Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Détraigne, nous en revenons donc une nouvelle fois à cette question du SMA.
Vous avez rappelé le rôle des maires et les difficultés auxquelles ils sont confrontés, notamment les complications qu’ils ont pu connaître lors de la mise en œuvre de cette loi. À cet égard, permettez-moi de faire deux remarques.
D’une part, je comprends très bien la situation des maires. Je l’ai été moi-même douze ans, après avoir exercé un mandat d’adjoint pendant quinze ans.
D’autre part, même si vous vous êtes abstenu, le texte qui a été adopté a bien été le fruit d’une concertation avec le président de l’Association des maires de France, M. Pélissard. Un travail en amont a en effet été mené, et le projet de loi initial a fait l’objet d’améliorations très sensibles, parmi lesquelles je citerai en particulier le relèvement du seuil de déclenchement de la procédure. Je rappelle d’ailleurs que, à l’Assemblée nationale, M. Pélissard a voté le texte.
Au-delà de ces considérations générales, sur lesquelles il n’y a pas lieu de revenir, quelle est la situation aujourd’hui au regard du SMA ?
Tout d’abord, contrairement à ce que l’on entend ici ou là, le dispositif a bien fonctionné, même si, je le reconnais bien volontiers, les maires ont subi une contrainte très forte. Lors de la grève du 20 novembre dernier, sur les 12 000 communes concernées, plus de 10 000 ont mis en place le service minimum d’accueil. Selon une enquête réalisée non par le ministère, mais par l’AMF, la majorité des 10 000 maires en question n’a pas, semble-t-il, rencontré de problèmes particuliers.
Ensuite, les difficultés qui ont pu être recensées sont de trois natures.
Premièrement, nous n’arrivons pas à calibrer le dispositif de manière satisfaisante dans la mesure où le nombre réel des grévistes parmi les enseignants ne correspond pas aux chiffres annoncés préalablement, qui sont souvent supérieurs à la réalité. Ainsi, le 20 novembre dernier, alors que 67 % des enseignants s’étaient déclarés grévistes, le mouvement n’a finalement été suivi que par 47 % d’entre eux. L’accueil est donc « surcalibré ».
Deuxièmement, nous ne connaissons pas non plus à l’avance le nombre d’élèves qui viendront à l’école le jour de la grève.
Nous avons recherché avec M. Pélissard, que j’ai rencontré hier, les moyens de mieux dimensionner le SMA par un système d’information plus performant. Nous allons mobiliser à cette fin les inspecteurs d’académie et les inspecteurs de l’éducation nationale, les IEN, afin qu’ils puissent établir, circonscription par circonscription, un meilleur calibrage. En d’autres termes, il faut éviter à tout prix que la montagne n’accouche d’une souris !
Troisièmement, il convient de veiller à la qualité de l’alerte sociale. On nous a en effet reproché de ne pas avoir ouvert de discussions préalables à la mise en place du SMA. Mais, je le rappelle, le décret relatif à la modernisation du dialogue social n’était pas encore paru. Il a été publié voilà quelques jours seulement.
Nous aurons donc désormais beaucoup plus de temps pour discuter avec les représentants de nos personnels lorsqu’une grève sera annoncée. Ce faisant, nous serons en mesure de mieux évaluer les mobiles de la contestation syndicale et l’ampleur du mouvement et, donc, de nous y préparer beaucoup mieux.
Par ailleurs, conformément à ce qu’a indiqué très clairement le Président de la République devant le Congrès des maires, parmi ceux d’entre eux qui n’appliquent pas le SMA, deux catégories doivent être distinguées.
Il y a, d’une part, ceux qui, rencontrant de trop grandes difficultés ou ne sachant comment s’y prendre, ne parviennent pas à assurer l’accueil. Nous devons les aider à résoudre ces difficultés, éventuellement chercher avec eux les causes objectives qui les empêchent de se conformer à la loi.
Il y a, d’autre part, ceux qui, par principe, font délibérer leur conseil municipal et organisent ensuite une conférence de presse pour annoncer leur refus de mettre en place, quoi qu’il arrive, le service minimum d’accueil.
