M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. On nous dit en quelque sorte : « Circulez, il n’y a pas grand-chose à voir, abrogeons le décret du 20 mai 1903 ! » C’est un discours que je désapprouve totalement.
Je pourrais, moi, vous citer des extraits dudit décret relatifs au respect des étrangers ou aux missions occultes de la gendarmerie. Ce sont là des dispositions dont l’utilité ne saurait être contestée, surtout quand on entend parler de « cabinet noir » et autres officines ayant existé récemment à propos d’affaires dont la justice est saisie par le Président de la République lui-même. Que deviennent ces dispositions avec le présent texte ?
Je me permets de lire les deux premiers paragraphes de l’article 96 du décret de 1903 :
« Dans aucun cas, ni directement, ni indirectement, la gendarmerie ne doit recevoir de missions occultes de nature à lui enlever son caractère véritable.
« Son action s’exerce toujours en tenue militaire, ouvertement et sans manœuvres de nature à porter atteinte à la considération de l’arme. »
Madame le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez beau affirmer que le statut des militaires et leurs obligations figurent dans un autre texte, je ne saurais m’en satisfaire.
Ce que j’aurais voulu, c’est qu’on prenne aujourd'hui l’engagement que, dans un décret, un règlement ou un nouveau texte, ces dispositions du décret de 1903 seront reprises.
Il est trop facile de nous dire que vos intentions sont bonnes et que tout se passera bien. Je suis désolé, madame le ministre, mais ce n’est pas ainsi que l’on répond aux parlementaires ! Vous seriez mieux avisée de nous faire part de ce que vous comptez faire pour remplacer ce décret auquel, ici, tous les républicains sont attachés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Carrère, ce que j’ai l’intention de faire, ce n’est certainement pas ce que le Président qui, paraît-il, vous a formé a fait avec certains gendarmes de l’Élysée. Certaines des actions conduites à l’époque n’ont pas été très claires !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Vraiment très intéressant…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur. Monsieur Carrère, je dispose, moi aussi, de comparatifs. Je puis vous assurer que tous les textes ont été passés au peigne fin, qu’aucune des dispositions du décret n’a été oubliée et que les recommandations relatives à la disponibilité, au loyalisme et à la neutralité, principes auxquels vous avez fait allusion, se retrouvent dans le code de la défense.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
La présente loi entrera en vigueur au 1er janvier 2009.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Initialement, le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie avait été conçu dans l'idée que le transfert du budget de la gendarmerie nationale et le rattachement organique de cette dernière au ministère de l'intérieur seraient coordonnés et entreraient en vigueur, concomitamment, au 1er janvier 2009.
Comme cela n’a pas été le cas, il est évident que cet article ne se justifie pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il est tellement enthousiaste qu’il veut une entrée en vigueur au 1er janvier ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Le président Mitterrand m’a expliqué, entre autres choses, qu’il fallait respecter le Parlement. Or il me semble que c’est le traiter par-dessus la jambe que de lui proposer des amendements et des sous-amendements de dernière minute. C’est grotesque !
Voilà un article qui prévoit que la loi entrera en vigueur au 1er janvier 2009, et, maintenant, le Gouvernement nous demande de le supprimer ! Cela veut dire qu’en matière de gouvernance, au lieu de nous donner des leçons, il ferait mieux de les appliquer à lui-même ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Madame le ministre, mes chers collègues de la majorité, c’est vous qui, en ce moment, êtes pris en faute ! Acceptez donc que, très modestement, des gens qui aspirent à vous succéder…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tant qu’ils ne font qu’y aspirer, ce n’est pas grave ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. …vous le fassent remarquer quand vous êtes pris en flagrant délit de mauvaise gouvernance !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Carrère, c’est, au contraire, de la part du Gouvernement, une marque de respect envers le Parlement que de s’appliquer à ce qu’un texte ayant été préparé depuis un certain temps et dont la présentation, de par les aléas du travail parlementaire et du fait de l’obstruction d’un certain nombre de vos amis, a été retardée corresponde malgré tout à la réalité.
