M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas très réjouissant !
Mme Christine Lagarde, ministre. … selon la nature de son industrie, la structure de son économie et les moteurs qu’il considère les plus efficaces pour engager la relance de façon massive au bénéfice de tous.
Mme Nicole Bricq. Pas de tous, malheureusement !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous nous attacherons en premier lieu à défendre la compétitivité des entreprises françaises, sachant que l’investissement d’aujourd’hui favorisera les emplois de demain.
Pour conclure, il peut paraître étonnant – et rassurant, à la fois, parce que cela correspond profondément à la philosophie développée par le Président de la République pendant l’ensemble de sa campagne…
M. Jean-Louis Carrère. Au Fouquet’s !
M. René-Pierre Signé. Il n’a pas convaincu !
Mme Christine Lagarde, ministre. … et mise en œuvre dans les mesures engagées depuis dix-huit mois – que notre majorité soit à l’origine des transgressions observées actuellement, dans l’intérêt de la relance de notre économie.
Mais c’est bien grâce à notre majorité que nous assistons à une véritable réhabilitation du travail et – non moindre des surprises ! – c’est aussi grâce à elle que nous assistons à la réhabilitation de l’impôt, et je vous en remercie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai, vous avez changé de courant !
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Encore un orateur UMP : il n’y en a que pour eux !
M. Eric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il est toujours difficile d’être le dernier orateur. (Brouhaha sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé. M. Woerth ne figurait pas sur le dérouleur !
M. Eric Woerth, ministre. Je voudrais très brièvement, sans entrer dans les détails, compte tenu de l’heure, faire quelques observations.
Ce budget, par ses rebondissements, fut extraordinaire. Depuis que nous avons commencé à l’étudier en septembre, nous avons vécu une crise sans précédent et nous avons su y faire face ensemble, notamment la majorité au sein du Sénat et de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Louis Carrère. On va vous laisser entre vous !
M. Eric Woerth, ministre. Vous avez été remarquables, car vous avez su vous adapter, comme le Gouvernement d'ailleurs, au rythme qui nous était imposé. C’est probablement la marque de fabrique de ce budget.
Ce budget comporte plusieurs fils directeurs ; nous les avons tenus, quelle que soit la force du vent.
M. Jean-Louis Carrère. Vous auriez dû demander à Mme Idrac de venir conclure, cela aurait fait un UMP de plus !
M. Eric Woerth, ministre. Les dépenses sont maîtrisées, le principe de sincérité est respecté : sincérité dans les dépenses, transparence dans la présentation des dépenses.
M. Jean-Louis Carrère. Quelle pantalonnade !
M. Eric Woerth, ministre. Les priorités sont affirmées : l’enseignement supérieur, la recherche, la défense. Ces priorités, nous ne les avons pas changées.
Bien évidemment, l’esprit de justice nous a guidés, madame Bricq, avec le plafonnement des niches fiscales, mais aussi avec le maintien de la demi-part que vous avez évoquée tout à l’heure, qui concerne les personnes seules ayant élevé un enfant. Cette demi-part est bien sûr conservée. Nul ne l’a supprimée et surtout pas le Sénat.
M. René-Pierre Signé. Il redit la même chose !
M. Eric Woerth, ministre. En réalité, le Sénat, avec courage, tact et prudence, avec beaucoup de mesure, a rétabli la mesure et fait en sorte que les situations aberrantes nées de ce dispositif n’existent plus. À cet égard, je tiens à saluer le courage du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Nous allons nous revoir bientôt, dès la semaine prochaine, pour la discussion du projet de loi de finances rectificative, qui intègrera évidemment les mesures fiscales liées à la relance que Christine Lagarde a détaillées et puis, en janvier, pour les dispositions budgétaires également liées à la relance. Nous présenterons ces textes avec enthousiasme et avec le sérieux que justifient les enjeux auxquels notre pays est aujourd'hui confronté.