J’ai pris, ce matin même, la décision de lever tous les recours engagés contre les mairies qui ont été dans l’obligation de constater l’impossibilité matérielle d’organiser l’accueil des élèves. En revanche, je n’ai pas suspendu les procédures lancées contre les mairies volontairement récalcitrantes. D’ailleurs, un certain nombre d’entre elles – je pense notamment à une commune du sud de la France, que je ne nommerai pas ! – qui s’étaient déclarées incapables d’organiser le SMA ont subitement su le faire, après avoir constaté la réaction assez vigoureuse du tribunal administratif !
Par conséquent, monsieur le sénateur, nous avançons sur ce sujet.
Vous avez également évoqué la question centrale de l’évaluation, qui, je le rappelle, est inscrite dans la loi. Le dispositif sera bien évalué au bout d’un an. Hier, Jacques Pélissard et moi-même sommes tombés d’accord sur la nécessité d’anticiper cette évaluation, pour la rendre plus prospective.
La semaine prochaine, j’assisterai à une réunion que le Président de la République organise avec l’AMF. Nous verrons à cette occasion les conclusions qu’il tirera de toutes ces réflexions, mais, en tout état de cause, celles-ci devraient aller dans le sens des annonces que je viens de vous faire. À mon sens, un modus vivendi sera trouvé sur cette question.
Je tiens à le dire, les familles sont évidemment favorables à ce que leurs enfants soient accueillis les jours de grève.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas un argument !
M. Xavier Darcos, ministre. Bien sûr que si, monsieur le sénateur ! Les familles dont les deux parents travaillent ou les mamans seules ont tout de même le droit de savoir ce qu’il adviendra de leurs enfants les jours de grève !
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Xavier Darcos, ministre. C’est un service supplémentaire que nous rendons aux familles. Les électeurs seront reconnaissants à leur maire de l’avoir mis en place, même si, je ne le conteste pas, il s’agit évidemment d’une contrainte supplémentaire pesant sur les élus.
M. André Dulait. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes ces informations. Je me réjouis que le dialogue soit renoué avec l’AMF, car les maires sont, comme vous-même, très attachés au service public de l’éducation nationale et à son bon fonctionnement. Il ne peut réellement bien fonctionner que si nous avançons, ensemble, dans la même direction.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, je tiens à revenir sur votre décision, ô combien inquiétante, d’amputer les RASED de 3 000 postes.
Une pétition de soutien a déjà recueilli plus de 200 000 signatures, de parents, d’enseignants, d’inspecteurs de l’éducation nationale. Un de leurs syndicats leur a même apporté un soutien public, tout comme l’Association nationale des centres médico-psycho-pédagogiques et l’Association française des psychologues de l’éducation nationale. Autrement dit, tous ceux qui, au quotidien, travaillent en liaison avec les RASED s’insurgent contre cette décision.
Pour rassurer tout le monde, monsieur le ministre, vous répondez : aide personnalisée ! Or celle-ci ne peut se comparer à l’aide spécialisée dispensée par les enseignants RASED, et encore moins, bien sûr, la remplacer.
Les RASED n’interviennent pas un quart d’heure ou une demi-heure pour expliquer à un élève le passé composé. Cela est évidemment du ressort de l’enseignant, dans sa classe. Ils agissent, eux, auprès d’élèves en difficulté durable et globale, en souffrance scolaire, à qui il faut souvent « apprendre à apprendre ».
Nier cette spécificité, c’est prendre le risque de compromettre tout le travail de liaison, mené, d’une part, avec les enseignants, pour qui les RASED représentent un appui, et, d’autre part, avec les parents. C’est également prendre le risque de remettre en cause le travail de médiation, souvent pacificateur, mené dans les établissements, permettant d’expliquer aux parents et aux enfants ce qu’est l’école, afin de les aider à mieux la comprendre. C’est particulièrement important dès lors qu’on veut lutter contre la violence à l’école.
Faire croire que les deux métiers sont interchangeables revient aussi à ne plus s’intéresser qu’aux difficultés d’ordre pédagogique. Or, très souvent, celles-ci sont entremêlées avec d’autres, notamment d’ordre social ou médical. La question a déjà été posée : qui sera alors en mesure de prendre en charge ces enfants ? La médecine scolaire ? Elle est exsangue, vous le savez bien, et encore faut-il que cela relève du médical. Les assistantes sociales ? Elles n’interviennent pas dans les écoles et sont débordées.
Cela signifierait que l’école renonce à prendre ces enfants en charge, les laisse à la porte, démunis de tout projet d’éducation.