M. Didier Boulaud. En matière d’obstruction, vous avez donné plusieurs fois l’exemple !
M. Jean-Louis Carrère. Sur la décentralisation !
M. Didier Boulaud. Longuet en 1982, puis Seguin ! On va vous sortir les amendements ! Vous avez montré la voie !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. On va changer le règlement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
Les dispositions de la présente loi sont applicables sur l'ensemble du territoire de la République. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 10
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Leleux et Brun, Mme Sittler et MM. Bailly, Bourdin et Bécot, est ainsi libellé :
Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport évaluant, d'une part, les modalités concrètes du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l'Intérieur et notamment son impact sur son organisation interne, l'exercice de ses missions et sa présence sur le territoire, et, d'autre part, les effets de ce rattachement concernant l'efficacité de l'action répressive en matière de lutte contre la délinquance et la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie.
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Aux termes du projet de loi dont nous achevons l’examen et qui vise à organiser le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur sont réaffirmés fortement et clairement les spécificités de la gendarmerie, son identité culturelle, ainsi que le principe de dualité, très fortement ancré dans notre patrimoine républicain : deux unités au service d’une même mission, la sécurité.
Dans ce texte, sont clairement rappelés non seulement le statut militaire de la gendarmerie, mais aussi sa vocation de force armée et de maillage territorial.
Tel qu’il est présenté, il tend à conjuguer le respect de ce dualisme français des forces de sécurité, qui est une richesse, et la nécessité de rationnaliser et de coordonner de façon optimale ces forces au service de la sécurité de nos concitoyens. Il s’agit donc bien de coordonner des forces complémentaires et non pas, comme certains l’ont prétendu – mais vous leur avez répondu avec force, madame le ministre – de les fusionner de quelque façon que ce soit.
Ce projet de loi a été qualifié d’historique par M. le rapporteur. Il marque incontestablement un tournant pour la gendarmerie : il faut veiller à ce qu’il soit bien pris.
M. Didier Boulaud. Pour être un tournant, ça va être un tournant ! Attention au verglas ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Leleux. Il faut veiller à ce que non seulement la lettre, mais aussi l’esprit de ce texte soient respectés, et à ce que ni l’un ni l’autre ne soient dénaturés dans l’avenir, au fil de la mise en œuvre quotidienne de ces dispositions sur le terrain.
C’est pourquoi le présent amendement vise à ce que le Gouvernement présente un rapport au Parlement au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur de la loi. Dans ce rapport pourrait être dressé le bilan du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur – il contiendrait une évaluation chiffrée des effets de ce rattachement concernant l’efficacité de l’action des services de police et de gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité – ainsi que de la mutualisation des moyens des deux forces.
Ainsi, les ajustements éventuellement nécessaires pourraient être apportés en connaissance de cause.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. L’idée de notre collègue Jean-Pierre Leleux est excellente : un tel rapport permettra au Parlement de disposer, deux ans après l’entrée en vigueur du présent texte, d’un éclairage utile pour faire le point sur le rattachement budgétaire et organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
La commission émet donc un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Leleux, votre proposition me paraît tout à fait légitime, car elle s’inscrit dans le cadre des relations qui doivent prévaloir entre le Gouvernement et le Parlement pour permettre à celui-ci d’exercer pleinement sa mission de contrôle.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement, et j’irai même jusqu’à vous proposer de le rectifier pour prévoir la remise d’un tel rapport non pas simplement deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, mais tous les deux ans. À mon sens, cela apporterait une excellente garantie, à la fois pour le Parlement et pour la gendarmerie.
Les parlementaires seront ainsi en mesure de suivre les évolutions au plus près, pour parer notamment aux éventuelles dérives que certains semblent craindre.
Quant aux gendarmes, ils auront l’assurance que les principes fixés dans ce texte seront bien respectés, eu égard, en particulier, au maintien du caractère militaire de la gendarmerie et au refus de toute dérive vers une éventuelle syndicalisation.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. Monsieur Leleux, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 42 rectifié dans le sens suggéré par Mme le ministre ?
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, je rectifie d’autant plus volontiers mon amendement que la proposition de Mme le ministre va plus loin que la mienne, ce dont je la remercie.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 42 rectifié bis, présenté par MM. Leleux et Brun, Mme Sittler et MM. Bailly, Bourdin et Bécot, est ainsi libellé :
Après l’article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, tous les deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport évaluant, d’une part, les modalités concrètes du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur et notamment son impact sur son organisation interne, l’exercice de ses missions et sa présence sur le territoire, et, d’autre part, les effets de ce rattachement concernant l’efficacité de l’action répressive en matière de lutte contre la délinquance et la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Madame le ministre, je n’ai pas l’intention de prolonger la petite passe d’armes que nous avons eue entre nous, mais, je tiens à vous le dire, je n’ai pas du tout apprécié que vous évoquiez de cette façon l’ancien Président de la République ; de mon côté, je n’ai pas eu la discourtoisie de vous parler de certaines affaires en cours, mais je pourrais le faire si vous m’y poussez ! (Murmures.)
