Sommaire
Présidence de M. Bernard Frimat
2. Candidatures à une commission mixte paritaire
3. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le président.
Motion no 483 de Mme Annie David. – Mme Annie David, M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie ; Mme la ministre. – Rejet.
Motion no 458 de Mme Raymonde Le Texier. – Mme Raymonde Le Texier, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Mme Annie David, M. Bernard Cazeau.
Adoption de l’article.
M. Guy Fischer.
Adoption de l’article et de l’annexe.
Adoption de la première partie du projet de loi.
4. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
5. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi.
Mme Isabelle Pasquet.
Amendement no 491 du Gouvernement. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie ; Guy Fischer, Bernard Cazeau. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
M. Guy Fischer, Mme la ministre, M. Jean-Jacques Jégou.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 4
Amendement no 427 de M. Serge Dassault. – MM. Serge Dassault, Alain Vasselle, rapporteur ; Mmes la ministre, Annie David, MM. le président, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. – Retrait.
Amendement no 94 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mmes Patricia Schillinger, Annie David.
Adoption de l'article.
M. Bernard Cazeau.
Adoption de la deuxième partie du projet de loi.
Mme la ministre.
débat thématique « l’hôpital en question »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie ; Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances.
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le président.
Mme la ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
6. Questions d'actualité au Gouvernement
problèmes dans l'éducation nationale
MM. Yannick Bodin, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
MM. Guy Fischer, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
M. Philippe Marini, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
conséquences de la crise sur les pme dans l'aéronautique
MM. Raymond Vall, Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
MM. Jean Boyer, Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
MM. Jean-Louis Carrère, François Fillon, Premier ministre.
M. Michel Thiollière, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
MM. Bernard Cazeau, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
MM. Dominique de Legge, Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
bilan de la fermeture de centres d'examen du permis de conduire
M. Philippe Adnot, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
7. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi
débat thématique « l’hôpital en question » (suite)
M. Yves Daudigny, Mme Anne-Marie Payet, MM. François Autain, Alain Milon, Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mmes Jacqueline Chevé, la ministre.
Mmes Anne-Marie Payet, la ministre.
M. Guy Fischer, Mme la ministre.
Mmes Marie-Thérèse Hermange, la ministre.
M. Raymond Vall, Mme la ministre.
M. Jacky Le Menn, Mme la ministre.
Mmes Françoise Henneron, la ministre.
Mmes Claire-Lise Campion, la ministre.
M. Bruno Gilles, Mme la ministre.
Amendements nos 95 de M. Guy Fischer et 492 du Gouvernement. – M. Guy Fischer, Mme la ministre, MM. Alain Vasselle, rapporteur ; Bernard Cazeau. – Rejet de l’amendement no 95 ; adoption de l'amendement no 492 rédigeant l'annexe B.
Adoption de l'article et de l’annexe modifiée.
Amendements identiques nos 96 de M. Guy Fischer et 254 de M. Bernard Cazeau. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Bernard Cazeau, Alain Vasselle, rapporteur ; Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Mme la ministre, M. François Autain. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance
9. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion d’un projet de loi.
Article additionnel après l’article 10
Amendement n° 97 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. – Rejet.
Articles additionnels avant l’article 11
Amendement n° 255 de M. Bernard Cazeau. – MM. Bernard Cazeau, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 256 de M. Bernard Cazeau. – MM. Bernard Cazeau, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 98 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendements nos 99, 100 de M. Guy Fischer et 1 rectifié de la commission. – Mme Isabelle Pasquet, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre, M. Bernard Cazeau. – Rejet des amendements nos 99 et 100 ; adoption de l’amendement no 1 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Amendements nos 101 à 103 de M. Guy Fischer ; amendements identiques nos 92 rectifié de M. André Lardeux et 257 de M. Bernard Cazeau ; amendements nos 62 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, 513 rectifié du Gouvernement et 104 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, André Lardeux, Bernard Cazeau, Mme la ministre, MM. Alain Vasselle, rapporteur ; François Autain. – Rejet des amendements nos 101 à 104, 92 rectifié, 257 et 62 ; adoption de l’amendement no 513 rectifié.
Mmes Annie David, Raymonde Le Texier.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 12
Amendement n° 105 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 258 de M. Bernard Cazeau. – MM. Bernard Cazeau, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 329 de Mme Muguette Dini. – Mme Anne-Marie Payet, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mme Annie David.
Amendement n° 2 de la commission. – M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre, MM. Jacques Gautier, Guy Fischer, Bernard Cazeau. – Retrait.
Amendements identiques nos 106 de M. Guy Fischer et 259 de M. Bernard Cazeau. – Mme Annie David, MM. Bernard Cazeau, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement no 3 de la commission. – Retrait.
Amendements identiques nos 331 de Mme Muguette Dini et 262 de M. Bernard Cazeau. – Mme Anne-Marie Payet, MM. Yves Daudigny, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 260 de M. Bernard Cazeau. – MM. Bernard Cazeau, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement no 107 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 261 de M. Bernard Cazeau. – MM. Bernard Cazeau, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 342 de Mme Muguette Dini. – Mme Anne-Marie Payet, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Guy Fischer.
Amendements nos 250 de Mme Annie David, 4 de la commission, 108 et 109 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme Isabelle Pasquet, M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Mme Nathalie Goulet, M. Bernard Cazeau. – Rejet des amendements nos 250, 108 et 109 ; adoption de l’amendement no 4.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 63 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre, MM. François Autain, M. le ministre. – Adoption.
Amendement n° 456 de M. François Autain. – MM. François Autain, Alain Vasselle, rapporteur. – Retrait.
Amendement n° 64 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 14
Amendement n° 65 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, et sous-amendement no 514 de M. Bernard Cazeau. – MM. le rapporteur pour avis, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre, Bernard Cazeau, Mme la ministre, M. François Autain. – Rejet du sous-amendement et de l’amendement.
Amendements nos 111 de M. François Autain et 263 de M. Bernard Cazeau. – MM. François Autain, Yves Daudigny, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement no 441 de M. François Autain. – MM. François Autain, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Mme Patricia Schillinger.
Amendements identiques nos 93 rectifié de M. Gérard César, 228 de M. André Lardeux et 423 de M. Roland Courteau ; amendements nos 398 de M. Nicolas About, 235 de M. Michel Doublet, 402 de M. Roland Courteau et 89 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux ; amendements identiques nos 80 rectifié quinquies de Mme Françoise Henneron et 264 rectifié de M. Serge Larcher. – MM. Daniel Laurent, André Lardeux, Roland Courteau, Mme la ministre, M. Nicolas About, Mmes Sylvie Desmarescaux, Françoise Henneron, Patricia Schillinger, MM. Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre, Mmes Anne-Marie Payet, Nathalie Goulet. – Retrait des amendements nos 89 rectifié et 398 ; rejet des amendements nos 93 rectifié, 228, 423, 235 et 402 ; adoption des amendements nos 80 rectifié quinquies et 264 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Dépôt d'une proposition de loi
11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
12. Dépôt d'un rapport d'information
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
J’informe le Sénat que la commission des finances m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
3
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 80, 83 et 84).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Organisation des débats
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Le Gouvernement demande que, si M. le président de la commission des affaires sociales en est d’accord, les articles 51 à 69 soient examinés le lundi 17 novembre 2008.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Assuré de la présence de mes rapporteurs, j’émets un avis favorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande du Gouvernement.
(Cette demande est acceptée.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 483, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 dont nous avons à débattre dès à présent revêt cette spécificité qu’il est caduc avant même d’avoir été voté.
Le Gouvernement d’ailleurs ne s’en cache pas et annonce que des corrections majeures seront apportées, puisque les indicateurs prévisionnels sur lesquels est fondé ce texte seront actualisés à la mi-novembre, autrement dit incessamment sous peu et par voie d’amendement au cours de ce débat, ce qui n’est pas très respectueux du travail parlementaire.
Nous ne pouvons que regretter le choix du Gouvernement de soumettre à la représentation nationale un texte complètement déconnecté de la réalité économique du pays.
Nous le savons toutes et tous ici, les dégradations attendues sur le marché de l’emploi rendent incertaines les prévisions de recettes de la sécurité sociale, qui sont pour l’essentiel fondées sur les cotisations salariales.
Sachant que la précédente loi de financement de la sécurité sociale reposait sur une hypothèse de progression de la masse salariale de 4,5 %, qui s’est révélée dans la pratique de 4,2 %, personne n’est assez crédule pour penser que les prévisions du Gouvernement pour le texte que nous examinons aujourd’hui, qui reposent sur une hypothèse d’une progression de la masse salariale de 3,5 %, soient réalistes.
Pour le président de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, elle ne devrait pas excéder les 3 %. Pour M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, elle devrait être encore plus faible, de 2,75 %. C’est en tout cas ce que M. Éric Woerth a dernièrement déclaré dans la presse et c’est ce qu’il nous a annoncé hier lors de la discussion générale.
La différence entre vos hypothèses et vos prévisions est loin d’être négligeable, c’est le moins que l’on puisse dire si on garde à l’esprit qu’un écart négatif de 0,5 point de masse salariale correspond, dans la réalité, à une perte de recettes de 800 millions à 900 millions d’euros pour l’assurance maladie.
Dès lors, en l’absence de révision des indicateurs et des hypothèses sur lesquels repose le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, tout comme d’ailleurs le projet de loi de finances que nous examinerons dans la foulée, le Gouvernement fait preuve d’une désinvolture étonnante qui tranche avec l’envergure des enjeux liés à la question du financement de notre système de sécurité sociale. Et ce ne sont pas les quelques amendements qui seront déposés au cours de ce débat qui me démentiront.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale mérite mieux qu’une gestion au fil de l’eau, à laquelle vous vous adonnez pourtant.
L’utilisation d’une partie de la source de financement du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, pour compenser le nouveau transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, témoigne d’une gestion plus qu’improbable.
En outre, rien ne permet de penser que le FSV restera excédentaire dans la durée. C’est l’avis même du conseiller-maître à la Cour des comptes, André Gauron, qui a été auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat le 1er juillet dernier.
Cela semble d’autant plus inéluctable que le FSV souffre d’un problème chronique de financement qui en a fait le débiteur d’une dette de plus de 5 milliards d’euros auprès de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
Sans doute est-ce cette même gestion au jour le jour qui a poussé le Gouvernement à relever, dans le cadre de ce projet de loi, le montant de la taxe sur le chiffre d’affaires des mutuelles de 2,5 % à 5,9 %.
Certes, le président de la Fédération nationale de la mutualité française s’est engagé à ne pas majorer pour autant les cotisations des assurés. Cependant cet engagement ne porte que sur un an. Si le Gouvernement décidait de pérenniser l’année prochaine le montant exceptionnel de la taxe – et ce ne serait pas la première fois ! –, il est certain que cela ne resterait pas sans conséquence pour les assurés.
Si aujourd’hui déjà, près de 5 millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens n’ont plus les moyens de financer leur couverture complémentaire, combien seront-ils à court terme à devoir y renoncer ?
Toutefois la dégradation de notre environnement économique à laquelle nous assistons ne saurait pas faire oublier que, en parallèle, les déficits structurels n’ont cessé de se creuser.
La dette de l’État auprès du régime général de la sécurité sociale, et ce en dépit du remboursement de 5,1 milliards d’euros déjà effectué, court toujours allégrement depuis 2007 : elle s’élève désormais à 3,5 milliards d’euros et pèse lourdement sur la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.
Je voulais interroger à ce sujet M. le ministre du budget, mais il n’est pas avec nous aujourd'hui.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est en déplacement dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, je vous prie de l’excuser !
Mme Annie David. Il s’agit des comptes et du budget de l’État, mais peut-être pourrez-vous nous rassurer, madame la ministre, en nous indiquant si M. le ministre du budget compte, oui ou non, intégrer ces 3,5 milliards d’euros de dettes dans le collectif budgétaire de fin d’année.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je crois qu’il a déjà répondu en partie sur ce point !
Mme Annie David. Par ailleurs, d’autres éléments nous manquent pour nous permettre de débattre sereinement et utilement.
Madame la ministre, vous souvenez-vous que vous vous étiez engagée l’année dernière, devant nous, à rendre compte « chaque année, en toute transparence, dans un rapport au Parlement, de l’utilisation des ressources de la franchise » ?
En l’absence de la présentation de ce document, nous en sommes réduits à constater toute l’opacité de la mise en œuvre d’un dispositif auquel nous restons fermement opposés.
Cette mesure, qui taxe les malades et que nous jugions déjà injuste, maintenant nous la jugeons de surcroît malhonnête !
Je n’ai pas non plus eu connaissance de la publication d’un autre rapport que le Gouvernement s’était également engagé à communiquer à la représentation nationale. Il s’agit du rapport relatif à la mesure des écarts entre les tarifs pratiqués dans les hôpitaux et les tarifs des cliniques commerciales, qui devait nous être remis avant le 15 octobre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous l’avez eu ! Il faut lire les documents qui vous sont envoyés !
Mme Annie David. Déjà l’année dernière, M. Alain Vasselle, rapporteur, rappelait dans cet hémicycle que, pour organiser la mise en œuvre de l’accélération du processus de montée en charge de la tarification à l’activité, la fameuse T2A, la « transparence était particulièrement nécessaire dans le domaine de la convergence public-privé ». Il déplorait également que « les études relatives à l’analyse des écarts de coûts entre public et privé [aient] pris du retard et ne [soient] disponibles que dans un an ».
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous avez de bonnes lectures !
Mme Annie David. Un an après avoir été formulées, ces déclarations restent toujours d’actualité. Malgré les explications apportées hier soir et vos propos se voulant rassurants, madame la ministre, je m’interroge en outre sur la cohérence de l’organisation de l’agenda du Gouvernement, qui préfère procéder dans un premier temps à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour dans un second temps, au début de l’année prochaine, nous avez-vous dit hier, nous présenter un texte destiné à réformer notre système de santé.
Vous comprendrez notre embarras, puisqu’il est en définitive demandé au Parlement de voter les moyens d’une réforme avant même d’en avoir déterminé le contenu ! Dans ces conditions, bien des éléments restent flous, trop flous : la permanence des soins, la rémunération forfaitaire des médecins, l’accès aux soins ou encore le scandale des dépassements tarifaires.
Enfin, il faut rappeler que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de l’activité de recouvrement du régime général, tout comme ceux de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui assure la collecte des cotisations et la répartition des fonds. Elle conteste certains rattachements de recouvrements à l’exercice 2007, considérant qu’ils relèvent de l’exercice 2008.
Je regrette que la situation n’ait pas été clarifiée et que la sécurité sociale ne se conforme pas à la nouvelle version de son plan comptable établi en 2007. Cela aurait permis de lever une ambiguïté de plus et de faire apparaître que le déficit réel du régime général s’élève non pas, en 2007, à 9,5 milliards d’euros, mais à 10,5 milliards d’euros.
Il est fort dommageable que les corrections demandées par la Cour des comptes n’aient pas été apportées. Sans doute les différentes interprétations du plan comptable des organismes de sécurité sociale par l’ACOSS et son administration de tutelle, d’une part, et par la Cour des comptes, d’autre part, témoignent-elles d’une forte divergence d’appréciation sur l’exigence de sincérité des écritures au regard des normes comptables.
Il n’en demeure pas moins que cette différence d’appréciation nuit à la transparence dans la présentation des comptes. J’aurais préféré, pour ma part, que l’on respecte les observations de la Cour des comptes.
Je retiens de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est soumis l’ampleur des données qu’il tait, pour ne pas dire qu’il camoufle, et je constate l’étendue des mesures qu’il reporte à plus tard.
Par ailleurs, il est oublieux de l’engagement du Gouvernement d’éclairer les parlementaires, afin qu’ils puissent en débattre en toute connaissance de cause.
Dans ces circonstances, la question de la sincérité du Gouvernement se fait lancinante, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est plus sincère que jamais !
Mme Annie David. … et les conditions ne sont pas réunies pour entamer sérieusement l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Je vous demande d’en prendre acte, mes chers collègues, en votant la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour aller plus vite ?
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, initiés au débat parlementaire, vous aurez tous compris que la motion tendant à opposer la question préalable permet à nos collègues du groupe CRC de développer des propos qu’ils n’auraient pas eu le temps de présenter lors de la discussion générale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Pas du tout !
M. François Autain. Ce n’est pas un argument !
Mme Annie David. C’est un procès d’intention immérité !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si je me réfère, madame David, à l’exposé des motifs de la motion que vous avez présentée, aucun des éléments sur lesquels vous vous appuyez n’est fondé.
Vous faites valoir le caractère irréaliste des estimations macroéconomiques, mais vous avez sans doute préparé votre intervention avant le débat sur la programmation des finances publiques qui s’est déroulé voilà quelques jours et au cours duquel le Gouvernement a annoncé qu’il révisait ses prévisions macroéconomiques.
Mme Annie David. Sauf qu’il le fait en pleine discussion parlementaire !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous avez donc oublié de tenir compte du récent contexte lié à de nouveaux critères macroéconomiques.
