M. le président. Veuillez conclure, madame Garriaud-Maylam, car vous avez d’ores et déjà dépassé votre temps de parole.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je souhaite aller au bout de mon propos, monsieur le président, puisque tout le monde a dépassé son temps de parole, mais je serai très brève.
C’est déjà le cas dans plusieurs établissements. Je pense au lycée de Londres, qui ne peut accueillir tous les jeunes Français qui demandent une place.
L’AEFE a annoncé un nouveau prélèvement de 6 % sur les frais de scolarité pour couvrir une part des frais associés aux retraites des fonctionnaires et pour alimenter un fonds immobilier susceptible de financer un certain nombre de projets indispensables dans le monde.
Cette charge supplémentaire est très mal acceptée, monsieur le ministre, et je sais que vous avez déjà reçu un certain nombre de télégrammes diplomatiques à ce sujet. Elle s’ajoute à un accroissement des charges déjà considérable. Pour en rester à l’exemple de Londres, les familles ont déjà subi un accroissement annuel de 9 % des frais de scolarité, allant jusqu’à 42 % d’augmentation cette année pour les nouveaux entrants en maternelle et même 68% pour certaines classes bilingues.
C’est pourquoi je considère, avec les associations de parents d’élèves, que les amendements de M. Gouteyron, un nom de la commission des finances et de M. Trillard, au nom de la commission des affaires étrangères, vont dans le bon sens. En instituant un double plafond à cette aide financière étatique, nous répondrons à la fois à l’objectif de soutien à la scolarisation des jeunes français à l’étranger et au principe d’équité réclamé par nos concitoyens, sans encourager pour autant un développement abusif des frais de scolarité dans certains établissements.
Quant aux sommes économisées, leur redéploiement est inévitable si l’on veut que les familles soient traitées de manière plus équitable et que l’AEFE puisse enfin faire face à l’entretien et à l’expansion de son réseau : nombre de nos lycées sont exsangues et doivent réaliser d’importants travaux, ne serait-ce que pour l’indispensable mise aux normes de sécurité. C’est pour cette raison que je ne suis pas favorable à la réaffectation aux bourses scolaires des crédits ainsi dégagés.
Nous avons trop longtemps regretté que le système des bourses, qui reste indispensable, exclue de facto les familles moyennes ou celles qui comptent plus de deux ou trois enfants. Il importe donc d’introduire le principe de subsidiarité et de faire en sorte qu’une part plus grande des sommes économisées revienne aux utilisateurs, aux conseils d’établissement et aux parents d’élèves. Je rappellerai que nombre d’associations de parents d’élèves ont déjà créé des fonds d’aide sociale, variable d’ajustement qui permet d’aider telle ou telle famille, voire de financer l’achat de nouveaux postes informatiques.
J’aurais pu, mes chers collègues, vous entretenir encore longuement de toutes ces questions, mais je ne veux pas dépasser davantage mon temps de parole. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Je vous en remercie, madame ; un dépassement d’un tiers me semble en effet raisonnable !
La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2008 aura été marquée par la présidence française de l’Union européenne. Or force est de constater que le dynamisme affiché à cette occasion par le Président de la République ne se traduit pas dans le projet de budget pour 2009.
En effet, les crédits en faveur de la présence de la France en Europe restent toujours aussi faibles. Au sein de la mission « Action extérieure de l’État », que nous examinons aujourd’hui, les crédits de paiement du programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde » s’élèvent à 1,61 milliard d’euros, soit, il est vrai, une augmentation de 3,8 %.
Malheureusement, seuls 3 % de ce montant sont consacrés à l’action « Action européenne », qui, déjà sous-dotée, voit ainsi ses moyens financiers diminuer de 1,53 % par rapport à 2008. Cette action est pourtant loin d’être négligeable puisqu’elle rassemble, notamment, les crédits d’intervention et de communication mis à la disposition du secrétariat d’État chargé des affaires européennes, les crédits destinés à soutenir la présence d’experts français dans les missions européennes et les contributions au Conseil de l’Europe.