M. Jean-Louis Carrère. C’est bien de vouloir réformer le règlement pour permettre à toujours plus d’orateurs UMP de s’exprimer !
M. Eric Woerth, ministre. Enfin, je souhaite remercier le président de la commission des finances de la qualité de son travail et de la précision de ses analyses.
Je remercie également le rapporteur général, Philippe Marini, de son dynamisme et de son esprit de compromis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Le fait qu’il ait réussi, avec le président de la commission des finances, à faire progresser la discussion sur autant de sujets, durant ces deux dernières semaines, m’est apparu comme véritablement exceptionnel.
M. Jean-Louis Carrère. Pantalonnade !
M. Eric Woerth, ministre. Je remercie aussi l’ensemble des présidents de groupe, notamment le président du groupe UMP, puisque l’opposition semble très fâchée vis-à-vis de l’UMP. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Merci aux horloges, aux caméras, aux micros, aux escaliers !
M. Eric Woerth, ministre. L’esprit de responsabilité dont vous avez fait preuve lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales, qui n’a pas été facile entre nous, fut, là encore, extraordinaire.
M. Jean-Louis Carrère. Merci M. Mercier !
M. Eric Woerth, ministre. Je pense que nous avons su construire, et que nous continuerons à le faire, des relations de plus en plus responsables entre l’État et les collectivités locales.
Je remercie le président Michel Mercier. (Exclamations amusées sur les mêmes travées.)
Mes remerciements s’adressent aussi au président du groupe socialiste, comme à celui du groupe CRC-SPG. J’y inclus également le groupe du RDSE, dans ses deux composantes, même si ma préférence va à sa minorité, dont le vote est évidemment préférable pour notre budget.
Je terminerai en remerciant la présidence, vous-même, monsieur le président du Sénat, ainsi que l’ensemble des vice-présidents qui ont animé ces séances.
Merci à tous de la constance et de la qualité dont vous avez su faire preuve durant ces débats budgétaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. Le Sénat va procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2009.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l’article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 bis du règlement.
J’invite MM. Massion et Nachbar, secrétaires du Sénat - que je remercie d’ailleurs (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) de l’engagement dont ils ont fait preuve tout au long de cette soirée -, à superviser les opérations de vote.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.
(Le sort désigne la lettre S.)
M. le président. « S » comme « Sénat » !
M. Jean-Louis Carrère. Comme « socialiste », comme « Ségolène » ! (Sourires.)
M. le président. Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.
(L’appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
MM. les secrétaires vont procéder au dépouillement.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 56 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 141 |
Le Sénat a adopté.
7
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi que nous venons d’adopter, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Yann Gaillard, Roland du Luart, Aymeri de Montesquiou, Mme Nicole Bricq, M. Thierry Foucaud.
Suppléants : MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Jean-Pierre Fourcade, Charles Guené, Jean-Jacques Jégou, Albéric de Montgolfier, Michel Sergent.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que j’en aurai été informé.
8
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
Projet de décision du Conseil portant nomination des membres du comité prévu à l’article 3, paragraphe 3, de l’annexe I du protocole sur le statut de la Cour de justice.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4162 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil abrogeant les directives 71/317/CEE, 71/347/CEE, 71/349/CEE, 74/148/CEE, 75/33/CEE, 76/765/CEE, 76/766/CEE et 86/217/CEE du Conseil relatives à la métrologie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4163 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4164 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
Recommandation de la Commission au Conseil afin d’autoriser la Commission d’engager des négociations en vue de la conclusion d’un accord de réadmission entre la Communauté européenne et le Cap Vert.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4165 et distribué.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 10 décembre 2008 :
À seize heures :
1. Discussion de la question orale avec débat n° 23 de Mme Muguette Dini à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la « prévention du surendettement : davantage responsabiliser les établissements de crédit » ;
Mme Muguette Dini appelle l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur l’urgence sociale que constitue le surendettement.
