M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons de ce projet de budget pour 2009 au moment même où l’on constate un accroissement de la pauvreté dans notre pays, au moment même où l’attaque menée contre le service public de l’éducation vient de provoquer l’un des mouvements de grève les plus puissants dans ce secteur depuis bien longtemps, exprimant l’inquiétude des enseignants mais aussi des parents pour l’avenir de leurs enfants.
Parallèlement, comme d’habitude, on continue à nous parler du poids excessif des prélèvements obligatoires, alors que les déficits se creusent et que la justice fiscale et sociale demeure aux abonnés absents.
On nous dit sur tous les tons que les caisses de l’État sont vides et qu’en conséquence l’heure serait à la réduction de la dépense publique.
Nous ne pouvons évidemment pas partager ce constat qui évite de regarder la réalité du chemin parcouru depuis la discussion, au cours de l’été 2007, de la loi TEPA, celle de la loi de finances de 2008 ou encore celle de la loi de modernisation de l’économie.
La question est simple : que sont devenues les promesses électorales du printemps 2007 et quel bilan pouvons-nous tirer des mesures prises depuis le début de la législature ?
En 2007, la loi TEPA devait, au travers d’un choc de confiance, conduire notre pays sur la voie de la croissance, de la création d’emplois, grâce, entre autres, aux vertus d’un généreux paquet fiscal de plusieurs milliards d’euros en année pleine, un paquet fiscal dont on reconnaissait, du bout des lèvres, qu’il avait beaucoup d’intérêt pour les détenteurs de patrimoine. Il permettait, en effet, par ajustement des droits de mutation, par correction de l’impôt de solidarité sur la fortune, de réduire sensiblement le montant de l’imposition due et de « fluidifier », selon l’expression de M. le rapporteur général, la gestion de ces patrimoines.
Ce paquet fiscal comprenait aussi, entre autres mesures phares, la défiscalisation des heures supplémentaires. Je voudrais m’arrêter quelques instants sur cette question.
Le ministère de l’économie et des finances, de manière assez récurrente, communique sur le volume des heures supplémentaires observé par les services du ministère du travail depuis la mise en œuvre du dispositif. Peu importe d’ailleurs que la direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques, la DARES mette en garde contre le fait qu’aucun élément de comparaison n’existe entre le volume des heures déclarées et le volume des heures précédemment effectuées. Le ministère passe outre et claironne le succès de la mesure !
Mais il est nécessaire d’y regarder de plus près. Dans une étude publiée début octobre, la DARES estime à 631 millions d’heures le volume des heures supplémentaires effectuées par les salariés en 2006, c’est-à-dire avant la mise en place du dispositif de la loi TEPA. Sans surprise, ce sont les secteurs de la construction, du commerce et des transports qui s’avéraient alors les plus consommateurs d’heures supplémentaires. Ainsi, 411 millions d’heures supplémentaires auraient été effectuées en 2006 dans ces activités économiques et celles des services aux entreprises.
Pour 2008, l’agence centrale des organismes de sécurité sociale donne une première indication : depuis le début de la mise en place du dispositif, le nombre mensuel d’heures supplémentaires déclarées se situe, selon les trimestres, entre 150 millions et 183 millions d’heures, c’est-à-dire à des niveaux extrêmement proches de ceux que l’on a pu observer pour 2006.
Nombre de petites entreprises semblent avoir décidé de déclarer des heures au titre du dispositif, alors qu’elles ne le faisaient pas auparavant, gonflant artificiellement ce nombre.
Sur le fond, la loi TEPA aura au moins servi dans quelques entreprises, à assurer la paix sociale. Elle a permis, de manière marginale, mais néanmoins réelle, à certains employeurs de se dispenser d’augmenter les salaires sur le dos de l’État et de la sécurité sociale en payant enfin aux salariés les heures supplémentaires qui n’étaient pas déclarées auparavant.
Ainsi, on peut dire que le déficit de la sécurité sociale qui en découle est finalement payé par le salarié lui-même, au travers des franchises médicales sur la visite chez le médecin ou les médicaments que ses enfants prennent quand ils sont malades, puisque c’est le choix que le Gouvernement a décidé de faire !
