Sommaire

Présidence de Mme Monique Papon

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux, M. François Fortassin.

1. Procès-verbal

2. Communication de demandes d’avis sur des projets de nominations

3. Ratification des nominations à une commission mixte paritaire

4. Prévention du surendettement. – Discussion d'une question orale avec débat (Ordre du jour réservé.)

Mme Muguette Dini, auteur de la question ; MM. Bernard Angels, Philippe Marini, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Claude Biwer, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Charles Revet, Joël Bourdin.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

Clôture du débat.

5. Conférence des présidents

6. Parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées. – Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (Ordre du jour réservé.)

Discussion générale : MM. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

MM. Yannick Bodin, Yves Détraigne, Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

Mmes Colette Mélot, Sylvie Desmarescaux, M. Serge Lagauche.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

MM. Jean-Luc Mélenchon, François Fortassin.

Suspension et reprise de la séance

M. Michel Charasse.

Amendements nos 3 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, 2 de M. Pierre-Yves Collombat et sous-amendement no 4 de M. Michel Charasse ; amendement no 1 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Pierre-Yves Collombat, Michel Charasse, Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre, Adrien Gouteyron, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Claude Frécon, Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles ; François Fortassin. – Retrait de l’amendement no 1 rectifié ; rejet de l’amendement no 3 ; adoption du sous-amendement no 4 et de l'amendement no 2 modifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 2. – Adoption

Article 3

M. Jean-Luc Mélenchon.

Adoption de l'article.

Vote sur l’ensemble

Mme Jacqueline Gourault, M. Pierre-Yves Collombat.

Adoption de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

7. Législation funéraire. – Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture (Ordre du jour réservé.)

Discussion générale : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Josiane Mathon-Poinat, Anne-Marie Escoffier, M. Jean-Pierre Sueur.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er (supprimé)

Articles 2, 3, 5 à 7 ter, 10, 12 à 15. – Adoption

Article 16 (supprimé)

Articles 17, 18, 19 bis, 21 et 22. – Adoption

Vote sur l'ensemble

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Adoption définitive de la proposition de loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme la ministre.

8. Dépôt de rapports

9. Dépôt de rapports d'information

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

M. François Fortassin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication de demandes d’avis sur des projets de nominations

Mme la présidente. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article L. 130 du code des postes et des communications électroniques, une demande d’avis sur le projet de nomination de M. Jean-Claude Mallet aux fonctions de président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

M. le Premier ministre a également transmis au Sénat, en application de l’article L. 531-4 du code de l’environnement, une demande d’avis sur le projet de nomination de M. Jean-Luc Darlix aux fonctions de président du Haut Conseil des biotechnologies.

Ces deux demandes d’avis ont été transmises à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

3

Ratification des nominations à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2009.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mardi 9 décembre prennent effet.

4

Prévention du surendettement

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que toutes les discussions inscrites à la séance d’aujourd’hui interviennent dans le cadre de l’ordre du jour réservé.

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 23 de Mme Muguette Dini à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la prévention du surendettement : davantage responsabiliser les établissements de crédit.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Muguette Dini appelle l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur l’urgence sociale que constitue le surendettement.

« Près de six millions de Français déclarent, aujourd’hui, avoir des difficultés à rembourser leurs dettes. Plus d’un million de Français ont eu recours aux procédures de surendettement depuis leur création. Le nombre des dossiers soumis aux commissions de surendettement ne cesse d’augmenter, au rythme de 180 000 dossiers par an.

« Si le traitement du surendettement a été amélioré ces dernières années, aucune démarche sérieuse n’a été entreprise pour le prévenir et anticiper les situations de profonde détresse, et ce en dépit des nombreuses consultations et concertations avec les professionnels du crédit.

« Le surendettement est souvent lié à l’attribution abusive de crédits à la consommation.

« Les chiffres tirés d’une étude de la Banque de France de 2002 en attestent. En effet, 80 % des dossiers de surendettement comportent plus de quatre crédits revolving, accordés bien souvent sans étude approfondie de la situation des souscripteurs.

« Pour enrayer le surendettement, il apparaît urgent d’imposer aux établissements de crédit une obligation de sensibilisation des emprunteurs aux risques de surendettement, ainsi que l’étude en amont de la solvabilité de ces derniers. À cette fin, il convient de créer un répertoire des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels.

« De plus, n’y aurait-il pas lieu d’envisager, à tous les niveaux, la gestion d’un budget familial ?

« Elle souhaite donc qu’elle lui fasse connaître sa position sur ces différents points. »

La parole est à Mme Muguette Dini, auteur de la question.

Mme Muguette Dini. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à dire en préambule que je n’ai pas attendu la crise financière et économique que nous connaissons aujourd’hui pour me préoccuper du surendettement.

En effet, le 17 décembre 2004, j’ai interpellé, sur ce sujet, M. Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale ; puis, le 15 février 2006, j’ai déposé une proposition de loi tendant à prévenir le surendettement.

Le surendettement n’est pas un phénomène récent et les chiffres s’y rapportant sont depuis fort longtemps alarmants.

Aujourd’hui, près de six millions de Français déclarent avoir des difficultés à rembourser leurs dettes. Depuis la création des procédures de surendettement, plus d’un million de Français y ont eu recours. Le nombre de dossiers soumis aux commissions de surendettement ne cesse d’augmenter, année après année, et ce à un rythme de 10 %.

Quant à la croissance du nombre de procédures de rétablissement personnel par effacement des dettes, elle reste également soutenue, avec 24 123 dossiers déposés depuis le mois de janvier de cette année, contre 21 070 en 2007.

La plupart des études portant sur le surendettement proviennent de la Banque de France et de l’Observatoire de l’endettement des ménages. Elles résultent de l’exploitation de données administratives issues des dossiers des commissions de surendettement.

Au nombre de ces études, il convient de citer une enquête typologique de la Banque de France publiée en 2001. Elle soulignait, pour la première fois, une évolution de la nature du surendettement, avec une prédominance de l’endettement lié à des charges courantes, une nette diminution de la part de l’endettement immobilier et une forte utilisation des crédits à la consommation et des prêts personnels.

Pendant longtemps, le surendettement a principalement concerné des consommateurs qui s’engouffraient dans une spirale de consommation et, parallèlement, de crédit.

De nos jours, dans 73 % des cas, le surendettement est dit « passif » et résulte d’une accumulation de crédits, souvent aggravée par un incident de la vie : perte d’emploi, baisse des ressources, divorce, maladie ou accident.

Ainsi, les ménages confrontés au problème du surendettement étaient déjà fragilisés par leur situation économique. La survenance d’événements extérieurs peut les pousser à s’endetter davantage et aggraver ainsi leurs difficultés financières.

Devant cette réalité, il faut impérativement accentuer la prévention du surendettement, accompagner les ménages en difficulté dans la gestion de leur budget et, très en amont, enseigner à l’école, au collège et au lycée la tenue d’un budget familial.

Très tôt, la France s’est dotée d’un arsenal législatif portant sur le surendettement.

En effet, à la fin des années soixante-dix, sont adoptées les deux lois Scrivener, dont l’objet est l’information et la protection des consommateurs au regard de certaines opérations de crédit et en matière de crédit immobilier.

La loi Neiertz du 31 décembre 1989 concerne le règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles. Elle permet à ces derniers d’obtenir, grâce à l’intervention d’une commission administrative, puis, le cas échéant, du juge, une planification amiable de leurs remboursements.

La loi du 11 décembre 2001 portant des mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier a modifié les relations entre établissements de crédit et clients.

À ce titre, elle comprend différentes dispositions relatives à la question du surendettement, parmi lesquelles figurent notamment la réduction des pénalités appliquées aux chèques sans provision de faible montant et la création d’un solde bancaire insaisissable.

La loi dite Borloo du 1er août 2003 a créé, quant à elle, la procédure de rétablissement personnel, qui permet, dans certaines conditions, un effacement total des dettes des particuliers. Elle institue également de nouvelles obligations en matière de publicité pour le crédit à la consommation.

En outre, pour ce qui concerne le crédit renouvelable, cette même loi précise les conditions de renouvellement du contrat et renforce l’information périodique du client, notamment dans le cadre du relevé mensuel, à condition qu’il sache décoder celui-ci.

Monsieur le secrétaire d’État, la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, issue d’une proposition de loi que vous aviez déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale lorsque vous étiez député, consacre l’un de ses chapitres au seul crédit renouvelable.

Toutes ces dispositions législatives se combinent à celles du code de la consommation régissant la publicité, le formalisme contractuel, ainsi que les droits et obligations des parties, notamment le délai de rétractation ouvert à l’emprunteur durant sept jours après la signature du contrat.

Au regard de celui de nos voisins anglo-saxons, notre dispositif législatif est dense et plutôt protecteur. Toutefois, au travers de tous ces textes, nous avons accordé presque exclusivement la priorité au traitement du surendettement, mais nous n’avons guère fait pour prévenir celui-ci.

À ce jour, il est donc urgent de mettre l’accent sur la prévention du surendettement, afin d’anticiper les nombreuses situations de détresse qu’il entraîne.

La première action de prévention du surendettement que je préconise concerne la publicité réalisée par les établissements de crédit pour leurs offres de crédit à la consommation.

La publicité doit être loyale et informative. Elle ne doit en aucun cas banaliser l’acte d’endettement. Ainsi, les accroches mentionnant un crédit « simple, facile, gratuit, immédiatement disponible, accordé sans justificatifs » sont à interdire.

De même, les publicités présentant les réserves d’argent des crédits renouvelables comme une épargne ou un complément de budget sont mensongères et ne doivent plus être autorisées.

M. Philippe Marini. Très bien !

Mme Muguette Dini. Surtout, et toujours en matière de crédit revolving, il me paraît indispensable que le démarchage à domicile et par téléphone soit interdit.

Quant à la publicité sur le lieu de vente, elle doit être strictement encadrée.

Par ailleurs, il conviendrait également de s’interroger sur la réglementation de la rémunération des vendeurs habilités à distribuer le crédit offert par les établissements prêteurs. De fait, toute incitation du vendeur à faire souscrire un crédit au client est la porte ouverte aux dérapages.

M. Charles Revet. C’est vrai !

Mme Muguette Dini. Je proposerai, en vue d’éviter les dérives, d’imposer, d’une part, un principe de transparence de la rémunération du prêteur, et, d’autre part, une règle de fixité, ou plutôt de déterminabilité, de celle-ci.

D’autres actions de prévention doivent être menées au moment de la demande du crédit. Il s’agit ainsi de responsabiliser davantage les établissements de crédit.

En premier lieu, il convient d’instaurer une obligation d’information et de conseil de la part du prêteur. Le consommateur pourra ainsi faire le choix le plus pertinent, en prenant en compte sa situation financière et les différents types de prêts proposés par l’établissement de crédit.

Il convient de souligner que la Cour de cassation va plus loin, en retenant un devoir de mise en garde de l’établissement prêteur contre un risque de surendettement.

En effet, dans deux arrêts en date du 29 juin 2007, la Cour de cassation a estimé que la banque n’avait pas, en l’espèce, respecté « le devoir de mise en garde auquel elle était tenue […] lors de la conclusion du contrat ».

Dans l’une des affaires, treize prêts avaient été accordés en deux ans, alors que trois autres, portant sur des emprunts à long terme, étaient déjà en cours.

Il s’agit donc de faire la promotion du prêt responsable, d’une offre de crédit adaptée aux besoins de l’emprunteur.

En deuxième lieu, le contrat de crédit doit être plus lisible qu’il ne l’est souvent aujourd’hui. Mettons fin à ces contrats truffés de termes jargonnants présentés en caractères minuscules et de renvois à des dispositions figurant au dos du contrat !

M. Philippe Marini. Très bien !

Mme Muguette Dini. L’offre de crédit doit mentionner les droits et devoirs de chaque contractant dans des termes lisibles, clairs et compréhensibles par tous.

En troisième lieu, enfin, il importe d’exiger des établissements de crédit qu’ils étudient la situation financière des souscripteurs afin de connaître avec précision la solvabilité de ces derniers avant qu’ils ne remplissent un dossier de demande de crédit à la consommation.

M. Philippe Marini. Très bien !

Mme Muguette Dini. À défaut de vérification, l’organisme prêteur serait responsable de la non-solvabilité éventuelle du souscripteur et ne pourrait donc pas engager de procédure de recouvrement.

Dès lors, il s’avère nécessaire de rendre obligatoire un délai d’agrément de sept jours, tant pour l’établissement de crédit que pour l’emprunteur, afin de laisser au premier le temps de procéder à l’étude de la solvabilité du second, et au second celui de prendre conscience des contraintes du contrat qu’il s’apprête à signer.

Il convient par conséquent de donner les moyens aux établissements de crédit de s’informer de la situation d’endettement personnelle des emprunteurs.

La création d’un répertoire des crédits contractés par les particuliers pour des besoins non professionnels s’impose donc. Son financement pourrait être assuré par les établissements financiers lors de chaque consultation. La mise en place d’un tel fichier positif d’endettement est, à mes yeux, absolument indissociable de la lutte contre le surendettement.

Les travaux parlementaires attestent que cette question s’est posée dès l’élaboration de la loi relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, dite loi Neiertz. À l’époque, seule la proposition de créer un fichier négatif, le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, a été retenue, cette position ayant été maintenue lors des réformes successives de notre législation sur le surendettement.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, refuse d’autoriser la création d’un fichier positif, considérant que les caractéristiques du traitement ne sont pas proportionnées aux finalités associées. Elle a rappelé que seul le législateur a compétence pour se prononcer sur l’utilité sociale de la constitution de fichiers positifs dans le secteur du crédit.

Cependant, en raison de traditions aussi bien historiques que politiques, plusieurs d’entre nous répugnent encore à admettre la création de tels fichiers, au motif de protéger les individus de toute intrusion dans leur vie privée. Comme si les personnes en situation de surendettement ne subissaient pas de telles intrusions !

Pourtant, les expériences des autres pays de l’Union européenne, où les libertés fondamentales sont aussi bien garanties qu’en France, montrent que cette crainte est infondée, et notre arsenal législatif est de nature à préserver le respect des droits et libertés du débiteur.

Le Royaume-Uni fait coexister fichier négatif et fichier positif. Ce double mécanisme permet de connaître non seulement l’ensemble des charges pesant sur une personne déterminée, mais aussi sa diligence à exécuter le paiement de ses dettes.

En Allemagne, la création d’un fichier positif remonte aux années vingt. L’autorisation expresse du particulier est requise pour qu’il y soit inscrit.

Aux Pays-Bas, il existe un fichier positif, fondé en 1965 par les établissements financiers eux-mêmes, et qui doit obligatoirement être consulté avant l’octroi de tout crédit.

Quant à la Belgique, longtemps réfractaire à cette idée, elle a instauré en janvier 1999 un fichier positif tenu par la Banque nationale de Belgique.

La mise en œuvre de tels fichiers chez nos voisins n’a pas provoqué la colère des associations de protection des droits de l’homme, ni suscité de litiges relatifs à d’éventuelles atteintes à la vie privée.

La prévention du surendettement réside également dans des actions générales d’information et d’éducation.

Il est souhaitable de prévoir une information d’un nouveau type, qui serait délivrée par les établissements financiers à leurs clients et qu’il conviendrait de dissocier de tout document ayant une valeur contractuelle. Le cadre de cette information dépasserait celui de l’offre de crédit. Elle prendrait la forme d’une notice ou d’une brochure, dont le contenu devrait être pédagogique et défini d’un commun accord entre professionnels du crédit et associations de consommateurs.

Les relevés bancaires devraient être plus simples et plus explicites. Combien de nos compatriotes ignorent que la colonne « débit » est celle des dépenses et que le chiffre au bas de cette colonne, qui n’est pas précédé du signe « - », est le montant de leur découvert !

À l’ouverture d’un compte bancaire, courant comme de retrait, des conseillers devraient être spécialement chargés de présenter à leurs clients toutes les informations liées à la bonne gestion de leur compte et de leur remettre la brochure d’information susvisée.

De même, les collectivités territoriales peuvent intervenir sur ce plan. On sait notamment que les mairies jouent un rôle essentiel pour informer leurs administrés et prévenir les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, qu’elles soient juridiques ou sociales.

Ainsi, sur le modèle des consultations en fiscalité assurées gratuitement en mairie par des avocats ou des experts-comptables, une assistance gratuite aux particuliers en matière de gestion du budget familial pourrait être assurée, de la même manière, par des professionnels. Les établissements financiers seraient chargés de la mise en œuvre de tels dispositifs.

Surtout, à l’école, au collège et au lycée, un apprentissage de la gestion quotidienne d’un budget familial devrait être dispensé.

Un accent particulier devrait aussi être mis sur les dangers que représentent les incitations à la consommation, notamment en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Voilà, monsieur le secrétaire d’État, très rapidement exposées, toutes les actions de prévention du surendettement qui me semblent indispensables. Nombre d’entre elles figuraient déjà dans la proposition de loi que j’avais déposée en février 2006. Je tiens à souligner qu’elles sont proches des recommandations formulées par le Conseil économique et social dans un rapport sur le surendettement des particuliers publié en 2007.

La Commission européenne se place également sur cette ligne. Les dispositions de la directive européenne relative à l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit aux consommateurs, adoptée le 23 avril dernier, rejoignent mes propositions, notamment sur l’amélioration de la publicité, la mise en place d’une obligation générale de conseil et la création d’un fichier positif d’endettement.

Monsieur le secrétaire d’État, le 3 décembre dernier, le Président de la République a confié à Mme Christine Lagarde et à M. Martin Hirsch la mission de préparer une réforme des procédures de traitement du surendettement.

J’ai retenu que cette réforme porterait sur la réduction de l’hétérogénéité des pratiques selon les départements, sur la durée des procédures et sur l’amélioration du recours à la procédure de rétablissement personnel, afin d’en faire une réelle « seconde chance ».

Ces pistes de réforme du traitement du surendettement sont, sans nul doute, importantes, mais, de nouveau, la prévention s’avère être la grande absente.

Monsieur le secrétaire d’État, mes questions seront simples et directes : comment entendez-vous remédier à cette lacune ? Quelles mesures pensez-vous prendre pour qu’une véritable politique de prévention du surendettement soit mise en œuvre ?

Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d’État, de vos réponses. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nicole Bricq applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, ce sont plus de 50 000 nouvelles familles qui basculent dans le surendettement. Ce phénomène est amplifié par un contexte de crise économique aiguë où l’augmentation significative du nombre des chômeurs, qui franchit pour la première fois depuis un an et demi la barre des 2 millions, grèvera les revenus des ménages et diminuera leur capacité à honorer leurs crédits.

Il convient d’apporter des réponses au problème soulevé par la question de ma collègue Muguette Dini, de manière à éviter que des familles, asphyxiées par les crédits qu’elles ont contractés, ne se trouvent privées de leurs moyens de paiement ou contraintes d’abandonner leur logement.

C’est la raison pour laquelle il nous incombe d’analyser le surendettement selon le prisme le plus large possible. La perte de pouvoir d’achat à laquelle nombre de nos concitoyens sont confrontés depuis plusieurs années déjà, et qui s’aggrave de jour en jour, a eu des conséquences dramatiques sur le recours au crédit des ménages.

En effet, loin de ne financer que des dépenses exceptionnelles, l’emprunt est aujourd’hui de plus en en plus fréquemment utilisé pour des dépenses de première nécessité comme celles d’alimentation ou pour le paiement des factures quotidiennes. Cette banalisation du crédit à la consommation est d’autant plus importante que les établissements prêteurs profitent de la situation de nombreux ménages pour l’encourager fortement. La publicité, massive et racoleuse, à la télévision, dans la presse et jusque dans nos boîtes aux lettres, fait miroiter aux familles en difficulté une solution miracle, facile et rapide, dont souvent les coûts réels n’apparaissent pas.

La question du remboursement est sciemment remise au lendemain. Aucune garantie n’est demandée aux emprunteurs, si ce n’est un relevé d’identité bancaire et des bulletins de salaire. Au mépris de leur solvabilité, les emprunteurs peuvent ainsi empiler les crédits, au risque, bien souvent, de ne plus parvenir à les rembourser.

M. Philippe Marini. Très juste !

M. Bernard Angels. C’est la raison pour laquelle je rejoins les propositions avancées par ma collègue du groupe de l’Union centriste quant à la nécessité de faire figurer sur les publicités de ces établissements les risques liés au surendettement ainsi que la mention du taux effectif global du crédit. Il serait judicieux d’y inscrire également le taux de l’usure.

M. Joël Bourdin. Il le faut, effectivement !

M. Bernard Angels. Cela rendrait plus lisible, pour les emprunteurs potentiels, le coût du crédit qu’ils s’apprêtent à contracter.

À ce titre, trois types de crédits sont particulièrement nocifs. Je parle évidemment des crédits renouvelables, appelés aussi crédits « revolving », que Mme Dini a évoqués, des rachats de crédits et des crédits contractés dans les grandes surfaces.

Il paraît inadmissible d’autoriser le démarchage pour les crédits renouvelables et les rachats de crédits. De même, contracter un crédit dans une grande surface devrait être interdit. Nous tenons d’ailleurs à souligner la responsabilité de ces établissements dans l’augmentation alarmante du nombre de ménages surendettés. Nous devons pouvoir envisager de sanctionner les établissements ayant consenti des crédits d’un montant disproportionné au regard des revenus des emprunteurs.

Au-delà de ces considérations, je souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, sur quelques éléments qui me semblent essentiels dans ce débat.

Tout d’abord, il paraît fondamental de responsabiliser les établissements de crédit. Ainsi, lorsque ceux-ci ne jouent pas leur rôle, qui est d’évaluer la solvabilité de leurs clients potentiels et de ne leur accorder de crédits qu’en rapport avec leur capacité à les rembourser, ils doivent être tenus pour seuls responsables de leurs pertes éventuelles. Dans ce cas, il doit leur être impossible de recourir à la procédure de recouvrement.

Ensuite, Mme Dini a évoqué la possibilité de créer un fichier positif, géré par la Banque de France, qui permettrait aux établissements de crédit de vérifier la situation de leurs clients potentiels. Permettez-moi de faire deux remarques au sujet de ce fichier.

Premièrement, il me semble aller de soi qu’un tel fichier ne saurait être créé, ne saurait être approuvé par la Haute Assemblée en l’absence de garanties législatives suffisantes et concrètes permettant d’assurer le respect de la vie privée.

La communication à un établissement de crédit de données complètes concernant les revenus et la situation au regard du crédit d’une personne ou d’un foyer, fût-ce avec l’autorisation de l’emprunteur, me semble dangereuse. En effet, comment contrôlerions-nous l’usage qu’un établissement de crédit pourrait faire de ces données ?

À l’inverse, l’emprunteur pourrait lui-même contacter la Banque de France, afin de solliciter une autorisation de crédit, sans que jamais ses données personnelles quittent les ordinateurs sécurisés de l’établissement public. C’est une idée que je verse au débat.

Deuxièmement, je voudrais vous inviter à envisager avec prudence l’efficacité que pourrait avoir un tel fichier. Pour être réellement utile dans la lutte contre le surendettement, il devrait être actualisé quasiment en temps réel. Il n’est pas rare, en effet, que des emprunteurs souscrivent plusieurs crédits à la consommation le même jour et s’empressent d’utiliser cet argent comme apport personnel pour un crédit immobilier, par exemple. Dans ce cas, la situation de surendettement naît presque instantanément.

En outre, il me paraît nécessaire de renforcer l’accompagnement et le suivi des personnes effectivement surendettées. Ainsi, la création de nouvelles succursales de la Banque de France dédiées au traitement de cette problématique semble indispensable, afin de prendre en charge le mieux possible les ménages en difficulté et de leur offrir l’aide et le suivi dont ils ont cruellement besoin dans ces moments.

Enfin, je souhaiterais rappeler que, pour positives que soient la plupart des propositions avancées, elles ne visent malheureusement qu’à apaiser les symptômes des situations les plus critiques, sans pour autant remédier à leurs causes.

Ces causes, il faut les rechercher dans l’insuffisance des revenus de tant de ménages, qui ne parviennent plus aujourd’hui, avec leur salaire ou les prestations qui leur sont versées, à vivre dignement.

Mes chers collègues, comment penser résoudre le problème du surendettement en ne s’intéressant qu’aux 25 % de foyers pour qui le surendettement résulte d’une gestion mal maîtrisée de leur budget ? Comment pourrions-nous oublier tous les autres, victimes de ce que l’on appelle désormais un « accident de la vie », qui alternent périodes de chômage et phases de salariat à temps partiel, quand ils n’ont pas été victimes d’autres maux, comme un divorce, un veuvage ou une maladie les empêchant de continuer leur activité ?

D’ailleurs, dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi relative au surendettement qu’il a déposée en novembre dernier, notre collègue Philippe Marini mentionne que 89 % des dossiers de surendettement concernent des employés, des ouvriers, des chômeurs et des inactifs.

À ce titre, la simple réflexion sur la responsabilisation des prêteurs et des emprunteurs ne peut être suffisante ; il nous appartient, si nous souhaitons envisager cette question sous tous ses angles, de ne pas négliger la difficulté, voire l’impossibilité, pour tant de familles, de vivre avec le revenu minimum d’insertion ou le SMIC.

Lorsque la pauvreté menace, lorsque le pouvoir d’achat stagne ou diminue, il convient de s’attaquer à la source du problème, et non pas se contenter de priver de nombreux ménages de leur dernière source de financement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Mme Dini d’avoir engagé, par le biais de cette question orale, un débat sur une question qu’elle suit avec constance depuis bien des années.

Je remercie également notre collègue Claude Biwer d’avoir bien voulu accepter de me céder son tour dans la discussion, afin de me permettre d’honorer d’autres engagements.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe cet après-midi peut et doit être traité solidairement par l’ensemble de la représentation parlementaire, malgré les différences de vues de ses membres.

La situation de crise actuelle fragilise encore davantage la situation d’un grand nombre de personnes. Dans ce contexte, l’État a fait le nécessaire pour soutenir le secteur bancaire, en lui accordant sa garantie. En contrepartie de cet engagement, l’État et le Parlement sont en droit d’exiger du secteur bancaire qu’il se montre irréprochable à l’égard de ses clients, c'est-à-dire qu’il les respecte.

Or certaines pratiques des entreprises de crédit à la consommation, je regrette de devoir le dire, ne respectent pas les emprunteurs, les clients, et risquent même de les fragiliser encore davantage.

M. Joël Bourdin. C’est vrai !

M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'État, la bonne procédure à suivre est l’élaboration contradictoire et pluraliste, par le Parlement, d’un texte législatif, avec la contribution des différents groupes politiques du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que, je l’espère, celle du Gouvernement. En l’espèce, ce ne sont ni les codes de bonne conduite, ni les codes professionnels, ni les réunions en cercle restreint qui permettront d’aboutir ! (Mme Nicole Bricq approuve.)

Nous avons, les uns et les autres, dans notre diversité, pris des initiatives. En ce qui me concerne, j’ai, à la suite de Mme Dini et du groupe de l’Union centriste, tâché d’apporter ma contribution en déposant récemment une proposition de loi sur ce sujet.

L’objet de ce texte est d’assainir le secteur du crédit à la consommation. Il n’est pas dirigé contre le crédit à la consommation en tant que tel ; il vise à responsabiliser tant les établissements de crédit que leurs clients, et à lutter contre ce qu’il est convenu d’appeler le « malendettement ».

Le malendettement, c’est l’endettement inadapté à la situation de l’emprunteur, c’est le crédit qui ne dit pas son nom, c’est la réserve de trésorerie apparemment gratuite dans l’immédiat, accompagnée d’une offre promotionnelle alléchante et largement proposée sur internet ou à la caisse de l’hypermarché.

M. Philippe Marini. Le malendettement, c’est le crédit que l’on rembourse par des mensualités de 15 ou de 25 euros sur une durée indéfinie.

M. Philippe Marini. Le malendettement, c’est le crédit qui n’ose pas dire son taux.

M. Philippe Marini. En d’autres termes, le malendettement, c’est un outil de facilité que l’on vend en abusant de la faiblesse des gens.

M. Charles Revet. Tout à fait ! C’est scandaleux !

M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'État, dans la situation actuelle, nous devons, les uns et les autres, véritablement prendre toutes nos responsabilités à l’égard de ce phénomène. Ce débat qui nous réunit cet après-midi est l’occasion pour nous, tous groupes confondus, d’adresser un appel solennel au Gouvernement.

Quelles que soient nos sensibilités, nous sommes aussi des élus locaux, des femmes et des hommes de terrain. Nous connaissons l’encombrement des commissions de surendettement, nous sommes confrontés à des situations personnelles qu’il faut essayer de rétablir par des aides d’urgence, par des conseils, par un accompagnement. Trop souvent, hélas ! les difficultés naissent de crédits trop facilement accordés, en tout cas sans qu’aient été respectées les règles qui devraient prévaloir en la matière.

Information défectueuse, déconnexion complète entre le crédit et le financement d’un bien, offres promotionnelles : ces pratiques sont malheureusement trop courantes.

Qu’il s’agisse du Médiateur de la République, du Conseil économique et social, de nombre de nos collègues ou de grandes associations de consommateurs, en particulier l’UFC-Que Choisir, beaucoup en appellent à une prise de conscience de ce phénomène et à une action rapide.