Près de six millions de Français déclarent, aujourd’hui, avoir des difficultés à rembourser leurs dettes. Plus d’un million de Français ont eu recours aux procédures de surendettement depuis leur création. Le nombre des dossiers soumis aux commissions de surendettement ne cesse d’augmenter, au rythme de 180 000 dossiers par an.
Si le traitement du surendettement a été amélioré ces dernières années, aucune démarche sérieuse n’a été entreprise pour le prévenir et anticiper les situations de profonde détresse, et ce en dépit des nombreuses consultations et concertations avec les professionnels du crédit.
Le surendettement est souvent lié à l’attribution abusive de crédits à la consommation.
Les chiffres tirés d’une étude de la Banque de France de 2002 en attestent. En effet, 80 % des dossiers de surendettement comportent plus de quatre crédits revolving, accordés bien souvent sans étude approfondie de la situation des souscripteurs.
Pour enrayer le surendettement, il apparaît urgent d’imposer aux établissements de crédit une obligation de sensibilisation des emprunteurs aux risques de surendettement, ainsi que l’étude en amont de la solvabilité de ces derniers. À cette fin, il convient de créer un répertoire des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels.
De plus, n’y aurait-il pas lieu d’envisager, à tous les niveaux, la gestion d’un budget familial ?
Elle souhaite donc qu’elle lui fasse connaître sa position sur ces différents points.
2. Discussion de la proposition de loi (n° 20 rectifiée, 2008-2009) tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, présentée par M. Jean-Claude Carle ;
Rapport (n° 88, 2008-2009) de M. Jean-Claude Carle, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
À vingt et une heures trente :
3. Discussion de la proposition de loi (n° 108, 2008-2009), modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la législation funéraire ;
Rapport (n° 119, 2008-2009) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 décembre 2008, à deux heures quarante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
DÉBAT PRÉALABLE AU CONSEIL EUROPÉEN
DES 11 ET 12 DÉCEMBRE 2008
le mardi 9 décembre 2008, à la salle Médicis du Sénat
SOMMAIRE
Présidence de M. Hubert Haenel
Conseil européen
Débat sur une déclaration du Gouvernement
MM. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ; Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes ; Aymeri de Montesquiou, Jean-Claude Peyronnet, Michel Billout, Jean Bizet.
M. le secrétaire d’État.
Mme Bernadette Bourzai, M. le secrétaire d’État.
MM. Pierre Fauchon, le secrétaire d’État.
Mme Annie David, M. le secrétaire d’État.
MM. Jacques Blanc, le secrétaire d’État.
MM. Robert Navarro, le secrétaire d’État.
MM. Jacques Gautier, le secrétaire d’État.
Mme Bariza Khiari, M. le secrétaire d’État.
MM. Robert del Picchia, le secrétaire d’État.
Clôture du débat.
compte rendu intégral
(La séance est ouverte le mardi 9 décembre 2008, à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.)
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre séance de ce soir est, d'une certaine manière, une première.
Depuis juin 2005, l'habitude s'est prise que chaque Conseil européen soit précédé d'une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat.
Cette habitude a même été inscrite dans une circulaire du Premier ministre en décembre 2005.
L’explication est toute simple. À la suite du « non » français, on se demandait comment on pouvait essayer de rapprocher les Français, en particulier les parlementaires, des questions européennes.
C'est ainsi que nous avons eu deux débats de ce genre en 2005 et trois autres en 2006.
À partir de 2007, la situation est devenue plus complexe en raison de la suspension des travaux du Sénat en séance plénière résultant des élections présidentielles et législatives. Pendant de longues semaines, nous n’avons pas siégé, ce qui ne voulait pas dire que les questions européennes disparaissaient de notre champ. Nous avons alors remplacé la réunion en séance plénière par une réunion de la Délégation pour l'Union européenne ouverte à tous les sénateurs et au public et donnant lieu à un compte rendu intégral publié au Journal officiel.
