M. Ivan Renar. Nous continuerons à être vigilants sur cette question.
Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans trois classes de CM2 de différents cantons du Loiret, département dont je suis une élue, des cours d’information sur les principales religions ont été dispensés aux élèves.
Ces derniers connaissent désormais les grands principes de la religion juive et la signification des mots « kippour », « torah », « shabbat », etc., ainsi que ceux de la religion musulmane : ils ont appris qui était Mahomet, ce qu’est le Coran, ce que sont les sourates, ce qu’est le ramadan… Et c’est très bien !
Les petits élèves pratiquant ces religions étaient particulièrement brillants.
Monsieur le ministre, est-il prévu de compléter l’information et la culture de nos enfants en leur enseignant que les bases de nos civilisations européennes se trouvent dans la chrétienté, et que là se situe l’origine des mots « Pâques », « Noël », « Pentecôte », etc., sur lesquels ils s’interrogent et ne savent que très peu de chose ?
M. Jean-Louis Carrère. Ah, la calotte !
Mme Janine Rozier. Il est un peu tard pour les élèves de CM2 que j’évoquais puisqu’ils sont maintenant collégiens. Pourtant, « le message de la révélation chrétienne se présente toujours revêtu d’une enveloppe culturelle dont il est indissociable ».
J’aimerais également savoir, monsieur le ministre, si un « enseignement de la mémoire » ne pourrait pas être inclus, en primaire, dans celui de l’histoire ?
Rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », j’ai été troublée par les résultats d’une enquête réalisée au moment du quatre-vingt-dixième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale : plus de 60 % des personnes interrogées ne savaient pas ce qui s’était passé le 11 novembre 1918 ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Et ils applaudissent !
Mme Françoise Henneron. Oui, et nous en sommes fiers !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Madame le sénateur, comme vous le savez, il est établi depuis très longtemps que la religion ne fait pas l’objet, dans l’école de la République, d’un enseignement séparé.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Sauf dans les départements concordataires !
M. Xavier Darcos, ministre. J’allais le dire, monsieur Longuet : la Lorraine, l’Alsace et la Moselle ont leurs propres règles en ce domaine.
C’est lors des autres cours – histoire, histoire des arts –, de l’étude du patrimoine ou de rencontres culturelles que les questions de lexique, de rituels ou même de principes religieux sont abordées.
Puisque c’est surtout le sort fait à la religion chrétienne qui vous préoccupe, je vous indique que, durant le cycle 3 de l’école élémentaire, l’un des programmes d’histoire porte sur la christianisation du monde gallo-romain, et c’est l’occasion d’évoquer devant les élèves les termes que vous avez mentionnés.
Je le répète, en vertu du principe de laïcité républicaine, il ne peut en aller autrement. En tout cas, pour ma part, je ne le souhaiterais pas.
En ce qui concerne l’enseignement des grands événements, et notamment celui de la Première Guerre mondiale, vous avez raison, madame le sénateur : il faut que les élèves en aient la mémoire.
S’agissant plus particulièrement du 11 novembre 1918, il fait partie des dates qu’il faut connaître dans le cycle 3. Je rappelle que, dans les nouveaux programmes, nous avons réintroduit un certain nombre de dates et de grands repères – au moins ceux que l’on peut considérer comme essentiels –, parmi lesquels figure le 11 novembre 1918.
D’une manière générale, dans les nouveaux programmes de l’école primaire, l’histoire se voit accorder une place qui est celle d’un véritable enseignement, avec des repères chronologiques fondés sur les grandes dates et les grands personnages. Nous considérons en effet que, pour un petit enfant, il s’agit là de la meilleure façon d’aborder les choses.
J’ajoute que le 11 novembre est aussi, évidemment, une date de commémoration nationale et que, à ce titre, de nombreuses actions éducatives sont organisées. Pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de l’armistice de 1918, que nous venons de célébrer, beaucoup d’élèves ont ainsi participé au concours intitulé « les petits artistes de la mémoire », que nous avons organisé en partenariat avec l’ONAC, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
C’est dire que nous ne sous-estimons pas du tout ces sujets ; ils font partie des préoccupations quotidiennes des enseignants du premier degré.
Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Je vous remercie, monsieur le ministre de votre réponse. J’ai confiance en votre parole, mais j’attends quand même de voir !
