M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de formuler quelques observations sur ce projet de loi de finances pour 2009.
Je commencerai par un peu d’arithmétique. Madame le ministre, ce texte prévoit 349,8 milliards d’euros de dépenses et 298,5 milliards d’euros de recettes. Ce n’est pas équilibré : il manque 49,2 milliards d’euros. Et on peut s’attendre à un déficit plus important – il est déjà question de 57 milliards d'euros –, si les recettes budgétaires sont moins élevées que prévu.
Ce déficit budgétaire n’est pas loin d’atteindre 3 % du PIB. En outre, il pourrait encore s’aggraver, à la suite de nouvelles dépenses que le Gouvernement déciderait, comme il en a l’habitude, après le vote du budget, à moins qu’il ne s’applique à lui-même l’article 40 de la Constitution, comme je l’ai déjà demandé.
Ce déficit considérable aggravera encore notre dette et notre service de la dette. Ce dernier atteindra 44 milliards d’euros pour 2009, voire plus, si le déficit augmente en cours d’année.
Ainsi, ce seront 44 milliards d’euros ou plus de recettes fiscales qui partiront en fumée. Je rappelle que le montant des impôts sur les revenus sera de 59 milliards en 2009. Si nous poursuivons dans cette voie, ce sera la totalité de ce produit qui s’évanouira.
Je prendrai une autre image : si nous voulions supprimer la dette, qui est aujourd’hui de plus de 1 200 milliards d'euros, et si nous affections chaque année un budget de 10 milliards d'euros consacré à son remboursement, ce qui serait difficile, 120 ans seraient nécessaires, à condition en outre d’être revenus à l’équilibre, ce qui est évidemment impossible.
M. Jean-Jacques Jégou. Heureusement, la durée de vie s’allonge ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. C’est possible avec la retraite à 70 ans ! (Nouveaux sourires.)
M. Serge Dassault. Cela montre l’ampleur du problème, dont il faudrait se préoccuper par une politique systématique de réduction des dépenses de fonctionnement et d’allégement de charges.
À ce propos, je salue l’effort de réduction du nombre de fonctionnaires engagé par le Gouvernement. Mais je rappelle que le nombre de fonctionnaires territoriaux augmente chaque année de plusieurs milliers. En effet, les collectivités locales sont contraintes de titulariser au bout d’un certain temps leurs contractuels, qui sont d’ailleurs souvent d’anciens stagiaires.
Cela est contradictoire et je souhaite que ce problème soit traité d’urgence, par la suppression de cette obligation de titularisation faite aux collectivités territoriales. Voilà comment on fabrique des fonctionnaires, qui restent éternellement dans les communes, provoquant d’importantes difficultés budgétaires.
Il faudrait donc à la fois réduire le nombre de fonctionnaires d’État, mais aussi ne pas augmenter celui des collectivités territoriales.
N’oublions pas non plus que la majeure partie de nos déficits budgétaires provient d’emprunts, destinés à financer des dépenses de fonctionnement récurrentes, comme les allégements de charges, sans limite dans le temps, qui se renouvellent donc chaque année, qui ne procurent aucune recette et aggravent la dette.
Je rappelle que l’orthodoxie financière de gestion des entreprises interdit formellement d’emprunter pour financer des dépenses de fonctionnement. On emprunte pour financer des dépenses d’investissement, ce qui rapporte, et non des dépenses de fonctionnement, comme, malheureusement, le prévoit ce projet de budget.
On devrait adopter ce principe comme obligation absolue, et même le rajouter dans la Constitution.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On appelle cela la règle d’or !
M. Serge Dassault. Il faudrait l’appliquer !
Cela signifie que si l’on veut réduire le déficit budgétaire d’ici à 2012 – objectif du Gouvernement –, il aurait fallu impérativement commencer à diminuer les allégements de charges dès le projet de loi de finances pour 2009.
On n’y arrivera pas autrement. On cherche à faire des économies. En l’occurrence, ce sont 20 milliards d’économies qui pourraient être réalisés, au fur et à mesure.
Il aurait donc fallu prévoir dans ce projet de loi de finances, par exemple, la réduction des allégements de charges sur salaires de 1,6 à 1,4 SMIC. Je rappelle qu’en 2004, lorsque j’ai présenté mon premier projet de budget relatif à l’emploi, une diminution de 1,7 à 1,6 SMIC avait été adoptée sans aucun problème. Pourquoi ne pas continuer ? Cela permettrait d’alléger les charges budgétaires.
Il faudrait aussi décider que tous les allégements de charges sur salaires seront limités dans le temps et s’arrêteront à une date donnée, par exemple dans quatre ou cinq ans, voire moins. Cela permettrait aux entreprises de s’adapter. Or on continue à alléger les charges sans limitation de durée. Les entreprises s’habituent à cet état de fait avec grand plaisir.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est une bonne idée !
M. Serge Dassault. Elles poussent des cris dès que l’on parle de supprimer ces allégements, parce qu’on ne les a pas prévenues à temps.
Aujourd’hui, aucune limite de durée, aucune réduction des taux n’est prévue en matière d’allégements de charges. On ne touche à rien. Cela peut durer longtemps. C’est grave car tous les nouveaux allégements de charges s’ajoutent aux précédents sans aucune limitation. C’est un peu ce que l’on appelle l’échelle de perroquet : on monte mais on ne redescend pas !
Mais je sais bien que le Gouvernement est soumis à un difficile dilemme : ou réduire les allégements de charges et risquer de voir augmenter le chômage, ou les maintenir et supporter une dette de plus en plus lourde, qui aura des conséquences de plus en plus graves. Qu’est ce qui est le plus important : risquer d’aggraver le chômage ou augmenter notre endettement ? Je choisirai, pour ma part, la réduction de l’endettement, car accroître sans limite les dettes et les charges de la dette va bientôt conduire l’État à une impossibilité d’assurer les dépenses avec les recettes fiscales dont une part de plus en plus grande disparaît avec les charges de la dette.
En réalité, ce qui compte pour les entreprises, ce sont toutes les charges sur salaires qui aggravent les coûts de production et qui réduisent les ventes. Aujourd’hui, ces charges représentent autant que le salaire lui-même. Par exemple, pour une rémunération de 1 000 euros le coût pour l’entreprise est de 2 000 euros. Une entreprise hésite donc à embaucher.
Mais il existe d’autres moyens de diminuer ces charges, sans que ce soit l’État qui paie. Par exemple, – j’en ai parlé dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale – on pourrait supprimer des charges sur salaires tout ce qui concerne l’assurance maladie et la famille car ces dépenses ne concernent pas l’activité des entreprises. Cela représente 30 % du total des charges payées par les entreprises, soit 100 milliards d’euros. Le montant de ces charges pourrait être payé par les entreprises, et non par l’État afin de ne pas lui imposer une charge supplémentaire. C’est ce que j’ai proposé sous la forme d’un coefficient d’activité associé au chiffre d’affaires moins la masse salariale, dispositif que je souhaiterais voir étudier de façon plus approfondie. Ce sont des mesures simples mais des personnes trouvent toujours des arguments pour ne rien faire. C’est dramatique.
Je regrette que cette solution n’ait pas encore été prise en considération, malgré mes nombreuses demandes à différents ministres des finances. Il s’agit d’une mesure fondamentale pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, qui ne coûtera rien à l’État et sans laquelle notre production sera de plus en plus délocalisée.
Cette solution allégerait les charges sur salaires de 30 %, réduirait les coûts de production et permettrait à l’État d’économiser sur les remboursements de charges entre 7 milliards d’euros et 9 milliards d’euros, car il en bénéficierait lui-même, diminuant le coût de l’allègement des charges ainsi réduites.
J’aurais bien voulu déposer un amendement tendant à abaisser les remboursements de charges de 1,6 à 1,4 SMIC, mais j’aurais souhaité avant obtenir l’accord du Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas possible !
M. Serge Dassault. Il ne semble pas encore prêt à agir ainsi, mais c’est la seule façon pour l’État de réduire les charges sans pénaliser ses activités normales. Il s’agit de dépenses de fonctionnement.
Il faudrait aussi accompagner les entreprises par des mesures qui leur permettraient d’embaucher plus facilement. Par exemple, il conviendrait de leur donner plus de flexibilité en matière d’emploi ou de leur accorder des crédits d’investissement remboursables pour développer des produits nouveaux, pour exporter. Cela serait bien plus utile que de multiplier les emplois aidés.
Je souhaite que le Gouvernement examine ces propositions afin de réduire très rapidement nos dépenses budgétaires. On oublie totalement que la réduction du chômage dépend beaucoup plus de la volonté de nos entreprises de développer leurs activités et d’embaucher en France que de la multiplication des emplois aidés, qui réduisent le chômage de façon artificielle et aggravent nos déficits.