Monsieur le secrétaire d'État, la proposition de loi que j’ai déposée est compatible avec la directive communautaire du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Philippe Marini. Que cette directive ne serve donc pas de prétexte pour ne pas progresser dans l’élaboration d’un texte indispensable !

Mme Nicole Bricq. Il a raison !

M. Philippe Marini. Cette proposition de loi est sous-tendue par quatre grands objectifs : encadrer les conditions de publicité pour le crédit à la consommation ; pousser l’emprunteur à la réflexion avant de conclure son opération de crédit ; responsabiliser fortement les établissements de crédit en faisant en sorte qu’ils examinent véritablement la solvabilité de l’emprunteur ; enfin, mettre en place des dispositions spécifiques pour les pratiques les plus risquées et les plus récentes, comme le crédit renouvelable, le rachat de crédits et le crédit en grandes surfaces.

Dans ce domaine comme dans bien d’autres de la vie financière, l’innovation a pris de vitesse le régulateur. Alors que l’onde de choc qui a secoué les marchés financiers continue de faire sentir ses effets, le secteur du crédit à la consommation présente les mêmes dysfonctionnements que bien d’autres segments du marché des capitaux.

Ainsi, une carte de paiement très facile à obtenir et à utiliser qui permet de bénéficier de primes de fidélité dans un magasin, de payer comptant ou à crédit, de retirer de l’argent à un distributeur automatique de billets, d’accéder à une réserve de trésorerie renouvelable fait peser des risques tout à fait réels sur les personnes les plus fragiles.

Dans ces conditions, que convient-il de faire, très concrètement ?

Il faut d’abord encadrer la publicité, en informant les consommateurs des risques inhérents à un crédit mal maîtrisé et en interdisant les pratiques promotionnelles.

S’agissant du crédit renouvelable, il faut veiller à mettre en place une information spécifique, éviter qu’on ne le présente comme une « facilité », une « souplesse », une aide pour boucler le budget.

Bref, il y a beaucoup à faire en matière de transparence. En ce qui concerne les conditions des crédits, comme l’ont très justement souligné Mme Dini et M. Angels, les conditions de taux, assurances comprises, doivent être indiquées précisément sur tous les documents publicitaires.

Ensuite, il convient d’inciter l’emprunteur à réfléchir. Vous qui êtes chargé de la consommation, monsieur le secrétaire d'État, vous savez mieux que quiconque qu’instituer un délai de réflexion pour que le consommateur puisse se décider et, le cas échéant, se dédire est un principe de base, mis en œuvre dans de très nombreux domaines mais pas suffisamment en matière de crédit à la consommation. C’est certainement l’un des points sur lesquels nous devrons faire évoluer la législation.

Il n’est pas acceptable qu’un établissement de crédit se borne à recueillir une simple déclaration par laquelle l’emprunteur fait état de ses ressources, sans demander de réelle justification, sans procéder à aucun contrôle, sans s’interroger sur les charges pouvant grever ces ressources, telles qu’un loyer supérieur à l’aide personnalisée au logement, le versement d’une pension alimentaire, le remboursement d’autres crédits…

À ce stade peut être abordé un débat dans le débat, portant sur la fameuse question du fichier positif.

C’est un vrai sujet, qu’il ne faut pas craindre d’évoquer, comme l’ont fait Mme Dini et M. Angels, en des termes différents. Sans doute est-il possible de concilier leurs deux approches.

Pour ma part, je souhaiterais que cette question du fichier, lourde et complexe, ne soit pas un préalable, car si tel devait être le cas, bien des décisions nécessaires et urgentes risqueraient d’être différées.

Néanmoins, ce sujet doit être débattu en toute transparence, les associations et les professionnels doivent être entendus. Il faut déterminer comment un tel fichier serait élaboré, pour quel coût, dans quel délai, et qui le financerait. C’est tout une architecture lourde qu’il faut envisager.

Il ne faut certainement pas exclure la constitution d’un tel fichier. Je considère que, à ce stade, nous devons accepter que cette question figure au cœur du débat, de telle sorte que la représentation nationale, à qui il appartient de trancher sur un sujet aussi important pour les libertés publiques, pour la consommation, pour le bon équilibre du système financier, puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause.

Enfin, il me semble également souhaitable d’aller plus loin dans la mise en cause de la responsabilité des établissements prêteurs qui auraient octroyé, sans examen sérieux, un crédit manifestement disproportionné aux besoins de l’emprunteur.

À mes yeux, la commission de surendettement est l’organe compétent en la matière. Elle devrait pouvoir proposer la déchéance des intérêts ou le versement d’indemnités, susceptibles d’être lourdes. Il appartiendrait ensuite au juge de décider : la commission propose ; le juge décide. C’est, me semble-t-il, un bon équilibre.

Reste la question particulièrement délicate, présente dans tous les esprits, du crédit en grandes surfaces et de la relation entre le contrôle du malendettement, l’évolution du crédit à la consommation et celle de la demande intérieure.

Bien souvent, sur ces sujets, nous ne sommes pas sur le même registre que les professionnels.

Nous, élus, sommes en prise avec le concret, avec les cas individuels, nous entendons les plaintes de nos concitoyens, nous sommes confrontés à des situations douloureuses.

Les professionnels, de leur côté, nous répondent en termes macroéconomiques. S’appuyant sur des statistiques, ils soutiennent que les ménages sont moins endettés en France que dans d’autres pays, que le taux de défaut dans le secteur du crédit à la consommation n’est pas si considérable !

Nous avons tous maintes fois participé à de tels débats. Il faut aujourd’hui dépasser, à mon sens, cette contradiction et nous interroger sur ce qui va se passer dans les mois qui viennent. En effet, nous sommes dans une période de baisse de l’activité, de fragilisation accrue de certains publics : l’important tient non pas aux données statistiques du passé, mais aux événements qui vont marquer les semaines et les mois à venir.

Mes chers collègues, nous ne pouvons vraiment pas accepter une aggravation de la fragilisation d’une partie de la population. C’est la responsabilité de la représentation nationale, celle du législateur, mais aussi du Gouvernement, puisqu’il est au cœur de l’action législative.

Telles sont les quelques considérations que je tenais à vous livrer, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues.

Sur ce dossier, nous devrions pouvoir avancer vite. La commission des affaires économiques du Sénat, dont je tiens à remercier le président, Jean-Paul Emorine, a bien voulu faire de cette question du surendettement une priorité. Nos propositions de loi vont pouvoir être jointes et M. Philippe Dominati a été désigné rapporteur. En principe, le premier examen au Sénat devrait avoir lieu le 20 janvier, dans le cadre de l’ordre du jour réservé.

Nous souhaitons progresser rapidement. Nous ne voudrions pas que l’on recoure à des alibis, à des prétextes pour contrarier nos efforts, car nous pensons que, en cette période difficile, ce sujet est vraiment au cœur des préoccupations de l’opinion.

Bien entendu, au cours de ce processus parlementaire, démarche transparente marquée par une volonté d’écoute respective, nous serons attentifs à ce que nous dira le Gouvernement.

Demain matin, Mme Christine Lagarde réunit des parlementaires, des experts, des représentants des associations et des milieux concernés afin de jeter les bases d’une méthode de travail.

De tels efforts sont certes méritoires. Je serais toutefois tenté de dire à Mme la ministre que c’est au Parlement, en toute transparence et avec le concours de tous, que la meilleure méthode de travail peut être mise en œuvre. L’opinion publique, sensible à ce sujet, pourrait ainsi apprécier les divers arguments et approches, et être associée à l’élaboration de nouvelles normes, qui sont assurément nécessaires.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on a beaucoup critiqué, ces derniers mois, le système financier anglo-saxon, le risque sur les marchés, la transformation des concepts, leur appréhension insuffisante par la régulation publique.

N’oublions pas, cependant, que c’est une approche laxiste du crédit aux particuliers qui est à l’origine de tous nos problèmes et de tous les malheurs de nos économies. En effet, c’est la distribution laxiste de crédits faussement garantis à des agents économiques manifestement incapables de les rembourser qui a engendré cet effet de dominos dont nous n’avons pas fini de souffrir.

Que cette leçon nous serve, c’est tout ce que l’on peut souhaiter ! Sachons trouver le juste équilibre entre l’innovation, l’activité économique, le pouvoir d’achat, la consommation et la régulation : c’est le sens de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nicole Bricq applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, par sa question orale, notre collègue Muguette Dini, sénatrice du Rhône, nous invite à débattre de la situation et du comportement des établissements de crédit qui ne prendraient pas suffisamment de « précautions » au moment de distribuer des prêts aux particuliers.

Ce faisant, Mme Dini évoque le grand nombre de nos compatriotes qui sont confrontés à des difficultés majeures de remboursement de leurs dettes. Ils seraient quelque six millions, et un million de ménages ont déjà eu recours aux commissions de surendettement depuis la création de ces structures.

Le texte de cette question orale nous apprend que, tous les ans, 180 000 familles, confrontées à des difficultés insurmontables, en appellent à l’arbitrage des commissions de surendettement.

Au-delà de ce constat, une telle situation doit pour le moins susciter un débat sur les moyens d’enrayer une évolution apparemment constante et régulière.

En ce qui concerne la manière dont les établissements de crédit, et singulièrement les établissements de crédit à la consommation, font en sorte que les familles s’endettent, les choses sont très claires.

Des publicités alléchantes, mais parfaitement trompeuses, sont diffusées par voie de presse, par des messages radiophoniques et télévisés, des annonces valorisantes sont affichées sur les façades mêmes des succursales : tout est fait pour attirer le chaland.

Il est vrai que, dans une économie de marché en quête perpétuelle de rentabilité financière, le crédit constitue l’une des pièces essentielles du moteur de l’activité : sans crédit bancaire aux entreprises, pas ou peu d’activité économique ; sans crédit à la consommation, fort peu de ventes bien souvent, singulièrement pour les biens de consommation dits durables.

L’offre de crédit s’est d’ailleurs très largement diversifiée et concerne de plus en plus de produits et de services, ce qui se traduit non pas par un accroissement du patrimoine des ménages, mais plutôt par une précarisation de leur consommation.

Un nombre croissant de familles doivent en effet faire appel au crédit revolving pour solder les dépenses courantes, qu’il s’agisse du règlement des factures, des charges fixes ou de l’acquisition de denrées alimentaires, de produits textiles et autres.

Au demeurant, lorsque la majorité de droite vote la fiscalisation des indemnités des accidentés du travail et la suppression de la demi-part des veuves et des divorcées, cela ne fait que mettre de l’huile sur le feu !

Aussi, quelles solutions envisager pour faire face au problème du surendettement des ménages ?

Modifions la loi et imposons notamment aux établissements de crédit les plus indélicats de perdre, sans espoir de recouvrement, les intérêts grevant des prêts qu’ils ont distribués sans réel examen de la situation des emprunteurs.

Nous devons, au point où nous en sommes, procéder de manière plus directement coercitive en la matière. Mais si l’on veut réellement changer de braquet dans la lutte contre le surendettement, il faudra bien en passer par le développement du pouvoir d’achat des familles et donc revenir sur nombre des choix politiques mis en œuvre depuis trop d’années.

En inventant le crédit d’impôt pour intérêts d’emprunt immobilier, le Gouvernement a autorisé les banques à user d’une sorte de droit à polluer, matérialisé par des taux d’intérêt exorbitants et souvent variables. Or rehausser le plafond du prêt à taux zéro et créer un tel crédit d’impôt n’est peut-être pas la meilleure voie à suivre pour lutter contre le surendettement, surtout lorsque, dans le même temps, on reste passif devant les comportements des banques qui se refont une santé sur le dos des emprunteurs en relevant les taux d’intérêt !

Modifions donc les priorités de la politique des revenus dans ce pays et nous nous doterons sans doute par là même des meilleurs outils de prévention du surendettement ! Il convenait de le rappeler aujourd’hui, dans ce débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela vient d’être dit clairement par les orateurs qui m’ont précédé, le surendettement est l’incapacité, pour un ménage ou une personne seule, de faire face à ses charges utiles, qu’il s’agisse du paiement des loyers, des factures d’électricité, du chauffage ou encore du remboursement des prêts contractés auprès d’un organisme de crédit.

Plus de 700 000 personnes sont à l’heure actuelle en situation de surendettement dans notre pays.

Le phénomène a beaucoup évolué depuis le vote de la loi Neiertz en 1989, qui a créé les commissions de surendettement : à l’époque, le surendettement était plutôt d’origine bancaire ; désormais, il est dû, pour l’essentiel, à la dégradation de la situation financière et sociale des ménages, des personnes seules ou des familles monoparentales.

En vérité, le surendettement est devenu une sorte de miroir de la fragilisation sociale, voire de l’exclusion, qui concerne une partie désormais non négligeable de nos concitoyens.

Ce que l’on appelle le surendettement passif, lié à des accidents de la vie, tels le chômage ou le divorce, est encore largement majoritaire, mais, force est de le reconnaître, le surendettement causé par un excès de crédit sans aucune modification des ressources est de plus en plus inquiétant.

Devant l’aggravation de la situation, la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a introduit une nouvelle mesure pour assurer le traitement des cas de surendettement les plus difficiles, à savoir la procédure de rétablissement personnel, qui s’apparente, pour partie, à la législation locale sur la faillite civile en vigueur en Alsace et en Moselle.

Ces textes législatifs et réglementaires s’attaquent malheureusement plus aux conséquences du surendettement qu’à ses causes, notamment la possibilité pour un emprunteur, aujourd’hui encore, d’obtenir très aisément un ou plusieurs crédits à la consommation sans vérification sérieuse de sa situation financière.

Certes, les banques sont devenues beaucoup plus regardantes pour l’octroi d’un crédit immobilier et n’accordent pratiquement plus de prêts-relais. Le surendettement à venir ne pourra donc pas leur être imputé. Mais, par le passé, elles ont commis l’erreur de vanter les mérites des prêts immobiliers à taux variable sur des durées de remboursement de plus en plus longues.

Dans un premier temps, les emprunteurs étaient satisfaits, car le montant des remboursements était convenable, mais le retournement de situation est rapidement survenu, avec une remontée des taux et une majoration sensible des remboursements, auxquels certaines familles pouvaient désormais difficilement faire face. Cela pouvait constituer l’amorce d’une situation de surendettement.

S’agissant du crédit à la consommation, malgré la crise financière, les pratiques ne semblent pas avoir beaucoup évolué. Si, par exemple, vous souhaitez changer votre voiture et demandez le prix d’un nouveau modèle, on vous répondra que l’achat vous reviendra à 200, 300 ou 400 euros par mois. Ce n’est pas, selon moi, une réponse satisfaisante.

Je prendrai un exemple très précis et très récent.

Un de mes proches s’est rendu dans un grand magasin de meubles et a souhaité bénéficier d’une opération promotionnelle de crédit avec remboursement en dix fois sans frais. On lui a alors établi une carte de crédit renouvelable, dit « revolving », assortie d’un taux normal extravagant de 20,26 % pour tout autre achat. Pour ce faire, que lui a-t-on demandé ? Il a dû présenter son dernier bulletin de salaire –  pas même les trois derniers ! –, préciser son ancienneté dans son emploi, fournir un relevé d’identité bancaire et une attestation de domicile, en précisant s’il est propriétaire ou locataire de son logement. À aucun moment il ne lui a été demandé s’il remboursait déjà d’autres prêts, qu’il s’agisse d’ailleurs de prêts immobiliers ou à la consommation.

Cela est tout de même stupéfiant et ce n’est plus acceptable ! En d’autres lieux, il arrive que l’on interroge le candidat au prêt sur l’existence d’autres crédits, mais il lui suffit de ne pas dire la vérité sur sa véritable situation pour que le nouveau crédit soit accordé.

En vérité, tout se passe comme s’il y avait une certaine connivence entre ces commerces et les organismes de crédit. Pour les premiers, l’essentiel est de vendre coûte que coûte leur marchandise, et pour les seconds, peu importe que les emprunteurs soient solvables ou non : s’ils n’arrivent plus à rembourser leur prêt, tous les moyens seront mis en œuvre pour les contraindre, y compris le recours à des officines spécialisées dans le recouvrement.

De plus, il est vraisemblable que les vendeurs de ces magasins soient commissionnés par les organismes de crédit, ce qui pourrait expliquer certaines pratiques.

En l’absence de vérification de la véritable situation des emprunteurs, il est ainsi arrivé qu’une personne puisse contracter pour près de 80 000 euros de crédits et se trouve dans l’obligation, les remboursements mensuels étant supérieurs à son revenu, de souscrire de nouveaux prêts pour les honorer !

On comprend dès lors qu’une nouvelle et florissante industrie se soit mise en place depuis quelques années, consistant à proposer à ces emprunteurs aux abois le rachat et l’étalement de leurs crédits à la consommation, et même leur transformation en prêt hypothécaire sur quinze ans.

Vraiment, monsieur le secrétaire d’État, nous serions coupables si nous laissions les choses en l’état ! D’ailleurs, comme l’ont rappelé tout à l’heure Muguette Dini et Philippe Marini, les associations de consommateurs, le Médiateur de la République – notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye – et le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, réclament tous un encadrement du crédit à la consommation.

Conscients de cette situation, les membres du groupe de l’Union centriste demandent depuis des années une responsabilisation des organismes de crédit à la consommation. C’était tout le sens des amendements que nous avions déposés lors de l’élaboration de la loi de sécurité financière et de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, en 2003, de la loi de programmation pour la cohésion sociale, en 2004, et de la loi de modernisation de l’économie, plus récemment.

Ces amendements prévoyaient que la commission de surendettement puisse saisir le juge afin d’obtenir le prononcé d’office de l’effacement total de la dette contractée par le débiteur ou, à tout le moins, la déchéance des intérêts des dettes contractées. Cette mesure se serait appliquée dans les cas de manquement du créancier à ses obligations légales d’information, d’inscription de clauses abusives dans le contrat, d’abus de faiblesse, de tromperie ou encore de falsification.

Une telle disposition – qui a d’ailleurs été adoptée lors de la première lecture du projet de loi de sécurité financière de 2003, avant de disparaître au cours de la navette – aurait été bienvenue pour lutter contre l’octroi de crédits sur des fondements abusifs.

De façon plus générale, il apparaît aujourd’hui nécessaire, au-delà de la réglementation de la publicité, de renforcer l’obligation, pour les sociétés de crédit, de vérifier en détail la solvabilité des emprunteurs.

Or, tel est précisément l’objet des deux propositions de loi récemment déposées sur le bureau du Sénat, l’une par Philippe Marini – notre collègue l’a parfaitement exposée tout à l’heure –, l’autre par Muguette Dini, Michel Mercier et moi-même, au nom du groupe de l’Union centriste.

Nous proposons d’une part d’exiger des établissements de crédit qu’ils vérifient sérieusement la situation financière des souscripteurs, d’autre part de leur donner les moyens de le faire.

Sur le premier point, la règle que nous entendons poser est que, à défaut de vérification sérieuse de la situation financière du souscripteur, les organismes de crédit pourraient être tenus pour responsables de l’insolvabilité de leur client et ne pourraient alors pas engager de procédures de recouvrement contre lui, sauf, bien entendu, si le souscripteur a fourni de fausses informations sur sa situation.

Naturellement, la responsabilisation des organismes prêteurs ne doit pas exclure celle des souscripteurs. C’est pourquoi nous entendons également mettre en place un délai de réflexion de sept jours et imposer aux établissements de crédit de faire figurer sur leurs publicités et sur l’offre préalable de prêt un avertissement bien visible, alertant les emprunteurs sur les risques du surendettement.

Cela étant, se borner à définir les obligations des organismes de crédit pourrait s’avérer insuffisant. En effet, et ce point est capital, il convient également de leur donner les moyens de remplir les obligations qui leur sont imposées. C’est le second objet de notre proposition de loi : prévoir la création d’un répertoire national des crédits aux particuliers pour les besoins non professionnels.

Un tel outil, qu’on l’appelle « répertoire national des crédits », comme dans notre proposition de loi, ou « centrale de prévention du surendettement », les professionnels du crédit à la consommation le réclament eux-mêmes. Ils pourraient le consulter avant de consentir un nouveau prêt et obtiendraient ainsi facilement les informations leur permettant d’instruire correctement leurs dossiers.

Selon moi, la consultation de ce répertoire devrait même être rendue obligatoire. Bien sûr, il faudrait l’assortir de toutes les garanties de discrétion qui s’imposent, comme cela a été souligné tout à l’heure.

Ainsi, nous disposerions d’outils pertinents pour lutter contre le trop grand laxisme de certains établissements de crédit à la consommation, mais aussi, lorsque cela s’avère nécessaire, pour protéger les emprunteurs contre eux-mêmes. En effet, nous n’avons pas le droit de laisser certaines personnes s’exposer, par manque d’information ou par inconscience, à des difficultés futures.

Je suis heureux que la proposition de loi de Philippe Marini ait eu un grand retentissement médiatique. Elle a sans doute sensibilisé l’opinion au problème du surendettement. À l’instar de notre collègue, je pense que le Gouvernement et le Parlement ont des responsabilités en la matière, auxquelles ils n’ont pas le droit de se soustraire.

Je remercie mon président de groupe, Michel Mercier, d’avoir favorisé le dépôt de notre proposition de loi et obtenu de la conférence des présidents l’organisation du présent débat, engagé dans d’excellentes conditions par Muguette Dini.

Il ne reste plus qu’à espérer que, à partir de ces initiatives convergentes, une législation susceptible de nous prémunir contre l’apparition de nouvelles et douloureuses situations de surendettement voie le jour. Tel est le vœu le plus ardent que je formule aujourd’hui.

Contrairement à ce que disait Mme Gonthier-Maurin à l’instant, je ne me sens pas responsable de l’éventuel mauvais usage de diverses dispositions que nous avons pu adopter au sein de cette assemblée : ce n’est pas parce que nous mettons en place des outils utiles à nos concitoyens que nous obligeons ces derniers à les utiliser d’une manière erronée. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est pas de jour où nous ne soyons, en conscience, interpellés par la coexistence paradoxale de richesses incommensurables et de situations de précarité insoutenables.

À l’heure où l’éclat des vitrines, pour les fêtes de fin d’année, éveille précisément un peu plus nos consciences, je voudrais remercier la conférence des présidents de la Haute Assemblée d’avoir accepté l’inscription à notre ordre du jour de cette question orale de notre collègue Muguette Dini, qui porte sur un sujet d’une sensibilité toute particulière.

La question du surendettement est alarmante : non seulement le nombre de nos concitoyens surendettés va croissant, mais cette progression s’accompagne d’un phénomène de banalisation extrêmement dangereux. Différentes études nationales laissent à penser que plus de trois millions et demi de familles, soit plus de sept millions de personnes, c’est-à-dire 15 % de la population, seraient insolvables.

Jadis, le surendettement était si exceptionnel que la littérature s’en emparait : nous avons tous en tête le personnage de César Birotteau, créé par Balzac. Seuls les milieux les plus aisés faisaient appel au crédit, gagé le plus souvent sur d’importants biens immobiliers.

Aujourd’hui la situation est tout autre : si, paradoxalement, face à la grave crise économique que nous traversons, les banques restreignent l’attribution de crédits, ceux que l’on dit « revolving » se multiplient comme les métastases d’un cancer financier gagnant sans discernement la totalité d’un organisme malade qui n’est autre que le corps social.

Le crédit revolving s’est insidieusement, sournoisement, imposé comme l’outil normal de gestion du budget familial, et il a donné naissance à cette spirale infernale du surendettement qui frappe ceux qui n’ont pas su ou, souvent, pas pu résister à un système dans lequel publicité mensongère et organismes de crédit sans foi ni loi se sont associés à leur dépens.

La publicité mensongère est très largement responsable de ce fléau. Elle va jusqu’à faire croire aux consommateurs que les organismes de crédit n’agissent que par compassion envers ceux qui ont besoin d’argent ; elle leur laisse supposer qu’ils sont, par eux-mêmes, en mesure de choisir les modalités de remboursement d’un prêt réputé avantageux. Il n’en est rien, bien sûr, puisque ces opérateurs bancaires ne peuvent en aucun cas s’engager dans l’absolu sur un taux d’intérêt qui varie, de fait, en fonction de chaque situation particulière.

Ennemis numéro un des consommateurs fragiles, ils vont jusqu’à les détrousser in situ, c’est-à-dire sur les lieux mêmes de vente, où les crédits sont octroyés « aux forceps » par des vendeurs intéressés au nombre et au montant des ventes conclues à crédit. Parfaitement conscients du travers de notre société, où l’on veut tout, tout de suite, quel que soit le prix, payé à tempérament sur trois, douze ou trente-six mois, ils se font vendeurs de rêves et d’illusions, sans garde-fous, sans possibilité de recours.

La désinformation ou, à tout le moins, l’affichage insuffisant des conditions dans lesquelles le crédit est accordé constituent le point de départ du surendettement. Trop souvent, le taux effectif global annuel du crédit – ce fameux TEG dont personne au demeurant ne connaît la signification – n’apparaît pas, ou alors en caractères si minuscules qu’il est de fait invisible, laissant place à l’affichage d’un taux mensuel, beaucoup plus séduisant. Le contractant entre alors malgré lui dans un dramatique engrenage, contraint désormais de s’endetter pour acquérir non pas le superflu, mais bien l’indispensable, en prélude d’une spirale que j’ai déjà qualifiée d’infernale et qui va faire de lui un débiteur permanent, un automate du remboursement.

Ainsi, le vieil adage qui voulait que l’on ne prête qu’aux riches est aujourd’hui totalement contredit, puisque c’est bien aux plus démunis que l’on fait miroiter les « merveilles » de la société de consommation par l’attribution de ces crédits revolving. Les familles monoparentales et les retraités aux revenus les plus faibles sont les premiers touchés. Comme beaucoup, ils n’ont pas une compétence juridique suffisante pour lire les contrats et n’accèdent pas aisément aux conseils des hommes de loi.

Quelques chiffres viennent à l’appui de ce constat établi par le Conseil économique et social dans un important rapport sur cette question : plus des deux tiers des personnes surendettées vivent seules, 55 % d’entre elles sont des employés ou des ouvriers, 36 % des chômeurs ou des inactifs ; enfin, 92 % des surendettés ne possèdent aucun patrimoine immobilier.

Toutefois, les opérateurs bancaires ne sont pas seuls à sévir. Un certain nombre de grandes surfaces aux enseignes bien connues ont adopté des démarches commerciales tout aussi pernicieuses en délivrant leurs propres cartes de crédit ou en instaurant un système qui permet au client, après un paiement partiel immédiat de l’achat – à hauteur par exemple de 5 % – d’acquitter le solde par le biais d’un crédit revolving. Dans tous les cas de figure, quelle que soit la somme, l’objectif est que le contractant n’ait jamais conscience du montant qu’il a réellement emprunté.

Dans un tel contexte, j’ai pleinement souscrit aux dispositifs législatifs existants, en particulier la loi Neiertz et la loi Borloo, qui avaient pour objet de protéger les populations les plus fragiles et de leur donner une chance de se remettre debout. Cependant, ces dispositifs eux-mêmes sont devenus pour partie inopérants. Il est donc impératif d’aller vers des mesures complémentaires, qui permettront de remédier aux ravages que nous constatons chaque jour.

Comment, dès lors, ne pas approuver le dépôt de cette proposition de loi tendant à faire appliquer les quatre principes que M. Marini a rappelés tout à l’heure : l’encadrement des conditions de publicité du crédit à la consommation ; l’information exhaustive de l’emprunteur avant la conclusion de toute opération de crédit ; la responsabilisation des établissements de crédit eux-mêmes ; l’encadrement des nouvelles formes de crédit ?

Appliquer ces principes est aujourd’hui devenu indispensable si l’on veut donner une nouvelle portée au dispositif de rétablissement personnel, qui, dans les faits, est non pas un dispositif de la deuxième chance, mais seulement le moyen d’aider – provisoirement, trop souvent – des personnes à bout de ressources.

Des spécialistes des commissions de rétablissement personnel, confrontés quotidiennement à des situations dramatiques, ont souligné auprès de chacun d’entre nous la nécessité de simplifier le fonctionnement desdites commissions, de réduire les délais d’instruction – neuf mois sont un délai insupportable pour les personnes qui vivent au jour le jour dans l’angoisse du lendemain ! –, de déjudiciariser pour partie les procédures de façon à introduire une plus grande fluidité, de clarifier la notion même de situation financière « irrémédiablement compromise », qui donne lieu à interprétations diverses.

Je veux croire qu’aucun membre de la Haute Assemblée ne peut rester insensible au fait que les commissions de surendettement ont chaque année à traiter 180 000 dossiers supplémentaires.

Je veux croire qu’ensemble nous chercherons les solutions les plus efficaces pour mettre un terme à des pratiques cyniques et donner une lueur d’espoir à ceux qui se sont perdus dans la jungle des usuriers.

Je m’associe donc, avec détermination, à la réflexion conduite par nos collègues qui veulent rendre au crédit sa vraie fonction : libérer, et non opprimer. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées de lUMP et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Mme Muguette Dini de nous avoir donné l’occasion, par le dépôt de cette question orale, de traiter d’un problème récurrent. Les interventions que nous avons déjà entendues montrent bien que ce thème échappe aux clivages purement politiques et concerne tout le monde. Je suppose, monsieur le secrétaire d’État, que vous-même y êtes confronté dans vos permanences, comme chacun d’entre nous et peut-être même plus encore puisque le secteur de la consommation relève de vos responsabilités.

