M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, le projet de loi actuellement en préparation fera encore l’objet de nombreuses réunions avant d’être finalisé et doit en outre être soumis aux arbitrages du Président de la République et du Premier ministre.
Comme vous l’avez dit, les jeux, des courses hippiques jusqu’aux casinos, intéressent beaucoup de Français.
Notre objectif n’a pas varié. Nous ouvrons le secteur des jeux non pas seulement parce que la Commission européenne nous le demandait, mais aussi parce que le marché existe. La pression exercée par internet n’est pas totalement contournable. On joue de plus en plus et d’une façon de moins en moins légale. Prenant en compte cette situation, mieux vaut offrir un cadre légal et maîtrisé que laisser courir.
L’ouverture se fera aux conditions que la France déterminera. Une grande importance sera accordée à la lutte contre l’addiction et à la protection des mineurs. Cela est très important. Évidemment, tout ce qui pourrait troubler l’ordre public, comme le blanchiment, sera très attentivement surveillé, en coordination avec le ministère de l’intérieur et le ministère chargé des sports.
Je réunis depuis quatre mois les parlementaires intéressés par cette question. Par ailleurs, nous sommes en contact avec toutes les professions concernées, lesquelles ont des avis très différents sur ce sujet, selon leur contexte économique propre, selon la crainte que leur inspire cette ouverture, selon leur histoire, etc. Notre objectif est d’aboutir à une vraie ouverture, et non à une fausse ouverture, et à une vraie régulation, et non à une fausse régulation.
Les arbitrages définitifs devraient être rendus en janvier. Un projet de loi pourrait être présenté en conseil des ministres à la fin du mois de janvier. Les parlementaires qui suivent ces sujets de près, et ils ont bien raison, seront évidemment informés. Puis le projet de loi sera soumis au Parlement. L’ouverture du marché des jeux en France pourrait intervenir à la fin de l’année 2009 ou au début de l’année 2010.
Le dispositif sera articulé autour d’une haute autorité – car il faut de l’indépendance –, qui rédigera un cahier des charges auquel devront se conformer les opérateurs désireux de travailler en France. Ceux-ci devront en outre obtenir un agrément. Cette haute autorité s’assurera du respect de ce cahier des charges et veillera à ce que les opérateurs qui, ne bénéficiant pas d’autorisation, auront été exclus du marché français des jeux soient combattus à la fois juridiquement et techniquement, en limitant autant que possible l’accès à leurs sites. Nous avons donc une vision très claire du cadre.
Les paris hippiques et sportifs ainsi que les jeux de casino ne sont pas comparables les uns aux autres, mais l’important est d’instaurer un régime fiscal cohérent avec chaque pratique, qui garantisse la sécurité des ressources de l’État et celle des ressources des filières, en particulier, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, la filière hippique.
En outre, l’ouverture des jeux représentera une source de financements supplémentaires pour le sport. Je pense au sport amateur. Je pense également au sport professionnel. Des contrats de nature commerciale pourront être signés avec les opérateurs agréés, à l’image de ce qui se pratique dans d’autres pays. Bien évidemment, ces contrats seront encadrés par la charte d’utilisation du jeu en ligne.
Voilà où nous en sommes, monsieur le rapporteur général, s’agissant d’un sujet très sensible sur lequel nous travaillons avec beaucoup de sérieux.
M. Gérard Longuet. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre sur la difficulté de sa tâche – il en est d'ailleurs conscient - et lui souhaiter beaucoup de courage. Nous l’aiderons, au cours du débat parlementaire, à élaborer un texte parfait, j’en suis convaincu.
Je voudrais insister sur la contribution à l’aménagement du territoire que le jeu peut apporter. Certaines petites villes conservent des activités touristiques grâce au support de casinos. Il y en a même en Lorraine, et les noms de plusieurs villes me viennent à l’esprit. (Sourires.)