Nous avons dû procéder à nouveau de cette manière en mars 2008, en raison des élections municipales ; puis en octobre dernier parce que le Conseil européen intervenait peu de temps après le renouvellement du Sénat.
Certains de nos collègues ont estimé que cette formule permettait des débats plus réactifs et plus vivants que dans l'hémicycle ; je pense que c’est la réalité. D'autres ont regretté la solennité de l'hémicycle.
Notre séance de ce soir, qui s'inscrit dans ce contexte, a été organisée dans le détail, peut-être un peu trop, par la conférence des présidents. Elle entre dans le cadre des expérimentations qui sont menées en vue de la réforme du règlement du Sénat.
Cette réunion, ouverte à tous les sénateurs et entourée des conditions de publicité de la séance plénière, a été organisée de la manière suivante : d'abord la déclaration du Gouvernement ; puis l'intervention des présidents de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes, ainsi que du représentant de chacun des groupes.
Nous entendrons alors la réponse du Gouvernement à ces interventions.
Puis, nous aurons un débat sous la forme de neuf questions-réponses avec droit de réplique de l'auteur.
La conférence des présidents a précisé que chaque question devrait être exposée en deux minutes trente ; que la réponse devrait être formulée dans le même temps et que la réplique ne devrait pas dépasser une minute. J’essaierai de veiller au respect de ces règles, grâce au chronomètre qui a été mis à notre disposition et qui, mes chers collègues, est visible par vous tous !
Enfin, je vous rappelle que les indications de parole devaient être faites auprès du service de la séance avant hier dix-sept heures.
C'est pourquoi vous êtes d'ores et déjà en possession de la liste de tous les intervenants de notre réunion.
Enfin, je le rappelle, Jean-Pierre Jouyet se présente devant nous ce pour la dernière fois. Je fais partie de ceux qui le regretteront !
M. Pierre Fauchon. C’est la mauvaise nouvelle !
M. le président. Je donne maintenant la parole à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, cher Josselin de Rohan, monsieur le président de la commission des affaires européennes, cher Hubert Haenel, mesdames, messieurs les sénateurs, chers amis, pour la plupart d’entre vous, c’est avec une certaine émotion que je m’exprime devant vous ce soir, pour vous témoigner, comme je l’ai déjà fait à Bruxelles, de tout le plaisir que j’ai eu à travailler avec le Sénat français. Je suis heureux de reconnaître publiquement devant vous, messieurs les présidents, la qualité des débats que j’y ai toujours remarquée et l’intérêt porté aux enjeux européens dans vos commissions.
Comme vous le savez, le Conseil européen se tiendra les jeudi 11 et vendredi 12 décembre. C’est un honneur pour moi de vous le présenter. Les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne se sont réunis hier pour préparer ce rendez-vous. Je souhaite vous faire part ici des principaux axes qui seront débattus.
Trois sujets seront au centre des discussions de ce Conseil européen : les questions économiques et financières ; les enjeux relatifs à la lutte contre le changement climatique et la politique énergétique ; les enjeux institutionnels, liés au Traité de Lisbonne.
Le Conseil évoquera également les relations extérieures, puisque sera examinée une proposition de la Commission européenne relative au lancement d’un partenariat oriental avec nos voisins, à l'est de l'Union.
En ce qui concerne les questions économiques et financières, nous sommes confrontés, vous le savez, à une situation grave et sans doute durable.
Face à cette situation exceptionnelle, l'Union européenne doit faire preuve de la même réactivité, de la même unité et de la même capacité de décision qu'en octobre dernier en trouvant une réponse coordonnée face au risque d'effondrement de pans entiers du secteur financier. Il s’agit aujourd’hui de répondre aux difficultés graves traversées par un certain nombre de secteurs économiques.