L’action consulaire n’échappe pas non plus à cette diminution progressive de la présence française sur le vieux continent. La poursuite en 2009 de la transformation de consulats généraux de plein exercice en postes « à gestion simplifiée », comme cela s’est déjà fait à Séville, Stuttgart ou encore Turin, en est une illustration.
Le rayonnement culturel de notre pays, notamment chez nos partenaires historiques, est lui aussi affecté par la « rationalisation de la dépense publique », pour reprendre la formule consacrée. À titre d’exemple, un tiers des centres ou des instituts culturels français ont été fermés ces dernières années en Allemagne, et l’on constate un net recul de l’apprentissage mutuel du français et de l’allemand.
La présidence française de l’Union européenne s’était fixé pour objectif de réconcilier l’Europe et les citoyens français. Mais la concrétisation de cet objectif supposerait qu’une politique volontariste de communication et d’information à valeur pédagogique soit menée auprès de nos concitoyens, qui, le plus souvent, hélas, assimilent l’Europe à une administration froide et éloignée de leur quotidien. Or, faute de moyens et d’ambition réelle en la matière, il ne sera pas atteint cette année. Il ne le sera pas non plus en 2009 et, de fait, ce sont les collectivités territoriales qui, dans le cadre de leurs coopérations décentralisées, grâce à un vrai travail de proximité, contribuent le plus souvent à faire émerger ce sentiment d’appartenance à l’Europe.
Depuis cinquante ans, de nombreux liens – près de 4 200 – ont été tissés entre les collectivités françaises et les structures homologues des autres pays européens. Tous les échanges, linguistiques, culturels, économiques, ainsi créés forment un maillage extraordinaire et œuvrent plus à la construction européenne et au rayonnement de la France que bien des discours ou des sommets non suivis d’effets ; vice-président de la région Rhône-Alpes délégué aux affaires européennes et aux relations internationales, je peux en témoigner.
Les collectivités territoriales s’affirment ainsi comme les meilleurs relais de la France et de ses forces vives sur le Vieux Continent. Cela ne poserait d’ailleurs pas de difficulté si elles disposaient des mêmes ressources que les länder allemands ou les régions espagnoles ; or on sait que ce n’est pas le cas.
L’examen du projet de budget pour 2009 confirme donc l’absence de stratégie claire et ambitieuse pour assurer à la France la place qui devrait être la sienne en Europe.
L’insuffisance des moyens que l’État consacre à ses actions extérieures n’est, bien sûr, que partiellement comblée par les collectivités territoriales, qui demeurent asphyxiées par de nombreux transferts de compétences non intégralement compensés par l’État.
C’est notamment pour cette raison que le groupe socialiste ne votera pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, être le treizième intervenant dans une discussion présente un avantage : peu de problèmes sont restés dans l’ombre et l’on peut se concentrer sur un sujet unique. J’axerai donc mon intervention sur la collectivité à laquelle j’appartiens, celle des Français de l’étranger, et plus précisément, vous l’aurez deviné, sur l’enseignement français à l’étranger.
La solidarité nationale ne peut s’arrêter aux frontières géographiques de notre pays. Il n’est pas normal qu’un enfant français soit exclu de notre système d’enseignement soit pour des raisons financières, soit pour des raisons géographiques.
Pour cette raison, le Président de la République a souhaité que, dès la rentrée scolaire 2007, le coût de la scolarité des enfants dans les lycées français à l’étranger soit pris en charge par la collectivité nationale, et ce en commençant par la classe de terminale en 2007, en poursuivant par la classe de première en 2008 et, je l’espère, en l’étendant à celle de seconde en 2009.
J’ajouterai que l’on ne peut pas, d’un côté, continuer d’inciter les Français à s’expatrier et, de l’autre côté, leur demander de supporter des frais de scolarité dont le niveau les oblige trop souvent à renoncer à inscrire leurs enfants dans les établissements français.
Si nous adoptions les conditions proposées, qui nous ramèneraient en fin de compte à la situation initiale, le signe que nous donnerions serait aussi fort que déplaisant pour nos compatriotes de l’étranger, qui sont restés trop longtemps ignorés.
Le renforcement du lien entre la République et ses expatriés doit s’opérer dans tous les domaines de la vie quotidienne, au premier rang desquels figure l’éducation de nos jeunes expatriés.
