M. Alain Vasselle. À cet effet, il propose d’explorer deux voies.
La première consisterait à permettre aux sans-papiers qui ont des membres de leur famille sur le territoire national de bénéficier d’une régularisation de leur situation.
Je souhaiterais savoir quel degré de parenté serait pris en considération pour cette régularisation. S’agirait-il d’un lien direct entre les personnes ou d’un lien de parenté éloigné, auquel cas vous imaginez l’appel d’air que cela représenterait pour celles et ceux qui veulent venir sur le territoire national ?
Mme Dominique Voynet. On est hors sujet !
M. Alain Vasselle. Par conséquent, il serait souhaitable de connaître les intentions du Gouvernement dans ce domaine.
La seconde solution en faveur de laquelle plaide M. le rapporteur tend à appliquer purement et simplement la loi pour celles et ceux qui n’ont pas de membre de leur famille sur le territoire national.
L’application de la loi, c’est la reconduite à la frontière. Il serait intéressant de connaître le bilan de votre action dans ce domaine avec le concours du ministre de l’intérieur.
Mme Dominique Voynet. Ce n’est pas le sujet ! On parle du budget du logement.
M. Alain Vasselle. Quelle est l’évaluation de votre action, madame la ministre, et quelles difficultés rencontrez-vous avec vos collègues du Gouvernement pour appliquer la loi ?
Mme Dominique Voynet. L’immigration, c’était cet après-midi !
M. Alain Vasselle. Si vous pouviez m’éclairer sur ce premier point, j’en serais enchanté.
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est le 1 % logement.
Vous avez décidé de détourner du 1 % logement 850 millions d’euros, dont 320 millions pour financer l’APNRU et le solde pour financer l’ANAH, certainement pour des raisons tout à fait justifiées, mais avez-vous pris conscience, madame la ministre, des conséquences que cela aura sur l’équilibre financier des opérations de construction de logements sociaux ?
Le Gouvernement affiche la volonté de construire 110 000 logements sociaux par an, c’est-à-dire deux fois plus qu’il y a dix ans. C’est un effort que nous saluons, et nous ne pouvons que vous encourager et vous soutenir dans cette action.
Toutefois, je veux vous dire, prenant quelques instants la casquette du président d’un organisme HLM qui compte environ 8 000 logements, que jusqu’à ce jour – il est vrai que l’évolution du taux du livret A va évoluer dans un sens qui devrait être favorable aux organismes HLM –, nous ne pouvons équilibrer la plupart de nos opérations qu’avec le 1 % logement et avec le concours des collectivités locales. Celles-ci nous apportent souvent le terrain pour un euro symbolique, parce que le coût du foncier pèse lourdement dans l’équilibre des opérations.
Si nous détournons une partie des crédits qui étaient consacrés à l’équilibre de ces opérations, ce sont autant de logements sociaux que les organismes auront du mal à construire d’ici à la fin de l’année et vous vous étonnerez de leur manque de dynamisme.
Cela aura inévitablement un impact économique et donc des répercussions sur l’emploi, parce que moins de construction de logements, cela signifie moins de travail pour les entreprises.
Madame la ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment sur ce point. En effet, il s’agit de concilier votre objectif d’apporter un financement au PNRU et à l’ANAH et en même temps d’atteindre l’objectif des 110 000 logements sociaux, compte tenu du fait que l’équilibre de ces opérations ne peut se faire souvent qu’avec le concours des collectivités locales ou du 1 % logement. À défaut du 1 %, ce sont les collectivités qui risquent de payer la différence si elles veulent avoir des logements sociaux sur leur territoire.
Troisième sujet qui me préoccupe, madame la ministre, je n’ai pas compris ce qui a motivé de votre part la suppression des crédits PALULOS pour un montant de 60 millions d’euros.
