M. Jean-Louis Carrère. Elle ne le peut pas !
M. Jean-Pierre Chevènement. En Indochine et en Algérie !
M. Hervé Morin, ministre. Si vous comparez les guerres coloniales avec des interventions de ce type, le débat peut encore continuer longtemps, monsieur Chevènement.
M. Alain Gournac. L’Algérie, c’était la France à l’époque !
M. Hervé Morin, ministre. Nous avons donc encore une capacité militaire majeure.
Ce contrat opérationnel, parfaitement comparable à celui de l’armée britannique, fait de la France une des quatre grandes puissances militaires globales.
Deuxième étape, nous avons fixé une trajectoire de ressources dite de « zéro volume » jusqu’en 2011, c’est-à-dire qui progresse comme l’inflation, puis augmentant de 1 % en volume à partir de 2012. Le Livre blanc a aussi établi le principe du financement des besoins, et notamment de la « bosse », monsieur Boulaud, c'est-à-dire du pic de besoins d’équipements sur la période 2009-2011, par des ressources exceptionnelles qui s’ajoutent aux crédits budgétaires.
Sans vouloir politiquer, parce que cela n’a jamais été le sens de nos débats, en dix-huit mois – M. de Rohan a raison – la loi de programmation 1997-2002, élaborée par un gouvernement que vous souteniez, a été si mal exécutée que c’est une année de budget entière qui est passée aux oubliettes !
M. Didier Boulaud. Qui était le chef des armées ?
M. Jean-Louis Carrère. Il ne s’en souvient pas !
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Alain Richard !
M. Hervé Morin, ministre. Le budget a été présenté par un Gouvernement au Parlement et il a été voté par une majorité !
Par ailleurs, même si, en effet, – et je vais aller un peu dans votre sens – les évolutions de dépenses étaient difficilement soutenables sur le long terme, l’effort qui a été réalisé entre 2002 et 2007, dans un contexte budgétaire et économique difficile, mérite d’être souligné, parce qu’il a permis, sur nombre de sujets, d’effectuer un rattrapage considérable. Dois-je rappeler, par exemple, l’état de disponibilité opérationnelle du matériel au début des années 2000, notamment des sous-marins nucléaires d’attaque ?
Troisième étape, dans le même temps, la réforme du ministère portant principalement sur notre dispositif d’administration et de soutien, qui se traduit, en effet, par d’importantes réductions d’effectifs, 54 000 au total, nous a donné des marges de manœuvre supplémentaires pour financer la condition des personnels et l’équipement des forces. Ces marges de manœuvre représenteront, en dépit du coût des restructurations, entre 3 milliards et 3,5 milliards d’euros cumulés sur la période de la loi de programmation.
Monsieur Guené, ce chiffre de 54 000 suppressions de postes est bien la somme des 36 000 suppressions de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, sans celles qui sont associées aux externalisations, et des 18 000 du Livre blanc liées à la réduction du format et au nouveau contexte géostratégique.
Nous procéderons à ces externalisations sur des fonctions de soutien, et essentiellement sur les fonctions alimentation et infrastructures, dans la deuxième partie de la loi de programmation militaire, après avoir mené un certain nombre d’expérimentations.
Par ailleurs, l’armée de terre ne représente que 11 000 des 18 000 postes du Livre blanc et ces chiffres englobent eux aussi une part de soutien, ce qui explique que leur impact sur le volume des forces projetables soit limité.
Enfin, l’effort demandé à la marine, comme aux autres armées, est important, mais les perspectives de rationalisations fonctionnelles, notamment issues du regroupement à Balard de l’ensemble des états-majors, rendent l’objectif atteignable pour une armée qui a toujours fait preuve d’agilité et d’imagination en matière d’administration et de soutien.
Je connais le discours de l’état-major de la marine selon lequel la réorganisation et la restructuration ayant déjà été menées, on ne peut pas en demander autant.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Hervé Morin, ministre. D’ailleurs, on en demande moins à la marine qu’à l’armée de l’air, par exemple,…
M. Jean-Louis Carrère. On en demande trop !
M. Hervé Morin, ministre. …qui n’avait pas pu mener les restructurations qu’elle souhaitait, à la suite de la réduction du format de notre aviation de combat.
Monsieur Trucy, c’est cette réévaluation systématique des contrats opérationnels, des formats, des programmes d’armement et de notre organisation administrative qui permet de diminuer nos besoins de financement et donc de réduire la fameuse bosse.