Mme Annie David. Comment voulez-vous que l’on travaille ? Ce n’est pas sérieux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pour ce qui concerne la contribution supplémentaire des assurés sociaux, sans doute faites-vous référence à la contribution spéciale que nous demandons aux mutuelles.
Mme Annie David. On nous a présenté un budget insincère ! C’est faire preuve de mépris à l’égard du Parlement, et vous l’acceptez !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous rappelle que la Mutualité française s’est engagée à ne pas répercuter la taxe supplémentaire demandée par le Gouvernement sur les cotisations des assurés.
Mme Annie David. Je l’ai dit ! Mais l’engagement ne porte que sur un an !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà un argument supplémentaire de nature à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable !
Par ailleurs, Mme la ministre s’est exprimée très clairement au sujet du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » ; (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) ; nous y reviendrons tout à l’heure et ultérieurement.
Mme Annie David. On vote le budget aujourd'hui ! Ce n’est pas logique !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous aurez alors tout le loisir de formuler des propositions pour faire en sorte que l’hôpital participe, comme les soins de ville, à la maîtrise médicalisée des dépenses.
Telles sont les raisons pour lesquelles il n’a pas paru pertinent à la commission des affaires sociales d’approuver la motion tendant à opposer la question préalable, que nous vous demandons de rejeter.
Mme Annie David. Vous ne m’avez pas bien écoutée, monsieur le rapporteur !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, même si certains d’entre vous peuvent ne pas être d’accord avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, il y a bien entendu lieu d’en débattre.
Comme l’a excellemment indiqué M. le rapporteur, ce texte n’est pas caduc, au contraire !
Dans un contexte économique très fluctuant, nous avons présenté, jeudi dernier, ici même, une révision des hypothèses économiques.
Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a déposé une série d’amendements pour en tenir compte.
Mme Annie David. Nous ne les avons pas encore vus !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est ainsi que la masse salariale a été revue à la baisse à hauteur de 0,25 point en 2008 et de 0,75 point en 2009 ; nos prévisions des soldes sont donc absolument sincères. Du fait de la crise, Éric Woerth l’a rappelé hier, nous avons présenté une augmentation du déficit du régime général de près de 2 milliards d’euros en 2009.
Pour ce qui concerne le Fonds de solidarité vieillesse, la dette est reprise par la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, à hauteur de près de 4 millions d’euros.
Quant à la dette de l’État auprès de la sécurité sociale, Éric Woerth a indiqué hier qu’elle ne serait pas apurée pour les 3,5 milliards d’euros du régime général, mais que 1 milliard d’euros viendrait dans le collectif combler la dette envers les autres régimes.
Par ailleurs, vous avez parlé, madame David, du rapport sur les franchises médicales. Je regrette que vous ne soyez pas mieux informée, car, comme nous l’avons annoncé en séance publique il y a près de trois semaines, ce rapport a été publié ! Vous ne lisez pas la base de données du Sénat ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.). À l'Assemblée nationale, les députés en avaient même un exemplaire sur leur pupitre lors du débat ! Vous pouvez donc le trouver sans problème !
Mme Annie David. C’est trop facile ! Ce n’est pas un argument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Quant au rapport sur la convergence, il a déjà fait l’objet d’une longue analyse, à l'Assemblée nationale, de la part de vos collègues socialistes. Tenez-vous informée ! Ces deux rapports sont donc à votre disposition. D’ailleurs, comment les députés auraient-ils pu en discuter s’il en avait été autrement ?
Pour ce qui concerne la certification des comptes, je veux insister sur le fait que la Cour des comptes ne conteste pas la réalité des recettes, …
M. François Autain. La présentation !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … elle a simplement une vision technique sur leur rattachement à l’exercice 2007 ou 2008.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Trois points de divergence ont été soulevés par la Cour des comptes. Sur chacun d’entre eux, une solution a été trouvée, en concertation avec la Cour des comptes elle-même, pour éviter qu’elle ne conteste de nouveau les modalités de comptabilisation pour 2008.
Concernant la CSG sur les produits de placement, les déclarations remplies par les établissements bancaires et financiers seront modifiées afin de mieux identifier ce qui relève des intérêts versés pour l’année n et des intérêts versés pour l’année n+1.
En ce qui concerne la question de la compensation par l’État à l’euro près des exonérations sur les heures supplémentaires, la volonté du Parlement était claire : ne pas faire porter le risque sur les comptes du régime général. La loi n’était peut-être pas, quant à elle, suffisamment explicite ; nous allons donc la préciser dans le cadre du prochain collectif budgétaire.
S’agissant enfin de la rectification d’erreurs antérieures à propos de la répartition des créances entre les branches, la question ne se posera plus à l’avenir.
Vous voyez donc, madame David, que nous avons pris en compte les observations pertinentes de la Cour des comptes …
Mme Annie David. Tant mieux !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … et que des solutions ont été trouvées.
En conséquence, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable présentée par Mme David.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 483, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
(La motion n'est pas adoptée.)
Renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Cazeau, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°458, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009).
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la motion.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec plus de 442 milliards d’euros de dépenses, le budget de la sécurité sociale est largement supérieur aux 275 milliards d’euros du budget de l’État. C’est dire le rôle fondamental que joue la protection sociale dans l’organisation et la cohésion de notre société.
En examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous ne nous livrons pas seulement à un exercice comptable. À travers les chiffres, nous analysons un modèle social et préparons l’avenir de notre société.
Malheureusement, force est de constater que les années passent, mais que les PLFSS se ressemblent (M. le président de la commission des affaires sociales fait une moue dubitative.), …
Mme Raymonde Le Texier. … avec des hypothèses de construction insincères, des objectifs irréalistes – qui ne sont donc jamais atteints –, des déficits récurrents, des promesses fallacieuses de redressement et, surtout, une absence totale de stratégie de réforme.
En 2007, le déficit d’ensemble du régime général s’établissait à 9,5 milliards d’euros, en hausse de 8,7 % par rapport à 2006. Quant aux prévisions de déficit, elles ont été réévaluées à la hausse de près de moitié entre le PLFSS pour 2007 et celui pour 2008, qui les a rectifiées.
C’est ainsi qu’en 2007 les prévisions de déficit sont sous-évaluées à 8 milliards d’euros, puis rectifiées, en 2008, à 11,7 milliards d’euros, pour finir à 9,5 milliards d’euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, en fait 10,5 milliards d’euros, si l’on en croit la Cour des comptes, qui dénonce des manipulations comptables. Et cela fait des années que nous travaillons ainsi !
Avec ce gouvernement, l’unité de mesure en matière de loi de finances reste et demeure la « pifométrie », fortement concurrencée par la mauvaise foi !
C’est ainsi que le rapporteur qualifie pudiquement les hypothèses de construction budgétaire retenues pour 2009 de « volontaristes », tandis que l’objectif affiché de parvenir au retour à l’équilibre des comptes du régime général en 2012 a, toujours, selon lui, « le mérite de tracer une trajectoire ».
Si l’on ne parle pas le langage de cour, cela signifie qu’il n’est pas plus dupe de ce énième effet d’annonce que nous tous ici ou l’ensemble des Français. Le Gouvernement l’avait déjà promis pour 2007, annoncé pour 2010, repoussé à 2011, pour, enfin, le renvoyer aujourd’hui à 2012 ! Pas plus aujourd’hui qu’hier, vous n’êtes crédible, madame la ministre, sur les réformes qui permettraient de faire de ces promesses autre chose que des effets d’annonce !
Quant à l’adjectif « volontariste », remplaçons-le par « déconnecté de la réalité », pour avoir une idée plus juste de la qualité de ces hypothèses !
Ainsi, quand l’ensemble des experts économiques prévoit le véritable début de la récession en France au premier trimestre 2009, que les fondamentaux économiques se dégradent et que le Fonds monétaire international annonce, pour les pays développés, une des plus fortes récessions depuis l’après-guerre, le Gouvernement, au lieu de regarder la réalité en face, fuit une fois de plus ses responsabilités.
Dommage, car la sécurité sociale mérite mieux que ce travail de Gribouille ! Dommage, car la protection sociale est plus que jamais indispensable aux individus et nécessaire pour la société lorsque les temps sont durs !
Aujourd’hui, la crise du capitalisme financier se répercute sur la sphère de production et sur l’économie réelle. Les dégâts sociaux qu’elle va entraîner commencent à peine à émerger et ceux qui en seront les victimes n’ont d’autre patrimoine pour y faire face que les garanties de notre système de protection sociale.
Multiplication des taxes, des forfaits, des franchises, baisse du pouvoir d’achat : au cours des dernières années, les inégalités ont explosé. Notre pays a donc plus que jamais besoin de solidarité, de répartition, de protection et de justice. De ces impératifs, on ne trouve nulle trace dans les objectifs censés avoir présidé à l’élaboration de ce budget. Avant, c’était déjà choquant ; maintenant, cela devient dangereux !
Pourtant, la crise que nous traversons aurait pu être l’occasion de travailler ensemble sur la refondation de notre système social, et ce en conservant comme objectifs les idéaux qui ont présidé à sa construction par le Conseil national de la Résistance. Ce que nos pères ont pu faire alors qu’ils sortaient d’une des guerres les plus cruelles et les plus meurtrières du siècle, alors que leur pays était en ruine et leur économie dévastée, nous pourrions le faire de nouveau si le courage politique et l’ambition humaniste animaient ce gouvernement.
On a d’autant plus le sentiment d’une occasion manquée que cette motion de renvoi à la commission se fonde sur la qualité du travail que nous réalisons au sein de la commission des affaires sociales …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Un très bon travail en effet !
Mme Raymonde Le Texier. … et qui aurait pu être fécond, si ce gouvernement méprisait moins le rôle du Parlement.
Mme Annie David. C’est vrai !
Mme Raymonde Le Texier. En effet, si nous sommes loin de partager les mêmes idées, il n’en reste pas moins que, face à la dégradation continue des comptes de la sécurité sociale, le dialogue au sein de la commission, faisant suite aux rapports équilibrés rédigés par nos cinq collègues, a fait émerger des pistes de réformes structurelles intéressantes.
Premièrement, la question de l’efficacité des exonérations de cotisations et charges sociales et d’un usage plus ciblé de cet outil est une interrogation partagée par beaucoup d’entre nous.
Deuxièmement, la nécessité de porter les crédits destinés à la sécurité sociale au niveau des prévisions de dépenses des organismes telles qu’elles sont adoptées dans les lois de financement devrait recueillir un large assentiment. En effet, au regard de la reconstitution rapide des dettes de l’État à l’égard du régime général, constatée à peine quelques mois après l’opération d’extinction des 5,1 milliards d’euros de dettes antérieures, cette mesure s’impose.
Troisièmement, travailler sur la justice fiscale et taxer, dès le premier euro, les parachutes dorés, golden hello et autres rémunérations accessoires mobiliseraient sans doute au-delà des rangs de la gauche.
Quatrièmement, rechercher des sources de financement pérennes et continuer à travailler autour du forfait social susciteraient également nombre de propositions.
Le rapport de M. Leclerc relatif à l’assurance vieillesse vous alerte, mes chers collègues, sur la nécessité de passer d’une réforme paramétrique à une véritable réforme structurelle, en pointant deux phénomènes : la montée des inégalités entre les générations et la répartition inéquitable de l’effort contributif demandé aux différentes catégories d’assurés sociaux. C’est une réflexion qui nous semble pertinente et qu’il nous semble indispensable de mener sans attendre.
Voilà quelques exemples qui vous montrent que, en laissant aux commissions plus de temps pour travailler, les plans de financement que vous nous proposez année après année pourraient être autre chose que des architectures purement comptables, socialement inefficaces et déjà obsolètes avant même d’être votées !
Nous ne perdrions rien à procéder ainsi. De projets de loi de financement en projets de loi de financement, à force de déficits et d’accumulations de dettes, vous êtes en train d’étouffer le système. S’accorder une pause, et enfin travailler sur le fond, serait même salvateur. Mais vous préférez aller droit dans le mur en klaxonnant, pour que personne ne rate l’impact, plutôt que de prendre le temps de réfléchir aux besoins des Français et au sens de votre action.
Vous allez rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission, alors que, cette année encore, votre approche purement comptable s’est révélée désastreuse. Mais ce n’est pas un hasard : avoir une vision uniquement comptable des enjeux conduit à ne se focaliser que sur le déficit et à préparer ainsi la fin du système.
Du fait de votre inaction et de l’alourdissement des charges liées aux intérêts de l’emprunt, les finances sociales se sont encore dégradées. Le découvert de l’ACCOSS a atteint 27,6 milliards d’euros à la fin de l’année 2008, tandis que la hausse des taux d’intérêt a provoqué une montée rapide des charges financières : 930 millions d’euros en 2008, contre 648 millions d’euros en 2007. Le coût des frais financiers est supérieur de 100 millions d’euros à ce que rapporteront les franchises médicales.
Face à cette situation, votre réponse est sidérante : planquer la poussière des découverts sous le tapis de la dette ! C’est ainsi que vous transférez à la CADES 27 milliards d’euros de dettes supplémentaires. Ce transfert de déficit, vous avez le toupet de l’appeler « assainissement des comptes » ! Bel assainissement qui consiste à laisser à nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants le soin de payer votre gabegie ! Et pour quel résultat ? Si au moins le refus de travailler sur les réformes structurelles et le gaspillage des fonds publics assurait à court terme l’opulence !
Il suffit de se pencher sur la situation de la branche maladie pour constater que les déficits ne sont pas liés à l’amélioration de la santé des Français. C’est même le contraire : aujourd’hui, notre système voit les inégalités se creuser entre les populations et entre les territoires. La différence d’espérance de vie entre les régions peut atteindre cinq ans, voire dix ans, si l’on compare les zones d’emploi. En moyenne, l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d’un cadre, et l’écart tend même à s’accroître. Cela en dit long sur ce que devient avec vous le « meilleur système de santé du monde ».
Il est plus que temps de sortir de ce mensonge qui veut que la médecine soit libérale, alors qu’elle est largement socialisée. La collectivité consacre 160,7 milliards d’euros à la branche maladie, sans compter la part des mutuelles. Or, dans ce système, la solidarité repose quasi exclusivement sur les assurés et les malades. Ce sont eux qui, à coup de déremboursements, forfaits, franchises, ont supporté les efforts demandés à la branche. Cette année, faute de pouvoir encore alourdir les prélèvements par crainte d’irriter un peu plus nos concitoyens, vous ponctionnez un milliard d’euros sur le budget des assurances complémentaires.
Cette ponction ne sera pas exceptionnelle et aboutira forcément à la hausse des cotisations des ménages ou à l’augmentation du reste à charge. Dans les deux cas, c’est encore une fois l’assuré social qui servira de variable d’ajustement.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Raymonde Le Texier. Cette ponction renforcera encore les inégalités : les primes d’adhésion aux mutuelles et aux complémentaires représentent 10 % du revenu des ménages les plus pauvres et moins de 3 % pour les plus aisés.
Les premiers, pour un taux d’effort trois fois plus élevé, bénéficient de contrats offrant des garanties inférieures à celles dont bénéficient les seconds. Tout cela, vous le savez parfaitement, mais c’est moins la réalité qui vous intéresse que la façon dont vous allez communiquer, et ce malgré les sévères mises en garde formulées, entre autres, par M. Jégou au nom de la commission des finances.
Aux autres acteurs de la santé, au monde médical, à l’industrie pharmaceutique, on impose peu de mécanismes contraignants et quasiment aucune sanction. Pourtant, l’augmentation des inégalités en matière de santé s’explique par l’apparition de déserts sanitaires, les dépassements non contrôlés des honoraires, l’absence de médecins en secteur 1 dans certaines zones géographiques et l’engorgement des hôpitaux.
Dans la mesure où la rémunération de ce secteur s’appuie sur la solidarité nationale, il est temps que la question de l’organisation des soins soit clairement posée. Constitutionnellement, il existe un droit à la santé. En revanche, la liberté d’installation dans un système socialisé n’a rien d’essentiel.
Il est temps également de remettre à plat la question de la rémunération des médecins, de travailler sur la notion de forfait, de penser à de nouveaux modes d’exercice.
L’an dernier, nous vous avions déjà interpellé sur l’absence de politique de prévention et de dépistage précoce, sur l’importance du rôle des médecins à l’école et au travail, sur l’encouragement au développement des maisons de santé. Toutes ces bonnes idées ne sont pas notre propriété et nous serions ravis que vous les mettiez en œuvre, car cela améliorerait grandement la situation des Français face à la maladie.
Enfin, nous proposons de modifier les critères d’appréciation du service médical rendu par les médicaments. Aujourd’hui, la moitié des médicaments est comparée uniquement à des placebos. On devrait prévoir une deuxième étape subordonnée à des essais cliniques entre produits comparables, s’ils existent, afin d’éviter que de simples copies à peine différentes de spécialités existantes ne soient considérées comme innovantes, échappant ainsi à la concurrence des génériques. Voilà encore une piste d’action concrète.
