Mme la présidente. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d'État, je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui ont été fort bien présentés par les orateurs précédents. Je voudrais pour ma part insister sur les questions de stratégie, de lisibilité et d’efficacité, en reprenant les demandes de Michel Charasse. Dans une situation budgétaire contrainte, nous avons plus que jamais intérêt à définir clairement ce que nous voulons faire.
Nous étions récemment à Nankin, avec une délégation importante, pour participer au forum urbain mondial de l’Organisation des Nations unies-habitat. Nous avons eu la confirmation, de manière spectaculaire, que le monde - l’Afrique, bien sûr, mais aussi l’Amérique latine, l’Inde ou encore la Chine – était confronté à une explosion urbaine considérable. Celle-ci est porteuse à la fois de progrès, puisque c’est dans les villes que se créent les échanges, la culture, l’économie, mais également de pauvreté extrême et de ségrégations de toutes sortes.
En termes de stratégie, je plaide pour que la France affiche clairement ses propositions en matière de développement urbain, en modulant celles-ci en fonction des pays et des sites. La réponse n’est pas universelle : il existe une gamme de réponses adaptées aux différentes situations.
Nous devons aussi nous interroger sur la question de l’agriculture vivrière, en particulier dans les pays pauvres d’Afrique, puisque les villes, en consommant l’espace agricole, contribuent d’une certaine manière à réduire l’approvisionnement alimentaire des populations. Ce pourrait être une inflexion nouvelle et, selon moi, intelligente de notre politique.
Alors, que faire pour être plus efficace, comme nous y invite notre rapporteur spécial, Michel Charasse ? Dans ce domaine, où nous disposons d’une grande expertise et de nombreuses compétences, nous devons être mieux organisés.
Le ministère des affaires étrangères a mis en place, depuis un peu plus d’un an, un groupe de travail sur la question urbaine : quelle peut être l’offre française en matière de politique urbaine ? Nous disposons désormais de documents clairs et simples démontrant l’importance de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Surtout pour l’eau, l’assainissement et les ordures.
M. Yves Dauge. En ce sens, je rejoins tout à fait les propos qu’a tenus ma collègue tout à l’heure. Il faut des projets. Or un projet repose avant tout sur un maître d’ouvrage bien identifié, compétent, ainsi que sur une maîtrise d’œuvre c’est-à-dire du professionnalisme.
Bien que nous soyons dans une situation financière contrainte, nous serons plus efficaces si nous sommes mieux organisés et si nous mettons l’accent sur ces deux notions fondamentales.
Il convient de faire le lien avec la coopération décentralisée, les communes françaises étant bien placées pour s’intégrer dans cette vision stratégique et aider à la mise en place des projets – maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, appui institutionnel.
Le ministère des affaires étrangères et européennes compte une délégation pour l’action extérieure des collectivités locales, très appréciée par celles-ci : avec un euro, elle en produit quatre ! Nous n’avons donc pas intérêt à baisser ses crédits, monsieur le secrétaire d’État, et j’espère que vous pourrez y remédier au cours de l’année.
L’État doit avoir un effet de levier avec de tels outils, les collectivités y sont prêtes. Il s’agit en outre de mettre un peu d’ordre et de cohérence dans la stratégie des collectivités, qui auraient tendance à s’éparpiller.
Je souhaite que vous nous annonciez la mise en place des partenariats urbains, monsieur le secrétaire d’État. Les compétences ont été rassemblées pendant un an, sur votre initiative, monsieur le secrétaire d’État, et les différents acteurs sont prêts à travailler ensemble. Nous offririons ainsi une proposition cohérente, qui serait appréciée dans le monde.
Nos moyens doivent être redéployés au service de cette stratégie, ce qui implique parfois une plus grande réflexion avant de passer à l’action. Comme je le dis souvent, on peut faire beaucoup de bêtises avec de l’argent public ! En recherchant une plus grande cohérence en amont, en opérant une planification urbaine, en augmentant légèrement notre investissement intellectuel avant d’investir, on gagnera en efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. François Fortassin et Yann Gaillard applaudissent également.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, en guise de préambule, de vous remercier de la qualité des travaux qui ont été réalisés au sein de la Haute Assemblée, où j’ai eu le plaisir de retrouver de grands spécialistes de la question de l’aide publique au développement.