Quoi qu'il en soit, tout n’est peut-être pas perdu : un de nos collègues, ce matin, a pu vous souhaiter une bonne fête depuis la tribune, puisque c’est aujourd’hui la Saint-Xavier ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Murmures sur certaines travées du groupe RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. En préambule à mon intervention, je voudrais rappeler, s’agissant de ce que je viens d’entendre, que l’école que nous aimons, c’est l’école publique, laïque et obligatoire (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste) et que, dans la République française, les églises sont séparées de l’État !
Monsieur le ministre, la crise qui s’installe assombrit l’avenir d’un grand nombre de nos concitoyens, en particulier, bien sûr, celui des plus fragiles. Dans ce contexte économique morose, les familles continuent de placer beaucoup d’espoir dans l’école – ce qui ne peut que vous réjouir –, car la formation reste le meilleur des boucliers contre le chômage.
C’est pourquoi le budget de l’enseignement scolaire devrait bénéficier d’un effort soutenu. Malheureusement, ce n’est pas la priorité du Gouvernement. Celui-ci profite d’une démographie scolaire favorable pour mettre en application l’un des principes de la révision générale des politiques publique, la RGPP, à savoir le non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite.
En effet, monsieur le ministre, même si vous affichez une hausse de 2 % des crédits pour 2009 – taux d’ailleurs très discutable puisqu’il bénéficie de la progression du compte d’affectation spéciale « Pensions » –, la principale réalité comptable de la présente mission est la suppression de postes, au total près de 13 500. Et vous ne semblez pas toujours en mesurer les conséquences, malgré la forte mobilisation des enseignants le 20 novembre dernier.
Alors que les enquêtes internationales d’évaluation font apparaître un recul de l’efficacité de notre système éducatif, vous affaiblissez l’encadrement des élèves.
Les classes surchargées sont encore le quotidien de la plupart des établissements, quoi que vous en ayez dit ce matin, monsieur le ministre. Dans ces conditions, l’école de la République, à laquelle je me référais au début de mon intervention, ne tient plus sa promesse de garantir l’égalité des chances.
Pensez-vous vraiment, monsieur le ministre, que la généralisation du dispositif d’accompagnement éducatif suffira à réaliser votre objectif d’une division par trois du nombre d’élèves en grande difficulté à la sortie de l’école primaire, si, dans le même temps – j’y reviens, même si vous avez partiellement répondu ce matin sur ce point – vous sédentarisez les 3 000 maîtres enseignant dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED ?
Ces maîtres ont une approche éducative unique, qui permet d’intégrer à la pédagogie le recours direct à l’assistante sociale ou au psychologue scolaire. Beaucoup d’enfants ont besoin d’un parcours spécialisé de rééducation dans lequel l’aide, pour être efficace, doit être multiforme. Dans mon département comme ailleurs, ce sont des centaines d’enfants qui ont retrouvé le goût de l’apprentissage grâce aux RASED.
Monsieur le ministre, ce sujet est sensible, et nous sommes nombreux à l’avoir évoqué. Ma question est simple : quel est l’avenir des RASED pour les prochaines années ? Partout sur notre territoire, la souffrance scolaire est une dure réalité pour de nombreux enfants. La France s’honorerait à ne pas les laisser au bord du chemin du savoir. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Comme vous l’avez rappelé, nous retrouvons, avec cette question, un sujet dont nous avons déjà débattu ce matin.
Vous indiquez que les comparaisons internationales en matière de système éducatif ne nous sont pas favorables. Vous estimez donc que ce n’est pas le bon moment pour baisser la garde en termes d’emploi public à l’école. Soit. Mais ces mêmes comparaisons internationales nous étaient déjà défavorables à l’époque où nous augmentions très sensiblement le nombre de nos enseignants !
Je rappelle que, dans le premier degré, au cours des dix-huit dernières années, le nombre d’élèves a diminué de 200 000, mais que, dans le même temps, nous créions 12 000 emplois. Or on n’a pas pour autant constaté des effets qualitatifs perceptibles !
Et je m’empresse d’indiquer que ce n’est d’ailleurs pas la faute des enseignants. N’allez donc pas dire à nouveau que je les méprise ou que je sous-estime le travail qu’ils accomplissent ! Cela tient tout simplement au fait que les élèves ont beaucoup changé.