Les chiffres figurant dans le texte de la question orale montrent bien à quel point la situation est préoccupante. Il est donc indispensable de renforcer les dispositions existantes et d’abord, me semble-t-il, d’accélérer les procédures, dont la lourdeur actuelle engendre des situations familiales quasiment inextricables.

J’ignore comment nous pourrions y parvenir. J’estime néanmoins qu’il faudrait faire en sorte, lorsqu’un dossier de surendettement est ouvert, qu’il aboutisse très rapidement. En effet, entre le moment où un dossier est déposé, signe que la famille est déjà dans une situation difficile, et celui où des mesures sont prises s’écoule une période durant laquelle la famille n’a plus de ressources, puisque, en général, elle est harcelée par ses créanciers, ce qui est d’une certaine façon logique, alors que la banque n’intervient plus.

Comme en toute chose, mieux vaut prévenir que guérir, d’autant que le surendettement, s’il concerne au premier chef les familles aux ressources les plus faibles, frappe également, et plus souvent qu’on ne le pense, des familles connaissant une situation financière moins tendue : c’est alors la conséquence soit d’un accident de la vie, soit d’un manque de vigilance dans la gestion du budget familial, à laquelle de nombreuses personnes ont été insuffisamment préparées.

Je souscris bien sûr à la suggestion de mieux encadrer l’attribution des prêts à la consommation ; j’y reviendrai dans un instant.

Dans l’immédiat, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais vous livrer quelques réflexions concernant la prévention, que j’envisagerai sous trois aspects : la formation, l’alerte et l’anticipation.

S’agissant de la formation, il est habituel de souligner que l’on ne s’improvise pas chef d’entreprise, quelle que soit l’activité économique considérée, et qu’exercer de telles responsabilités exige que l’on s’y soit préparé. Ce principe ne vaut-il pas quand il s’agit de la gestion d’un budget personnel ou familial ? Ne pourrait-on, monsieur le secrétaire d’État, imaginer qu’au cours de leur scolarité les jeunes, au-delà de l’apprentissage des savoirs fondamentaux que sont la lecture, l’écriture et le calcul ou de la formation à un métier, soient préparés à gérer un budget familial ? Je soupçonne qu’il en est rarement ainsi, pourtant une telle compétence intéresse l’ensemble de nos concitoyens.

M. Jean-Claude Carle. C’est une bonne proposition !

M. Charles Revet. Ainsi, effectuer ses achats de façon rationnelle peut souvent permettre de réaliser de substantielles économies d’échelle.

J’en viens maintenant à la prévention considérée sous l’angle de l’alerte et de la réactivité.

Quand on examine la situation d’une personne confrontée à des problèmes financiers, on constate qu’elle essaie en général au maximum d’acquitter malgré tout ce qu’elle doit, notamment son loyer ou ses factures d’eau et d’électricité, avant finalement de lever le pied, sa position devenant inextricable.

Souvent, il ne se passe rien avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ce n’est que longtemps après que la personne reçoit un courrier la mettant en demeure de payer ses dettes. Mais à ce stade, le montant de ces dernières est tel que le débiteur se trouve dans l’impossibilité de les régler.

Or, aujourd'hui, les modalités de la gestion des logements locatifs ou des factures d’électricité, par exemple, permettent de déceler très vite une situation de blocage. Il faudrait alors réagir à cette alerte pour tenter de comprendre la raison de cette situation. Des aménagements de paiement permettraient souvent à la famille de passer le cap difficile, ce qu’elle ne peut plus faire ensuite.

Il faudrait donc inciter les organismes créanciers, quels qu’ils soient, à réagir plus vite à un défaut de paiement, afin qu’il soit possible d’envisager suffisamment tôt les moyens d’aider la famille à passer la période difficile.

J’évoquerai enfin ce que j’appellerai l’anticipation des difficultés ou l’action en amont, qui passe par la mise en place de dispositifs de régulation des prêts à la consommation, dont l’attribution irraisonnée est très souvent la principale cause des situations de surendettement.

À cet instant, je ne citerai qu’un seul exemple, choisi parmi des dizaines d’autres.

Alors que je présidais un office public d’aménagement et de construction de ma région, une personne est venue à ma permanence me demander de l’aider à trouver un logement parce que, ne pouvant rembourser ses prêts, elle allait devoir vendre le sien.

Nous avions, à l’époque, mis en place un dispositif permettant que l’office rachète le logement chaque fois que possible, y maintienne la famille à titre de locataire et, éventuellement, en cas de retour à meilleure fortune, le lui revende ultérieurement. Cela a été fait dans des dizaines de cas.

En l’occurrence, après analyse de la situation réelle de la famille en question, il est apparu que, en deux ans, elle avait réussi à se faire octroyer trente-huit prêts à la consommation, dont le montant cumulé des remboursements équivalait à pratiquement deux fois le total de ses ressources ! Comment pouvait-elle s’en tirer ?

Il faut, bien sûr, responsabiliser la famille en situation de surendettement, qui, en l’espèce, disposait de ressources non négligeables, mais il convient aussi de responsabiliser les organismes de crédit, qui allouent souvent les prêts avec légèreté.

Monsieur le secrétaire d'État, j’approuve l’idée de mettre en place un fichier positif. Je sais bien qu’elle suscite de nombreuses réserves, mais que l’on m’explique pourquoi ce qui est possible en Allemagne ou ailleurs ne le serait pas chez nous !

J’ai moi-même déjà déposé des amendements à cette fin dans le passé, et on m’a chaque fois demandé de les retirer. Je sais que la CNIL a émis des réserves, mais lorsque la commission des affaires économiques a entendu son président voilà quelques semaines, celui-ci nous a expliqué que, malgré quelques interrogations, la position de la CNIL avait évolué et qu’il appartenait désormais au Parlement de légiférer.

En tout état de cause, monsieur le secrétaire d'État, il est urgent d’intervenir, car ces situations de surendettement se multiplient. J’espère que l’examen des propositions de loi qui ont été évoquées tout à l’heure nous permettra de le faire.

Il est impératif de prendre en compte cette problématique, car des familles se trouvent meurtries à vie. En effet, même si des dispositifs de traitement du surendettement peuvent jouer, elles ne parviendront jamais à se remettre à niveau.

Notre responsabilité de législateur est de faire de la prévention en responsabilisant les familles et en les formant, mais aussi en mettant un terme aux abus manifestes de certains organismes de crédit. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le surendettement n’est pas une nouveauté dans un pays qui, malgré sa richesse et son haut niveau de développement, compte une fraction de sa population vivant au-dessous du seuil de pauvreté.

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est que cette même partie de la population est la cible, depuis quelques années, d’organismes spécialisés dans la distribution de prêts à la consommation, utilisant des méthodes certes variées, mais présentant des caractéristiques identiques.

La première est la spontanéité. Les dépliants publicitaires indiquent toujours qu’il suffit de composer un numéro de téléphone ou d’effectuer un simple « clic » sur la souris d’un ordinateur pour obtenir un crédit. On a affaire à un système d’exploitation de la compulsion.

La deuxième caractéristique commune est l’attribution d’un montant maximal disponible de crédit, baptisé « réserve disponible », en fonction de critères qui ne sont jamais connus. Curieusement, lorsque l’emprunteur, à force de puiser dans cette réserve, atteint le plafond, celui-ci augmente ! Cela fonctionne toujours ainsi.

La troisième caractéristique, c’est un rappel permanent du montant de crédit disponible, cela par tous les moyens, notamment un harcèlement publicitaire par courrier.

Ainsi, quand on étudie le dossier d’une personne ayant souscrit de tels crédits, on s’aperçoit qu’elle est bombardée de courriers lui rappelant que la réserve disponible n’a pas encore été complètement utilisée, qu’il reste encore une marge…

La quatrième caractéristique, c’est l’absence de prise en considération de la situation du contractant, en particulier de ses autres engagements financiers. Il suffit de se rendre dans un grand magasin et de se présenter au comptoir où l’on délivre les crédits pour en obtenir un. On est ensuite relancé pendant des années par des courriers rappelant qu’une réserve de crédit est disponible.

La cinquième caractéristique, c’est bien sûr le coût extrêmement élevé des crédits délivrés. Des charges diverses sont intégrées dans le calcul du taux effectif global, auxquelles s’ajoutent de surcroît des primes d’assurance et toutes sortes de frais, de manière que, pour un crédit de 250 euros par mois par exemple, on rembourse à peine 90 euros de capital, le reste étant constitué d’intérêts, de charges diverses, de frais d’assurances…

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Joël Bourdin. Si l’on additionne le tout, je suis persuadé que le taux d’usure est dépassé.

En outre, les états de remboursement sont illisibles. J’ai le sentiment de bien connaître les finances, pour les enseigner et être expert-comptable de formation, pourtant quand j’examine un avis d’échéance reçu par une personne ayant souscrit un crédit à la consommation, j’ai peine à comprendre comment on aboutit aux montants indiqués, quelle est la durée restant à courir… C’est absolument invraisemblable, les documents d’engagement sont illisibles !

Bref, la question du surendettement nous amène tout naturellement à celle du marché des crédits à la consommation, qui, pour une part importante, recouvre tout de même, il faut bien le dire, des pratiques peu ragoûtantes de harcèlement et d’exploitation des plus démunis. Bien sûr, tout le monde peut avoir accès à ces crédits, mais ce sont malheureusement les moins informés, ceux qui ont le plus de difficultés, qui en sont les destinataires naturels.

Lorsque l’on étudie une situation de surendettement liée à la souscription de crédits à la consommation, que constate-t-on ?

Il est rare qu’une personne surendettée n’ait fait appel qu’à un seul organisme. Charles Revet évoquait tout à l’heure le dossier d’un habitant de la Seine-Maritime, qui avait contracté trente-huit crédits pour un montant de remboursements double de son revenu.

On relève, le plus souvent, que les crédits ont été contractés auprès de plusieurs organismes : le premier d’entre eux qui accorde un crédit assure le chiffre d’affaires des suivants ! Ils sont complémentaires et se tiennent tous de cette façon. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il y ait eu, au cours de ces dix dernières années, une prolifération des organismes de crédit à la consommation.

En tant que parlementaires, nous ne pouvons tolérer une telle dérive, dont les victimes, je le rappelle, sont les plus démunis. Que ces derniers puissent avoir accès au crédit me semble tout à fait normal, mais ce que nous ne pouvons accepter, c’est qu’on leur accorde des prêts sans prendre en considération leur situation et en les engageant dans un processus dangereux.

Je remercie notre collègue Muguette Dini d’avoir permis cette discussion, comme je remercie Philippe Marini d’avoir déposé une proposition de loi sur ce thème. Je me réjouis que nous puissions aborder de nouveau le sujet au mois de janvier. En effet, il est temps d’intervenir pour réglementer la publicité dans ce domaine.

J’en viens maintenant au fichier positif.

J’ai remis voilà deux ans – Yvon Collin s’en rappelle très bien, lui qui est membre de la Délégation du Sénat pour la planification – un rapport sur l’accès des ménages au crédit en France, qu’il s’agisse des crédits immobiliers ou des crédits à la consommation.

M. Yvon Collin. Excellent rapport !

M. Joël Bourdin. Nous étions tous tombés d’accord pour préconiser la création d’un fichier positif recensant tous les crédits accordés.

Je suis très étonné qu’une telle mesure n’ait pas encore été prise, d’autant que le verrou de la CNIL a sauté.

M. Charles Revet. Oui, c’est fait !

M. Joël Bourdin. En revanche, le Comité consultatif du secteur financier, le CCSF, qui dépend de la Banque de France, est toujours réticent. Je me demande si une forme de lobbying ne s’exerce pas dans cette affaire (Mme Muguette Dini approuve), car créer un fichier positif me paraîtrait vraiment une bonne chose. Cela permettrait d’éviter l’apparition de situations inimaginables comme celle qu’évoquait Charles Revet.

Heureusement, les commissions de surendettement peuvent maintenant intervenir dans de tels cas, conjointement avec la Banque de France, pour annuler totalement ou en partie les prêts accordés trop libéralement par certains établissements.

Une évolution a donc déjà été enregistrée, mais il faudrait aller encore un peu plus loin, en donnant aux organismes de crédit la possibilité de consulter un fichier, bien évidemment confidentiel,…

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Joël Bourdin. … tenu par la Banque de France, pour vérifier si la personne est en mesure de rembourser le prêt envisagé. C’est le b-a-ba de la finance ! Avançons donc dans cette voie, même s’il nous faut prendre certaines précautions.

Mes chers collègues, je suis ravi que l’occasion nous ait été donnée de discuter de cette question, sur laquelle nous reviendrons dans quelque temps. Philippe Marini a eu raison de souligner qu’à l’origine de la grave crise, pour dire le moins, que nous vivons actuellement, se trouve la distribution, par des banques américaines, de crédits à des personnes incapables de les rembourser. Certes, nous n’en sommes pas là pour les crédits à la consommation, mais n’accordons tout de même pas une confiance absolue aux organismes qui les octroient ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Je tiens d’abord à vous remercier, madame Dini, d’avoir permis cette discussion, par le dépôt de votre question orale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous féliciter de la bonne tenue du présent débat. Sur un sujet qui touche de si près à la vie quotidienne de nos concitoyens, vous avez démontré que le Parlement est capable de formuler de nombreuses propositions, émanant de toutes les travées. Au-delà des diverses sensibilités politiques, je constate une convergence de vues et une volonté commune d’avancer.

La question du surendettement affecte le quotidien de nos concitoyens. En tant que parlementaire, je m’y étais moi-même beaucoup intéressé.

Tout d’abord, en 2003, j’avais réalisé une mission parlementaire de six mois à la demande du Premier ministre et remis un certain nombre de propositions. Puis, comme cela a été rappelé tout à l'heure, j’avais déposé, en janvier 2005, une proposition de loi sur ce sujet, qui a permis d’obtenir quelques avancées.

Nous avons donc à traiter cette question terriblement difficile du surendettement, phénomène qui touche environ 3 % des ménages français et peut entraîner certains de nos concitoyens dans la spirale infernale de l’exclusion. Parallèlement, nous devons conforter l’outil essentiel pour la croissance et l’économie que constitue le crédit à la consommation.

Par conséquent, il est important de bien placer le curseur et d’adapter en permanence notre législation pour permettre le traitement des cas les plus douloureux et éviter à nos concitoyens d’entrer dans la spirale infernale du surendettement, sans pour autant entraver le jeu d’instruments très utiles pour favoriser la consommation des ménages.

Ainsi, un ménage sur deux qui se procure un bien ou un service à crédit indique qu’il n’aurait pas réalisé cet achat s’il n’avait pu bénéficier d’un crédit à la consommation. C’est dire l’importance de l’enjeu économique, qui se chiffre en milliards d’euros.

Au préalable, il convient de dresser un état de la situation et de revenir sur les statistiques du surendettement. Même si celles-ci ne rendront jamais compte, bien sûr, de la détresse des personnes et des familles, elles permettent néanmoins de guider l’action publique.

Le nombre de ménages qui déclarent rencontrer des difficultés pour rembourser leurs dettes est actuellement en cours d’évaluation par l’institut TNS-Sofres pour l’Observatoire des crédits aux ménages. Il sera vraisemblablement élevé, eu égard à la conjoncture économique actuelle, marquée par un ralentissement prononcé de l’activité économique et une hausse du nombre des demandeurs d’emploi.

À ce stade, les chiffres du surendettement publiés par la Banque de France montrent que le nombre de dossiers de surendettement n’a pas sensiblement progressé depuis un an, connaissant une hausse de 1,3 % sur les onze premiers mois de l’année 2008 par rapport à la même période de l’année 2007. Cependant, je me garderai de tout triomphalisme, car il est probable que la situation économique actuelle aura une incidence sur les chiffres du surendettement.

Quand les difficultés apparaissent, saisir la commission de surendettement – ce qui contribue à dégrader les statistiques – est de loin préférable à rester dans l’isolement.

Chaque année, ce sont près de 155 000 dossiers de surendettement qui sont déclarés éligibles auprès de la Banque de France. Ce nombre est stable depuis plusieurs années. L’enquête triennale de la Banque de France sur le surendettement parue en septembre dernier montre que les accidents de la vie – perte d’emploi, maladie, divorce, décès du conjoint – restent la principale cause du surendettement, puisqu’ils concernent les trois quarts des dossiers, ainsi que l’a observé M. Biwer.

Je tiens à souligner que le Gouvernement est particulièrement attentif à l’évolution du surendettement. Pour assurer une totale transparence en la matière, la Banque de France réalise un baromètre trimestriel du surendettement, téléchargeable depuis son site internet, qui fournit régulièrement et rapidement des informations statistiques qui nous sont très utiles.

Je profite de cette occasion pour vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique du Gouvernement en matière de surendettement.

Cette politique repose sur deux piliers : la prévention et un traitement adapté à la situation économique et sociale des personnes concernées.

Concernant la prévention, vous avez souligné avec raison, madame Dini, que notre réglementation est protectrice.

La prévention du surendettement, c’est d’abord une distribution responsable du crédit. En France, les organismes de crédit sont tous régulés et contrôlés par la Commission bancaire. Cela explique en partie pourquoi notre pays n’a pas connu les dérives des subprimes, à l’origine de la crise financière de ces derniers mois. Nous pouvons bien sûr nous en féliciter, mais, pour autant, il nous reste un long chemin à parcourir.

Bien que je partage, par ailleurs, nombre des idées de M. Marini, je ne suis pas certain que la solution consiste à restreindre l’accès au crédit en interdisant sa distribution sur le lieu de vente, comme il le propose dans sa proposition de loi.

Que se passerait-il si nous prohibions l’octroi de crédits par les grandes surfaces ou les concessionnaires automobiles, par exemple ? Le consommateur se rendrait dans l’établissement bancaire le plus proche afin d’y contracter un crédit à la consommation…

Le crédit est utile et nécessaire. Je rappelle que c’est un produit populaire, puisque neuf millions de ménages français, soit 33 % d’entre eux, remboursent un crédit à la consommation.

Ces crédits à la consommation permettent de réaliser des achats qui seraient inenvisageables pour ceux de nos concitoyens appartenant aux catégories les moins favorisées. Ainsi, deux véhicules neufs sur trois sont achetés à crédit. De même, ils permettent à certains ménages de faire face à des dépenses urgentes, par exemple pour remplacer un appareil électroménager en panne, ou à des circonstances difficiles, particulièrement dans la période actuelle.

Dans la conjoncture présente, il faut certes que le crédit soit plus abondant, car nous en avons besoin, mais également qu’il soit plus responsable. Sur ce point, je fais miens vos objectifs, monsieur Marini.

Notre effort doit porter avant tout sur le crédit revolving.

Christine Lagarde et moi-même avons réinstallé, voilà quelques mois, le Comité consultatif du secteur financier, auquel nous avons assigné pour mission prioritaire de nous faire des propositions d’amélioration du crédit revolving. À cette fin, nous lui avons commandé une étude sur le crédit renouvelable, qui a été réalisée par le cabinet Athling Management et sera présentée demain.

Pour la première fois, les pratiques de distribution du crédit renouvelable sont décrites, quelle que soit la nature des organismes prêteurs : les banques, les établissements de crédit, les sociétés financières, les grands magasins, la grande distribution, mais aussi la vente par correspondance. Ce rapport comporte également des propositions très concrètes, qui nous permettront de bâtir un projet destiné à responsabiliser les acteurs de la distribution et de la diffusion du crédit revolving.

Par ailleurs, au cours d’une visite qu’il a faite voilà quelques jours dans le département de l’Oise, le Président de la République a demandé à Christine Lagarde et à Martin Hirsch d’avancer sur ces questions, dans l’environnement économique difficile que nous traversons. Ils réuniront demain un certain nombre de personnalités connaissant bien le secteur du crédit à la consommation, dont des parlementaires, pour engager une réflexion devant déboucher sur l’élaboration d’un projet de loi relatif au crédit à la consommation. Il s’agit réellement du début d’un processus qui doit nous conduire à trouver ensemble des solutions propres à favoriser le développement d’un crédit responsable.

De plus, nous tirerons profit de la transposition de la directive relative au crédit à la consommation, prévue au début de l’année 2009, pour refonder notre droit en la matière. Je partage votre volonté d’aller vite, monsieur Marini. Cette directive fixera un nouveau cadre et nous permettra d’améliorer sensiblement la situation.

S’agissant du crédit renouvelable, plusieurs questions essentielles se posent.

Nous devons d’abord trouver les moyens de réguler la publicité, qui est aujourd'hui trop agressive, comme l’a indiqué Mme Escoffier. Il nous faut trouver de nouvelles voies à cet égard, car, depuis une vingtaine d’années, l’encadrement par la loi de ces pratiques publicitaires n’a pas donné, il faut en convenir, les résultats escomptés. Pourtant, nous n’avons pas lésiné en matière de dispositions législatives. M. Marini a inscrit des suggestions intéressantes dans sa proposition de loi, nous devrons indiscutablement nous en inspirer.

Souscrire un crédit est un acte qui engage. Par conséquent, on ne doit pas pouvoir en contracter un sans s’en rendre compte. Nous devons réfléchir aux garde-fous à mettre en place pour faire en sorte que les consommateurs soient bien conscients de l’engagement qu’ils prennent, souvent pour plusieurs années, et qui peut parfois aboutir à les placer dans une situation extrêmement difficile.

Enfin, il importe de mettre un terme aux sollicitations et au démarchage trop agressifs, renouvelés à une fréquence déraisonnable.

Comme l’ont suggéré Mme Escoffier et M. Bourdin, je suis favorable à l’instauration d’un seuil minimal d’amortissement du capital en matière de crédit renouvelable. C’est une autre piste intéressante.

Mme Dini et M. Marini ont également évoqué la responsabilité du prêteur. La directive relative au crédit à la consommation prévoit un devoir d’explication et une obligation d’évaluer la solvabilité des emprunteurs. Il s’agira, à mon sens, d’une avancée importante au bénéfice des consommateurs. Le débat parlementaire nous permettra de progresser.

Voilà quelques-uns des sujets qui seront évoqués demain avec Christine Lagarde et Martin Hirsch en vue de la présentation par le Gouvernement, au début de l’année 2009, d’un texte de nature à refonder en France le droit du crédit à la consommation.

Vous avez été un certain nombre à évoquer la circulation de l’information sur les difficultés d’endettement, en d’autres termes, les fichiers.

S’agissant de la création d’un fichier positif, reprise par plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ferai une confidence. En tant que député, j’ai moi-même déposé une proposition de loi et signé plusieurs amendements en ce sens. Peut-être vais-je décevoir certains d’entre vous, mais j’ai été amené à réviser ma position, non pas tant du fait de la realpolitik gouvernementale qu’en raison des éléments d’analyse que j’ai pu obtenir.

J’ai tout d’abord constaté que les principaux intéressés, exception faite de quelques établissements financiers, y sont résolument opposés. Les associations de consommateurs n’y sont pas favorables. La commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, n’y est pas non plus favorable.

Les exemples étrangers ne sont en outre pas totalement probants en matière de réduction du surendettement. Je me rappelle avoir assisté au lancement du fichier positif en Belgique. À l’expérience, on a pu constater que cela n’avait pas permis de réduire le surendettement chez nos voisins.

Enfin, dernier argument, au moment où le Gouvernement, le Parlement et la majorité cherchent plutôt à faciliter les choses en simplifiant les procédures administratives, ficher 100 % des consommateurs dans tous leurs actes de la vie courante, alors que seuls 3 % de nos concitoyens sont directement concernés par le surendettement ne me paraît pas forcément la meilleure idée.

Le Gouvernement n’a pas pour autant décidé de rester inactif, bien au contraire, et il a accéléré la réforme en profondeur du fichier des incidents de crédit.

M. Joël Bourdin. Ce n’est pas pareil !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Vous l’avez souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’écoule aujourd’hui souvent six semaines entre le moment où une banque constate et déclare un incident de remboursement sur un crédit à un particulier à la Banque de France et le moment où toutes les banques sont informées de cet incident. Or, en six semaines, la situation peut s’aggraver considérablement et la personne concernée peut s’être engagée dans une spirale d’endettement incontrôlée. Vous avez évoqué à juste titre, monsieur Bourdin, l’exemple d’un dossier de surendettement impliquant trente-huit crédits…

Je voudrais simplement vous préciser que les dossiers de surendettement concernent chacun en moyenne cinq crédits renouvelables.

M. Joël Bourdin. C’est beaucoup ! C’est trop !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C’est déjà beaucoup trop, en effet, d’autant que ces crédits ont souvent été contractés dans des délais extrêmement réduits. Voilà de quoi nous inciter davantage encore à accélérer la réforme que je vais vous présenter.

Il y a quelques mois, Christine Lagarde a demandé à la Banque de France de piloter une réforme ambitieuse du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, pour que celui-ci passe en « temps réel » d’ici à la fin de l’année qui vient. Cette réforme permettra d’améliorer l’efficacité du FICP dans la lutte contre le surendettement.

Nous avons souhaité qu’un nouveau droit d’accès à distance aux informations du FICP soit ouvert. S’agissant d’un fichier dans lequel figurent 2,4 millions de personnes, c’est une avancée significative pour les consommateurs. Chacun pourra ainsi interroger à distance la Banque de France pour savoir s’il est inscrit dans ce fichier et connaître la durée de son inscription.

En complément, nous avons demandé à la Banque de France de créer un guichet de traitement rapide et efficace des réclamations des personnes contestant l’information contenue dans le fichier. Il faut aujourd’hui se déplacer physiquement dans une succursale de la Banque de France pour savoir si l’on est inscrit au fichier.

Enfin, parce que les banques doivent pouvoir disposer en temps réel des informations relatives aux incidents concernant les consommateurs visés par ces dispositions, les délais seront raccourcis.

Le traitement du surendettement est le deuxième pilier de la politique du Gouvernement en matière de surendettement. Au-delà de la prévention, l’objectif est en effet que les procédures de surendettement permettent d’apporter des réponses adaptées aux difficultés rencontrées par les personnes surendettées.

Ce sont naturellement les commissions de surendettement, réparties sur l’ensemble du territoire, qui constituent la colonne vertébrale du traitement du surendettement.

Nous avons eu l’occasion, avec Christine Lagarde, de visiter des commissions de surendettement. Nous avons alors pu mesurer le savoir-faire développé localement pour rechercher les façons les plus adaptées d’accompagner les personnes en difficulté.

Certes, cette décentralisation est source de richesse, car elle permet l’innovation, et il n’est pas question de la remettre en cause, mais – je dois vous le dire, mesdames, messieurs les sénateurs – elle est aussi, dans le même temps, source d’inégalités parce que chaque commission a développé sa façon de traiter des questions importantes, par exemple, les modalités de calcul du reste à vivre.

Pour tirer le meilleur parti de cette richesse tout en contribuant à une harmonisation des pratiques sur le territoire, Christine Lagarde a demandé au gouverneur de la Banque de France de mettre en place un mécanisme de « respiration » des commissions de surendettement. La Banque de France organisera chaque année des réunions thématiques régionales avec les membres des commissions. À partir de cette remontée d’information, la Banque de France pourra dégager les meilleures pratiques – les solutions qui fonctionnent le mieux sur l’ensemble du territoire – et ainsi les diffuser à l’ensemble des commissions.

L’enquête triennale de la Banque de France publiée en septembre a réuni les premières données sur le fonctionnement de la procédure de rétablissement personnel, la PRP, instaurée par la loi du 1er août 2003. C’est la première fois que nous disposons d’un bilan de la PRP et je dois dire qu’il est encourageant.

La PRP, vous le savez, est l’équivalent d’une procédure de faillite civile. Elle concerne les personnes dont la situation financière est irrémédiablement compromise, c’est-à-dire qu’il n’existe aucune perspective pour elles de rembourser tout ou partie de leurs dettes. La PRP a permis au juge, pour la première fois, de prononcer la vente des actifs et l’effacement total des dettes restantes.

À la fin de l’année 2007, l’orientation vers la PRP aura concerné 102 470 dossiers, soit 17 % des dossiers de surendettement. Avant la réforme, les personnes allaient de commission de surendettement en commission de surendettement, de plan de remboursement impossible à honorer en plan de remboursement impossible à honorer.

La PRP fonctionne donc, il existe désormais une issue.

À la suite de la publication du rapport Guinchard, le ministère de la justice réfléchit actuellement à la meilleure répartition des compétences entre le juge et les commissions de surendettement en matière de procédure de rétablissement personnel. Toute modification de la PRP qui accélérerait les procédures pour les personnes surendettées irait dans le bon sens. Pour autant, le ministère de l’économie sera très attentif sur ces questions.

Il ne fait aucun doute que les commissions de surendettement sont les plus à même de porter un diagnostic juste sur la situation économique et sociale des personnes surendettées. Ce n’en est pas moins le juge qui apporte à la PRP sa force et sa sécurité juridique, puisque la procédure repose, je vous le rappelle, sur le principe de la vente des actifs saisissables pour couvrir les dettes et, à défaut d’actifs cessibles, l’effacement total des dettes.

Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce débat doit se poursuivre et je suis certain qu’il nous permettra d’aboutir à des solutions concrètes qui permettront d’accompagner la montée en puissance de cette procédure.

Enfin, nous devons nous préoccuper du rebond des personnes qui ont connu des difficultés d’endettement. Avec Christine Lagarde, nous avons annoncé une réduction des durées d’inscription au FICP.