Considérez-vous aujourd’hui que tous les logements sociaux sont réhabilités ou sont aux normes et répondent aux objectifs du Grenelle de l’environnement pour priver les organismes HLM du concours de l’État à travers les crédits PALULOS ?
Je suis surpris de cette suppression et, comme nous ne pouvons pas déposer un amendement visant à rétablir ces 60 millions d’euros parce que la commission des finances – M. Arthuis veille – nous aurait opposé l’article 40 de la Constitution, rien ne se fera, notamment auprès des organismes HLM, pour réhabiliter les logements.
Quelle solution envisagez-vous pour permettre aux organismes de continuer à financer des travaux de réhabilitation de logements sociaux ?
Enfin, mon dernier point concerne le financement des centres sociaux.
Il est prévu une baisse des crédits du fonds d’action sociale qui diminuera d’autant le rôle primordial des centres sociaux dans le cadre de la politique de la ville.
Or nous savons bien que les centres sociaux, par leurs concours financiers, permettent aux collectivités de mener une politique dynamique en faveur notamment des jeunes adolescents, dont un certain nombre risquent de basculer, pour diverses raisons, dans la délinquance.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, j’aimerais que vous m’apportiez un éclairage sur ces différents points, ce qui me permettra de conforter mon vote en faveur de votre budget, comme celui du groupe UMP qui ne manquera pas de vous apporter également son soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs, le tableau terrifiant, chiffre par chiffre, de la crise du logement que vit notre pays, chacun le connaît. Sur la cruauté du diagnostic, sur le scandale que constitue la situation présente et sur l’urgence d’en sortir, nous sommes d’accord. Il est donc inutile d’épiloguer plus longtemps sur le constat. Attardons-nous plutôt sur les réponses que vous prétendez y apporter, madame la ministre.
Voilà quelques semaines, dans ce même hémicycle, nous examinions le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Nous dénoncions l’érosion de vos crédits et le tour de passe-passe qui consistait, pour masquer la misère, à prélever sur le 1 % logement les centaines de millions d’euros qui faisaient défaut pour boucler le budget de l’ANAH et de l’ANRU.
Bien sûr, nous avions émis des doutes sur l’équilibre général d’un budget élaboré au cours de l’été, bien avant la tempête financière qui a secoué le monde, un budget dont on nous disait qu’il ne serait pas revu, si ce n’est à la marge.
Que s’est-il passé depuis ?
L’examen du budget se poursuit imperturbablement, bien que les hypothèses de croissance qui le fondent soient reconnues à peu près partout comme au mieux hardiment optimistes, au pire, tout à fait fantaisistes.
Le Parlement a voté un plan d’urgence qui transforme les pertes de financiers de haut vol en dettes pour nous tous. Le tout, cela va de soi, sans aucune contrepartie.
Il y eut bien des voix dans nos hémicycles – nous en fûmes – pour insister sur l’urgence d’un plan de soutien à l’économie réelle, celle qui produit des biens utiles, celle qui prépare l’avenir, celle qui génère des emplois qualifiés, non délocalisables, dans la construction, la réhabilitation et l’isolation des logements ou dans les transports publics, permettant à la fois de limiter les émissions de carbone dans un secteur stratégique et de contenir le coût des déplacements pour les familles condamnées à l’usage exclusif de la voiture. Elles ne furent pas écoutées.
Il y eut bien des voix, les mêmes et d’autres, pour insister sur le rôle de premier plan des collectivités territoriales, sur lesquelles reposent 75 % des investissements publics, et pour demander s’il était raisonnable de les déstabiliser par une réforme de la DSU préparée sans évaluation sérieuse des impacts ou de les soumettre à un régime de rigueur au motif, avançait le ministre du budget, que chacun devait faire des efforts.
Elles ne furent pas davantage entendues, provoquant chez bien des maires incompréhension et consternation.
Dans l’examen du budget de la mission « Ville et logement » qui nous est soumis aujourd’hui, que constatons-nous ?