La considération des retombées économiques que vous avez évoquées pour la filière hippique et, plus généralement, pour le sport doit se doubler d’une préoccupation d’aménagement du territoire. Je vous souhaite néanmoins bien du courage tant il est vrai que l’économie du numérique est à peu près insaisissable !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Profitant de la discussion ouverte par le rapporteur général et de la longue réponse du ministre, je voudrais vous faire part de ma crainte en ce qui concerne l’ouverture à la concurrence du marché des jeux de hasard, loto et autres.
En effet, l’organisation française, qui date essentiellement de l’entre-deux-guerres, a été mise en place d’abord dans un souci d’ordre public et de sécurité publique,…
M. Gérard Longuet. C’est exact !
M. Michel Charasse. …qui étaient alors, comme aujourd’hui, prioritaires. Car on ne peut autoriser les jeux que si on lutte efficacement contre les mafias, les trafics, le blanchiment, toutes choses dont l’Union européenne se fiche dès qu’il y a de l’argent à gagner ! Ce qui ne l’empêche pas d’adopter à l’occasion des postures morales de tartuffe !
Je regrette, monsieur le ministre, que la France ait capitulé devant les pressions de l’Union européenne sur ce sujet, alors que l’ordre, la sécurité publique et la lutte contre la pègre, les mafias et les trafics, dans le domaine des jeux en particulier, ne figurent pas dans les traités et n’ont jamais été reconnus comme entrant dans le pouvoir d’agir de la Commission européenne.
Cet abaissement de l’autorité de la France devant les pressions mafieuses relayées par l’Union européenne est, pour moi, insupportable. Je ne suis européen que dans la mesure où tout le monde respecte les traités, à commencer par les institutions chargées de les faire respecter. Sinon, c’est la souveraineté des États qui est en cause sans l’accord des peuples.
Monsieur le ministre, même si je ne doute pas de votre bonne foi – d’autant que ce sujet est aussi un enjeu budgétaire lourd et qu’il est depuis très longtemps dans les tiroirs du ministère des finances, car les pressions de l’Union européenne ne datent pas d’aujourd’hui : elles ont été essentiellement alimentées par les bookmakers anglais, Ladbrokes et consorts -, quand vous nous dites que vous exercerez une surveillance particulièrement vigilante, je crains fort, à partir du moment où il n’y aura plus de contrôle préalable de la part de l’Etat et de ses polices, que les voyous n’aient toujours une longueur d’avance sur vous.
Ce n’est pas en légalisant, aujourd’hui, des pratiques douteuses et illégales que vous empêcherez, demain, que les voyous internationaux n’en inventent de nouvelles, car ils ont un génie extraordinairement inventif en ce domaine.
En tout cas, j’insiste sur le fait que, dans cette affaire, la France capitule devant un diktat européen motivé par des activités lucratives qui ne sentent pas bon, qui outrepasse les compétences de l’Union et qui constitue une violation des traités, ce qui est insupportable ! (M. Gérard Longuet applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 59.
(L'article 59 est adopté.)
Article 60
À l'avant-dernière ligne du tableau du IV de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, après les mots : « chaleur rejetée en mer », sont insérés les mots : «, excepté en hiver ». – (Adopté.)
Article 61
I. - Le IV de l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le recouvrement de la redevance auprès de l'assujetti est réalisé comme en matière de redevances perçues par le service d'eau potable. »
II. - L'article L. 213-10-6 du même code est ainsi modifié :
1° La première phrase du cinquième alinéa est complétée par les mots : « en même temps que celle-ci » et sa deuxième phrase est supprimée ;
2° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le recouvrement de la redevance auprès de l'assujetti est réalisé comme en matière de redevance perçue par le service d'assainissement. »
III. - L'article L. 213-11 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les personnes susceptibles d'être assujetties aux redevances mentionnées aux articles L. 213-10-2, L. 213-10-5, L. 213-10-8, L. 213-10-9, L. 213-10-10 et L. 213-10-11 et les personnes qui facturent ou collectent les redevances mentionnées aux articles L. 213-10-3, L. 213-10-6 et L. 213-10-12 déclarent à l'agence de l'eau les éléments nécessaires au calcul des redevances mentionnées à l'article L. 213-10 avant le 1er avril de l'année suivant celle au titre de laquelle ces redevances sont dues. Ces personnes sont les contribuables mentionnés aux articles L. 213-11-1 à L. 213-11-13. » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Si, pour une année considérée, les redevances mentionnées aux articles L. 213-10-3 et L. 213-10-6 ont été facturées par l'exploitant du service d'eau ou assurant la facturation du service d'assainissement, et si la déclaration réalisée au titre de cette même année en application du premier alinéa du présent article établit que les rejets des éléments constitutifs de la pollution sont égaux ou supérieurs aux seuils mentionnés au tableau du IV de l'article L. 213-10-2, les sommes déjà versées à l'exploitant sont déduites des montants des redevances à recouvrer en application des articles L. 213-10-2 et L. 213-10-5.