La durée d’inscription des personnes en procédure de rétablissement personnel sera réduite de huit à cinq ans. Celle des personnes engagées dans un plan de remboursement d’une commission de surendettement sera, pour sa part, réduite de dix à cinq ans si elles remboursent sans incident. En cas d’incident de remboursement du plan, l’inscription sera prolongée sans toutefois que la durée totale d’inscription puisse dépasser une durée maximale de dix ans.

Si l’inscription au FICP protège les emprunteurs, elle rend également plus difficile dans la pratique l’accès au crédit. Le raccourcissement des durées d’inscription permettra donc de retrouver plus rapidement accès au crédit, une fois les difficultés surmontées. Un incident de paiement ne doit pas condamner à l’exclusion du crédit à vie.

Dans un contexte où 75 % du surendettement résultent, comme je vous l’ai indiqué, d’accidents de la vie, il nous faut trouver un équilibre des durées d’inscription afin qu’elles jouent leur rôle de protection des emprunteurs et des prêteurs tout en permettant aux personnes ayant connu des difficultés de surendettement de retrouver, une fois leurs difficultés surmontées, un accès facilité au crédit.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les propositions que je tenais à formuler devant vous.

Comme vous le voyez, une occasion sans précédent nous est offerte. Vos analyses, les propositions que nous avons entendues aujourd’hui, la proposition de loi du sénateur Marini, les travaux concernant la transposition de la directive sur le crédit, le rapport du Comité consultatif des services financiers, document qui sera communiqué demain, les travaux que nous a demandés le Président de la République en matière de crédit revolving et de crédit à la consommation sont autant d’outils dont le Gouvernement va se servir pour avancer sur ce sujet au début de l’année 2009.

Le Parlement sera naturellement associé à ce travail. Les débats de cet après-midi nous ayant montré que le Sénat était riche de compétences, la Haute Assemblée y prendra une large place. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

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Conférence des présidents

Mme la présidente. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 11 décembre 2008

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire :

1°) Projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés (n° 106, 2008-2009) et projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution (n° 105, 2008-2009), adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence ;

(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune ;

La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 9 décembre 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 décembre 2008) ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin.

Éventuellement, vendredi 12 décembre 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence.

Mardi 16 décembre 2008

À 10 heures :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 233 de M. Bernard Cazeau à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Conséquences de la diminution des crédits affectés aux contrats aidés du secteur non marchand) ;

- n° 290 de Mme Josette Durrieu à M. le ministre de la défense ;

(Projet Tarmac de démantèlement d’aéronefs) ;

- n° 306 de M. Alain Fouché à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ;

(Situation de l’aide à domicile en matière de politique salariale) ;

- n° 311 de M. Bernard Fournier à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Conséquences de la fusion des DDE – DDAF) ;

- n° 314 de Mme Fabienne Keller à M. le ministre de la défense ;

(Devenir de l’établissement public d’insertion de la défense) ;

- n° 319 de M. Jean Besson à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Développement de la filière photovoltaïque en France) ;

- n° 323 de M. Alain Dufaut à M. le ministre de l’éducation nationale ;

(Réforme de la carte scolaire) ;

- n° 324 de M. Alain Fauconnier à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Réforme de la gendarmerie nationale) ;

- n° 325 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Desserte ferroviaire de l’Aveyron) ;

- n° 327 de M. Michel Doublet à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Mise en œuvre de l’exonération de la taxe foncière sur le non bâti pour les parcelles situées en zones humides et modalités de compensations financières aux communes) ;

- n° 333 de M. Yves Détraigne à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Instauration d’une évaluation médicale de l’aptitude à la conduite) ;

- n° 338 de Mme Catherine Dumas à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Expérimentation du stationnement autorisé sur les places de livraison à Paris) ;

- n° 339 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Banalisation de l’utilisation du Taser X26) ;

- n° 342 de M. Bruno Gilles à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Construction d’un commissariat à La Ciotat) ;

- n° 343 de M. Simon Sutour à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Restructuration de la gendarmerie nationale) ;

- n° 344 de M. François Marc à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Arrêt des travaux d’aménagement routier sur la RN 164) ;

- n° 345 de M. Daniel Laurent à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Difficultés de transport inter-hospitalier dans le secteur Charente-Maritime sud et est) ;

- n° 354 de Mme Nathalie Goulet à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Restitution des fonds irakiens) ;

Ordre du jour prioritaire :

À 16 heures :

2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (n° 464, 2007-2008) ;

3°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (n° 465, 2007-2008) ;

4°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant (n° 68, 2008-2009) ;

5°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne (n° 69, 2008 2009) ;

(La conférence des présidents a décidé que ces quatre projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune ;

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 15 décembre 2008) ;

6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République du Tadjikistan, d’autre part (n° 37, 2008-2009) ;

7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces (n° 122, 2008-2009) ;

8°) Projet de loi autorisant l’approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d’exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais (n° 89, 2008-2009) ;

9°) Projet de loi autorisant l’approbation du protocole portant amendement de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (n° 90, 2008-2009) ;

10°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou (n° 35, 2008-2009) ;

11°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe (n° 36, 2008-2009) ;

(Pour les six projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;

Selon cette procédure simplifiée, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 12 décembre 2008, à 17 heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;

À 17 heures et le soir :

12°) Projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée) (n° 499, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 15 décembre 2008, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 15 décembre 2008).

À partir de 18 heures :

- Désignation des vingt-cinq membres de l’Observatoire de la décentralisation ;

(Les candidatures devront être déposées au service de la séance le même jour à 16 heures 30).

Mercredi 17 décembre 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 16 heures :

1°) Suite du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale ;

À 21 heures 30 :

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2009.

Jeudi 18 décembre 2008

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire :

1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2008 ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mercredi 17 décembre 2008, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure et demie la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 17 décembre 2008) ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin.

Vendredi 19 décembre 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

Éventuellement, samedi 20 décembre 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30 et à 15 heures :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

Lundi 22 décembre 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Navettes diverses.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence
Discussion générale (suite)

Parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées

Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence
Discussion générale (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues(nos 20 rectifié et 88).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires culturelles.

M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis son adoption par une nuit de juillet 2004, l’article 89 de la loi du 13 août 2004 a éveillé bien des passions et bien des inquiétudes. Certains y ont vu des attaques rampantes contre la parité, d’autres une remise en cause directe de la laïcité ; tous, ou presque, s’en sont émus à un moment ou à un autre. C’est pourquoi le temps me semble venu, mes chers collègues, d’apporter un peu de clarté et de sérénité dans ces débats qui n’ont que trop duré.

Cette volonté, je la partage avec nombre de nos collègues, en particulier M. Yves Détraigne, auteur d’une proposition de loi qui, dans ses principes, rejoint celle dont nous débattons aujourd’hui. Cela a conduit notre collègue à accepter de cosigner ce dernier texte, ce dont je le remercie.

Il est en effet nécessaire de rendre enfin un peu de sérénité à nos débats. Pour ce faire, je souhaite que certaines choses soient enfin dites et assumées par tous : la guerre scolaire est terminée et nous sommes sortis de l’époque où l’école des bons pères et celle des hussards noirs de la République se livraient un combat sans fin.

Depuis la loi Debré, il y a, non plus deux, mais trois écoles : les écoles publiques, les écoles privées sous contrat qui sont assujetties au contrôle de l’État et qui remplissent des obligations de service public et, enfin, les écoles privées hors contrat. Cela même explique que le vieil adage : « à école privée, fonds privés ; à école publique, fonds publics » n’a plus grande pertinence. En effet, si les écoles privées sous contrat perçoivent des fonds publics, c’est précisément parce qu’elles remplissent des missions de service public et qu’elles délivrent un enseignement placé sous le contrôle de l’État.

Au demeurant – qui pourrait encore en douter ? –, voilà vingt ans, l’enseignement privé était sans doute largement confessionnel, mais, aujourd’hui, nombreux sont les parents qui inscrivent leurs enfants dans les écoles privées, non plus pour des raisons philosophiques ou religieuses, mais parce qu’ils apprécient la pédagogie qui y est proposée et la qualité de l’accueil.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je suis viscéralement attaché à ces deux principes fondamentaux que sont la liberté de l’enseignement, d’une part, et la parité entre public et privé, d’autre part.

Je tiens à la liberté de l’enseignement, car c’est elle qui offre aux parents un véritable choix entre des formes de pédagogie différentes dans le respect de la liberté de conscience. Telle est, au demeurant, l’exigence essentielle consacrée par la loi Debré en son article 1er : « L’établissement [privé sous contrat], tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyance, y ont accès. »

Mais cette liberté a un corollaire, mes chers collègues : elle suppose que nous acceptions tous de prendre en charge notre part des dépenses liées à l’exercice de cette liberté.

Que nous soyons maires d’une commune de résidence, d’une commune d’accueil, qu’il y ait ou non sur notre territoire une école publique ou une école privée, nous avons tous, à un titre ou à un autre, à assumer une part des conséquences financières de cette liberté fondamentale.

Il reste toutefois, monsieur le ministre, à préciser l’étendue de ces obligations. La proposition de loi clarifie celles qui pèsent sur les communes de résidence. Je souhaite que vous nous redisiez aujourd’hui quelles dépenses entrent dans le « panier » qui sert de base au calcul du forfait. Les investissements n’y ont déjà pas, et n’y auront pas à l’avenir, leur place. Pouvez-nous, monsieur le ministre, le confirmer très explicitement ? Cela serait de nature à apaiser des débats qui ne sont pas directement liés à ce texte.

Si donc je suis viscéralement attaché au libre choix de l’école, je tiens également au principe de parité, parce qu’il garantit, au-delà des convictions politiques affichées par les gouvernements successifs, que les élèves du public et du privé sous contrat seront traités de manière égale. La jurisprudence du Conseil constitutionnel l’a prouvé, en venant garantir successivement les droits de l’enseignement privé puis de l’enseignement public.

Il est donc temps de faire prévaloir la sérénité et de cesser de nous engager à toute occasion dans des combats d’arrière-garde : le public et le privé sous contrat ont toute leur place dans notre système d’enseignement.

Oui, mes chers collègues, le temps est venu de retrouver la sérénité en apportant un peu de clarté au régime de financement des écoles élémentaires sous contrat.

Bien des choses ont été dites sur l’article 89. Je m’en tiendrai, pour ma part, aux intentions de son auteur, notre collègue Michel Charasse, qui, pour défendre son amendement, affirmait en séance : « À partir du moment où, quoi que l’on en pense sur le fond, on a voulu, à travers les conventions, aligner complètement enseignement public et enseignement privé, je suggère tout simplement que les règles de participation des communes à la scolarisation des enfants dans les écoles privées soient les mêmes que si les enfants sont scolarisés dans les écoles publiques. »

Voilà ce que déclarait en juillet 2004 notre collègue Michel Charasse, et c’est cette volonté que la Sénat a faite sienne en adoptant cet amendement avec l’avis favorable du Gouvernement, représenté à l’époque par M. Jean-François Copé.

Pour des raisons techniques sur lesquelles je ne reviendrai pas en détail, cette volonté s’est perdue dans des sables rédactionnels, contraignant ainsi les ministères concernés à élaborer toute une construction juridique pour redonner à l’article 89 son sens originel : celui d’une disposition paritaire, alignant le régime applicable au privé sous contrat sur celui de public.

Rapportant devant vous en février dernier une proposition de loi d’abrogation, j’affirmais que cette construction était juridiquement fondée et politiquement équilibrée.

Cette position, je la fais toujours mienne, et c’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose aujourd’hui de la graver dans la loi. Par nature, une construction juridique est toujours fragile ; il faut donc désormais lui assurer l’assise solide de la loi.

C’est l’objet de l’article 1er du texte, qui pose un principe simple : une commune de résidence n’aura jamais à prendre en charge les dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation dans le privé sous contrat d’un élève dans un cas où elle n’aurait pas dû le faire pour un élève scolarisé dans le public.

Pour que les choses soient plus claires encore, les quatre cas en question sont nettement explicités. Une commune de résidence n’aura donc à acquitter cette contribution pour un élève du privé sous contrat que si l’une de ces quatre conditions suivantes est remplie.

Première condition, la commune ne dispose pas des capacités d’accueil dans l’école publique de sa commune.

Deuxième condition, les obligations professionnelles des parents sont telles qu’elles imposent la scolarisation dans une autre commune, ce qui suppose que la commune de résidence n’ait organisé ni service de garde ni service de restauration.

Troisième condition, des raisons médicales imposent la scolarisation de l’enfant dans une autre commune.

Enfin, quatrième condition, le frère ou la sœur de l’enfant est déjà scolarisé dans cette autre commune.

Ces conditions, mes chers collègues, sont les mêmes que celles qui valent pour le public, à une exception près : l’accord du maire n’a en effet pas à être recherché pour l’inscription dans le privé, alors qu’il doit l’être pour le public.

La formulation est importante : certains ont regretté que l’accord préalable du maire de la commune de résidence ne soit pas requis pour l’inscription dans le privé. Ces regrets appellent d’avance trois remarques.

Tout d’abord, cette procédure d’accord préalable ne serait pas conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel ayant déjà eu l’occasion de juger en 1985 que l’exercice effectif de la liberté garantie par la Constitution qu’est la liberté de l’enseignement ne pouvait être soumis à l’accord préalable d’une quelconque autorité locale.

Ensuite, il n’est pas besoin de poser le principe de l’accord du maire pour garantir l’information de ce dernier. L’article R. 131-3 du code de l’éducation consacre d’ores et déjà le principe d’une transmission par le chef d’établissement, public ou privé, de la liste de ses élèves aux maires de la commune où ceux-ci résident. Cette disposition figure dans les textes ; il conviendrait donc, monsieur le ministre, de la faire systématiquement appliquer.

Enfin, quand bien même le législateur passerait outre la Constitution, ce que personne ne peut imaginer, il se devrait de constater que l’absence d’accord préalable pour la scolarisation dans le privé n’est pas une disposition favorable en soi au privé.

La raison en est simple : dans le public, l’accord du maire est obligatoire et, si ce dernier accepte la scolarisation hors de la commune en dehors des quatre cas obligatoires, il est alors obligé de participer au financement de la scolarité de l’élève en question. Tel n’est pas le cas dans le privé, puisque, en dehors des quatre cas précités, la commune de résidence peu, si elle le souhaite, participer au financement de la scolarité, sans qu’aucune obligation pèse pour autant sur elle.

C’est donc un régime autonome, mais paritaire, que je vous propose de créer aujourd’hui. Un régime autonome, parce qu’il tient compte de la singularité de l’enseignement sous contrat. Un régime paritaire, parce que le public et le privé y sont traités de manière égale compte tenu de leurs spécificités respectives.

Chacune des parties concernées y gagnera : les maires sauront désormais dans quels cas ils auront à verser la contribution prévue par la loi. Quant aux établissements, ils se verront garantir que les financements qui leur sont dus leur seront effectivement versés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Jusqu’à présent, le flou régnait : si les circulaires étaient claires, leur contestation latente, entretenue de tout côté, nourrissait l’insécurité juridique.

Certes, aucune décision de justice n’est venue invalider au fond la position adoptée par les ministères, la seule conforme à l’intention initiale du législateur. En effet, si le Conseil d’État a annulé la première circulaire d’application, c’est pour un motif de pure forme. Quant aux tribunaux administratifs, ils n’ont jamais eu à connaître que de délibérations manifestement illégales des conseils municipaux. Les uns refusaient en effet d’appliquer la loi ; les autres s’abritaient derrière la nécessité d’un accord préalable du maire, qui ne pouvait, à l’évidence, être requis pour le privé sous contrat.

Rien ne nous empêche donc, mes chers collègues, de dissiper l’insécurité juridique qui règne encore et de le faire en consacrant le principe d’un traitement paritaire du public et du privé.

Cela suppose toutefois de garantir aux établissements sous contrat qu’ils ne seront plus victimes, comme c’est encore parfois le cas aujourd’hui, d’un refus de paiement plus ou moins justifié.

L’article 2 de la proposition de loi pose donc le principe d’une intervention préfectorale dans un délai de trois mois : si le préfet est saisi, il devra arbitrer rapidement l’éventuel différend, permettant ainsi aux établissements et aux communes d’être rapidement fixés.

Quant à l’article 3, il procède, par coordination, à la suppression des dispositions existantes. Sur ce point, à tout le moins, nous ne pourrons que nous retrouver, mes chers collègues, puisque l’article 89 sera ainsi abrogé. De même, le premier alinéa de l’article L.442-9 du code de l’éducation sera supprimé. Il prévoyait en effet, depuis 1985, la participation de la commune de résidence aux dépenses de fonctionnement du privé sous contrat.

À cet égard, mes chers collègues, permettez-moi de faire un bref rappel historique.

L’histoire de l’article 89 ne commence pas en 2004. Ses premières racines remontent à 1985. À l’époque, le Sénat avait en effet souhaité poser le principe d’une participation de la commune de résidence au financement du privé en confiant au préfet le soin de trancher les éventuels conflits.

Notre regretté collègue Paul Séramy, alors rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, soulignait que l’absence de recours possible à un arbitrage en cas de désaccord entre les communes sur la répartition des dépenses ne pouvait qu’inciter les communes à ne pas acquitter ces contributions.

Vingt-trois ans après, les faits lui ont donné raison et tout a démontré depuis combien le gouvernement d’alors avait eu tort de refuser cet arbitrage préfectoral, ce refus revenant à vider de son sens le principe de parité.

C’est donc à un feuilleton vieux de près de vingt-trois ans que je vous propose, mes chers collègues, de mettre aujourd’hui un terme. Il revient au demeurant au Sénat de le faire, non pas parce qu’il aurait introduit de la confusion en adoptant l’article 89, mais parce que, depuis vingt-trois ans, il a su repérer les difficultés liées à ces articles et qu’il est donc à même de leur apporter enfin une réponse.

La commission des affaires culturelles a donc adopté la proposition de loi qu’elle vous soumet aujourd’hui.

Ce faisant, elle a ainsi reconnu qu’il s’agit là d’un texte équilibré, qui respecte le libre choix des familles et la stricte parité public-privé, d’un texte aisément applicable qui sera donc facilement appliqué, les préfets se voyant reconnaître toutes les prérogatives nécessaires pour ce faire, et d’un texte que je qualifierais de « gagnant-gagnant ». Les maires connaîtront leurs obligations et les possibilités que leur ouvre la loi. L’enseignement privé saura enfin sur quels financements il peut compter.

Avec Yves Détraigne et l’ensemble de mes collègues qui l’ont cosignée, je vous propose donc d’adopter cette proposition de loi, qui a fait l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des formations représentant les maires - l’Association des maires de France, l’AMF, l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, ou l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM -, avec, bien sûr, les ministères concernés, le vôtre, monsieur le ministre, et le ministère de l’intérieur, et avec l’enseignement privé, tout particulièrement l’enseignement catholique. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la discussion d’aujourd’hui porte en fait sur la proposition de loi déposée par M. Carle, M. Yves Détraigne et plusieurs de leurs collègues.

Je vous le dis d’emblée, le Gouvernement se félicite de cette initiative et la soutient totalement, car le texte que nous examinons est clair, éloigné des débats idéologiques et des pétitions de principe.

Cette proposition de loi vise avant tout à apporter des solutions concrètes, respectueuses de l’équité et susceptibles de répondre au besoin de sécurité de l’ensemble des acteurs de terrain, qu’il s’agisse des maires ou des établissements scolaires. De fait, elle est porteuse de clarté, ce qui est le propre d’un bon texte.

Je le rappelle, l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales visait à corriger une disparité de traitement entre le public et le privé concernant le financement, par les communes de résidence, des élèves scolarisés à l’extérieur du territoire de la commune. Ce dispositif partait d’une intention louable et d’une intuition juste. Pour autant, chacun en conviendra avec moi, sa mise en œuvre a rencontré des difficultés liées à des divergences d’interprétation.

Finalement, un compromis a pu être trouvé. Il a été acté dans l’accord de 2006 entre le secrétaire général de l’enseignement catholique, l’Association des maires de France et le ministère de l’intérieur. Ce compromis éclaire d’ailleurs l’interprétation de la loi, laquelle s’inscrivait tout naturellement dans la logique du respect de la parité entre public et privé, telle que la loi Debré l’avait clairement posée dès 1959 et qui n’a jamais été remis en cause.

M. Xavier Darcos, ministre. C’est ce compromis qui a été repris dans la circulaire de septembre 2007.

Pour apaiser définitivement les craintes, Jean-Claude Carle nous propose d’ancrer les principes de ce compromis et de la circulaire dans la loi. On ne peut que s’en féliciter, car il n’est pas souhaitable que les difficultés d’application rencontrées par les maires soient tranchées par le juge, alors même que des solutions ont été envisagées et négociées.

Il est heureux que ce soit précisément le compromis de 2006 qui ait inspiré les auteurs de cette proposition de loi : il s’appuie sur les réalités auxquelles sont confrontés les acteurs de terrain.

Car quel était véritablement le problème posé sinon avant tout celui de l’application du droit à l’enseignement privé ?

Nous ne saurions l’oublier, la loi Debré prévoit que les classes de l’enseignement sous contrat sont financées dans les mêmes conditions que celles du public. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur ce principe incontestable que le Sénat avait adopté l’article 89. Pourtant, il n’a pas permis de résoudre le problème du financement de la scolarisation des élèves non résidents, car, à l’usage, cet article n’est pas apparu assez précis ni suffisamment en phase avec les règles applicables au public.

C’est donc le grand mérite de cette proposition de loi que de répondre à cette double difficulté.

Le texte qui vous est soumis réaffirme que la commune de résidence sera obligée de financer la scolarisation d’un élève dans le privé à l’extérieur de son territoire uniquement dans les cas qui sont prévus par la loi pour la scolarisation dans les écoles publiques.

En revanche, je tiens à le souligner, après Henri de Raincourt, ni les dépenses d’investissement dans l’école ni les amortissements, comptables ou financiers, ne figurent dans le calcul du forfait. M. Carle m’ayant posé la question tout à l’heure, je le lui confirme ici.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Ainsi, c’est clair !

M. Xavier Darcos, ministre. La commune de résidence participera obligatoirement à cette dépense si elle ne dispose pas de capacités d’accueil sur son territoire ou si l’élève est scolarisé à l’extérieur de la commune pour des motifs contraignants liés aux obligations professionnelles des parents, à l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ou à des raisons médicales.

Cette proposition de loi répond donc pleinement aux préoccupations des maires soucieux de préserver le réseau des écoles publiques, notamment en milieu rural. Elle apporte un élément de sécurité aux communes, qui connaîtront dorénavant clairement les cas dans lesquels elles devront payer pour leurs enfants scolarisés dans une école privée en dehors de leur territoire.

En établissant les mêmes obligations que pour le public, les auteurs de la proposition de loi ont voulu exprimer clairement que le texte obéissait strictement au respect des règles de parité.

Pour les établissements privés, si le périmètre peut paraître réduit, le texte apporte également une garantie dans la mesure où le champ d’application sera désormais clairement délimité et ne souffrira pas de contestation.

Enfin, le texte est porteur d’une méthode qui facilitera l’application de la loi sur le terrain, puisque le préfet pourra être saisi en cas de différend entre une commune et une école privée. Il disposera de trois mois pour faire connaître sa position avant tout recours contentieux, lequel ne saurait intervenir que comme ultime solution. Le préfet pourra également prendre des avis et mettre ce délai à profit pour rapprocher les points de vue.

Tout est donc fait pour éviter les contentieux et le recours tant dans la précision des termes de la proposition de loi que dans la mise en place d’une procédure de règlement à l’amiable sous l’autorité du préfet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincu que cette proposition de loi permettra de régler définitivement les questions épineuses qu’a soulevées de manière répétée l’application de l’article 89. Je suis certain que, dans un esprit républicain, vous serez nombreux à lui apporter votre voix. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la laïcité est un fondement de la République. Ce principe a constamment guidé l’organisation du service public de l’éducation.

En 1984, sous l’impulsion d’Alain Savary, le gouvernement de Pierre Mauroy avait souhaité mettre en œuvre un « grand service unifié et laïque d’éducation nationale » ; l’opinion publique n’était, hélas ! pas prête à l’accepter.

M. Jean-Luc Mélenchon. Les réacs seulement !

M. Yannick Bodin. En 2004, l’égalité entre les établissements publics d’enseignement et les établissements privés d’enseignement sous contrat d’association était rompue par l’adoption du fameux article 89 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, remettant en cause, par là même, l’application du principe de laïcité dans l’organisation de l’enseignement scolaire en France.

Cet article a mis en place une participation forfaitaire des communes de résidence aux dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation des enfants dans les écoles élémentaires privées sous contrat d’association installées dans d’autres communes, sans même qu’il soit tenu compte des cas d’obligation et d’exonération de participation de la commune de résidence prévus par les alinéas 4 et suivants de l’article L. 212-8 du code de l’éducation. Est ainsi devenue obligatoire une ancienne « possibilité » de contribution au financement des écoles privées, hors du territoire de la commune, précédemment fixée par voie conventionnelle.

L’application de l’article 89 est lourde de conséquences, notamment dans les petites communes rurales où les élus se voyaient contraints de financer l’école privée d’une autre commune, parfois au détriment du maintien de leur école publique ou d’une classe dans leur propre commune.

Cet article pose également des problèmes d’équité entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat. En 2004, l’enseignement privé n’accueillait que 17 % des élèves, mais disposait déjà de 20 % des postes d’enseignant. Le déséquilibre en faveur de l’enseignement privé a été accentué par l’octroi de cette aide supplémentaire aux dépenses de fonctionnement des établissements privés.

En outre, l’application de l’article 89 a engendré de lourdes difficultés financières pour les collectivités locales concernées.

Le dispositif s’appliquait potentiellement, pour l’ensemble des communes, à environ 120 000 élèves. Le forfait annuel s’élevant à 400 euros ou 500 euros en moyenne par élève, le coût annuel de la mise en œuvre du dispositif de l’article 89 a été évalué par l’Association des maires de France à 60 millions d’euros. Les petites communes, déjà exsangues, sont celles qui ont subi le plus lourdement l’augmentation des charges.

Sur le terrain, de nombreux élus se sont émus du profond déséquilibre créé par l’application aléatoire de ce dispositif. Le vote de cet article par le Parlement a en effet immédiatement suscité l’émoi dans de nombreuses communes, tous bords politiques confondus.

L’inégalité en faveur de l’enseignement privé sous contrat instaurée par ce texte a eu de graves conséquences dans la vie quotidienne des communes. C’est ainsi que des contentieux ont surgi entre des communes et des établissements privés, entre des communes et des préfets. L’Union des maires de Seine-et-Marne – son président, M. Houel, ici présent et que je salue, ne m’en voudra pas de le rappeler – appelle même unanimement, à chacun de ses congrès annuels depuis 2004, les communes du département à refuser de payer pour les établissements privés.

Les organisations syndicales, opposées à ce texte, ont déposé un recours devant le Conseil d’État contre la circulaire n° 2005-206 du 2 décembre 2005 prise en application de l’article 89 de la loi du 13 août 2004. Cette circulaire a été annulée en 2007. Cependant, aucun sujet de fond n’a été examiné par le Conseil d’État, la circulaire ayant été annulée pour vice de forme. La nouvelle circulaire adoptée en août 2007 a de nouveau fait l’objet d’un recours devant cette instance.

Bref, pour reprendre la formule de M. Carle, ce « feuilleton » médiatico-judiciaire aurait pu continuer longtemps. Une nouvelle loi était donc nécessaire pour clarifier et apaiser la situation.

Ce constat avait d’ailleurs conduit l’an dernier, souvenez-vous, mes chers collègues, les sénateurs socialistes à déposer une proposition de loi tendant à abroger purement et simplement l’article 89, dont le premier signataire était Jean-Marc Todeschini. La question centrale motivant le dépôt de ce texte était la suivante : pourquoi accorder à l’enseignement privé des droits nouveaux, lesquels droits sont soumis à des conditions restrictives lorsqu’ils s’appliquent à des établissements publics ?

L’égalité entre l’enseignement public et l’enseignement privé étant rompue, la braise qui couvait sous le foyer de la guerre scolaire risquait de s’enflammer à nouveau. Et chacun le sait, surtout en la matière, il ne faut pas jouer avec le feu !

M’exprimant en séance, en février 2008, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de mon groupe, j’ai moi-même, face à l’hostilité de la majorité sénatoriale envers cette proposition d’abrogation –  pardonnez-moi ce rappel, mes chers collègues –, appelé à un texte de compromis – c’est le mot que j’avais utilisé – afin de mettre un terme à une situation devenue ingérable pour tous. Ce compromis devait être fondé sur une égalité de traitement entre les droits et les devoirs, entre les écoles privées sous contrat et les écoles publiques.

Notre proposition de loi a malheureusement été rejetée par la majorité du Sénat, même si un certain nombre de nos collègues s’étaient abstenus. En tout cas, une année supplémentaire s’est écoulée, maintenant les élus locaux dans le désarroi et la plus grande incertitude.

Le statu quo n’était assurément pas viable. Il était une source de conflits permanents et entretenait des débats aussi itératifs qu’inutiles. Remettre à plat cette législation était devenu une nécessité absolue. Il était donc du devoir du Gouvernement de faire en sorte que les communes soient rassurées et que la paix scolaire soit maintenue. Heureusement, que le Parlement est là pour prendre cette initiative !

