M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est évident !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … quand bien même le « veto » des trois cinquièmes des votes négatifs par rapport aux suffrages exprimés ne serait pas atteint.
L’indépendance de la commission est renforcée par l’incompatibilité existant entre la fonction de membre de la commission et tout mandat électif, l’affirmation de la liberté totale des membres dans leur tâche et les modalités de son renouvellement.
Il était impossible de prévoir, comme cela a été suggéré, la présence au sein de la commission de parlementaires issus de différents groupes des assemblées ou celle de représentants des partis politiques, car elle aurait été contraire au principe d’indépendance. C’est la même raison qui nous a conduits à exclure que des élus, nationaux ou locaux, puissent y siéger.
Le texte affirme également que, dans l’exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité et qu’ils seront astreints à un devoir de réserve portant sur « le contenu des débats, votes et documents de travail internes » : ce devoir de réserve est indispensable au caractère collégial de la commission et à la sérénité de ses travaux.
L’autonomie de la commission est encore renforcée par les dispositions lui permettant de désigner des rapporteurs, de faire appel aux services compétents de l’État, de procéder à des consultations, et de gérer librement les crédits qui lui sont affectés.
Enfin, les membres de la commission seront nommés pour une durée de six ans non renouvelable et la commission sera renouvelée par moitié tous les trois ans.
Parallèlement aux opérations d’ajustement de la carte électorale, il nous faut, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 24 de la Constitution, créer des sièges de députés pour représenter les Français de l’étranger.
Cette question, je le sais, intéresse ceux de vos collègues qui représentent déjà, dans votre assemblée, nos compatriotes établis hors de France.
MM. Robert del Picchia et Christian Cointat. Nous sommes là !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ils sont bien présents, comme je m’y attendais, ce qui est tout à leur honneur.
Pour fixer le nombre de ces nouveaux députés, nous ne disposons pas d’un recensement exhaustif de nos compatriotes installés à l’étranger, analogue à ceux qui sont effectués en métropole ou en outre-mer. Nous connaissons cependant le nombre de ceux qui sont immatriculés dans nos consulats, qui est de l’ordre de 1,4 million, mais ce chiffre ne sera que le point de départ de notre calcul.
Tout d’abord, il devra, en effet, être comparé à la population française recensée dans les départements d’une part, dans les collectivités d’outre-mer d’autre part, de façon à ce que soient répartis aussi équitablement que possible les 577 sièges de députés entre ces sous-ensembles, en tenant compte des contraintes spécifiques à chacun d’eux.
Par ailleurs, ce chiffre devra être corrigé à la baisse pour tenir compte des personnes qui restent inscrites dans une commune française pour les élections présidentielles et législatives et qui souhaitent, pour ne pas rompre tout lien avec la France, pouvoir continuer à le faire : il ne faut pas les comptabiliser deux fois.
La formule retenue dans le texte constitutionnel – « les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale » –, autorise d’ailleurs une certaine latitude.
Comme j’ai eu l’occasion de l’annoncer devant votre commission des lois, nous devrions ainsi aboutir, au vu des éléments dont nous disposons, à un nombre de députés se situant à huit ou à neuf : ceux-ci s’ajouteront à ceux d’entre vous qui représentent nos compatriotes établis à l’étranger, dont le nombre a été porté de six à neuf, puis à douze pour tenir compte de l’augmentation de leur nombre, à une époque où ils n’étaient pas représentés à l’Assemblée nationale.
L’élection de ces nouveaux députés se fera, comme pour les députés élus dans les départements et les collectivités d’outre-mer, au scrutin majoritaire. Le Gouvernement, qui n’est pas favorable à la représentation proportionnelle, a en effet souhaité que nos compatriotes de l’étranger puissent identifier le député qu’ils vont élire, à l’intérieur d’une circonscription délimitée à l’avance. Celle-ci ne ressemblera certes pas aux circonscriptions actuelles, notamment parce qu’elle sera inévitablement plus vaste, mais tout Français établi dans un pays étranger, si éloigné soit-il, aura un député qui le représente au sein de l’Assemblée nationale.