Vous m’avez interrogé sur la façon dont nous avions procédé. Cette bosse, qui était de 5 à 6 milliards d’euros sur la prochaine loi de programmation militaire, a été réduite par l’effort conjugué portant sur tous ces sujets.
Quels sont les traits caractéristiques du budget triennal ? C’est une priorité de l’État, la masse salariale a été contenue et, enfin, ce budget marque un effort d’équipement considérable.
En effet, la loi de programmation militaire n’est pas votée alors que ce budget correspond à sa première année d’exécution. Néanmoins, ce projet de loi de programmation militaire a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale et il peut donc être consulté. Par ailleurs, nous nous n’inscrivons désormais dans des budgets de trois ans et, quoi qu’il arrive, le cap est fixé par ce budget 2009.
Première caractéristique : la défense est une priorité du budget de l’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, la trajectoire financière définie par le Livre blanc déroge à la norme appliquée aux autres ministères puisque, compte tenu de la progression de la charge de la dette et des pensions, c’est plutôt le maintien en valeur qui est la référence, voire la baisse des crédits pour certains d’entre eux.
Au-delà de cette trajectoire, la défense bénéficiera aussi d’un financement complémentaire pour le pic de besoins relatifs aux équipements, la fameuse bosse résiduelle, d’un montant de 1,7 milliard d’euros sur trois ans, dont un peu plus de 1 milliard d’euros sur l’année 2009.
Les ressources totales de la mission « Défense » hors pensions augmenteront en 2009 de 1,6 milliard d’euros, soit 5,4 %, pour atteindre un total dépassant légèrement 32 milliards d’euros, contre 30,4 milliards d’euros en 2008, à structure de budget totalement comparable.
Monsieur Chevènement, votre norme OTAN n’est pas la mienne. Nous ne sommes en effet pas à 1,6 %...
M. Jean-Pierre Chevènement. Parce que vous prenez les pensions !
M. Hervé Morin, ministre. Oui, mais le système de pensions britannique n’est pas le même que le système français.
M. Jean-Pierre Chevènement. Raisonnons hors pensions !
M. Hervé Morin, ministre. Raisonnons hors pensions et hors charges salariales. Si vous examinez la part respective consacrée à l’équipement des forces au Royaume-Uni et en France, vous constaterez qu’elle est équivalente, à quelques centaines de millions d’euros près, parce que le volume des rentes de conjoints survivants, les RCS, au Royaume-Uni est nettement plus important qu’en France. Par conséquent, la différence d’effort en matière d’équipement entre le Royaume-Uni et la France est de 500 à 600 millions d’euros, ce qui, reconnaissons-le, n’est pas considérable.
L’augmentation des ressources totales de la mission « Défense » hors pensions proviendra, en partie, de recettes exceptionnelles émanant de cessions d’actifs immobiliers ainsi que de cessions de fréquences résultant du réaménagement du spectre électromagnétique au titre du dividende numérique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces recettes – j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises – sont parfaitement sanctuarisées, parce qu’elles sont inscrites dans deux comptes d’affectation spéciale et qu’elles peuvent être reportées d’une année sur l’autre si elles ne sont pas consommées en totalité et, comme l’indique la LOLF – je parle sous le contrôle du président de la commission des finances du Sénat –, ces comptes d’affectation spéciale ne peuvent pas faire l’objet de mesures de régulation.
Par conséquent, avec cette somme de 1,6 milliard d’euros, qui est identifiée et sanctuarisée et avec le système de financement qui a été prévu, c’est-à-dire avec un portage nous permettant de bénéficier dès maintenant de la trésorerie, nous avons les moyens de mener les programmes.
Quant aux fréquences, monsieur Pintat, la crise ne modifie pas les perspectives de développement de moyen terme de la téléphonie et de l’internet mobile et ce sont bien ces tendances de fond qui conduisent à réaménager le spectre et la défense à valoriser au mieux ses actifs.
Il est exact que la maîtrise de ce processus appartient non pas au ministère de la défense, mais au Premier ministre, compte tenu de la forte dimension interministérielle de ce dossier, et c’est précisément un arbitrage du Premier ministre qui a déterminé ce montant de 600 millions d’euros en 2009. Je suis donc confiant et serein, nous pourrons bénéficier de ressources exceptionnelles pour les années suivantes.
Quant au partenariat public-privé éventuel dans les satellites de télécommunication, il ne s’agit pour l’instant que d’études. Je souhaite précisément savoir quelles en seront les conséquences et c’est à partir de ces études que nous prendrons les décisions. Cependant, les ressources exceptionnelles ont été actées en conseil de défense par le Président de la République et elles seront donc inscrites au fur et à mesure des besoins.