Ce texte, d’origine parlementaire donc, est le résultat d’un compromis. En supprimant l’article 89, il rétablit une égalité entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat en utilisant les mêmes critères que ceux qui sont posés par l’article L. 212-8 du code de l’éducation, c'est-à-dire l’article qui organise la participation financière de la commune de résidence pour le financement des établissements publics.

Le financement par la commune de résidence de la scolarisation de l’enfant d’un établissement élémentaire ou primaire, qu’il soit public ou privé sous contrat, ne sera donc obligatoire que dans quatre cas : s’il n’y a pas de capacité d’accueil dans la commune, s’il existe une obligation professionnelle des parents justifiant la scolarisation hors de la commune, si des raisons médicales l’imposent ou si un frère ou une sœur sont déjà scolarisés dans cette autre commune.

L’égalité des possibilités de financement et des obligations pour les établissements privés et publics est donc rétablie.

Je me permettrai cependant d’émettre quelques réserves.

Je pense en effet que ce texte sera source de difficultés sérieuses pour les communes qui n’ont pas d’école publique sur leur territoire,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et cela ne va pas s’arranger !

M. Yannick Bodin. …comme il en existe par exemple dans l’ouest de la France, et qui seront dans une position difficile. Je suggère que l’on réfléchisse à des dispositions ad hoc, monsieur le ministre, afin de leur éviter d’être pénalisées.

Notre objectif, vous l’avez bien compris, n’est pas de rouvrir la guerre scolaire dans les collectivités locales.

Les plus grandes organisations intéressées par ces questions se sont déclarées plutôt favorables à ce texte. Le Comité national d’action laïque « note avec satisfaction » que la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui reprend sa propre analyse de l’article 89, même s’il indique que ce texte ne peut le « satisfaire entièrement ».

Lors du quatre-vingt-onzième congrès des maires de France, au mois de novembre dernier, l’Association des maires de France a exprimé le souhait « que soit rapidement adoptée la proposition de loi qui vise à garantir la parité pour la scolarisation des enfants en dehors de leur commune de résidence ». L’AMF s’est très fortement investie dans ce débat sur l’article 89, multipliant les demandes de clarification en direction du ministère de l’intérieur, et n’hésitant pas à porter devant le Conseil d’État les premières circulaires détaillant cet article.

Sa volonté d’arriver à un accord acceptable pour tous lui a valu d’être l’un des inspirateurs du texte qui nous est présenté aujourd’hui. Nous ne sommes pas insensibles à la recherche de compromis qui a été réalisée. C’est pourquoi nous donnons aujourd’hui notre accord à cette proposition de loi, afin de lever toutes les difficultés rencontrées par de très nombreuses communes en France et de préserver ainsi la paix scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne peux que me réjouir de voir cette proposition de loi venir en discussion devant notre assemblée et bientôt, je l’espère, devant l’Assemblée nationale. J’en suis certes cosignataire, mais, surtout, je suis convaincu que l’adoption de cette proposition de loi va enfin régler un problème pendant depuis plusieurs années, sur lequel j’avais appelé l’attention des autorités compétentes par une question écrite dès le mois de février 2005.

J’ai ensuite « récidivé » avec un amendement, soutenu par l’Association des maires de France, que j’avais défendu lors de la discussion de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, mais qui n’avait pas abouti. Je suis également intervenu plusieurs fois en séance publique sur différents textes concernant les collectivités locales ; j’ai été reçu par le ministre de l’éducation nationale de l’époque, M. Gilles de Robien, sur ce sujet en janvier 2006, avant finalement de déposer une première proposition de loi, en mars 2006, puis une autre, en octobre 2008, qui a été en quelque sorte fusionnée avec celle que nous examinons aujourd’hui.

Je tiens donc à saluer notre rapporteur, Jean-Claude Carle, qui nous propose aujourd'hui de mettre un terme à cette course d’obstacles, à la suite notamment de la décision du tribunal administratif de Dijon. Au mois de février 2008, ce tribunal a en effet annulé la délibération d’un conseil municipal qui refusait de prendre en charge les frais de scolarité exposés par les enfants inscrits dans une école privée située sur une autre commune. (M. Michel Charasse s’exclame.)

Dans ses conclusions, le commissaire du Gouvernement observait que, telle qu’elle résultait des modifications législatives successives, l’obligation de prise en charge des frais de scolarisation s’imposait de manière plus contraignante lorsque les enfants étaient scolarisés dans le privé plutôt que dans le public.

Ce faisant, notre collègue Jean-Claude Carle confirme l’engagement qu’il avait pris ici même, le 6 février dernier, lors de la discussion de la proposition de loi socialiste tendant à abroger l’article 89, selon lequel mes propositions seraient examinées par le Sénat si le juge administratif confirmait la lecture que je faisais dudit article.

La proposition de loi de M. Jean-Claude Carle que nous examinons aujourd’hui est donc en quelque sorte en partie la mienne, d’autant plus qu’il m’a invité à la cosigner, et je l’en remercie.

Que l’on me comprenne bien, il n’a jamais été question, pour moi, de « rallumer » avec ce texte la guerre scolaire. Je souhaite simplement que le législateur prenne ses responsabilités et aboutisse enfin à un texte équilibré, à une véritable parité dans le financement des écoles publiques et privées.

Je n’ai cessé de le rappeler, il n’est pas normal que les communes assument, dans le même temps, les frais de fonctionnement d’une école communale en partie inoccupée parce que désertée pour des écoles situées ailleurs et les frais de scolarisation de ceux des enfants que leurs parents ont souhaité inscrire dans une école située sur le territoire d’une autre commune, alors même que leur commune de résidence leur offrait la possibilité de les scolariser.

M. Jean-Luc Mélenchon. C’est le cœur du scandale !

M. Yves Détraigne. La presse s’est fait l’écho, ces derniers jours, de l’inquiétude des parents dont les enfants sont scolarisés dans le privé, mais je ne pense pas que ce texte constitue un retour en arrière pour eux. Au contraire, dans de nombreux cas, aujourd'hui, les communes refusent de payer et bien des situations sont ainsi en attente.

Je pense donc que ce texte, en inscrivant dans la loi l’accord conclu en mai 2006 entre l’Association des maires de France, le secrétariat général de l’enseignement catholique et le ministère de l’intérieur, permettra de clarifier les choses et, finalement, de débloquer les contentieux actuels.

Car autant il était contestable qu’une commune de résidence soit totalement dispensée, et ce quelles que soient les circonstances, de participer au financement de la scolarisation d’un de ses enfants dans une école privée d’une commune voisine avant le fameux article 89, autant il est inéquitable, voire risqué pour le maintien de l’école dans la commune de résidence, que celle-ci soit obligée de participer au financement de la scolarisation d’un de ses enfants dans l’école d’une commune voisine, quelles que soient, là encore, les circonstances.

Les circonstances dans lesquelles la commune de résidence doit payer la scolarité dans l’école publique d’une autre commune sont fixées par la loi et acceptées par les maires depuis de nombreuses années. Elles ne posent plus de problème d’application. En les étendant au financement des écoles privées, on va mettre fin aux résistances et aux conflits en rétablissant l’équité dans le financement de la scolarisation d’un enfant dans l’école d’une autre commune, qu’elle soit publique ou privée.

Vous le savez, une réforme, pour être acceptée et comprise, doit être équitable. Avec cette proposition de loi, nous rétablissons l’équité. Cette réforme devrait donc être comprise et effectivement appliquée. C’est pourquoi je voterai, avec le groupe de l’Union centriste, les conclusions du rapport de la commission. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Xavier Darcos, ministre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons, pour la deuxième fois cette année, débattre de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, article qui étend aux écoles privées sous contrat d’association l’obligation de participation des communes au financement de la scolarité d’un enfant dans une autre commune.

Ce débat, mon groupe l’a porté à maintes reprises depuis 2004, notamment par le biais d’une proposition de loi déposée en 2005 par Annie David, demandant l’abrogation de l’article 89. Notre collègue avait alors mené un travail d’auditions très poussé au sein de la commission des affaires culturelles. Cet article, nous l’avions alors souligné, avait introduit de fait une véritable différence de traitement entre l’école publique et l’école privée, au détriment de la première.

À chaque fois que nous avons défendu cette position, la majorité de droite comme le Gouvernement nous ont opposé une fin de non-recevoir. M. le rapporteur, qui officiait déjà en février dernier pour la proposition de loi déposée par mes collègues du groupe socialiste, avait alors jugé, pour refuser l’abrogation de cet article, que cette interprétation ne pouvait être retenue.

Vous aviez même indiqué dans cet hémicycle, monsieur le rapporteur, qu’il était urgent d’attendre la décision du Conseil d’État, saisi sur le fond de la deuxième circulaire, et qu’il vous semblait donc inutile « de remettre en cause ou de modifier des dispositions qui, pour l’heure, font l’objet d’un compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré. »

Le juge administratif s’est-il prononcé ? Non ! Or nous voici réunis aujourd’hui, sur votre initiative, pour examiner une proposition de loi qui, en son article 3, abroge l’article 89. Que de temps perdu ! Car, vous le savez bien, contrairement à ce que vous affirmiez en février dernier, cette question est loin de faire l’objet d’un « large accord ».

Quid du « compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré » que vous aviez tant vanté ? Le relevé de conclusions issu de la rencontre du 16 mai 2006 entre le secrétaire général de l’enseignement catholique et le président de l’Association des maires de France, sous le patronage de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, n’a jamais eu force de loi et ne réglait pas les divergences d’interprétation. Vous le saviez, sinon vous ne nous proposeriez pas un texte aujourd’hui.

Vous n’ignorez pas que, le 28 février 2008, le tribunal administratif de Dijon a annulé une délibération du conseil municipal de Semur-en-Brionnais qui avait refusé de participer aux frais de scolarisation de trois enfants résidant sur sa commune mais inscrits dans une école élémentaire privée sous contrat située sur le territoire d’une autre commune.

La commune invoquait, d’une part, l’absence d’accord préalable de son maire à la scolarisation de ces enfants dans une autre commune et, d’autre part, l’existence dans sa commune d’une garderie et d’une cantine. Le tribunal administratif lui avait donné tort, considérant que la notion de capacité d’accueil suffisante ne pouvait être retenue, dans la mesure où les établissements privés ne sont pas soumis à la carte scolaire et sont choisis principalement en fonction de leur caractère propre.

Il existe donc bien une réelle divergence d’interprétation, qui n’est pas le fait de simples inquiétudes.

Votre démarche, nous expliquez-vous, est guidée par un souci de clarification, souci qui vous conduit à abroger l’article 89. Dont acte ! C’est ce que mon groupe réclame depuis le début de cette affaire. Mais, en lieu et place de l’article 89, vous nous proposez un nouveau régime de financement des classes élémentaires privées sous contrat par les communes de résidence, système qui ne nous satisfait pas pleinement.

Vous expliquez que ce dispositif prévoit, au nom du principe de parité, qu’une commune aura à verser une contribution à une classe élémentaire privée sous contrat dans tous les cas où elle aurait dû la verser pour une classe publique. Pour autant, les modalités que vous avez retenues pour encadrer cette obligation de contribution ne sont pas exactement les mêmes.

Il suffit de comparer le texte proposé avec l’article L. 212-8 du code de l’éducation, qui règle la question quand il s’agit de deux écoles publiques. Le cinquième alinéa de cet article indique en effet qu’une « commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d’enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés de contraintes […] ».

Or cette notion de « justification », qui existe pour le public, ne se retrouve pas dans votre texte, monsieur le rapporteur, et ne s’applique donc pas au privé. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons déposé un amendement.

Les parents ne seront pas non plus tenus, comme c’est le cas lorsque la question se pose entre deux écoles publiques, de soumettre leur demande de dérogation à l’approbation du conseil municipal.

De plus, il n’est pas fait mention dans votre texte des regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI. Cela signifie qu’une commune qui n’a plus d’école publique sur son territoire propre mais dont les élèves sont accueillis dans une autre commune du RPI sera pourtant soumise à l’obligation de financement si des enfants de sa commune sont scolarisés dans une école privée sous contrat.

Dans ces conditions, les communes rurales qui ont bataillé pour maintenir la présence d’une école publique sur leur territoire ou à proximité courent toujours le risque d’une « double peine ».

Cette question ne peut être ignorée, au moment où l’éducation nationale fait face à des restrictions budgétaires sans précédent, à une disparition de la carte scolaire et à une future généralisation du principe d’autonomie des établissements.

Quid des efforts entrepris par les communes rurales pour maintenir sur leur territoire un service public de l’éducation vivant, seul garant – je le rappelle – d’une école gratuite et laïque pour toutes et tous ?

Où seront l’égalité et la liberté de choix pour les enfants et les parents des communes rurales lorsque les écoles publiques seront contraintes de fermer, faute de moyens ?

La situation qui prévalait lors de l’adoption de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n’est pas la même qu’aujourd’hui. Il est impossible de l’ignorer. Faut-il rappeler qu’en deux ans près de 25 000 postes ont été supprimés au sein de l’éducation nationale ? Quelle en sera l’incidence, notamment dans les communes rurales ?

En France, 12 000 communes ne disposent plus d’école communale et 28 % des écoles ont au plus deux classes. Nous savons par ailleurs que la situation ne va pas en s’arrangeant.

Dans ces territoires, un tel surcoût sera donc préjudiciable au maintien de petites structures publiques.

L’ensemble de ces interrogations et inquiétudes me conduisent donc à beaucoup de réserves et à émettre, pour l’instant, un avis négatif sur la proposition qui nous est faite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

(M. Guy Fischer remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence
Article 1er

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’ordre du jour réservé, nous examinons les conclusions de la commission des affaires culturelles sur une proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Claude Carle visant à assurer l’égalité de traitement entre écoles publiques et privées en matière de financement de leurs missions communes de service public.

Plus précisément, il s’agit de garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. Cette parité est déjà prévue en principe, mais il est nécessaire de légiférer pour permettre sa mise en œuvre.

Je le rappelle, l’article 89 de la loi du 13 août 2004 avait pour objet de réaffirmer la parité entre l’enseignement public et l’enseignement privé sous contrat. Ce principe, posé par la loi du 30 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privé, dite loi Debré, ne fait plus l’objet d’aucune contestation. Encore faut-il qu’il soit réellement appliqué.

L’article 89 de la loi du 13 août 2004 posait le principe d’une participation de chaque commune aux frais d’accueil de ses enfants scolarisés dans les écoles privées sous contrat des communes voisines. Sa justification était claire : il s’agissait d’éviter que certains maires ne se défaussent de leurs obligations financières sur les communes voisines. Or, s’il a permis de mettre fin aux abus, il ne les a pas tous empêchés.

En obligeant les communes à prendre en charge les frais de fonctionnement des établissements privés sous contrat, ce dispositif a limité l’incitation faite aux maires de pousser les parents à scolariser leurs enfants dans les établissements privés des communes voisines, mais il n’y a pas entièrement mis fin. En effet, l’article 89 pose l’obligation faite aux communes de contribuer à ces frais, mais sans préciser la répartition entre la commune d’origine et la commune de résidence des enfants.

Ainsi, une commune pouvait se trouver contrainte à les prendre en charge pour un établissement privé situé sur son territoire, alors que ces frais auraient dû incomber à la commune de résidence pour une école publique.

À titre d’exemple, la ville de Melun, où je suis élue, a longtemps pris en charge les élèves des écoles primaires privées pour ne pas mettre ces établissements en péril.

C’est donc pour mettre fin à de ces abus persistants que l’Association des maires de France, l’AMF, a engagé un dialogue constructif et fructueux avec les ministères de l’éducation nationale et de l’intérieur. Ces négociations ont permis d’aboutir au compromis de mai 2006 et à l’édiction de deux circulaires presque identiques prévoyant que « la commune de résidence doit participer au financement de l’établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle devrait participer au financement d’une école publique qui accueillerait le même élève ».

Ainsi, l’accord entre l’AMF, l’État et l’enseignement catholique a permis de parvenir à un compromis équilibré sur cette question sensible, mais sans supprimer toutes les possibilités d’abus, étant donné la protection juridique relativement précaire du principe de parité, qui n’était défendu que par des circulaires. Il convenait donc de le garantir solidement en l’ancrant dans la loi.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi. Il s’agit de soustraire les communes de résidence à l’obligation de participer aux dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation d’un enfant dans une école privée extérieure, comme pour l’enseignement public, à condition, naturellement, qu’elles puissent l’accueillir dans leur propre école publique, abstraction faite des cas dérogatoires prévus par l’article L. 212-8 du code de l’éducation nationale.

Pour mémoire, ces cas particuliers relèvent de trois situations, à savoir les obligations professionnelles des parents dont la commune de résidence n’assure pas la restauration et la garde des enfants, l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans une école de la même commune ou des raisons médicales.

Ainsi, sans mettre en cause ces dérogations, qui restent évidemment justifiées, la proposition de loi de notre collègue tend à abroger l’article 89 de la loi du 13 août 2004 et à définir précisément les situations dans lesquelles le financement par les communes de résidence sera obligatoire. Je ne reviens pas sur ces situations, qui ont été très clairement présentées par l’auteur de la proposition de loi.

Les conditions de ce financement sont exactement identiques à celles qui s’appliquent à l’enseignement public.

J’ajoute que ce texte est le fruit de longues réflexions de la commission des affaires culturelles, d’un large consensus et d’un travail pédagogique dans lequel notre collègue Jean-Claude Carle s’est énormément impliqué aux côtés de l’AMF et des ministres.

Je souhaite que ce texte, juste et utile, soit appliqué dans les meilleurs délais.

Bien entendu, le groupe UMP suivra la position de la commission des affaires culturelles et votera ses conclusions sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objet de la proposition de loi que nous examinons est simple. Il s’agit de clarifier les règles contenues dans l’article 89 du 13 août 2004 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

Son intérêt est donc évident. Je souhaite d’emblée féliciter nos collègues Jean-Claude Carle et Yves Détraigne, qui en ont pris l’initiative.

Parmi les quatre formes d’enseignements privés qui existent, l’enseignement privé sous contrat d’association avec l’État est aujourd'hui, et de loin, la plus importante. En effet, elle représente près de 2,2 millions d’élèves en 2007, l’ensemble des établissements privés d’enseignement accueillant environ 17 % des effectifs totaux.

Ouverte à tous, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance, l’école privée sous contrat propose un projet éducatif adapté.

Par conséquent, la contribution financière de la commune constitue le moyen de faire vivre le pluralisme scolaire dans le cadre de la liberté de choix des familles, reconnue par la Constitution française.

Bien évidemment, mes propos sur la qualité de l’enseignement privé n’entachent aucunement l’enseignement dispensé au sein de nos écoles publiques. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui, chaque jour, et parfois dans des conditions difficiles, mettent tout en œuvre pour apporter un enseignement de qualité à nos enfants, voire à nos petits-enfants.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises aujourd'hui, le Sénat a adopté, lors de l’examen du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, une disposition étendant aux écoles privées sous contrat d’association les règles de financement des écoles publiques.

Aujourd’hui encore, je me demande si nous avions conscience des débats que ce dispositif susciterait lorsque nous l’avons voté. Il est vrai que notre collègue Michel Charasse l’avait présenté avec beaucoup de doigté et compétence. Mais, destinée à harmoniser les conditions de financement des écoles privées et publiques, cette mesure a créé un véritable paradoxe.

Pour ma part, j’ai rencontré de nombreux maires de mon secteur des Flandres, territoire rural s’il en est, et je sais qu’ils sont inquiets. D’ailleurs, étant moi-même maire d’une commune rurale, je partage leur inquiétude.

En effet, compte tenu de la législation actuelle, si, en tant que maires, nous refusons d’accorder une dérogation autorisant un enfant à s’inscrire, pour convenance personnelle, dans une école publique d’une autre commune, il est à craindre qu’il ne s’oriente vers une école privée. Dans ces conditions, les communes de résidence se voient dans l’obligation de financer l’école privée d’une ville voisine, alors qu’elles n’ont pas à le faire pour l’école publique.

Bien évidemment, et j’insiste sur ce point, les maires respectent parfaitement le choix des parents qui souhaitent inscrire leurs enfants dans une école privée d’une autre ville, mais cela relève d’une décision personnelle que les communes de résidence n’ont pas à assumer.

La présente proposition de la loi vise à clarifier et à stabiliser un cadre juridique flou. Ce texte, que je qualifierais de « texte de compromis », doit enfin satisfaire tous les acteurs concernés. Cependant, il est bien dommage qu’il ait fallu plus de quatre ans pour enfin y aboutir. Mais le résultat est là.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai les conclusions de la commission sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques mois, le 6 février dernier très exactement, notre collègue Jean-Claude Carle, alors rapporteur de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Todeschini, affirmait qu’il n’y avait pas lieu de rouvrir le débat sur l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

Pourtant, les multiples initiatives parlementaires restées vaines sur ce sujet constituaient la preuve même que l’application de ce dispositif posait un problème sérieux, dont le législateur devait se saisir. D’ailleurs, nous n’avons pas non plus vu venir de texte gouvernemental, alors que cela avait été évoqué pendant un temps. À croire que cela ne devait pas être assez porteur médiatiquement pour faire l’objet d’annonces intempestives, donc pour voir le jour !

Il faut le reconnaître, notre ministre de l'éducation nationale a été bien plus prompt à transférer une part de la responsabilité de l’État en matière scolaire aux collectivités locales, avec une loi sur le service minimum d’accueil difficilement applicable,…

M. Xavier Darcos, ministre. Il y avait longtemps !

M. Serge Lagauche. … ou à mettre les communes devant le fait accompli du bouleversement des horaires hebdomadaires de l’école primaire, qu’à résoudre la délicate question de la contribution de la commune de résidence aux frais de scolarité des enfants scolarisés dans une école privée sous contrat d’une autre commune.

Je salue donc le ralliement de notre rapporteur qui convient aujourd'hui de la nécessité de légiférer. Je regrette juste le temps perdu. En effet, sur le terrain, les maires attendent depuis longtemps une clarification permettant d’aboutir une solution opérante et juridiquement sûre.

Pour notre part, nous avons pris acte du refus de la majorité sénatoriale, comme de celle de l’Assemblée nationale, d’abroger purement et simplement l’article 89 de la loi du 13 août 2004.

M. Serge Lagauche. Cela nous a été clairement signifié par le rejet de nos propositions de loi sur le sujet.

M. Serge Lagauche. Les groupes socialistes de nos deux assemblées ont saisi toutes les occasions législatives pour tenter de sortir du statu quo, en vain.

Notre priorité reste de mettre fin aux désaccords sur l’interprétation de l’article 89, à ce flou juridique préjudiciable, par un cadre législatif juste et équilibré.

En effet, des décisions de tribunaux, notamment l’arrêt du tribunal administratif de Dijon, ont depuis fragilisé un peu plus l’application de l’accord conclu entre l’Association des maires de France et le secrétariat général de l’enseignement catholique, selon lequel la commune de résidence participe au financement de l’école privée extérieure selon les mêmes règles de financement que les écoles publiques extérieures. Quant au Conseil d’État, il n’a toujours pas statué sur le fond.

Par ailleurs, ce flou entretient la suspicion à l’égard de certaines écoles privées, auxquelles il est reproché de bénéficier de financements publics indus.

Il faut dire que certains organismes de gestion d’établissements scolaires privés semblent ignorer, volontairement ou non, les modalités d’application de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 et saisissent les communes de demandes de financement pour tous les élèves scolarisés dans leurs écoles. Il est donc urgent d’instaurer un cadre législatif clair.

Selon nous, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui y participe. Par la prise en compte explicite de la notion de capacité d’accueil, et la reprise textuelle des cas dérogatoires rendant la contribution obligatoire, elle nous semble présenter les garanties suffisantes à une application apaisée du principe de parité entre le public et le privé.

Néanmoins, nous sommes sensibles au risque de pression financière sur les plus petites communes et à celui d’une fragilisation de l’école publique en milieu rural.

Si nous comprenons tout à fait l’impression que peuvent ressentir certains maires mis devant le fait accompli, parce que l’information sur le choix opéré par les familles de scolariser leurs enfants dans une école privée leur échappe, la demande portée par certaines associations de soumettre à l’avis du maire les dérogations pour le privé n’est pas recevable.

En effet, subordonner l’inscription dans une école privée sous contrat d’association à l’autorisation d’un élu local serait assurément inconstitutionnel.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Tout à fait !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Serge Lagauche. Comme le relève très justement notre rapporteur : « La jurisprudence constitutionnelle fait en effet obstacle à toute disposition subordonnant l’exercice effectif d’une liberté publique à l’accord préalable d’une autorité locale ».

Cela ne nous empêche pas, cependant, de partager les craintes exprimées, de part et d’autre, de déstabilisation des petites écoles des communes rurales.

C’est pourquoi notre collègue Pierre-Yves Collombat, vice-président de l’Association des maires ruraux, a souhaité déposer un amendement, afin de mentionner explicitement les regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI, dans le cadre général de la proposition de loi. Le caractère obligatoire de la contribution serait alors subordonné à la capacité d’accueil du RPI.

Je ne doute pas que cette mesure d’équité trouvera un large écho dans notre assemblée.

Pour conclure, j’insisterai une dernière fois sur la nécessité de sortir de l’incertitude juridique par un dispositif équilibré, et ce dans les meilleurs délais possibles au regard de l’affluence législative qui prévaut dans nos deux assemblées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Charasse et Gouteyron applaudissent également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence
Article 2

Article 1er

Dans la section 3 du chapitre II du titre IV du livre IV du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi L. 442-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-5-1. - La contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d'un établissement privé du premier degré sous contrat d'association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d'accueil.

« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d'une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son école publique ou lorsque la fréquentation par celui-ci d'une école située sur le territoire d'une autre commune que celle où il est réputé résider trouve son origine dans des contraintes liées :

« 1° Aux obligations professionnelles des parents, lorsqu'ils résident dans une commune qui n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ;

« 2° À l'inscription d'un frère ou d'une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ;

« 3° À des raisons médicales.

« Lorsque la contribution n'est pas obligatoire, la commune de résidence peut participer aux frais de fonctionnement de l'établissement sans que cette participation puisse excéder par élève le montant de la contribution tel que fixé à l'alinéa suivant.

« Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d'élèves de cette commune scolarisés dans la commune d'accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des écoles publiques de la commune d'accueil, sans que le montant de la contribution par élève puisse être supérieur au coût qu'aurait représenté pour la commune de résidence l'élève s'il avait été scolarisé dans une de ses écoles publiques. En l'absence d'école publique, la contribution par élève mise à la charge de chaque commune est égale au coût moyen des classes élémentaires publiques du département. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à approuver une proposition de loi au double motif de l’exigence d’un retour à la sérénité et de la clarification des conditions d’application de l’article 89 de la loi de 2004.

Je veux examiner rapidement ces deux arguments.

Sérénité, d’abord : mais d’où vient le trouble ? Il provient d’un privilège exorbitant qui a été accordé à l’école privée à la faveur d’un vote intervenu à deux heures du matin, dans cet hémicycle, par un ensemble de nos collègues, éclairés certes, mais dont le noctambulisme ne permettait peut-être pas de déjouer tous les aspects de ce que notre collègue a appelé tout à l’heure « une présentation faite avec doigté ». (M. le président et M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles s’exclament.)

Cette présentation a été faite avec doigté, je le répète, (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) par quelqu’un qui n’avait nullement l’intention d’accorder un privilège nouveau à l’enseignement privé.

M. Michel Charasse. C’est vrai !

M. Jean-Luc Mélenchon. Son explication, à l’époque, était parfaitement claire. On peut donc mettre en cause sa maladresse, et de fait elle doit être mise en cause, mais pas sa sincérité.

M. Jean-Luc Mélenchon. Les législateurs qui ont alors voté se sont prononcés dans un but bien précis, pas un autre, en tout cas pas dans celui qui a été constaté par la suite au vu du résultat obtenu.

Cette demande de notre collègue Michel Charasse résultait-elle d’une pression ou d’une revendication, d’une mobilisation des tenants de l’enseignement catholique, du secrétariat de l’enseignement catholique ou des parents d’élèves de l’enseignement catholique ? Pas du tout ! (Exclamations sur les travées de lUnion centriste.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Je le répète, chers collègues, pas du tout !

M. Michel Charasse. Pas du tout !

M. Jean-Luc Mélenchon. Personne ne réclamait quoi que ce soit ! On a donc pris une mauvaise décision à une heure avancée de la nuit.

Ensuite, quand on s’en est aperçu, les groupes progressistes – le groupe socialiste, le groupe communiste républicain et citoyen, …

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. « Progressistes » !

M. Jean-Luc Mélenchon. … et d’autres encore – ont continuellement demandé le seul élément de clarification possible, l’abrogation d’une disposition que personne ne demandait. C’est cette abrogation qui a été refusée.

Dans cette situation, la seule clarification possible est bien l’abrogation de l’article 89 et le retour à la situation antérieure qui convenait à tout le monde, puisque personne ne s’y était opposé auparavant.

Dès lors, on aura compris que ce ne sera pas cette fois-ci non plus que l’on verra céder les défenseurs intransigeants de l’école publique et oublier leur devoir, devant la séduction qu’opère toujours dans ce type de circonstance la musique doucereuse du risque de retour de la guerre scolaire surtout quand cela vient de ceux-là mêmes qui, sans trêve ni repos, repoussent sans cesse la frontière entre les droits de l’enseignement public et de l’enseignement privé.