L’expatriation est un pari ; il faut que ce soit un pari gagnant. La France doit être aux côtés de tous ceux qui désirent créer, innover, travailler comme ils le souhaitent et qui ont choisi de s’expatrier pour le faire. Je ne partage pas l’idée, à mon goût un peu trop répandue en métropole, selon laquelle nos expatriés seraient des privilégiés qu’il faudrait à tout prix chercher à contrôler ou à pénaliser pour leur choix. Tous ne résident pas en Suisse, en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou dans des paradis fiscaux !
Mme Nathalie Goulet. Ou prétendus tels !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À Monaco…
M. Christophe-André Frassa. Ce n’est pas un paradis fiscal, madame, vous devriez le savoir ! (Sourires.)
Scolariser ses enfants à Ouagadougou, ce n’est pas aussi simple et évident qu’à New York ou en France, par exemple à Nice, Rosières ou Saint-Gildas-des-Bois… (M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, et M. André Trillard, rapporteur pour avis, sourient.)
Si j’ai bien compris l’exposé des motifs des amendements adoptés par la commission des finances et par la commission des affaires étrangères, l’ambition des auteurs serait de pérenniser la prise en charge des frais de scolarité tout en rendant cette mesure soutenable sur le plan des contraintes budgétaires. Ce souci est probablement très louable sur le plan de l’orthodoxie comptable, mais je ne pense pas que nous puissions décemment remettre en cause une telle mesure par de simples amendements au projet de loi de finances pour 2009, alors même que l’estimation de son coût réel, à maturité, varie du simple au triple selon les sources.
De plus, la complexité liée à la multitude des critères de gratuité doit nous conduire à une plus grande vigilance dans notre manière d’aborder la réforme d’un système qui est, somme toute, encore très récent. Vous me permettrez d’ailleurs de trouver un peu légère la condamnation de la prise en charge par l’État des frais de scolarité de nos jeunes compatriotes fréquentant les lycées français à l’étranger avant même que la mesure soit totalement appliquée : son expérimentation a commencé voilà à peine plus d’un an ! Au demeurant, je suis très favorable à ce que ses conséquences financières sur le budget de la mission « Action extérieure de l’État » soient étudiées en profondeur : en cela, mais en cela seulement, je rejoins l’avis de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères.
En revanche, je ne suis pas du tout favorable à une remise en question de cette mesure sur la base des arguments qui ont été présentés. C’est une bonne mesure, espérée et attendue de longue date par nos compatriotes de l’étranger,…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Personne ne la demandait !
M. Christophe-André Frassa. … et elle doit être étendue, comme le Gouvernement l’a promis et comme nous nous y sommes engagés.
Il faudra certainement, j’en conviens, procéder à des ajustements au cas par cas. Il est notamment possible d’explorer de nouvelles pistes, tels la prise en charge des frais par certaines entreprises ou le conventionnement entre celles-ci et les établissements scolaires. Mais poser des conditions de revenu et plafonner les aides, ce serait faire plusieurs pas en arrière par rapport à notre ambition et à notre volonté. Je ne peux pas l’admettre. Le risque existe d’ailleurs que ces propositions, si elles étaient adoptées, ne provoquent l’effet inverse de celui qui est recherché.
La notion de service public implique que l’on puisse bénéficier d’un enseignement à l’étranger de la même manière qu’en France, c’est-à-dire que les familles françaises résidant à l’étranger ne soient pas contraintes d’en assumer le coût. Nous avons commencé par les classes de terminales : c’est un geste fort !
Je crois plus cohérent et bénéfique de réunir sur le sujet un groupe de travail s’appuyant sur l’expertise de l’Assemblée des Français de l’étranger, du ministère des affaires étrangères et européennes, de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, des sénateurs représentant les Français établis hors de France, mais surtout de l’ensemble des acteurs sur le terrain : c’est par cette voie concertée qu’il convient de rechercher les améliorations susceptibles d’être apportées au système existant afin de le rendre à la fois plus performant et plus supportable pour les finances de l’État. En cela, je rejoins totalement la position exprimée par notre collègue Robert del Picchia, raison pour laquelle j’ai cosigné son amendement.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en considération cette proposition de bon sens qui, dans le même souci qui anime mes collègues Gouteyron et Trillard, vise à ne laisser personne sur le bord du chemin tout en maîtrisant les dépenses. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mes collègues sénateurs des Français de l’étranger, je centrerai mon intervention sur l’examen des crédits alloués au programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires ».