MM. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, et Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C’est interdit par la loi !
M. Jean-Louis Carrère. Mes chers collègues, vous savez bien que, dans cet hémicycle, rien n’est interdit, sauf les insultes ! Par courtoisie, je m’arrêterai là !
Je reviens à présent à l’amendement n° 42 rectifié bis. Le fait d’inscrire dans la loi la publication d’un bilan tous les deux ans me paraît de bonne méthode.
À cet égard, je rappelle qu’il y a quatre ans le gouvernement de l’époque avait donné son accord de principe à notre ancien collègue André Rouvière, qui demandait qu’un rapport soit établi sur les communautés de brigade. Nous l’attendons toujours !
M. Jean-Louis Carrère. Madame le ministre, ils n’ont pas été portés à ma connaissance ! Mais je suis prêt à vous en donner acte si je me trompe. D’ailleurs, monsieur le rapporteur, la commission les a-t-elle reçus ?
M. Jean Faure, rapporteur. Oui.
M. Didier Boulaud. Nous ne les avons jamais vus !
M. Jean-Louis Carrère. En tout état de cause, nous préférons qu’une telle disposition soit inscrite dans la loi. C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Monsieur Leleux, pour votre premier amendement le succès est total : je vous félicite ! (Mlle Sophie Joissains applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.
L’amendement n° 19 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit l’intitulé du projet de loi :
Projet de loi relatif à la gendarmerie nationale
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Jean Faure, rapporteur. Le présent projet de loi s’intitule, pour l’instant, « projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie ». Ce titre n’en reflète pas la nature exacte, car il donne le sentiment qu’il n’y est simplement question que de diverses dispositions. Or, cela a été dit, il s’agit d’un texte essentiel, qui définit le statut et les missions de la gendarmerie, ce qui n’a pas été fait depuis deux cent dix ans.
Cet amendement vise donc à modifier l’intitulé du projet de loi afin de retenir une dénomination plus solennelle, à savoir « projet de loi relatif à la gendarmerie nationale ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 19.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je suis très favorable à cette proposition de modification de l’intitulé du projet de loi, qui permettra de mieux tenir compte des nombreux enrichissements que le débat et l’adoption des différents amendements ont permis d’y apporter. Je tiens donc à remercier une nouvelle fois la Haute Assemblée de son travail.
M. le président. Pour une fois, je me permettrai d’intervenir dans le débat pour apporter également mon soutien à cette proposition, car la nation doit être sublimée chaque fois que l’occasion se présente.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 19.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’intitulé du projet de loi est ainsi rédigé.
Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, permettez-moi d’avoir une pensée pour tous ces prétendus chroniqueurs qui sont toujours prompts à se montrer d’une grande sévérité à l’égard du Sénat, sévérité d’ailleurs inversement proportionnelle à leur assiduité pour suivre nos débats ! S’ils avaient assisté à celui-ci, ils se seraient rendu compte à quel point ce projet de loi a été bien étudié. Un énorme travail a en effet été réalisé, et ce à plusieurs niveaux.
Je saluerai, tout d’abord, celui qui a été effectué, en amont, par le groupe de travail sénatorial qui, présidé par Jean Faure, a permis de dresser un état des lieux très détaillé sur la situation de la gendarmerie.
J’adresserai, ensuite, toutes mes félicitations à nos collègues Jean Faure et Jean-Patrick Courtois, rapporteur et rapporteur pour avis, qui ont accompli un travail minutieux. Au cours des longues auditions auxquelles ils se sont livrés, ils ont fait preuve à l’égard de toutes les associations concernées d’un grand sens de l’écoute. L’examen du texte en commission a pu ainsi être très approfondi et d’une grande richesse, tout en restant extrêmement respectueux des opinions de chacun.