Par ailleurs, le dispositif d’heures supplémentaires a eu un effet d’éviction et a fortement contribué à la réduction de l’emploi intérimaire. La loi TEPA a permis la mise en place, de fait, de véritables plans sociaux invisibles avec la fin des missions d’intérim, l’une des sources essentielles de progression du chômage dans notre pays.
La DARES nous indique notamment, dans une note publiée le 6 octobre dernier, que l’emploi intérimaire a été réduit de près de 50 000 unités au second trimestre 2008 ! Dans la seule agglomération de Tours, dans des entreprises comme Michelin, SKF, STMicroelectronics, Safety, ce sont 420 intérimaires qui ont ainsi perdu leur emploi !
Tout se passe comme si les heures supplémentaires des uns engendraient le chômage des autres ! Les entreprises ont, en effet, arbitré en défaveur de l’emploi, fût-il intérimaire, le nouveau partage de la valeur ajoutée grâce au dispositif TEPA ! Tel est le constat que l’on peut faire de cette mesure sur l’emploi.
Quant à la croissance que cette loi devait dynamiser, il semble bien que les effets escomptés ne se soient pas produits, au regard de l’état de la progression du PIB au cours de cette année 2008 !
Les prudentes évaluations de croissance à 2 % prévues en novembre 2007 pour la loi de finances de 2008 sont bien loin. Quand on en vient à se féliciter d’une progression de 0,14 % par trimestre au motif qu’elle resterait positive tandis que nos voisins connaissent une évolution négative de leur PIB, on en est effectivement loin !
Je pourrais d’ailleurs, sur d’autres points de la loi TEPA, véritable porte-drapeau des promesses électorales du printemps 2007, procéder à d’autres observations.
On pourrait ainsi s’interroger sur le véritable gâchis de ressources publiques que constitue l’allégement de l’ISF lié à l’investissement dans les PME, où un milliard d’euros de fonds propres est gagé par 700 millions d’euros de dépense fiscale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un milliard de fonds propres, ce n’est pas un gâchis !
Mme Marie-France Beaufils. Quelle inefficacité dans l’allocation de la ressource publique !
On pourrait critiquer à bon droit les mesures sur les donations et les successions, qui ont facilité la rétention de patrimoine et donc tari l’offre de logements, par exemple. Or, quand vous tarissez l’offre, soit vous faites monter les prix, soit vous les maintenez artificiellement au plus haut !
La même remarque vaut pour la réduction d’impôts associée aux intérêts d’emprunt des accédants à la propriété. Une fois de plus, ce type de mesure n’a fait que permettre aux banques de maintenir à un niveau élevé les taux d’intérêt !
Je pourrais mentionner également le bouclier fiscal, porté à 50 %. Il n’a vraiment profité qu’à 500 contribuables, qui ont accaparé la moitié des 250 millions d’euros de dépense fiscale.
Si je fais ces rappels, c’est pour montrer que les pertes de recettes que vous avez ainsi imposées à l’État ont eu bien des effets pervers. Ils se font sentir sur l’emploi, avec la hausse du chômage, mais aussi sur les déficits publics, avec le creusement du trou budgétaire au-delà des 50 milliards d’euros pour 2008 et, parallèlement, sur les pertes de pouvoir d’achat, amplifiées par la hausse des prix et le maintien des bas salaires.
Aujourd’hui, avec le développement sans précédent du chômage technique dans de nombreuses entreprises, particulièrement dans les très grandes unités industrielles, les salariés ne se demandent pas s’ils vont faire des heures supplémentaires : 5 000 ouvriers de l’automobile au chômage technique pendant deux mois, ce sont plus d’un million et demi d’heures d’inactivité imposée ; 50 000 intérimaires privés d’emploi, ce sont sept millions et demi d’heures de travail perdues !
Le déficit prévu dans ce projet de loi de finances pour 2009, comme celui qui a été constaté dans la loi de finances pour 2008, porte les stigmates des choix opérés depuis le printemps 2007 et nous ramène à l’époque du gouvernement Balladur, quand le ministre du budget, M. Nicolas Sarkozy, faisait valider par la majorité des déficits de plus de 300 milliards de francs !
On aurait pu espérer que, tirant les conclusions des conséquences de ces choix, le Gouvernement présente d’autres propositions à notre assemblée, et ce d’autant que la crise financière ne fait que confirmer la nécessité de rendre plus efficace pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat, l’utilisation des fonds publics.
Aujourd’hui, ce n’est pas de la réduction drastique de l’intervention publique prévue dans ce projet de budget que notre pays a besoin : il a besoin de plus d’intervention publique, de plus de service public.
Vous le comprendrez donc, mes chers collègues : dans ce contexte, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, je résumerai en quelques mots le sentiment que me suggère ce projet de budget.
D’abord, quel dommage de ne pas débattre de nos comptes publics toutes administrations confondues ! J’ai entendu tout à l’heure M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique clore la discussion sur les comptes sociaux. Et maintenant, ce ne sont plus les mêmes collègues qui sont présents dans l’hémicycle, ce ne sont plus les mêmes ministres qui sont assis au banc du Gouvernement ! La France est fracturée dans ses comptes : je pense que la consolidation est une exigence que nous n’avons pas encore eu le courage d’imposer mais qui sera nécessaire pour le redressement des comptes publics.
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Alain Lambert. Nous débattrons pendant trois semaines de… 35 % des comptes de la France.
S’agissant de la sincérité de la loi de finances, monsieur le ministre, j’approuve, avec de nombreux autres collègues – et des plus éminents, tels le président de la commission des finances et le rapporteur général –, la révision que vous avez décidée des hypothèses macroéconomiques pour tenir compte de la crise financière et économique qui frappe le monde.
La transparence ainsi manifestée est à l’honneur du Gouvernement tant le travail d’ajustement est lourd pour les services du budget et pour les services de l’économie : rebâtir un projet de loi de finances en pleine discussion parlementaire n’est pas chose aisée, comme le savent ceux qui ont déjà pratiqué l’exercice.
Ce choix, respectueux de notre nouvelle constitution financière, souvenons-nous qu’il n’avait pas été retenu pour la loi de finances pour 1993, comme le soulignait tout à l’heure le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
M. Alain Lambert. Le Gouvernement avait feint d’ignorer un retournement conjoncturel probablement aussi violent que celui que nous connaissons aujourd’hui, faisant alors perdre à l’acte budgétaire toute sa portée.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Alain Lambert. C’est pourquoi j’estime que, en termes de sincérité budgétaire, la décision que vous avez prise est une bonne décision : c’est un progrès vers la sincérité en matière de finances publiques.
S’agissant de la maîtrise des dépenses, la norme élargie – qui inclut désormais les prélèvements sur recettes et les taxes affectées aux opérateurs, « points de fuite » bien connus – était prévue à « zéro volume », ce qui, avant la révision de l’hypothèse d’inflation pour 2009, représentait une augmentation d’environ 2 % en euros courants. Compte tenu de l’accroissement considérable et préoccupant de la charge de la dette et des pensions, cette norme appelle légitimement les ministères à la stabilité de leurs dotations, en euros courants, entre 2008 et 2009.
Nous nous répétons souvent dans nos rôles, et je vous prie de m’excuser de redire encore une fois – je sais que mon propos agace souvent et qu’on me répond toujours que c’est impossible – que la stabilisation en valeur de toutes les dépenses publiques, toutes administrations confondues, serait la vraie mesure raisonnable. Elle obligerait les administrations – et la méthode a son importance – à proposer elles-mêmes au corps politique les choix drastiques dont il s’exonère, pour l’instant, au risque d’une iniquité intergénérationnelle qui sera, vous le verrez, la honte de ce siècle.
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Alain Lambert. Nous sommes collectivement responsables d’une indignité qui consiste à financer par l’emprunt nos dépenses courantes de fonctionnement, auxquelles nous avons la lâcheté de ne pas faire face, les renvoyant sans vergogne à nos enfants. Je voudrais souligner à cette tribune – pour le coup, c’est la première fois ! – le danger de ce comportement irresponsable.
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Alain Lambert. De deux choses l’une : soit les générations qui nous suivent accepteront d’avoir été sacrifiées, et c’est très peu probable ; soit elles se révolteront, et leur première décision sera de ne pas servir les droits que nous aurons cru généreusement nous octroyer à nous-mêmes.
Futurs retraités de cette assemblée, réveillons-nous ! Notre aveuglement dépensier d’aujourd’hui pourrait nous condamner demain à des réveils douloureux en matière de pensions et de prestations dépendance et de santé. On ne rasera plus gratis !
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Alain Lambert. S’agissant de l’effort en faveur des collectivités locales, il a déjà été fort bien souligné que le Gouvernement n’a pas réduit l’enveloppe de concours de l’État malgré la révision à la baisse de l’inflation. Cela représente 276 millions d’euros supplémentaires : ils seront les bienvenus, monsieur le ministre, pour couvrir les dépenses supplémentaires, si souvent inutiles, que les ministères dépensiers, imperturbablement, continuent d’édicter sans en payer eux-mêmes le premier euro.
Monsieur le ministre, vous m’avez fait l’honneur de me permettre de présider la Commission consultative d’évaluation des normes. Figurez-vous que, lors de notre première séance, nous roulions à la vitesse de 100 millions d’euros à l’heure. J’ai levé la séance au bout de deux heures, considérant tout de même que, 200 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour les collectivités locales, ce n’était pas raisonnable. Eh bien, cela a eu un effet positif puisque, lors de la deuxième séance, nous avions déjà réduit le coût des trois quarts.
Tout cela montre que l’administration centrale regorge de ressources humaines d’une qualité si exceptionnelle, de gens qui se lèvent très tôt le matin et se couchent très tard le soir pour édicter des règles, pour contrôler…, que vous pourrez inventer tout ce que vous voudrez pour favoriser la croissance, tant qu’ils seront là, et en nombre aussi important, cela ne servira à rien.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut réduire les effectifs !
M. Alain Lambert. Leur rôle consiste à empêcher, jamais à aider. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)
Le rapporteur général, tout à l’heure, a émis sur les moyens nécessaires pour relancer la croissance, sur les questions de fond stratégiques, sur les moyens de forcer les banques à prêter aux entreprises, etc., des avis que je ne partage pas complètement, mais ce ne sont pas de tels désaccords qui m’effraient. Ce qui m’effare, madame, monsieur le ministre, c’est que, toute la journée, vos administrations, par bataillons complets, harcèlent les chefs d’entreprise qui sont en train de se battre avec leur banquier et viennent leur demander de remplir encore des imprimés… Je vous le dis, le comportement de vos administrations à l’égard des chefs d’entreprise est pire encore que l’attitude des banquiers ; c’est mon analyse, personne n’y croit. (Sourires.)
Vous avez nommé un médiateur pour les banquiers : croyez-moi, nommez un médiateur pour les normes, et vous aurez fait beaucoup pour la reprise de l’activité !
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Alain Lambert. J’en reviens aux collectivités territoriales pour saluer le « jaune » qui leur est consacré et qui a été extrêmement bien réalisé. Vous ne recevez pas toujours de compliments dans votre métier, monsieur le ministre ; aussi, j’insisterai sur le fait que, dans sa version 2009, ce « jaune » a été considérablement enrichi et que, dans certains cas, vous êtes même allé au-delà de ce que le Parlement vous avait demandé. Je souhaiterais donc vivement que vous soyez notre messager auprès de vos services pour les complimenter.