Monsieur le ministre, je vous adresserai une première requête : pourriez-vous veiller à la publication rapide de la nouvelle organisation du ministère ? Vous nous avez certes communiqué quelques avant-projets, mais il serait maintenant utile d’aboutir et, en particulier, d’indiquer ce qu’il adviendra de la DGCID, la direction générale de la coopération internationale et du développement : l’incertitude actuelle entraîne un certain trouble, peut-être épargnés aux services de votre ministère, mais qui frappe les postes consulaires, où, pour certaines questions, personne ne sait plus à qui s’adresser. Il serait donc de bonne politique de publier le nouvel organigramme.
Les crédits du programme 151 seront de nouveau en diminution en 2009. La baisse, de 0,2 %, est certes modeste, mais elle vient après de nombreuses autres – elle atteignait plus de 8,3 % dans le budget pour 2008 –, et ce alors même que les communautés expatriées augmentent. Bien entendu, l’action consulaire suit cette évolution budgétaire, que nous déplorons.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le rôle des consuls et des consuls généraux. Le système ne tient aujourd’hui que grâce à leur action et à leur dévouement : ils se tuent véritablement à la tâche,…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Tout à fait !
M. Richard Yung. … travaillant le samedi, le dimanche, s’occupant de tout parce qu’ils n’ont plus d’effectifs, plus de cadres. Ils sont donc la cheville ouvrière du dispositif, grâce à laquelle tout tient et à défaut de laquelle tout risque de s’écrouler.
J’ai l’impression, après avoir visité de nombreux postes consulaires, que leurs personnels souffrent de ne pas être considérés. Ils sont en quelque sorte les soutiers du ministère et je crois exprimer leur sentiment – ils ne me l’ont pas demandé ! – en disant qu’ils souffrent de ne pas être reconnus à leur juste valeur.
Sur les autres éléments du programme 151, je note que les crédits alloués à l’action sociale en faveur des Français de l’étranger augmentent légèrement en 2009 : 16 millions d’euros, contre 15,57 millions d’euros en 2008. Cependant, pour les années suivantes, c’est une baisse qui est anticipée dans votre projet triennal.
En revanche, les crédits consacrés à l’emploi et à la formation professionnelle des Français de l’étranger – sujet important – sont maintenus au même niveau qu’en 2008, 800 000 euros, c’est-à-dire pas grand-chose. C’est un choix que je déplore parce que développer la formation professionnelle permet de maintenir les Français de l’étranger dans les pays où ils vivent et évite d’avoir à les rapatrier en France, avec toutes les difficultés que cela entraîne. Or ces crédits ont baissé de 28 % en 2008 et de 34 % en 2007, c’est-à-dire au total de plus de 50 %.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je souhaitais vous demander si le futur Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, que nous a présenté hier M. Hortefeux, continuera de participer aux actions relatives à l’emploi et à la formation professionnelle des Français de l’étranger, mission qui est actuellement assurée par l’ANAEM, l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations. Au demeurant, le Sénat a examiné hier un amendement visant à réduire les crédits de l’ANAEM ; je l’ai combattu parce que j’estime que cela aurait pour conséquence de réduire les crédits disponibles pour la formation professionnelle des Français établis à l’étranger.
J’évoquerai au passage, bien que cela ne dépende pas de votre ministère, les problèmes de délais d’obtention des certificats de nationalité. Nous avons l’impression de répéter sans cesse la même chose ! On demande des certificats de nationalité, alors même que M. le directeur des Français à l’étranger a bien donné les instructions nécessaires pour que l’on n’en réclame pas un à tout propos.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À tort et à travers !
M. Richard Yung. Le problème ne relève donc pas de vos services : il vient de la Chancellerie puisque c’est le tribunal de la rue du Château-des-Rentiers qui n’a pas assez de greffiers qualifiés pour délivrer ces certificats. De ce fait, les Français de l’étranger attendent vingt, vingt-cinq, voire trente mois, ce qui crée des situations juridiquement aberrantes et humainement insupportables.