Un autre amendement que j’aurais bien voulu déposer tendait à supprimer totalement l’ISF, qui fait un tort considérable à notre économie, qui oblige nos investisseurs à s’expatrier et à investir à l’étranger où ils ne payent pas d’ISF. N’oublions pas que chaque jour trois ou quatre Français quittent notre pays avec leur fortune. Le bilan de l’ISF est catastrophique et s’il est plaisant, pour certains, de faire payer les riches, le risque est de ne plus avoir dans notre pays de telles personnes aisées car elles partent vivre ailleurs. Or, sans les riches, il n’y a plus d’investissements, plus de créations d’emploi. Le chômage augmente. Le partage des richesses comme celui du travail – les 35 heures – sont dangereux, illusoires et aboutissent à l’appauvrissement général et au chômage.
À ce sujet, j’ai été très heureux d’apprendre, monsieur Arthuis, que vous aviez proposé de supprimer l’ISF avec le bouclier fiscal.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le bouclier fiscal est un enfant de l’ISF !
M. Serge Dassault. Je vous encourage fortement à continuer dans ce sens.
Voilà quelques réflexions et propositions que je me permets de vous faire, madame le ministre, monsieur le ministre, dans un souci de bonne gestion financière et de développement économique, sans lequel il n’y aura pas de croissance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, nous gardons bien le cap sur la réforme de l’État. D’ailleurs, vous faites partie du comité de travail relatif à la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Elle est plus que jamais d’actualité.
La phase d’application est en cours. De nombreuses mesures ont été décidées. Un travail considérable a été effectué. Le premier résultat de ce travail, c’est la diminution du nombre de fonctionnaires, que d’aucuns peuvent contester, certes. Le Gouvernement considère qu’il s’agit d’une politique d’avenir à la fois pour la fonction publique et pour les finances publiques.
Lors de la deuxième phase de la RGPP, il conviendra de continuer à utiliser les très riches matériaux d’éclairage de l’ensemble des politiques et de l’organisation des administrations. Il sera également nécessaire d’ouvrir davantage les travaux, et nous verrons comment mieux y associer, notamment, le Parlement.
Monsieur le rapporteur général, l’un de vos propos m’a réjoui. En effet, vous avez demandé à l’ensemble de vos collègues de ne pas faire preuve de trop de créativité en matière de dépenses et donc in fine d’augmentation du déficit de l’État. Étant donné l’ampleur de ce déficit, point n’est besoin d’en rajouter, si je puis dire.
Il est très important que nos débats se déroulent dans cet état d’esprit. Des redéploiements seront peut-être nécessaires. Les idées nouvelles sont les bienvenues, et en général les sénateurs n’en manquent pas. Quoi qu’il en soit, il serait judicieux, en définitive, de ne pas dégrader le solde de l’État.
Par ailleurs, j’ai noté votre volonté de continuer à réfléchir à l’enveloppe consacrée aux collectivités locales. Nous aurons l’occasion d’en parler de nouveau. Je l’ai déjà dit, le Gouvernement souhaite bien sûr en rester au 1,1 milliard d’euros supplémentaires prévus dans l’enveloppe actuelle.
Je vous remercie, monsieur le président de la commission des finances, de soutenir la stratégie globale proposée dans ce projet de loi de finances. Ce texte n’est pas comme les autres projets de loi de finances. En effet, il affiche une réduction du rythme d’évolution très fort de la dépense publique. De surcroît, il intervient dans un contexte de crise économique considérable, qui a amené tant Mme Lagarde que moi-même à réviser les hypothèses macroéconomiques et à en tirer les conséquences sur les principaux chiffres qui figurent dans ce PLF.
Vous soulignez d’ailleurs très bien que le déficit, dont personne ne peut se satisfaire, c’est le moins que l’on puisse dire, contribue d’une certaine façon à la relance au travers de mécanismes stabilisateurs dits « automatiques ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un plan de relance !
M. Éric Woerth, ministre. Dans un pays où la dépense publique atteint 50 %, la relance est plus forte en laissant jouer ces stabilisateurs que dans un État où cette dépense s’élèverait à 20 %, 30 % ou 40 %. Il faut bien avoir à l’esprit cet élément car la structure même de la dépense de notre État conditionne les actions de relance que l’on peut mener. L’« édredon » est donc plus fort dans un État comme le nôtre que dans un pays qui n’aurait pas ce niveau de dépenses publiques.
Madame Bricq, ce projet de budget soutient l’économie. Ce n’est pas un budget procyclique, c’est-à-dire un budget qui accroîtrait la profondeur ou le rythme de la crise. Tout d’abord, par le biais des stabilisateurs automatiques, autrement dit le fait de ne pas chercher à compenser les déficits, qui eux-mêmes ont une action sur la croissance. Ensuite, parce que, dans ce budget, on finance des dépenses prioritaires, que vous connaissez fort bien. Un choix a été effectué, ce qui n’était pas souvent le cas jusqu’à présent : tous les secteurs étaient considérés comme prioritaires ce qui entraînait automatiquement une augmentation insensée de la dépense. Tel n’est pas du tout le cas dans ce projet de budget.
On peut contester nos priorités – c’est le jeu de la vie politique –, mais nous les assumons assez bien. Ces priorités concernent l’enseignement supérieur, la recherche, le Grenelle de l’environnement.
Dans ce projet de budget, le Gouvernement opère des choix et rejette l’augmentation des prélèvements obligatoires.
Monsieur Jégou, je partage votre point de vue, la dépense d’avenir un enjeu majeur. Le projet de budget en tient compte. Comme l’a rappelé récemment le Président de la République, d’ici à 2012, les dépenses d’investissement représenteront 175 milliards d’euros. Certes, nous donnons au mot « investissement » pas tout à fait le sens qui lui est donné ailleurs, puisqu’il s’agit de dépenses d’équipement, mais aussi de dépenses d’éducation, d’enseignement supérieur ou de recherche. Nous pourrons débattre de ce point de vue si vous le souhaitez.
Je note aussi votre engagement à lutter contre les niches fiscales et sociales, et ce n’est d'ailleurs pas la première fois que vous faites part de vos convictions sur ce sujet. En l’occurrence, nous avons encore bien du chemin à parcourir, mais le Gouvernement a déjà accompli des progrès notables, me semble-t-il.
Je tiens aussi à vous confirmer que la RGPP est en marche. Dès la semaine prochaine, après un travail de préparation intense – Christine Lagarde peut en témoigner –, qui nous a conduit à travailler avec tous les membres du Gouvernement et à examiner les actions menées dans chaque ministère, je présenterai une synthèse sur cette démarche en conseil des ministres.
Des heures de travail ont été nécessaires pour préparer cette communication, qui dressera le bilan de nos réalisations en la matière.
Toutefois, il ne s’agit pas pour moi d’un point d’arrivée, mais d’une étape dans un processus qui sera évidemment poursuivi, comme je l’ai déjà souligné en répondant à M. le rapporteur général.
Monsieur Foucaud, la solution ne réside évidemment pas dans la dépense publique, même si j’ai bien conscience que notre divergence sur ce point est politique.
Notre dépense publique est si élevée qu’il nous faut avant la réduire structurellement, même si nous pouvons bien sûr relancer l’économie, aider un secteur ou considérer qu’une dépense particulière est véritablement nécessaire.
En effet, nous vivons dans un État où la dépense publique est devenue trop importante, au point qu’elle constitue un frein aux investissements privés. Telle est en tout cas notre conviction.
En ce qui concerne les paradis fiscaux, j’estime que nous prenons ce problème à bras-le-corps, mais que nous ne pouvons le régler seuls : c’est l’affaire de nombreux États, sinon de la communauté internationale dans son ensemble.
La France avec ses 64 millions d’habitants ne peut vaincre seule les paradis fiscaux ! Une démarche collective est nécessaire. Il est toujours loisible de publier une tribune dans un journal ou de prononcer un discours condamnant les paradis fiscaux, mais le problème ne sera pas réglé pour autant ! Si nous voulons vraiment le résoudre, nous devons faire en sorte que l’OCDE, le G7, et toutes les autres instances internationales qui prennent les décisions dans ce bas monde agissent dans le même sens.
C’est ce que nous ferons, dès l’an prochain, notamment en publiant, en lien avec l’OCDE, la véritable liste des paradis fiscaux, comme nous nous y sommes engagés récemment.
Monsieur Bourdin, vous avez raison, me semble-t-il, de souligner que l’État doit agir de manière contra-cyclique, c'est-à-dire s’opposer à une phase de dépression économique ou de diminution de la croissance telle que nous l’avons connue dans le passé, et encore l’année dernière.
L’arme budgétaire existe, et nous nous en servons. Nous l’avons utilisée à travers le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. De même, nombre de mesures de ce projet de loi de finances sont contra-cycliques et donc, d’une certaine façon, « anti-crise ».