Je remercie au passage le Sénat d’avoir exonéré de contribution au désendettement les produits de cessions immobilières de la défense jusqu’au 31 décembre 2014, car cette ponction, de l’ordre de 150 millions d’euros, aurait été très préjudiciable à la réalisation du plan d’infrastructures prévu par la loi de programmation militaire.
Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas gagné !
M. Hervé Morin, ministre. Je le dis par anticipation, si d’autres amendements venaient à être déposés dans la suite de la discussion budgétaire, toute cession à titre gratuit au-delà du dispositif proposé par le Gouvernement aurait un impact sur la réalisation de la loi de programmation militaire, vous devez en avoir conscience.
La deuxième caractéristique majeure de ce budget, c’est la maîtrise de la masse salariale.
Pour la première fois dans l’histoire récente du ministère, vous l’avez dit, monsieur Dulait, la masse salariale ne progressera pas. S’agissant de la mission « Défense », elle va même diminuer, pour s’établir à 11,7 milliards d’euros, tout en permettant un effort exceptionnel sur la condition des personnels civils et militaires. En effet, les quelque 8 400 suppressions d’emplois auxquelles nous procéderons vont nous permettre de mener un plan d’amélioration de la condition militaire sans précédent : 74 millions d’euros pour les militaires et 15 millions d’euros pour les civils, à due proportion de ce qu’ils représentent dans le ministère.
Ces mesures permettront un repyramidage des rémunérations et une amélioration de la condition militaire. Je prendrai un exemple : pour un capitaine, cela représentera au début de l’année 2011 entre deux et trois mois de solde supplémentaires par an et pour les grades les moins avantagés dans le cadre de ce repyramidage, cela équivaudra à au moins un mois de solde. C’est loin d’être négligeable et c’est assez rare pour être souligné.
Nous financerons aussi le plan d’accompagnement social des réformes à hauteur de 140 millions d’euros en 2009. Monsieur Dulait, 550 emplois seront réservés au titre du ministère de la défense et 11 000 seront ouverts dans le cadre de l’interministériel.
Monsieur Dulait, vous avez raison, les réductions d’effectifs ne doivent pas nous empêcher de continuer à recruter afin de pouvoir bénéficier des compétences dont nous avons besoin sur le long terme. En 2009, le ministère de la défense recrutera 21 000 militaires et environ 1 300 civils.
Troisième caractéristique, vous l’avez tous souligné, notre effort d’équipement sera considérable, puisqu’il atteindra 17 milliards d’euros en 2009, contre 15,4 milliards d’euros en 2008. En outre, nous disposerons d’autorisations d’engagement pour passer 10,2 milliards d’euros de nouvelles commandes globales : 60 rafales, 3 FREMM, 332 VBCI. Ces commandes globales permettent de donner de la visibilité aux entreprises et sont aussi la conséquence de la révision des contrats que nous avons engagée. Cette visibilité est intéressante pour les industriels et elle nous permet de négocier dans les meilleures conditions l’ensemble de ces contrats. En outre, sur le programme Rafale, nous faisons en sorte que l’industriel soit en mesure d’avoir les commandes minimales lui permettant de maintenir sa ligne de production.
La priorité accordée à la fonction « connaissance et anticipation » et à l’espace se concrétisera dès 2009 par le lancement de la phase de conception du système successeur d’Hélios, le programme européen Musis. J’ai signé la lettre d’intention avec mes collègues européens le 10 novembre dernier à Bruxelles.
J’en profite pour ajouter que, contrairement à ce que certains d’entre vous ont pu prétendre, le bilan de la présidence française est extrêmement positif. Tous mes homologues européens le reconnaissent : elle aura marqué une réelle relance de la politique européenne de sécurité et de défense. Nous avons décidé des avancées extrêmement significatives sur toute une série de sujets concrets : capacité militaire, programmes de recherche, Erasmus militaire, plans d’évacuation des ressortissants européens.
Nous progressons même avec les Britanniques. Je me permets d’observer qu’une opération européenne sera menée pour la première fois sous commandement britannique à partir du centre de commandement de Northwood, sur le sol britannique.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Ah oui !