La Commission a adopté des propositions au sujet d’un plan de relance européen, examinées la semaine dernière au conseil « compétitivité » et au conseil des ministres de l’économie et des finances. Il s'agit de bâtir une réponse européenne coordonnée à la crise économique, en mobilisant les instruments communautaires disponibles et en les articulant avec les mesures mises en place par chaque État membre, en coordination avec ses partenaires.
Les propositions de la Commission européenne vont dans le bon sens. Il s’agit de dégager les marges financières disponibles dans le budget communautaire en ce qui concerne par exemple le Fonds social européen, le Fonds d'ajustement à la mondialisation et divers fonds structurels. Il convient également de mobiliser les ressources de la Banque européenne d’investissement. Nous en avons déjà discuté ici, le budget communautaire en lui-même est limité. Il est donc normal que la part la plus importante des dépenses soit à la charge des États membres. Au final, en ajoutant les instruments communautaires aux actions nationales, la Commission propose un effort conjoint pouvant atteindre 1,5% du PIB communautaire.
Pour autant, si les moyens sont limités, les autorités communautaires n'ont pas qu'un rôle mineur à jouer. Elles doivent aussi s’assurer de la cohérence, de l’efficacité et de la coordination des actions nationales de relance, de façon à maximiser l'effet global pour la croissance de l'ensemble de l'Union.
Les plans nationaux constituent une « boîte à outils » commune définie par le Conseil européen sur la base des propositions de la Commission. La Présidence française partage l’avis de la Commission : ces actions doivent être ciblées, sectorielles et transitoires. Il ne s’agit ni au niveau communautaire, ni au niveau national de prendre des mesures générales.
Comme vous le savez, un certain nombre de pays, dont la France, ont déjà pris des mesures visant à soutenir l’activité économique et à la relancer. Ces mesures doivent être compatibles avec les priorités de l’Union européenne et la stratégie de Lisbonne, c’est-à-dire l’encouragement des dépenses tournées vers l’avenir et l’investissement.
Il s’agit de s’intéresser en priorité à notre industrie, notamment le secteur automobile, très gravement affecté par le ralentissement économique en France, en Allemagne, en Italie ou encore en Suède. En accord avec la Banque européenne d’investissement, les États membres devraient être autorisés à accorder des soutiens à leurs constructeurs, afin de soutenir leurs efforts de développement de voitures propres.
Nous devons également obtenir de nouvelles marges de manœuvre pour soutenir nos petites et moyennes entreprises, confrontées aux restrictions de l'accès au crédit. Les règles concernant les aides d'État aux petites et moyennes entreprises pourraient être assouplies et les aides nationales devront être coordonnées de manière à préserver l'intégrité du marché intérieur.
La France s'inscrit pleinement dans ce cadre d’ensemble en annonçant, jeudi dernier, un plan de relance de 26 milliards d’euros, soit 1,3 % du PIB. Ce plan sera bien évidemment soumis à la Haute Assemblée, début janvier, selon mes informations. Vous aurez à cet égard une responsabilité déterminante.
Par ailleurs, la Commission propose d'utiliser toutes les marges de manœuvre autorisées par le Pacte de stabilité et de croissance. C'est une décision sage qui démontre que les institutions européennes savent faire preuve de pragmatisme.
Dans ce contexte, la Présidence française souhaite obtenir lors du Conseil européen les résultats les plus ambitieux possibles.
J'en viens maintenant à ce qu’il est convenu d’appeler le paquet « énergie-climat ».
Les négociations durent depuis presque un an. Elles sont plus difficiles dans le contexte économique que je vous ai décrit. Mais les objectifs demeurent. Au moment où se tient à Poznan la conférence sur le changement climatique, il s’agit de permettre à l’Union européenne d'exercer ses responsabilités. Par ailleurs, nous devons préparer le rendez-vous de Copenhague, qui aura lieu dans un an.
