M. Jacques Mahéas. Nous n’avons pas besoin de leçons de morale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce budget, personne ne me contredira sur ce point, est bien un budget des temps difficiles.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Même M. Carrère l’admet…
M. Jacques Mahéas. Il faut le prendre au deuxième degré !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Temps difficiles pour nos concitoyens, pour nos entreprises, pour la France, pour l’Europe et même pour le monde.
M. Yannick Bodin. Pour les boursiers, aussi !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons dû admettre dans l’article d’équilibre, à la suite de la dégradation du contexte international, un déficit budgétaire de plus de 57 milliards d’euros. Le déficit se creuse de 7 milliards d’euros par rapport aux prévisions actuelles pour 2008.
Nous savons bien qu’il faut tenir ferme du côté des dépenses, ferme du côté des réformes, mais que, du côté des recettes, la dégradation de la conjoncture conduira à des chiffres bien moins élevés que ceux que nous espérions initialement.
Au-delà de cette réalité, de la lutte contre la crise et de l’œuvre commune qui doit être élaborée, de ce point de vue, avec le Gouvernement,…
M. Jean-Louis Carrère. Et les collectivités territoriales ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. …il est des sujets de fond sur lesquels je voudrais également souligner un paradoxe.
Nous avons consacré beaucoup de temps, comme à l’ordinaire, à détailler tous les dispositifs. Nous avons joué le jeu en ce qui concerne le plafonnement des niches fiscales. Nous nous sommes efforcés d’atténuer certaines difficultés, qu’il s’agisse des monuments historiques, d’un régime de transition pour la location en meublé professionnel, du régime de l’investissement outre-mer et du sort des investisseurs ultramarins à l’égard de leurs propres entreprises. Nous avons essayé de traiter tous ces sujets au mieux, en entrant dans le détail. Je n’ai fait que citer quelques exemples, mais beaucoup de sujets ont été approfondis dans un esprit concret, au sein de notre assemblée, grâce à la participation de très nombreux collègues.
Par ailleurs, il nous faut aussi réfléchir à l’avenir. Nous avons essayé de le faire et nous nous sommes permis, dans certains espaces du débat, de nous aventurer sur le terrain de la stratégie : de la stratégie économique, en évoquant les hypothèses sur lesquelles est bâtie la loi de finances, de la stratégie fiscale et des prélèvements obligatoires ; je pense notamment à l’amendement relatif à la « trilogie ».
Je tiens à remercier tout particulièrement Jean Arthuis (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) non seulement de la manière remarquable dont il exerce sa présidence,…
M. Jean-Louis Carrère. Cirage de pompes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. …mais aussi de son incitation à pratiquer la stratégie, à penser à l’avenir. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mes chers collègues, l’avenir nous concerne tous, car nous retrouverons le déficit d’aujourd’hui en sortie de crise, au moment où notre pays devra prouver son attractivité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Réfléchir à une stratégie des prélèvements obligatoires, à une fiscalité plus simple, à la bonne formule entre l’équité et l’efficacité, entre la proportionnalité et la progressivité, réfléchir à l’attractivité de notre pays et à ses ferments dans un monde ouvert : ce sont des sujets d’une importance déterminante que nous avons osé aborder,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. …et il n’est pas certain que nous le fassions assez souvent, assez bien et assez profondément aujourd'hui dans notre pays.
Mes chers collègues, je conclurai ce bref propos (Ah ! sur de nombreuses travées) en vous disant que nous nous apprêtons à voter un budget qui nous permettra, je l’espère, de faire face à nos responsabilités, à la crise, et de préparer l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote de la loi de finances est l’acte par excellence de la démocratie parlementaire. C’est également l’occasion de faire le point sur l’état de la nation et de proclamer la volonté d’une politique.
Il en est ainsi de cette loi de finances pour 2009, même si la crise économique mondiale lui donne une signification particulière. Le bon sens, le volontarisme et le pragmatisme ont présidé à l’élaboration de ce budget. Nous nous en félicitons, compte tenu de la gravité de la conjoncture économique, sociale et financière qui a encadré sa discussion.