J’en viens aux questions relatives à l’enseignement français à l’étranger, qui ont été abordées par plusieurs orateurs, et je me réjouis de l’intervention de notre collègue Robert del Picchia : il a reconnu le bien-fondé d’un certain nombre des critiques qui sont formulées, et il n’était pas loin de reprendre à son compte notre proposition initiale de passer par la voie d’une augmentation de l’enveloppe consacrée aux bourses, tout le monde étant par ailleurs d’accord sur l’objectif.
M. Robert del Picchia. En effet !
M. Richard Yung. M. del Picchia a eu la grande sagesse d’évoquer le programme de Ségolène Royal. (Sourires.) Je l’en remercie, il rend hommage à la vertu !
M. Jean-Pierre Chevènement. N’en faites pas une martyre !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Il aurait pu citer Martine Aubry, mais malheureusement elle n’a rien dit sur le sujet ! (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. Je rappelle que ce programme, que je connais quand même un petit peu, était très simple : il consistait à dire que nous parviendrions au même objectif en portant l’enveloppe des bourses de 52 millions ou 53 millions d’euros à 75 millions ou 80 millions d’euros. Telle était la méthode proposée.
L’argument essentiel à mes yeux est le suivant : ce système, tel qu’il est mis en œuvre, a pour inconvénient d’augmenter les frais de scolarité pour les enfants non français. Or ce système ne tient que parce qu’il y a des enfants non français dans nos établissements, et dans une proportion d’environ deux tiers. Autrement dit, si nous écartons les élèves étrangers – mais ils ne vont pas tous partir, Dieu merci ! – il n’y aura plus d’enseignement français à l’étranger.
Par conséquent, en faisant porter le poids de la gratuité sur les enfants non français, on envoie un message négatif aux familles d’élèves étrangers : « Ne mettez plus vos enfants dans nos écoles ! »
Autre conséquence, l’AEFE, qui est étranglée financièrement par d’autres mesures, prévoit de prélever une sorte de super-taxe de 6 % sur les frais d’écolage des écoles conventionnées et de 2 % pour les écoles homologuées.
Selon mes informations, c’est une mesure qui passe évidemment très mal et qui risque d’avoir pour conséquence de pousser certains des 400 établissements à quitter le sein généreux et maternel de l’AEFE, qui doit superviser le système.
Cette mesure est très dangereuse parce qu’elle entraînera le « détricotage » du réseau éducatif français à l’étranger. Nous devons l’éviter à tout prix et je pense qu’il faudra revenir sur l’idée de ces taxes abusives, dont je me demande d’ailleurs quel est le fondement juridique.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai l’amendement de la commission des affaires étrangères ou celui de la commission des finances, visant à instaurer un double plafonnement en fonction, d’une part, des revenus des parents et, d’autre part, du montant des droits de scolarité.
De la même manière, j’apporterai mon soutien à l’amendement présenté par notre collège Monique Cerisier-ben Guiga et visant à attribuer 600 000 euros au financement du programme FLAM, « Français langue maternelle », qui rencontre un énorme succès, pour un coût relativement modeste, et qui est une sorte de guichet d’entrée dans le système éducatif francophone.
Telles sont les principales observations que je souhaitais formuler, monsieur le ministre, et qui expliquent que nous aurons quelques hésitations à voter les crédits de votre mission
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Dernier orateur inscrit, intervenant après un certain nombre de collègues sénateurs des Français de l’étranger, je vous rassure, mes chers collègues, je serai aussi bref que possible.
Monsieur le ministre, je tiens à profiter de cette tribune pour partager avec vous les bonnes nouvelles pour la francophonie que j’ai rapportées de l’océan Indien.
Je reviens de Madagascar, où j’ai eu la bonne surprise d’apprendre de notre chargé d’affaires que le président Ravalomanana, qui n’avait pas jusqu’à maintenant la réputation d’être un grand « francophonophile »…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C’est surtout qu’il n’aimait pas notre ambassadeur !