Pas de débauche de milliards, pas de pluie de grands gestes, et bien peu de réponses à celles et ceux qui s’émeuvent du paradoxe saisissant selon lequel, alors que tout le monde, absolument tout le monde, déplore la crise du logement, personne, dans ce gouvernement, ne paraît s’émouvoir de ce que précisément les crédits affectés à résoudre la crise soient en baisse, comme ils le seront l’année d’après et l’année suivante encore.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme Dominique Voynet. Madame la ministre, vous pourrez nous parler de vos valeurs, de vos convictions et de votre bonne foi, vous ne pourrez le contester, parce que vous n’êtes évidemment pas dupe des artifices de présentation de ce budget : loin d’amortir les effets les plus brutaux de la crise, il marque un désengagement de l’État d’une ampleur inédite.
Voilà trois semaines déjà, le quotidien Le Monde rendait publiques les conclusions d’un rapport du comité de suivi et d’évaluation de l’ANRU, qui pointait très sévèrement le désengagement de l’État dans les opérations de rénovation urbaine. L’information n’a pas fait l’ouverture des journaux télévisés, mais elle a incontestablement attiré l’attention de tous les acteurs concernés, élus locaux ou militants associatifs.
Le 24 novembre dernier, la condamnation de l’association Droit au logement, le DAL, a fait bien plus de bruit. Les arguments avancés par le tribunal ont fait frémir à plus d’un titre : les tentes installées par le DAL ont été considérées comme des objets laissés à l’abandon, comme des encombrants, comme s’il s’était agi de poubelles, de gravats ou d’amas d’ordures.
Ce jour-là, madame, j’ai espéré que vous vous poseriez la même question que moi : est-ce bien la France que nous aimons, ce pays où il en coûte plus cher à une association d’alerter l’opinion sur la détresse des mal-logés qu’à un maire de refuser de se soumettre aux obligations de construction de logement sociaux ?
Je le dis en toute simplicité : quelle déception de vous entendre, vous la ministre des « mal logés », des « pas logés du tout », justifier la condamnation de l’association Droit au logement !
Mme Dominique Voynet. Mardi matin, devant l’Assemblée nationale, des militants associatifs, indignés de ce qu’on ait trouvé tant de milliards pour sauver les banques quand on compte si chichement les millions qu’on accorde au logement, ont déployé sur le sol des affiches de quelques mètres carrés, de surfaces comparables à celles que doivent se partager des familles de trois, quatre, cinq personnes ou plus...
Leur indignation, madame, je veux croire que vous la comprenez, et même que vous la partagez.
Tous ceux-là, les mal logés, les militants qui les soutiennent, les élus locaux confrontés chaque jour à des familles en demande de logement, attendent vos réponses.
Tous ceux-là auraient souhaité que votre budget soit à la hauteur.
Ils ne demandent pas tout, tout de suite. Ils savent la difficulté de faire, la longueur des procédures, les délais nécessaires à la construction. Ils savent que, de toute façon, cela prendra du temps. Mais ce qu’ils ne comprennent pas, ce que je ne comprends pas non plus– je l’avoue –, c’est pourquoi nous acceptons de perdre encore plus de temps. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que nous ne soyons pas capables d’augmenter les moyens que l’État consacre au logement, pire, que nous puissions admettre de les réduire !
Il est temps de faire les comptes, madame la ministre.
Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République il y a plus de dix-huit mois. Il avait promis de restaurer le volontarisme en politique, de réaffirmer que, lorsque la politique veut, elle peut.
Il avait pris auprès des Français l’engagement que tout deviendrait possible. Cet engagement, madame la ministre, vous oblige.
Votre majorité gouverne le pays depuis plus de six ans. Vous disposez d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale et d’une majorité qui reste confortable au Sénat.
Vous ne pouvez pas continuer à répéter encore et encore que tout est de la faute de ceux qui vous ont précédée. Vous ne pouvez pas continuer à faire comme si vous n’en finissiez plus, chaque heure, chaque jour, chaque semaine, de rattraper les conséquences de l’impéritie supposée des gouvernements de gauche.