Le Gouvernement a fait le double choix de la transparence et de la flexibilité.
Il a révisé ses hypothèses macroéconomiques sans tarder, lors de la discussion, ici même, le 6 novembre dernier, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Nous y voyons une preuve de sincérité et une marque de respect à l’égard du Parlement et du Sénat en particulier.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Je veux remercier la commission des finances, son président Jean Arthuis, son rapporteur général Philippe Marini et l’ensemble des rapporteurs de la qualité de leurs propositions et du débat qu’ils ont conduit dans un contexte inédit.
La commission des finances a su défendre ses idées, tout en faisant preuve de pragmatisme, en renonçant parfois à certains amendements juridiquement ou techniquement fondés ; je veux l’en remercier.
La majorité sénatoriale a défendu ses convictions. Ainsi, nous ne souhaitions pas remettre en cause le bonus-malus applicable aux véhicules familiaux. Nous tenions également à ce que les critères d’éligibilité au fonds de compensation pour la TVA demeurent inchangés. Nous voulions aussi que les dispositions applicables aux zones franches urbaines soient conservées et que les crédits destinés à l’enseignement agricole soient à la hauteur des besoins.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Dans ce budget, sont poursuivies les réformes structurelles engagées depuis 2007. Si, d’un côté, la diminution du nombre des fonctionnaires continue, d’un autre côté, la justice sociale, à laquelle nous sommes sensibles, est améliorée, en particulier grâce au plafonnement des niches fiscales. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
De même, nous avons réaffirmé notre volonté de valoriser le travail par rapport à l’assistance, en permettant la prochaine mise en œuvre du RSA.
Enfin, le Sénat lui-même a donné l’exemple en décidant que son budget ne progresserait pas en 2009 : c’est la première d’une série de mesures réformatrices initiées par notre président, Gérard Larcher.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Qu’il sache qu’il a tout notre soutien dans cette volonté partagée de moderniser notre assemblée.
Cette discussion budgétaire a enfin confirmé la nécessité de transformer l’organisation de l’État : pour retrouver une capacité d’intervention, l’État doit se réorganiser.
C’est en baissant ses dépenses que l’État diminuera la dette. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. On en est loin !
M. Henri de Raincourt. C’est pourquoi nous attendons la mise en œuvre des 374 décisions de la révision générale des politiques publiques, qui a été engagée au mois de juillet 2007.
Compte tenu des enchevêtrements de compétences et de financements, que nous connaissons bien ici, nous ne pouvons pas non plus nous dispenser d’une réflexion sur les relations entre l’État et les différents échelons de collectivités territoriales. Notre groupe se félicite tout naturellement de la décision du Président de la République d’ouvrir ce grand chantier. Nous y participons activement au sein du Sénat et des différentes instances de réflexion.
Mes chers collègues, nous savons bien que l’adoption de ce projet de loi de finances intervient dans un contexte particulièrement délicat et incertain. Le Président de la République, son gouvernement et la majorité ont préféré la mobilité à la passivité.
« Quand les faits changent, je change d’avis », déclarait Keynes. Une situation aussi exceptionnelle imposait des mesures elles aussi exceptionnelles. Dès le mois d’octobre, des décisions ont été prises pour lutter contre les effets de la crise.
M. René-Pierre Signé. Vous êtes devenus socialistes ?
M. Henri de Raincourt. Non ! Nous mettons notre intelligence au service de la République ! C’est différent !
M. Jean-Louis Carrère. Mais non ! C’est pareil ! C’est presque synonyme !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La gauche n’a le monopole ni de l’intelligence ni du service de la République !
M. Henri de Raincourt. Il fallait agir vite et fort pour empêcher l’effondrement de l’économie. Le Président de la République et son gouvernement ont immédiatement pris les initiatives qui s’imposaient, sur le plan tant national qu’européen et international.
M. Jean-Pierre Michel. C’est pour cela que le chômage progresse !
M. Henri de Raincourt. Il convenait d’abord de soutenir les établissements bancaires et, à travers eux, le système du crédit, menacé d’hémorragie. Ensuite, il fallait consolider l’investissement des PME, principal acteur de l’économie française.