M. François Trucy, rapporteur spécial. …même en Grande-Bretagne !
M. Hervé Morin, ministre. …même chez nos partenaires traditionnellement les plus réticents.
La prochaine loi de programmation militaire sera également l’occasion d’un effort sans précédent en faveur du renseignement, qu’il s’agisse du renseignement humain, avec 700 créations d’emploi, du renseignement image, avec Musis, ou du renseignement électromagnétique, avec le programme Capacité de renseignement électromagnétique spatiale, CERES.
J’ajoute, monsieur Kergueris, qu’il n’aurait pas été raisonnable de lancer maintenant le groupe aéronaval. Cela aurait forcément affaibli d’autres programmes. Il nous faut raisonner en termes de capacité militaire globale. La décision sera prise le moment venu, en 2011 ou en 2012, en fonction des capacités budgétaires du pays. Lancer un tel programme aujourd’hui ne pourrait que nuire aux autres actions.
S’agissant du nucléaire, je préciserai à Mme Demessine, en répondant par la même occasion à M. Chevènement, que les programmes développés aujourd’hui – vous comprendrez que je n’entre pas dans les détails – nous offrent une souplesse incomparable. Je me permets de vous signaler que nous disposerons des missiles M51 à compter de 2010. Ils équiperont notamment Le Terrible, qui sera admis au service actif cette année-là. Nous poursuivons par ailleurs le programme « Tête nucléaire océanique », TNO, qui sera admis au service actif en 2015. Avec le programme du missile « air-sol moyenne portée amélioré », programme ASMPA, nous continuons également nos efforts sur la composante aéroportée.
La France continue donc toujours d’améliorer sa capacité de dissuasion grâce à toute une série de programmes de nature à lui offrir en termes d’options cette souplesse que vous réclamez. Comme vous, je pense effectivement que le glaive finit toujours par l’emporter sur le bouclier.
Je soulignerai également nos efforts en matière de maintien en condition opérationnelle, le MCO. Comme M. Carrère l’a remarqué, l’amélioration des taux de disponibilité du matériel passe par un effort budgétaire – cet effort se concrétise par une progression de 8 % en 2009 – mais également par des réformes de structure, engagées notamment sur le MCO terrestre.
Je soulignerai enfin l’importance de l’engagement de nos forces. En témoignent le nombre et le format des opérations extérieures, les OPEX : 13 000 femmes et hommes représentent la France dans des régions parfois très dangereuses. Comme M. Dulait, je pense que certains commentaires entendus à la suite du drame de la vallée d’Uzbin étaient particulièrement déplacés.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Oui !
M. Hervé Morin, ministre. J’estime également qu’ils démontrent probablement une méconnaissance du sens de l’engagement et de ce que représente aujourd’hui le monde militaire.
M. Alain Gournac. Effectivement !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Hervé Morin, ministre. Le financement de ces OPEX est un sujet récurrent – vous en avez tous beaucoup parlé. Comme vous l’avez constaté, nous continuons à augmenter la provision prévue. Elle passera effectivement de 460 millions à 510 millions d’euros entre 2008 et 2009. Je vous confirme que cette provision augmentera encore de 60 millions d’euros par an en 2010 et 2011 et que j’ai obtenu du Premier ministre la mise en place, pour la prochaine loi de programmation militaire, d’un mécanisme de financement interministériel qui mettra fin au financement des OPEX par les crédits d’équipement.
Chacun mesurera ici ce que représente cette avancée. Je vous le rappelle : voilà dix ans, la totalité des OPEX était financée sur les crédits d’équipement par redéploiement en fin d’année.
Dès le collectif de fin d’année 2008, monsieur Reiner, dont vous allez bientôt débattre, la contribution des crédits d’équipement sera fortement réduite par rapport aux années précédentes, monsieur Boulaud. Elle s’élèvera en effet à moins de 100 millions d’euros, contre 272 millions d’euros en 2007, alors même que le coût des OPEX a augmenté de 25 % entre 2007 et 2008.
S’agissant des reports de crédits, il est aujourd’hui trop tôt pour répondre, monsieur Pintat. Je pense cependant que nous aurons d’assez bonnes nouvelles.
Je ferai prochainement des propositions au Président de la République afin de réduire notre empreinte et notre dispersion sur certains théâtres. Faut-il maintenir un tel niveau d’engagement en Côte d’Ivoire ? Faut-il maintenir un tel niveau d’engagement au Kosovo ? Faut-il encore maintenir l’opération Althéa en Bosnie ? Faut-il, enfin, maintenir des forces – quelques dizaines de personnes – dans le Sinaï ?