Mes chers collègues, ce n’est pas la gauche qui a mis en cause la paix scolaire dans cette affaire et qui la met en cause en cet instant. Non, la mettent en cause ceux qui organisent de propos délibéré la concurrence scolaire sur tout le territoire de notre pauvre pays. Nous avons d’autres choses à faire et, tant qu’il existe des communes sans école publique, il n’est pas acceptable d’envisager de financer le transfert des élèves vers les écoles privées.

Enfin, vous avez déclaré, cher collègue, en tant que rapporteur et auteur de la proposition de loi, que la vieille formule « à l’enseignement privé, les fonds privés, à l’enseignement public, les fonds publics » était dépassée. Permettez-moi de vous dire que tel n’est pas l’avis de tous les législateurs.

S’il est vrai que, dans nos communes et dans nos collectivités, nous nous soumettons à la loi, pour autant il n’est pas dit que nous soyons contraints dans cette enceinte d’aller contre notre conscience et de faire autre chose que de demander l’abrogation d’une disposition qui accorde un privilège exorbitant à l’enseignement privé au détriment des efforts de l’État et des communes en faveur des écoles publiques sur l’ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme beaucoup d’entre nous dans cette enceinte, je suis un enfant de l’école de la République et à ce titre particulièrement attaché au principe de laïcité, socle des principes républicains.

M. Michel Charasse. Vous n ‘êtes en effet pas le seul !

M. François Fortassin. Tous les élus républicains, quelle que soit leur sensibilité, se doivent de défendre et de développer l’école publique, c'est-à-dire l’école de la République.

Au demeurant, je loue l’effort qui est fait afin de ne pas rallumer la guerre scolaire.

Être laïc au sens profond du terme, c’est accepter toutes les confessions, toutes les religions, leur expression, mais c’est aussi affirmer qu’elles doivent avoir un caractère exclusivement privé.

À l’évidence, il faut mettre en exergue le principe de liberté, qui est fondamental, mais il n’en faut pas moins respecter les autres principes républicains et les devoirs qu’ils impliquent, sous peine d’être en quelque sorte pris au piège. Tout à l’heure, on a parlé à juste titre de « double peine ».

Permettez-moi d’évoquer ici le cas, que beaucoup d’entre nous connaissent, d’un regroupement pédagogique intercommunal. Dans l’exemple que je veux citer, cinq communes regroupées ont participé au développement d’un RPI et au financement des locaux ; en définitive le RPI se trouve doté de deux établissements scolaires. Il serait anormal que les communes qui sont dépourvues d’école, mais qui sont associées dans un RPI, soient soumises à l’obligation de financer le transfert des élèves vers les écoles privées sous contrat.

Le problème que je soulève ici est extrêmement important, sans parler des certificats médicaux et des dérives possibles en la matière…

Si l’amendement du groupe socialiste est adopté, ce dont je ne doute pas, je voterai la présente proposition de loi ; sinon, je m’abstiendrai.

M. le président. Mes chers collègues, M. le ministre devant s’absenter quelques minutes pour une obligation impérative, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Michel Charasse, sur l'article.

M. Michel Charasse. Pour ne pas allonger nos débats, je ferai une seule observation sur l’article 1er ou, plus exactement, je poserai une question à M. le rapporteur et, éventuellement, à M. le ministre. Je présenterai également une suggestion de sous-amendement à l’amendement n° 2.

Mon observation est très simple. Dans le système qui était en fait celui de l’article 89 de la loi du 13 août 2004, mais qui est beaucoup mieux explicité et beaucoup plus clairement rédigé dans la proposition de loi issue des travaux de la commission des affaires culturelles, il était entendu que, lorsque la commune ne payait pas pour la scolarisation d’enfants à l’école publique de la commune voisine, elle n’avait rien à payer pour la scolarisation à l’école privée de la commune voisine. C’était clair. La règle de parallélisme s’appliquait, sauf, bien entendu, dans les trois cas de dérogation, c'est-à-dire lorsque les élèves partent dans la commune voisine sans que le maire puisse s’y opposer. S’il refuse, c’est le préfet qui le lui impose.

Dans ce cas, la règle est également valable pour les établissements privés sous contrat de la commune voisine.

Il doit être bien entendu, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que, si une commune est amenée à payer pour la scolarisation dans l’enseignement privé de la commune voisine dans des cas de dérogations parce qu’elle paie pour les mêmes cas à l’école publique, l’enseignement privé ne peut pas pour autant exiger de la commune de domicile qu’elle paye pour tous les autres cas, c'est-à-dire pour ceux qui ne relèvent pas des dérogations prévues.

Autrement dit, si une commune ne paye à la commune voisine que pour les enfants scolarisés par dérogation dans l’enseignement public, elle n’a à payer, pour ce qui est de l’enseignement privé, que pour les enfants relevant des cas de dérogation.

M. Xavier Darcos, ministre. Oui !

M. Michel Charasse. Par ailleurs, monsieur le ministre, je sais que vous avez eu une petite discussion entre vous à propos des RPI.

Le sujet est assez compliqué. Mon collègue Yves Collombat s’en expliquera tout à l’heure puisqu’il est l’auteur de l’amendement n° 2.

Les RPI relèvent tous d’organisations différentes, puisqu’il s’agit, en fait, d’ententes intercommunales au sens du code général des collectivités territoriales, et chacun arrange ses affaires comme il l’entend.

Dans certains cas, les dépenses sont mutualisées, dans d’autres, elles ne le sont pas. Le pouvoir du maire reste entier pour la partie de l’école qui est sur son territoire.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suggère de préciser, à l’amendement n° 2 de M. Collombat, que, pour les RPI, l’organisation sera fixée, au regard de la loi « Carle », par décret, de façon que les règles soient uniformes sur l’ensemble du territoire.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation :

« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d'une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ou le regroupement pédagogique intercommunal dont elle fait partie ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son ou ses écoles publiques ou lorsque la fréquentation par celui-ci d'une école située sur le territoire d'une autre commune que celle où il est réputé résider est justifiée par des motifs tirés des contraintes liées :

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Notre amendement a pour objet de prendre en compte deux notions oubliées dans cette proposition de loi.

D’abord, celle des regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI, concentrés ou non. Il ne serait ni juste ni équitable que les communes qui ne disposent pas d’école sur leur territoire propre mais qui participent au financement d’un RPI se voient exclues du dispositif que vous voulez mettre en place.

D’autant que cette politique de « regroupement », impulsée par les restrictions budgétaires et les économies d’échelle conduites par l’éducation nationale, n’a pas toujours été de leur fait. Certaines communes ont accepté de faire le deuil de leur école publique, ce qui n’a pas été sans conséquence pour les enfants des communes rurales, qui voient leur journée d’écoliers singulièrement allongée par les trajets, sans parler des conditions de transport. Ces communes seraient aujourd’hui doublement sanctionnées, ce qui constituerait une rupture d’égalité entre les communes. La notion de capacité d’accueil doit donc aussi s’entendre pour un RPI.

En outre, cette absence de mention du RPI dans le texte de la proposition de loi pourrait créer un effet d’aubaine en faveur des écoles privées qui ne sont pas encore sous contrat d’association. Il semblerait qu’un tel exemple se soit produit dans le Cantal.

La seconde notion introduite par notre amendement est la justification des cas de dérogation, qui aujourd'hui s’applique au secteur public mais pas au secteur privé. Que devient l’égalité de traitement ? Le maire n’a aucun droit de regard sur l’inscription dans les établissements privés, alors qu’il en dispose pour les établissements publics.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Collombat, Lagauche, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation, après le mot :

résidence

insérer les mots :

ou le regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Les explications ayant déjà été données, je serai très bref.

Cet amendement, tel qu’il sera modifié par le sous-amendement de Michel Charasse, qui recueille notre accord, a pour objet de permettre, lorsque des communes ont été amenées, de gré ou de force, à scolariser leurs enfants dans le cadre de RPI – les structures juridiques sont extrêmement diverses –, que la capacité d’accueil prise en compte pour apprécier le caractère obligatoire de la contribution de la commune soit celle du RPI et non celle de la seule commune. Cette mesure répond à un souci évident de justice.

Très franchement, si cet amendement n’était pas adopté, nous perdrions une bonne partie du bénéfice de cette proposition de loi, qui est un texte d’apaisement, et nous rouvririons la boîte de Pandore des contentieux. Je vous souhaite bien du plaisir lors des assemblées générales départementales des maires ruraux, si ce problème de fond n’est pas réglé ! Je crois cependant que nous en prenons le chemin et je m’en félicite.

M. le président. Le sous-amendement n° 4, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 2, après le mot :

ou

insérer les mots :

, dans des conditions fixées par décret,

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Je me suis déjà expliqué, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation, après le mot :

publique

insérer les mots :

ou au sein d'un établissement privé du premier degré sous contrat d'association situé sur son territoire

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Je souhaite tout d’abord féliciter Jean-Claude Carle, auteur de cette proposition de loi. En effet, depuis quatre ans, beaucoup d’élus de terrain, notamment dans les petites communes rurales qui étaient les victimes d’un texte adopté un peu à la hâte – mais sans mauvaises intentions – ont dû affronter des difficultés réelles d’application. Nous ne pouvons que nous féliciter que le parallélisme des formes avec l’enseignement public soit désormais réintroduit.

Je vais retirer mon amendement parce que j’ai longuement discuté avec M. le rapporteur, qui m’a convaincu. Dans mon esprit, il s’agissait essentiellement d’un plaidoyer en faveur des petites communes. Mes chers collègues, ne sous-estimons pas la situation des petites communes, notamment dans les régions de l’Ouest, où les seules écoles sont des écoles privées sous contrat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Chers collègues, c’est un héritage historique qui ne correspond pas à un choix des élus.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas normal !

M. Michel Charasse. C’est une infraction à la loi Jules Ferry sur l’enseignement primaire obligatoire !

M. Bruno Retailleau. Le schéma habituel risque de se reproduire : les parents « nomades » scolarisent bien entendu leurs enfants dans des écoles de chef-lieu ou de communes beaucoup plus importantes. Il en résulte une dévitalisation des petites communes rurales qui, une fois de plus, se trouvent pénalisées, alors qu’elles essaient d’investir dans les équipements périscolaires, les haltes-garderies, les installations sportives.

Jean-Claude Carle m’a bien expliqué les raisons pour lesquelles mon amendement posait un problème : tenons-nous en au strict parallélisme.

Je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

MM. Michel Charasse et Adrien Gouteyron. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission des affaires culturelles a longuement discuté sur les amendements nos 2 et 3. Pour les RPI adossés à un EPCI, le problème est réglé puisque l’EPCI a une structure juridique, qu’il est doté d’un président et qu’il agit dans le cadre d’une délégation de compétence. Les autres RPI, en revanche, n’ont pas de personnalité juridique au sens strict, c’est pourquoi la commission souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement avant de se prononcer.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, monsieur le président, d’avoir accepté d’interrompre la séance pendant dix minutes à une heure déjà avancée.

Je remercie également M. Bruno Retailleau d’avoir retiré l’amendement n° 1 rectifié qui nous créait quelques complications.

La rédaction de l’amendement n° 2 de M. Pierre-Yves Collombat, sous-amendé par Michel Charasse pour renvoyer à un décret en ce qui concerne les RPI, me paraît satisfaisante. Comme je souhaite rester prudent, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Le sous-amendement n° 4 de Michel Charasse concilie le bon sens de l’amendement n° 2 à la rigueur juridique en renvoyant à un décret. La commission est donc favorable à l’amendement n° 2 ainsi sous-amendé.

Je remercie à mon tour Bruno Retailleau d’avoir retiré son amendement. Il existe effectivement un problème réel dans sa région, notamment dans les petites communes. Mais, dans ce cas, on se heurte au principe constitutionnellement garanti du libre choix de l’école : l’exercice de cette liberté ne peut être subordonné, même indirectement, à la décision d’une autorité locale, quelle qu’elle soit.

Sur l’amendement n° 3, il serait sage que Mme Brigitte Gonthier-Maurin puisse retirer son amendement au profit de l’amendement n° 2 sous-amendé, dont la rédaction me semble meilleure.

M. le président. Madame Gonthier-Maurin., l'amendement n° 3 est-il retiré?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le maintiens, monsieur le président.

M. Xavier Darcos, ministre. Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 4.

M. Adrien Gouteyron. Je veux dire ma satisfaction de voir cette proposition de loi arriver en discussion. Nous nous préparons à la voter dans des conditions de sérénité tout à fait remarquables qui montrent bien le progrès qui s’est opéré dans les esprits, dans le pays, car nous ne sommes que le reflet de notre pays, fort heureusement.

Tout à l’heure, notre collègue et néanmoins ami Jean-Luc Mélenchon a tenu des propos un peu décalés par rapport à ceux que d’autres ont tenus. Je crois vraiment que ces propos ne représentent pas l’état actuel de l’opinion, je le dis comme je le ressens.

Pour en venir au sous-amendement n° 4, je considère que les RPI adossés à une structure juridique ne posent pas de problème, puisque la structure juridique joue le rôle de la commune et en assume les droits et les charges par rapport à l’enseignement public et à l’enseignement privé. En revanche, quand il n’y a pas de structure juridique, nous l’avons tous constaté, la situation est beaucoup plus compliquée, et je crois que la rédaction du décret ne va pas être simple, monsieur le ministre. J’ai compris que, si vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat, c’est que, pour le moment, la solution du problème n’était pas tout à fait évidente…

Je ne vois pas comment nous échapperons à cette exigence juridique : si le regroupement pédagogique intercommunal vaut pour l’enseignement public, d’une manière ou d’une autre, il vaudra aussi pour l’enseignement privé, de manière totalement symétrique. Par conséquent, il faut que nous mesurions bien le vote que nous allons émettre, car la situation est plus compliquée que nous ne le pensons.

Je vais voter le sous-amendement n° 4 parce qu’il ne faut pas rompre le beau consensus auquel nous aboutissons. Je veux simplement mettre en garde le Gouvernement, s’il me le permet, sur la nécessité de bien peser les termes du décret : l’affaire est assez compliquée et peut nous entraîner beaucoup plus loin que nous ne le croyons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. J’ai bien compris que nous sommes tenus par des impératifs horaires, monsieur le ministre, c’est la raison pour laquelle j’interviens à cet instant.

En toute hypothèse, les regroupements pédagogiques intercommunaux sont bien pris en compte « dans des conditions fixées par décret », selon les termes mêmes du sous-amendement déposé par Michel Charasse. Autrement dit, monsieur le ministre, nous avons la joie de vous remettre un chèque en blanc ! La proposition de loi ne suffisait pas, on ajoute un décret, sous les acclamations universelles ! Tout le monde est d’accord, c’est merveilleux !

M. Pierre-Yves Collombat. N’exagérons rien !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vraiment, monsieur Darcos, avec une opposition de cette nature, vous pouvez être tranquille ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, permettez-moi de vous dire que ce texte n’est plus un compromis. Nous partons d’une position où l’équilibre sur lequel se fondait la paix scolaire précédente a été modifié, au débotté et par surprise, et on nous présente ensuite comme un compromis l’acceptation du nouveau rapport de force, moyennant un certain nombre de précisions : je n’appelle plus cela un compromis, mais une capitulation ! (Exclamations sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.) Je tiens à le dire comme je le ressens !

Monsieur Gouteyron, vous me dites que mon point de vue ne représente pas l’opinion majoritaire – j’admets que c’est un point de vue comme un autre que le vôtre à propos du mien –, mais nous n’avons pas les moyens de le vérifier.

Cependant, cher collègue, admettez que nombre de consciences peuvent se sentir blessées de devoir se taire quand, dans telle collectivité, le retrait d’un enfant d’une école publique soutenue à bout de bras par la commune et par ses habitants oblige à fermer ladite école, en sachant par ailleurs que, dans certains secteurs, il n’y a pas d’école publique.

Dans sa conscience de républicain, de Français, lorsque l’on pense à tout cela et qu’on apprend que ses propres impôts vont servir à financer la fermeture de telle classe d’une école publique, voire peut-être la fermeture d’une école publique, on peut s’en offusquer. J’ai l’intime conviction que l’opinion est de mon côté plutôt que du côté de ceux qui suggèrent les compromis de ce soir.

En tout cas, je retire mes demandes d’intervention sur les différents articles de manière à alléger notre débat puisque tout est dit, me semble-t-il, à cet instant.

Je ne voterai naturellement pas ce texte et je ne ferai pas partie des gens de gauche qui demandent à des gens de droite d’organiser la paix scolaire après l’avoir violée !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Frécon. La rédaction de ce décret est effectivement une chose importante. Il va falloir peser ses mots, mais je n’emploierai pas le vocabulaire qu’a utilisé notre collègue Jean-Luc Mélenchon voilà un instant.

Pour la définition des RPI, lorsqu’il s’agira d’un RPI de droit, adossé à un EPCI, ce sera facile ; mais pour les autres, les RPI de fait, il faudra vérifier que, derrière cette affirmation de RPI, il y a bien quelque chose. Le minimum qu’il faudra préciser dans le décret, c’est que les communes concernées par ce regroupement pédagogique intercommunal devront avoir fait savoir d’une façon très officielle leur souci d’organiser la scolarité sous forme de RPI.

Il faudra donc que ces communes aient pris des délibérations de conseil municipal. C’est à mon avis le minimum qu’il faut leur demander pour qu’elles soient bien engagées dans un RPI même si elles n’ont pas réglé sous forme d’EPCI les problèmes de participation financière ou autres.

Certaines communes l’ont fait simplement par une délibération du conseil municipal ; elles ont décidé qu’il y aurait un partage des frais, selon un consensus plus ou moins important – c’est leur affaire. Mais il faut au moins qu’il y ait un texte officiel et que ce ne soit pas simplement la décision d’un RPI qui n’aurait pas l’assentiment du conseil municipal. Il faut que cet assentiment soit donné, et c’est le point qu’il faudra rédiger correctement dans le décret.

Monsieur le ministre, nous avons eu des divergences avec vous. Nous vous faisons confiance sur la rédaction de ce décret, mais je souhaite que notre assemblée soit tenue au courant par l’intermédiaire de notre rapporteur qui, ensuite, présentera ce document aux divers groupes.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je souhaiterais apaiser les choses.

En pratique, la création d’un RPI est une décision non pas des communes, mais de l’État, mes chers collègues.

Mme Jacqueline Gourault. Pour éviter les fermetures de classes !

M. Michel Charasse. L’État, qui est responsable de l’école publique, dit alors : « dans tel secteur, je suis prêt à accepter un regroupement pédagogique intercommunal et je vous propose de l’organiser en conséquence. » C’est donc l’État, c'est-à-dire en fait le préfet et, par délégation, l’inspecteur d’académie, qui prend à l’origine la décision de créer le RPI.

À l’occasion de la création d’un RPI, cher Jean-Luc Mélenchon, l’État doit respecter toutes les règles et tous les principes qui s’appliquent à l’école publique. Je ne connais pas en France un RPI qui serait organisé par dérogation aux règles s’appliquant dans toutes les écoles de la République. Ce sont donc simplement des modalités d’organisation pratique du service public scolaire qui ne remettent pas en cause les principes de l’école de la République.

Évidemment, il y a de nombreux cas particuliers, car il n’y a pas deux RPI qui se ressemblent. Mes chers collègues, qu’est-ce qu’un RPI ? C’est une entente intercommunale. Et qu’est-ce qu’une entente intercommunale ? Une institution qui date de la loi Waldeck-Rousseau de 1884 sur les communes, qui est bien antérieure à la création des établissements publics intercommunaux, lesquels n’existaient pas à l’époque et qui ont été créés seulement en 1890 sous la forme de syndicats intercommunaux à vocation unique.

L’entente intercommunale, ce sont des communes qui se regroupent pour se mettre d’accord pour exercer en commun une tache donnée sans aucun transfert de compétences. C’est en fait une série d’accords, de conventions, comme l’a dit Jean-Claude Frécon tout à l'heure, passés entre les communes pour régler, au cas particulier, les modalités de fonctionnement et de financement du RPI. Autant de RPI, autant de règles pratiques entre communes, ce qui ne porte en rien atteinte aux principes que le RPI est tenu de respecter et d’appliquer au regard des règles fondamentales de l’éducation nationale.

Aussi, si nous ne prévoyons pas de décret, la multitude des situations et des cas particuliers d’organisation et de fonctionnement des RPI sera telle que le ministre sera condamné à prendre un texte réglementaire en vertu de la règle selon laquelle le pouvoir exécutif dispose toujours du pouvoir réglementaire même si la loi ne l’a pas expressément prévu. Les choses doivent être claires entre nous, et le ministre doit être bien conscient qu’il devra agir par décret pour que la loi Carle s’applique aux RPI.

Ce décret, face à des centaines et peut-être des milliers de cas sur le territoire, devra concilier les principes de l’école de la République avec le principe de la libre administration des collectivités locales et celui de la liberté de l’enseignement. Il y a une conciliation à faire entre trois impératifs, et seul l’État peut le faire.

M. Jean-Luc Mélenchon. On le demande à la droite !

M. Michel Charasse. Mais ce n’est pas la question ! Je le demande au gouvernement qui est en place ! Je ne sais pas comment le législateur peut faire en République s’il ne s’adresse pas à celui que le peuple a désigné pour gouverner, même si ce n’est pas toujours celui que j’aurais souhaité, sans naturellement vouloir être désagréable à l’égard de ceux qui en font actuellement partie. (Rires.) On en est là ! C’est la République !

J’ajouterai un dernier mot en ce qui concerne l’école privée.

M. Adrien Gouteyron pose une bonne question pour laquelle la réponse me paraît simple. Mme Gonthier-Maurin, a rappelé tout à l'heure qu’il n’y avait pas de carte scolaire pour l’école privée. Or le RPI est un élément de la carte scolaire de l’enseignement public.

La carte scolaire du primaire –  Jean-Luc Mélenchon le sait bien –, c’est élémentaire, si je puis dire, puisque c’est tout simplement la loi Jules Ferry qui impose une école publique dans chaque commune,…

M. Jean-Luc Mélenchon. Allez voir en Vendée !

M. Michel Charasse. … et, là où il n’y en a pas, c’est parce que, depuis plus de cent vingt ans, l’État républicain n’a pas fait son travail en imposant l’application de la loi sur la laïcité et la gratuité de l’école obligatoire.

Par conséquent, cher Adrien Gouteyron, je ne vois pas comment on pourrait intégrer l’enseignement privé dans le RPI. D’abord, ni l’un ni l’autre ne le voudrait. Mais il n’empêche que le décret devra comporter des dispositions précisant comment fonctionne le système quand il y a une école privée dans l’aire du RPI ou dans la commune voisine, sans pour autant intégrer dans le RPI une école privée qui, naturellement, n’a rien à y faire. C’est aussi inimaginable que d’installer une classe relevant de l’enseignement privé dans une école publique !

Voilà donc les motifs pour lesquels, même si mon sous-amendement n’est pas adopté, le Gouvernement sera condamné à prendre un décret : il faudra bien, en effet, qu’il harmonise les multiples pratiques sur l’ensemble du territoire, sinon rien ne fonctionnera.

Voilà ! Les choses sont simples et les choses sont dites.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Je ferai tout d’abord un constat : nous avons pu travailler en commission des affaires culturelles et, comme on le voit en ce moment, en séance publique avec la volonté de trouver ensemble en toute bonne foi une solution à un problème qui nous embarrasse tous.

Quels que soient les échos des débats de nos grands ancêtres dont les médailles ornent nos pupitres, nous adoptons ici, je crois, l’attitude qu’attendent de nous les Français, les maires de notre pays qui nous demandent de trouver une solution au problème qui a été posé par ce fameux article 89. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Lorsque l’on essaie de bâtir une solution, il faut aussi se projeter dans les évolutions possibles, y compris dans le domaine intercommunal.

On vient de dire que les RPI adossés à un EPCI ne posaient pas de problème. Nous voyons actuellement évoluer le paysage intercommunal et, de ce fait, les RPI qui ne sont pas adossés à des EPCI, qui sont ceux qui posent problème, seront de moins en moins nombreux.

À la fois par le décret et par cette évolution naturelle, la solution est devant nous. Je m’en réjouis et je crois qu’il faut aujourd’hui voter ce sous-amendement et faire confiance au Gouvernement pour nous présenter un décret qui permettra de répondre à l’attente des uns et des autres.

Bien évidemment, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles souhaitera examiner le projet de décret sur lequel vous allez réfléchir.

M. Jean-Luc Mélenchon. C’est un vote de confiance, monsieur Darcos !

M. Xavier Darcos, ministre. Je regrette que vous n’y participiez pas, monsieur Mélenchon !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Avec toute la courtoisie républicaine qui est de mise dans notre assemblée, et même ailleurs, je ferai remarquer à notre collègue Jean-Luc Mélenchon que, même s’il déploie pour y parvenir un très grand talent, il ne me fera pas développer de syndrome de culpabilisation.

Je ne suis pas ici pour délivrer des diplômes de gauche, de République et éventuellement d’Europe, et je n’accepte pas que d’autres se croient autorisés à le faire.

Très modestement, j’ai aussi appris une chose : en politique, j’ai évité les compromissions, mais les compromis, j’en fais en permanence.

Le laïc que je suis a, ce soir, le sentiment d’avoir fait un compromis. Mais, ce compromis, je peux demain aller l’expliquer dans mon département sans aucun problème, et je crois que nous avons fait du bon travail. Libre à d’autres de considérer que nous nous sommes couchés ou que nous avons capitulé ; tel n’est en tout cas pas mon sentiment ! (Applaudissements sur diverses travées de lUMP et de l’Union centriste. . – MM. Michel Charasse et Bruno Retailleau applaudissent également.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 4.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence
Article 3

Article 2

Dans la même section 3, il est inséré un article L. 442-5-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-5-2. - Lorsqu'elle est obligatoire, la contribution aux dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat d'association des établissements privés du premier degré est, en cas de litige, fixée par le représentant de l'État dans le département qui statue dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il a été saisi par la plus diligente des parties. » 

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

M. Jean-Luc Mélenchon. Le groupe CRC-SPG vote contre !

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Intitulé de la proposition de loi

Article 3

I. Le premier alinéa de l'article L. 442-9 du même code est supprimé.

II. L'article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. L’article 3 prévoit d’abroger l’article 89 de la loi de 2004. C’est le seul compromis que le groupe CRC-SPG propose à notre assemblée : on enlève tout et l’on en revient à la situation antérieure, qui était très bien. Mais on ne cède rien, en effet. Il n’y a pas de compromission ! Nous voterons donc l’article 3.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. La commission propose de rédiger comme suit l’intitulé : « Proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence ».

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Vote sur l’ensemble

Intitulé de la proposition de loi
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles, je donne la parole à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, je voterai ce texte, que je considère bon.

M. Jean-Luc Mélenchon. C’est normal, vous êtes de droite !

Mme Jacqueline Gourault. Non, je suis du centre, mais à chacun son appréciation… Je souhaite préciser ma position, eu égard aux propos tenus par M. Jean-Luc Mélenchon.

De nombreux orateurs l’ont rappelé, nous avons constaté de nombreuses difficultés d’application sur le terrain.

Dans les grandes villes, qui ont à la fois des écoles publiques et des écoles privées, il n’y a en général aucun problème pour financer la scolarité des enfants, et ce quelle que soit la couleur politique de la municipalité.

Dans les communes qui n’ont pas d’école, la plupart des maires, là aussi quelle que soit leur sensibilité, versent une participation financière indifféremment à l’école publique ou à l’école privée.

Comme de nombreux orateurs l’ont souligné, le problème se pose donc pour les maires des communes dont l’école peine à survivre parce que les enfants sont scolarisés dans d’autres établissements, non seulement privés, mais également – je tiens à le souligner – quelquefois publics. Il m’est ainsi arrivé d’assister à des discussions animées entre maires au sujet de leurs écoles publiques.

Je le répète, je crois que c’est une bonne loi : elle permettra de soulager tous les maires, quelles que soient leurs convictions politiques. Pour cette raison, nous pouvons être fiers, comme l’a indiqué notamment mon collègue Michel Charasse, du consensus qui a été trouvé : il tend à clarifier la situation tant pour l’école publique que pour l’école privée, laquelle est aussi l’école de la République.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi réduit considérablement les dégâts collatéraux occasionnés par l’article 89 de la loi du 13 août 2004.

D’un point de vue pragmatique, elle constitue un véritable progrès. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera ce texte, même s’il ne se satisfait pas pour autant de la problématique dans laquelle il nous enferme.

L’article 89 procédait au départ d’un bon sentiment : pénaliser les petits malins qui se défaussent sur l’enseignement privé de leurs charges et devoirs en matière d’enseignement public. Telle était la finalité de l’amendement nocturne à l’origine de cet article. Il ne visait nullement à affirmer un quelconque principe de parité entre école publique et école privée, même si, nous l’avons rappelé tout à l’heure, le résultat est le même en pratique.

Le préambule de la constitution de 1946, devenu celui de la constitution de 1958, précise que « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ». Il n’est pas indiqué que l’organisation d’un enseignement public ou privé gratuit à tous les degrés est un devoir de l’État. C’est en vertu de ce principe que nous sommes en désaccord avec le nouvel intitulé de la proposition de loi.

D’un point de vue pratique, je ne suis pas absolument certain que, malgré ce texte, le déséquilibre en faveur de l’enseignement privé ne subsiste pas.