Je me féliciterai, enfin, de la teneur de nos débats, qui se sont déroulés depuis hier dans ce même état d’esprit. Malgré des divergences de fond indéniables, je me plais à dire que celles-ci ont été exposées devant un hémicycle attentif, en suscitant parfois la polémique, certes, mais sans excès. Il convenait tout de même de le souligner, surtout lorsque l’on connaît le tempérament de certains ! (Sourires.) Au demeurant, cela a le mérite de mettre un petit peu de vie dans nos débats.
Madame le ministre, je tiens aussi à vous remercier de votre grande qualité d’écoute. Nous avons pu, grâce à votre soutien sur un certain nombre des dispositions auxquelles nous tenions beaucoup, aboutir à un texte qui, du point de vue de la majorité en tout cas, est très largement consensuel.
Ces dispositions sont de quatre ordres.
Il s’agit, premièrement, des conditions dans lesquelles les préfets exercent leur mission et des rapports qu’ils entretiennent avec la gendarmerie, eu égard, notamment, au respect du principe d’obéissance hiérarchique.
Il s’agit, deuxièmement, de la suppression de la procédure de réquisition et de l’instauration d’une nouvelle procédure pour le recours à la force armée en cas d’événements exceptionnels.
Il s’agit, troisièmement, de l’affirmation, très importante à nos yeux, selon laquelle la police judiciaire constitue une mission essentielle de la gendarmerie.
Il s’agit, quatrièmement, des conditions de rémunération des gendarmes.
Nous souhaitons que le débat qui aura lieu à l’Assemblée nationale permette de préserver ces acquis, que nous considérons comme tout à fait fondamentaux. Je tiens à le souligner, le soutien que nous a parfois apporté l’opposition nous sera très utile pour montrer à nos collègues députés qu’un certain nombre de dispositions ne sont pas soutenues par une partie seulement de la Haute Assemblée, mais recueillent au contraire l’assentiment d’une très large majorité du Sénat.
J’espère que la commission mixte paritaire se déroulera dans le même état d’esprit et je compte, madame le ministre, sur votre appui précieux.
En dépit des craintes affirmées par certains, je suis extrêmement confiant pour l’avenir. Cette nouvelle page de l’histoire de la gendarmerie sera tout à fait conforme à la tradition de ce grand corps, qui, j’en suis sûr, trouvera toute sa place dans la nouvelle organisation qui se dessine.
Madame le ministre, mes chers collègues, la gendarmerie est une arme profondément républicaine : elle a toujours été le serviteur de la loi et a su rester très proche des administrés. C’est ce qui fait sa force, c’est ce qui suscite l’estime que nous lui portons et la confiance que nous éprouvons envers sa hiérarchie et tous ses personnels.
Je suis convaincu que l’on s’apercevra, à l’heure du bilan, que nous n’avons pas fait un mauvais choix ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, s’il est délicat de prendre la parole après M. le président de la commission des affaires étrangères, je tiens toutefois à exprimer la satisfaction que j’éprouve en cet instant, alors que nous nous apprêtons à voter ce projet de loi, satisfaction liée au travail effectué depuis le mois de mars dernier par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que par l’ensemble des élus concernés.
En effet, la seule légitimité dont je dispose pour rapporter ce texte, au-delà de la confiance que la commission m’a accordée, tient au fait que je suis ici le représentant des élus ruraux, lesquels éprouvent un immense attachement à la gendarmerie et n’ont qu’un souci, celui de voir perdurer ses missions et son statut militaire. Par conséquent, à travers moi, ce sont des milliers de maires locaux qui se sont exprimés au cours des débats.
Je voudrais à mon tour remercier un certain nombre de personnes, au premier rang desquels les différents ministres concernés, en particulier Mme Alliot-Marie.
MM. Jean-Louis Carrère et Didier Boulaud. Nous n’avons vu qu’elle depuis hier !
M. Jean Faure, rapporteur. Je remercie également les services des ministères de l’intérieur, de la défense et de la justice. Je remercie surtout les services de la gendarmerie, car c’est avec eux que nous avons plus particulièrement travaillé. Partout, je tiens à le souligner, l’accueil a été extrêmement courtois et les échanges très constructifs, même si nous n’avons pas toujours partagé la même vision de la situation.