Je reste donc très inquiète : qui réalisera ce travail quand 3 000 RASED – et combien, l’an prochain ? – se retrouveront face à des classes entières qu’ils devront gérer au quotidien ?
Vous assurez que la fonction n’est pas supprimée, mais que seules changent les modalités. Or c’est précisément une telle modification qui fera des RASED une coquille vide.
Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : si votre intention n’est pas de supprimer les RASED, pouvez-vous nous garantir que, durant la présente législature, le budget consacré à la formation initiale et continue des maîtres E et G sera préservé ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à plusieurs reprises. Je commencerai, madame le sénateur, par répondre à la dernière partie de votre question.
Je vous confirme que le budget de formation des maîtres G sera préservé. L’expérimentation que nous avons menée cette année sur 3 000 postes de RASED n’implique pas la suppression des 8 600 postes de RASED qui restent. Nous souhaitons précisément conserver toutes les personnes ressources spécialisées dans la psychologie des enfants, en particulier les psychologues scolaires.
Je ne vais pas répéter ce que j’ai déjà dit. J’insisterai simplement sur un point, qui est un point de divergence entre nous : je considère, moi, que tous les professeurs de France sont des spécialistes des difficultés scolaires.
Lorsque les 380 000 enseignants du premier degré assurent chacun deux heures de soutien, ils traitent bien des difficultés scolaires ! Il n’y a pas, d’un côté, des professeurs qui enseignent et, de l’autre, des enseignants spécialisés dans l’échec scolaire ! Le métier d’enseignant implique de traiter les difficultés d’apprentissage.
Il faut persévérer dans cette voie, car nous savons, par les alertes que nous recevons, les remontées d’inspection, les évaluations, que de nouvelles difficultés scolaires apparaissent chez les élèves, surtout chez ceux qui ont des problèmes personnels liés à leur milieu et à l’évolution de la société elle-même, qui est plus dure pour ces enfants. Il ne s’agit donc pas pour nous de questions accessoires.
Les difficultés d’apprentissage relèvent de la responsabilité des enseignants et nous devons les former à cette spécificité de leur métier.
L’apport particulier des RASED sera conservé, notamment pour ce qui est de la psychologie, de l’évaluation, de l’orientation vers les structures d’intervention comme les CMPP, bien que ceux-ci soient complètement débordés et que les délais pour obtenir une remédiation orthophonique ou une thérapie psychopédagogique soient considérables. Nous sommes conscients de ces difficultés.
Nous ne pensons pas, contrairement à vous, qu’il soit forcément nécessaire de résoudre les difficultés scolaires en dehors de la classe et de sortir tous les enfants en situation d’échec de la classe pendant une heure afin qu’ils soient pris en charge par le RASED, comme c’est le cas aujourd’hui. Cette méthode est souvent utile, voire nécessaire, et produit des résultats tangibles. Mais ce n’est pas la solution unique au problème massif de l’échec scolaire.
C’est la raison pour laquelle nous avons pris ces décisions difficiles. Il eût certes été plus facile de ne rien faire, comme sur tous les sujets !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas ce que l’on vous demande !
M. Xavier Darcos, ministre. Je crois que nous avons fait œuvre utile. Progressivement, grâce au plan de formation que nous allons mettre en place, le traitement des difficultés scolaires fera l’objet d’une plus grande appropriation de la part de la totalité des 380 000 enseignants du premier degré et nous surmonterons ces problèmes, plus fréquents que naguère.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avons certes des divergences, monsieur le ministre, mais nous ne vous demandons pas de ne rien faire. Bien au contraire !
Sur le sujet des RASED, comme sur d’autres, il fallait se poser la question de l’évaluation avant d’entreprendre toute réforme. Si vous aviez procédé à cette évaluation, vous auriez pu constater que la transformation des groupes d’aide psychopédagogique, les GAPP, en RASED s’est faite sans augmenter les effectifs, malgré un élargissement des zones géographiques couvertes.
Vous auriez également pu observer que l’offre de formation est insuffisante et que de nombreux postes sont vacants. C’est le cas dans mon département, les Hauts-de-Seine, où 30 postes de maîtres G sur 130, ainsi qu’une cinquantaine de postes de maîtres E, ne sont pas pourvus.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il aurait d’abord fallu agir sur ces paramètres pour pouvoir améliorer l’efficacité de ce réseau.