En effet, les participations financières pour frais de scolarisation dans l’enseignement public procèdent en général d’un accord entre collectivités. Il est très rare que des élus s’envoient des factures par le canal préfectoral, d’autant plus que le développement de la coopération intercommunale a encore amélioré les relations entre communes-centres et communes périphériques, ces dernières regroupant les cas les plus fréquents de contentieux.

Je crains qu’il n’en aille différemment entre des communes de résidence et des établissements scolaires à la recherche de financements. Nous verrons bien à l’usage.

En attendant, l’effort mené par nos collègues pour sortir d’un imbroglio qui empoisonne la vie des petites communes mérite d’être salué. Nous le faisons bien volontiers, même si nos raisons ne sont pas les leurs.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 20 rectifiée.

(La proposition de loi est adoptée.)

(Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la législation funéraire
Discussion générale (suite)

Législation funéraire

Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la législation funéraire
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la législation funéraire (nos 108, 119).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, parler de la mort, c’est aborder un sujet qui touche au plus intime, et souvent au plus douloureux, de l’expérience de chacun. C’est aussi aborder un sujet qui recouvre des réalités et des images évoluant selon les régions et les époques.

En effet, le rapport aux rites funéraires a profondément évolué dans notre société. Les services funéraires ont pris une place essentielle. Ils assurent l’organisation des obsèques, le transport des corps, l’accompagnement des familles. La crémation se substitue progressivement à l’ensevelissement.

La proposition de loi d’origine sénatoriale que nous examinons aujourd’hui veut prendre en compte ces évolutions. Elle répond par là même à une attente de nos concitoyens.

Je salue l’initiative du Sénat, qui a su porter une proposition de loi approuvée, en première lecture, par l’unanimité de ses membres.

Je me félicite également de l’excellent travail des parlementaires des deux assemblées, ainsi que de la qualité des échanges, tout à fait exemplaires, entre, d’une part, le Sénat et l’Assemblée nationale et, d’autre part, les deux assemblées et le Gouvernement.

Grâce aux efforts de chacun, l’esprit de consensus a prévalu sur les clivages partisans. Sur un sujet comme celui-ci, c’est tout à fait essentiel.

Le texte qui vous est soumis doit permettre d’accompagner les évolutions de notre société, tout en réaffirmant un certain nombre de principes juridiques et moraux inscrits au cœur de notre pacte républicain.

Face au développement de la crémation, nous ne pouvons nous contenter d’un vide juridique. Le statut juridique des restes mortels doit être précisé, car le corps humain n’est pas une chose. Dût-il n’en rester que des cendres, il doit faire l’objet de respect. C’est non seulement une exigence morale, mais aussi une réalité juridique, comme le réaffirme la proposition de loi.

Les urnes cinéraires doivent demeurer inviolables, au même titre que les sépultures. Profaner une urne cinéraire, profaner un cimetière sont deux actes également choquants, également condamnables. Dans les circonstances actuelles, cette affirmation est d’autant plus importante.

Accompagner les pratiques funéraires implique aussi de favoriser le développement des équipements nécessaires.

La création des crématoriums, qui relève – c’est tout à fait normal – de la libre administration des collectivités territoriales, ne correspond pas toujours à la cartographie des besoins. Nous devons à la fois préserver la liberté des collectivités, à laquelle, vous le savez, je suis très attachée, et entendre les Français.

L’obligation pour certaines communes et établissements publics de coopération intercommunale de créer un site cinéraire s’inscrit dans cette double exigence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons adapter notre législation aux évolutions de la société, tout en restant fidèles à certains principes fondamentaux. Le respect de la volonté des défunts et la liberté des funérailles sont au cœur de notre droit funéraire.

Il est d’abord nécessaire de donner aux maires tous les moyens de respecter la volonté du défunt, en autorisant les magistrats municipaux à faire procéder à la crémation du corps si le défunt en a clairement exprimé la volonté.

La décision prise par le maire de procéder à la crémation d’un défunt à la suite d’une reprise de sépulture, dite « crémation administrative », doit être strictement encadrée. Dans un domaine aussi sensible, le silence ne saurait valoir acquiescement.

Il est légitime de restreindre la crémation administrative aux seuls cas d’absence d’opposition connue ou attestée du défunt à la crémation, comme le prévoit le texte.

Le caractère public des cimetières et des sites funéraires, reconnu par la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, constitue un autre principe fondamental. La neutralité des cimetières est la condition même du respect de la pluralité des confessions, des origines et des appartenances sociales.

Les cimetières appartiennent au domaine public de la commune. Ils sont directement gérés par la commune ou par un établissement public de coopération intercommunale. Ils doivent le rester, malgré la tendance contemporaine à la privatisation de la mort.

Ce qui est vrai pour les cimetières l’est également pour les sites cinéraires. La délégation de la création et de la gestion de ces sites n’est acceptable que si elle demeure l’exception.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne voudrais pas intervenir trop longuement, surtout en deuxième lecture. Pour conclure, je dirai qu’aider nos concitoyens à mieux faire face à l’épreuve du deuil nous conduit à reconnaître et à mieux encadrer les nouvelles pratiques funéraires.

Il nous appartient aussi de donner à nos concitoyens des repères, en réaffirmant dans la loi nos principes et nos valeurs, dans une société qui tend parfois à les dissoudre. Or, de ce point de vue, la proposition de loi que nous examinons est parfaitement équilibrée.

C’est ainsi que nous saurons concilier le respect des morts et la protection des vivants. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».

En octobre 2005, le président de la commission des lois du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, confiait à M. Jean-Pierre Sueur et à moi-même une mission d’information sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire.

Au terme de plus de quarante auditions, nous présentions notre rapport d’information le 31 mai 2006 et formulions notamment vingt-sept recommandations, destinées à améliorer les conditions d’exercice de la profession d’opérateur funéraire, à sécuriser et à simplifier les démarches des familles, à donner un statut aux cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation et à prévoir leur destination, enfin à faire évoluer la conception et la gestion des cimetières.

Une proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Pierre Sueur, traduction législative des recommandations de la mission d’information, était adoptée à l’unanimité par le Sénat en première lecture le 22 juin 2006, voilà donc deux ans et demi.

Le 30 janvier dernier, cette proposition de loi était enfin inscrite à l’ordre du jour de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Il faudra cependant attendre le 20 novembre pour qu’elle soit votée à l’unanimité en séance publique par nos collègues députés.

Cette double unanimité, sur des questions particulièrement sensibles, méritait, je crois, d’être relevée et saluée.

Tentons d’oublier ce délai de vingt-neuf mois qui a séparé l’adoption de cette proposition de loi par le Sénat et son examen par l’Assemblée nationale, délai qui pourrait apparaître comme le signe d’un blocage de la navette parlementaire et comme un motif d’inquiétude pour l’avenir de la récente révision constitutionnelle destinée à revaloriser le rôle du Parlement.

Nous ne pouvons que nous féliciter du partenariat exemplaire qui s’est instauré avec le Gouvernement et nos collègues députés, notamment Philippe Gosselin, rapporteur du texte, et Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois.

Notre parfaite entente, après que les uns et les autres ont accepté quelques nécessaires concessions, devrait nous permettre d’adopter définitivement dès ce soir cette proposition de loi, qui marquera un progrès considérable de notre législation funéraire.

Mes chers collègues, je vous propose d’examiner rapidement les modifications introduites par l’Assemblée nationale sur chacun des chapitres qui structurent la proposition de loi. Je commencerai par le renforcement des conditions d’exercice de la profession d’opérateur funéraire.

L’Assemblée nationale a supprimé l’article 1er, qui prévoyait la création auprès des préfets d’une commission départementale des opérations funéraires. M. Philippe Gosselin a fait valoir que la création de cette commission irait à l’encontre de l’objectif de simplification des démarches administratives et présenterait le double inconvénient d’alourdir les procédures et de nuire éventuellement à l’objectivité des décisions, notamment en raison de la présence de deux opérateurs funéraires.

En fait, notre souci portait essentiellement sur la nécessité d’accroître la vigilance des préfectures lors de l’examen des demandes d’habilitation, ainsi qu’à l’égard des opérateurs funéraires ne respectant pas la réglementation. Le Gouvernement nous assure qu’il y veillera ; des progrès sensibles ont d’ailleurs déjà été accomplis en ce sens.

L’article 2 tendait à dispenser de l’obligation de suivre une formation professionnelle le dirigeant d’un opérateur funéraire assurant ses fonctions sans être en contact direct avec les familles et sans participer personnellement à la conclusion ou à l’exécution d’une prestation funéraire. L’Assemblée nationale a limité le bénéfice de cette dispense aux dirigeants des régies simples, c'est-à-dire aux maires et aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale.

Sur l’article 3, qui prévoyait la création d’un diplôme national pour les agents des opérateurs funéraires, l’Assemblée nationale a précisé les métiers pour lesquels un tel diplôme serait exigé. Les porteurs et les fossoyeurs ne devraient pas être concernés.

Venons-en à la simplification et à la sécurisation des démarches des familles. L’Assemblée nationale a modifié les dispositions relatives aux devis-type, qui, selon la rédaction adoptée par le Sénat, devaient s’imposer aux opérateurs funéraires dans les communes d’au moins 10 000 habitants et rester facultatifs dans les autres communes.

L’Assemblée nationale a confié au ministre chargé des collectivités territoriales, plutôt qu’aux conseils municipaux, l’élaboration de ces modèles de devis, qui feront l’objet d’un arrêté. Elle a laissé le soin au maire de chaque commune, quel que soit le nombre de ses habitants, de définir les modalités de consultation des devis élaborés par les opérateurs funéraires, conformément aux différents modèles.

L’Assemblée nationale a par ailleurs inséré deux articles additionnels relatifs aux contrats de prévoyance obsèques. L’un dispose que le capital versé par le souscripteur d’un contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance produit intérêt à un taux au moins égal au taux légal. L’autre prévoit la création d’un fichier national destiné à centraliser les contrats d’assurance obsèques souscrits par les particuliers auprès d’un établissement d’assurance.

Selon une étude récente réalisée par l’UFC-Que Choisir, près de deux millions de contrats d’assurance obsèques avaient été souscrits à la fin de l’année 2007. Les sommes en jeu sont donc considérables, et le nombre de contrats non réclamés n’est pas connu.

Le troisième point, sans doute le plus important, concerne le statut et la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation. L’Assemblée nationale a adopté sans modification l’article 9, qui énonce une obligation de respect, de dignité et de décence à l’égard des restes des personnes décédées, y compris après une crémation.

Alors que le Sénat prévoyait l’obligation, pour les communes de 10 000 habitants et plus et pour les EPCI de même importance compétents en matière de cimetières, de créer un site cinéraire, l’Assemblée nationale a étendu cette obligation aux communes de 2 000 habitants et plus.

L’article 14 de la proposition de loi, relatif à la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation et qui tend à interdire aussi bien leur partage que leur appropriation privative, n’a fait l’objet que de quelques modifications de détail : la durée de la période transitoire, pendant laquelle l’urne cinéraire peut être conservée au crématorium, passe de six mois à un an ; le dépôt temporaire peut également être autorisé dans un lieu de culte ; enfin, les informations relatives à la destination des cendres du défunt seront, à l’instar de l’état civil, conservées à la mairie de la commune de naissance et non à la mairie du lieu de décès.

L’article 16, qui prévoyait l’élaboration d’un schéma régional des crématoriums, a été supprimé, l'Assemblée nationale estimant préférable de demander aux préfets, par votre intermédiaire, madame la ministre, et par voie de circulaire, de mener des enquêtes plus approfondies pour contrôler l’opportunité de la création d’un nouvel équipement.

Le dernier aspect de la proposition de loi est relatif à la conception et à la gestion des cimetières. Son article 17 tendait à permettre aux maires, sur délibération du conseil municipal, et après avis du conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement, le CAUE, de prendre toute disposition de nature à assurer la mise en valeur architecturale et paysagère du cimetière. L’Assemblée nationale a limité leur pouvoir à la fixation des dimensions maximales des monuments érigés sur les fosses, tout en supprimant l’exigence d’une délibération du conseil municipal et d’un avis du CAUE.

L’article 18 tendait à permettre aux maires de faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt, et prévoyait que les restes des personnes ayant manifesté leur opposition à la crémation fussent distingués au sein de l’ossuaire. L’Assemblée nationale y a ajouté la notion d’opposition présumée du défunt, allant tout à fait dans le sens de la volonté de notre assemblée, et même au-delà.

En outre, les députés ont inséré un nouvel article ayant pour objet de créer une police spéciale des monuments funéraires menaçant ruine.

Enfin, l'Assemblée nationale a complété l’article 22, ayant notamment trait à la ratification de l’ordonnance du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires, pour permettre la reprise en gestion déléguée des sites cinéraires privés créés avant le 31 juillet 2005, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, afin d’assurer la pérennité de ces sites. Votre rapporteur n’en a recensé qu’un, « les Arbres de mémoire », près d’Angers.

Il me semble néanmoins que la législation funéraire demeure perfectible sur bien des points.

En premier lieu, le développement rapide des contrats en prévision d’obsèques, dans un cadre qui demeure encore assez lâche malgré la loi relative à la simplification du droit et les amendements adoptés par l'Assemblée nationale, appellera sans doute de nouvelles interventions législatives, à la fois pour améliorer encore les garanties offertes aux souscripteurs de tels contrats et pour éviter une concentration du secteur funéraire au détriment des opérateurs locaux sans lien avec les banques et les sociétés d’assurance, et donc au détriment de la concurrence.

En deuxième lieu, votre rapporteur considère qu’il faudra bien, lorsque les circonstances seront plus faciles, prévoir que toutes les prestations relevant des services extérieurs des pompes funèbres soient soumises au taux réduit de TVA, à la condition que les opérateurs s’engagent à répercuter l’intégralité des sommes concernées sur le prix des obsèques supporté par les familles.

En troisième lieu, les conditions de prise en charge de la mort périnatale pourraient sans doute être davantage humanisées. Comme l’avait souhaité la mission d’information de la commission des lois sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire, et à la suite des arrêts de la Cour de cassation de février 2008, des décrets et des arrêtés sont venus fixer, à la place des circulaires antérieures, les règles relatives à l’enregistrement à l’état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés avant la déclaration de naissance. Mais l’on peut se demander – le Médiateur de la République, notre ancien collègue M. Jean-Paul Delevoye, a d’ailleurs fait plusieurs propositions de réforme en la matière – s’il n’appartiendrait pas au législateur de se prononcer sur ces questions en conférant une base juridique indiscutable aux critères de viabilité.

Enfin, l’incertitude juridique dans laquelle se trouvent encore, dans une certaine mesure, les carrés confessionnels des cimetières ne saurait être ignorée.

Votre rapporteur estime que la réflexion sur ce sujet doit se poursuivre afin que cesse l’expatriation d’environ 80 % des corps des personnes de confession musulmane décédées dans notre pays, dont un nombre croissant a pourtant la nationalité française.

Je rappellerai avec émotion, à ce sujet, les propos de notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt, dont chacun connaissait l’attachement au principe de laïcité : il avait souligné, lors de l’examen du rapport de la mission d’information précitée, que la tolérance était consubstantielle à la laïcité et impliquait non pas de s’opposer à la pratique des carrés confessionnels mais, au contraire, de la développer.

Mais à chaque jour suffit sa peine, mes chers collègues ! Les travaux de l’Assemblée nationale ayant permis, notamment grâce à la forte implication du rapporteur M. Philippe Gosselin, d’améliorer le texte du Sénat en en respectant totalement l’esprit, la commission des lois vous propose d’adopter cette proposition de loi sans modification. Ce texte permettra de contribuer à assurer la sérénité des vivants par le respect des défunts, comme l’avait souhaité Jean-Pierre Sueur, l’auteur de cette proposition de loi, avec lequel j’ai été très heureux de travailler. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à adopter de façon conforme la présente proposition de loi qui modifie la législation funéraire.

Ce texte correspond à l’évolution des pratiques funéraires que nous avons tous constatée depuis plusieurs dizaines d’années maintenant : le choix de la crémation est, de fait, passé de 0,4 % en 1975 à près de 28 % aujourd’hui.

Vouloir adapter notre législation funéraire à cette évolution, permettre aux personnes de créer les conditions d’un choix entre inhumation et crémation, veiller au respect des cendres des personnes décédées et faciliter l’accès des familles à ce service public était donc souhaitable.

Cette proposition de loi, examinée en première lecture au Sénat en juin 2006, aura attendu deux ans et demi sa discussion à l'Assemblée nationale.

Hasard du calendrier ou non, ce laps de temps a permis à plusieurs associations de défense des consommateurs de réaliser des enquêtes sur les pompes funèbres et les contrats d’assurance obsèques.

Or, le constat est malheureusement accablant : l’enquête réalisée cette année par l’UFC-Que Choisir dans plus de quatre-vingts départements révèle qu’« il est impossible de comparer les services fournis par les entreprises de pompes funèbres tant les pratiques abusives sont nombreuses et indécelables pour les familles endeuillées ». L’UFC-Que Choisir révèle également que « les opérateurs funéraires refusent d’établir un devis conforme à la loi dans un cas sur trois » et que « les prestations proposées manquent de précisions […], ce qui permet des écarts de prix allant jusqu’à 1 100 % pour des honoraires de représentation ».

L’incidence de telles pratiques sur les familles est donc plus qu’alarmante. C’est pourquoi la question de la qualification professionnelle des opérateurs funéraires et de la formation professionnelle des agents et dirigeants d’opérateurs funéraires est cruciale.

La création d’un diplôme national pour les agents des opérateurs funéraires est évidemment un élément positif.

Nous saluons la décision de l’Assemblée nationale de limiter l’exemption de formation aux seuls cas de régies simples, en prévoyant que seuls les personnels de la régie seront astreints au suivi d’une formation.

L’exemption de formation professionnelle pour tous les dirigeants d’opérateurs funéraires ne paraissait vraiment pas opportune, et semble l’être encore moins après analyse des résultats des enquêtes menées par les associations de consommateurs.

S’agissant du coût des obsèques pour les familles, ces mêmes enquêtes ont révélé à quel point il était urgent d’adopter des devis-types. En effet, les familles endeuillées ne sont généralement pas en situation de comparer les différents devis et encore moins de déjouer les pratiques abusives de certains opérateurs funéraires.

L’Assemblée nationale a confié à un arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales, plutôt qu’aux conseillers municipaux comme le prévoyait le Sénat, le soin d’élaborer ces modèles de devis et a laissé au maire de chaque commune, quel que soit le nombre de ses habitants d’ailleurs, le soin de définir les modalités de consultation des devis élaborés par ces opérateurs funéraires conformément aux différents modèles.

Nous nous interrogions en première lecture sur la pertinence de prévoir un tel devis-type au niveau national : si nous reconnaissons l’avancée que représente l’inscription dans la loi de ces devis-types, notre interrogation initiale conserve toutefois sa pertinence aujourd’hui dans la mesure où il faudrait garantir des conditions d’accès équivalentes à tous nos concitoyens, quelle que soit la commune où ils résident.

L’objectif de réduction du coût des obsèques pour les familles reste donc prioritaire : ce coût est aujourd’hui de 4 000 euros environ en moyenne, soit 35 % de plus qu’il y a à peine dix ans.

C’est pourquoi la question d’un abaissement du taux de TVA est toujours d’actualité. La législation fiscale française prévoit un taux de TVA de 19,6 % pour l’ensemble des prestations funéraires, à l’exception des opérations de transport de corps par véhicule avant et après mise en bière, qui relèvent du taux réduit de 5,5 %.

Prévoir la généralisation du taux réduit de TVA à l’ensemble des prestations funéraires permettrait, d’une part, de soulager financièrement les familles et, d’autre part, de ramener le taux français à un niveau proche de celui qui est pratiqué par nos voisins européens.

Ma dernière remarque porte sur la disposition, introduite sur l’initiative du rapporteur de l’Assemblée nationale, visant à permettre le dépôt temporaire de l’urne dans un lieu de culte plutôt qu’au crématorium, dans l’attente de la décision de la famille sur la destination des cendres. Je précise – il faut peut-être le dire clairement – que le principe reste le dépôt de l’urne au crématorium en attendant la décision de la famille, et que le dépôt dans un lieu de culte ne constitue qu’une possibilité laissée à la famille. Cette possibilité n’était pas prévue initialement et n’a d’ailleurs, me semble-t-il, jamais été envisagée par notre collègue Jean-Pierre Sueur. Nous avons donc été quelque peu étonnés de l’insertion de cette disposition.

Conscients néanmoins de l’importance que constitue cette proposition de loi afin de faire évoluer la législation funéraire dans le sens d’une meilleure prise en compte de pratiques funéraires qui ont profondément évolué ces dernières années, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la législation funéraire est source de satisfaction, non pas, bien entendu, en raison de son sujet, qui nous rappelle l’inéluctable échéance à laquelle nous sommes tous condamnés, mais par le consensus général qui a présidé à son élaboration, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

Je n’en veux pour preuve que ce rapport portant le numéro 372, cosigné par nos deux excellents collègues MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf, intitulé Sérénité des vivants et respect des défunts, et adopté par le Sénat voilà maintenant deux ans et demi.

L’évolution de nos mœurs sociétales au regard de la mort imposait que le dispositif législatif funéraire fût rapidement révisé pour s’inscrire dans une nouvelle éthique, savant équilibre entre des conceptions laïques et des conceptions religieuses, les unes et les autres éminemment respectables.

Pour avoir, à plusieurs reprises, travaillé sur ce sujet, pour avoir été interpellée par des élus confrontés au problème de la crémation et de la destination des cendres, je mesure l’excellence du texte qui nous est proposé.

En délicatesse, en finesse, il apporte des apaisements dans un domaine qui exige tact et sensibilité. La mort, en effet, ne saurait s’assimiler à un produit ou à un objet, et le deuil est sans doute ce qu’il y a de plus personnel et de plus intime chez l’homme.

Dès lors, ce texte est le bienvenu : d’un côté, il clarifie et moralise les pratiques commerciales liées à la mort et, de l’autre, il s’adapte à une pratique, la crémation, jadis marginale mais aujourd’hui en si forte progression qu’elle a tendance à devenir majoritaire. S’il s’adresse en tout premier lieu à l’ensemble de nos compatriotes, il intéresse aussi, au premier chef, les maires de nos communes, garants de la bonne application de la législation funéraire.

Je voudrais donc saluer un texte équilibré, concret, qui a veillé à respecter autant que possible tant la volonté des familles que celle du défunt lorsqu’elle a été exprimée, et à ne pas alourdir inutilement des procédures déjà complexes par elles-mêmes. C’est ainsi que n’a pas été retenue – je crois savoir que M. le rapporteur en a été quelque peu chagriné – l’instauration d’une commission départementale chargée de contrôler les habilitations des opérateurs funéraires. Ce contrôle sera finalement opéré par les services de la préfecture qui s’attacheront, j’en suis persuadé, à prendre tous les avis nécessaires.

La mise en place d’un schéma régional des crématoriums n’a pas non plus paru nécessaire, celui-ci devant être, de fait, intégré dans un schéma plus global des services existant au niveau régional.

En revanche, des précisions fort opportunes ont été apportées s’agissant de la mise en valeur architecturale et paysagère des cimetières ou des sites cinéraires pour en faire des espaces de paix et des lieux de mémoire.

On observe trop souvent des sépultures abandonnées ou en partie effondrées pour ne pas se féliciter des nouvelles dispositions prévues à l’article 19 bis, qui donnent au maire des moyens juridiques pour intervenir et faire réparer les monuments endommagés.

D’aucuns, bien sûr, n’ont pas manqué de faire observer que tous les sujets n’ont pas été abordés. M. le rapporteur lui-même a ouvert des pistes de réflexion complémentaires concernant, par exemple, l’application du taux réduit de TVA à toutes les prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres ou bien la création de carrés confessionnels dans les cimetières.

Pour ma part, je crois raisonnable, dans un premier temps, de s’en tenir à un texte qui fait consensus – le cas est suffisamment rare pour être signalé – et de se réserver pour une seconde étape de réflexion.

En attendant, consciente que cette proposition de loi s’inscrit dans une tradition éthique en tout point respectueuse de l’humanisme républicain, je la voterai, comme d’ailleurs l’ensemble du groupe RDSE. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce fut un long chemin !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Je me revois, en 1992, alors secrétaire d’État aux collectivités locales, défendant devant le Sénat et l’Assemblée nationale ce qui allait devenir la loi du 8 janvier 1993 modifiant le titre VI du livre III du code des communes et relative à la législation dans le domaine funéraire, qui a mis fin au monopole des pompes funèbres. Ce monopole faussé cohabitait avec une concurrence biaisée, pour le plus grand dommage des familles de ce pays.

Je me revois déclarant que notre seule préoccupation devait être celle des familles éprouvées et, par conséquent, vulnérables.

Avec le temps, il est apparu que cette loi ne répondait pas à un certain nombre de problèmes nouveaux et que la question du prix des obsèques restait lancinante.

Élu sénateur, j’ai rédigé deux propositions de loi et ai proposé au Sénat, qui a bien voulu les adopter, deux articles relatifs aux contrats d’assurance obsèques dans la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit. Mais nous n’avons pas réussi à faire inscrire à l’ordre du jour ces propositions de loi. Aussi, je tiens à rendre hommage au président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, qui, estimant qu’on ne pouvait se désintéresser de ce sujet si important, a décidé, au nom de la commission des lois, de confier à Jean-René Lecerf et à moi-même une mission d’information en vue de reprendre le dossier dans son ensemble.

Je rends aussi hommage à Jean-René Lecerf, car, au-delà de nos sensibilités, nous avons travaillé de manière positive et confiante sur ce sujet qui concerne chaque être humain. Notre collaboration a conduit à la rédaction d’un rapport, suivi peu de temps après par le dépôt de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en seconde lecture et dont Jean-René Lecerf est le rapporteur.

Notre travail a été efficace, puisqu’un large accord s’est dessiné autour de ce texte au sein de notre assemblée.

Ensuite, madame la ministre, nous avons attendu. Je suis intervenu à vingt reprises auprès de vos prédécesseurs au ministère de l’intérieur ou auprès de vous-même, auprès de M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, auprès des ministres successifs chargés des collectivités locales ou auprès du Premier ministre. Alors qu’il est question de moderniser nos institutions, il serait logique qu’une proposition de loi, adoptée à l’unanimité en première lecture par l’assemblée sur le bureau duquel elle a été déposée, qui traite d’un sujet qui concerne toutes les familles, soit examinée dans des délais raisonnables par la seconde chambre. Or il aura fallu deux années et cinq mois pour que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale !

Je tiens à mon tour à rendre hommage à Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, et à Philippe Gosselin, son rapporteur, avec qui nous avons eu deux longues séances de travail, la dernière en présence et avec le concours des représentants du ministère de l’intérieur. Celles-ci se sont déroulées dans un bon climat et nous ont véritablement permis de progresser.

Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, nous pourrions nous inspirer de cette manière de travailler au Parlement dans un certain nombre d’autres domaines, en confrontant les points de vue des uns et des autres sans remettre en cause la spécificité de chacun.

J’en viens à présent aux différents points de la proposition de loi.

Premièrement, les devis-types sont nécessaires pour protéger les familles, ce qui est notre principale préoccupation, et pour maîtriser et rendre le coût des obsèques plus transparent. La loi de 1993 permettait de tels devis-types, mais, comme leur caractère obligatoire n’était pas suffisamment explicite, il s’est trouvé d’excellents esprits du côté de Bercy pour nous dire qu’ils étaient incompatibles avec je ne sais plus quelle règle.

Pourquoi les devis-types sont-ils indispensables ? Chacun comprend bien que la disparition d’un être cher affecte celui qu’elle touche. En ces moments, nul n’a ni le goût, ni l’envie, ni la possibilité de demander un devis de trente pages écrites en petits caractères aux cinq à dix entreprises habilitées dans sa commune de résidence pour ensuite les comparer. C’est le seul cas où il faut que la puissance publique, en l’espèce le ministère de l’intérieur, établisse, en lien avec les professionnels, des modèles-types de devis auxquels les entreprises devront se conformer. Il y aura plusieurs modèles de devis correspondant à différents types d’obsèques, rassemblant, chacun, des prestations précises et définies. C’est ce que j’ai fait dans une ville qui m’est chère, et cela s’est bien passé. Le Conseil national des opérations funéraires est tout désigné pour travailler avec les représentants du ministère sur ce sujet.

Pour autant, les entreprises pourront continuer à établir des devis pour d’autres prestations. En revanche, en tout point du territoire, elles devront s’engager chaque année à fournir l’ensemble des prestations mentionnées dans les devis-types pour un prix déterminé à l’avance.

Conformément à l’accord que nous avons passé avec l’Assemblée nationale et, comme l’a rappelé Jean-René Lecerf, à ce que souhaitait l’Association des maires de France, il n’appartiendra pas aux communes d’élaborer ces devis-types ; elles décideront simplement des modalités selon lesquelles toute famille et tout citoyen pourront y avoir accès, que ce soit en mairie, sur le site Internet de la commune, ou d’une autre manière.

Je le répète, les devis-types sont essentiels pour rendre les prix plus transparents et, partant, pour mieux les maîtriser.