Les difficultés que soulèvera l’organisation à l’étranger d’une élection au scrutin majoritaire à deux tours seront prises en compte : le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation à procéder par ordonnance aux adaptations nécessaires des dispositions législatives du code électoral à la spécificité de cette élection.
Rien n’est insurmontable : ces adaptations pourront concerner les conditions de la campagne électorale, les règles de son financement, la période séparant les deux tours de scrutin et les modalités de vote, par internet, par voie électronique, ou par correspondance, après concertation avec les sénateurs représentant les Français de l’étranger et les associations représentatives.
MM. Robert del Picchia et Christian Cointat. Très bien !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’en viens maintenant aux règles que le Gouvernement devra respecter dans l’élaboration des ordonnances qui contiendront la nouvelle répartition des sièges de députés entre les départements et entre les collectivités d’outre-mer, et la révision de la délimitation de leurs circonscriptions.
Les critères qui présideront à ces deux opérations sont inscrits dans le texte même du projet de loi d’habilitation ou dans son exposé des motifs ; ce sont les mêmes que ceux qui ont été retenus pour le découpage effectué en 1986 et que le Conseil constitutionnel avait alors validés.
Le premier est celui de la règle traditionnelle assurant à tout département un minimum de deux députés, qui est une constante de notre République depuis l’apparition du scrutin majoritaire. Introduite au début de la IIIème République, elle a été conservée lors du passage au scrutin proportionnel en 1985, avec l’approbation de tous les groupes politiques, et devrait jouer en faveur de deux départements : la Lozère et, de justesse, la Creuse, contre quatre en 1986.
La règle du minimum d’un député par collectivité d’outre-mer figurait dans le projet du Gouvernement, et celui-ci y est toujours favorable. Elle n’a cependant pas été adoptée par l’Assemblée nationale, soucieuse de ne pas amplifier trop sensiblement les écarts de population.
Cette règle n’a pas la même ancienneté que celle relative aux départements : elle résulte plus de la tradition républicaine que d’une véritable obligation constitutionnelle. Si les députés ont voté un amendement la supprimant des obligations qui s’imposeront au Gouvernement dans l’élaboration des ordonnances, c’est parce qu’ils ne veulent pas, dans leur très grande majorité, d’une représentation de chacune des deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy, 8 255 habitants, et de Saint-Martin, 35 263 habitants, par un seul député. Ils avaient déjà exprimé très clairement, à deux reprises, cette position : lors de l’examen, début 2007, de la loi statutaire sur l’outre-mer, puis en plafonnant, dans le texte de la révision constitutionnelle, les effectifs de leur assemblée à 577 et non pas à 579, comme ils auraient dû le faire s’ils voulaient conserver ces deux sièges créés mais non pourvus.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est ce que vous avez fait ici en retenant le plafond de 348 sénateurs, qui inclut les deux sièges créés pour deux collectivités, et pourvus depuis le renouvellement de septembre dernier.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous aussi, nous sommes sages !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le Gouvernement a pris acte de la position de l’Assemblée nationale. Il devra, dans sa future ordonnance, fixer la représentation de chaque collectivité d’outre-mer à la lumière de ces positions et de celle que prendra, le cas échéant, le Conseil constitutionnel (M. le président de la commission des lois opine), en tenant compte de la population, de l’ancienneté mais aussi des spécificités géographiques de chacune d’elles. Sa décision sera, comme toutes les dispositions des futures ordonnances, soumise pour avis à la commission indépendante que la Constitution nous oblige aujourd’hui à mettre en place.
Le seul choix qui me paraît exclu à ce stade est celui du maintien de l’actuelle quatrième circonscription de la Guadeloupe, réunissant huit cantons de la Guadeloupe et les deux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, parce qu’elle ne respecte pas les limites départementales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce serait manifestement inconstitutionnel !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La troisième règle que le Gouvernement a proposé de maintenir est celle qui attribue automatiquement à chaque département un siège supplémentaire par tranche de population. Adoptée en 1885, époque où la tranche était de 75 000 habitants, cette procédure a été conservée en 1958, avec une tranche portée à 93 000 habitants, comme lors du passage au mode de scrutin proportionnel en 1985 – M. Fabius était alors Premier ministre et M. Joxe ministre de l’intérieur –, où la tranche a été fixée à 108 000 habitants.