Il est temps d’assumer vos propres responsabilités, d’entendre, madame la ministre, ceux qui vous disent, sur les bancs de cette assemblée, qu’il y a quelque chose de scandaleux dans les choix budgétaires du Gouvernement. Dans l’idée, martelée encore et encore, d’une France de propriétaires quand tant de familles peinent à devenir même locataires.
Il y a quelque chose de franchement scandaleux à faire mine de s’indigner le lundi de ce que plus d’un habitant sur deux craigne de devenir sans-abri un jour pour, le mardi et tous les autres jours de la semaine, détricoter méthodiquement tous les filets de sécurité et de solidarité sociales qui, s’ils étaient au contraire renforcés, permettraient peut-être que chacun se sente, même en cas de chute, même en cas de coup dur, un peu moins exposé à basculer dans le dénuement total.
Enfin, à quoi rime – contre-feu ou ballon d’essai – cette invraisemblable idée d’hébergement obligatoire des sans-abri ?
Lorsque j’ai entendu cette idée, madame la ministre, je me suis demandé si, au moins, elle avait été soumise aux associations et aux organisations humanitaires qui, sur le terrain, auraient eu à assumer les conséquences d’une telle décision.
M. Dominique Braye. C’est un peu facile de dire cela !
Mme Dominique Voynet. Leurs réactions m’ont assez vite renseignée sur ce point.
La polémique a ensuite enflé quelques jours et l’annonce du jour chassant l’annonce du jour précédent, votre étonnante proposition semble, sinon oubliée, du moins recalée.
Peut-être pourrez-vous nous expliquer tout de même quelles raisons vous ont poussée à formuler cette hypothèse ? Était-ce une idée comme ça, une idée en l’air ? Partageriez-vous cette vision détestable des pauvres et de la pauvreté, selon laquelle, à défaut de savoir garantir leurs droits fondamentaux, il faudrait au moins les protéger d’eux-mêmes ?
M. Dominique Braye. Arrêtez le violon ! Cela n’apporte rien, et ce n’est pas très noble !
Mme Dominique Voynet. S’il me reste quelques secondes, monsieur le président, je voudrais revenir sur les budgets dédiés à la politique de la ville et sur la tentative de réforme, encore une fois non concertée, de la dotation de solidarité urbaine.
Concentrer les moyens sur les villes qui en ont le plus besoin ? Pourquoi pas ? À condition que les critères d’attribution soient incontestables – prendre en compte le pourcentage de logements sociaux et, pourquoi pas, le pourcentage de bénéficiaires de l’APL, reste indispensable – et qu’un minimum de visibilité soit donné aux maires.
Je voudrais aussi souligner, madame la secrétaire d’État, à quel point le plan Marshall pour les banlieues, annoncé à grand renfort de formules choc – vous le disiez très cash, ce serait la tolérance zéro pour la glandouille ! – s’est réduit comme peau de chagrin.
Que devient le plan Espoir Banlieues ? Contestez-vous les chiffres avancés par la presse ou nous expliquerez-vous, comme votre ministre de tutelle en a pris l’habitude, que cela ne va pas fort, mais que tout ira mieux demain ? Sur ce point, j’attends votre réponse.
J’ai entendu que, face aux grands enjeux, le Gouvernement nous appelait à l’union nationale. Je me permettrai simplement de répondre au Président de la République, que s’il aspire vraiment à une plus grande cohésion et à une plus grande solidarité dans notre pays, il est possible d’y parvenir, à condition que les efforts soient partagés équitablement et que les moyens publics soient enfin consacrés à celles et à ceux qui en ont le plus grand besoin.