Deuxièmement, je n’y insiste pas, nous avons proposé en première lecture de simplifier les formalités administratives, qui peuvent s’élever actuellement au nombre de cinq, coûteuses et souvent inutiles, voire inefficaces, et de les remplacer par un unique contrôle avant la fermeture du cercueil. Nos collègues députés ont souhaité que le prix de cette prestation soit fixé par la loi, à savoir entre 20 et 25 euros. Désormais, il sera impossible de facturer des formalités qui n’existeront plus.

Troisièmement, s’agissant de la question des contrats obsèques, je rends hommage à l’Assemblée nationale, qui a pris en compte un certain nombre de propositions fort pertinentes de l’UFC-Que Choisir, en particulier quant à la réévaluation du capital versé par le souscripteur d’un contrat d’assurance obsèques. Compte tenu de l’inflation, il arrivera forcément que, en l’absence de réévaluation au taux légal, la somme qui a été établie la première fois ne corresponde plus du tout au montant de l’année où les obsèques auront lieu. Il faudra veiller à la bonne mise en œuvre de ce dispositif. Je sais que M. Hyest y est sensible.

De même, la création d’un fichier national destiné à centraliser les contrats d’assurance obsèques souscrits par les particuliers auprès d’un établissement d’assurance – c’était une autre proposition de l’UFC-Que Choisir – permettra d’éviter que ces contrats ne restent en déshérence, ce qui arrive parfois.

Sur le fond, nous n’en avons pas terminé avec les contrats d’assurance obsèques, car la loi de 2004 n’est pas bien appliquée en raison d’une fréquente confusion entre l’assurance vie et les contrats en prévision d’obsèques. Les formules packagées, encore trop nombreuses, ne permettent pas de définir les prestations lors de la signature d’un contrat obsèques. Or la loi de 2004 dispose que, si ces prestations ne sont pas définies, le contrat n’a aucune consistance. Par conséquent, les professionnels du funéraire demandent que l’on distingue bien les choses et qu’un contrat en prévision d’obsèques soit non pas l’une des modalités de l’assurance vie, mais un produit spécifique.

Enfin, toujours dans l’intérêt des consommateurs et des familles, nous avons inscrit des dispositions visant à restreindre le démarchage. C’est très important.

M. Lecerf et Mme Mathon-Poinat ont parlé de la TVA. Ce problème est pendant, madame la ministre. Il est difficilement compréhensible que le taux le plus élevé s’applique à des prestations qui sont réalisées au moment où les familles sont si éprouvées. Aux nombreux amendements qui ont déjà été déposés sur ce sujet, le ministère des finances répond rituellement que cette mesure coûterait 145 millions d’euros. Je n’évoquerai pas une autre baisse du taux de TVA dont on parle beaucoup et dont le coût est sans commune mesure…

Toujours est-il que j’espère que nous parviendrons un jour à étendre, au-delà des seuls transports de corps, le taux de TVA à 5,5 %.

Je ferai quelques remarques sur les entreprises, avant d’en venir à la crémation.

Nous avions dispensé les chefs d’entreprise de l’obligation de passer un diplôme national, afin de prendre en compte la situation des régies de gestion des chambres mortuaires dans les communes rurales. Dans de tels cas, le pauvre adjoint chargé de présider le syndicat intercommunal chargé de gérer une chambre mortuaire devait suivre une formation funéraire. C’était excessif. L’Assemblée nationale a trouvé un bon compromis, et nous ne pouvons que l’en remercier.

S’agissant des habilitations, la commission dont nous avons proposé la constitution a suscité un certain nombre de réticences. J’accepte de les prendre en compte, madame la ministre, mais je souhaiterais que cette question soit traitée avec une plus grande rigueur. Aujourd’hui, les habilitations sont délivrées très facilement ; cinq papiers y suffisent ! À plusieurs reprises, j’ai écrit à des préfets, sans résultat, pour leur signaler des dysfonctionnements lourds, des atteintes à la dignité, des violations de la loi. S’agissant d’un métier, d’une profession, d’une activité qui nécessite dignité, décence et compréhension à l’égard des familles, l’habilitation ne peut pas être un acte purement formel.

Madame la ministre, en l’absence d’une telle commission, nous souhaitons que vous adressiez aux préfets une circulaire précisant les conditions de la délivrance, de la suspension et du retrait de l’habilitation, de manière que la loi soit respectée dans sa lettre et dans son esprit.

Nous regrettons que la création d’un schéma régional des crématoriums n’ait pas été retenue. Si, dans certains secteurs, les crématoriums sont très proches, dans d’autres, il faut parfois parcourir quatre-vingts ou cent kilomètres pour trouver un tel établissement.

Le schéma régional aurait permis d’appréhender les différentes situations, mais j’admets que cela peut être fait d’une autre manière.

J’en viens à la question importante de la crémation. Cette dernière s’est beaucoup développée depuis quelques années. Marginale en 1993, elle représente aujourd’hui un tiers des obsèques, et sans doute davantage si l’on prend en compte les contrats en prévision d’obsèques.

L’Assemblée nationale a décidé qu’un site cinéraire, avec un jardin du souvenir, un columbarium ou des cavurnes, devra être aménagé dans les cimetières publics des villes de 2 000 habitants et plus – nous avions retenu le seuil de 10 000 habitants et plus –, en prévoyant toutefois un délai de réalisation plus long que celui que nous avions envisagé. C’est un progrès, car nombre de nos concitoyens sont concernés.

En ce qui concerne le devenir des cendres, l’article 9 est essentiel. En fait, tout découle de cet article.

Désormais, et c’est un point très important, on affirme dans la loi que les restes humains, donc les cendres après crémation, « doivent être traités avec respect, dignité et décence ».

Nous avons élaboré la présente proposition de loi en nous référant à la loi de 1887, que vous avez évoquée, madame la ministre, et à la conception républicaine du cimetière communal, public et laïc. Toutes les dispositions de la proposition de loi découlent de cette philosophie.

Ainsi, les sites cinéraires privés sont interdits. L’un de vos collègues, M. Hortefeux, avait publié une ordonnance sur ce sujet avant d’accepter, en première lecture, de supprimer les dispositions autorisant les sites cinéraires privés. Cela aurait ouvert la voie à la création de cimetières privés, qui sont contraires à notre philosophie.

La proposition de loi prévoit que les urnes peuvent avoir quatre destinations.

Elles peuvent être déposées dans un caveau, dans un columbarium – il faudra veiller à leur qualité esthétique – ou un cavurne.

En cas de dispersion, les cendres peuvent être répandues soit dans un jardin du souvenir, avec mention de l’identité de la personne, car il faut garder sa mémoire, soit en pleine nature, si le défunt avait émis ce souhait. Il sera alors obligatoire – c’est une disposition nouvelle – de faire une déclaration à la mairie du lieu de naissance de la personne, afin qu’une trace soit conservée pour les générations à venir. Dans toutes les civilisations, en effet, on s’est toujours attaché à garder la mémoire, la trace d’une personne, à respecter les restes humains.

J’en viens à l’appropriation privée des cendres.

Madame Mathon-Poinat, je partage votre réaction sur l’ajout qui a été fait par l’Assemblée nationale à l’article 14.

Pourquoi, nous demande-t-on, ne pas autoriser des personnes à garder les cendres d’un défunt à leur domicile ou dans un lieu privé ? Il y a plusieurs raisons.

Tout d’abord, on ne peut pas être inhumé dans son jardin, chacun le sait.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a des exceptions !

M. Jean-Pierre Sueur. Certes… En tout cas, personne n’a jamais considéré qu’il s’agissait là d’une atteinte à la liberté. Le deuil est séparation, et cette dernière justifie l’existence des cimetières tels que nous les connaissons dans notre pays.

Ensuite, et c’est un argument essentiel, il faut tenir compte du statut des cendres. Les cendres ne sont ni une personne ni une chose. On ne peut pas en hériter, comme on hérite d’un meuble ou d’un objet.

Par définition, toute personne est mortelle. Si l’on décide qu’une personne privée peut être dépositaire de l’urne, on risque, au fil des générations, de voir se créer des champs d’urnes privatifs familiaux. Si l’on accepte cela, on remet en cause la notion du cimetière public, laïc et républicain. Il y a antinomie entre la privatisation des cendres et notre conception républicaine du cimetière et du site cinéraire public.

Enfin – c’est le dernier argument –, chaque citoyen ou citoyenne doit avoir la possibilité d’aller faire son deuil, de se recueillir devant les restes d’une personne. Chacune et chacun d’entre nous peut, demain, se rendre sur une tombe du cimetière du Montparnasse, du cimetière du Père Lachaise ou de n’importe quel cimetière de France. Certes, et vous y avez fait allusion, madame la ministre, des profanations peuvent être perpétrées. Certaines ont encore eu lieu récemment. De tels actes nous inspirent à tous une profonde horreur. Néanmoins, c’est un droit de tous de pouvoir aller se recueillir.

Autoriser un particulier à détenir une urne peut également être une source de conflits familiaux ou de personnes. Des professeurs de droit ont d’ailleurs écrit des ouvrages et des articles importants sur ces sujets.

Il n’est pas rare qu’une personne soit aimée de plusieurs autres. Mais si l’une d’entre elles s’approprie l’urne contenant les cendres du défunt, les autres sont privées de la faculté de se recueillir devant les restes de l’être disparu auquel elles étaient attachées.

Le cimetière public donne la garantie que tout être humain pourra se recueillir, faire son deuil. Il assure également l’égalité devant la mort, car y reposent toutes celles et tous ceux qui ont vécu leur vie dans notre République. C’est un point très important.

M. Jean-René Lecerf a évoqué à juste raison les carrés confessionnels, sur lesquels nous devons continuer à réfléchir.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie de l’intérêt que vous avez porté à ce texte, qui comble un vide de notre législation.

Ce texte contribuera à la transparence. Les professionnels, comme chacun de nous, y ont tout intérêt. Nombre d’entre eux en effet, et j’en connais beaucoup, font leur travail avec cœur et montrent de grandes qualités.

Les dispositions que nous allons adopter ce soir s’appliqueront à toutes les familles de ce pays qui ont besoin d’être protégées, aidées par la puissance publique au moment où elles vivent un moment douloureux. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l’article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

CHAPITRE IER

Du renforcement des conditions d'exercice de la profession d'opérateur funéraire

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la législation funéraire
Article 2

Article 1er

M. le président. L’article 1er a été supprimé par l’Assemblée nationale.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la législation funéraire
Article 3

Article 2

Le 2° de l'article L. 2223-23 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« 2° De conditions minimales de capacité professionnelle du dirigeant et des agents. Dans le cas d'une régie non dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière, seuls les personnels de la régie doivent justifier de cette capacité professionnelle ; ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 5

Article 3

Après l'article L. 2223-25 du même code, il est inséré un article L. 2223-25-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-25-1. - Les agents qui assurent leurs fonctions en contact direct avec les familles ou qui participent personnellement à la conclusion ou à l'exécution de l'une des prestations funéraires prévues par les 2°, 3°, 6° et 8° de l'article L. 2223-19 sont titulaires d'un diplôme national, sans préjudice des dispositions de l'article L. 2223-45.

« Un décret fixe les conditions dans lesquelles ces diplômes sont délivrés, les conditions dans lesquelles les organismes de formation sont habilités à assurer la préparation à l'obtention de ces diplômes ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes se prévalant d'une expérience professionnelle peuvent se voir délivrer ce diplôme dans le cadre de la procédure de validation des acquis de l'expérience. »  – (Adopté.)

CHAPITRE II

De la simplification et de la sécurisationdes démarches des familles

Article 3
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Article 6

Article 5

La première phrase du premier alinéa de l'article L. 2213-15 du même code est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« Les opérations de surveillance mentionnées à l'article L. 2213-14 donnent seules droit à des vacations dont le montant, fixé par le maire après avis du conseil municipal, est compris entre 20 € et 25 €. Ce montant peut être actualisé par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales en fonction de l'indice du coût de la vie de l'Institut national de la statistique et des études économiques. Ces vacations sont versées à la recette municipale. »  – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

Après l'article L. 2223-21 du même code, il est inséré un article L. 2223-21-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-21-1. - Les devis fournis par les régies et les entreprises ou associations habilitées doivent être conformes à des modèles de devis établis par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales.

« Ces devis peuvent être consultés selon des modalités définies, dans chaque commune, par le maire. »  – (Adopté.)

Article 6
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Article 7 bis

Article 7

La première phrase de l'article L. 2223-33 du même code est ainsi rédigée :

« À l'exception des formules de financement d'obsèques, sont interdites les offres de services faites en prévision d'obsèques ou pendant un délai de deux mois à compter du décès, en vue d'obtenir ou de faire obtenir, soit directement, soit à titre d'intermédiaire, la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès. »

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Leroy, César, Grignon et Richert et Mme Sittler, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

deux mois

par les mots :

un mois

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 7 ter

Article 7 bis

L'article L. 2223-34-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le capital versé par le souscripteur d'un contrat prévoyant des prestations d'obsèques à l'avance produit intérêt à un taux au moins égal au taux légal. »  – (Adopté.)

Article 7 bis
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Article 10

Article 7 ter

Après l'article L. 2223-34-1 du même code, il est inséré un article L. 2223-34-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-34-2. - Il est créé un fichier national destiné à centraliser les contrats d'assurance obsèques souscrits par les particuliers auprès d'un établissement d'assurance.

« Les modalités d'application du présent article, y compris la durée de conservation des informations enregistrées, sont déterminées par décret en Conseil d'État après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »  – (Adopté.)

CHAPITRE III

Du statut et de la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation

Article 7 ter
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Article 12

Article 10

L'article 16-2 du code civil est complété par les mots : «, y compris après la mort ».  – (Adopté.)

Article 10
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Article 13

Article 12

Le premier alinéa de l'article L. 2223-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de cimetières dispose d'au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l'inhumation des morts et, dans les communes de 2 000 habitants et plus ou les établissements publics de coopération intercommunale de 2 000 habitants et plus compétents en matière de cimetières, d'au moins un site cinéraire destiné à l'accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation. »  – (Adopté.)

Article 12
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Article 14

Article 13

L'article L. 2223-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-2. - Le terrain consacré à l'inhumation des morts est cinq fois plus étendu que l'espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés chaque année.

« Le site cinéraire destiné à l'accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation comprend un espace aménagé pour leur dispersion et doté d'un équipement mentionnant l'identité des défunts, ainsi qu'un columbarium ou des espaces concédés pour l'inhumation des urnes. »  – (Adopté.)

Article 13
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Article 15

Article 14

La section 1 du chapitre III du titre II du livre II de la deuxième partie du même code est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Destination des cendres

« Art. L. 2223-18-1. - Après la crémation, les cendres sont pulvérisées et recueillies dans une urne cinéraire munie extérieurement d'une plaque portant l'identité du défunt et le nom du crématorium.

« Dans l'attente d'une décision relative à la destination des cendres, l'urne cinéraire est conservée au crématorium pendant une période qui ne peut excéder un an. À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, l'urne peut être conservée, dans les mêmes conditions, dans un lieu de culte, avec l'accord de l'association chargée de l'exercice du culte. 

« Au terme de ce délai et en l'absence de décision de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont dispersées dans l'espace aménagé à cet effet du cimetière de la commune du lieu du décès ou dans l'espace le plus proche aménagé à cet effet visé à l'article L. 2223-18-2.

« Art. L. 2223-18-2. - À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité :

« - soit conservées dans l'urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium  ou scellée sur un monument funéraire à l'intérieur d'un cimetière ou d'un site cinéraire visé à l'article L. 2223-40 ;

« - soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d'un cimetière ou d'un site cinéraire visé à l'article L. 2223-40 ;

« - soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques.

« Art. L. 2223-18-3. - En cas de dispersion des cendres en pleine nature, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles en fait la déclaration à la mairie de la commune du lieu de naissance du défunt. L'identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres sont inscrits sur un registre créé à cet effet.

« Art. L. 2223-18-4. - Le fait de créer, de posséder, d'utiliser ou de gérer, à titre onéreux ou gratuit, tout lieu collectif, en dehors d'un cimetière public ou d'un lieu de dépôt ou de sépulture autorisé, destiné au dépôt temporaire ou définitif des urnes ou à la dispersion des cendres, en violation du présent code est puni d'une amende de 15 000 € par infraction.  Ces dispositions ne sont pas applicables aux sites cinéraires créés avant le 31 juillet 2005. »  – (Adopté.)

Article 14
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Article 16

Article 15

L'article L. 2223-40 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-40. - Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale sont seuls compétents pour créer et gérer les crématoriums et les sites cinéraires. Les crématoriums et les sites cinéraires qui leur sont contigus peuvent être gérés directement ou par voie de gestion déléguée. Les sites cinéraires inclus dans le périmètre d'un cimetière ou qui ne sont pas contigus à un crématorium doivent être gérés directement.

« Lorsqu'un site cinéraire contigu d'un crématorium fait l'objet d'une délégation de service public, le terrain sur lequel il est implanté et les équipements qu'il comporte font l'objet d'une clause de retour à la commune ou à l'établissement public de coopération intercommunale au terme de la délégation.

« Toute création ou extension de crématorium ne peut avoir lieu sans l'autorisation du représentant de l'État dans le département, accordée après une enquête publique conduite selon les modalités prévues aux articles L. 123-1 à L. 123-16 du code de l'environnement et un avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques. »  – (Adopté.)

Article 15
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Article 17

Article 16

M. le président. L’article 16 a été supprimé par l’Assemblée nationale.

CHAPITRE IV

De la conception et de la gestion des cimetières

Article 16
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Article 18

Article 17

Après l'article L. 2223-12 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2223-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-12-1. - Le maire peut fixer des dimensions maximales des monuments érigés sur les fosses. »  – (Adopté.)

Article 17
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Article 19 bis

Article 18

L'article L. 2223-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-4. - Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés.

« Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l'absence d'opposition connue, attestée ou présumée du défunt.

« Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l'ossuaire. »  – (Adopté.)

Article 18
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Article 21

Article 19 bis

I. - Après l'article L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 511-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 511-4-1. - Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique.

« Toute personne ayant connaissance de faits révélant l'insécurité d'un monument funéraire est tenue de signaler ces faits au maire, qui peut recourir à la procédure prévue aux alinéas suivants.

« Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret, met les personnes titulaires de la concession en demeure de faire, dans un délai déterminé, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au danger ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les monuments mitoyens.

« L'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est notifié aux personnes titulaires de la concession. À défaut de connaître l'adresse actuelle de ces personnes ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune où est situé le cimetière ainsi que par affichage au cimetière.

« Sur le rapport d'un homme de l'art ou des services techniques compétents, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d'achèvement et prononce la mainlevée de l'arrêté.

« Lorsque l'arrêté n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure les personnes titulaires de la concession d'y procéder dans le délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois.

« À défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande.

« Lorsque la commune se substitue aux personnes titulaires de la concession défaillantes et fait usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais.

« Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu'elle s'est substituée aux personnes titulaires de la concession défaillantes, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. »

II. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au 1° de l'article L. 2212-2, après les mots : « réparation des édifices », sont insérés les mots : « et monuments funéraires » ;

2° L'article L. 2213-24 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2213-24. - Le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments, édifices ou monuments funéraires menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation. » ;

3° La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 2512-13 est supprimée ;

4° Le même article est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Par ailleurs, le maire de Paris assure, dans les conditions définies par le présent code, les mesures de sûreté sur les monuments funéraires exigées en cas de danger grave ou imminent et prescrit, dans les conditions définies par l'article L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation, la réparation ou la démolition des monuments funéraires menaçant ruine.

« Pour l'application des troisième et quatrième alinéas du présent article, le pouvoir de substitution conféré au représentant de l'État dans le département est exercé, à Paris, par le préfet de police. »  – (Adopté.)

CHAPITRE V

Dispositions diverses et transitoires

Article 19 bis
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Article 22

Article 21

Les articles 3 et 12 entrent en vigueur le premier jour de la cinquième année suivant la publication de la présente loi.  – (Adopté.)

Article 21
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 22

I. - L'ordonnance n° 2005-855 du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires est ratifiée.

bis. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le mot : « successeurs », la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2223-13 est supprimée ;

2° Au deuxième alinéa du même article, les mots : « ou la dispersion des cendres » sont supprimés ;

3° Au 4° de l'article L. 2223-18, les mots : « ou la dispersion des cendres » sont supprimés ;

4° Le du 5° de l'article L. 5215-20 est ainsi rédigé :

« b) Création, extension et translation des cimetières, ainsi que création et extension des crématoriums et des sites cinéraires ; ».

II. - Dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de cimetières reprennent la gestion directe des sites cinéraires qui ne sont pas contigus à un crématorium.

III. - Les sites cinéraires situés en dehors d'un cimetière public ou d'un lieu de sépulture autorisé et créés avant le 31 juillet 2005 peuvent, par dérogation à l'article L. 2223-40 du code général des collectivités territoriales, être gérés par voie de gestion déléguée. – (Adopté.)

M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 22
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous féliciter que, sur un sujet aussi sensible qui touche à l’essence même de l’homme et à l’intimité de chacun d’entre nous, les sénateurs aient su, par-delà tous les clivages politiques, accomplir un travail en profondeur et apporter des éléments de réponse afin de franchir une nouvelle étape dans la modernisation indispensable du droit funéraire.

Légiférer sur un sujet aussi difficile est un exercice délicat, et je me réjouis que la Haute Assemblée se soit saisie de ce sujet voilà maintenant plus de deux ans.

En effet, nous nous plaignons trop souvent de notre difficulté à prendre le temps de la réflexion pour examiner les textes inscrits à l’ordre du jour prioritaire pour ne pas nous réjouir aujourd’hui de voir un texte aussi mûrement travaillé être bientôt adopté définitivement.

Je tiens à remercier particulièrement M. Jean-Pierre Sueur de son engagement déterminant sur un tel sujet. L’opiniâtreté que nous lui reconnaissons tous et dont il fait preuve jour après jour dans cet hémicycle a été mise au service d’une cause commune avec un réel succès !

Je félicite notre excellent rapporteur et ami, M. Jean-René Lecerf, pour sa contribution.

Tout le travail a été effectué à quatre mains, et le texte qui nous est aujourd’hui soumis, dans la rédaction de l’Assemblée nationale, nous semble juste, équilibré et de nature à améliorer notre législation funéraire.

Le groupe UMP ne peut donc qu’approuver cette proposition de loi, qui met en place un dispositif conciliant l’indispensable rigueur juridique et le respect des valeurs fondant notre société.

Pour l’ensemble de ces raisons, les membres de notre groupe voteront ce texte, en se félicitant une nouvelle fois de la belle unanimité que ce dernier va recueillir au sein du Sénat.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission des lois n’a pas l’habitude de se livrer à des congratulations. Elle tient néanmoins à féliciter MM. Sueur et Lecerf pour la qualité de leur travail.

C’est M. Sueur, alors secrétaire d’État aux collectivités locales, qui avait défendu le projet de loi relatif à la législation dans le domaine funéraire, devenu la loi du 8 janvier 1993.

Depuis, nous avons connu de nombreuses évolutions, notamment le développement de la crémation. Aucune règle n’entourait cette pratique, ce qui était très gênant du simple point de vue du respect des restes humains. Il convenait donc de trouver des solutions.

Longtemps, le Gouvernement a considéré que le décret qu’il avait pris était suffisant. Je considérais pour ma part qu’il était utile de légiférer.

Voilà trois ans, la commission des lois a donc procédé à la mise en place d’une mission d’information sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire, désignant deux corapporteurs, l’un issu de l’opposition, M. Sueur, et l’autre de la majorité, M. Lecerf, qui sont respectivement devenus l’auteur et le rapporteur de la proposition de loi.

Cette mesure a abouti parce qu’un travail préalable avait été mené et que la commission des lois s’était prononcée sur les propositions de MM. Lecerf et Sueur, ce qui a permis ensuite l’adoption à l’unanimité de cette proposition de loi.

Cette démarche est donc exemplaire de la manière dont le Parlement peut se saisir d’un sujet, en parfaite coopération avec le Gouvernement.

Désormais, le Parlement aura théoriquement plus d’initiatives. Mais une coopération entre les deux assemblées reste nécessaire. Si le Sénat vote volontiers les propositions de loi en provenance de l’Assemblée nationale, il faut que la réciproque soit également vraie. Or, l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale de cette proposition de loi émanant du Sénat a été difficile. En revanche, la coopération a été excellente.

Nous avons d’ailleurs appliqué cette même méthode de travail s’agissant de la réforme des prescriptions en matière civile, sujet relativement complexe : la création d’une mission d’information, débouchant sur une proposition de loi adoptée par le Sénat puis transmise à l’Assemblée nationale. Une telle pratique permet le plus souvent de parvenir à un vote conforme en deuxième lecture.

Ce travail est exemplaire du rôle que peut jouer le Parlement. Si les textes de loi resteront bien sûr d’origine essentiellement gouvernementale, le Parlement peut aussi produire, en collaboration avec le Gouvernement, sur des sujets de société préoccupant tous nos concitoyens, des textes de lois qui ont un sens et qui, loin d’être anecdotiques, touchent à des problèmes de fond.

Je me réjouis que le Sénat soit en mesure de proposer des textes de cette importance. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Au nom du Gouvernement, je me félicite de la qualité, de la hauteur de vues et de l’équilibre des interventions qui ont eu lieu ce soir. Cela souligne la volonté de travailler en commun et de trouver des solutions équilibrées.

Certes, un certain délai s’est écoulé depuis le premier examen de la proposition de loi. Mais, entre-temps, des élections présidentielle et législatives ont eu lieu, impliquant un certain nombre de changements ; des dossiers ont ainsi été jugés prioritaires. Cette proposition de loi n’est d’ailleurs le seul texte à avoir subi un retard, et j’espère pouvoir vous soumettre d’ici à quelques semaines ou à quelques mois d’autres textes également très importants qui n’ont pu être examinés plus tôt.

Mais l’essentiel est que la proposition de loi ait finalement abouti et que ce délai ait été utilisé pour réaliser un travail remarquable de concertation entre le Sénat et l’Assemblée nationale, permettant un travail législatif de très haute qualité. J’ai d’ailleurs noté que l’on appelait sur toutes les travées à un travail parlementaire sur ce modèle.

J’ai ainsi cru comprendre que la réforme constitutionnelle était approuvée à l’unanimité au Sénat,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et par anticipation !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … ce qui m’a profondément réjouie ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Hélas non, madame la ministre ! Mais nous n’allons pas parler de la loi organique, sous peine de gâcher l’ambiance ! Ce matin, en commission, l’examen de ce texte nous a quelque peu troublés ! Nous en parlerons demain…

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous en reparlerons effectivement demain !

Ce travail législatif a été de très grande qualité, mais il n’a pas réglé toutes les questions. Certains points relèveront du domaine réglementaire et des engagements que j’ai pris en tant que ministre de l’intérieur, notamment pour veiller à ce que les circulaires sur les opérateurs et les contrôles soient effectivement mises en œuvre par les préfets. Par ailleurs, certains sujets, comme celui de la TVA, exigent un accord européen, et cela ne peut donc pas passer uniquement par une décision prise au Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela existe pourtant dans d’autres pays européens !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mais de toute façon, monsieur Sueur, nous sommes obligés d’obtenir un accord européen.

Dans d’autres cas, il s’agit de dispositions sur lesquelles j’aurais aimé que l’on puisse avancer, mais peut-être n’étions-nous pas suffisamment prêts. Disant cela, je pense notamment à la question des carrés confessionnels. À ce sujet, il faut respecter la volonté des défunts ou de leur famille. Mais nous débattrons, j’espère dans un esprit identique à celui qui a prévalu à l’adoption de cette proposition de loi, pour régler ces derniers éléments qui n’étaient pas inclus dans le texte examiné aujourd’hui.

Je tiens en tout cas à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la qualité de votre participation à ce débat. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de l’Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la législation funéraire
 

8

Dépôt de rapports

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Louis Carrère un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou (n° 35, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n°124 et distribué.

J’ai reçu de M. René Beaumont un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe (n° 36, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 125 et distribué.

J’ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la République du Tadjikistan, d’autre part (n° 37, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n°126 et distribué.

J’ai reçu de M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :

- le projet de loi autorisant l’approbation du protocole portant amendement de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (CSG) (n° 90, 2008-2009) ;

- et le projet de loi autorisant l’approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d’exploitation des lanceurs Ariane, Véga et Soyouz au Centre spatial guyanais (n° 89, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n°127 et distribué.

J’ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces (n° 122, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n°128 et distribué.

J’ai reçu de Mme Catherine Tasca un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :

- le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (n° 464, 2007-2008) ;

- le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (n° 465, 2007-2008) ;

- le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant (n° 68, 2008-2009) ;

- et le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne (n° 69, 2008 2009).

Le rapport sera imprimé sous le n°129 et distribué.

9

Dépôt de rapports d'information

M. le président. J’ai reçu de MM. Christian Cointat et Bernard Frimat un rapport d’information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale à la suite d’une mission d’information effectuée en Polynésie française du 21 avril au 2 mai 2008.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 130 et distribué.

J’ai reçu de MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier un rapport d’information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale par le groupe de travail sur la vidéosurveillance.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 131 et distribué.

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 11 décembre 2008 :

À neuf heures trente :

1. Discussion du projet de loi (n° 106, 2008-2009) relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique (n° 105, 2008-2009) portant application de l’article 25 de la Constitution, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence ;

Rapport (n° 120, 2008-2009) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

À quinze heures et le soir :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 11 décembre 2008, à onze heures.

3. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD