M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à un échange de questions et réponses.
Je tiens à vous rappeler que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente. Pour lui répondre, le ministre dispose également de deux minutes trente. L’auteur de la question dispose enfin, s’il le souhaite, d’une minute pour la réplique.
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la communauté internationale assiste depuis 2007 à une recrudescence des actes de piraterie maritime, notamment au large des côtes somaliennes. Quatre-vingts attaques ont été répertoriées en 2008, dont certaines concernaient directement les intérêts français de la zone. Nous conservons à l’esprit les cas du Ponant et du Carré d’As.
De plus, force est de constater que ces pirates sont de mieux en mieux organisés. Capables d’opérer à plus de 450 miles des côtes, à partir de bateaux mères, ils s’attaquent désormais à des cibles toujours plus importantes par la taille et par la valeur financière des matériaux transportés.
Par ailleurs, le nombre de kidnappings augmente, de même que le montant des rançons, qui, une fois versées, constituent un fonds d’investissement permettant aux pirates d’acquérir de véritables arsenaux.
Qu’il s’agisse de bâtiments tels que le Sirius Star dont la cargaison est estimée à 100 millions de dollars, des navires du Programme alimentaire mondial à destination des populations démunies ou encore des navires transportant des armements et des équipements militaires – c’était le cas du Faïna –, les conséquences économiques, financières, humanitaires et écologiques de tels actes sont de plus en plus lourdes et débordent les seuls champs du commerce maritime et du droit de la mer.
Depuis le mois d’octobre, la France a pris l’initiative, et nous ne pouvons que nous en féliciter, de proposer au Conseil de sécurité des Nations unies, d’une part, d’ouvrir un droit de suite automatique en cas de flagrance aux marines qui en auraient reçu l’accord et, d’autre part, d’autoriser le développement de patrouilles maritimes dans les zones dangereuses à des fins dissuasives.
L’adoption des résolutions 1814, 1816 et 1838 ainsi que les déclarations conjointes de la France et de l’Espagne en novembre dernier prouvent la détermination de notre pays. À la tête de l’Union européenne, la France souhaite mettre en place une véritable coordination entre les moyens des États membres et ceux de l’Alliance atlantique afin de protéger le trafic maritime.
L’installation d’une cellule européenne antipiraterie à Bruxelles et l’annonce d’opérations militaires telles que EuNav et Atalanta constituent des signaux forts, fondateurs de la concrétisation d’une véritable politique européenne de défense. C’est la première fois que la Grande-Bretagne dirigera une opération navale dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense.
Monsieur le ministre, ma question est double. Compte tenu de la problématique posée, les moyens militaires déployés – trois frégates, un bâtiment de soutien, trois avions de reconnaissance et les hélicoptères embarqués – seront-ils renforcés dans les mois à venir ?
De plus, lorsque la France quittera la présidence de l’Union européenne, quel sera son rôle quant à la poursuite de ce type d’opérations et quels moyens mettrons-nous alors à disposition ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez procédé à une description absolument complète et remarquable du dispositif prévu.
Nous avons d’ores et déjà la certitude que le processus de « génération de forces » nous permettra de poursuivre cette opération en 2009, qui n’est pas uniquement menée, dans le cadre de la PESD, par l’Union européenne, puisque nous y intégrons aussi des bâtiments appartenant à des marines dont les États ne sont pas membres de l’Union. En outre, l’Alliance atlantique y est partie prenante jusqu’au 15 décembre prochain, et elle continuera par la suite à y engager des moyens. De nombreux pays participent à cette opération, tels que la Russie, la Corée et la Malaisie.
L’Union européenne disposera de cinq ou six bâtiments au cours de l’année 2009, qui seront complétés par des moyens militaires provenant d’autres pays.
Comme vous le savez, cette opération se déroule sur un vaste espace. Il nous faut donc des moyens maritimes et des avions de patrouille maritime en nombre suffisant si nous voulons que cette opération joue son rôle de prévention et de dissuasion. À travers cette opération, nous démontrons que l’Europe est capable de prendre l’initiative. C’est grâce à la volonté européenne, notamment celle de la France et de l’Espagne qui ont été à l’origine de cette initiative, que nous pourrons assurer la sécurité du trafic maritime dans cette région stratégique qu’est le golfe d’Aden.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, la réorganisation en cours du ministère de la défense constitue un véritable bouleversement.
Depuis les années soixante, nos armées n’avaient pas connu une telle déflation de leurs effectifs. La réduction sera nettement supérieure à celle qui découlait de la professionnalisation.