Nous verrons s’il est nécessaire d’aller plus loin. Vous savez que le Président de la République et le Premier ministre ont souligné que nous ne fermerions aucune porte. Comment pourrions agir autrement, d'ailleurs, quand nous sommes aussi peu sûrs de l’avenir ? L’incertitude est totale. Le Gouvernement restera réactif, comme il se doit.
Monsieur de Montesquiou, comme plusieurs de vos collègues, vous vous êtes inquiété de l’avenir, ce qui est évidemment légitime.
Pour en avoir parlé avec vous en aparté, j’ai retenu que vous étiez plutôt favorable, comme Alain Lambert d'ailleurs, à ce que l’on appelle le « zéro valeur », c'est-à-dire la stabilisation des dépenses publiques en euros constants. Toutefois, pouvons-nous comprimer encore la dépense publique ?
J’apporterai deux réponses à cette question.
Tout d'abord, nous disposons d’une loi de programmation pluriannuelle, qui est plus contraignante qu’un simple débat d’orientation budgétaire. Ce document fait apparaître précisément les crédits affectés à chaque mission budgétaire. Vous pourrez vous y référer l’an prochain et pointer les divergences qui pourraient apparaître par rapport à nos prévisions, par exemple en matière culturelle, et qui poseraient problème. Il s'agit donc d’un instrument de contrôle et de maîtrise de la dépense publique.
Ensuite, la stabilisation en valeur des dépenses publiques, qui donc ne prend pas en compte l’inflation, s’applique déjà au total de la masse salariale et de l’intervention publique, à condition, il est vrai, d’en soustraire l’augmentation de la charge de la dette et des pensions. Nous agissons de façon responsable !
M. Aymeri de Montesquiou. L’effort est bien faible !
M. Éric Woerth, ministre. Pas tant que cela, monsieur le sénateur ! Nous ne pourrions aujourd'hui absorber cette augmentation. Laissez-moi vous dire que si nous nous étions engagés dans cette voie, notre débat d’aujourd'hui ne porterait pas sur l’évolution de nos finances, mais sur l’effondrement des services publics !
Nous devons effectivement réduire la dépense publique, mais pas en suivant une ligne de pente trop forte, sinon nous échouerons.
Pour absorber l’augmentation de la charge de la dette et des pensions, il aurait fallu trouver 7 ou 8 milliards d'euros supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2009, ce qui, compte tenu de la compression des dépenses que nous avions déjà réalisée, n’était pas possible. Pour vous donner quelques repères, même si vous n’en manquez pas, cette somme représente deux fois le budget de l’action extérieure de la France ! La réduction des dépenses constitue en tout cas pour nous une préoccupation constante.
Monsieur Angels, je pense, comme Christine Lagarde, que ce budget est parfaitement adapté à la situation. La preuve, c’est qu’il ne laisse pas indifférent et qu’il a suscité de nombreux débats ! Certains affirment qu’il n’est pas sincère, d’autres le jugent trop ou pas assez dépensier, d’autres encore s’inquiètent pour les collectivités territoriales. Qu’on l’approuve ou non, ce projet de loi de finances possède donc son identité propre, et j’en suis heureux.
Monsieur Maurey, les collectivités territoriales ne peuvent planer au-dessus du pays. L’État ne peut les mettre « hors crise », comme on mettrait des maisons hors d’eau. Malheureusement, elles aussi vont subir la crise, comme la France, l’Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni et presque tous les pays du monde. L’État ne peut absorber pour elles les conséquences des difficultés économiques.
Nous devrons – moi y compris, en tant que maire – tenir compte de cette réalité et nous y préparer. C’est ce que l’État s’efforce de faire en définissant des règles, qui ensuite peuvent être discutées et acceptées, ou non, mais notre proposition a au moins le mérite d’être sur la table depuis le mois de juillet dernier.
Certes, nous intégrons le fonds de compensation pour la TVA, dont nous considérons qu’il constitue bien un remboursement, dans la progression des concours aux collectivités territoriales. Toutefois, ces derniers augmentent tout de même de 1,1 milliard d'euros ! Au total, les dégrèvements et remboursements, qui sont retracés dans un chapitre spécifique du projet de loi de finances, s’accroissent tout de même de 3,2 % par rapport à l’année dernière. Ce n’est pas ce que j’appellerai de l’austérité, ni une injustice faite aux collectivités territoriales !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le « toujours plus » ne constitue pas une solution, et en tout cas il ne s’appliquera pas cette année, ni probablement dans les années qui viennent. En revanche, nous devons, à mon avis, être toujours plus justes et plus transparents. On peut approuver, ou non, nos orientations budgétaires, mais au moins celles-ci sont-elles présentées honnêtement.