Mme Raymonde Le Texier. Sur tous ces aspects, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne dit rien. Or, en identifiant ces problèmes, on peut dégager des axes de travail et des pistes de solution. Depuis des années, nous vous indiquons des pistes de réformes. Si vous choisissez de les ignorer, laissez donc les parlementaires travailler en commission sur ces questions dès cette année et, si le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous proposerons n’est pas parfait, du moins ne sera-t-il pas indigent !
Se pose aussi la question de la qualité de notre travail. En effet, un certain nombre de dispositions portent sur l’hôpital. Or, le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » doit être discuté en janvier prochain. L’intérêt de se positionner sur ces questions au moment de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors que des changements importants seront discutés prochainement, est très relatif. Vous vous êtes exprimée sur ce point hier, madame la ministre, en regrettant ce problème de calendrier.
Eu égard à l’importance des sommes en jeu, au renforcement des besoins de solidarité liés à la crise, il est plus que jamais nécessaire de rompre avec les demi-mesures et le conservatisme.
C’est ainsi que, si la création d’une contribution de 2 % sur l’intéressement et la participation est une démarche intéressante, sa portée devient ridicule quand elle ne porte ni sur les stock-options ni sur les parachutes dorés. Alors que les plus modestes subissent la crise de plein fouet, les plus riches échappent, une fois de plus, au devoir de solidarité.
Affronter la crise suppose de dégager des moyens nouveaux et de porter haut l’impératif de solidarité. Si vous n’y arrivez pas, laissez agir notre commission. Même si nous n’arrivons pas à nous entendre sur tout, nous serons plus créatifs et plus audacieux que vous ne l’avez jamais été.
Chers collègues de la majorité, je vous invite vivement à nous suivre en adoptant cette motion tendant au renvoi à la commission. À défaut de pouvoir faire entendre nos propres propositions, nous pourrions rechercher les moyens de faire entendre celles de nos cinq rapporteurs, incontestablement plus lucides que le Gouvernement, même si leur surmoi reprend le dessus au moment du vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame Le Texier, je serai bref pour répondre aux arguments que vous venez de développer en faveur de cette motion tendant au renvoi à la commission.
Pour commencer, je soulignerai les compliments que vous avez adressés au président et à tous les membres de la commission des affaires sociales. Vous avez considéré qu’elle effectuait un excellent travail, grâce à une participation dynamique de ses membres qui leur permet de se mettre d’accord, assez régulièrement, sur certaines propositions à caractère très technique et de dégager un consensus sur certains sujets.
Il est vrai que, lorsque nous abordons des sujets à caractère plus polémique ou politique ayant trait à la stratégie de réforme, nos points de vue divergent, ce qui paraît naturel à partir du moment où l’on distingue un groupe d’opposition et un groupe de la majorité. Sinon, nous pourrions ne constituer qu’un seul groupe !
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission travaille beaucoup, et ce depuis plusieurs semaines. Nous avons auditionné pas moins de cinq ministres, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, ainsi que des présidents et directeurs de caisses nationales, notamment de la CNAM, de la CNAV et de l’ACOSS. Nous avons examiné le rapport de la Cour des comptes ; la commission s’est réunie durant trois heures et demie. On ne peut donc pas dire que son travail ait été bâclé ou négligé.
Dans ces conditions, est-il pertinent de renvoyer le texte à la commission pour y passer de nouveau autant de temps et en arriver à des conclusions qui risquent d’être identiques ?
Je puis comprendre, madame Le Texier, que vous remettiez en cause, sur la base de votre analyse et de vos objectifs, l’ensemble de la stratégie qui sous-tend le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Vous avez fait référence à l’insincérité de l’ensemble du projet de loi, qui s’appuie sur des données macroéconomiques ne tenant pas compte de la réalité de la situation. Sur ce point, Mme la ministre a rappelé tout à l’heure à Mme David les correctifs qui ont été apportés et qui tiennent compte des observations formulées par le Fonds monétaire international, que vous avez d’ailleurs cité. (Mme Annie David proteste.)
On ne peut donc pas dire que le Gouvernement ait fait preuve d’insincérité et d’absence de transparence, au contraire ! Que vous vous interrogiez sur le caractère volontariste des propositions, c’est sans doute légitime de votre part. Vous devez cependant reconnaître que le Gouvernement et la commission ont pris en considération la modification de ces éléments macroéconomiques, ce qui nous permet de tendre vers une plus grande sincérité.
En ce qui concerne la stratégie de la réforme, elle a été annoncée dès 2004, au moment de sa mise en place. Que les résultats ne soient pas à la hauteur des espérances, chacun peut en convenir ! En tant que rapporteur, je rappelle au Gouvernement la nécessité d’aller plus loin encore dans les réformes structurelles pour atteindre le plus rapidement possible l’équilibre.
Vous reprochez un effet d’annonce, le Gouvernement ayant prévu le retour à l’équilibre en 2012. Tenant compte de la crise financière, le Gouvernement a fait lui-même son mea culpa et annoncé que le déficit serait sans doute un peu plus important que prévu à la fin de l’année 2009 et que l’équilibre ne serait peut-être pas atteint en 2012. Il s’agit donc non pas d’un effet d’annonce, mais du réalisme.
Madame Le Texier, vous avez également fait référence aux risques qu’une telle situation pouvait engendrer pour les plus fragiles de nos concitoyens. Or notre système de protection sociale est tout de même considéré comme l’un des meilleurs au monde.
Mme Christiane Demontès. Il se dégrade !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Certes, on peut considérer qu’il est encore insuffisant, mais c’est celui qui reçoit de l’État le concours financier le plus important, si on fait la comparaison avec d’autres pays.
Enfin, faites preuve de pudeur, madame Le Texier, en ce qui concerne l’insincérité des chiffres du déficit et de l’ONDAM ! Souvenez-vous des ONDAM présentés par Mmes Aubry et Guigou ! Ils étaient multipliés par deux à la fin des exercices en question ! Vous pouvez aussi faire votre mea culpa d’avoir soutenu ces gouvernements.
Mme Christiane Demontès. La sécurité sociale était alors en équilibre !
M. François Autain. Il n’y avait pas de déficit à cette époque ! Aujourd’hui, il est de 120 milliards d’euros !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous pouvez en donner acte à ce Gouvernement : l’ONDAM 2008 aura été respecté et l’ONDAM 2009 devrait l’être ! Je vous rappelle également que le premier ONDAM respecté fut celui de 1997.
Telles sont les raisons pour lesquelles le renvoi à la commission n’est pas justifié et nous vous invitons à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je voudrais tout d’abord dire à Mme David que je tiens à sa disposition le rapport sur les franchises médicales transmis au Sénat voilà plusieurs semaines.
Mme Annie David. Nous ne l’avons pas eu !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’en suis désolé, mais ce travail n’incombe pas au Gouvernement. (Mme la ministre fait remettre le rapport à Mme Annie David) Je vais également remettre aux huissiers une quarantaine d’exemplaires, à charge pour eux de vous les distribuer.
M. Guy Fischer. Et le rapport sur la convergence ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le rapport sur la convergence est sorti il y a plus d’un mois. Il a, depuis, fait l’objet d’un large débat à l’Assemblée nationale. Si vous ne l’avez pas eu, je n’y suis pour rien.
M. Guy Fischer. Où est-il ? Perdu à la commission ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Venons-en maintenant, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à la motion de renvoi à la commission déposée par Mme Le Texier et le groupe socialiste.
M. le rapporteur a très bien répondu sur les hypothèses de prévision. Nous avons révisé les chiffres sans pour autant nous livrer à des manipulations comptables. Je me suis déjà longuement expliqué sur les points de désaccord que nous avons avec la Cour des comptes ; je n’y reviendrai donc pas.
Nous nous situons dans le cadre d’une maîtrise médicalisée des dépenses avec un objectif national des dépenses d’assurance maladie en hausse de 3,3 %. Nous réalisons des transferts entre la branche vieillesse et la branche famille ainsi qu’entre l’UNEDIC et la branche vieillesse, comme cela avait été annoncé en 2003. Nous n’augmentons pas les prélèvements obligatoires. Enfin, nous traçons un certain nombre de pistes de réformes structurelles ; d’autres seront également évoquées tout à l’heure.
La réforme des allégements généraux de cotisations sociales - ou « exonérations Fillon » - constitue un vœu pieux : ce n’est vraiment pas le moment de pénaliser l’emploi ! Quant à la budgétisation des crédits de l’État destinés à compenser les exonérations pour 2009, ce sont bien les prévisions de dépenses des régimes qui ont été prises en compte.
En ce qui concerne les stock-options, le Parlement a déjà adopté, l’an dernier, une contribution spécifique patronale. Elles sont donc désormais taxées à hauteur de 14,6 % du côté des salariés et de 10 % du côté des employeurs, ce qui constitue une augmentation significative.
Enfin, s’agissant de ce que l’on appelle les parachutes dorés, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui assujettit, dès le premier euro, les indemnités de rupture supérieures à un million d’euros aux cotisations sociales. M. le rapporteur propose de renforcer encore cette mesure en assujettissant, dès le premier euro, ces parachutes dorés à la CSG et à la CRDS. C’est, me semble-t-il, une bonne proposition.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Grâce à la reprise des 27 milliards d’euros par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, le régime général économisera 1,1 milliard d’euros.
La ponction d’un milliard d’euros sur les organismes complémentaires constitue un reversement parfaitement justifié. J’ai expliqué longuement, hier, en séance, les variations du taux de couverture entre les cotisations perçues et les prestations offertes par les organismes complémentaires. J’ai évoqué aussi les réserves que ces organismes s’étaient constituées. Ce reversement correspond finalement à la prise en charge supplémentaire des affections de longue durée, les ALD, par l’assurance maladie. Les mutuelles ayant eu moins de dépenses à supporter, ce reversement est une question de justice et, comme il s’agit d’un transfert pérenne, nous avons décidé d’augmenter la taxe sur les organismes complémentaires. Nous en rediscuterons évidemment l’an prochain, ainsi que nous le faisons chaque année. Je m’abstiendrai toutefois de prendre des engagements pour les années à venir ; tout dépendra de la situation économique.
Pour toutes ces raisons, madame Le Texier, le Gouvernement ne saurait approuver cette motion de renvoi à la commission. J’ai le sentiment que nous avons discuté au fond de toutes ces questions. Nous continuerons d’ailleurs de le faire, notamment lors du débat sur l’hôpital public. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 458, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Nous allons tout d’abord examiner la première partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l’exercice 2007.
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXERCICE 2007
Article 1er
Au titre de l'exercice 2007, sont approuvés :
1° Le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|
|||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
167,6 |
172,7 |
-5,0 |
|
Vieillesse |
169,0 |
172,9 |
-3,9 |
|
Famille |
55,1 |
54,9 |
0,2 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
11,7 |
12,0 |
-0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
398,3 |
407,4 |
-9,1 |
; |
2° Le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|
|||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
144,4 |
149,0 |
-4,6 |
|
Vieillesse |
85,7 |
90,3 |
-4,6 |
|
Famille |
54,6 |
54,5 |
0,2 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
10,2 |
10,6 |
-0,5 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
290,0 |
299,5 |
-9,5 |
; |
3° Le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|
|||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Fonds de solidarité vieillesse |
14,5 |
14,4 |
0,2 |
|
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles |
14,3 |
16,5 |
-2,2 |
; |
4° Les dépenses constatées relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, s'élevant à 147,8 milliards d'euros ;
5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, s'élevant à 1,8 milliard d'euros ;
6° Le montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, s'élevant à 2,6 milliards d'euros.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Avant d’intervenir sur l’article 1er, je voudrais vous remercier, madame la ministre, des précisions que vous avez données sur les deux rapports. L’an dernier, vous aviez toutefois déclaré que vous nous les présenteriez. Peut-être vous avais-je mal compris mais, dans mon esprit, présenter un rapport, ce n’est pas simplement puiser dans une base de données des informations qui sont, par définition, à la disposition de tous.
L’article 1er de ce projet de loi, tout comme l’article 2 d’ailleurs, est d’une très grande importance, car il s’agit d’approuver les tableaux d’équilibre par branche et les dépenses constatées lors de l’exercice clos, ainsi que les montants des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de certaines recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi que ceux qui correspondent à l’amortissement de leur dette.
Ainsi, notre vote contre cet article ne vous surprendra pas : il témoigne de notre profond regret de constater l’entêtement du Gouvernement à reproduire sans cesse les mêmes erreurs.
Nous nous souvenons tous, mes chers collègues, des promesses du plan Douste-Blazy et nous nous rendons bien compte, aujourd’hui, à quel point il a été inopérant.
Il en est de même du projet de loi de M. Fillon sur les retraites, qui n’a pas permis, loin s’en faut, de réduire le déficit de la branche vieillesse. Et cela n’est pas à mettre sur le seul compte de la démographie. La réponse efficace ne passe pas, contrairement à ce que vous prétendez, par l’allongement de la durée de cotisation, ni par le pillage des quelques excédents des ASSEDIC, qui sont très utiles au vu de la crise qui touche notre pays.
Il y a eu pourtant une époque, pas si lointaine, où les comptes sociaux avaient atteint l’équilibre. Ils étaient même excédentaires ! C’était de 1998 à 2001, une période durant laquelle la gauche était aux responsabilités.
M. Paul Blanc. C’était la croissance !
Mme Annie David. Depuis, la majorité présidentielle n’a eu de cesse de multiplier les mauvais coups en direction de notre protection sociale. Les multiples cadeaux que votre majorité a distribués aux plus riches ont eu pour conséquence de tarir les ressources de la sécurité sociale. Depuis 2007, les exonérations de cotisations sociales se sont multipliées, sans être compensées. De nombreux économistes, qui ne sont pas tous de gauche, se sont d’ailleurs émus de cette situation et, depuis trois ans, les magistrats de la Cour des comptes ne cessent de la dénoncer.
Finalement, ce sont nos concitoyennes et nos concitoyens, toujours eux, qui ne cessent de payer de leur poche les milliards d’euros que vous accordez sans contrepartie aux entreprises ou aux foyers les plus riches.
En 2008, vous êtes même allée jusqu’à imposer aux malades des franchises médicales, n’hésitant pas à comparer l’assurance maladie à une assurance commerciale. C’est dire la conception qui est la vôtre de l’accès aux soins, et le sort que vous entendez lui réserver à l’avenir. Je vous renvoie par exemple aux déclarations du Président de la République sur la prise en charge de la dépendance ! Ces franchises, véritables impôts sur la maladie, sont intolérables, notamment au regard des milliards d’euros que le Gouvernement a été capable de dégager pour les marchés de la finance et de la spéculation.
Il est décidément grand temps d’entreprendre une réforme ambitieuse du financement de la protection sociale dans notre pays, en faisant en sorte que l’ensemble des revenus du travail, même indirects, soient mis à contribution. II est inacceptable que les ressources issues de la spéculation et de l’oisiveté boursière soient moins taxées que les salaires des travailleurs. Il faut revoir l’assiette des cotisations sociales, comme l’avait promis un certain Jacques Chirac, alors Président de la République, qui redécouvrait la crise sociale !
En 2007, vous nous proposiez d’adopter des tableaux d’équilibre, que nous dénoncions déjà, parce qu’ils reposaient sur des estimations très optimistes qui les rendaient insincères.
Comme vous le savez, madame la ministre, cette question de la sincérité se situera au cœur de nos débats. Récemment, la Cour des comptes a refusé de certifier le bilan de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, et n’a pas hésité à contester les chiffres mêmes du Gouvernement en des termes très sévères, constatant « des irrégularités dans la comptabilisation de certaines opérations dont elle a demandé la correction sans obtenir satisfaction ». Ainsi, selon les magistrats de la rue Cambon, le déficit pour l’exercice 2007 ne serait pas de 9,5 milliards d’euros, mais de 10,5 milliards d’euros ! Un milliard d’euros en plus, excusez du peu !
Voter en faveur de cet article reviendrait pour notre groupe à accepter votre politique et les conséquences néfastes que celle-ci a, et ne manquera pas d’avoir, pour les plus faibles de nos concitoyens. C’est pourquoi nous voterons contre cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur l'article.
M. Bernard Cazeau. L’année 2007 s’est soldée, une fois de plus, par un dérapage des comptes, le déficit général s’établissant, comme l’a rappelé Mme David, à 10,5 milliards d’euros – si l’on tient compte des problèmes soulevés par la Cour des comptes - et celui des fonds concourant au financement des régimes de base à 2,2 milliards d’euros.
Avec 4,6 milliards d’euros de déficit, l’assurance maladie continue de déraper. Le déficit de la CNAM a certes été réduit de 7,5 milliards d’euros en trois ans, passant de 12,2 milliards en 2004 à 4,6 milliards en 2007. Il diminuerait encore d’environ 600 millions en 2008, pour être ramené à 4 milliards d’euros. En juillet 2004, on nous avait pourtant promis un excédent pour cette année. On en est loin !