M. Jean-Pierre Michel. Paroles !
M. Henri de Raincourt. À Douai, la semaine dernière, le Président de la République a présenté un plan de soutien global et massif,…
M. Jean-Pierre Michel. Financé avec quel argent ?
M. Henri de Raincourt. …qui touchera tous les secteurs et tous les acteurs de l’économie.
M. René-Pierre Signé. Et le pouvoir d’achat ?
M. Henri de Raincourt. Il s’agit d’investir massivement dans l’activité et dans l’emploi pour stimuler la croissance, combler le retard de la France et préparer l’avenir.
M. Jacques Mahéas. Voilà des années que vous promettez cela ! On l’attend toujours !
M. Henri de Raincourt. Préférant le volontarisme à l’attentisme, ce sont 26 milliards d’euros qui seront consacrés au développement de notre économie dès les tout prochains jours. Ils permettront de faciliter l’embauche dans les petites entreprises. Des grands projets d’équipements et d’infrastructures seront relancés pour construire un territoire moderne.
M. Jean-Louis Carrère. Avec l’argent des autres !
M. Henri de Raincourt. Les filières en difficulté seront soutenues et les plus fragiles seront aidées.
Grâce aux mesures qui seront votées, les collectivités territoriales seront incitées à participer à cet effort d’investissement…
M. Jean-Louis Carrère. Elles seront tondues !
M. Henri de Raincourt. … pour que, partout en France, chacun s’implique dans cette politique de relance.
Ne rien faire reviendrait à étrangler notre économie, alors que tous les pays s’engagent dans le même sens. Le Royaume-Uni,…
M. René-Pierre Signé. Pas l’Allemagne !
M. Henri de Raincourt. … l’Allemagne,…
M. René-Pierre Signé. Mais non !
M. Henri de Raincourt. …l’Espagne et tous nos partenaires européens, quelle que soit la couleur politique de leurs gouvernants, ont élaboré d’importants plans de relance.
L’Union européenne a également préparé un tel plan pour stimuler la demande, restaurer la confiance des consommateurs et limiter les effets de la récession sur les plus vulnérables.
Aux États-Unis, le président élu vient d’annoncer la mise en œuvre, dès son investiture, d’un plan massif de relance de l’économie américaine.
M. René-Pierre Signé. Vous ne faites rien pour le pouvoir d’achat !
M. Henri de Raincourt. Monsieur Signé, souhaitez-vous que l’on augmente la TVA ?
M. René-Pierre Signé. Mais non ! C’est le contraire !
M. Henri de Raincourt. Un point de TVA, c’est 9,5 milliards d’euros !
M. Jacques Mahéas. Nous voulons la baisser !
M. Henri de Raincourt. Nous savons quelle serait l’efficacité d’une relance par la consommation. En 1981, une telle politique a coûté à notre pays trois dévaluations successives et des milliers de chômeurs en plus. Nous ne commettrons pas les mêmes erreurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous partageons tous le même diagnostic : c’est maintenant qu’il faut agir !
Dès la rentrée, au mois de janvier, le Parlement s’attellera à l’examen des mesures annoncées récemment pour leur permettre d’entrer rapidement en application. Il s’agit non pas de dépenser sans compter, mais de favoriser l’activité et le travail pour créer les conditions d’une meilleure compétitivité demain, lorsque la croissance reprendra.
De notre point de vue, les décisions prises par le Gouvernement depuis le début de la crise forment un dispositif pertinent, qui nous permet de poursuivre l’indispensable modernisation de notre pays.
Dans une période comme celle que nous traversons, nous avons plus que jamais besoin de souplesse, de transparence et de mobilité.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas une harangue très enthousiaste !
M. Henri de Raincourt. Plutôt que de subir la crise, nous préférons la surmonter en accélérant les réformes et la transformation de notre pays. Nous voulons permettre à la France de combler son retard en matière de compétitivité et faire naître des initiatives.
Tous les observateurs reconnaissent l’ampleur et la force de l’engagement du Président de la République.