Je reviens de la Conférence internationale de suivi sur le financement du développement, qui s’est tenue à Doha. Cette conférence a permis d’obtenir un consensus général sur la réaffirmation de l’objectif de 0,7 % du PNB consacré à l’aide au développement d’ici à 2015.
Le Président de la République, qui exerce la présidence de l’Union européenne, a fait le déplacement. Cette présence a été saluée et les observateurs ont reconnu le succès d’une conférence de haut niveau.
La France est, derrière les États-Unis et l’Allemagne, le troisième bailleur de fonds bilatéral mondial. Notre aide, qui était inférieure à 0,4 % du PNB en 2007, devrait repasser au-dessus de cette barre en 2009 – je reviendrai sur ce point ultérieurement.
Vous constaterez que les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » sont bien en augmentation pour les budgets des trois années à venir, avec une progression de 2,4 % en 2009.
À l’échelon européen, avec la présidence française, je me suis battu pour qu’une enveloppe additionnelle de 1 milliard d'euros d’aide publique au développement soit consacrée à la relance de l’agriculture, j’y reviendrai également tout à l’heure.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de citer brièvement quelques chiffres.
Au niveau multilatéral, avec 300 millions d'euros par an, nous resterons, en 2009, le second contributeur, derrière les États-Unis, du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Avec la taxe sur les billets d’avion, nous sommes le premier contributeur de la centrale d’achat de médicaments UNITAID. Sachez que deux enfants malades du sida sur trois dans le monde sont soignés grâce à l’intervention de la France.
Pour un certain nombre de problèmes très importants, nous ne pourrons être efficaces que si nous intervenons dans le cadre des organisations multilatérales. Ce que je dis pour le sida ne vaut pas pour tous les autres sujets, monsieur le rapporteur spécial, je suis d’accord avec vous.
En ce qui concerne notre aide bilatérale, certes, rien n’est parfait. Nous avons dû nous battre pour préserver les ressources nous permettant de financer certains projets, notamment en Afrique subsaharienne.
En accord avec M. le Premier ministre, nous avons obtenu une rallonge budgétaire de 92,5 millions d’euros en autorisations d’engagement sur l’aide-projet, ce qui nous permettra, j’en suis absolument certain, de financer l’ensemble de nos projets, notamment en matière de santé et d’éducation en Afrique subsaharienne. Cette question avait d'ailleurs fait l’objet d’un débat voilà quelques semaines.
Monsieur Charasse, l’initiative « Cap 8 » portée par le ministère comprend un ensemble de mesures répondant à une stratégie globale, fixée par le Président de la République, notamment dans son discours du Cap. Il s'agit de réorienter l’aide publique traditionnelle, que je qualifierais de « sociale », en la doublant d’une action plus spécifique en faveur de la croissance économique.
En effet, nous sommes persuadés que la meilleure recette pour faire reculer la pauvreté et favoriser le développement durable consiste à soutenir la croissance économique.
Les pays qui sont passés de la catégorie des PMA, c'est-à-dire des pays les moins avancés, à celle des pays émergents sont ceux qui ont pu, à un moment ou à un autre, s’accrocher au train de la croissance mondiale et créer des richesses et des emplois.
Tel est précisément le sens de notre action, qui fonde le premier pilier de l’initiative « Cap 8 », le deuxième visant à maintenir, et si possible à faire progresser, le rayonnement et l’influence de la France à travers ses actions culturelles, particulièrement son audiovisuel extérieur.
Pour vous donner des réponses plus concrètes, monsieur Charasse, le premier pilier prévoit la multiplication par trois du nombre de nos volontaires internationaux, qui passeront de 4 400 à près de 15 000, la mise en place, dès l’année prochaine, d’un fonds supplémentaire de 1 milliard d'euros confié à l’AFD, qui permettra de financer des projets de développement économique, enfin, une attention accrue à la question du genre et à la situation des femmes, qui constituent l’une des clefs du développement de l’Afrique subsaharienne.
Par ailleurs, je vous confirme notre intention de fusionner Égide, CampusFrance et France-coopération internationale et de créer un opérateur unique, pour gagner en visibilité et en efficacité. Nous n’avons pas encore décidé définitivement du statut juridique de l’entité qui réunira les trois organismes actuels, mais nous y travaillons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi de ne pas répondre dans le détail à toutes les questions que vous m’avez posées, mais je ne veux pas excéder le temps qui m’est imparti, ni empiéter sur l’intervention de ma collègue Anne-Marie Idrac. Je tâcherai d’être le plus complet possible et je m’engage à répondre aux autres questions par écrit.
Monsieur Duvernois, s'agissant de la francophonie, il est vrai que certains chiffres peuvent inquiéter, avec une diminution des crédits de 9 % pour le programme 209 et de 13 % pour le programme 195.
Toutefois, je rappelle que nous portons à 415 millions d'euros, contre 287 millions d'euros l’an dernier, les fonds octroyés à l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, ce qui représente une hausse de 44 %. Certes, cette progression ne concerne pas uniquement des crédits à effet de levier, mais elle constitue tout de même un important effort budgétaire, en même temps qu’elle traduit un choix politique.
S'agissant du portail francophone, je vous confirme que ce projet me tient beaucoup à cœur. Il ne s’agit pas de créer un second Google : nous n’en avons pas la prétention,…
Mme Nathalie Goulet. Ni les moyens !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. …et un tel projet coûterait très cher, pour des résultats qui restent incertains. Nous entendons simplement nous doter d’un outil de modernité, en investissant 300 000 euros pour valoriser les contenus présents sur le Web, notamment s’ils viennent des pays du Sud, si possible francophones.
Oui, monsieur Duvernois, nous nous appuierons de plus en plus sur l’audiovisuel extérieur, dont la réforme s’achève, car il s’agit là, me semble-t-il, d’un outil essentiel pour le rayonnement de la francophonie et pour notre politique d’influence dans le monde.
Je souhaite que l’audiovisuel extérieur, et particulièrement la télévision,…
Mme Nathalie Goulet. Et Radio France Internationale !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. …soit davantage présent qu’il ne l’est aujourd'hui sur le média global.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Lorsque nous séjournons à l’étranger et que nous zappons devant la télévision nous devons avoir accès beaucoup plus facilement aux contenus francophones, qui sont excellents, même s’ils doivent sans doute être réactualisés, et qui, pour être vus, doivent être présents sur le média global.
S'agissant de la coopération décentralisée, vous savez que cette question me tient particulièrement à cœur. Au sein du ministère, la délégation pour l’action extérieure des collectivités locales encourage toutes les actions en faveur de la francophonie à travers des appels à projets. Je souscris donc tout à fait à vos propos, monsieur Duvernois.
J’en viens à la situation des revues Planète et Planète jeunes, auxquelles, je le sais, vous êtes très attaché, ainsi que M. Charasse. Ces publications de qualité constituent véritablement des tremplins vers le livre.
Le désengagement progressif du ministère a été négocié afin qu’il puisse être compensé par une diversification des partenariats et adossé financièrement à un groupe africain. Je tiens néanmoins à indiquer que cette démarche ne remet pas en cause l’échéancier prévisionnel pour 2010.
Monsieur Vantomme, s'agissant du taux d’APD en pourcentage du revenu national brut, je ne suis pas certain, comme je l’ai déjà souligné devant la commission compétente du Sénat, que nous puissions atteindre l’an prochain l’objectif de 0,47 %. En effet, ce taux dépend des annulations de dettes : si celles-ci ne sont pas complètes, il sera plus proche de 0,41 % ou de 0,42 %.
Au sein de cet effort global, si nous examinons les prises en charge de crédits effectivement constatées, nous nous rendons compte que la France respecte tout à fait les normes CAD/OCDE, c'est-à-dire les standards définis par le Comité d’aide au développement et l’Organisation de la coopération et du développement économiques.
Nous avons profité de la revue de l’aide publique au développement qui a été organisée par l’OCDE pour rencontrer nos partenaires étrangers et tenter de prendre en compte leurs remarques. Nous avons constaté alors que, dans l’ensemble, les critères retenus en la matière par la France et ses partenaires étaient les mêmes.
Monsieur del Picchia, vous avez évoqué longuement nos contributions multilatérales, en soulignant, de même d'ailleurs que bien d’autres intervenants, à commencer par M. Charasse, qu’elles étaient en hausse.
Il est vrai que nous constatons un certain « effet de ciseaux » : dans le cadre d’un budget contraint, si l’aide multilatérale augmente, compte tenu des engagements de la France, que nous respectons bien sûr, les contributions bilatérales en souffrent forcément.
Toutefois, nous retrouverons des marges de manœuvre dans quelques années, puisque notre participation au FED diminuera à partir de 2011. Nous pourrons alors flécher de nouveau des crédits vers nos interventions bilatérales, qui, il est vrai, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, sont souvent beaucoup plus visibles et donnent le sentiment d’être bien plus efficaces.
En ce qui concerne à présent le Fonds sida, nous devrons examiner pourquoi les décaissements ne sont pas aussi rapides que nous pourrions le souhaiter. Je sais que la commission des finances et la commission des affaires étrangères veulent s’intéresser de plus près à la gestion de ces fonds multilatéraux. (M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, acquiesce.) Je ne puis que m’en réjouir et vous encourager dans cette voie. Naturellement, nous tiendrons le plus grand compte des conclusions que vous voudrez bien nous adresser à l’issue de cette mission.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'État, il serait utile à cette occasion que la France sensibilise ces fonds à cette mission de contrôle, qui concernera des organismes internationaux, afin que nous soyons accueillis convenablement et que ne subissions pas de rétention d’informations.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Monsieur Charasse, je prends note de votre remarque. Nous mettrons tout en œuvre pour qu’il en aille ainsi.
Monsieur Fortassin, il serait bien sûr formidable que huit euros sur dix versés au titre de la contribution à l’aide publique au développement arrivent sur le terrain et y soient efficaces. Tel est justement notre objectif. D'ailleurs, les participants à la conférence d’Accra ont estimé à l'unanimité que l’efficacité de l’aide au développement devait constituer une priorité.
Monsieur Fortassin, vous avez également évoqué l’aide bilatérale dans le cadre de la coopération décentralisée, sur laquelle je ne reviendrai pas car je me suis déjà exprimé sur cette question.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je lance un appel à chacune et chacun d’entre vous : aidez-nous à faire mieux connaître les projets qui sont soutenus par notre pays !
Ainsi du programme évoqué par M. Fortassin et qui vise à sauvegarder le patrimoine de la ville de Luang Prabang au Laos. Nous connaissons bien ce projet, parce qu’il porte à la fois sur l’hygiène, l’assainissement et le traitement des ordures ménagères, autrement dit les tâches qui nous attendent partout dans les PMA. Je précise que l’Agence française de développement soutient très activement ce projet.
Monsieur del Picchia, vous êtes revenu sur la question des transferts de pensions des ressortissants français, qui a déjà suscité de longs débats. J’ai moi-même évoqué ce dossier lors d’une rencontre bilatérale avec le chef d’État du pays que vous avez évoqué ; j’interviendrai de nouveau dans le sens que vous souhaitez, car le taux de prélèvement appliqué à ces virements bancaires est en effet extrêmement élevé.
Madame Cerisier-ben Guiga, vous m’avez interrogé sur certaines annulations de crédits. Celles-ci concernent, d'une part, des crédits de personnel qui étaient mal dimensionnés au départ et qui ont été « recalibrés » sans que cette mesure affecte en aucun cas les montants des engagements et des décaissements sur l’aide-projet, et, d'autre part, des reliquats de réserves de précaution qui n’ont pas eu à être mobilisés. Par ailleurs, nous sommes bien sûr en mesure de respecter tous nos engagements multilatéraux.
Vous avez également évoqué les règles de comptabilisation de certaines interventions, mais je me suis déjà exprimé sur ce point.
Je voudrais simplement préciser que des annulations de dette d’un même pays ne peuvent apparaître chaque année dans des budgets différents. Nous discutons aujourd'hui de la loi de finances initiale, mais en matière de comptabilisation des annulations de dette, c’est la loi de règlement qui fait foi, parce qu’elle retrace des mouvements qui ont effectivement eu lieu.
Si une annulation de dette est reportée d’un exercice budgétaire sur l’autre, elle n’est bien sûr pas comptabilisée deux fois ; elle est prise en compte l’année où nous parvenons à annuler la dette.
Vous avez aussi souligné combien le paysage de l’aide multilatérale s’était compliqué, et je suis tout à fait d’accord avec vous, madame la sénatrice.
D'ailleurs, comme vous l’aurez remarqué, quand nous avons lancé la nouvelle initiative mondiale pour le développement de l’agriculture, nous avons souhaité créer non pas un fonds spécial, mais seulement une facilité, qui serait utilisée par les organisations existantes, afin de ne pas ajouter encore à la complexité, qui constitue un véritable problème pour le multilatéralisme.