Le déficit de la branche vieillesse s’élève à 4,6 milliards d’euros pour 2007, contre 1,9 milliard en 2006. Les prestations augmentent de 6,1 % par rapport à 2006, ce qui était prévisible en raison des effets démographiques. Mais, loin de les juguler, les conséquences de la réforme Fillon constituent aujourd’hui l’un des obstacles majeurs qui empêchent le régime général de renouer avec son équilibre.
Quant à la branche famille, elle est excédentaire pour la première fois depuis 2003. Toutefois, comme pour l’exercice 2006, la Cour des comptes s’est déclarée en juin dernier dans l’impossibilité d’exprimer une opinion sur les comptes de la branche famille, en raison des subterfuges comptables que vous avez utilisés pour obtenir ce chiffre positif !
Enfin, la branche accidents du travail voit son déficit augmenter de 0,4 milliard d’euros par rapport à 2006, pour atteindre 0,5 milliard en 2007.
Il faut ajouter à cela le dépassement de l’ONDAM d’environ 3 milliards d’euros, essentiellement dû aux soins de ville. D’ailleurs, pour la première fois, la procédure d’alerte instaurée par la loi Douste-Blazy du 13 août 2004 a été mise en œuvre en 2007. Toutefois, compte tenu de la date tardive de son déclenchement, elle n’a eu que peu d’incidences sur la rectification des comptes, comme l’a souligné le comité d’alerte le 30 mai 2008.
Je terminerai mon intervention en faisant référence aux propos tenus en 2004 par M. Xavier Bertrand, qui, en tant que secrétaire d’État à l’assurance maladie, avait alors suivi ce texte de très près. Il déclarait alors : « Notre plan est justement crédible car, pour la première fois, il s’attaque aux problèmes structurels de notre système de soins, en créant les conditions d’un véritable changement des comportements. » On a vu ce qu’il en était, notamment pour les soins de ville ! C’est pourquoi nous voterons contre cette première partie.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article 1er.)
Article 2 et annexe A
Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi décrivant les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation, à l'article 1er, des tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2007.
ANNEXE A
RAPPORT DÉCRIVANT LES MESURES PRÉVUES POUR L'AFFECTATION DES EXCÉDENTS ET LA COUVERTURE DES DÉFICITS CONSTATÉS SUR L'EXERCICE 2007
I. - Pour le régime général, l'exercice 2007 fait apparaître un déficit de 9,5 milliards d'euros.
Trois des quatre branches du régime général ont été déficitaires en 2007.
La branche Maladie du régime général a enregistré un déficit de 4,63 milliards d'euros, la branche Vieillesse un déficit de 4,57 milliards d'euros, et la branche Accidents du travail et maladies professionnelles un déficit de 0,46 milliard d'euros. Seule la branche Famille a enregistré un excédent de 0,16 milliard d'euros.
Aucune reprise de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale n'est intervenue au titre des résultats de cet exercice 2007.
Aussi, ce déficit global a été couvert par les emprunts de trésorerie que peut conclure l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) auprès de la Caisse des dépôts et consignations ainsi que par l'émission par l'agence de billets de trésorerie sur le marché financier, le tout dans la limite du plafond fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, soit 28 milliards d'euros. Sur l'ensemble de l'année 2007, les charges financières de l'ACOSS, nettes des produits financiers, s'élèvent à 648 millions d'euros.
L'excédent de la branche Famille est resté acquis à cette branche.
II. - S'agissant des organismes concourant au financement des régimes :
1. Couverture du déficit du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) :
Le résultat du FFIPSA pour l'exercice 2007 a été déficitaire de 2,2 milliards d'euros, portant le déficit cumulé du fonds à 4,8 milliards d'euros.
Le financement de ces déficits, ainsi que du reliquat de dette du budget annexe des prestations sociales agricoles pour 0,6 milliard d'euros, a été assuré par les emprunts de trésorerie que peut conclure la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, sur délégation du FFIPSA, auprès du consortium bancaire CALYON dans la limite du plafond fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, soit 7,1 milliards d'euros.
2. Affectation de l'excédent du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) :
Le résultat du FSV pour l'exercice 2007 a été excédentaire de 0,15 milliard d'euros.
Cet excédent a permis de réduire le déficit cumulé du fonds, ramené à 4,8 milliards d'euros. Le FSV ne disposant pas de réserve et n'ayant pas le droit d'emprunter, ce déficit cumulé est inscrit au bilan en fonds de roulement négatif.
L'excédent de 2007 a permis de réduire l'endettement du fonds vis-à-vis de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) au titre de la prise en charge des cotisations de chômage. Au 31 décembre 2007, la dette vis-à-vis de la CNAVTS s'établissait, en trésorerie, à 5,3 milliards d'euros et celle vis-à-vis de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole à 0,1 milliard d'euros.
Ces montants de dette ont été financés in fine par les emprunts de trésorerie de l'ACOSS, dans les mêmes conditions que les déficits propres à la CNAVTS. En 2007, la charge d'intérêts liée aux déficits du FSV a représenté 271 millions d'euros.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’examen, par notre assemblée, de la première partie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est l’occasion de regarder dans le rétroviseur, d’analyser ce qui a été fait, ce qui n’a pas été fait, et de mesurer les conséquences, sur les comptes de notre système, des politiques que vous avez menées.
Je m’étonne que le Gouvernement ne profite pas de l’examen de cet article 2 pour chercher à connaître les véritables raisons de l’échec des plans successifs Juppé et Douste-Blazy, dont l’objectif consistait bien évidemment à rétablir l’équilibre des comptes sociaux. À tout le moins, c’est ce que MM. About et Vasselle nous ont constamment répété à cette époque pour justifier leur soutien à ces plans.
L’année 2008, marquée par les franchises médicales, s’est de nouveau traduite par une charge supplémentaire pour les assurés sociaux : les mutuelles complémentaires, que vous ponctionnez de 1 milliard d’euros supplémentaire, madame la ministre, participent déjà pour 22 milliards d’euros au financement des dépenses de santé.
Quoi que vous disiez, les assurés sociaux sont, chaque année, mis davantage à contribution, subissant, au choix, les franchises médicales, les honoraires démesurés de certains professionnels de santé ou les déremboursements massifs, notamment ceux des médicaments, même s’ils ne sont pas visibles. Ce sont autant de mesures qui pèsent lourdement sur les ménages.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce regard en arrière nous informe beaucoup sur l’avenir. L’annexe A, associée à cet article, pèse comme une chape de plomb sur les générations futures. Vos politiques, inefficaces et, surtout, inégalitaires en matière de financement, n’ont qu’une seule conséquence : l’accroissement de la dette. L’annexe A en est l’illustration.
Toutes les branches, à l’exception de la branche famille, sont en déficit. La raison en est que vous ne permettez pas un financement à la hauteur des besoins. Ainsi, puisque vous n’avez pas transféré, pour 2007, les dettes à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, a dû emprunter 28 milliards d’euros. C’est un problème majeur qui se pose pour l’agence, au conseil de surveillance de laquelle Alain Vasselle et moi-même siégeons.
La caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, la CCMSA, elle aussi, a dû, pour faire face à cette situation, emprunter plus de 5 milliards d’euros à une filiale du Crédit agricole.
Seul le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, n’a pas recouru à l’emprunt, car cela lui est impossible. Là encore, en raison de vos choix politiques, qui consistent à tarir les ressources qui lui sont destinées, le FSV, du fait de son très faible solde excédentaire pour l’année 2007, ne pourra pas, ou sinon au prix de grandes difficultés, rembourser la dette qu’il a contractée auprès de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés au titre de la prise en charge des cotisations de chômage.
Contrairement à ce qui est annoncé, et en dépit de tous les plans de rigueur qui se sont succédé, ce seront donc bien les générations futures qui auront à supporter des choix marqués par une seule volonté : inverser le financement de la sécurité sociale, en le faisant massivement supporter par les assurés sociaux eux-mêmes.
Il est question de fiscaliser davantage les ressources ; mais, comme l’a rappelé Mme Le Texier, cette orientation serait contradictoire avec la voie qui a été choisie en 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avec ce qu’avait imaginé le Conseil national de la Résistance.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article et contre l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 et l’annexe A.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’article 2 et l’annexe A.)
Vote sur l’ensemble de la première partie
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
(La première partie du projet de loi est adoptée.)
4
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Alain Vasselle, Yann Gaillard, Jean-Pierre Fourcade, Mme Nicole Bricq et M. Thierry Foucaud.
Suppléants : M. Philippe Adnot, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Denis Badré, Joël Bourdin, Albéric de Montgolfier et François Trucy.
5
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Nous allons examiner la deuxième partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l’année 2008.
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ANNÉE 2008
Section 1
Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre financier de la sécurité sociale
Article 3
Au titre de l'année 2008, sont rectifiés, conformément aux tableaux qui suivent :
1° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|
|||
|
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
|
Maladie |
175,4 |
179,4 |
-3,9 |
|
Vieillesse |
175,7 |
181,2 |
-5,6 |
|
Famille |
57,3 |
56,9 |
0,5 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,6 |
12,2 |
0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
415,6 |
424,3 |
-8,7 |
; |
2° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|
|||
|
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
|
Maladie |
151,0 |
155,0 |
-4,0 |
|
Vieillesse |
89,8 |
95,6 |
-5,7 |
|
Famille |
56,9 |
56,4 |
0,4 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
11,0 |
10,6 |
0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
303,4 |
312,3 |
-8,9 |
; |
3° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|
|||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Fonds de solidarité vieillesse |
15,3 |
14,4 |
0,9 |
|
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles |
14,4 |
17,0 |
-2,6 |
|
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 3, sur lequel je suis amenée à m’exprimer, fera l’objet d’un amendement important, qui vise à modifier substantiellement le résultat provisoire des comptes pour 2008.
À la lecture de cet article et des rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat, on aurait presque pu se réjouir que les prévisions de déficits pour l’année 2008 aient été maintenues – cela étant, l’amendement déposé par le Gouvernement tempère quelque peu ce constat – et que les prévisions de recettes correspondent à peu près à celles qui furent votées dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
En réalité, les branches vieillesse, maladie et accidents du travail-maladies professionnelles sont dans le rouge. Parmi ces trois branches, deux ont connu une progression de dépenses supérieure aux prévisions. Je ne doute pas que le Gouvernement, poursuivant dans sa logique de maîtrise des dépenses, s’y attaquera.
Pour faire face à cette situation, madame la ministre, vous n’envisagez qu’une seule catégorie de mesures : celles qui pèsent sur les dépenses. Vous vous souciez peu des recettes. Preuve en est votre entêtement à refuser d’assujettir l’ensemble des revenus du travail à la CSG et à la CRDS.
Déjà, l’année dernière, toujours dans votre logique, vous n’aviez trouvé comme seule solution que l’instauration des franchises médicales. Elles étaient censées, dans un premier temps, financer le plan Alzheimer, voulu par le Président de la République. Mais, devant les contestations grandissantes de ceux qui soulignaient qu’un plan de cette envergure ne pouvait pas être uniquement financé par ces franchises, le Gouvernement a changé son fusil d’épaule : les franchises sont alors devenues un outil de responsabilisation des malades, accusés de piller, par leur surconsommation, les comptes de la sécurité sociale.
Bref, elles sont devenues un instrument servant non pas à faire entrer de nouvelles ressources, mais à limiter certaines dépenses. En ce sens, vous avez partiellement réussi, madame la ministre. En fait, avec ces franchises médicales, qui s’ajoutent à la multiplication des déremboursements, vous avez progressivement habitué les Français à puiser dans leur budget.
Aujourd’hui, force est de constater que tailler dans le pouvoir d’achat des assurés ne permet pas de sauver notre système. En revanche, ces franchises affaiblissent un peu plus ceux qui sont le plus en difficulté.
Toutes ces mesures ne sont que des emplâtres sur des jambes de bois. Si vous poursuivez dans ce sens votre politique, les déficits ne cesseront de croître. En effet, l’INSEE prévoit que, sans mesures visant à augmenter les ressources, le déficit annuel atteindra 15 milliards d’euros en 2015.
Pourtant, vous ne faites rien, vous laissez les ressources s’amoindrir comme peau de chagrin, vous laissez filer les déficits pour après mieux dénoncer notre système, l’affubler de tous les maux et, au final, le remplacer par des assurances privées. Voilà quels sont vos véritables projets ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 491, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du 1° de cet article :
(en milliards d'euros)
|
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
Maladie |
175,2 |
179,4 |
-4,1 |
Vieillesse |
175,6 |
181,2 |
-5,6 |
Famille |
57,2 |
56,9 |
0,3 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,6 |
12,2 |
0,4 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
415,2 |
424,3 |
-9,0 |
II. - Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du 2° de cet article :
(en milliards d'euros)
|
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
Maladie |
150,8 |
155,0 |
-4,2 |
Vieillesse |
89,8 |
95,6 |
-5,8 |
Famille |
56,7 |
56,4 |
0,3 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
10,9 |
10,6 |
0,3 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
303,0 |
312,3 |
-9,3 |
III. - Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du 3° de cet article :
(en milliards d'euros)
|
Prévisions de recettes |
Prévisions de dépenses |
Solde |
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) |
15,3 |
14,5 |
0,8 |
Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles (FFIPSA) |
14,4 |
17,0 |
-2,6 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Les précisions que je vais apporter en présentant cet amendement répondront à un certain nombre d’observations qui ont été formulées sur diverses travées.
L’impact exceptionnel de la crise financière et économique que nous traversons a conduit le Gouvernement, lors de l’examen, ici même, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, à envisager de modifier un certain nombre d’hypothèses macroéconomiques qui influent sur l’évolution des comptes publics.
Ainsi, la prévision de croissance du PIB pour 2009 a été révisée à 0,5 %, au lieu de 1 %. L’inflation, quant à elle, est estimée à 1,5 %, contre 2 % dans les projections initiales.
Par cohérence, le Gouvernement a déposé sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale une série d’amendements portant sur les années 2008 et 2009 ainsi que sur les prévisions pluriannuelles. Sur chaque article présentant des tableaux d’équilibre, des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes, vous serez donc amenés à vous prononcer sur des amendements du Gouvernement.
S’agissant des recettes, les hypothèses modifiées sont les suivantes : la masse salariale est revue à la baisse de 0,25 % en 2008 – de 4,5 % à 4,25 % – et de 0,75 % en 2009 – de 3,5 % à 2,75 %. Cette révision aura des conséquences, pour le régime général, sur les cotisations et sur la CSG pesant sur les revenus d’activité, et ce à hauteur de 500 millions d’euros en 2008 et de 1,5 milliard d’euros en 2009.
Le rendement de la taxe sur les salaires acquittée notamment par les banques et les assurances est révisé à la baisse à hauteur de 200 millions d’euros en 2008 et de 400 millions d’euros en 2009.
Compte tenu de la situation des marchés financiers, le rendement de la CSG capital diminuerait de 200 millions d’euros en 2009 par rapport à la prévision initiale.
Concernant les dépenses, sous réserve de l’application de l’indexation sur l’inflation prévisionnelle conformément à la loi, le Gouvernement propose de maintenir les objectifs de dépenses, en particulier l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM.
La révision des prévisions de chômage contribue par ailleurs à augmenter les charges du FSV au titre de la prise en charge des cotisations chômage.
En termes de soldes, ces révisions conduisent à revoir à la hausse le déficit du régime général, de 400 millions d’euros en 2008 et de 1,9 milliard d’euros en 2009.
Le déficit de 2008 serait alors de 9,3 milliards d’euros : un déficit de 4,2 milliards d’euros pour la CNAM et de 5,8 milliards d’euros pour la CNAV.
En 2009, le déficit du régime général s’établirait à 10,5 milliards d’euros, dont 4,6 milliards d’euros pour la CNAM et 5,3 milliards d’euros pour la CNAV.
L’amendement nos 491 porte sur les comptes de 2008 du régime général, de l’ensemble des régimes et du Fonds de solidarité vieillesse.
Les prévisions de recettes de l’ensemble des branches du régime général sont révisées de près de 500 millions d’euros. Les objectifs de dépenses de chacune des branches étant inchangés, les soldes sont également révisés de 500 millions d’euros à la baisse.
Toutes ces données sont cohérentes avec les explications détaillées que M. Woerth vous a longuement exposées hier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie. Cette volonté de sincérité du Gouvernement sur les comptes de 2008…
M. Bernard Cazeau. C’est un peu tard ! Il aurait fallu le faire plus tôt !
M. Alain Vasselle, rapporteur. …ne peut qu’être saluée par la commission. Aussi, elle émet un avis favorable sur cet amendement. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mme Pasquet a tout dit !
M. Guy Fischer. Certes ! Pour autant, je tiens à indiquer que notre groupe prend acte des rectificatifs apportés par le Gouvernement. Le nouveau déficit prévisionnel est désormais de 10,5 milliards d’euros.
Nous ne pouvons néanmoins nous départir d’une interrogation : les rectificatifs des différentes données macroéconomiques sont-ils à la mesure de ce qui va se passer ? À lire la presse économique et à entendre les économistes, tout le monde pense que l’année 2009 sera très difficile, et même l’une des années les plus difficiles depuis 1945.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes sur l’année 2008 !