M. Jean-Pierre Sueur. Non ! Pas tous !
M. Henri de Raincourt. Claude Allègre (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) l’exprimait spontanément en répondant la semaine dernière à une question d’un journaliste. Il affirmait ceci : « Nicolas Sarkozy est formidable face à la crise financière. » (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. On ne fréquente pas les mêmes !
M. Bernard Piras. Vous préparez le prochain remaniement ministériel ?
M. Henri de Raincourt. Il continuait ainsi : « C’est l’opinion de tous les gens que je rencontre en Europe. »
M. Jean-Louis Carrère. Nous vous laissons M. Allègre ! Il est au mercato !
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous achevons l’examen de cette loi de finances, nous savons que nous nous remettrons demain à la tâche pour aller plus vite, plus fort et plus loin.
Avec les mesures engagées pour endiguer la crise économique, toutes les réformes que nous avons lancées depuis dix-huit mois forment un ensemble cohérent, qui conduira notre pays sur la voie de la modernité. Nous devons tirer profit de cette crise pour remettre sur les rails ce qui doit l’être.
Le Gouvernement peut compter sur notre soutien total et notre confiance. Nous ne ménagerons pas nos efforts pour être, avec lui, au rendez-vous de la réforme. Nous le manifesterons naturellement ce soir, en approuvant sans hésitation le projet de loi de finances pour 2009. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, faut-il rappeler que le projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit dans un contexte de grave crise économique mondiale et que les initiatives gouvernementales découlant de cette conjoncture difficile ont pour effet de rendre ce budget singulièrement virtuel ? En effet, ce texte intervient entre le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie et le plan de relance, qui sera mis en œuvre par le collectif budgétaire de fin d’année, ainsi que par une nouvelle loi de finances rectificative, prévue au début du mois de janvier.
Peut-être faudrait-il également prévoir un projet de loi rectificatif pour la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012,…
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut tout rectifier ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yvon Collin. … qui apparaît bien obsolète aujourd’hui.
Dans un tel cadre législatif, que l’on pourrait qualifier de « foisonnant », nous allons nous prononcer sur un texte guidé par une idéologie récurrente : la sacro-sainte maîtrise des finances publiques. D’ailleurs, cela ne manque pas de sel, puisque l’on nous demande, dans le même temps, d’approuver des plans très dépensiers, tantôt pour soutenir les banques, tantôt pour juguler les effets de la crise.
Nous devons ainsi surmonter la contradiction entre ce que nous faisons aujourd’hui et ce que nous serons obligés de faire demain. Dans le projet de loi de finances, on nous annonce un déficit budgétaire à 2,9 % du PIB, mais ce chiffre pourrait atteindre 4 % si les mesures annoncées par le Président de la République se concrétisent.
En attendant, on peut au moins se satisfaire des corrections qui pourraient prochainement être apportées aux nombreuses missions budgétaires actuellement soumises au régime sec. En effet, depuis le discours de Douai, nous savons qu’il y aura une session de rattrapage pour certaines d’entre elles.
Je pense, par exemple, aux crédits de la mission « Ville et logement », qui traduisent le désengagement actuel de l’État à l’égard du parc social. Si ce qui est annoncé se vérifie, nous pourrons sans doute nous réjouir des 1,4 milliard d’euros supplémentaires prévus pour soutenir le secteur.
Si la mission « Défense » est très contrainte dans le projet de loi de finances, sans doute en raison de la RGPP et du Livre blanc, nous sommes agréablement surpris de constater que ce domaine est la troisième priorité du plan de relance.
Je mentionnerai également l’exemple de la culture, qui est bien souvent sacrifiée – nos collègues rapporteurs l’ont d’ailleurs souligné –, notamment avec l’augmentation des engagements non couverts du programme « Patrimoines ». Aussi les 100 millions d’euros supplémentaires qu’il est prévu d’affecter à la culture constituent-ils une bonne nouvelle.
Par conséquent, si je comprends bien, au regard des dépenses vertigineuses annoncées, et en mettant de côté la question de la sincérité du chiffrage, qui nous occupera certainement le moment venu – nous y reviendrons –, le projet de loi de finances pour 2009 ressemble à un simulacre.