J’ai appris hier que, dans mon département, l’inspecteur d’académie proposait la fermeture de 100 postes de RASED et que certaines académies – je peux citer le cas de la Charente-Maritime, qui relève de l’académie de Poitiers – proposaient d’ores et déjà une reconversion aux maîtres E et G, alors même que le projet de loi de finances n’est pas définitivement adopté. Vous conviendrez que cela peut susciter de nombreuses inquiétudes pour l’avenir !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on l’a dit ce matin, le monde change, notre société évolue et l’école doit s’adapter, car les enfants changent eux aussi.
Pour adapter l’école, des réformes sont nécessaires. Vous avez emprunté, monsieur le ministre, le chemin de ces réformes pour essayer d’améliorer le système. Il faudra, bien sûr, dresser le bilan des changements apportés, et je vous fais entièrement confiance pour cela.
La semaine scolaire de quatre jours à l’école primaire a été presque unanimement préférée à celle de neuf demi-journées.
Les maires regrettent de ne pas avoir été suffisamment associés à la mise en œuvre de l’aide personnalisée. Certes, il s’agit d’une décision d’ordre pédagogique. Mais, lorsque le soutien est organisé à l’heure du déjeuner, se posent les problèmes du retour des élèves à la maison ou de leur repas à la cantine
Les stages de remise à niveau sont positifs. L’accompagnement éducatif généralisé dans les collèges, déjà en place dans les ZEP, sera étendu en septembre prochain à toutes les écoles primaires.
Je veux également mentionner le SMA, dont il a déjà été beaucoup question ici, aujourd'hui.
L’étude sur la scolarisation des enfants de deux ans vient d’être remise. Je souhaite que l’on privilégie l’intérêt de l’enfant afin qu’il puisse obtenir les meilleurs résultats.
Tous ces chantiers exigent un travail en partenariat avec de nombreux intervenants. Le partenariat qui existe d’ores et déjà peut être amélioré, notamment dans le cas du SMA.
Comment comptez-vous améliorer ce partenariat et donner la possibilité à tous les enfants de bénéficier de ces nouveaux services ?
Je tiens à soulever le problème important des transports scolaires en milieu rural, notamment au regard du soutien pédagogique de midi et de l’accompagnement éducatif du soir.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Pierre Martin. Le transport scolaire relève du département pour ce qui concerne les écoles primaires, les collèges et les lycées. Or les lycées fonctionnent le samedi, de même que certains collèges, et il n’y a plus de transports ce jour-là. Il serait donc utile de mettre en place une harmonisation dans ce domaine afin que tous les enfants puissent accéder à ces nouvelles mesures.
Monsieur le ministre, comment voyez-vous la solution de ce problème ? De toute évidence, un seul intérêt doit compter, celui de l’enfant ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Martin, votre question en comporte plusieurs…
Avant même que nous décidions de supprimer les cours du samedi matin, pratiquement une école sur deux était fermée ce jour-là, sans rencontrer pour autant de difficulté particulière.
Mais il est extrêmement difficile d’imaginer que les emplois du temps des collèges et des lycées puissent être contenus en quatre jours et demi, et je me garderai bien de prendre des engagements à cet égard. Cette question est donc assez complexe.
Vous avez posé une question de principe et je vais y répondre : oui, le ministère de l’éducation nationale travaille avec les élus et leurs représentants sur les sujets que vous avez évoqués et qui relèvent du département. Je rencontre régulièrement, et encore récemment, le président de l’Assemblée des départements de France. J’ai également, bien sûr, des échanges avec son vice-président chargé des questions de transport scolaire.
Nous savions depuis le départ que la difficulté principale de la mise en place du soutien pédagogique concernerait le transport scolaire, non pas dans les zones urbaines ou dans les zones rurales dotées d’un système souple, mais dans d’autres zones, comme les régions de moyenne montagne.
L’école étant un corps vivant, elle doit évoluer. Je souhaite que nous reportions progressivement d’une demi-heure, en fin de journée, le retour par transport scolaire. En effet, il n’est pas certain que le soutien scolaire entre midi et deux heures, ou le matin de bonne heure, soit idéal pour les élèves et que l’effet pédagogique soit suffisant. Il serait plus intéressant que les élèves restent un peu plus tard le soir – une demi-heure ou trois quarts d’heure, ou une heure deux fois dans la semaine –, afin que l’on puisse s’occuper d’eux séparément.