« Si, pour une année d'activité considérée, une personne n'est pas assujettie aux redevances mentionnées aux articles L. 213-10-3 et L. 213-10-6, la dernière déclaration produite en application du premier alinéa du présent article faisant état de rejets d'éléments de pollution égaux ou supérieurs aux seuils visés au IV de l'article L. 213-10-2, et si la déclaration réalisée au titre de cette année d'activité fait état de rejets d'éléments constitutifs de la pollution inférieurs à ces mêmes seuils, l'agence met en recouvrement le montant des redevances restant dues au titre de cette année d'activité en application des articles L. 213-10-3 et L. 213-10-6 après déduction des sommes déjà versées en application de l'article L. 213-11-12. »
IV. - Au premier alinéa de l'article L. 213-11-1 du même code, le mot : « intéressés » est remplacé par le mot : « contribuables ».
V. - Au troisième alinéa de l'article L. 213-11-10 du même code, le mot : « redevable » est remplacé par le mot : « contribuable ».
VI. - À l'article L. 213-11-11 du même code, les mots : « représentant des créanciers » sont remplacés par les mots : « mandataire judiciaire » et, après le mot : « procédure », sont insérés les mots : « de sauvegarde ou ». – (Adopté.)
Article 61 bis
I. - Au sixième alinéa du VI de l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, le montant : « 0,6 € » est remplacé par le montant : « 1,8 € ».
II. - Le I s'applique à compter du 1er janvier 2009. – (Adopté.)
Article 62
Le tableau du V de l'article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999) est ainsi rédigé :
« |
Catégories |
Sommes forfaitairesDéchets(en millions d'euros) |
Coefficient multiplicateur |
|
||
Recherche |
Accompagnement |
Diffusion technologique |
|
|||
|
Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche (par tranche) |
0,28 |
[0,5 - 6,5] |
[0,6 - 2] |
[0,6 - 1] |
|
|
Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche |
0,25 |
[0,5 - 6,5] |
[0,6 - 2] |
[0,6 - 1] |
|
|
Autres réacteurs nucléaires |
0,25 |
[0,5 - 6,5] |
[0,6 - 2] |
[0,6 - 1] |
|
|
Usines de traitement de combustibles nucléaires usés |
0,28 |
[0,5 - 6,5] |
[0,6 - 2] |
[0,6 - 1] |
» |
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’une suppression que je qualifierai de questionnement.
Le Gouvernement nous soumet un dispositif sur lequel nous manquons d’éléments d’appréciation. En particulier, l’augmentation de la taxe sur les installations nucléaires de base ne frapperait-elle pas de manière excessive des installations de recherche, compromettant ainsi la réalisation de programmes de recherche ? En l’absence d’élément nous montrant quelles sont les modalités et les conséquences de son redéploiement, nous avons estimé que nous n’étions pas suffisamment éclairés pour accepter le dispositif. Mais peut-être allez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer davantage ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Eric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, en supprimant cette taxe, vous retireriez à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, une ressource supplémentaire qui lui est nécessaire pour mener à bien son programme de recherche 2010-2011.