M. Guy Fischer. Effectivement, mais Mme la ministre a également évoqué 2009.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On verra tout à l’heure !
M. Guy Fischer. La croissance n’est-elle pas surestimée ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De 0,1 ou 0,2 %, peut-être !
M. Guy Fischer. Certaines personnes disent qu’elle sera négative en 2009.
Quelles seront les conséquences de la violente explosion du chômage sur les comptes de l’UNEDIC. La presse économique fait état de 180 000 à 200 000 suppressions d’emploi. Je ne veux pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais je considère que ces données ne peuvent pas être absentes de ce débat, car on peut craindre que cette situation ne pèse sur le budget des salariés les plus pauvres et des plus démunis.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Nous prenons bien évidemment en compte la rectification qui vient de nous être exposée par Mme la ministre et que M. Woerth nous avait annoncée hier.
Il est dommage qu’elle n’ait pas eu lieu plus tôt. M. Woerth, voilà seulement quelques jours, lors de son audition par la commission des affaires sociales, se fondait sur des chiffres parfaitement irréalistes : une masse salariale de l’ordre de 4 et une croissance de 1 %. Le FMI, pourtant toujours très modéré, prévoit une croissance négative de 0,5 %.
Cette rectification n’est que partielle et il faudra sans doute la revoir.
M. François Autain. On verra cela l’année prochaine !
M. Bernard Cazeau. Nous découvrons la crise économique dans nos départements, et le mien est particulièrement touché. Elle est consécutive à la crise financière qui, en dépit des mesures prises par le Gouvernement, a du mal à se résorber. Certaines banques restent dans une situation fragile.
La crise économique sera probablement très sérieuse. Nous sommes déjà confrontés à de nombreux licenciements, aussi bien dans les grandes entreprises que dans les PME.
Je suis donc très réservé. Certes, on ne va pas dire que c’est la faute du Gouvernement. Le rôle du Gouvernement, c’est de prendre en compte ces difficultés,…
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est la raison pour laquelle il a rectifié les tableaux !
M. Bernard Cazeau. …sans essayer de nous faire croire, en s’appuyant sur des chiffres quelque peu optimistes, que demain sera meilleur.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I. - Au titre de l'année 2008, l'objectif d'amortissement rectifié de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale est fixé à 2,8 milliards d'euros.
II. - Au titre de l'année 2008, les prévisions rectifiées des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites sont fixées à 1,9 milliard d'euros.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 4 n’est pas sans nous interroger.
Vous prévoyez qu’au titre de l’année 2008 les produits affectés au Fonds de réserve des retraites devraient dépasser les prévisions initiales.
Dans un de ses numéros, Le Canard enchaîné…
M. Guy Fischer. Absolument, madame la ministre : il n’y a pas beaucoup d’erreurs !
M. Alain Gournac. C’est de la publicité !
M. Guy Fischer. Vous redoutez Le Canard enchaîné, madame la ministre.
M. Guy Fischer. Le 9 avril dernier, Le Canard enchaîné dévoilait une information importante et inquiétante : le FRR aurait perdu 3,1 milliards d’euros.
Soucieux d’équilibrer mes sources, j’ai bien entendu lu d’autres articles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez lu l’Humanité !
M. Guy Fischer. Pour équilibrer mes sources, je me réfère toujours à deux autres journaux : Les Echos et Le Figaro. En général, Le Figaro de M. Dassault, c’est la voix du Gouvernement : on veut présenter un projet de loi, on va chez Dassault ! (Sourires.)
Le Fonds de réserve des retraites aurait donc perdu 3,1 milliards d’euros et son rendement aurait diminué de plus de 14 %.
Ces chiffres nous interrogent. En recherchant sur le site internet du Fonds de réserve des retraites, j’ai pu consulter la constitution de ce fonds.
Il semble composé principalement par des placements français. Mais on trouve également des placements américains et on avance même le chiffre de 200 millions d’euros de pertes, rien que pour les frais de change.
Le Fonds est constitué de 30 % d’obligations et de 70 % d’actions, dont la majorité – 30,9 % – sont investies dans le domaine de la finance alors que 11,3 % le sont dans les biens et services ; c’est-à-dire dans les domaines les plus touchés par la crise financière et bancaire qui ébranle le monde entier.
Vous comprendrez donc, madame la ministre, que nous nous interrogions sur la nature de ce fonds et sur son rendement.
Comment les rendements pourraient-ils être à la hauteur des enjeux à venir alors que l’on ne connaît pas encore les conséquences que la crise aura sur le plan mondial, ni le temps qu’elle durera.
Malheureusement, cette situation confirme ce que nous redoutions et dénoncions déjà lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1999. Mme Marie-Claude Beaudeau parlait alors d’« un cheval de Troie de la capitalisation au cœur même de notre système par répartition. Le Fonds de réserve n’est en effet pas autre chose qu’un fonds de pension collectif à l’échelle nationale ».
M. François Autain. Très bien !
M. Guy Fischer. Il nous paraît urgent de revenir à une conception plus raisonnable du financement de ce fonds. Celui-ci devait initialement être abondé du montant des privatisations, de la vente d’une quatrième licence UMTS et d’une taxe sur transactions boursières. Or, cette dernière est notoirement insuffisante et la vente de la quatrième licence est en suspens. Quant aux ressources issues des privatisations, elles ont toutes, depuis 2002, servies au désendettement de l’État.
La situation est telle que ce fonds, qui devait atteindre 150 milliards d’euros en 2020, ne dispose actuellement que de 33 milliards d’euros. Cela semble très insuffisant pour répondre aux objectifs qui lui ont été initialement attribués.
Cette chute de 14,5 % correspond à peu près à une décote de 4,5 milliards d’euros. On peut donc légitimement s’interroger sur le Fonds de réserve des retraites. (MM. François Autain et Jacky Le Menn applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, avant de répondre à vos observations, permettez-moi de vous féliciter pour votre réélection au poste de vice-président du Sénat.
M. Guy Fischer. Je vous remercie, madame la ministre. Ce sont mes collègues qu’il faut remercier.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous en laisse le soin. (Sourires.)
Les chiffres relatifs au Fonds de réserve des retraites sont parfaitement connus. Il n’est pas nécessaire de lire le journal satirique qui paraît le mercredi pour en prendre connaissance.
Au 30 septembre 2008, le montant total des actifs du fonds atteignait 30 milliards d’euros, contre 34,5 milliards d’euros au 31 décembre dernier. La valorisation des actifs du Fonds de réserve des retraites a donc bien baissé de quelque 4 milliards d’euros : c’est un effet de la crise.
Compte tenu de l’horizon de décaissement dudit fonds, qui est fixé à 2020, les plus-values ou moins-values enregistrées ne constituent à ce stade, et ce quelles que soient les fluctuations à la hausse ou à la baisse des marchés, que des plus-values ou moins-values latentes. Elles se distinguent ainsi des plus-values ou moins-values réelles dégagées lors de la vente des actifs.
En raison de la très forte dégradation constatée sur les marchés mondiaux d’actions depuis le début de l’année, de l’ordre de moins 24 % – ce n’est pas un scoop ! –, la performance annuelle du Fonds de réserve des retraites s’établissait au 30 septembre 2008 à moins 14,5 %, à comparer à la dégradation constatée sur les marchés mondiaux. Cependant, dans la mesure où ce fonds est un investisseur de long terme, la stratégie du FRR doit plutôt être appréciée sur des indicateurs tels que sa performance annuelle moyenne depuis sa création. Au 30 septembre 2008, cette dernière était de 3,4 % et devrait rester positive sur l’ensemble de l’année 2008.
En tant qu’investisseur de long terme, le Fonds de réserve des retraites est légitimement fondé à placer la majeure partie de son portefeuille en actions afin de bénéficier de la plus grande dynamique sur une longue période, même en cas de crise de ce segment. Néanmoins, le fonds a pris la précaution d’investir également de manière importante non seulement sur les marchés obligataires, mais également dans des actifs diversifiés – capital investissement, immobilier, infrastructures, matières premières – pour réduire le risque global de son portefeuille. Au 30 juin, ces deux ensembles représentaient près de 40 % des actifs du Fonds de réserve des retraites.
Le FRR veille enfin à ne pas s’exposer fortement à la défaillance d’une contrepartie. Il ne peut employer plus de 5 % de son actif en instruments financiers d’un même émetteur, hors États membres et hors CADES.
De plus, concernant les 281 millions d’euros confiés à Lehman Brothers, les actifs du FRR sont sécurisés, car ségrégués des autres actifs des gérants ou de leurs fonds propres. Je rappelle, en outre, que le FRR a une réserve pérenne de 1,7 milliard d’euros au titre du 2 % sur le capital, ce qui est une sécurité, un abondement très important.
Voilà, monsieur Fischer, les précisions que je voulais vous apporter.
M. Guy Fischer. Merci, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Madame la ministre, j’ai pu constater que vous étiez très bien briefée sur le FRR. Il se trouve que j’y représente le Sénat. Je n’ai pas l’intention de répéter tout ce que vous avez dit, qui était tout à fait juste. Et je vais même éviter à M. Fischer…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Telles que Le Canard « déchaîné » (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou. …de lire Le Figaro ou Le Canard enchaîné, en lui donnant des informations, qui ont déjà été partiellement apportées par Mme la ministre.
Lehman Brothers a été au tapis il y a quelques semaines, et des sommes lui avaient été confiées. Mais, ainsi que Mme la ministre l’a indiqué, il n’y aura pas d’incidence sur ces fonds.
Je suis surpris, monsieur Fischer, car vous êtes un homme bien informé et vous n’avez sans doute pas besoin de lire le journal pour être au courant. Il vous suffisait de vous adresser à votre ami M. Le Duigou, lequel représente une organisation syndicale qui est assez proche de vous. (Sourires.) L’ensemble des organisations syndicales sont représentées au FRR, et celui-ci est géré dans un consensus réitéré, malgré les différentes crises que nous avons subies.
Le pourcentage de pertes, comme l’a très bien dit Mme la ministre, n’est pas si préoccupant, car le FRR est un investisseur de long terme. Plus trivialement, je dirais que tant que l’on n’a pas vendu, on n’a rien perdu. Pour l’instant, bien sûr, le Fonds est amputé de ces 4,5 milliards d’euros. Mais cela n’a rien de scandaleux. Bien au contraire, le FRR est dans une situation plutôt moins mauvaise que d’autres. Le Fonds, géré par la Caisse des dépôts et consignations, a su faire preuve de clairvoyance.
Puisque nous avons l’occasion d’évoquer le FRR, j’ajouterai, madame la ministre, comme je l’ai rappelé dans mon intervention d’hier, que la seule chose que l’on pourrait demander, c’est qu’il soit abondé afin de correspondre à ce que nous souhaitions, les uns et les autres, sur toutes les travées de cet hémicycle et qu’au moment opportun, c’est-à-dire dans les années 2025, il ait les moyens de participer au service de la retraite, dont beaucoup de Français auront alors besoin.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article additionnel après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 427, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 124-6 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les cotisations et les taxes liées au financement de la sécurité sociale pour les branches maladie et allocations familiales sont remplacées, à due concurrence, par une contribution dénommée « Coefficient d'Activité » dont l'assiette est déterminée par la différence entre le montant du chiffre d'affaires et le montant de la masse salariale augmentée des charges salariales afférentes. Le taux de cette contribution sera déterminé annuellement par voie réglementaire favorisant le financement de la sécurité sociale. Les sommes correspondantes seront versées par les entreprises à une caisse unique qui sera chargée de la répartition. »
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Guy Fischer. Aïe aïe aïe !
M. François Autain. Pour la méthode Coué, il faut prendre exemple sur M. Dassault !
M. Serge Dassault. Madame la ministre, mon amendement comporte deux parties. La première vise à supprimer des charges sur les salaires tout ce qui ne concerne pas les entreprises, à savoir la maladie et la famille.
En effet, ces charges, qui ne sont pas liées à l’activité industrielle ou commerciale, alourdissent les coûts de production, alors même que l’ensemble des charges représente déjà autant que le salaire net. Cela mine la compétitivité de nos entreprises à l’international.
La première partie de mon amendement vise donc à les supprimer. À mon sens, c’est indispensable, impératif. Cela représente entre 100 et 110 milliards d’euros. Leur suppression n’est donc évidemment pas simple à réaliser.
Dans la seconde partie de mon amendement, je propose une méthode pour remplacer ces 110 milliards d’euros. On peut la critiquer. Elle peut-être modifiée par le Gouvernement, s’il a d’autres solutions pour les trouver sans peser sur les salaires, et sans dégrader le solde de la sécurité sociale, voire en l’améliorant.
Cette proposition de financement concerne les entreprises, et non l’État. Elle ne grèvera donc pas son budget et n’augmentera pas les impôts des contribuables. Simplement, la charge sera transférée des salaires vers le chiffre d’affaires, pour ne plus peser sur les premiers, qui conditionnent l’emploi, la croissance et le développement économique. Si ces charges sociales reposent de façon excessive sur les salaires, il n’y aura plus de clients, on ne vendra plus rien, et ce sera le chômage généralisé.
Il faut donc supprimer ces charges, et je suggère de les remplacer par ce que j’ai appelé un « coefficient d’activité ». On peut critiquer cette proposition, on peut la trouver mauvaise, mais elle a le mérite d’exister.
Ce coefficient d’activité permettra de modifier la répartition de l’effort de financement entre les entreprises, et de moins peser sur les entreprises de services et les entreprises riches en main-d’œuvre, afin de favoriser l’emploi. Les charges seraient calculées selon un coefficient associé au montant « chiffre d’affaires moins masse salariale ».
Les coûts de production globaux, au niveau de l’économie française, ne seraient pas augmentés, puisque seule la répartition de l’effort serait modifiée.
Pourquoi le chiffre d’affaires moins les salaires ? Il s’agit de favoriser les entreprises riches en main-d’œuvre, pour contribuer au développement de l’emploi. Une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires avec beaucoup de personnel paierait moins de charges qu’une autre entreprise réalisant le même chiffre d’affaires mais utilisant moins de main-d’œuvre. Cela défavoriserait en outre les entreprises qui ont délocalisé, mais qui rapatrient leur production. Car celle-ci entre dans le calcul de leur chiffre d’affaires alors que, bien entendu, elles ne versent aucun salaire en France. Lutter contre les délocalisations est aussi l’un des objectifs de cet amendement.
Mon amendement reprend donc ces deux objectifs : supprimer ces charges et les remplacer par un coefficient d’activité. On peut certes le critiquer et se demander pourquoi ne pas augmenter plutôt la CSG, la TVA ou tel autre impôt. Mais ça, c’est l’affaire du Gouvernement, ce n’est pas la mienne. Moi, je propose une solution.
À travers cet amendement, je souhaiterais que cette proposition soit prise en compte, qu’elle soit étudiée par les services de Bercy. Et qu’ils nous disent si cela fonctionne ou ne fonctionne pas, si cela favorise trop certaines entreprises ou défavorise trop d’autres entreprises. La somme prélevée étant la même, il est évident que la répartition sera différente.
Cet amendement présente une solution globale. On peut n’en adopter qu’une partie, et supprimer des charges sur les salaires celles qui ne concernent pas les entreprises. C’est ce qui me semble le plus important.
Car ces charges peuvent être payées autrement. J’en veux pour preuve que c’est le cas dans les autres pays, où elles sont payées en fonction du chiffre d’affaires, par des taxes, ou à travers la TVA, voire par le budget de l’État, ce qui n’est évidemment plus possible chez nous. Selon ma proposition, les entreprises continueraient à les payer, mais d’une façon différente. Si l’État préfère que cela passe par des impôts supplémentaires, c’est son affaire.
Ce que je demande, au travers de cet amendement, c’est que l’on décide, si c’est possible, de ne plus faire peser ces charges sur les salaires. Il faut également prévoir, pas nécessairement en même temps, après un délai de réflexion, un nouveau mode de financement de ces charges qui fasse l’unanimité, soit celui que je présente, soit un autre, imaginé par Bercy ou par le Gouvernement.
Voilà ce que je propose. C’est très important pour les entreprises. À un moment où la compétitivité s’accroît et où l’on craint le chômage, il faut réduire le plus possible les charges pesant sur les salaires. Tel est l’objet de mon amendement, qui prévoit également une solution quant au financement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Serge Dassault n’en est pas à sa première initiative tendant à changer l’assiette des cotisations sociales qui alimentent le budget de la sécurité sociale.
Son idée de coefficient d’activité, autant que je m’en souvienne et d’après les informations qui m’ont été rappelées par la commission des affaires sociales, avait déjà fait l’objet d’une étude, lorsque Jacques Chirac, Président de la République, avait demandé que la base d’assiette des contributions sociales soit revue en tenant compte, notamment, de la valeur ajoutée.