En conséquence, je ne crois plus – même si je l’ai cru, moi aussi, autrefois – que la solution soit à chercher uniquement du côté du nombre d’enseignants. Ce qu’il faut faire, c’est prendre en charge les élèves différemment, savoir répondre aux difficultés particulières qu’ils rencontrent.
À cet égard, je crois profondément au dispositif que nous avons mis en place : tous les élèves d’une école primaire ayant des difficultés pourront bénéficier chaque semaine de deux heures pendant lesquelles on s’occupera spécifiquement d’eux. On pourra ainsi être plus attentif à eux, leur faire classe différemment, reprendre les points sur lesquels ils auront buté, avoir du temps pour établir un rapport plus personnel et affectif.
Pour ces raisons, je crois que les deux heures de soutien hebdomadaires sont de nature à lutter contre l’échec scolaire ; il faut donc continuer dans ce sens.
Mais il faut aussi, par ailleurs, mieux gérer nos personnels. J’ai rappelé ce matin la promesse que j’ai faite, et qui sera tenue : le non-renouvellement de 13 500 emplois n’affectera pas la relation maître-élève.
Pour cela, nous jouons sur l’organisation du remplacement, que nous entendons améliorer, sur les postes ne correspondant pas à des affectations dans les classes, mais aussi sur la démographie et la redistribution d’heures supplémentaires, en fonction des vœux des enseignants.
Bref, le ratio professeurs-élèves ne diminuera pas. Au contraire – je le disais déjà au sujet de la rentrée précédente, monsieur Baylet, et on ne m’a pas cru, mais je le répète malgré les accusations de mensonge que me lancent certains protestataires –, à la rentrée de 2008, nous avions un meilleur encadrement pédagogique que les années précédentes. Alors même que nous n’avons pas renouvelé 11 200 postes, le nombre d’enseignants par élèves est meilleur que l’année précédente. Cela, je ne l’invente pas : c’est ce qui ressort des statistiques fournies par les l’INSEE !
En ce qui concerne les RASED, je répète qu’il s’agit non pas de les supprimer, mais de faire en sorte que le traitement de la difficulté scolaire soit envisagé de façon plus globale.
Pour nous, traiter la difficulté scolaire, c’est instaurer les deux heures de soutien hebdomadaire ainsi que les stages de CM1 et CM2 pour les élèves qui en ont besoin.
C’est aussi, en effet, avoir recours à des psychologues scolaires pour les élèves présentant de grandes difficultés psychologiques, liées notamment à leur milieu, ayant besoin d’un diagnostic particulier et d’une relation d’ordre quasiment médical pour faire face à leurs difficultés, notamment à l’école. Or le nombre de psychologues sera maintenu à l’unité près ; peut-être même sera-t-il augmenté.
Mais nous avons également besoin de réseaux d’enseignants qui interviennent dans les zones où les élèves en difficulté sont plus éparpillés. Il nous restera 8 500 de ces enseignants, qui sont actuellement 11 500, les autres étant placés là où se rencontrent des problèmes massifs. En effet, dans certaines écoles, il y a beaucoup plus qu’un ou deux élèves dont il faut s’occuper !
C’est dans ce type d’établissements, où sont concentrés des élèves en grande difficulté, que seront réaffectés quelque 3000 de ces enseignants, dont les compétences particulières – pour lesquelles ils avaient été formés et grâce auxquelles ils sont mieux payés – seront évidemment davantage sollicitées.
Il n’est donc pas exact de dire que nous voulons supprimer les RASED. Nous conserverons le dispositif, et ceux de leurs enseignants qui ne sont pas concernés cette année par la réaffectation et la sédentarisation ne seront pas contraints de participer au mouvement dans les prochaines années. Ils resteront affectés sur les zones où ils enseignent actuellement.
Nous essayons donc d’utiliser au mieux les ressources dont nous disposons. Par ailleurs, nous engageons, comme je l’ai indiqué ce matin, un vaste programme de formation de nos enseignants du premier degré, fondé sur le volontariat, afin qu’ils soient, précisément, mieux armés pour répondre aux nouvelles difficultés scolaires que nous rencontrons. Car, de fait, dans nos classes, certains élèves présentent des difficultés naguère inconnues, liées à des circonstances extérieures et que je n’ai donc pas à commenter ici. Je dirai seulement que le nombre même des élèves en difficulté semble en augmentation et que leurs difficultés sont plus complexes à analyser.