Par ailleurs, nos territoires seront aussi rudement mis à contribution. De très nombreuses unités de l’armée de terre seront déplacées et l’abandon d’une trentaine de garnisons en métropole est envisagé.
Or, à l’évidence, ces mesures auront un impact important sur les collectivités locales.
Nous savons d’ores et déjà que certains territoires seront cruellement touchés, avec des centaines d’emplois perdus et des zones d’activité condamnées.
Cette réorganisation suscite de profondes inquiétudes aussi bien chez les personnels civils et militaires qu’au sein des populations concernées.
On nous dit que les économies réalisées avec la suppression de 54 000 postes devraient être intégralement réinvesties soit au profit des équipements, soit pour revaloriser la condition des personnels. Nous veillerons à ce qu’il en soit ainsi.
La restructuration des armées sur le territoire commencera par coûter avant, éventuellement, de rapporter ! Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées devrait créer au plus vite un outil de suivi de la réforme de la défense et de ses conséquences sur le plan local.
Monsieur le ministre, ma question qui doit être courte, et donc précise, concerne la « nouvelle carte militaire », et plus particulièrement la méthode utilisée pour faire avancer cette réforme.
Le Gouvernement est censé dialoguer en amont avec les élus, évaluer les conséquences financières de ses décisions et, si celles-ci sont négatives, prévoir des compensations. Si certaines ont été programmées dans le cadre de la nouvelle carte militaire, elles risquent d’être insuffisantes.
Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler les compensations envisagées ? Comment comptez-vous améliorer la concertation avec les élus, laquelle semble défaillante aux yeux des intéressés ? (Mme Josette Durrieu et M. Jean-Louis Carrère applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, si vous estimez que la concertation est défaillante, je vous invite dès demain matin à m’appeler pour prendre rendez-vous.
Durant toute la période de présentation du plan de restructuration, nous avons engagé une concertation, et j’ai rencontré tous les élus qui l’ont souhaité ; je suis toujours prêt à le faire si besoin est. Par ailleurs, j’ai demandé aux préfets de mettre en place dans leur département des comités chargés de la restructuration. Si tel n’est pas le cas, vous devez me prévenir immédiatement.
Pour ce qui concerne les moyens, le financement est important : 300 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 20 millions d’euros pour l’outre-mer et 100 millions d’euros par an au titre des exonérations fiscales et sociales pour les territoires les plus affectés, je pense notamment au dispositif dit Warsmann, soit un total de 700 millions d’euros.
Sur le plan de la méthode, par le biais des contrats de redynamisation des sites de défense, nous mettrons en place l’ensemble des moyens d’accompagnement des restructurations pour favoriser la reconversion des sites. Le Président de la République a annoncé que vingt-quatre emprises militaires seront cédées pour l’euro symbolique. Des mesures d’aide aux entreprises sont prévues ; un programme de délocalisation des services d’administration centrale est également mis en œuvre. En outre, un grand plan Nord-Est est en cours d’élaboration pour cette partie du territoire national qui est la plus touchée par les restructurations.
Des moyens absolument considérables sont mis en œuvre.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, j’ajoute que, la semaine dernière, en dépit des incertitudes qui pèsent sur notre économie, une grande entreprise m’a assuré qu’elle investirait massivement – à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros –, et créerait plusieurs centaines d’emplois Nous avons toute une série de contacts avec d’autres entreprises.
En toute sincérité, l’État n’a jamais fait autant pour ces territoires, ce qui est somme toute normal. Il était important que nous menions cette réorganisation pour permettre l’adaptation de notre outil de défense, mais, parallèlement, nous ne devions pas abandonner les territoires qui ont largement participé à la solidarité nationale, notamment à la solidarité « des armes ».
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. J’ai bien entendu votre invitation, monsieur le ministre, et je ne manquerai pas de venir vous rencontrer.
Toutefois, les conditions de fermeture de l’école de gendarmerie de Libourne n’illustrent pas du tout…
M. Philippe Madrelle. Oui, mais vous êtes encore responsable !
M. Philippe Madrelle. Je disais donc que les conditions de fermeture de cette école n’illustrent pas du tout l’esprit de concertation que vous avez mis en avant. On est vraiment dans le brouillard, on ne sait rien des compensations. En la matière, la concertation n’a pas été exemplaire !