Des experts se sont penchés sur le dossier, ont analysé l’ensemble des propositions, dont le coefficient d’activité. Il est ressorti de cette étude qu’il était urgent d’attendre et qu’il y avait lieu de pousser un peu plus loin les investigations avant de se lancer dans une réforme de cette nature.
La commission des affaires sociales a considéré que l’amendement de notre collègue Serge Dassault était un amendement d’appel. C’est pourquoi elle a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat, ce qui lui permettra d’entendre l’avis du Gouvernement.
Enfin, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ne serait-il pas opportun que la commission des finances et la commission des affaires sociales créent un groupe de travail spécifique qui réfléchirait à l’intérêt d’une telle proposition et qui mesurerait les éventuels effets pervers ?
Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible d’adopter un tel dispositif au travers d’un simple amendement, à l’occasion de l’examen d’un PLFSS.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut mesurer les conséquences qui pourraient en résulter pour l’ensemble de notre activité économique, pour toutes nos entreprises, des plus petites aux plus grandes, pour les activités artisanales comme pour les activités commerciales.
Tout cela mérite une plus longue réflexion. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, demande que nous réfléchissions à une réforme de la taxe professionnelle, notamment pour extraire de sa base la masse salariale et l’investissement. Car il considère que cela est contre-productif pour l’emploi. Au moment où cette réflexion est engagée, il serait sans doute pertinent de se pencher également sur l’assiette des cotisations qui financent la sécurité sociale et sur l’opportunité de la modifier.
Y a-t-il une assiette miraculeuse qui permettrait de sauvegarder l’emploi, de préserver le dynamisme et la compétitivité des entreprises tout en assurant à la sécurité sociale des recettes suffisamment dynamiques pour garantir la couverture des besoins de nos concitoyens en matière de santé ?
Chacun convient qu’aujourd’hui les progrès de la recherche, l’innovation, les acquis en matière de technologie, les nouvelles molécules, représentent un coût indéniable, qu’il faut être en mesure de financer. Il est illusoire de croire que les dépenses de santé diminueront. Nous essayons de les contenir et, ce faisant, d’avoir des recettes suffisamment dynamiques pour en assurer la couverture.
Monsieur Dassault, il s’agit non pas de mettre votre idée au « placard » ou au « Frigidaire », mais de l’explorer, de l’analyser et d’aller plus avant, si le Gouvernement partage ce point de vue et si la Haute Assemblée s’y montre favorable. Je vous demanderai donc, le moment venu, de retirer votre amendement, au bénéfice de cet engagement d’étudier plus précisément votre proposition.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comme l’a excellemment relevé M. le rapporteur, la réforme proposée par M. Dassault, à l’évidence, n’est pas une petite réforme : c’est une réforme structurante, une réforme d’ampleur, qui ne peut sans doute pas être traitée à travers un amendement.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition, d’abord pour la raison de forme qui vient d’être exposée, mais aussi parce que les premières études détaillées qui ont été menées sur ce sujet depuis 2006 ne sont pas concluantes.
Un groupe de travail sur l’élargissement de l’assiette des cotisations employeurs de sécurité sociale a consacré dans son rapport public une large place à ce schéma. Les simulations issues des modèles dont dispose l’administration indiquent que, pour une baisse de 4 points des cotisations sociales financée par ce nouveau prélèvement, l’effet à long terme sur la croissance serait une diminution de 1,2 point du produit intérieur brut et la perte de 32 000 emplois. Les transferts entre entreprises seraient par ailleurs considérables et pourraient déstabiliser des pans entiers de l’économie. Le rapport précise que ce type de prélèvement pénaliserait tout particulièrement des secteurs comme l’industrie automobile, dont nous connaissons les difficultés actuelles, ou le commerce.
Par ailleurs, les avis du Conseil d’analyse économique et du Conseil d’orientation pour l’emploi, émis il y a deux ans, vont exactement dans le même sens. Le Conseil d’analyse économique fait état de son scepticisme sur le sujet. Quant au Conseil d’orientation pour l’emploi, il a conclu que le coefficient emploi-activité, que certains désignent déjà par le sigle « CEA », semble présenter d’importants inconvénients. La principale interrogation porte sur la justification économique d’un tel prélèvement, qui, en reposant sur le chiffre d’affaires, provoque une taxation en cascade que la création de la TVA avait justement cherché à éviter. Les membres du Conseil d’orientation pour l’emploi ont donc, pour cette raison, rejeté l’option du CEA.
Nous sommes donc devant trois avis convergents. Aussi, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, le Gouvernement exprime sa disponibilité, et si des analyses complémentaires et une étude devaient être menées conjointement par la commission des affaires sociales et par la commission des finances, il apporterait bien évidemment sa part à la réflexion.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En l’état actuel des travaux déjà réalisés, cependant, le Gouvernement, tout en réaffirmant sa disponibilité, n’émet pas d’avis favorable sur la proposition de M. Dassault.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Mes chers collègues, mon explication de vote ne vous surprendra guère !
Je voudrais faire miens les propos tenus hier devant la commission par notre collègue Dominique Leclerc, selon qui la protection sociale doit reposer sur la solidarité nationale. J’ai déjà indiqué en commission que je partageais ce point de vue ; je le répète ici, parce que cela me semble effectivement important : la protection sociale doit continuer d’être fondée sur la solidarité nationale.
Tout à l’heure, M. le rapporteur et Mme la ministre rappelaient, à la suite de M. Fischer et de Mme Le Texier, que notre système de protection sociale était très envié et qu’il était sans doute le meilleur au monde aujourd’hui.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, il l’est encore !
Mme Annie David. Nous regrettons, pour notre part, la dégradation qu’il connaît depuis quelques années. S’il conserve néanmoins un tel niveau de qualité, c’est bien parce qu’il a été fondé, au sortir de la guerre, sur des bases de solidarité nationale.
La proposition de M. Dassault montre clairement que la question que nous devons nous poser est de savoir quel système de santé et de protection sociale nous voulons. Souhaitons-nous qu’il continue de permettre à tous nos concitoyens de se soigner quels que soient leurs revenus, ou bien voulons-nous qu’une grande partie d’entre eux ne puissent plus se soigner parce qu’ils n’en auraient pas les moyens, comme cela se pratique dans d’autres pays, où, effectivement, les cotisations sociales des entreprises sont moindres ? Telle est bien la question à laquelle nous devons répondre, y compris à travers la réflexion que M. le rapporteur et Mme la ministre proposent de lancer.
Si nous optons pour un système de santé reposant sur la solidarité nationale, comme c’est le cas aujourd’hui, tout un chacun doit y contribuer par des cotisations. Si nous choisissons d’imiter certains pays extrêmement libéraux, les plus riches pourront se soigner et les pauvres resteront dans la rue sans pouvoir accéder aux soins.
Il est donc bien évident, mes chers collègues, que le groupe CRC ne peut absolument pas adopter l’amendement proposé par M. Dassault.
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. Madame, vous avez mal compris ce que je souhaitais : il n’est pas question pour moi de diminuer la protection sociale.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Y aurait-il une incompréhension ?
M. Serge Dassault. Il s’agit simplement de modifier la base de calcul de la contribution des entreprises, la somme que celles-ci verseront finalement restant égale, voire s’avérant supérieure.
Mme Annie David. Vous supprimez les recettes de la protection sociale !
M. Serge Dassault. Il faut faire un choix. La situation actuelle est mauvaise Si nous nous y cramponnons, si toutes les charges restent assises sur les salaires, cela aboutira à une augmentation du chômage. Ce n’est la volonté de personne, et certainement pas la vôtre, madame.
Mme Annie David. Votre amendement aboutirait à plus de chômage et moins de protection sociale !
M. Serge Dassault. Il ne faut plus que la protection sociale soit, comme aujourd’hui, supportée par les salaires. Par les entreprises, oui ; mais pas par les salaires ! Sinon, les entreprises ne vendront plus rien, elles feront faillite, comme on le voit en ce moment, et la protection sociale n’existera plus parce qu’elle ne sera plus financée.
C’est sur cette idée que repose ma proposition : que d’abord on indique clairement si l’on souhaite ou non que les salaires continuent de supporter ces charges ; qu’ensuite on recherche une solution pour remplacer le mode de financement actuel.
J’aurais voulu que, par l’adoption de mon amendement, nous marquions clairement notre décision que les salaires ne supporteraient plus cette charge, qui compromet gravement l’activité économique, l’emploi et le développement. De telles conséquences concernent tout le monde ! Bien entendu, l’entrée en application de cette décision devra être subordonnée à la mise en place d’un financement de substitution.
Si l’on sollicite l’avis de toutes ces commissions qui n’ont rien à voir avec le sujet, il est clair qu’elles refuseront mon idée. Pourtant, elle n’est pas stupide ! Nous l’avons étudiée, et nous avons constaté que, pratiquement, son application ne changerait rien pour le plus grand nombre des entreprises, qui contribueraient autant, mais sur une base de calcul différente. Certaines entreprises de main-d’œuvre, en revanche, paieraient moins puisqu’elles emploient beaucoup plus de personnel et que les salaires seraient déduits de l’assiette : il me semble que cela peut intéresser l’ensemble de l’hémicycle ! Enfin, les entreprises de services, de même que les entreprises d’importation, contribueraient davantage parce qu’elles emploient peu de salariés, tandis que toutes celles qui recourent à un personnel nombreux paieraient moins. Ce n’est pas forcément stupide ! Il est possible que certaines entreprises voient leur contribution fortement alourdie, je n’en sais rien : il faudrait procéder à des simulations plus poussées.
Madame la ministre, je regrette qu’une mesure aussi importante pour l’avenir de notre économie dépende de l’avis qu’émettront certaines personnes au motif qu’elles siègent dans tel ou tel organe, alors qu’elles ne sont pas forcément au fait de l’activité économique et n’en connaissent pas les problèmes réels.
C’est pourtant un point fondamental ! Si l’on continue de lier le financement de la sécurité sociale aux salaires versés par les entreprises, on va directement au chômage ! Les entreprises françaises ne vendront plus rien, elles délocaliseront, elles feront fabriquer leurs produits en Roumanie, au Maroc, en Inde ou ailleurs,…
Mme Annie David. En bref, là où il n’y a pas de protection sociale !
M. Serge Dassault. …mais pas en France !
Le problème est réel ! Je suis d’accord pour que la protection sociale existe, mais il ne faut pas la faire financer par les salaires. Tel est le sens de mon amendement. On cherchera dans un deuxième temps comment la faire payer, mais il faudra confier cette étude à des personnes compétentes, à des personnes qui sont « dans le bain », et non à des gens qui se réunissent de temps en temps pour parler de choses et d’autres.
Je le répète, je souhaiterais que le Sénat marque sa volonté que les salaires ne supportent plus cette charge tout en indiquant clairement que nous devons, d’abord, mettre au point, ensemble, le nouveau mécanisme de financement. De ce point de vue, la proposition de M. le rapporteur que la commission des affaires sociales et la commission des finances entament une étude commune est déjà un pas en avant.
C’est pourquoi, monsieur le président, je souhaiterais que, si c’est possible, le Sénat se prononce en deux temps sur mon amendement : premièrement, qu’il demande – ou non – que les charges de sécurité sociale ne reposent plus sur les salaires ; deuxièmement, qu’il décide – ou non – que rien ne changera tant que n’aura pas été trouvée, en concertation avec le Gouvernement, une méthode permettant de financer autrement ces charges sociales, par l’entreprise ou, si c’est ce que souhaite le Gouvernement, par l’impôt via une augmentation de la CSG, ou par la combinaison des deux. Mais cela dépend du Gouvernement, ce n’est pas de mon ressort !
J’ai avancé une proposition qui n’est pas forcément stupide. Encore faut-il l’étudier correctement et procéder à des simulations – au demeurant très simples.
En résumé, monsieur le président, je maintiens la moitié de mon amendement : que ces charges ne reposent plus sur les salaires à partir du moment où aura été trouvée une méthode permettant de les répartir autrement, étant entendu qu’il n’est pas question de réduire la protection sociale de qui que ce soit.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout cela n’est pas très normatif !
M. François Autain. C’est plutôt un vœu !
M. le président. Mon cher collègue, vous souhaitez maintenir la moitié de votre amendement, mais il est fort difficile en l’état actuel de déterminer quelle partie de votre texte il convient de conserver. Dans la mesure où la dimension normative de votre proposition est assez modeste, nous pouvons en convenir, et n’ayant pas été saisi du texte écrit d’un amendement rectifié, je proposerai à l’assemblée de se prononcer sur l’amendement no 427 tel que nous l’avons sous les yeux.
M. Serge Dassault. Sur la moitié seulement !
M. le président. Mais, mon cher collègue, je ne sais pas ce que c’est que la moitié d’un amendement ! Dois-je le couper dans le sens horizontal ou vertical ? (Sourires.)
M. Serge Dassault. Supprimer les charges sur les salaires, et voir plus tard comment on les paiera !
M. le président. Je souhaite infiniment vous être agréable, mais je crois que, pour préserver la qualité de la loi, il est préférable de voter sur un texte. Peut-être pourriez-vous le lire de manière précise ?
M. Serge Dassault. Au nom de l’économie et de l’emploi, je maintiens mon amendement.
M. le président. J’ai veillé à ce que vous ayez largement le temps de vous expliquer tant dans la présentation de l’amendement que lors de l’explication de votre vote. Je vais donc mettre aux voix l’amendement no 427.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, est-il possible de suspendre la séance pour tenter de trouver un accord ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de suspension ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mon collègue me pardonnera, mais il me semble, monsieur le président, qu’à ce point du débat il vaut mieux ne pas suspendre.
Je souhaite le retrait de cet amendement, qui n’est pas normatif, afin que nous puissions, comme s’y sont engagés le rapporteur et la ministre, travailler sur ce sujet, lequel est fort complexe.
Cet amendement favoriserait-il l’emploi ? Oui, peut-être, si l’on retenait des salaires moyens, ou un SMIC affecté d’un certain coefficient… La question mérite réflexion, et ce ne sont pas cinq minutes de suspension qui permettront de la régler.
Je souhaite que l’amendement, s’il n’est pas retiré, soit repoussé. (M. Serge Dassault s’entretient avec ses collègues du groupe UMP.)
M. le président. Par conséquent, je ne suspends pas la séance, ce qui n’empêche pas les conciliabules actifs. (Sourires.)
Monsieur Dassault, de deux choses l’une, soit vous retirez votre amendement, soit je le mets aux voix. Quelle solution choisissez-vous ?
M. Serge Dassault. Monsieur le président, je suis soumis à la pression amicale de mes amis, qui me demandent de le retirer mais de le mettre en application…
Je souscris à la proposition de M. le rapporteur de réaliser une étude commune des solutions de remplacement du financement. Je souhaite vraiment que nous puissions y travailler, afin de parvenir rapidement à une solution.
Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est la voie de la sagesse !
M. le président. L'amendement n° 427 est retiré.
Section 2
Dispositions relatives aux dépenses
Article 5
La loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi modifiée :
1° Au II de l'article 60, le montant : « 301 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 201 millions d'euros » ;
2° À la première phrase de l'article 74, le montant : « 301 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 231 millions d'euros » ;
3° À l'article 78, le montant : « 75 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 55 millions d'euros ».
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous proposons un amendement de suppression de cet article qui vise à réduire les ressources de deux fonds et d’un établissement, pour un total de plus de 200 millions d’euros.
Avec cet article, vous nous faites la démonstration que le Gouvernement, placé devant l’urgente nécessité de trouver de nouvelles ressources, cherche à « racler les fonds de tiroirs » et à faire des économies, au lieu de rechercher des ressources pérennes.
Ainsi, vous proposez de geler 100 millions d’euros de crédits affectés au Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS, au seul motif que les crédits n’auraient pas été utilisés dans leur intégralité.
Nous aurions pu le comprendre s’il y avait eu au préalable une information de qualité sur l’utilisation de ce fonds, la destination des sommes engagées et leur efficacité. De même, nous aurions pu attendre de Mme la ministre une information sur la nature des sommes non utilisées et sur les causes de cette sous-consommation. Cela aurait permis à la représentation nationale d’échanger avec vous, madame la ministre, sur ce que devraient être les missions de ce fonds.
Nous aurions pu, par exemple, débattre de l’opportunité de financer par ce fonds une partie du dossier médical personnel, qui joue chaque année l’arlésienne. Les sommes initialement prévues étaient très élevées et on revient à une situation plus normale. Néanmoins, la mise en œuvre du dossier médical personnel est repoussée d’année en année.
La situation excédentaire de ce fonds démontre que le Gouvernement a échoué à régler un certain nombre de problèmes. Ainsi, il n’a pas su développer, comme nous le proposions, l’exercice pluridisciplinaire en maison de santé. C’est l’une des difficultés majeures.
Aussi, en gelant ces crédits, il y a fort à parier que vous contribuerez plus encore au creusement des dépenses de l’hôpital. Car, nous le savons, les malades qui ne disposent pas de tels lieux d’accueil et de soins primaires se dirigeront irrémédiablement vers le secteur hospitalier, en particulier aux urgences.