Cette règle dite « de la tranche » est également celle qui régit le mode de répartition de vos sièges entre les départements.
Elle devrait, au vu des chiffres provisoires dont nous disposons, donner un député de plus pour 125 000 habitants supplémentaires et toucher seulement 40 départements sur 101 : ce sont 25 départements qui perdront un ou plusieurs sièges et 15 qui en gagneront un ou deux. Le choix de la répartition proportionnelle aurait un impact sur un nombre beaucoup plus important de départements, de l’ordre de 70 à 80, ce que le Gouvernement ne souhaitait pas.
La quatrième règle conservée est celle, essentielle, de l’écart maximal de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale de la population de chaque circonscription d’un département, règle expressément validée par le Conseil constitutionnel en 1986. Elle nous obligera à réviser la délimitation de certaines circonscriptions, dans une dizaine des départements dont le nombre de sièges ne variera pas : c’est ce que j’appelle le « remodelage », à distinguer du « redécoupage » proprement dit.
La dernière règle conservée concerne la délimitation des circonscriptions, qui devront être constituées d’un territoire continu et respecter les limites cantonales : un amendement adopté par les députés précise quand il peut être fait abstraction de ces limites, notamment pour des cantons de plus de 40 000 habitants – il en existe 130 au total sur 4 000 cantons –, et pour réunifier des communes de moins de 5 000 habitants.
De la même façon, les nouvelles circonscriptions d’élection des députés représentant les Français de l’étranger, qui devraient être équitablement réparties entre l’Europe et le reste du monde, respecteront les limites des circonscriptions existant aujourd’hui pour l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Enfin, et c’est le troisième amendement de fond adopté par les députés, pourrait notamment figurer parmi les motifs d’intérêt général permettant des adaptations au seul critère démographique, « l’évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Comme l’ont précisé à la fois l’auteur de cet amendement adopté à l’unanimité, le député socialiste René Dosière, le rapporteur et le président de la commission des lois, son objet est de prendre en considération la situation démographique tout à fait particulière de Mayotte et, dans une moindre mesure, de la Guyane.
Mayotte connaît une très forte expansion démographique : 23 364 habitants au recensement de 1958, 67 205 à celui de 1985 – soit un triplement –, 131 320 à celui de 1997, et 186 452 habitants au 31 décembre 2007, soit une augmentation de 50 % en dix ans. Le problème spécifique que pose cette croissance vient de ce qu’elle est très largement due à la présence d’une importante population comorienne en situation illégale. Alors que les étrangers, même en situation irrégulière, ne sont pas exclus du recensement dans les autres parties du territoire national, avons-nous suffisamment d’éléments fiables pour le faire à Mayotte ? Je ne le crois pas.
Il appartiendra au Gouvernement, au vu de ce que dira, le cas échéant, le Conseil constitutionnel sur cette question délicate, de décider s’il doit ou non maintenir la représentation de cette collectivité d’outre-mer en forte croissance de population. Là encore, la commission indépendante émettra un avis sur sa décision.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du « paquet électoral » que vous propose aujourd’hui le Gouvernement.
J’ai lu avec la plus grande attention les conclusions de votre commission des lois vous proposant d’adopter ces deux textes sans les modifier : votre commission a ainsi fait siennes les recommandations de votre rapporteur, qui s’est référé à « une tradition républicaine bien établie » ne permettant pas au Sénat de remettre en cause le choix des députés relatif à leur régime électoral et « à la nécessité d’adopter rapidement les textes examinés pour permettre le lancement effectif des opérations de redécoupage ».
Sachez que ce dossier est loin d’être bouclé, compte tenu de sa complexité. Le Gouvernement souhaite donc être habilité dès que possible à engager les différentes opérations qu’il comprend, et qui seront effectuées dans la plus grande transparence : le Premier ministre s’y est engagé lorsqu’il a reçu, le 16 septembre dernier, les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans votre assemblée et à l’Assemblée nationale, et j’y veillerai attentivement.
Plus vite vous vous serez prononcés, plus vite nous pourrons mettre fin aux anomalies dénoncées à plusieurs reprises et à juste titre par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous vivons aujourd’hui une grande première puisque nous allons examiner le premier des sept projets de loi organique, ainsi que le premier projet de loi ordinaire, prévus en application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
D’autres textes suivront donc, dans le détail desquels je n’entrerai pas. Je rappelle simplement que nous devrons examiner, dans un proche avenir, les projets de loi relatifs à la procédure parlementaire, au Conseil supérieur de la magistrature, au Conseil constitutionnel, ainsi qu’aux nominations aux postes les plus élevés en conseil des ministres ou par le Président de la République. Tel est le programme qui nous attend en 2009.
Mon intervention portera, à la fois, sur le projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution et sur le projet de loi ordinaire relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés. Ces deux textes sont interdépendants : la loi organique renvoie à la loi ordinaire, et vice versa. Cela pose d’ailleurs un problème juridique. Nous aurions dû examiner en premier lieu, et de façon indépendante, le projet de loi organique, puis, en second lieu, le projet de loi ordinaire. Mais ils sont tellement imbriqués l’un dans l’autre que nous ne pouvons procéder autrement.
J’examinerai en détail, tout d’abord, le projet de loi organique, puis le projet de loi ordinaire, en soulignant, à chaque fois, un certain nombre de problèmes soulevés soit par la commission, soit par les représentants des groupes politiques de notre assemblée. Je souhaite, en outre, attirer l’attention de M. le secrétaire d’État sur les difficultés qui l’attendent.
Tout d’abord, sur le projet de loi organique, je ferai quelques brèves observations.
L’article 1er du projet de loi fixe le nombre des députés à 577. Je rappelle qu’il s’agissait d’un effectif maximum. Par compromis, le Sénat avait également admis que le nombre des sénateurs soit inscrit dans la Constitution, bien que nous n’ayons guère été enthousiasmés par cette disposition, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Patrice Gélard, rapporteur. ... qui supprime toute liberté de manœuvre, notamment pour le Gouvernement et la commission indépendante, car il n’y aura plus de variable d’ajustement à l’Assemblée nationale.
Je n’ai pas d’autre remarque à formuler sur ce sujet, si ce n’est que je regrette que nous ayons inscrit ce chiffre dans la Constitution. Mais nous avons pour règle, au Sénat, de ne pas nous occuper de l’Assemblée nationale.
Les articles 2, 3 et 4 portent sur le retour des ministres, anciens parlementaires, dans leur assemblée d’origine.
Il s’agit là d’une nouveauté par rapport à la Constitution de 1958 et à la volonté du général de Gaulle, qui avait souhaité, à l’époque, séparer complètement les fonctions ministérielles et les fonctions parlementaires. On sait quelles difficultés cela avait entraîné : d’excellents politiques se retrouvaient sans mandat ou obtenaient la démission de leur suppléant, ce qui conduisait à l’organisation d’élections partielles. Ce système n’était pas satisfaisant.
Les ministres retrouveront donc leur siège d’origine, à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Ces nouvelles dispositions nous posent pourtant un problème, ...
M. Bernard Frimat. Vous avez mis du temps à vous en apercevoir !
M. Patrice Gélard, rapporteur. ... qu’il nous faudra résoudre.
Il y aura deux sortes de suppléants : ceux qui sont actuellement parlementaires, et ceux qui risquent de le devenir.
Qu’adviendra-t-il de ceux qui remplacent actuellement un ministre appelé à assez brève échéance à redevenir parlementaire ? Il y a là une responsabilité de l’État du fait de la loi puisqu’ils étaient nommés jusqu’au terme du mandat. Il reviendra donc à chaque assemblée de résoudre à la satisfaction générale la situation matérielle de ces suppléants renvoyés.