Le projet de budget pour 2009 n’honore pas cet engagement en ce qu’il vide les crédits de la mission « Ville et logement » de plus de 1 milliard d’euros, tout en maintenant l’ahurissant cadeau fiscal de plusieurs milliards fait aux contribuables qui en ont le moins besoin. C’est injuste, madame la ministre ! C’est même profondément indécent ! Et cela justifie que nous nous opposions à votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Dominique Braye. C’est démago tout ça ! C’est du populisme.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, un budget qui perd 1,1 milliard d’euros, passant de 8,7 milliards d’euros à 7,6 milliards d’euros, ce n’est pas seulement, comme nous l’a dit précédemment M. le ministre du budget une question « d’optique » !
Cette baisse serait due, toujours selon lui, « au courage du Gouvernement », qui, malgré cette perte de un milliard, n’aurait rien « sacrifié à ses priorités » ! Voilà une baisse de plus de 12 %, et rien ne changerait ! Nous sommes censés croire qu’il ne s’agit là que d’une « réforme du système » rendue possible grâce à la formule magique : « faire plus avec moins » !
Madame la ministre, en fait de courage, avec cette baisse catastrophique du budget consacré au logement, vous faites comprendre à nos 600 000 concitoyens en droit d’invoquer la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO, aux 6 millions de personnes en situation de suroccupation, vivant parfois à trois, quatre ou cinq dans douze mètres carrés faute de trouver un logement financièrement accessible et aux centaines de milliers d’entre eux qui attendent depuis des années une place dans le parc locatif social, que vous les abandonnez !
Bien sûr, ce n’est pas comme si nous étions au début d’une terrible crise économique où l’action de l’État en matière de logement s’avérerait non pas déterminante, mais juste vitale !...
Au regard du budget que vous nous présentez, je souhaite aborder ici plus particulièrement trois points qui concourent aux mêmes conséquences désastreuses.
Tout d’abord, j’aborderai la question des aides aux personnes, les ALS, les allocations de logement à caractère social, et les APL, les aides personnalisées au logement.
Ces aides sont en baisse de 1 % ! Cela pourrait sembler minime, mais cela ne l’est pas, et ce pour plusieurs raisons !
D’une part, cette baisse est récurrente d’année en année : les aides personnelles sont passées de 0,92 % du PIB en 2000 à 0,77 % aujourd’hui. Une baisse de un sixième en à peine huit ans n’a rien de minime !
D’autre part, on estime que la diminution de ces aides a fait perdre, depuis leur actualisation au 1er juillet 2001, 12 % à 15 % de pouvoir d’achat aux personnes qui en bénéficient. Cette dévalorisation est d’autant plus douloureuse pour les ménages que les loyers et les charges ont augmenté de 30 % dans le même temps.
Enfin, en raison de la crise que nous allons affronter, le nombre de bénéficiaires potentiels de ces aides va bien sûr augmenter. Ainsi, on diminue les aides aux personnes, alors qu’elles sont de plus en plus nécessaires pour un nombre croissant de Français. Faire le contraire de ce que dicte la raison, cela s’appelle « marcher sur la tête » !
Cette baisse des aides aux personnes pénalisera donc, une fois de plus, les plus fragiles, notamment les deux millions de travailleurs pauvres que compte notre pays. Comment vont faire tous ceux et toutes celles qui ne peuvent tout simplement pas se loger sans bénéficier d’une aide financière de l’État ? Que pensez-vous leur proposer ? Des places en centres d’hébergement déjà saturés ?
Vous le savez, ces centres d’hébergement comptent des personnes qui ont réussi leur parcours d’insertion, ont un emploi et n’aspirent qu’à une seule chose : vivre chez elles avec leur famille. Faute de pouvoir trouver un logement, elles bloquent, malgré elles, des places en centre d’hébergement ! Mais ne cédez pas pour autant à la facile tentation de durcir leur règlement intérieur pour en exclure ces bénéficiaires, car vous le savez bien, cela reviendrait à les remettre en situation d’exclusion !