Par conséquent, c’est un mauvais procès qui est fait à l’action de mon ministère. J’entends dire que nous nous moquons des élèves en difficulté, que nous les jetons à la rue, que nous ne voulons plus nous en occuper, ou encore que c’est la fin de la lutte contre l’échec scolaire… Tout cela est évidemment faux ! Ce n’est pas ainsi que les choses se présentent. Il s’agit d’organiser de manière globale, cohérente et à destination de tous les élèves un véritable plan de lutte contre l’échec scolaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour vous, la maternelle ne doit plus accueillir les enfants âgés de deux ans. Pourtant, la scolarisation précoce n’a jamais été le fruit d’une volonté politique, mais bien un outil dont les familles se sont emparées – parfois parce qu’elles n’avaient pas le choix –, en particulier dans les communes rurales.
M. Jean-Luc Fichet. Souvent, le ministère de l’éducation nationale, qui voit là un bon moyen de faire des économies, a essayé de remettre en cause cette scolarisation ; il a dû subir la fronde des enseignants, des parents et des élus, au nom de l’égalité des chances.
Mais cette fois, les attaques sont beaucoup plus sournoises. Elles s’appuient sur des analyses censées démontrer l’inutilité pour les enfants de cette scolarisation précoce. Or la réalité est tout autre. Ce n’est pas le bien-être de l’enfant qui est en jeu, mais bien le souci de l’État de faire des économies. Pourtant, on ne peut pas aborder la question de l’école d’un point de vue uniquement comptable.
Vous voulez faire ces économies sur le dos des collectivités locales. L’éducation nationale veut, si j’ose dire, « refiler la patate chaude » aux communes en leur disant, une nouvelle fois, après le SMA, qu’elles n’ont qu’à se débrouiller !
Il se trouve que la Bretagne, de même que le Nord-Pas-de-Calais, d’ailleurs, se signale en la matière par des taux exceptionnels : en 2007, par exemple, dans le Finistère, 66 % des enfants de deux ans étaient en maternelle. Et c’est en Bretagne que le taux de réussite scolaire est le meilleur ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Fichet. Vous me permettrez donc, monsieur le ministre, d’établir un lien entre ces deux faits.
La très forte demande des familles, contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, correspond non pas à la recherche d’un accueil gratuit du jeune enfant, mais bien à une « attente d’école ».
Les communes se sont tout particulièrement investies en construisant et adaptant des locaux, ainsi qu’en recrutant des personnels de service pour répondre aux attentes sociales des familles.
Puisque vous vous appuyez sur des rapports, monsieur le ministre, je vous rappelle que celui de la Cour des comptes, publié le 18 novembre dernier, constate qu’il est « difficile de dégager des conclusions définitives » sur cette question et plaide pour « la mise en place d’outils d’évaluation » !
M. Jean-Luc Fichet. La Cour des comptes souligne par ailleurs que « le coût pour l’enfant est moindre s’il est accueilli en maternelle » plutôt qu’en établissement d’accueil du jeune enfant.
Dans le monde rural, accueillir les enfants dans les écoles à partir de l’âge de deux ans est devenu un devoir pour les communes.
Votre politique revient à diminuer les chances d’un enfant de faire une bonne scolarité, ce qui inquiète les familles et les collectivités territoriales, qui devront dépenser plus alors que leur budget fond comme neige au soleil.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est-elle double. D’une part, ne doit-on pas voir là, de votre part, une volonté de mettre une fois de plus sur le dos des collectivités territoriales une charge incombant à l’État ? D’autre part, ne vous paraîtrait-il pas opportun de mettre en place une véritable concertation avec l’ensemble des acteurs concernés par les jeunes enfants ? Je pense à l’éducation nationale, à la Caisse nationale des allocations familiales, aux collectivités territoriales et aux parents d’élèves. Ils pourraient ainsi déterminer, tous ensemble, en coordination avec l’État, les besoins qui se présenteront à l’avenir et les réponses qu’il convient de leur apporter.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Il s’agit là encore d’un sujet que nous avons déjà abordé. Le problème de la préscolarisation des tout-petits présente deux aspects.