M. Jean-Louis Carrère. Peut-être est-ce dû au nom du maire…
M. Didier Boulaud. C’est MAM qui s’en occupe ! Elle avait pourtant juré que cette école ne serait jamais rattachée au ministère de l’intérieur !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, et à lui seul.
M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, le projet de budget pour 2009 de la défense comprend les premières mesures relatives à la mise en œuvre de la restructuration des armées annoncée le 24 juillet dernier.
Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, que cette restructuration de grande envergure préoccupe au plus haut point les élus de notre pays et ne manquera pas d’avoir des effets très importants sur l’aménagement des territoires et l’économie de plusieurs régions.
La crise économique et financière, dans laquelle le monde occidental est plongé et qui se traduira par des plans sociaux dans plusieurs secteurs économiques – je pense notamment au secteur automobile –, risque, dans certaines régions, d’être aggravée par le départ d’un certain nombre d’unités militaires.
C’est notamment le cas de la Marne, et plus spécialement de la région de Reims, où la sous-traitance automobile est particulièrement présente, l’une des entreprises de ce secteur ayant d’ores et déjà annoncé un plan social qui touchera plus d’une centaine de salariés.
La fermeture de la base aérienne 112, qui emploie directement près de 1 600 personnes et fait travailler de nombreuses entreprises du secteur civil, avec des retombées économiques pour le département de l’ordre de 50 millions d’euros à 60 millions d’euros, risque fort d’accélérer la crise, surtout si la fermeture intervient dès 2011, comme cela a été annoncé initialement.
Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, que les élus du secteur, toutes tendances politiques confondues, ne comprennent pas pourquoi cette date a été annoncée alors que le Mirage F1 CR de reconnaissance dont cette base est équipée doit rester en service dans l’armée française au moins jusqu’en 2014.
Vous allez d’ailleurs recevoir dans quelques jours les élus du secteur rémois, qui réclament le maintien de la base jusqu’en 2014, date de fin de service des Mirages F1 CR prévue avant l’annonce de la restructuration militaire.
Dans le même temps, la presse se fait régulièrement l’écho de contacts pris avec un certain nombre d’États étrangers en vue de leur vendre des avions Rafale, dont une partie est censée remplacer, sur la base de Mont-de-Marsan, la flotte des F1 CR stationnée à Reims.
Monsieur le ministre, où en sont les contacts engagés sur l’exportation des Rafale ? Quel impact pourrait avoir la signature des premiers contrats de vente à l’étranger de cet avion sur le rythme d’équipement de l’armée française avec le Rafale et, spécialement, avec le Rafale dédié aux missions de reconnaissance ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, nous avons eu l’occasion de nous rencontrer lors de l’annonce de la fermeture de la base aérienne 112 de Reims, laquelle est tout simplement liée au fait qu’il ne restera plus qu’un escadron de Mirage F1 CR à partir de 2011, regroupé à Mont-de-Marsan.
D’abord, les mesures de restructuration que nous menons actuellement sur les bases aériennes auraient pu être prises depuis des années ! Cela fait vingt-cinq ans que le programme Rafale a été lancé. À l’époque, l’armée de l’air comptait 450 avions de combat et on savait que nous commanderions moins de 300 Rafale. La conséquence directe de la réduction du nombre d’avions, liée à la polyvalence du Rafale, était, un jour ou l’autre, la fermeture de bases aériennes.
Le travail que nous effectuons devait être mené. En effet, il n’y a aucune raison de maintenir autant de plateformes alors que nous aurons, aujourd'hui, et demain plus encore, moins d’avions en ligne, d’une part, parce que nous avons réduit le contrat opérationnel et, d’autre part, et surtout, parce que nous avons décidé de nous équiper d’un avion polyvalent capable de réaliser toutes les missions, et pas simplement, pour certains, une mission de reconnaissance ; pour d’autres, la défense aérienne ou, pour d’autres encore, l’attaque au sol.
Par ailleurs, il n’y a aucune connexion entre la problématique de la restructuration et l’exportation du Rafale.
S’agissant de l’exportation de cet avion, nos contacts progressent bien et nous avons bon espoir. Toutefois, vous me permettrez de ne pas en dire plus, afin de ne pas favoriser la concurrence.
M. Jean-Louis Carrère. C’est comme pour les champignons ! (Sourires.)
M. Hervé Morin, ministre. Plus on se tait, mieux c’est ! Mais je suis bien entendu disposé à en parler avec vous en privé.
J’insiste sur ce point, monsieur le sénateur, la fermeture de la base aérienne de Reims est liée au fait qu’il ne restera plus qu’un escadron de Mirage F1 CR. Je suis tout à fait prêt à discuter des conditions dans lesquelles nous pourrions fermer cette base et de ses conséquences. J’ai d’ailleurs lu dans la presse locale que la position des élus n’était pas forcément la même que celle des personnels et des syndicats de la base.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je ne prétendrai pas que la réponse de M. le ministre me satisfait, d’autant plus qu’il nous a toujours été annoncé qu’il n’y avait rien à craindre pour la base de Reims tant que le Mirage F1CR était en service. Je prends néanmoins acte de cette réponse et nous aurons l’occasion d’en discuter avec les élus du secteur dans quelques jours.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Nous n’allons pas maintenir deux bases aériennes alors qu’il n’y a plus qu’un escadron ! Ce ne serait pas raisonnable.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, ma question ira dans le même sens que celle de mes collègues.
Au mois de juillet dernier, vous avez présenté votre plan de restructuration des implantations militaires sur le territoire national.
Dans ce plan figurait l’annonce de la fermeture, pour 2011, de la base aérienne 103 Cambrai, située sur la commune d’Haynecourt et qui emploie 1 364 personnes.
La base aérienne pèse un poids important dans la vie économique et sociale du Cambrésis.
Cette décision aura bien évidemment des conséquences négatives sur la vie des personnels et des familles de la base, mais aussi sur celle des populations de l’agglomération qui connaissent déjà une situation économique et des conditions d’emploi difficiles.
2011, c’est demain pour ces familles et pour la population !
Pourriez-vous donc préciser comment est envisagée, pour les personnels de la base, la mise en œuvre des mesures d’accompagnement social, en particulier celles qui concernent la mobilité géographique et fonctionnelle ainsi que celles qui visent à faciliter les projets de reconversion professionnelle pour ceux qui souhaiteraient quitter l’armée de l’air ou des services civils.
Par ailleurs, l’étude sur une nouvelle affectation des terrains de la base, dont nous avions entendu parler, est-elle déjà engagée ?
Enfin, la décision d’implanter à Cambrai la Direction centrale du commissariat de l’armée de terre est-elle confirmée ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Madame la sénatrice, je tiens à vous assurer que cette restructuration sera accompagnée d’un contrat de redynamisation de site de défense, qui sera doté, dans un premier temps, de 10 millions d’euros. Nous pourrons toujours augmenter cette dotation si cela s’avère nécessaire. Cette évolution dépendra aussi des projets des collectivités.
Les communes sur le territoire desquelles la base est installée bénéficieront de surcroît de la cession de l’emprise foncière à l’euro symbolique. Le Cambrésis bénéficiera du dispositif Warsmann d’exonération fiscale et sociale que j’ai évoqué précédemment. Enfin, le Gouvernement est engagé dans un vaste mouvement de relocalisation d’emplois publics dont la ville de Cambrai bénéficiera à travers l’installation de la Direction centrale du commissariat de l’armée de terre.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Compte tenu des interventions précédentes sur le projet de loi de finances, notamment sur les programmes 146 et 178, je limiterai mon intervention aux besoins de nos troupes déployées en Afghanistan auxquelles je tiens à rendre hommage.
Monsieur le ministre, permettez-moi également de saluer votre réactivité et celle du Gouvernement dans le cadre de la mise en place des « crash programmes », qu’il s’agisse des tourelleaux sur VAB, des brouilleurs et systèmes de leurrage anti-IED, des équipements Félins et matériels individuels, de l’amélioration des protections et surblindage, ou encore de l’achat de cinq véhicules Buffalo. Vous savez que nos soldats en avaient réellement besoin.
De même, je me réjouis de plusieurs avancées. Un troisième hélicoptère Caracal et deux hélicoptères Gazelle Viviane sont arrivés. L’installation de trois drones males de l’escadron Adour est annoncée, pour le mois de décembre, à Bagram, c’est-à-dire à proximité de la zone opérationnelle de nos soldats de la force Kapisa. Enfin, l’arrivée d’un système d’artillerie Caesar du 68e régiment d’artillerie est envisagée, probablement pour le prochain mois de janvier.
Cependant, il reste des efforts importants à faire, notamment dans le domaine de l’appui des troupes au sol, du renseignement tactique et de l’aéromobilité.
Monsieur le ministre, je souhaite vous poser trois questions précises.