M. André Ferrand. Le problème n’est pas là, ma chère collègue. Le problème, nous le savons, est qu’il a introduit l’anglais comme troisième langue officielle dans son pays…
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Absolument !
M. André Ferrand. … et il est clair que, depuis un certain nombre d’années, la francophonie était en régression.
Or, grâce à votre action, monsieur le ministre, le prochain sommet de la francophonie aura lieu à l’automne 2010 dans la Grande Île. Le président malgache en est manifestement très heureux, et cela l’a amené à opérer un virage à cent quatre-vingts degrés : il est devenu notre grand ami.
Monsieur le ministre, il nous faut à tout prix profiter de cette conjoncture tout à fait favorable ; nous avons deux ans devant nous, c’est suffisamment proche pour mobiliser les énergies et suffisamment long pour s’organiser.
J’ai lancé le même appel à votre collègue M. Darcos il y a deux jours dans cet hémicycle et il l’a très bien reçu.
Il convient, me semble-t-il, de profiter de cette chance quasi historique que nous offre ce grand porte-avions qu’est Madagascar, déjà en grande partie francophone, situé à proximité relative – eu égard à la taille de l’océan Indien ! – de cette sorte d’archipel francophone que constituent la Réunion, Maurice, les Comores, Mayotte et les Seychelles. Il s’agit maintenant, selon moi, de décréter un véritable branle-bas de combat !
Nous avons deux ans pour rattraper le temps perdu. La tâche est immense, il ne faut pas se le cacher. Le président Ravalomanana a avancé des chiffres un peu extravagants, parlant de 70 000 enseignants à former en français, ce qui ne semble pas très réaliste.
Il s’agit d’une occasion unique à saisir. Il faut mobiliser toutes nos forces de coopération, l’éducation nationale, l’île de la Réunion, ainsi que l’Agence française de développement, à laquelle on reproche trop souvent de manquer de culture du résultat.
Monsieur le ministre, vous l’avez compris, je suis venu à cette tribune prêcher un véritable plan Marshall pour la francophonie dans l’océan Indien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Mon intervention sera brève.
Je répondrai d’abord à M. Ferrand – ce sera ma seule réponse de politique générale – que nous sommes conscients de la nécessité d’accélérer les choses à Madagascar. J’espère que notre nouvel ambassadeur sera bien accueilli. Les choses sont un peu compliquées psychologiquement et politiquement, mais la tâche est immense. Le sommet de la francophonie aura lieu dans deux ans ; nous nous y préparons et Madagascar également.
Madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la richesse de vos interventions. J’aime débattre avec vous…
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est un plaisir trop rare !
M. Bernard Kouchner, ministre. … mais un débat budgétaire n’est pas un débat de politique générale. (Mme Dominique Voynet sourit.) Je vois que Dominique Voynet a compris ce que je voulais dire...
J’ai déjà eu l’occasion de participer avec vous à un débat de politique générale et je suis tout à fait prêt à en avoir un de nouveau en janvier si vous le souhaitez. En effet, c’est un peu difficile avant la fin de l’année, d’autant que la présidence française est très contraignante.
Par conséquent, vous voudrez bien me pardonner, mais je ne répondrai que sur le budget,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Bernard Kouchner, ministre. … aussi intéressé que je puisse être par tous les sujets qui ont été abordés et par vos interrogations, qui appellent effectivement des réponses.
Je rappellerai tout d’abord que les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » s’élèvent à 2,5 milliards d’euros et sont en progression, il faut tout de même le souligner, de 7 %. Ce n’est pas assez, pensez-vous. Mais vous reprochez toujours à un ministre qui voudrait beaucoup plus d’argent de ne pas en avoir assez ! Je suis d’accord avec vous, mais ces crédits font partie d’un budget général qui tient compte de la situation économique globale de l’économie de notre pays. Ce budget résulte de décisions qu’il a fallu prendre dans une période de crise, laquelle s’est de plus révélée après que les crédits ont été arbitrés.
Ces crédits recoupent trois grandes priorités qui se concrétisent par leur volume financier.
La première concerne nos contributions internationales, grâce auxquelles nous concourons à la paix dans le monde – même si ce n’est pas toujours facile –, à la gestion des crises – nous le faisons de façon très visible et efficace – et à l’animation des forums multilatéraux.