J’évoquerai maintenant l’offre de logement social, qui est également en baisse, en forte baisse même.
Selon le décompte de la commission des finances du Sénat, ce budget chute de 36 % !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. On ne peut pas dire cela !
Mme Raymonde Le Texier. Automatiquement, le nombre de constructions diminue lui aussi. Vous chiffrez le nombre de logements locatifs sociaux prévus en 2009 à 78 000, contre 100 000 en 2008.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ce n’est pas nous qui avons dit cela !
Mme Raymonde Le Texier. En outre, il faut souligner que, en trois ans, qu’il s’agisse des PLUS, les prêts locatifs à usage social, ou des PLAI, les prêts locatifs aidés d’intégration, la subvention de l’État pour chaque logement locatif social construit n’a pas varié, ne tenant compte ni de l’inflation ni de l’augmentation de 4 % du coût de la construction.
Quelle conclusion retenir de ces quelques chiffres si ce n’est celle du désengagement évident de l’État en matière de logement social ? Et ce n’est certes pas le détournement des fonds provenant du 1 % patronal qui améliorera la situation. En le rackettant ainsi, vous programmez la mort d’un outil qui a fait ses preuves en permettant à un nombre considérable de salariés de se loger.
Votre approche sur la nature de l’offre du locatif social est tout aussi préoccupante.
En effet, depuis plusieurs années, le nombre de logements construits au titre du PLUS, le prêt locatif à usage social, continue d’augmenter, alors que 70 % des demandeurs de logements sociaux n’ont pas le niveau de ressources suffisant pour y prétendre. Non seulement vous construisez un nombre tout à fait insuffisant de logements locatifs sociaux, mais, de plus, ceux que vous construisez sont inaccessibles à l’immense majorité des demandeurs ! C’est tout bonnement incompréhensible !
Mme Odette Terrade. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. Depuis que ce gouvernement est en place, vous ne cessez de faire la promotion de l’accession à la propriété, entre autres pour assurer le turnover dans le parc locatif.
Il me semble utile de rappeler ici que, ces derniers mois, les promoteurs ont massivement annulé leurs projets d’opérations immobilières, alors que les banquiers ont multiplié par cinq le nombre de refus de prêts immobiliers aux particuliers ! Ainsi, ceux qui voient différés sine die leurs projets d’achat de logement du fait de la crise resteront dans leur logement actuel, densifiant un peu plus encore l’embouteillage immobilier !
J’en viens enfin au dernier point, les sans-abri, l’exclusion et l’hébergement.
Oui, ce poste est en augmentation, avec une hausse de ses crédits de 12,3 %, ce qui est certes important. Toutefois, cette augmentation ne fait que rattraper le retard de financement d’un secteur notoirement et structurellement en sous-dotation depuis des années. Il y a tout lieu de penser que les besoins vont redoubler dans les mois à venir à cause de la crise. Pourtant, ces mêmes crédits sont déjà annoncés à la baisse pour les années 2010 et 2011.
Mais il y a plus ! Au-delà de l’indignation que nous partageons tous face aux situations les plus difficiles que rencontrent les personnes sans domicile et de l’urgence à répondre à leur demande, on peut s’interroger, madame la ministre, en dépit de vos déclarations récurrentes ces derniers jours, sur votre réelle volonté à remplir précisément cette mission.
En effet, vous désengagez peu à peu l’État des aides aux personnes, renonçant ainsi au premier outil de prévention de l’exclusion, celui qui assure la solvabilité de centaines de milliers de locataires. Dans le même temps, vous diminuez la production de logements sociaux, en particulier de ceux qui sont destinés aux plus modestes. Mais, consciente des conséquences de votre politique, vous augmentez les moyens accordés en faveur de l’hébergement, puisque vous vous attendez à voir exploser le nombre de personnes condamnées à la rue. CQFD !