Je veux donc dire à mon ami Jean-Louis Carrère – mais je ne souhaite pas enfoncer le clou ! – que, pour ma part, j’ai le sentiment d’être allé véritablement au fond des choses avant de me prononcer sur les solutions qui nous étaient soumises et sur celles que nous pouvions ajouter. L’avenir nous dira si je me suis trompé, si nous nous sommes trompés. Les conclusions du rapport qui nous sera remis dans deux ans nous permettront de voir si la mise en œuvre des mesures adoptées mérite d’être prolongée, nécessite une amélioration ou, au contraire, impose un retour en arrière.
Je n’aurai garde d’achever mon propos sans remercier les services du Sénat : ils nous ont permis de faire un travail qui, me semble-t-il, est très positif pour l’avenir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. L’estime des représentants des grandes villes à l’égard de la gendarmerie n’est pas moindre, n’est-ce pas, monsieur Pozzo di Borgo ?…
M. Yves Pozzo di Borgo. Bien sûr, monsieur le président !
M. le président. La ville de Paris, par exemple, abrite aussi un certain nombre de casernes de gendarmerie, pour notre grande satisfaction.
M. Christian Cambon. Mais pas les banlieues !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous achevons l’examen revêt pour nous une très grande importance.
Ce texte est historique, car les missions, l’organisation et le statut de la gendarmerie étaient jusqu’à ce jour régis par un simple décret datant de 1903, le dernier texte législatif relatif à la gendarmerie nationale remontant à 1798.
Il permettra d’assurer une meilleure coordination et une plus grande mutualisation des moyens, sans pour autant aboutir à la fusion par absorption de la gendarmerie dans la police.
La dualité des forces de police est une valeur républicaine, comme l’a rappelé notre collègue Hubert Haenel ; c’est cet équilibre entre police nationale et gendarmerie qui devra être préservé.
Les débats l’ont montré, nous avons eu à cœur d’assurer la pérennité du statut militaire de la gendarmerie et le maintien de la répartition géographique de ses effectifs sur notre territoire. Ce sont deux points absolument fondamentaux, sur lesquels nous resterons vigilants.
Sous le bénéfice de ces explications, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Voici ce qu’on pouvait lire ce matin dans la presse : « L’armée va-t-elle perdre ses gendarmes ? » « La gendarmerie ira donc rejoindre la police sous les ordres d’une même autorité ministérielle pour la quatrième fois de son histoire, les trois précédents étant le Premier Empire, le Second Empire, pour une courte période, et Vichy. […] La France prend ainsi le risque de se priver de cette “troisième force”, apte à agir dans tout le spectre de la crise. »
Au-delà de cette divergence, je tiens, moi aussi, à souligner l’extrême courtoisie de tous les participants. Le tempérament, monsieur le président de Rohan, ça ne se refait pas : je suis d’une terre où le ballon rebondit bizarrement et cela se reflète dans le caractère de ceux qui y vivent ! (Sourires.)
Selon vous, madame le ministre, chers collègues de la majorité, il était utile de rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur, pour des raisons de rationalisation de commandement et d’emploi des forces. Je respecte votre conviction et, d’ailleurs, nous ne sommes pas restés insensibles à ces arguments.
Cela dit, étant donné la spécificité de notre République, je ne suis pas sûr que le modèle espagnol – qui vous semble exemplaire par certains aspects et beaucoup moins quand il est question de dialogue social et d’organisations syndicales ! – soit l’aune à laquelle il convient de mesurer la pertinence des arguments.
L’amendement concernant la « revoyure » tous les deux ans que nous avons voté est, certes, sécurisant, mais je ne suis malheureusement pas persuadé qu’il nous garantira contre les risques que j’ai évoqués.
Une fois rattachée au ministère de l’intérieur, la gendarmerie risque en effet, par la force des choses, de…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Disparaître !
M. Jean-Louis Carrère. … ne plus être cette force singulière et originale mise en place par la République française.
Moi aussi, je suis élu d’un département rural, cher rapporteur, mais je suis avant tout sénateur de la République. Dans quelques semaines ou quelques mois, d’escadrons en brigades, on sera, je le crains, tenté de supprimer des forces de gendarmerie dans les zones rurales pour les affecter dans les zones urbaines. Je ne vous fais pas de procès, madame le ministre, car je sais que vous ne nourrissez pas un tel projet, mais je redoute fort que d’autres, en revanche, n’aient cette intention et ne finissent par la traduire en acte !
Aujourd’hui, les zones rurales ont, autant que les zones urbaines, droit à la sécurité.