Pourquoi faut-il obtenir un accord le plus rapidement possible ? Comme je l’ai déjà indiqué à votre assemblée, le Parlement européen sera renouvelé au mois de juin 2009. Le temps utile de la législature s’arrête donc à la fin du mois de mars. La Commission européenne sera elle-même renouvelée avant le mois de novembre. Par conséquent, si nous voulons être prêts pour Copenhague, ce n’est pas une question de vanité française ou autre que de vouloir un accord sur cet ensemble de dispositions. L’Europe doit être en état de marche lors de ces conférences internationales.
Les conseils « environnement et énergie » des 4 et 8 décembre ont permis d’aborder les derniers points de contentieux. Je dirai que les négociations sur ce paquet sont finalisées à 90%, mais plusieurs points majeurs doivent encore être tranchés.
Le Président de la République s’est rendu samedi dernier en Pologne et a rencontré plusieurs dirigeants d’Europe centrale et orientale pour qu’il soit tenu compte des spécificités de ces économies. Sur le plan énergétique, elles dépendent fortement soit de la Russie soit du charbon ; les ingénieurs parleraient d’économies plus « carbonées » que les nôtres, le mot n’ayant rien de péjoratif.
Dimanche dernier, le Président de la République a également eu un long entretien à ce sujet avec la Chancelière allemande. Il s’agissait de s’accorder sur le maintien des objectifs et les flexibilités nécessaires dans les secteurs les plus affectés par la crise et ceux qui dépendent le plus fortement de l’énergie. Ces flexibilités concernent les pays d’Europe centrale et orientale et les États baltes.
Cela dit, dès lors que des flexibilités sont prévues, comment les finance-t-on ? Comment assure-t-on la solidarité entre ceux qui sont les plus avantagés en termes de mixte énergétique et ces pays ? Selon moi, ce point sera sans doute le plus difficile de ce Conseil européen.
Nous n’en devons pas moins parvenir à un accord à l’issue du Conseil, de façon à être en bon ordre pour la conférence internationale de Copenhague.
J’en viens aux aspects institutionnels. Dans le cadre des responsabilités qui sont celles de la France à la présidence de l’Union européenne, nous souhaitons établir une feuille de route sur le plan institutionnel.
En premier lieu, cette feuille de route doit tout d’abord tenir compte du fait que vingt-cinq États membres ont ratifié le traité de Lisbonne.
En deuxième lieu, elle doit aussi tenir compte du fait que ce traité constitue un instrument efficace de gestion, s’agissant notamment de la continuité des institutions et du fonctionnement de l’Union, y compris après les crises que cette dernière a traversées. Nous souhaitons donc qu’il soit mis en œuvre aussi rapidement que possible dans un calendrier réaliste, que nous souhaitons voir arrêté.
En troisième lieu, il s’agit de tenir compte des demandes irlandaises. Comme vous le savez, elles ont été précisées à la suite des travaux du Parlement irlandais. Le comité ad hoc formé en son sein a indiqué qu’un second référendum lui paraissait possible et qu’il importait de donner des assurances sur des points déjà bien connus. Il n’est pas question d’ajouter à ce qui est prévu par le traité, ni d’y déroger, mais d’y « graver dans le marbre » ce qui a déjà été indiqué dans les précédents traités pour nos amis irlandais à propos de la neutralité, de l’application de la charte à certains problèmes éthiques et sociaux et de la fiscalité.
Quatrièmement, il importe de veiller à ce que les garanties juridiques que nous sommes prêts à accorder à nos amis irlandais n’ouvrent pas un nouveau processus de ratification du traité.
Pourquoi faut-il le faire maintenant ?
Il s’agit de savoir sur quelles bases juridiques seront organisées les élections européennes et sur quelles bases sera composée la nouvelle commission. Or, comme vous le savez, la composition de la commission est également un point très sensible pour les Irlandais et a été un point du débat public.