Le premier tient à la question de savoir si la scolarisation à cet âge est utile à l’enfant, s’il en tire un bénéfice en termes scolaires. Or cette question est âprement débattue entre ceux qui pensent que c’est le cas et ceux qui sont persuadés du contraire. Moi-même, je n’ai pas un avis absolument définitif sur le sujet, tant les controverses sont vives et les affirmations péremptoires, d’un côté comme de l’autre ! Certains proclament que, dans les départements où il n’y a pas de scolarisation à deux ans, on observe de très bons résultats scolaires. Quant à vous, monsieur le sénateur, vous venez d’apporter une pierre à l’édifice de la position exactement inverse en citant l’exemple de votre région.
Ce dont je suis certain, c’est que l’école maternelle est une école à part entière, ayant ses propres programmes et ses ambitions spécifiques. Nous avons élaboré des programmes pour le primaire, dans lequel l’école maternelle est pleinement intégrée. Dès lors, on peut craindre qu’à scolariser des enfants de plus en plus jeunes on n’en vienne à changer la nature même de cette école maternelle, qu’on ne soit contraint de définir d’autres objectifs pédagogiques et, partant, de modifier toute l’organisation de l’enseignement des petits.
Le second aspect du problème, quant à lui, dépasse la simple question de la scolarisation. En effet, ce qui est tout de même visiblement l’enjeu véritable, depuis quelque temps – disons plutôt depuis quarante ans ! –, c’est de savoir si nous sommes en mesure de répondre d’une manière satisfaisante aux besoins des familles en ce qui concerne l’accueil des enfants âgés de dix-huit mois à trois ans. Avons-nous trouvé une solution à ce problème ? Force est de constater que non.
Des propositions ont été faites, ici même, par Mme Monique Papon et M. Pierre Martin dans leur rapport d’information ; d’autres rapports ont insisté sur le fait qu’il conviendrait de se demander comment organiser, partout en France, un système d’accueil des tout-petits.
Vous craignez un transfert de cette responsabilité aux communes. Je comprends votre inquiétude : si j’étais maire, je serais, moi aussi, très vigilant sur ce point.
Mais je voudrais insister sur le fait que la France ne s’est pas posé, comme l’ont fait la plupart des pays qui lui sont comparables, notamment l’Allemagne, la question d’une organisation universelle de l’accueil des tout-petits.
Pour ce qui relève de mes responsabilités, j’ai fait ce matin une affirmation qui me semble assez importante ; elle mérite en tout cas de retenir l’attention de ceux qui, ces temps-ci, battent le pavé en agitant des couches-culottes et en m’accusant de détruire l’école maternelle… Je ne crois donc pas inutile de la réitérer : pour le moment, l’intention du ministère de l’éducation nationale, c’est le maintien du statu quo. Cela signifie que tous les enfants de trois ans seront accueillis et que, là où l’habitude a été prise de scolariser les enfants plus jeunes, on continuera à le faire. Il en sera ainsi tant que nous serons dans l’attente d’une solution collective concernant l’accueil des plus petits. Et nous espérons qu’elle sera trouvée parce que nous en avons besoin.
Vous dites que, chez vous, les enfants de deux ans sont scolarisés. Mais en bien des points du territoire, ils ne le sont pas du tout ! Il y a donc de grandes disparités et le système actuel est injuste.
Quant à l’argument de la Cour des comptes, selon laquelle l’accueil des plus petits à l’école maternelle est souhaitable pour des raisons financières, il n’est pas vraiment recevable : que valent en effet les économies si l’on se place d’un point de vue pédagogique et politique ?
Je tiens donc de nouveau à vous féliciter, madame la présidente, de l’excellent travail que vous avez réalisé sur ce sujet avec votre collègue Pierre Martin. Je le demande instamment, il faut à tout prix que les parties prenantes puissent trouver un accord sur l’accueil des tout-petits avant leur entrée en petite section de maternelle et sur la préscolarisation. C’est tout ce que je souhaite.
Je n’ai jamais eu l’intention d’insulter qui que ce soit. Au contraire, j’ai toujours exprimé ma grande reconnaissance à l’égard du travail effectué par les enseignants de maternelle. Le fait que je m’interroge sur l’opportunité de scolariser les tout-petits n’a rien de scandaleux. La seule certitude que nous avons, c’est que la scolarisation précoce, à trois ans, présente pour l’enfant un avantage certain en termes pédagogiques.
De surcroît, pour avoir été directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale en 1993, je connais très bien – et vous aussi, d’ailleurs ! – les raisons pour lesquelles on a favorisé la scolarisation dès l’âge de deux ans : à l’époque, l’objectif était d’éviter certaines fermetures de classes ! L’intérêt des enfants n’était donc pas un élément prédominant.