Je voudrais indiquer à M. Lambert que nous réduisons le nombre de fonctionnaires, et qu’en même temps nous voulons que ceux-ci soient mieux rémunérés, que leurs responsabilités soit mieux identifiés, que leur métier soit plus valorisé.
L’effectif des administrations centrales a été réduit comme jamais. Le nombre de fonctionnaires a autant diminué en un an que pendant les cinq années précédentes, Alain Lambert est bien placé pour le savoir. Je crois donc qu’on ne peut nous faire de reproche à ce sujet.
J’observe d'ailleurs que l’administration des douanes contribue également à la réduction du nombre de fonctionnaires, ce qui n’était pas le cas quand elle se trouvait placée sous l’autorité de M. Lambert… L’effectif de ses agents s’est réduit de 50 %, contre 20 % à l’époque. Il est facile de critiquer l’action gouvernementale quand on est loin, mais c’est plus difficile quand on s’en occupe de près !
Monsieur Serge Larcher, je ne reviendrai pas sur la question du FCTVA. En tout cas, le présent projet de loi de finances n’est pas un budget de rigueur, et il ne frappe sûrement pas les plus faibles.
D'abord, un budget ne frappe personne, et ensuite, par principe, il ne s’attaque pas aux plus faibles, que nous essayons plutôt d’aider !
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand vous votez le revenu de solidarité active, je n’ai pas le sentiment que vous frappez les plus faibles, mais plutôt que vous les aidez et les protégez. Franchement, un État où 50 % de la richesse publique est redistribuée ne s’attaque pas aux plus démunis ! Mais peut-être ne parliez-vous pas de la France ?
Sincèrement, je pense que nous n’avons pas à rougir de nos dépenses sociales, qu’il faut plutôt, probablement, mieux utiliser, réorganiser et rendre plus efficaces, et c’est ce que nous essayons de faire. L’État français sait ce que la solidarité nationale veut dire !
Enfin, monsieur Dassault, vous plaidez depuis longtemps et avec constance pour l’instauration d’un coefficient sur la valeur ajoutée. Toutefois, cette mesure a déjà été étudiée, je me permets de le rappeler, par le Conseil d’analyse économique et par le Conseil d’orientation pour l’emploi, qui l’ont trouvée quelque peu dangereuse.
Vous êtes un industriel et un homme politique, et vos idées bénéficient de la grande expérience qui est la vôtre. Je veux donc bien percer l’abcès et demander à mes services, dans les trois ou quatre mois qui viennent, de faire le point de façon précise et objective sur cette question.
En effet, ce débat ne doit pas traîner pendant des années : soit il s'agit d’une bonne idée et nous verrons comment la mettre en œuvre, soit ce n’est pas le cas et alors je suis sûr que nous en tomberons d'accord.
Enfin, en ce qui concerne les allégements généraux de charge, vous défendez une position qui, dans votre situation, est courageuse.
Aujourd'hui, l’État accorde quelque 23 milliards d'euros de réductions de charges sociales sur les salaires compris entre 1 SMIC et 1,6 SMIC. Il s'agit de compensations versées pour les 35 heures et les heures supplémentaires, auxquelles il faut ajouter certains allégements ciblés de cotisations sociales.
Les réductions de charges sont donc très importantes, mais elles contribuent à alléger le coût du travail. Bien sûr, ces mesures coûtent cher, car elles représentent un manque à gagner en termes de cotisations sociales, mais elles bénéficient aux entreprises.
Vous me répondrez que celles-ci les payent in fine parce que ces sommes alimentent le déficit, qui est répercuté sur l’économie. Toutefois, ces allégements contribuent à améliorer la compétitivité du travail française dans une proportion qui n’est pas négligeable.
En ces temps de crise où toute décision peut avoir des effets très importants sur l’emploi – je m’exprime devant la ministre chargée de ce dossier –, il ne me semble pas opportun de nous lancer dans une expérimentation aussi hasardeuse.
Toutefois, il ne s'agit pas d’un sujet tabou. Nous appliquerons votre proposition dans les zones franches urbaines, en diminuant légèrement les allégements de charges et surtout en rendant plus cohérent ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)