Comment pourrait-il en être autrement ? Ce texte est, une nouvelle fois, fondé sur un substrat d’essence très libérale, où le dogme de la maîtrise des finances publiques interdit un réel pilotage de l’économie et où l’intervention de l’État se fait a minima.
Je l’ai d’ailleurs déploré à l’occasion des travaux que j’ai menés avec notre excellent collègue Joël Bourdin au sein de la Délégation pour la planification. Dans notre rapport intitulé La coordination des politiques économiques en Europe : le malaise avant la crise ?, qui était sans doute prémonitoire, nous insistions sur la nécessité d’inscrire de véritables réglages macroéconomiques dans le projet de loi de finances, de préférence coordonnés à l’échelon européen.
Pour ma part, je constate avec regret que le projet de loi de finances pour 2009 rate cette occasion. Nous avons discuté une nouvelle fois pendant quinze jours, et à la virgule près, sur les crédits des missions et sur un équilibre budgétaire qui vont à l’encontre de la relance. La poursuite de la politique de compétitivité et d’activité, qui est dictée par le pacte de stabilité et de croissance, oblige à un ferme encadrement des politiques de soutien de la demande. Cette pente est dangereuse, car la contraction du pouvoir d’achat conduit à l’endettement des ménages. Les États-Unis en mesurent aujourd’hui les graves et dramatiques conséquences. En réalité, la crise déclenchée par le malaise financier est l’expression d’une dérégulation macroéconomique.
Par ailleurs, outre son incapacité à infléchir le cours de l’économie, ce budget perpétue l’injustice fiscale. La confirmation du maintien du bouclier fiscal et le report de la chasse aux niches fiscales laissent toujours la même impression : celle d’une mise à l’abri des gros patrimoines, d’une part, et d’une pression fiscale soutenue sur les classes moyennes, d’autre part.
Dans ces conditions, vous comprendrez que la majorité du RDSE n’approuvera pas ce budget, immuable dans ses fondements et dans son esprit. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en raison d’une symphonie économique mondiale totalement discordante et de politiques devenus sourds pour ne plus l’entendre, une profonde crise économique, sociale, morale et politique nous frappe.
Des certitudes disparaissent. Face à un avenir sombre, les espoirs risquent de n’être plus que des illusions. L’Europe est menacée dans ses fondements économiques comme dans son modèle. Le mondialisme impose des pratiques cyniques, au nom d’un réalisme ignorant la volonté des nations. La crise va changer les équilibres du monde. Elle va modifier les comportements, les idées, les valeurs.
Notre économie est confrontée à un retournement de tendance dont on ne connaît pas l’intensité finale et à des mutations que nous n’avons pas su imaginer. On ne peut s’exprimer sur le budget sans le placer dans ce contexte tout à fait exceptionnel.
Comment s’adapter à un tel environnement ? Nous devons tenter de protéger le niveau des recettes pour rester dans la perspective d’un retour à l’équilibre de nos finances publiques.
De surcroît, nous ne devons pas compenser les moins-values de recettes par une augmentation de la pression fiscale ou par des économies d’investissements. Cela irait à l’encontre de la politique menée pour surmonter la crise financière. Nous devons investir pour maintenir l’activité et préparer le futur. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a déclaré : « Parce que la crise va tout changer, notre réponse doit préparer le changement. Elle doit préparer l’avenir. […] Notre réponse à la crise, c’est l’investissement. »
C’est bien l’investissement seul qui constitue la réponse, car ayons bien à l’esprit qu’avec un plan de relance par la seule consommation la moitié de chaque euro bénéficierait aux usines chinoises ou coréennes (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et nous persévérerions dans l’inexorable destruction de notre outil de production.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien vu !
M. Aymeri de Montesquiou. Mais la question principale qui se pose en cette fin de discussion budgétaire touche à l’avenir. Il est difficile de faire des prévisions tant que l’évolution probable de notre économie ne sera pas mieux définie, les plans des différents pays mis en œuvre et les marchés stabilisés.
Les recettes budgétaires sont toujours aléatoires, mais nos hypothèses de conjoncture sont aujourd’hui encore plus fragiles.