À l’avenir, il sera sans doute plus difficile de trouver des suppléants, car l’application de la règle du non-cumul des mandats les contraindra à abandonner un mandat local qu’ils ne pourront retrouver ensuite dans la mesure où les règles de remplacement ne pourront pas jouer… Bref, il y a là une difficulté qu’il faudra résoudre.
L’article 2 concerne les députés, l’article 3, les sénateurs élus au scrutin majoritaire et l’article 4, les sénateurs élus au scrutin proportionnel. M. le secrétaire d’État a parfaitement explicité les différentes situations. Je ne reviens pas sur la sorte de « commission mixte paritaire » que j’ai tenue avec mon homologue de l’Assemblée nationale pour rendre le texte de l’article 4 compréhensible par tous, notamment par les suppléants élus à la représentation proportionnelle.
L’article 5 tend à compléter le livre VIII du code électoral en vue de préciser la procédure de désignation de la personnalité qualifiée nommée par le Président de la République pour siéger à la commission indépendante prévue à l’article 25 de la Constitution. Cette personnalité serait désignée selon la procédure désormais fixée par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution pour certaines nominations. Elle devra se présenter devant la commission compétente de chaque assemblée parlementaire.
Quel type de personnalité le Président de la République, le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale pourront-ils choisir ? La question mérite d’être posée puisque cette commission doit être impartiale sur le plan politique.
À mon avis, mieux vaut ne pas choisir un parlementaire et puiser dans un autre vivier : pourquoi pas un journaliste spécialiste de ces questions, ou bien un responsable d’institut, tel que l’IFOP, la SOFRES ou autre connaissant parfaitement les questions électorales ? Le choix pourrait également se porter sur un universitaire spécialiste de ces questions, venant de l’Institut d’études politiques, par exemple. En ce qui concerne les représentants du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, la cause est entendue puisqu’il reviendra à l’assemblée générale de ces trois instances de choisir son représentant.
L’article 6 étend les incompatibilités prévues par la loi électorale aux membres de la commission, et l’article 7 renvoie à la loi ordinaire pour la répartition des députés.
J’évoquerai maintenant mes quelques interrogations, en précisant qu’elles ne m’empêcheront pas de demander le vote conforme sur la loi organique.
Premier problème, deux régimes différents s’appliqueront au Sénat et à l’Assemblée nationale. Le nombre de sénateurs et leur répartition – les représentants des Français de l’étranger, de l’outre-mer et de la métropole – sera fixé par la loi organique, tandis que, pour les députés, ce soin est renvoyé à la loi ordinaire. Voilà qui démontre, si besoin était encore, que nous sommes bien la Haute Assemblée ! (Sourires.)
Le deuxième problème tient à la responsabilité de l’État à l’égard de ceux qui sont actuellement suppléants d’un ministre susceptible de redevenir sénateur ou député. Ce problème devra à mon avis être réglé au sein de chacune des assemblées.
Le troisième problème a été soulevé par M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je ne l’ai pas encore soulevé ! Je le ferai tout à l’heure !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Souffrez que je le soulève en amont ! (Sourires.)
M. Bernard Frimat. Quel hommage !
M. Pierre Fauchon. Précurseur !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce problème important est celui du parallélisme des formes. Si un parlementaire démissionne, son suppléant ne prend pas sa place et une élection partielle doit être organisée, alors qu’un ministre, quant à lui, récupérera son siège sans élection partielle.
Je tiens à souligner, monsieur Frimat, que les deux situations sont tout à fait différentes : il n’y a rien de commun entre la démission d’un parlementaire et le retour d’un ancien parlementaire à son siège de député ou de sénateur, cette dernière situation étant prévue par la Constitution. Dans ce cas, il y a non pas démission, mais cessation d’une fonction ministérielle et donc réintégration dans la fonction antérieure de parlementaire ! Ce qui est prévu par la loi organique est par conséquent parfaitement compatible avec les dispositions constitutionnelles.