De nombreux départements ont trouvé une réponse satisfaisante et ont pu s’adapter, même si cela a pu poser des difficultés. Encore une fois, l’école est un corps vivant, et ses relations avec les communes et les départements sont en constante évolution, font donc l’objet de négociations permanentes : j’ai donc bon espoir que nous trouverons rapidement des solutions conformes à l’intérêt de l’enfant.
Les difficultés que nous avons rencontrées sont en grande partie liées au fait que la majorité des conseils d’école avaient choisi la semaine de quatre jours et de ne pas travailler le mercredi matin. Il ne s’agissait pas d’un impératif dicté par le ministère ! On me reproche souvent d’être favorable à la semaine de quatre jours. Or les conseils d’école avaient le choix entre la semaine de quatre jours et celle de quatre jours et demi. Majoritairement, ils ont choisi la semaine de quatre jours. Il s’agissait d’un choix pédagogique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. Ça ne s’est pas passé comme ça !
M. Xavier Darcos, ministre. C’était indiqué dans la circulaire ! Je ne pouvais pas être présent au sein des 26 000 conseils d’école avec les élus, les parents et les représentants des enseignants ! Je n’ai pas décidé à leur place ! Comme je l’ai souvent dit, dans ma propre ville, les écoles fonctionnaient quatre jours et demi par semaine. On ne peut donc me reprocher d’être favorable à la semaine de quatre jours.
Ce n’est pas le ministère qui a choisi la semaine de quatre jours, mais les conseils d’école !
M. Yannick Bodin. Ils ont rarement eu le choix !
Mme Christiane Demontès et M. Yannick Bodin. On a vu passer les circulaires académiques !
M. Xavier Darcos, ministre. Je l’ai souvent entendu dire ! Mais si vous prenez la peine de vous reporter à ces circulaires, vous constaterez que les directives émanant de mon ministère et destinées aux rectorats, qui sont disponibles sur Internet, comportaient clairement une alternative entre la semaine de quatre jours et celle de quatre jours et demi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions. Je suis convaincu que, si tout le monde partage cette volonté d’innover, qui va dans le bon sens, nous réussirons. Je souhaite que ceux qui imaginent que l’on peut bouger sans rien changer bougeront vraiment ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Personne ne dit cela !
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Ma question concerne l’organisation des écoles primaires et maternelles en milieu rural.
Pour conserver les petites structures isolées menacées par la baisse démographique, on a créé, au fil des ans, diverses formes de réseaux d’écoles primaires, notamment les regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI. La plupart de ces regroupements se sont faits de manière dispersée, chaque école rassemblant des élèves de plusieurs communes par niveau pédagogique. En moyenne, les RPI comprennent de trois à cinq classes, accueillant des élèves qui viennent d’une demi-douzaine de communes.
L’émiettement en petites structures présente quelques inconvénients. Le principal tient au fait que les enfants doivent monter dans le car quatre fois par jour, deux fois, le matin et le soir, entre leur domicile et l’école et deux fois, à midi, entre l’école et le lieu unique de cantine.
Un autre problème est celui du dépaysement à chaque rentrée pour l’élève, qui découvre ainsi trois ou quatre lieux d’enseignement différents au cours de sa scolarité en primaire. Or l’attachement au lieu est pour l’enfant un élément rassurant, protecteur.
Enfin, cette dispersion empêche les échanges entre maîtres d’un même cycle, échanges pourtant nécessaire, surtout pour les jeunes enseignants parachutés ici ou là. Cette dispersion fait obstacle à la pratique d’activités collectives, notamment sportives et artistiques.
Il semble que l’État souhaite concentrer l’offre éducative en un seul lieu, dans des unités scolaires plus importantes.
L’article 86 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ouvert la possibilité de créer, à titre expérimental, des établissements publics d’enseignement primaire destinés à permettre une gestion mutualisée des moyens des écoles maternelles et élémentaires, notamment en milieu rural. Néanmoins, les décrets d’application ne sont toujours pas publiés.
Une proposition de loi a été déposée récemment à l’Assemblée nationale, visant à rendre obligatoire la création d’établissements publics d’enseignement primaire, les EPEP, lorsqu’une école maternelle, élémentaire ou primaire comprend ou atteint un nombre de classes égal ou supérieur à quinze.