La deuxième priorité concerne notre réseau à l’étranger, qui subit une profonde évolution.
Enfin, la troisième priorité a trait à notre action culturelle. Certes, les moyens qui lui sont dédiés sont insuffisants, je me charge de trouver des fonds supplémentaires, de concentrer notre effort et de donner à cette action une vraie dynamique.
Je sais l’importance de notre action culturelle, qui est même un atout par rapport aux autres diplomaties, mais je souhaiterais qu’elle le soit plus encore, notamment pour ce qui concerne notre réseau de lycées français à l’étranger, de centres culturels, etc.
Avec un projet de budget pour 2009 prévoyant 695 millions d’euros au titre des contributions internationales, c’est une grande partie des crédits du ministère des affaires étrangères et européennes qui est dédiée à cette priorité.
Les budgets des organisations internationales connaissent une croissance constante moyenne de 2,3 % par an. Ainsi, le volume financier des opérations internationales de maintien de la paix est important et continue, depuis l’an 2000, de croître de 10 % par an, avec environ 100 000 Français déployés.
La majorité de ces opérations a lieu dans des zones où la France est très directement concernée ; nous ne pouvons donc guère limiter ses forces d’intervention. Toutefois, la réduction de nos forces armées est à l’étude en Côte d’Ivoire et au Liban. La France contribue ainsi pour le seul Darfour, région où elle n’est pas présente, à hauteur de 85 millions d’euros. Nous avons obtenu une dotation de 340 millions d’euros pour les opérations, soit une hausse de 40 millions d’euros par rapport à 2008, qui correspond aux besoins. Mais le rythme de dépense des opérations telles que la MINUAD, la Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour, ou la MINURCAT, la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, remettrait en cause cette évaluation.
Je n’ai pas le temps de développer cette question, mais je vous informe, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour le Tchad, un quart des personnes déplacées sont rentrées chez elles et je parie que, d’ici au mois de mars prochain, échéance à laquelle l’opération EUFOR s’achèvera et sera, je l’espère, remplacée par une opération des Nations unies, la moitié d’entre elles seront rentrées.
Pour autant, nous essayons autant que possible de contenir cette dépense. Ainsi avons-nous transféré à d’autres ministères, à hauteur de 17 millions d’euros, les contributions d’une cinquantaine d’organisations que ces ministères suivaient déjà dans les faits, et nous allons continuer de le faire sur la période 2010-2011.
La France plaide aussi systématiquement pour la discipline budgétaire. Mais il est de notre intérêt de conserver un système multilatéral qui fonctionne.
Monsieur le rapporteur spécial, j’ai bien compris le sens de votre amendement sur l’Union latine, qui regroupe les pays latins d’Europe et d’Amérique latine. La négociation est actuellement en cours, et je puis vous assurer de la plus grande fermeté de notre position à l’égard de nos partenaires.
M. Jean-Pierre Chevènement m’a interrogé sur le budget des Nations unies. Il est certes en très forte hausse, mais celle-ci est concomitante du nombre des opérations engagées.
La demande initiale du secrétariat des Nations unies aurait conduit à une augmentation de notre contribution de 50 % environ, compte tenu de la présence des forces de ces dernières en Irak et en Afghanistan, des investissements informatiques et des créations de poste. Certaines de ces demandes sont légitimes, voire inévitables.
Quand peut-on souhaiter le départ des Nations unies d’Irak ou d’Afghanistan ? C’est une question dont nous pourrons débattre, même si nous ne sommes pas présents en Irak. En tout cas, ce n’est pas notre départ qui est essentiel. Depuis la conférence de Paris, il est désormais primordial aux yeux de tous de passer les commandes aux Afghans ; telle est bien notre stratégie. Il faut faire des choix, et les Nations unies doivent aussi faire des économies partout là où c’est possible.
Par ailleurs, je vous informe, mesdames, messieurs les sénateurs, que, par souci de régionalisation, nous allons réunir, en France, la semaine prochaine, les pays voisins de l’Afghanistan, à savoir l’Iran, le Pakistan, et tous les autres.