D’une certaine façon aussi – je sais que vous serez sensible à cet argument -, vous allez sanctionner la vertu. La taxe a été volontairement fixée à un niveau très peu élevé en 2006 pour éviter de constituer, comme dans un certain nombre d’organismes, une trésorerie dormante à l’ANDRA aux dépens des industriels. Les besoins s’accroissant, comme dans certaines intercommunalités, en fonction des statuts et des compétences, on augmente alors la fiscalité. Il ne faudrait pas pénaliser l’ANDRA qui a souhaité, pendant longtemps, assurer un financement extrabudgétaire à ses programmes de recherche.
Les conséquences sont limitées pour les industriels : plafonnée à 30 millions d’euros par an à partir de 2010, la taxe est acquittée à 80 % par EDF, à moins de 20 % par le Commissariat à l’énergie atomique, et pour un faible pourcentage par Areva. En pratique, le plafond de 30 millions d'euros ne sera pas atteint et le coût avoisinera en 2010 probablement 20 millions d’euros.
Le principe « pollueur-payeur » qui a été évoqué tout à l'heure à propos des entreprises d’extraction d’or en Guyane, fonctionne, là, à plein, notamment pour EDF.
Cette augmentation est également nécessaire pour tenir compte du calendrier de mise en place d’un centre de stockage souterrain prévu dans la loi de 2006 et pour respecter les programmes de recherche de l’ANDRA sur le stockage des déchets de haute activité à vie longue.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. La Lorraine est au cœur du débat.
Monsieur le rapporteur général, une coordination avec un autre parlementaire de l’Oise, M. François-Michel Gonnot,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le président de l’ANDRA !
M. Gérard Longuet. …vous aurait permis de mesurer toute l’importance du travail de l’ANDRA. En effet, dans la chaîne de l’électronucléaire, la gestion des déchets de haute activité - comme d’ailleurs de faible activité - à vie longue est un devoir absolu.
Depuis 1991, la France s’est attaquée au problème et des lois ont été votées par des majorités successives, mais avec constance, afin d’apporter une solution durable à une question qui n’avait pas été envisagée au démarrage du programme électronucléaire.
Nous avons des règles du jeu qui sont stables ; il faut les consolider et - je le dis avec beaucoup de respect pour sa sagacité - notre rapporteur général peut faire confiance au Gouvernement et accepter ces taux nouveaux qui correspondent à des investissements lourds, mais qui sont indispensables à la réussite de l’électronucléaire français.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.
Article 63
Au 2° de l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, le montant : « 1,3 € » est remplacé par le montant : « 3 € ».
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous aidiez à lever l’ambiguïté qui pèse sur l’application du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le TaRTAM, à la SNCF.
La SNCF est le troisième consommateur d’énergie électrique sur le sol français, avec en moyenne 8 milliards de kilowattheures achetés par an ; c’est également l’un des acteurs les plus importants sur ce marché.
En application de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie, l’arrêté du 3 janvier 2007 instituant le niveau du TaRTAM et la note explicative parue le 10 janvier 2007 sur le site internet du ministère des finances et de l’industrie indiquent que ce tarif est a priori applicable à la SNCF en tant que consommateur final d’électricité. L’ensemble de ces textes décrit l’application de ce tarif pour les cas les plus généraux - consommation sur un site unique, fournisseur unique, contrat complet, fourniture et accès au réseau - sans précision sur l’application au ferroviaire.
La direction générale de l’énergie et des matières premières et la direction de la demande et des marchés énergétiques, au travers de leurs lettres du 22 novembre 2007 et du 11 décembre 2007, ont apporté des précisions sur l’application du TaRTAM pour une prise en compte spécifique des particularités de la consommation d’électricité du système ferroviaire français.
Malgré ces éléments, les fournisseurs compensateurs d’électricité dénient toujours à la SNCF le droit de bénéficier du TaRTAM.