D’abord, allons-nous enfin déployer en Afghanistan, si possible à Bagram et avant l’été prochain, les premiers hélicoptères de combat Tigre ? Leur canon de trente millimètres gyrostabilisé apporterait une précision et une efficacité redoutables pour l’appui de nos troupes au sol.
Il semble que l’escadrille Corsaires du 5e régiment d’hélicoptères de combat ait testé avec succès ce matériel et que l’intégration de « combat tank » apporte quatre heures de vol à ces machines, ce dont nous avons besoin.
Ensuite, en complément des trois drones males, allons-nous affecter aux unités sur le terrain, même à titre expérimental, des équipes de deux opérateurs avec des minidrones de type Drac pour éclairer, à quelques kilomètres et en prise directe avec elles, la progression de nos troupes au sol ? J’évoque, monsieur le ministre, le niveau du capitaine et de la compagnie.
Enfin, il apparaît indispensable de déployer au moins deux hélicoptères Caracal supplémentaires, également à Bagram si cela s’avère possible, pour disposer d’une réelle aéromobilité. Ces hélicoptères devraient de surcroît – et je suis précis – voir le remplacement de leur petite mitrailleuse 7,62 millimètres par une mitrailleuse 12,7 millimètres ou par un canon de 20 millimètres. Je sais que les expérimentations ont eu lieu. Cela permettrait de passer de la simple autoprotection à un véritable appui des troupes au sol. Vous savez que les équipages qui sont sur place demandent cette modification.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous attendons des déploiements forts et des achats massifs de matériels adaptés à ce théâtre d’opération très particulier et au durcissement des combats.
Disposerez-vous de ces moyens et de ces crédits ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir souligné les efforts considérables que nous avons fournis en lançant des « crash programmes », dès lors que le Président de la République, en janvier ou février 2008, a décidé de renforcer notre présence en Afghanistan. Les crash programmes que vous avez énumérés représentent un important effort d’équipement, à savoir près de 100 millions d’euros.
S’agissant de votre première question, je ne vous cache pas que nous poursuivons bien l’idée d’un déploiement d’hélicoptères de combat Tigre pour le courant de l’année prochaine. Mais, cet hélicoptère vient d’arriver dans nos forces et un certain nombre d’expérimentations étaient encore nécessaires.
Par ailleurs, nous avons déjà envoyé des drones sur place. Il n’est pas impossible que nous y envoyions aussi des minidrones de type Drac dans les mois qui viennent.
Quant aux hélicoptères Caracal, je ne suis pas capable de répondre à votre question concernant les mitrailleuses. En revanche, il faut garder à l’esprit que, compte tenu du nombre d’appareils dont nous disposons – une douzaine, me semble-t-il, entre l’armée de terre et l’armée de l’air –, nous avons besoin de maintenir un certain nombre de moyens en France, pour d’autres missions ou pour assurer la formation.
En effet, si une grande partie de nos équipages et de nos moyens sont en opération extérieure, nous ne sommes plus en mesure de former les équipages dont nous aurons besoin dans les années qui viennent. Il faut donc préserver un juste équilibre. De ce fait, nous ne prévoyons pas pour l’instant de renforcer en Afghanistan nos moyens en hélicoptères Caracal.
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, à ce stade de notre débat concernant les opérations extérieures de la France, je ne répéterai pas tout ce que les uns et les autres ont dit, y compris à propos de la question récurrente des surcoûts.
S’agissant du financement des opérations extérieures de l’Europe, nous constatons également une grande diversité dans les engagements des différents États. La répartition des coûts communs fait effectivement apparaître un engagement très fort de l’Allemagne, supérieur à 20 %, du Royaume-Uni, plus de 17 %, ainsi que de la France, 15,57 %. Par conséquent, trois pays portent l’essentiel de cette charge.
En comparant les budgets de la défense, on se rend compte, de la même façon, que la diversité est grande et que les dépenses militaires n’occupent pas la même place pour chacun des États d’Europe. La Grèce, curieusement, vient largement en tête, devant la France et le Royaume-Uni, en consacrant 3,73 % de son PIB à ce budget. Mais certains pays européens s’engagent à moins de 1 % de leur PIB : l’Autriche, le Luxembourg, l’Irlande et Malte.
Monsieur le ministre, ma première question, qui est très précise, porte sur la défense européenne. Celle-ci progresse-t-elle ?
Vous indiquiez tout à l’heure que les Britanniques sont pratiquement acquis à cette défense européenne. Selon un sondage assez significatif et intéressant, ils le sont effectivement à plus de 60 % et les Européens à plus de 80 %.