J’ajouterai une autre considération qui, compte tenu de l’actualité, prend un sens nouveau. La République tchèque vient d’annoncer qu’aucune des deux chambres de son parlement ne serait en mesure de ratifier le traité de Lisbonne avant le mois de février de l’année prochaine. La situation est donc très délicate, compte tenu des difficultés intérieures de la République tchèque et du lien établi, en République tchèque, entre les accords sur les dispositifs anti-missiles et la ratification du traité de Lisbonne. Ce n’est pas le traité en lui-même qui est remis en cause, sauf par le Président de la République tchèque, ce qui pose quand même un problème.
Bien évidemment, l’ensemble de nos partenaires souhaite, je vous le dis franchement, que la question institutionnelle soit également résolue avant le 31 décembre.
J’en viens aux relations extérieures et de sécurité, dernier point de mon propos ; et je vous prie de m’excuser, messieurs les présidents, d’avoir été trop long.
D’une part, nous devrons valider, lors du Conseil européen, ce qui était l’une de nos priorités, c’est-à-dire la politique européenne de sécurité et de défense, en actualisant la stratégie européenne de sécurité. Ce document, élaboré en 2003, constitue le pacte de sécurité commun aux Européens. Il doit intégrer les éléments relatifs à la lutte contre le terrorisme, à la cybercriminalité, aux aspects géostratégiques de l’accès aux ressources naturelles, à la modification de nos relations avec un certain nombre de puissances comme la Russie, la Chine, les grands États émergents. Il doit aussi tenir compte des évolutions en cours au Moyen-Orient et de l’accroissement des risques liés aux capacités nucléaires de l’Iran.
D’autre part, nous devons également mettre en place des capacités européennes nouvelles dans les dix ans à venir afin de remédier à l’insuffisance des moyens disponibles en Europe. Il s’agit d’améliorer progressivement les capacités civiles et militaires.
Cela implique une meilleure programmation des opérations, une meilleure planification et un renforcement des moyens. Indépendamment de nos sensibilités politiques respectives, ce problème n’est pas simple ; le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, en sait d’ailleurs plus que moi en ce domaine. Compte tenu de l’engagement d’un certain nombre de pays sur les théâtres d’opérations extérieures, il est aujourd’hui difficile d’accroître les moyens d’intervention, que ce soit au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France. La programmation de ces opérations nécessite donc un soin tout particulier.
Il faut enfin tirer la leçon des missions de politique extérieure qui ont déjà été menées, qu’il s’agisse des missions d’observation civile en Géorgie, la mission ATALANTE de lutte contre la piraterie ou des missions menées dans les Balkans et en Afrique. Il convient également d’améliorer les échanges d’expériences entre les militaires, d’où l’idée d’un « Erasmus militaire ». Il s’agit, là aussi, d’assurer une meilleure complémentarité, à haut niveau, entre cette politique européenne et les actions conduites dans le cadre de l’OTAN.
Cela suppose aussi d’associer pleinement à cette politique européenne de sécurité et de défense des pays membres de l’OTAN mais non membres de l’Union européenne, au premier rang desquels figure la Turquie, et de trouver un terrain d’entente avec eux.
Je tiens à indiquer que ces points seront également à l’ordre du jour de ce Conseil européen, ainsi que le partenariat oriental avec la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Géorgie proposé par la Commission européenne à la suite d’une initiative suédoise et polonaise.
En liaison avec la future présidence tchèque, la France a activement soutenu les efforts de la Commission en ce domaine. Compte tenu des menaces de déstabilisation que présentent ces régions, nous devons anticiper les risques de crises. Je pense notamment au Caucase du Sud et à la question, en Moldavie, de la Transnistrie, question que certains d’entre vous connaissent bien.
Il s’agit de préserver la stabilité tout en poursuivant un dialogue avec la Russie. C’est pourquoi il importe de donner une dimension plus cohérente et plus régionale à la manière dont l’Union européenne aborde ses relations avec ses voisins orientaux.
Messieurs les présidents, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les grandes orientations du prochain Conseil européen. (Applaudissements.)