Afin de lever définitivement, je l’espère, toute ambiguïté, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que ce tarif est bel et bien applicable à la SNCF ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Woerth, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, le TaRTAM est applicable à la SNCF, cette dernière remplissant les conditions prévues par l’article 30-1 de la loi du 9 août 2004, à savoir le fait d’être un consommateur final d’électricité acquittant la contribution prévue dans les articles de la loi du 10 février 2000.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous remercie de cette précision, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, je ne conteste pas la nécessité d’augmenter la taxe spécifique assise sur la production d’électricité d’origine hydraulique et nucléaire pour financer le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le TaRTAM, que le président Jean Arthuis et moi-même avons contribué à mettre en place, avec le soutien de Gérard Longuet, dans le cadre de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie.
Simplement, cet article 63 nous donne l’opportunité de faire un nouveau point sur la lancinante question des tarifs de l’électricité.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Car le TaRTAM, monsieur le ministre, ce n’est qu’un cautère sur une jambe de bois !
Il s’agit, rappelons-le, d’un tarif « de repentance », qui est destiné aux abonnés, très majoritairement professionnels, qui avaient choisi le marché libre de l’électricité et pour qui la très forte augmentation des prix sur le marché libre au cours des années 2000 était devenue insupportable. Mais, à la différence des tarifs réglementés « classiques », le TaRTAM peut et doit être proposé à leurs clients par tous les fournisseurs d’électricité – et nous en avons vu une illustration avec le cas de SNCF il y a un instant –, quitte à recevoir une compensation si ces fournisseurs acquièrent leur électricité à un prix plus élevé.
De ce fait, avec la mesure proposée, nous allons en pratique faire financer ses concurrents par EDF, afin que puisse vivre la concurrence, conformément aux volontés de l’Union européenne, en un mot de Bruxelles !
Ce système montre bien l’absurdité, monsieur le ministre, de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Les prix du marché libre, nous le savons tous, sont établis à partir des coûts de l’unité de production la moins performante, à laquelle il faut faire appel pour équilibrer le réseau. Dans le cas de la France, ce prix – surtout si l’on s’oriente vers un prix européen unique – n’est absolument pas représentatif du coût moyen de production du parc national, essentiellement nucléaire.
La libéralisation du marché, sous l’effet de la directive du 26 juin 2003, risque donc de se faire au détriment des consommateurs français et de la compétitivité industrielle de notre territoire, mais au bénéfice d’EDF.
Monsieur le ministre, le 1er juillet 2010 sera sans doute l’heure du rendez-vous pour l’ensemble des tarifs réglementés de l’électricité ; 2009 sera donc probablement l’année des choix politiques en la matière.
Pour essayer de résoudre la quadrature du cercle, vous avez mis en place une commission, présidée par M. Paul Champsaur, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et au sein de laquelle siègent nos collègues Jean-Marc Pastor et Ladislas Poniatowski. Cette commission doit vous transmettre, dans les premiers mois de 2009, ses propositions pour « permettre à la France de bénéficier d’un secteur électrique protecteur des intérêts des consommateurs, incitatif en matière d’investissement et s’inscrivant dans un marché de l’électricité européen ».
Sans anticiper sur l’ensemble des conclusions de la commission, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous faire un point rapide sur l’évolution de ce dossier, tant au niveau national qu’au niveau européen et, à cet égard, nous dire comment avancent les procédures d’infraction engagées par la Commission européenne contre la France ?
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, d’avoir tenu à aborder ces questions sur le fond, mais elles sont essentielles, récurrentes, et nous avons le devoir de les traiter en toute transparence pour la représentation nationale.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
M. Gérard Longuet. Le sujet évoqué par Philippe Marini est d’une telle importance que je crains que nous ne puissions l’approfondir utilement en cet instant. Je vous demande donc, monsieur le ministre – parallèlement aux travaux de la commission Champsaur – d’amorcer un véritable dialogue afin que puisse être trouvée une solution à cette situation absurde où la dérégulation d’un marché condamne les consommateurs français à payer plus cher leur énergie qu’ils ne l’auraient payé si le marché avait été purement national.