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Hervé Morin, ministre. Il me semble que la France pourrait significativement réduire sa présence sur un certain nombre de théâtres sans remettre en cause ses engagements internationaux. Cet ajustement se fera en concertation avec nos partenaires européens, comme le préconise Mme Garriaud-Maylam. Je souhaite qu’un débat se tienne à ce propos au Parlement en janvier prochain, pour que vous puissiez vous prononcer sur l’ensemble de nos engagements extérieurs, comme le prévoit la Constitution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tous ces efforts de redéploiement et de réforme n’ont qu’un seul but : garantir à nos armées les moyens d’assumer leurs missions, qui comptent parmi les plus nobles mais aussi les plus exigeantes. Je sais pouvoir compter sur votre soutien dans cette entreprise difficile mais indispensable de réorganisation de notre outil de défense. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Prolongeant très brièvement les propos de M. le ministre, qui nous a éclairés sur le budget 2009 et les grandes options, je voudrais simplement revenir un instant sur les modalités de financement et, plus particulièrement, sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
La sanctuarisation des ressources provenant de la vente des immeubles me paraît effectivement judicieuse. Je ne vous cacherai cependant pas, monsieur le ministre, que la commission des finances s’est longuement interrogée à propos de la société de portage. Nous ne voudrions pas qu’elle serve à transférer la dette à une institution périphérique.
Certes, des subtilités et certains habiles procédés sont possibles, mais il ne faut pas se cacher derrière son doigt. L’État n’aura effectivement réalisé ses actifs immobiliers que lorsqu’un tiers indépendant se sera porté acquéreur. En attendant, la société de portage peut effectivement contracter et l’on peut considérer qu’il s’agit bien d’une vente.
Nous ne contestons pas les investissements que votre ministère doit réaliser. Nous voulons simplement être sûrs que cela ne créera pas demain de nouvelles dettes de l’État. Au fond, nous n’aurions pas vu d’inconvénient, monsieur le ministre, à ce que l’État choisisse de s’endetter dans la clarté pour faire face aux besoins de votre ministère, plutôt que de passer par cette société de portage, qui, dans certains cas de figure, pourrait apparaître comme quelque peu artificielle.
Nous serions donc heureux que vous puissiez nous éclairer sur ce que sera cette société de portage et nous préciser quels en seront les actionnaires ainsi que le degré d’indépendance de ces derniers par rapport à l’État. Il serait peut-être excessif de dire que nous attendons que vous apaisiez nos inquiétudes. Du moins pourrez-vous répondre à nos interrogations.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Contrairement à vous, monsieur le président Arthuis, j’estime que cette solution certes innovante…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. …très innovante !
M. Hervé Morin, ministre. …présente le mérite de la plus totale transparence.
Nous faisons appel à une société de portage dont l’un des actionnaires sera la Caisse des dépôts et consignations pour acheter nos immeubles au prix estimé par le service des domaines. Nous bénéficions ainsi dès 2009 du fruit de la vente d’immeubles dont, compte tenu du contexte économique, la vente sur le marché serait difficile, à moins d’importantes moins-values. Ensuite, le ministère de la défense les louera, mais cette location est déjà inscrite dans le budget. Comme vous le savez, le prix de la location des immeubles dont nous sommes propriétaires est déjà inscrit dans notre budget – la loi organique relative aux lois de finances l’impose.
En somme, il s’agit d’une opération financièrement neutre – elle n’affecte pas l’équilibre budgétaire – qui nous procure immédiatement l’argent dont nous avons besoin pour financer nos équipements. Les conditions économiques dans lesquelles l’État vend ses immeubles lui sont souvent reprochées, les ventes étant parfois trop rapides et ne permettant pas toujours de tirer le meilleur prix des biens vendus. La solution choisie nous donne au contraire le temps de céder ces immeubles dans les meilleures conditions tout en nous donnant l’argent dont nous avons besoin pour financer les équipements, et notamment la bosse budgétaire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’ai bien compris le mécanisme. L’État pourrait vendre tous ses immeubles, empocher de ce fait quelques centaines de milliards d’euros et s’engager à verser des loyers. Cela s’appelle du lease back.
Cela dit, quelle convention régit les rapports entre votre ministère et la société de portage au moment de la réalisation de la véritable vente ? Si la société de portage réalise une plus-value en vendant le bien pour un montant supérieur à celui pour lequel elle l’a acheté, votre ministère empochera-t-il la plus-value ? En cas de moins-value, votre ministère – ou l’État – viendra-t-il au secours de cette société de portage pour neutraliser cet effet de marché ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.