Cependant, le budget constitue un acte politique conservant tout son sens de cadre général. Ce dernier ne doit pas être soluble dans la crise. Notre travail d’arbitrage, de redéploiement au bénéfice de priorités précédemment définies ne doit pas être mis en cause par la conjoncture. Nous nous y sommes employés avec détermination et conviction.
Le Gouvernement a adopté des hypothèses prudentes. Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez appliqué cette prudence à tous les postes de recettes. Néanmoins, des incertitudes pèsent toujours sur des milliards d’euros de recettes.
Sincère, ce budget sera-t-il réaliste ? La règle d’un budget établi sur une croissance zéro entraînera une plus grande discipline et si, divine surprise, il existe des marges, elles seront consacrées au remboursement de la dette.
Ce projet de budget pour 2009 poursuit l’effort tendant à maîtriser rigoureusement la dépense publique. Il a mis en pratique le principe de la stricte compensation. Enfin, nous allons vers une amélioration de l’équité et de la justice de notre système fiscal.
La norme du « zéro volume » pour la croissance des dépenses, prolongée jusqu’à 2012, permettra enfin de fixer la trajectoire des finances publiques dans un objectif d’équilibre des comptes.
Nous l’avons compris, seule la maîtrise de la dépense publique permettra d’abord le retour à l’équilibre de nos finances publiques, puis la baisse des prélèvements obligatoires afin de restaurer notre compétitivité et de rendre la France attractive.
Outre la qualité de ce projet de budget pour 2009, je veux saluer celle du travail accompli.
Pourtant, dans la foulée de la réforme constitutionnelle, j’aurais aimé constater une plus étroite collaboration entre le Gouvernement et les assemblées, qui veulent voir leurs propositions considérées et plus souvent retenues.
Soyez plus à l’écoute de la commission des finances, madame la ministre, monsieur le ministre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Cet objectif d’équilibre par la baisse des dépenses de fonctionnement, nous l’avons inlassablement réclamé. La crise financière nous y contraint. Évitons d’ériger des mesures exceptionnelles en norme de régulation du capitalisme et de chercher à actualiser des méthodes appartenant au passé. Ne réhabilitons pas l’économie administrée et le protectionnisme, qui ne peuvent qu’asphyxier l’économie. La dynamique de la déflation, des risques politiques et des conflits serait alors relancée.
Madame la ministre, monsieur le ministre, notre expansion s’est trop longtemps nourrie de déficits publics. La dette n’a cessé de s’accroître. Les marchés ont pris acte de notre aptitude à rompre le pacte de stabilité. Le coût de nos emprunts est supérieur de 15 % à celui des emprunts allemands. Nous en paierons le prix !
Ce retour attendu du parlementarisme et du politique traduit la volonté du Président de la République de réformer la Constitution, mais aussi sa réactivité en situation de crise et sa capacité à mobiliser nos partenaires.
M. Jacques Mahéas. Terminez !
M. Aymeri de Montesquiou. Dans cet état d’esprit, le réalisme, le courage et la sincérité s’imposent plus encore dans l’élaboration du budget.
Vous répondez à cette exigence, madame la ministre, monsieur le ministre, en suivant l’adage du baron Louis (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), que tous les ministres du budget devraient avoir à l’esprit et au fond du cœur : « L’État doit être le plus honnête homme de France ».
M. Jean-Louis Carrère. C’est trop long ! Ils sont deux et ils parlent une heure !
M. Aymeri de Montesquiou. C’est pourquoi, avec la minorité du groupe du rassemblement démocratique et social européen, j’approuve votre budget. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Mes chers collègues, c’est à un exercice tout relatif auquel nous nous sommes livrés pendant des jours et des nuits, et les nuits n’étaient pas forcément plus belles que les jours ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela pourrait être pire !
Mme Nicole Bricq. Au terme de ces quelques semaines de débat, la relativité de l’exercice sera encore plus forte pour les collègues de la majorité, car ils vont, eux, voter un budget auquel ils ne prêtent pas la vertu de faire face à la crise, ...