Ce sujet a toujours été perturbé par des problématiques extérieures à toute vision pédagogique. J’ai au moins eu le mérite de reposer la question – peut-être un peu brutalement – en la recentrant sur la pédagogie, sur l’école. Et l’école maternelle, c’est une école à part entière ! (M. Pierre Martin applaudit.)
Mme Françoise Henneron. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, la question se pose pour nous aussi en termes pédagogiques. À cet égard, il est souhaitable, pour prendre les bonnes décisions, de s’appuyer sur les résultats probants obtenus non seulement en Bretagne, mais aussi dans le Nord–Pas-de-Calais. Dans ces deux régions, plus de la moitié des enfants de moins de trois ans sont scolarisés. En Bretagne plus particulièrement, la réussite scolaire est tout à fait établie.
Je prends acte de vos propos et du maintien du statu quo concernant l’accueil des enfants de moins de trois ans, en attendant qu’une réponse globale soit trouvée.
Nous ne pouvons pas non plus négliger une autre conséquence de ce dispositif pour les communes, notamment rurales, lesquelles sont en effet tenues d’investir pour construire les établissements d’accueil de jeunes enfants qui font actuellement défaut. Or elles ne disposent d’aucun moyen particulier pour ce faire. (M. Michel Boutant applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, le moins que l’on puisse dire est que votre politique à la tête du ministère de l’éducation nationale n’est pas marquée par l’immobilisme...
M. Jean-Claude Carle. C’est vrai !
M. Yves Détraigne. Une semaine, vous nous annoncez la disparition de la carte scolaire pour favoriser la mixité sociale, une autre semaine, la fin de l’école le samedi matin, pour faire cesser, selon vos propres mots, « une situation incohérente, source de nombreux problèmes pour tous les parents », ainsi que le report des deux heures d’enseignement du samedi sur les autres jours pour assurer une aide personnalisée aux élèves en difficulté. Une autre semaine encore, c’est l’instauration du service minimum d’accueil, le fameux SMA, qui est sans doute devenu aujourd’hui le sigle le plus connu de tous les maires de France, mais aussi le plus décrié. Puis vient la réduction du nombre d’enseignants affectés aux RASED.
Et arrivent à grands pas, semble-t-il, l’accompagnement éducatif généralisé ainsi qu’une réforme importante de l’éducation artistique et culturelle.
Ce sont autant de réformes, souvent décidées, hélas ! sans concertation préalable avec les élus locaux, mais dont la mise en œuvre repose pourtant en partie sur eux.
Monsieur le ministre, autant les maires n’ont aucune compétence particulière pour s’exprimer sur l’intérêt, pour l’enfant, d’une réforme réduisant la semaine scolaire de cinq à quatre jours, autant ils sont en droit d’exiger que d’autres réformes, dont l’application leur incombe et dont les conséquences financières sont parfois importantes pour leur collectivité, ne soient pas décidées sans une réelle concertation préalable avec leurs associations représentatives.
En effet, comment, l’école pourrait-elle exister sans l’intervention des collectivités pour la mise à disposition, l’entretien et le fonctionnement des locaux et des équipements, pour l’organisation des transports scolaires, pour la mise à disposition du personnel de service et des ATSEM – les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles –, pour le financement des projets artistiques et culturels, des classes transplantées, des projets d’école, des activités périscolaires ? Je m’arrête là, mais cette liste n’est pas complète, vous le savez bien !
Il est grand temps que le Gouvernement se rende compte que les maires sont des acteurs à part entière de l’école, et non de simples exécutants. Certains ont même parfois eu le sentiment d’être traités comme des supplétifs.
C’est ce que les maires de toutes opinions politiques, de toutes régions et de communes de toutes tailles ont exprimé on ne peut plus clairement lors du Congrès des maires de France, qui s’est tenu la semaine dernière.
Aussi, monsieur le ministre, il paraît indispensable, notamment pour répondre au souhait exprimé par le président de l’Association des maires de France, d’une part, que soit conduite une évaluation sur les modalités actuelles du droit d’accueil – pour lequel les besoins, mais aussi les moyens d’y répondre ne sont pas les mêmes dans toutes les communes –, et, d’autre part, que soit ouverte une véritable concertation sur ce sujet avec les élus et leurs représentants.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, vous engager en ce sens ?