Nous devons ouvrir ce débat. Nous ne pourrons pas durablement amener l’opinion française à soutenir le nucléaire si la conclusion pratique de la dérégulation du marché les prive du bénéfice de la productivité de ce système.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. L’article 63 du projet de loi de finances rectificative tire, une fois de plus, les conséquences financières de la politique gouvernementale de privatisation du secteur énergétique.
Monsieur le ministre, vous nous demandez de voter une augmentation de la taxe spécifique assise sur la production d’électricité d’origine hydraulique et nucléaire pour financer la compensation aux opérateurs alternatifs du marché de l’électricité. En effet, ces derniers ont l’obligation légale de fournir leurs clients qui le souhaitent au niveau du TaRTAM.
Je le rappelle, cette obligation a été instituée par la loi relative au secteur de l’énergie afin d’aider les industriels à faire face à la hausse exponentielle de leur facture énergétique.
Aujourd’hui, vous faites le constat que le dispositif de financement de la compensation du TaRTAM ne sera plus tenable en 2009. En effet, l’évolution des prix de l’électricité en 2008 n’a pas dérogé à la règle, et la charge devrait s’élever à 1,214 milliard d’euros. Pourtant, en 2006, loin de se sentir gênée par ses contradictions, la majorité parlementaire soutenait ce nouveau tarif réglementé, alors même qu’elle votait comme un seul homme la privatisation de Gaz de France. C’est à la fois le retour en arrière et la fuite en avant !
Il nous a paru, dès le début, inconcevable de demander à EDF, au titre de la contribution pour les charges de service public de l’électricité, de payer la très forte augmentation des prix de l’électricité sur le marché libre, cause directe de l’ouverture à la concurrence du marché énergétique pour les professionnels.
En faisant appel à l’opérateur historique, vous avez confirmé l’utilité d’une entreprise publique forte et, à l’inverse, l’inutilité d’un marché libre, qui est dans l’incapacité de répondre aux besoins du pays et de la population.
Monsieur le rapporteur général, vous avez noté très justement que « le mécanisme envisagé revient, de fait, à faire financer ses concurrents par EDF afin, précisément, de maintenir l’existence d’un marché concurrentiel à des prix acceptables par les consommateurs ayant précédemment opté pour le marché libre ». Vous appelez de vos vœux « une politique des prix de l’énergie soutenable à long terme et respectueuse des intérêts des clients français, qui ont fait l’effort d’investir dans un parc nucléaire rentable ».
Sur ce point, vous avez raison : il y a urgence à agir, au nom de l’emploi, du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, de notre indépendance énergétique et de la préservation de notre environnement, mais pas de la manière que vous proposez. Nous avons besoin non pas d’un palliatif ou d’une échéance bien incertaine, mais bel et bien de l’arrêt du processus de privatisation de notre secteur énergétique.
Monsieur le ministre, la rustine, que vous reconduisez tant bien que mal, comme en témoignent les dispositions de l’article 63, devient insoutenable face à un marché dérégulé. Bien entendu, ce sont les consommateurs, c’est-à-dire nous tous, qui payons et qui paierons une fois encore les dérapages de cette conception de la concurrence à tout prix, particulièrement dans le secteur énergétique.
Il faut enfin tirer les conséquences de l’échec de vos politiques et défendre la seule solution pour atteindre les objectifs fixés en termes de prix et de qualité de service public : une forte maîtrise publique du secteur énergétique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l’article.
Mme Nicole Bricq. Je me contenterai de formuler une observation. L’article 63 prévoit d’augmenter le plafond de la taxe assise sur la production d’électricité d’origine nucléaire et hydraulique. Je rappellerai simplement que cette taxe aboutit, finalement, à octroyer une rente de 1,2 milliard d’euros aux entreprises qui se livrent au négoce d’électricité et qui ont su tirer pleinement profit des lois de la concurrence.
Comme notre collègue Gérard Longuet, je considère que ce système est absurde. Il doit être prolongé jusqu’à la fin de l’année 2010. Je me demande ce qui se passera après cette date.