Plus précisément, peut-on espérer un « accord » sur « la stratégie de sécurité révisée » ? Peut-on espérer un renforcement réel des capacités militaires disponibles, l’interopérabilité des forces européennes ? Peut-on espérer le développement d’une base de capacité industrielle et technologique, seule condition d’une réelle autonomie ?
Les faits nous y encouragent. Incontestablement, les initiatives de la France lors de la crise géorgienne ont été positivement perçues. Mais je voudrais rappeler deux faits assez significatifs : en 2007, la prise d’alerte de la France, dans le cadre de l’OTAN, pour la défense de l’espace aérien des pays baltes ; en 2008, dans le même cas de figure, la prise d’alerte de la France, toujours dans le cadre de l’OTAN, pour la défense de l’espace aérien islandais.
Je vous pose donc une seconde question. La Russie constitue-t-elle une menace pour l’Europe et, pour reprendre l’intervention précédente de M. Jean-Pierre Chevènement, dans quelles conditions pourrait-elle devenir un partenaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Madame la sénatrice, il est très difficile de répondre à vos questions en deux minutes et demie.
Toutefois, je vous confirme que l’Europe de la défense avance. Depuis l’année 1998, qui marque ses débuts, nous avions constaté qu’elle prenait corps, mais que, sur bien des sujets, elle était encore balbutiante. Sous la présidence française, elle aura fait des progrès considérables.
En voici quelques exemples.
Le premier, c’est l’Agence européenne de défense. Créée en 2004, elle avait, force est de le reconnaître, un plan de charge et de travail extrêmement limité. Grâce à la présidence française, nous allons lancer toute une série de programmes de recherche au niveau européen : déminage maritime, programme satellitaire à travers le segment sol du programme Musis, programme de rénovation des hélicoptères, ou encore programme relatif à un hélicoptère lourd que nous allons probablement lancer avec les Allemands en début d’année prochaine.
L’Agence européenne de défense est née d’une volonté exprimée dans le cadre du sommet de Saint-Malo. Jusqu’à présent, elle avait peu de chose à faire. Elle a désormais un programme de travail important pour les années à venir.
Le développement d’une série de projets autour de la prise de conscience d’une identité européenne constitue un deuxième exemple. Nous avons lancé, à vingt-sept pays, le programme Erasmus, qui permettra à des officiers d’effectuer une partie de leur formation dans un autre pays que leur pays d’origine. Cette magnifique démarche améliorera l’interopérabilité des forces quand les hommes qui y auront participé travailleront ensemble sur un théâtre d’opérations extérieures. Elle permettra également de développer l’idée selon laquelle il existe une citoyenneté européenne, au-delà de la citoyenneté de chacun. Elle permettra, enfin, aux Européens d’apprendre à travailler ensemble.
Troisième exemple, nous avons décidé de mettre en place un plan d’évacuation des ressortissants européens, ce qui permettra d’agir avec une planification anticipée en cas de crise, qu’il s’agisse d’une crise politique ou d’une situation de catastrophe naturelle.
L’Europe de la défense, sur toute une série de sujets, a donc beaucoup progressé. En matière de capacités militaires, nous avons lancé le programme Musis, dont je viens de parler à l’instant. Nous avons également décidé de constituer un groupe aéronaval européen : ainsi, lorsqu’un porte-avions européen sera à la mer, les bâtiments d’escorte pourront provenir de différents pays. En résumé, nous avons avancé de façon pragmatique, concrète, mais aussi très volontariste et, aujourd’hui, le bilan est très positif.
Concernant la Russie, vous avez également évoqué, madame la sénatrice, la défense aérienne que nous assurons pour l’Islande ou pour les pays baltes. Il s’agit d’engagements dans le cadre de l’Alliance atlantique, et ce n’est pas nouveau. Comme vous le savez, lorsque nos forces armées font de la défense aérienne, elles sont aussi amenées à assurer, en permanence, la sécurité de toute une série d’aéronefs qui, pour des raisons diverses, ont besoin d’assistance. Nous assumons donc cette défense aérienne dans le cadre de nos accords, et nullement dans le cadre de la perception de la Russie comme une puissance belliqueuse. Je crois, au contraire, que nous aurons besoin de créer un vrai partenariat stratégique entre l’Europe et la Russie. L’Europe ne pourra pas se priver de créer les conditions d’un dialogue de confiance avec la Russie. C’est important pour la stabilité de notre continent.