Ces chiffres paraissent tout à fait irréalistes dans des secteurs très ruraux. Il faudrait associer pas moins de trois à cinq RPI pour créer un EPEP !
Les maires sont réservés sur tous ces projets, car ils sont fortement attachés au lien entre commune et école publique.
Pourquoi abandonner des formes consensuelles de regroupement et des réseaux d’écoles qui ont prouvé leur souplesse et leur efficacité ?
L’érection de l’école publique en établissement public autonome implique une complexité nouvelle dans les processus de prise de décision, avec le risque pour les maires de ne pas maîtriser les dépenses, là encore.
Enfin, quelles seront les conséquences de ce projet sur la carte scolaire en matière de fermetures de classes ?
Il me semble que ces EPEP ne devraient se constituer que sur la base du volontariat et s’il existe un établissement public intercommunal compétent.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser quelles sont vos intentions afin de pouvoir informer les élus locaux sur cette loi qui n’a encore pas connu d’application ? Quelles orientations allez-vous retenir ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez d’abord le problème de l’implantation des RPI dans des zones rurales où beaucoup de petites communes ont des classes uniques. Certaines équipes pédagogiques ont estimé que, compte tenu des distances, il était de l’intérêt des enfants de les regrouper par niveau plutôt que de les laisser dans des classes uniques éparpillées.
Les inconvénients que vous avez évoqués ne sont pas à négliger. Pour des enfants de six à dix ans, il n’est en effet pas idéal de changer chaque année d’équipe pédagogique et d’école, voire d’amis. Pour autant, les laisser dans des classes uniques et isolées présente également de grands inconvénients.
Le choix est laissé aux élus, puisque les RPI sont décidés par eux dans le cadre des structures intercommunales : c’est à eux qu’il revient d’arbitrer entre les avantages et inconvénients respectifs des deux solutions, et c’est indiscutablement très délicat.
Je me souviens des discussions qui ont précédé, dans votre région, monsieur le sénateur, plus précisément dans le nord du pays dolois, au début des années quatre-vingt-dix – alors inspecteur général, je devais m’occuper de Dole et de Besançon : un moment dans une longue carrière ! –, la mise en place, sur l’initiative de l’inspecteur d’académie, d’un dispositif de cet ordre, avec des pôles de cinq à dix classes.
Même s’ils ne sont pas exempts d’inconvénients, des regroupements de ce genre me paraissent aller dans le sens de l’intérêt des élèves et des enseignants. De toute façon, le processus se déroule en concertation entre les collectivités et le ministère, sous le contrôle des inspecteurs d’académie, qui sont évidemment attentifs aux propositions qu’on leur fait dans ce domaine. Mais il n’y a pas de doctrine tranchée en la matière.
S’agissant maintenant des établissements publics du premier degré, il est vrai que c’est un dossier qui est depuis longtemps dans nos cartons. Sans doute une nouvelle proposition de loi sera-t-elle prochainement déposée, visant à accélérer le processus.
Je le précise, l’idée concerne plutôt des lieux où existent un grand nombre de classes sur une surface plus resserrée. Au fond, il me semble plus utile de regrouper toutes les écoles d’une ville de 35 000 ou 40 000 habitants, par exemple, autour d’un établissement public, dont le directeur serait l’interlocuteur direct et unique du maire, que de le faire en milieu rural, où les écoles sont très éparpillées et où les structures intercommunales suffisent.
Vous m’avez demandé si, après avoir été expérimentée, cette solution serait imposée à des collectivités. Évidemment, non ! Il y aura concertation. Bien que conscient qu’il s’agit d’un point d’achoppement avec une partie des représentants des personnels du premier degré, je reste persuadé que l’établissement public est une bonne idée pour mutualiser les moyens et donner enfin une structure comptable à l’école primaire. Aujourd'hui, pour acheter un timbre, il faut passer par la caisse des écoles ! Il serait donc opportun d’élaborer une structure plus moderne, dont le directeur serait évidemment un enseignant.
En fin de compte, les avantages l’emportent largement, selon moi, en termes de fonctionnement, à condition de ne pas imposer sa généralisation. Il faut créer des EPEP là où ils seront utiles pour mutualiser les moyens et pour gérer les réseaux d’aides de toute nature qui concourent au fonctionnement de l’école. Pour moi, c’est plutôt une bonne idée, et je souhaite qu’on puisse l’expérimenter assez vite.