Voilà pourquoi nous ne sommes pas d’accord avec ces économies. Par cet amendement de suppression, nous voulions surtout pousser un « coup de gueule », madame la ministre, si vous me permettez l’expression, comme nous le ferons sur d’autres points au cours du débat.
Par l’utilisation de ces fonds, il y avait matière à améliorer les conditions de travail des personnels, à rendre l’accès aux soins plus pertinent. Nous craignons que les salariés, par ailleurs très disponibles, ne payent, par une dégradation de leurs conditions de travail, les coûts de votre rigueur budgétaire.
Nous voudrions être rassurés sur ce point, madame la ministre, et à travers nous les personnels concernés, ainsi que les bénéficiaires de ces fonds.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fischer ne s’étonnera pas que la commission ait donné un avis défavorable sur cet amendement, d’autant qu’elle souhaite aller plus loin que le Gouvernement. À cet effet, elle a adopté un amendement, que nous examinerons ultérieurement au cours du débat.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Fischer, au nom de la commission, je propose le rejet de l’amendement que vous venez de défendre.
M. Guy Fischer. C’est du parti pris !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite faire à M. Fischer une réponse complète.
Je voudrais m’expliquer sur la diminution pour 2008 des crédits du Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, mais aussi du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, ainsi que de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS.
Cette diminution prend acte de la disponibilité des crédits et du calendrier des différentes opérations financées. Elle prend en compte les engagements passés. Elle n’aura pas d’incidence sur les recettes de ces différents secteurs et ne mettra pas en cause le dossier médical partagé, auquel je suis particulièrement attachée.
L’ajustement de ces dotations pour 2008 en fonction des besoins financiers témoigne d’une bonne gestion des fonds publics. C’est au moins un point sur lequel, monsieur Fischer, nous pourrions être d’accord.
Un certain nombre de fonds sont surdotés.
La dotation du FIQCS a été fixée pour 2008 à 301 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 55 millions d’euros de reports de crédits non consommés en 2007. Sur les 356 millions d’euros du budget 2008 du FIQCS, 82 millions d’euros ont été provisionnés pour financer le GIP DMP, dont la montée en charge a été retardée puisque le dossier médical personnel a fait l’objet, cette année, d’une réorientation stratégique. N’anticipons pas nos débats, monsieur Fischer, j’y reviendrai au cours de l’année 2009.
Vous m’avez interrogée sur l’utilisation des crédits du FIQCS.
Ce fonds a été créé en 2007 pour regrouper les financements des projets nationaux et, surtout, locaux, afin d’assurer une meilleure organisation des soins et de simplifier les formalités pour les porteurs de projets. Tout cela était assez confus, il faut bien le reconnaître, ce qui nous a conduits à créer une sorte de guichet unique, en fusionnant le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville et la dotation nationale de développement des réseaux.
Le bilan d’activités pour l’année 2007 avait déjà montré une augmentation des projets financés dans le cadre de la permanence des soins et des maisons de santé pluridisciplinaires, un fort dynamisme des réseaux de santé. C’est ainsi que 1 025 projets ont été financés, 1 019 projets régionaux, 667 réseaux de santé, 27 maisons de santé pluridisciplinaires – 10 sont en cours –, 22 projets d’évaluation des pratiques professionnelles, 197 projets de permanence des soins, 12 projets d’aide à l’installation, 11 projets de développement de systèmes d’information.
D’autres projets ont continué en 2008. Souvenez-vous de l’aide accordée à 100 maisons de santé pluridisciplinaires dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Nous avons aidé toutes les maisons de santé dont les projets sont arrivés à maturité. Il est important de souligner qu’aucun projet n’a été rejeté. D'ailleurs, si d’autres projets aboutissaient, nous aurons l’occasion d’en discuter pour l’année 2009.
En résumé, les besoins sont couverts pour 2008 et, si de nouveaux besoins apparaissent en 2009, et j’anticipe là sur le débat que nous aurons tout à l’heure, nous augmenterons la dotation du FIQCS, qui a été calculé pour faire face à tous les projets présentés.
Pour ce qui concerne le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, on constate d’importants délais dans l’utilisation des crédits qui lui sont affectés. Les causes de ces retards sont multiples. En raison de ces décalages, le Fonds disposait, à la fin de l’année 2007, d’un solde cumulé de 552,1 millions d’euros, ce qui est considérable.
En 2008, le Fonds a été doté de 301 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 72 millions d’euros au titre des reports de l’année 2007 sur l’année 2008. Je vous proposerai de le moduler en fonction du rythme de consommation des crédits observé au cours des derniers exercices. C’est le b.a.-ba de la bonne gestion.
J’en viens à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Les engagements budgétaires pour cet établissement ont été importants en ce qui concerne la montée en charge des stocks de masques et la mise à niveau des produits de santé nécessaires en cas de pandémie grippale ou dans le cadre de la lutte contre les menaces bio-terroristes. Les efforts qui ont été calibrés n’ont pas nécessité l’utilisation de l’ensemble des crédits de paiement mis à la disposition de l’établissement.
Il était tout à fait légitime de calibrer le financement de l’EPRUS et des autres fonds en fonction des besoins constatés. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 94.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à la présente loi, les pensions mentionnées à ces articles, liquidées avec entrée en jouissance antérieure au 1er septembre 2008, les cotisations et salaires relevant de l'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale ayant donné lieu à un versement de cotisations jusqu'au 31 août 2008 qui servent de base au calcul des pensions dont l'entrée en jouissance est postérieure à cette même date, ainsi que les prestations dont les règles de revalorisation en vigueur au 1er septembre 2008 sont identiques, sont revalorisés au 1er septembre 2008 du coefficient de 1,008. Ce coefficient ne se substitue pas au coefficient de 1,011 appliqué au 1er janvier 2008.
Pour l'application, au titre de l'année 2008, de l'ajustement prévu au deuxième alinéa de l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la présente loi, l'évolution des prix à la consommation hors tabac initialement prévue pour l'année 2008 et ayant servi de base pour la détermination de la revalorisation effectuée au 1er janvier 2008 est majorée de 0,6 point.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Je souhaite intervenir sur cet article, qui définit le « coup de pouce » donné aux retraites à compter du 1er septembre 2008. Après avoir été revalorisées de 1,1 % selon les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année dernière, les retraites ont bénéficié d’une revalorisation exceptionnelle de 0,8 % au 1er septembre.
Avec cette dernière hausse, le Gouvernement prétend que les retraités peuvent s’estimer satisfaits. Le 16 octobre dernier, les retraités ont très clairement fait savoir que le rattrapage du 1er septembre ne leur suffisait pas. Les revalorisations successives ne couvrent pas l’inflation, qui va atteindre 2,9 % en 2008. Nos calculs n’aboutissent pas aux mêmes résultats que ceux du Gouvernement. En effet, cette évolution ne permet pas de combler les pertes cumulées du pouvoir d’achat de nombreux retraités.
À partir du moment où la revalorisation n’intervient qu’au 1er septembre 2008, il n’y a aucun rattrapage pour les huit premiers mois de l’année. Une augmentation destinée à rétablir le pouvoir d’achat des retraités devrait tenir compte des huit premiers mois de l’année et, selon nos calculs, elle devrait donc atteindre 1,3 % de plus sur l’ensemble de l’année 2008.
À partir de l’année prochaine, le calcul de la revalorisation des retraites s’effectuera au 1er avril. Nous ne discuterons pas sur ce principe, mais nous constatons que les trois premiers mois de l’année à venir ne compteront pas pour une revalorisation des retraites.
Or, sur les 0,8 % de rattrapage prévus pour l’année 2008, 0,6 % seront accordés par anticipation sur 2009. Cette avance doit être complétée par un effort supplémentaire dès le 1er janvier 2009, et ce sans attendre le 1er avril.
En outre, les revalorisations intervenues depuis ces six dernières années n’ont pas compensé l’inflation. Ainsi, l’indice général des prix a progressé de 12,19 %, tandis que les retraites augmentaient de seulement 10,82 %.
Au demeurant, l’indice général des prix minimise le renchérissement des produits de première nécessité, dont les coûts se sont envolés depuis un an. Ainsi, de septembre 2007 à septembre 2008, les prix des produits d’alimentation ont augmenté de 4,7 %, et ceux de l’énergie de 14,2 %.
Mme Patricia Schillinger. Selon certains syndicats, pour garantir le pouvoir d’achat des retraités en 2009, il faudrait une hausse de 3,7 %. Nous sommes donc loin du compte. Une véritable augmentation serait nécessaire pour garantir le pouvoir d’achat des retraités.
Comme nous pouvons le constater, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale ne tient pas compte de la crise économique.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article.
Mme Annie David. La revalorisation des retraites au 1er septembre 2008 prévue par l’article 6 ne sera de nature à compenser ni l’inflation des prix, particulièrement ceux des produits de premières nécessités, ni la perte de pouvoir d’achat que subissent de plein fouet les retraités de notre pays.
D’ailleurs, comme vient de le rappeler notre collègue Patricia Schillinger, les retraités ont tenté de se faire entendre du Gouvernement, en manifestant massivement le 16 octobre dernier. Malheureusement, madame la ministre, cette mobilisation n’aura pas suffit à vous convaincre, et la revalorisation proposée restera très inférieure au taux d’inflation, estimé à 2,9 %.
Madame la ministre, en 2003, votre majorité avait décidé d’indexer les retraites sur les prix. Au sein du groupe CRC, nous nous y étions opposés. De notre point de vue, il était préférable que les retraites soient indexées sur l’évolution moyenne des salaires. On nous avait alors promis une indexation fidèle. Aujourd’hui, force est de constater que tel n’est pas le cas. La hausse prévue en septembre suffit à peine à combler les écarts de 2007. La revalorisation de 0,8 % est insuffisante d’au moins un point, d’autant que vous y intégrez de manière prévisionnelle la hausse pour 2009. Ainsi, nous sommes loin, très loin, d’une indexation à l’identique sur l’évolution des prix.
Votre volonté de réduire les dépenses de la branche vieillesse, sans jamais chercher à trouver des recettes nouvelles, sera lourde de conséquences pour les retraités de notre pays, qui plongeront plus encore dans la précarité et la pauvreté, renonçant aux soins et se privant sur le seul poste de dépenses ajustables après les loisirs, c'est-à-dire l’alimentaire. Cela est d’autant plus vrai que c’est précisément là où les prix ont le plus augmenté !
Selon le rapport annuel du Secours catholique, qui est paru récemment, la proportion de personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans secourues par cette association est en augmentation entre 2006 et 2007.
Nous en connaissons tous la conséquence. Plus de la moitié des retraités de notre pays vivent avec moins de 1 300 euros par mois. En outre, des millions d’hommes et de femmes – d’ailleurs, il s’agit en particulier de femmes, en raison de carrières incomplètes – vivent avec 700 euros par mois, soit moins que le seuil de pauvreté.
À cet égard, je suis étonnée par les propos qui ont été tenus à l’Assemblée nationale. Selon le rapporteur du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’assurance vieillesse, M. Denis Jacquat, nos compatriotes, en particulier les retraités, n’auraient pas subi la perte du pouvoir d’achat que nous dénonçons. Il a effet déclaré ceci : « Pour un indice 100 – hors tabac – en 1990, l’évolution des prix a atteint 135,6 en 2008, contre 136,4 pour la revalorisation des pensions de vieillesse du régime général. Il n’y a donc pas eu de perte à cet égard, même si j’ai bien conscience que nos concitoyens ressentent le contraire. »
Les femmes et les hommes que nos rencontrons dans nos permanences, notamment les retraités qui peinent à boucler leurs fins de mois, qui sollicitent même parfois l’aide de leurs enfants et qui se restreignent sur tous les postes de dépense, seront heureux d’apprendre qu’ils fantasment sur leurs difficultés.
Dans une telle situation, vous avez beau jeu de proposer, sur la base du volontariat – cela débute d’ailleurs toujours ainsi –, de reculer l’âge légal de départ à la retraite. Cette mesure vient se heurter de plein fouet à la réalité de notre pays, et à la hausse considérable du chômage. Aujourd’hui, seuls 25% des salariés âgés de plus de soixante ans sont en activité.
Pour l’immense majorité des salariés, si on passe la durée de cotisation à quarante et un ans sans avoir radicalement fait reculer le chômage des plus de soixante ans, il manquera une année de cotisation. Et quatre trimestres manquants, cela représente une perte de 10 % sur le niveau des pensions !
Madame la ministre, cette baisse programmée des pensions sera d’autant plus importante que vous avez imposé, contre l’avis de la majorité des organisations syndicales représentant les cotisants, une réforme de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC, qui entérine à la fois une baisse de 30 % des pensions à venir et une hausse des cotisations.
Autrement dit, voici le message que vous faites passer aux salariés : il faut travailler plus longtemps, donc mécaniquement moins bénéficier des retraites, et cotiser plus pour moins percevoir ! Voilà votre conception du progrès ! C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Patricia Schillinger et Jacqueline Chevé applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
I. - Au titre de l'année 2008, les prévisions rectifiées des objectifs de dépenses, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont fixées à :
(En milliards d'euros)
|
Objectifs de dépenses |
Maladie |
179,4 |
Vieillesse |
181,2 |
Famille |
56,9 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,2 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
424,3 |
II. - Au titre de l'année 2008, les prévisions rectifiées des objectifs de dépenses, par branche, du régime général de sécurité sociale sont fixées à :
(En milliards d'euros)
|
Objectifs de dépenses |
Maladie |
155,0 |
Vieillesse |
95,6 |
Famille |
56,4 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
10,6 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
312,3 |
– (Adopté.)
Article 8
Au titre de l'année 2008, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie rectifié de l'ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à :
(En milliards d'euros)
|
Objectifs de dépenses |
Dépenses de soins de ville |
71,5 |
Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l'activité |
48,9 |
Autres dépenses relatives aux établissements de santé |
18,6 |
Contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
5,5 |
Contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
7,4 |
Dépenses relatives aux autres modes de prise en charge |
0,9 |
Total |
152,8 |
– (Adopté.)
Vote sur l'ensemble de la deuxième partie
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je donne la parole à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 concerne les dispositions relatives à l’année 2008. Après révision, le déficit prévu serait de 9,3 milliards d’euros, ce qui est proche des chiffres de 2007 et, vraisemblablement, de 2009.
En 2008, l’assurance maladie continue de déraper. En six ans, le déficit cumulé de cette branche s’élève à 46,5 milliards d’euros.
La particularité des dispositions relatives à l’année 2008 est la suivante : le déficit de la branche assurance vieillesse, qui était déjà le plus important en 2007, s’accroît encore, pour atteindre aujourd'hui presque 6 milliards d’euros, contre 1,9 milliard d’euros en 2006.
Ainsi, l’accélération des déficits de cette branche est impressionnante. Cela traduit l’échec de la réforme mise en place par M. François Fillon en 2003. Nous avions déjà souligné à l’époque qu’elle n’était pas financée. Je crois que cela se vérifie un peu plus chaque jour.
Vous le comprendrez aisément, compte tenu de tels chiffres, nous ne pouvons que voter contre la deuxième partie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
(La deuxième partie du projet de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame David, dans votre explication de vote sur l’article 6, vous m’avez interpellée sur l’IRCANTEC. Je vous prie de bien vouloir excuser le manque de réactivité dont j’ai fait preuve sur le moment, et je souhaite vous apporter quelques éclaircissements sur le sujet.
Je commencerai en rappelant quelques éléments de contexte.
L’IRCANTEC est un régime complémentaire obligatoire qui concerne 15 millions d’affiliés, principalement issus des trois fonctions publiques. Selon les projections financières établies par le Conseil d'orientation des retraites, le système va connaître de profondes difficultés structurelles, liées – vous l’imaginez bien – à l’évolution démographique, qui va bousculer le ratio entre cotisants et pensionnés.
De telles prévisions font apparaître un déficit technique en 2015, ce qui conduira à la consommation des réserves du régime, afin d’assurer le versement des pensions. Si nous ne faisions rien, l’épuisement des réserves et, par conséquent, la cessation de paiement des pensions interviendraient en 2025.
Les praticiens exerçant à l’hôpital, en particulier ceux qui sont dans une situation statutaire, constituent une catégorie d’affiliés spécifique, en raison de leur durée de cotisation au régime, qui est de trente ans, contre neuf ans en moyenne pour les autres catégories, de leur forte contribution, qui s’élève à 24 % des cotisations pour 17 % des cotisants, et des conséquences potentiellement très importantes sur leurs revenus différés de la modification des paramètres financiers.
Compte tenu de l’effet de la réforme du régime sur cette catégorie d’affiliés, des discussions spécifiques ont été engagées avec les quatre intersyndicats représentant les praticiens hospitaliers. Les négociations avaient été interrompues au mois de décembre 2005, en raison du constat de la très forte diminution des droits à pension de ses affiliés.