Ce gouvernement ne cesse de proclamer la cohérence de sa politique et, pour une fois, je suis d’accord : tout dans ce budget concourt à une aggravation massive de la situation du logement !
Pourtant, madame la ministre, vous avez été alertée par l’ensemble des acteurs du logement et de l’exclusion. Il y a un an à peine, une conférence de consensus avait réuni des centaines de professionnels de terrain, dont les recommandations avaient été claires : la « logique asilaire » n’est pas la solution. Il faut prendre le problème à sa source. Unanimes, les professionnels avaient conclu, notamment au regard des expériences de nos voisins européens, que l’on ne résoudrait les problèmes d’exclusion liés au mal-logement qu’en faisant plus de « prévention en amont et plus de logement social en aval ».
Or votre budget fait tout le contraire !
Sous la royauté, lorsque les récoltes avaient été mauvaises et les taxes excessives, le seul budget qui augmentait était celui de la police, afin de prévenir l’insurrection. En démocratie façon UMP, quand on s’attend à voir les rues se remplir de sans-abri, on prépare des lits pour la nuit ! C’est sûr, vu sous cet angle, c’est un progrès !
Le groupe socialiste votera résolument contre ce budget d’abandon. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- Mmes Anne-Marie Escoffier et Nathalie Goulet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, dont je veux saluer la première intervention à la tribune du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
Mme Samia Ghali. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’année économique et sociale qui nous attend sera, n’ayons pas peur de le dire, une année particulièrement difficile pour les Français.
Nous le constatons d’ores et déjà, mois après mois, indice après indice, la situation se dégrade rapidement. Le chômage est en forte hausse et le seuil de deux millions de demandeurs d’emplois vient d’être franchi, la pauvreté progresse et les sans domicile fixe sont de plus en plus nombreux. Le froid d’un hiver précoce vient de faire ses premières victimes. C’est à toutes ces femmes et à tous ces hommes auxquels je pense en prenant la parole, pour la première fois dans cet hémicycle, à ces Français prétendument égaux, mais privés d’emploi et de logement.
Oui, madame la ministre, alors que les effets négatifs de la crise financière qui découle de la crise des subprimes se font sentir sur les marchés de l’immobilier et de la construction, vous faites le choix inacceptable de procéder à un désengagement de l’État dans les quartiers sensibles et dans le domaine du logement.
Le budget du logement accuse une baisse très importante, passant de 8,7 milliards d’euros en 2008 à 7,6 milliards d’euros en 2009, puis à 7,3 milliards d’euros en 2011.
Pour endiguer la crise, vous sauvez le monde de la finance, vous prétendez relancer l’économie pour éviter la crise sociale, mais vous réduisez les engagements financiers publics concernant la politique de la ville et du logement.
« Mon premier budget véritable sera celui de 2009 », voilà ce que vous déclariez, l’année dernière, madame la ministre, cherchant à vous exonérer d’un budget 2008 en baisse.
Or le budget pour 2009 sera pire ! Ses crédits d’intervention ne cessent de baisser, et ce d’après vos propres chiffres ! Il sera pire dans la dénaturation, et donc dans l’existence même, des instruments d’intervention ; je pense à la manipulation du 1 % logement, à l’ANRU, à l’ANAH et aux bailleurs sociaux.
Nous avons émis ces critiques voilà quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, je n’y reviendrai donc pas.
Je dirai tout de même combien il est choquant que vous tentiez, face à ces désengagements, d’équilibrer votre budget au détriment des locataires par le biais du relèvement de deux euros de la participation forfaitaire des ménages, de la non-réactualisation des aides personnelles, de la période de carence pour le versement des aides, du maintien du seuil de non-versement de quinze euros, de l’évaluation forfaitaire pour les moins de vingt-cinq ans et de la non-réactualisation des barèmes. Voilà des mesures d’ajustement prises sur le dos des plus fragiles !
