imaginaire. La diversité des approches artistiques apporte une pluralité de regards, indispensable à la compréhension de notre monde. C’est pourquoi nous refusons le guichet unique, qui conduira progressivement à la chaîne unique !
Et, puisque votre préoccupation première consiste à faire des économies, le meilleur moyen n’est-il pas de permettre à France Télévisions d’exercer pleinement son cœur de métier, à savoir la production ? Elle en possède les compétences et les savoir-faire. De plus cette capacité de production facilitera concrètement la réussite de son passage au média global, car elle maîtrisera mieux ses droits de diffusion et d’exploitation.
Étant donné que le modèle économique que vous préconisez pour France Télévisions n’est pas viable, nous proposons la suppression pure et simple de cet article, qui est la porte ouverte à la privatisation, à la remise en cause des conventions collectives, à l’uniformisation des esprits et à l’aseptisation de la création.