S’agissant de la gouvernance des dépenses fiscales, le président de la commission et le rapporteur général ont dit l’essentiel. L’affichage d’un objectif d’évolution des dépenses fiscales et d’une règle d’encadrement des mesures nouvelles est un progrès qu’il faut saluer. La dépense fiscale s’est envolée ces dernières années comme substitut des dépenses budgétaires, constituant un « point de fuite », que nous avons immédiatement identifié, qui s’est opposé à la maîtrise des déficits publics. Interdire les dispositions fiscales en dehors des lois des finances – proposition de la commission des finances – était une solution de bon sens. Hélas, le bon sens n’est plus dans une période triomphante !
L’effort d’évaluation et de détail sur les dépenses fiscales qui figurent au tome II de l’annexe Évaluation des voies et moyens est à saluer, monsieur le ministre, et à encourager. C’est un document de très grande qualité.
En conclusion, je vous supplierai, madame, monsieur le ministre, de faire en sorte que, d’urgence, la vérité soit dite aux Français, qu’elle leur soit dite dans leur langue et non pas dans la nôtre, car, même si nous ne sommes pas des technocrates, nous finissons par le devenir, à vous fréquenter ! (Sourires.) Il faut donc, dans leur langue, leur expliquer que plus de dépenses, notamment de dépenses de fonctionnement, c’est non seulement indigne, mais c’est irresponsable. Dès lors que l’on n’a pas les ressources pour les financer, c’est indigne et c’est dangereux.
Le temps de l’indifférence aux déficits et à la dette est révolu. Les jeunes générations ont maintenant compris que la gestion menée depuis trente ans leur réserve un funeste héritage. Si nous persistons dans notre aveuglement, elles supprimeront tous les avantages que nous croyons naïvement avoir acquis – je pense toujours aux pensions, je pense aux allocations pour la dépendance, je pense au standard de santé auquel nous tenons tant et qui, avec l’espérance de vie qui s’accroît, ne pourra être maintenu.
Mes chers collègues, l’exigence de responsabilité nous adresse un dernier avertissement et nous appelle tous à un sursaut. Pour conduire la politique budgétaire et fiscale juste, il ne suffit pas de s’interroger sur les inégalités sociales : il faut aussi tenir compte des inégalités entre les générations, notamment dans un contexte d’endettement public élevé.
Écoutons cet appel : il est indispensable de le méditer et de faire de ce projet de budget, madame, monsieur le ministre, une première marche de progrès dans cet esprit. C’est ce qui me conduira, pour ce qui me concerne, à le voter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, me voici devant vous pour intervenir dans la discussion générale du projet de loi de finances pour 2009. Que dire de ce projet de budget sans craindre, hélas ! de répéter un certain nombre de vérités qui ont déjà été énoncées par mes collègues ? La répétition ayant malgré tout certaines vertus, je ne désespère pas que nous soyons enfin entendus.
La France doit faire face à une crise financière internationale majeure, qui, nous le voyons tous les jours, affecte son économie.
Or le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis ne prend pas en compte l’ampleur de cette crise et se présente totalement inadapté, me semble-t-il, au regard du contexte économique et social.
Ce texte se place clairement sur une ligne de rigueur budgétaire, qui, une fois de plus, touchera les plus modestes, sans apporter pour autant aucun remède. Si, techniquement, la France a pu éviter d’entrer en récession, de fait, nous sommes en plein dedans ! Le chômage augmente, le pouvoir d’achat recule, l’investissement des entreprises est au point mort et le déficit commercial se creuse.
Sous prétexte que « les finances de l’État sont en difficultés », comme le souligne le président du Comité des finances locales, M. Gilles Carrez, le Gouvernement maintient coûte que coûte sa volonté de maîtriser le rythme des dépenses pour un retour à l’équilibre des finances publiques, plus improbable que jamais, à l’horizon 2012. Pour ce faire, il a choisi de réduire, de façon draconienne, les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Vous le savez, en tant qu’ancien président de l’Association des maires de la Martinique, je suis très attaché aux collectivités locales, plus particulièrement aux communes.
Or le mauvais traitement que le Gouvernement inflige aux collectivités territoriales dans ce projet de budget pour 2009 me déconcerte. L’État ne fournira pas aux collectivités les moyens d’assurer convenablement les missions qu’il leur a transférées dans le cadre de la décentralisation.
La discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, ici même, le 6 novembre dernier, a été l’occasion pour le Gouvernement de réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles est fondé le projet de loi de finances pour 2009.
Ainsi, l’inflation, initialement prévue à 2 %, est révisée à 1,5 % en 2009, soit une baisse de 0,5 point. La croissance sera, quant à elle, presque nulle en 2009 – entre 0,2 % et 0,5 %, au lieu du 1 % prévu – et devrait remonter en 2010 et 2011, à respectivement 2 % et 2,5 % d’évolution du PIB.
À la suite de la révision du taux de l’inflation, le Gouvernement aurait pu appliquer ce nouveau taux aux dotations de l’État pour les collectivités territoriales. Or il a décidé de ne pas remettre en cause l’évolution des concours financiers pour 2009, en préservant ainsi une évolution de 2 %.
Selon le rapporteur général, M. Philippe Marini, ce « geste » du Gouvernement représenterait un gain de l’ordre de 275 millions d’euros, lequel permettrait aux collectivités de jouer le rôle d’amortisseur de la crise actuelle.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Serge Larcher. Néanmoins, le Gouvernement ne peut pas se permettre d’afficher ce montant de 275 millions d’euros comme un cadeau octroyé aux collectivités locales,...
Mme Nicole Bricq. Exactement !
M. Serge Larcher. ...parce que le nouveau périmètre de l’enveloppe des dotations fait perdre initialement aux collectivités plus de 440 millions d’euros.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Serge Larcher. Par ailleurs, s’il est vrai que l’enveloppe des dotations, telle qu’elle est définie pour 2009, progresse bien de 2 %, l’évolution de l’enveloppe normée, selon le périmètre défini en 2008, est bien inférieure à 1 %. Elle oscillerait entre 0,7 % et 0,8 %, selon l’Association des maires de France.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Serge Larcher. Cette année, le périmètre de l’enveloppe normée des dotations aux collectivités territoriales changera et plusieurs compensations seront intégrées dans cette enveloppe.
Au chapitre des inquiétudes des élus locaux figure l’intégration du FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA. Or ce fonds est à lui seul très dynamique, qui progressera en 2009 de 660 millions d’euros.
Certes, cette intégration fait gonfler le montant global de l’enveloppe, mais elle dissimule en réalité une moindre augmentation des autres dotations. Cela signifie que plus de la moitié de l’augmentation de l’enveloppe des dotations de 1,1 milliard sera consommée par le FCTVA.
Le Gouvernement crée ainsi un mécanisme pervers : plus les collectivités investiront et plus elles seront pénalisées sur leurs dotations. C’est pour le moins inquiétant, à l’heure où ces structures mobilisent plus de 75 % de l’investissement public !
En d’autres termes, ce nouveau tour de vis imposé aux collectivités locales est une atteinte au pouvoir d’achat. En effet, étouffer financièrement les collectivités locales, c’est prendre le risque d’un ralentissement de l’investissement public, dont on sait qu’il soutient fortement les PME, donc l’activité, et c’est également prendre le risque d’une augmentation de la pression fiscale, alors que c’est la fiscalité locale qui est la plus injuste.
Aussi, comme l’ensemble des associations d’élus locaux, je suis farouchement opposé à ce que le FCTVA se transforme en dotation et soit intégré à l’enveloppe. Il doit rester un remboursement de la TVA acquittée par les collectivités locales au moment où elles investissent.
Les collectivités territoriales sont confrontées à un autre problème assez grave, à savoir la reconduction à l’identique du montant de certaines dotations de fonctionnement, comme la dotation générale de décentralisation. Ces dotations sont donc toutes gelées, illustrant ainsi la cure d’austérité imposée aux collectivités par l’État. Les élus locaux ne s’y trompent guère !