Je suis entièrement d'accord avec vous pour considérer que nous ne devons pas créer de structures supplémentaires, mais au contraire réfléchir à fusionner les organismes existants, à chaque fois que c’est possible.
Monsieur Hue, contrairement à ce que vous avez affirmé, nous ne versons pas dans l’autosatisfaction. Toutefois, la France n’a pas à rougir de son action en matière d’aide publique au développement. Elle reste le troisième pourvoyeur de fonds à l'échelle mondiale, après les États-Unis et l’Allemagne.
Je rappelle que la France consacre à l’aide publique au développement près de dix milliards de dollars et les États-Unis vingt-deux ou vingt-trois milliards de dollars, ce qui permet de mieux apprécier l’effort de notre pays.
Certes, je suis bien conscient que notre objectif de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut à l’APD en 2015 sera difficile à atteindre, mais nous n’avons pas à avoir honte de notre action.
Monsieur Hue, vous avez également évoqué le G 20 qui s’est tenu en novembre dernier. Or, sur l’initiative de la France, qui exerce la présidence de l’Union européenne, ce sommet a traité non pas seulement de la remise en ordre de nos institutions financières, mais aussi des questions de développement.
Je vous renvoie notamment à l’article 14 de la déclaration issue des travaux du G 20, qui a donné satisfaction aux pays les plus pauvres, même si ceux-ci ont regretté dans un premier temps ne pas être représentés à travers l’Union africaine.
D'ailleurs, le Président de la République s’est engagé à tout faire pour que, lors du prochain sommet du G 20 consacré à la crise financière, les pays les plus pauvres soient représentés, notamment à travers l’Union africaine.
Quant aux résultats du premier G20, ils sont un sujet de grande satisfaction pour tous les acteurs du développement.
M. Patient a évoqué lui aussi le contrôle du multilatéralisme. J’ai déjà répondu sur ce point.
Enfin, j’indique à M. Dauge que le développement urbain est l’une des grandes priorités du Gouvernement, qu’il garde présente à l’esprit lorsqu’il traite les dossiers d’aménagement technique dont il a été question tout à l’heure : l’eau, l’assainissement et les ordures ménagères. Il est indispensable au développement économique.
En conclusion, si l’aide publique au développement est une bonne chose, elle n’est qu’un moyen parmi d’autres pour parvenir à réaliser les objectifs du Millénaire, qui constituent l’essentiel. Il y a aussi tout ce que nous pouvons faire pour soutenir la croissance. À travers la réorientation de notre politique, l’objectif, c’est la croissance économique, la création de richesses, afin de faire reculer la pauvreté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure tardive et compte tenu de l’extrême qualité des débats, je me bornerai à aborder deux points : le multilatéralisme et, en réponse, notamment, à M. Edmond Hervé, rapporteur spécial, la situation financière et économique.
S’agissant du multilatéralisme, je me réjouis sincèrement, monsieur Charasse, de l’annonce que vous avez faite d’un prochain contrôle conjoint.
En effet, Christine Lagarde et moi-même avons lancé, voilà quelques semaines, une réflexion stratégique concernant la Banque mondiale.
Elle portera sur l’équilibre, qui me semble bon, entre multilatéralisme et bilatéralisme, sur une meilleure utilisation de l’effet de levier, et le recentrage de nos actions sur nos priorités.
Je confirme, à cet égard, nos deux priorités essentielles : l’Afrique et l’environnement, plus particulièrement la gestion de l’eau et l’urbanisation, cette dernière ayant notamment été évoquée par M. Dauge. Nous avons, cette année, privilégié l’environnement.
Il sera intéressant de vérifier que la France reste bien en deuxième position, de par le nombre de ses agents travaillant au sein de la Banque mondiale.
Je ne doute pas que d’autres organismes multinationaux – le FED, pour ne pas le nommer, puisqu’il a été évoqué à plusieurs reprises – bénéficieront de votre vigilance, qui stimulera à coup sûr la réflexion du Gouvernement. Vous pouvez compter sur la plus totale collaboration des services de Bercy, de ceux de Mme Christine Lagarde et des miens.
La visibilité des choix et des actions réalisées sur le terrain est extrêmement importante.
J’en viens à un dossier qui a été moins évoqué par mes collègues MM. Brice Hortefeux et Jean-Pierre Joyandet : la gestion des crises.