II en est d’autres, notamment dans le domaine de la politique de la ville, qui sont tout aussi incompréhensibles. Je veux parler de la mise à mal des zones franches urbaines et donc de l’article 82 du projet de loi de finances, dont les dispositions relatives au soutien des quartiers en difficulté sont à l’opposé de tous vos discours.
Depuis la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, les interventions de l’État au titre de la politique de la ville se déploient essentiellement dans trois zones géographiques prioritaires : les zones urbaines sensibles, les ZUS, les zones de redynamisation urbaine, les ZRU, et les zones franches urbaines, les ZFU.
Les zones franches urbaines ont été créées parce que, sur notre territoire, dans nos quartiers, des populations entières ont été abandonnées par la République et oubliées par nos politiques. Ce sont peut-être des zones de non-droit, mais surtout des zones de chômage et de misère ! II fallait donc, à circonstances exceptionnelles et responsabilités particulières, des politiques dérogatoires aux règles communes. Je le dis même si, comme mes collègues de gauche, je ne suis pas, par principe, favorable aux exceptions territoriales ni – encore moins ! – aux politiques d’exonération des charges sociales.
Les cotisations sociales sont nécessaires au fonctionnement de la solidarité nationale. Nous avons tous à l’esprit des exemples de chefs d’entreprises sans scrupule, spécialistes de la délocalisation, au gré de la concurrence des financements, subventions et allégements publics de toutes sortes. En l’espèce, il ne s’agit pas de cela !
La stratégie adoptée en 1997, élargie en 2003, puis en 2006, dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, consistait en effet à créer des instruments destinés à maintenir l’emploi là où il était absent. Je rappelle que le dispositif s’accompagne de l’obligation, pour les employeurs, d’embaucher des salariés du quartier à hauteur de 33 %.
Le point sur ce dispositif a été fait. La création des zones franches a effectivement permis l’implantation et la création d’entreprises dans des secteurs tout à fait improbables. Ainsi, 12 000 emplois nouveaux ont été créés en dix ans dans les deux zones franches urbaines de Marseille.
On espérait que les trois dernières années d’application du dispositif, appelé à s’éteindre à la fin de l’année 2011, s’inscriraient dans la même dynamique, malgré la fragilité des jeunes TPE, les très petites entreprises, qui constituent l’essentiel du tissu économique de ces quartiers. Ces entreprises sont fragiles car, chacun de nous le sait, tous ces partenariats sont longs à mettre en place. Elles sont fragiles, tant la situation économique de notre pays se détériore.
Et c’est précisément à ce moment-là que le Gouvernement trahit sa parole et rompt le contrat, en retirant son soutien et en remettant en cause les stratégies développées par les maires ! Je pense en particulier aux zones qui ont été créées en 2006 et qui sont à peine opérationnelles.
L’article 82 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit en effet de supprimer deux avantages essentiels pour les chefs d’entreprise qui ont choisi de s’implanter en zone franche urbaine.
Premièrement, cet article vise à réduire progressivement, dès 2009, les exonérations de charges patronales pour les salaires supérieurs à 2,5 SMIC et de les supprimer totalement en 2011, alors qu’il faut justement soutenir les jeunes talents qui naissent.
Deuxièmement, il est prévu de supprimer les sorties dégressives pour l’ensemble des salaires.
Vous vous affranchissez ainsi, madame la ministre, des règles que vous aviez vous-même édictées et vous mettez ainsi en danger nos entreprises, qui jouent un rôle important.
Vous espérez de ces mesures – c’est leur justification – une économie budgétaire de 90 millions d’euros en 2009, de 105 millions d’euros en 2010 et de 120 millions d’euros en 2011. Ces économies de queue de budget désespèrent les élus locaux, et je me demande d’ailleurs si le Président de la République en a bien été informé. Car enfin, non seulement de telles mesures se trouvent en contradiction totale avec tous les discours officiels sur la politique de la ville et le soutien aux quartiers dont vous vous targuez depuis dix-huit mois, …