Plus encore, j’observe que, comme pour respecter un certain parallélisme des formes, les montants de plusieurs dotations d’investissement ont tous été reconduits de manière identique à 2008, qu’il s’agisse de la dotation globale d’équipement des communes, de la dotation globale d’équipement des départements, de la dotation départementale d’équipement des collèges, de la dotation régionale d’équipement scolaire ou de la dotation de développement rural.
Là encore, ces dotations sont gelées et n’augmenteront pas plus par rapport à leur montant de 2008, illustrant la même austérité. Même constat, même sanction !
Pourtant, nous le savons, et toutes les observations que je viens de formuler le confirment, sur les 15 milliards d’euros d’investissement habituels réalisés par les conseils généraux, une baisse de l’ordre de 30 % est malheureusement à prévoir cette année.
À n’en pas douter, cela ne sera pas sans conséquences sur le niveau d’activité, et donc sur l’emploi. En réalité, il s’agit d’un véritable coup d’arrêt des investissements locaux, qui demeurent l’un des principaux vecteurs de la croissance.
Et comme si les collectivités locales n’étaient pas suffisamment asphyxiées, les montants des compensations par l’État des exonérations de certains impôts locaux, imposées aux collectivités territoriales, seront considérablement réduits et constituent, en réalité, une variable d’ajustement. Cette mesure est d’ailleurs l’une des plus restrictives à leur égard !
Malgré une légère amélioration apportée par l’Assemblée nationale, le taux d’évolution entre le montant de 2008 des compensations et le montant de 2009 reste encore de moins 17,7 % ! C’est une véritable catastrophe pour les collectivités territoriales.
Ce projet de loi de finances pour 2009 soulève également l’épineuse question de la taxe professionnelle. Mais déjà son plafonnement a pénalisé les communes et les intercommunalités.
En effet, si la réforme de la taxe professionnelle reste pour le Président de la République à « imaginer », les conséquences de la réforme adoptée en 2005 sont durement ressenties par les collectivités territoriales, qui n’ont nullement décidé cette diminution de leurs recettes.
Bien sûr, ce sont les régions, les départements et les structures intercommunales qui sont les plus gros perdants de cette réforme, puisqu’ils doivent assumer un manque à gagner de 624 millions d'euros sur un total de 645 millions d'euros pour l’ensemble des collectivités. Cette participation représente 3,6 % de la taxe professionnelle qu’ils perçoivent et 2 % du produit fiscal des quatre taxes directes locales.
Au regard de l’impact financier de ce plafonnement pour les collectivités, il est urgent d’engager une réforme de la taxe professionnelle, réforme qui avait été initialement prévue pour ce projet de loi de finances. Quoi qu’il advienne, il faudra qu’elle soit intégrée à une réforme de l’ensemble de la fiscalité locale, sans quoi l’équilibre fiscal entre les ménages et les entreprises serait remis en cause.
J’en viens à la dotation de solidarité urbaine, ou DSU. Je me réjouis que sa réforme soit reportée et que les critères d’attribution ne soient révisés qu’après une véritable concertation de l’ensemble des élus, tous bords confondus.
Il ne faudrait pas que la modification des critères de la DSU aboutisse à l’exclusion d’un certain nombre de communes, sans pour autant recentrer le dispositif sur celles qui en ont le plus besoin. Je pense bien sûr aux communes d’outre-mer, qui connaissent une situation financière très tendue et cumulent des handicaps structurels dus à leur éloignement, à l’insularité ou encore à l’exposition aux risques majeurs, handicaps dont il n’est point tenu compte dans le calcul de leurs dotations.
Je ne saurais terminer, madame la ministre, monsieur le ministre, sans attirer très vivement votre attention sur la forte dégradation des finances des conseils généraux d’outre-mer, particulièrement concernés par l’insuffisante compensation financière des transferts de compétences. Ces structures attendent un meilleur soutien de l’État, avec des dotations appropriées et calculées sur l’inflation réelle, ainsi qu’un apurement de l’important passif, qui est notamment dû à l’APA et au RMI. Ce passif s’élève à 37 millions cumulés non compensés depuis 2003 pour la Martinique et à 1,5 milliard d’euros pour l’ensemble des conseils généraux d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)