Conformément à l’un des engagements du Président de la République, nous sommes intervenus avec force pour lutter contre la crise alimentaire qui sévit depuis le début de l’année, et qui s’est un peu atténuée depuis quelques semaines.
Je ne vais pas entrer dans le détail : je préciserai simplement que tous les instruments dont nous disposons ont été mobilisés, qu’il s’agisse d’aides financières stricto sensu ou de prêts fléchés, plus traditionnels.
Nous avons également décidé de consacrer 1 milliard d’euros à l’agriculture africaine, afin de remédier quelque peu au désintérêt dont ont malheureusement fait preuve les institutions internationales à l’égard de l’agriculture vivrière.
Au-delà de la crise alimentaire, j’en viens à la situation économique et financière.
Elle entraîne des difficultés spécifiques pour les pays en développement : le retrait de capitaux, qui dépendent des investissements internationaux, publics ou privés, ou encore le ralentissement des transferts effectués par les travailleurs expatriés, eux-mêmes en difficulté dans les pays industrialisés, et qui ont donc moins d’argent à envoyer dans leur pays d’origine.
Nombre de pays émergents ou en transition ont déjà été touchés par ce phénomène et certain d’entre eux ont fait appel au FMI ou à d’autres soutiens multilatéraux.
S’agissant de l’Afrique, j’ai présidé, voilà quelques semaines, le conseil des ministres de la zone franc. Les analyses qui résultent des dernières estimations disponibles font état d’une certaine résilience – pour employer un mot à la mode – des économies africaines : en zone franc, la croissance pourrait se maintenir à environ 3 % en 2008.
Le premier des risques encourus par l’Afrique est un risque de manque de liquidités et de difficultés d’accès au crédit pour les investisseurs et les entreprises. Ce risque que nous connaissons dans les pays industrialisés peut être encore plus grand dans les pays en développement.
C’est la raison pour laquelle on peut considérer comme particulièrement bienvenu le fait que l’année 2008 ait été marquée par le coup d’envoi de l’« Initiative pour le soutien à la croissance en Afrique », annoncée par le Président de la République à l’occasion de son discours dit « du Cap ». Il s’agit justement de prêts à un moment où les pays dont nous parlons risquent d’en manquer. De même, il est intéressant que l’Agence française de développement intervienne de plus en plus pour accorder des prêts. Cela arrive à point nommé.
Le second risque encouru, d’ordre économique, et non plus financier, c’est la contraction des exportations à la fois vers les pays développés et vers les pays émergents ou en transition, autrement dit le commerce Sud-Sud.
Pour faire face à ce second risque, nos interventions bilatérales et multilatérales tendent à développer une forte dimension contracyclique.
L’AFD a ainsi créé un prêt très concessionnel contracyclique, le PTCC, qui permet de concilier l’augmentation des engagements sous forme de prêts dans les pays les moins avancés, notamment en Afrique subsaharienne, tout en assurant la soutenabilité de leur endettement.
Le FMI, pour sa part, utilise ses instruments d’intervention dans les pays à faible revenu, principalement la « Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance », pour compenser les effets de la hausse des prix énergétiques et alimentaires, qui, au début de l’année, a fortement grevé les budgets de ces pays, compte tenu des mécanismes de subventions aux consommateurs qu’ils ont dû mettre en place pour des raisons sociales.
À la demande de la France, notamment, le FMI a par ailleurs réformé sa « Facilité de protection contre les chocs exogènes » – on est vraiment au cœur du sujet – pour la rendre plus flexible et plus réactive qu’elle ne l’était. Il est vrai que, malheureusement, la crise n’attend pas.
De même, et nous nous en réjouissons, la Banque mondiale a mis en place, pour lutter contre la crise alimentaire, une facilité d’urgence qui a été dotée de 200 millions de dollars à partir du revenu net de la Banque et dont le mode de fonctionnement est très réactif.
L’un des rapporteurs spéciaux, M. Edmond Hervé, suggère que le Club de Paris adopte ce type de comportement et d’approche. La France y est très favorable, elle tentera de convaincre ses partenaires, mais vous savez qu’il faut obtenir un consensus.
Je terminerai en indiquant que le Gouvernement présentera un amendement visant à augmenter les crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers », afin de pouvoir octroyer des prêts permettant de relancer, dans des pays émergents, de grands projets tout en contribuant à l’activité des entreprises françaises. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)