M. Bernard Frimat. Vous ne croyez pas vous-même à votre argument !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Si, j’y crois parfaitement !
M. Bernard Frimat. En vous forçant !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas du tout, sur ce point ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
J’en viens maintenant à la loi ordinaire, qui prévoit la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante.
M. Richard Yung. Encore une…
M. Patrice Gélard, rapporteur. On en crée assez souvent – en moyenne, deux par an – pour qu’il me soit permis de suggérer à nouveau d’en réduire un jour le nombre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une commission ! Ce n’est pas tout à fait pareil !
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est tout de même une autorité, ne serait-ce que parce qu’elle aura son budget.
L’article 1er de la loi ordinaire traite de la commission indépendante qui donnera son avis sur le découpage électoral. Elle comprendra six membres, dont un est nommé par le Président de la République, un par le président de l’Assemblée nationale, un par le président du Sénat, les trois autres étant désignés par les assemblées générales des plus hautes juridictions.
Que cette composition puisse faire l’objet d’un certain nombre de remarques, je le conçois. Je pense, par exemple, à la présidence de la commission, qui reviendra au candidat proposé par le Président de la République. Encore faut-il souligner que cette nomination est assortie de toutes les garanties imposées par l’article 13 de la Constitution, avec un passage devant les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je précise, pour répondre à une question de M. Pierre Fauchon, que, le cas échéant, on additionnera les deux.
Que mes collègues se rassurent : il est prévu le rejet de la candidature si l’addition des votes négatifs dans chaque commission permanente compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Néanmoins, je n’imagine pas que la candidature proposée puisse aboutir en cas de majorité simple s’opposant à cette candidature dans l’une ou l’autre des commissions ! De quelle autorité pourrait bien bénéficier une personne qui se serait attirée contre elle la majorité, fût-elle simple, de l’une ou de l’autre des commissions ? A mon avis, soit ce candidat se retirera, soit l’autorité chargée de le nommer ne le désignera pas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Dès lors, je crois qu’il y a lieu d’être pleinement rassuré sur l’indépendance et sur l’autonomie de chacune de ces personnalités. L’opposition pourra pleinement jouer son rôle à l’intérieur de chacune des commissions.
L’article 1er de la loi ordinaire fixe également les incompatibilités. Il traite, entre autres, de la nomination des rapporteurs, du secret du délibéré, du quorum, de la saisine et du renouvellement par moitié tous les trois ans des membres de la commission.
L’article 2 prévoit une habilitation à recourir à l’article 38 de la Constitution : le Gouvernement se voit confier le soin de régler, par voie d’ordonnances, les questions relatives à la composition de l’Assemblée nationale. C’est une tradition. On ne peut pas faire autrement puisque la plupart des découpages ou des redécoupages se sont faits par voie d’ordonnances, à une exception près : je veux parler de la fois où le Président Mitterrand avait refusé de signer les ordonnances, contraignant le gouvernement de l’époque à revenir devant le Parlement.
L’article 2 fixe également le nombre des députés : 577. Là, un problème compliqué va se poser au Gouvernement. Ce dernier devra d’abord répartir les trois catégories de députés.
S’agissant des députés représentant les départements, la règle de deux députés par département s’impose. Comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, c’est une règle républicaine. Mais cela posera à terme des difficultés, car certains départements seront surreprésentés par rapport à d’autres, en raison du nombre de députés représentant les départements qui est appelé à se restreindre.
Il faudra ensuite fixer le nombre des députés représentant les collectivités d’outre-mer et, enfin, le nombre des députés représentant les Français établis hors de France.
Le Gouvernement a repris, pour l’article 2 du projet de loi ordinaire, des règles posées par le Conseil constitutionnel, que l’Assemblée nationale a approuvées : les bases démographiques, l’écart maximum de 20 % entre la population d’une circonscription et la population moyenne des circonscriptions du département, le territoire continu. S’agissant de ce dernier point, la rédaction de l’Assemblée nationale sur la dérogation au territoire continu n’est pas bonne.