Si nous faisons le choix de l’immobilisme, l’IRCANTEC sera amenée à disparaître, ce qui n’est évidemment pas acceptable. C’est pourquoi, voilà trois semaines, son conseil d’administration a adopté une modification des paramètres, en l’occurrence une baisse du rendement de l’institution, pour rendre le régime viable jusqu’en 2040. Nous sommes en négociation avec les praticiens hospitaliers depuis au moins six mois. Une dernière réunion a eu lieu à la mi-octobre. Le niveau de pensions en cours est préservé, le régime est stabilisé et viable. Quant aux points de retraite acquis avant 2009, ils ne connaissent aucune modification.
Nous avons prévu, pour les futurs cotisants, des mesures compensatoires à hauteur de 180 millions d’euros, qui ont été proposées aux praticiens hospitaliers afin de compenser la perte de rendement. La baisse du niveau des pensions ne devrait pas dépasser 8 % en 2040.
Par conséquent, madame David, je ne souscris absolument pas aux chiffres que vous avez avancés. Le rendement des points acquis devra atteindre progressivement 7,5 % en 2017. Cela reste supérieur au rendement actuel de l’Association générale des institutions de retraites des cadres et de l’Association des régimes de retraites complémentaires, l’AGIRC-ARRCO, qui est de 5,75 %.
Tels sont les chiffres précis que je souhaitais vous communiquer sur ce dossier, madame la sénatrice.
débat thématique « l’hôpital en question »
M. le président. Sur proposition de la commission des affaires sociales, la conférence des présidents a décidé d’organiser un débat thématique sur « l’hôpital en question », avant le début de la troisième partie du projet de loi intitulée « Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour 2009 ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le moment est venu pour nous de réformer l’hôpital pour préserver un système de santé dont les Français sont fiers, et ce à juste titre.
Parce que nous ne voulons pas changer de modèle hospitalier, nous nous devons de changer l’hôpital.
Nous devons éviter deux écueils pour notre politique de réforme. Le premier serait de considérer que tout a déjà été fait, le second, que tout reste à faire.
Comme tout organisme vivant, c’est dans la durée que nos établissements de santé doivent poursuivre leur transformation.
Ces dernières années ont vu la mise en œuvre de la réforme de la tarification à l’activité – les établissements sont désormais financés à 100 % à l’activité –, ou encore la réforme de la nouvelle gouvernance hospitalière. Nous devons aller plus loin pour laisser aux établissements les moyens de s’adapter aux évolutions de notre système de soin.
Parce que nous ne pouvons pas faire payer aux générations futures les conséquences – les inconséquences, devrais-je dire – de notre inertie, parce que nous ne voulons pas leur laisser une dette impossible à régler, parce que nous voulons leur transmettre un hôpital fort et performant, nous devons rénover en profondeur notre organisation sanitaire.
Cette réforme est nécessaire. Cette réforme se fera. Elle réussira si nous parvenons à en faire la réforme de l’ensemble des personnels de l’hôpital. C’est pour cela que je m’efforce, depuis que je suis ministre en charge de la santé, de mener un dialogue social exemplaire, comme sur les comptes épargne-temps. Nous pouvons parfois regretter que ce soit plus long, mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.
Ainsi, la réforme dans le dialogue n’est pas pour moi un vain slogan : c’est un impératif.
J’ai visité nombre d’établissements de santé publics, privés, privés non lucratifs, des centres de lutte contre le cancer, et j’ai pu constater l’engagement des personnels qui les font vivre au jour le jour, et j’ai toujours entendu une seule et même volonté s’exprimer, celle de préserver le pacte de 1945 que nous ont légué nos parents et grands-parents résistants.
Telle sera donc la seule finalité de la réforme : moderniser l’hôpital pour garantir dans l’avenir, sur tout le territoire, l’accès à des soins de qualité, en sachant susciter la responsabilité de chacun.
Ma politique de santé obéit clairement à trois exigences : l’exigence d’égalité, l’exigence de responsabilité individuelle et l’exigence de responsabilité collective, autrement dit de « solidarité ».
Ainsi, nous ne pourrons assurer concrètement et améliorer pour chacun les conditions de l’accès aux soins qu’en tirant les conséquences nécessaires de la gradation des besoins de santé.
La gradation des besoins appelle une gradation des soins, qui appelle elle-même une gradation des structures.
L’adaptation de l’offre de soins aux besoins suppose ainsi de redéfinir les conditions d’une plus juste répartition des structures de soins sur le territoire.
On ne fait pas systématiquement appel au même hôpital pour des soins de suite et pour une prothèse de hanche. Ces différents niveaux appellent des réponses graduées.
Chacun doit pouvoir avoir recours au bon niveau de soins, en fonction de ses besoins : des hôpitaux de proximité pour les soins courants, les consultations et les séjours longs, des centres hospitaliers équipés de plateaux techniques performants et dotés d’équipes spécialisées pour les actes invasifs, des centres hospitaliers universitaires pour les pathologies complexes et des centres de référence pour les pathologies rares et les prises en charge très pointues.
La proximité sans la qualité renforce l’inégalité : ceux qui savent iront toujours se faire soigner dans un établissement de qualité. Au nom d’une vision erronée de la proximité, nous renforcerions l’inégalité.
En revanche, dans l’urgence, chacun, quels que soient ses revenus et son niveau d’information, se trouve à égalité. C’est pourquoi j’ai souhaité favoriser l’accès de tous aux services d’urgence en en renforçant le maillage. Les services mobiles d'urgence et de réanimation, ou SMUR, héliportés et les outils de télésanté devront également être intégrés dans les schémas des urgences.
La télésanté permet, en effet, de suivre des malades chroniques, d’établir des diagnostics à distance. Elle permet au professionnel de santé isolé de bénéficier de l’avis des experts de toutes les disciplines. Elle facilite le maintien à domicile des patients, au premier rang desquels les personnes dépendantes.
L’évolution de la médecine nous impose de changer notre vision : il est aujourd’hui illusoire de penser qu’un établissement peut tout faire tout seul. En chirurgie, comme dans d’autres disciplines, on ne fait bien que ce que l’on fait souvent et en équipe.
C’est le sens de la complémentarité que je souhaite développer entre les établissements.
La complémentarité vaut toujours mieux que l’exhaustivité. Il faut, en ce sens, que les établissements développent, chacun, des pôles d’excellence. Il n’est évidemment pas question de faire disparaître les petits établissements, mais plutôt de leur permettre de travailler ensemble pour analyser les besoins et proposer une réponse graduée à la population.
Le concept des « communautés hospitalières de territoire » va dans ce sens et, comme je l’ai annoncé, je donnerai la priorité aux établissements qui s’inscrivent dans une démarche partenariale pour les accompagnements financiers au titre des aides à la contractualisation ou dans le cadre du plan Hôpital 2012.
Améliorer les conditions d’accès aux soins, c’est aussi assurer plus également le principe de leur permanence sur le territoire.
Les systèmes ambulatoires et hospitaliers sont interdépendants. Leur collaboration est, à cet égard, indispensable. Lorsque j’ai lancé la rénovation des secteurs de permanence des soins, j’ai tenu compte des considérations géographiques ou démographiques. Il s’agit donc d’une réforme structurelle, mais aussi culturelle.
Tout service public est soumis à un impératif de qualité, qu’il soit mis en œuvre par une clinique ou par l’hôpital public. Le projet de loi entend décliner précisément les missions de service public et assurer leur financement de façon transparente.
Chaque établissement y participant devra respecter un certain nombre d’exigences, en termes d’accès aux soins, de tarifs, de qualité de service.
La qualité n’est pas qu’une abstraction. Elle est aussi, et surtout, l’effet de la pratique quotidienne des personnels médicaux et paramédicaux. La qualité du service rendu dépend d’abord, très concrètement, de l’organisation globale des ressources. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité que le projet de loi desserre les contraintes auxquelles médecins et soignants sont trop souvent assujettis, pour permettre à chacun de mieux satisfaire les exigences spécifiques à ses missions.
Parce que le soin est une « industrie de main-d’œuvre » (M. Gilbert Barbier s’exclame), dont toute la richesse est tirée par ses personnels, nous devons permettre à chacun d’évoluer, d’améliorer la qualité de ses pratiques, d’élargir ses compétences. Nous devons permettre à chacun de se concentrer davantage sur son cœur de métier, en généralisant les délégations de tâche.
Il faut tirer vers le haut les compétences de chacun. Il faut laisser à chacun la possibilité d’évoluer tout au long de sa vie, au rythme des techniques médicales. C’est la raison pour laquelle nous mènerons à terme le processus européen de Bologne et le LMD, ou licence, master, doctorat.
M. Gilbert Barbier. Ah !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Une telle intégration valorisera ces métiers et augmentera leur attractivité, au plus grand bénéfice des patients.
Il faut, dans le même esprit, repenser la formation médicale continue et l’évaluation des pratiques professionnelles. Je souhaite ainsi transformer l’obligation de formation médicale continue, qui est aujourd’hui une obligation de moyens, en obligation de résultat.
La réforme des hôpitaux, conçue pour améliorer au long cours la qualité et la sécurité des soins, ce sont les personnels qui lui donneront corps. Un hôpital, ce sont des équipes, avant d’être des équipements : des hommes et des femmes, et non des chiffres abstraits réductibles à des statistiques.
Ainsi, le nécessaire renforcement des liens entre la ville et l’hôpital implique une évolution des pratiques, une plus grande porosité entre les cultures hospitalières et ambulatoires. Ville et hôpital ne sont pas deux mondes séparés, destinés à s’ignorer.
Plus souple, plus réactif, l’hôpital de demain, pour accomplir ses missions, devra bénéficier d’un pilotage exemplaire et s’organiser, fédérer toutes les énergies autour d’un projet médical bien défini.
Ainsi, à la suite du souhait exprimé par Nicolas Sarkozy dans son discours de Bordeaux (M. Marc Daunis s’exclame), et dans la lignée des recommandations de la commission dirigée par Gérard Larcher, maintenant président du Sénat, que je tiens à remercier tout particulièrement de son rapport, je souhaite que le directeur d’hôpital dispose de tous les moyens nécessaires au pilotage d’une structure lourde qui soigne des millions de patients par an et gère des centaines de personnes au quotidien. Le secteur hospitalier, c’est près de 20 millions de séjours, près d’un million de personnes à son service. Notre pays y consacre 67 milliards d’euros par an. Nous nous devons d’être exigeants.
La responsabilisation de tous est le juste corollaire de la confiance suscitée.
Il faut, en ce sens, que chaque établissement puisse s’organiser pour rassembler les personnels dans une démarche commune visant à assurer la meilleure qualité et la plus grande sécurité des soins.
La qualité du service hospitalier suppose une véritable politique de gestion des risques opérationnels, une politique qui en appelle au sens de la responsabilité.
C’est autour d’un projet médical clairement établi que doit s’organiser l’hôpital, un projet dont chacun doit se sentir coresponsable. L’organisation en pôles sera poursuivie ; les chefs de pôles verront leur autonomie renforcée. Ce travail en commun participera de l’attractivité des carrières hospitalières. L’isolement, le sentiment d’abandon sont responsables de trop de malaise chez les praticiens hospitaliers.
C’est ainsi que sera renforcée l’efficience de notre système de santé.
Renforcer l’efficience, c’est d’abord, bien entendu, dépenser mieux. Mais cela suppose aussi des politiques de prévention mieux ciblées, une offre de soins mieux répartie, des parcours de soins plus pertinents.
Renforcer l’efficience, c’est également faciliter les recompositions utiles, notamment dans le domaine hospitalier. Les agences régionales de santé devront responsabiliser les différents acteurs en ce sens. C’est dans cette perspective que nous élargirons le champ de la gestion du risque, à l’hôpital et dans le secteur médico-social, afin d’accélérer la transformation de notre offre de soins.
Les gains d’efficience recherchés par toutes ces réformes ne constituent pas une fin en soi. Notre objectif est avant tout d’assurer à tous les Français, surtout aux plus démunis d’entre nous, la possibilité de bénéficier de soins de qualité.
Cette philosophie de la responsabilité détermine l’esprit de notre réforme.
L’exigence de transparence s’inscrit dans cette logique. Ainsi, on ne garantit pas la qualité et la sécurité en créant par décret des commissions ad hoc : on publie, par exemple, les chiffres des maladies nosocomiales. Cette transparence suscitera l’engagement responsable de tous.
C’est aussi au nom de la responsabilité que je vais faire évoluer la tarification à l’activité instaurée depuis 2005. Ce dispositif, en mettant fin à une logique d’enveloppe pour instaurer un financement en fonction du besoin des établissements et surtout des malades, constitue un progrès majeur du mode de financement des hôpitaux. Il assure des moyens aux hôpitaux pour répondre aux besoins de leurs patients.
Dès la campagne tarifaire de 2009 et dans un esprit de justice, je souhaite introduire deux inflexions visant à mieux prendre en compte la situation de précarité de certains patients et à mieux assurer la rémunération des prises en charge les plus lourdes qui peuvent toucher tout un chacun.
Le modèle actuel de tarification à l’activité ne tient pas assez compte de la situation sociale des patients.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Or de nombreuses études mettent en évidence le fait que la durée de séjours de ces patients est supérieure à la moyenne, pour toutes les pathologies.
M. Jean-Jacques Jégou. Oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La prise en charge par l’hôpital de ces patients en situation de précarité est plus longue, plus coûteuse. Or certains établissements accueillent une proportion de patients en situation de précarité plus élevée que la moyenne nationale, s’exposant ainsi à des coûts plus élevés. Je vais donc redéployer des moyens vers les établissements qui accueillent davantage de personnes en situation de précarité.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai également décidé de faire évoluer la tarification des prestations. Une nouvelle version, dite V11, entrera en vigueur pour la prochaine campagne tarifaire.
Cette nouvelle version prévoit une meilleure prise en compte des niveaux de sévérité, afin de mieux rémunérer les prises en charge les plus lourdes.
La tarification à l’activité impose un effort d’adaptation des établissements, je ne l’ignore pas. La situation de certains d’entre eux suscite l’inquiétude. Or c’est précisément parce que ces efforts d’adaptation n’ont pas toujours été réalisés à temps que nous sommes confrontés aujourd’hui à des niveaux de déficits alarmants dans certains cas.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, j’ai voulu renforcer le cadre juridique du redressement financier des établissements. Là encore, le dispositif met l’établissement concerné en situation de responsabilité. Ce n’est qu’en cas d’échec de la procédure contractuelle de redressement que la procédure de mise sous administration provisoire peut être envisagée.
Comme vous le savez, les difficultés financières des établissements sont le plus souvent le symptôme de difficultés multiples, sociales, organisationnelles, de positionnements stratégiques. Les procédures de redressement sont d’abord l’occasion d’une prise de conscience et d’une réflexion pour les établissements sur leur positionnement, leurs forces et leurs faiblesses.
Le retour à l’équilibre financier des hôpitaux est une priorité. Il est nécessaire pour préserver l’excellence de nos établissements, il est le garant de l’hôpital public dans le temps. Le Président de la République a confirmé le cap de 2012 pour le retour à l’équilibre, mais les efforts doivent commencer dès aujourd’hui. Nos grands CHU, notamment de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, des hospices civils de Lyon et de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, l’AP-HM, doivent à ce titre être exemplaires.
À tous les gestionnaires qui sont, sur le terrain, engagés dans cet effort, je dis et redis mon soutien et ma détermination à aider ceux qui s’engagent le plus.
C’est pourquoi je serai à leurs côtés pour les efforts de modernisation et d’investissement de l’hôpital.
La création de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, qui regroupera les trois structures intervenant actuellement sur les différents aspects de l’efficience – audit, investissement et systèmes d’information –, apportera une contribution décisive en fournissant une expertise, en particulier au secteur hospitalier.
Le dernier levier de mon action est l’aide à l’investissement. En consacrant une enveloppe de 5 milliards d’euros dans le cadre du plan Hôpital 2012, pour 10 milliards d’euros d’investissements, j’ai voulu accélérer la modernisation des établissements en favorisant les recompositions hospitalières et mettre en place une offre adaptée pour les vingt ans à venir. Le soutien aux projets de systèmes d’information hospitaliers qui bénéficieront d’une enveloppe d’au moins 15 % du budget Hôpital 2012 est le second levier décisif de la modernisation des établissements.
J’ai commencé à mettre en œuvre ce plan avec d’importantes exigences : pas de saupoudrage, des projets en adéquation avec les priorités régionales, favorisant les coopérations et offrant un retour sur investissement satisfaisant.
C’est bien, en effet, ma vision de l’hôpital de demain et la certitude que nous partageons des valeurs fortes qui inspirent aujourd’hui les choix d’une réforme d’envergure.
Le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires » sera, en ce sens, le principal pilier d’une politique de santé globale, conçue comme une politique de justice et de performance. Il a donné lieu à une large concertation avec les organisations syndicales, les associations de patients, les intersyndicats de praticiens hospitaliers, les syndicats de médecins libéraux, les conférences et les fédérations hospitalières, tous ceux qui participent à notre système de santé – les professionnels, les élus locaux, les patients.
La finalité générale de ce texte est d’assurer à chacun comme à tous des prestations, de prévention comme de soins, de la meilleure qualité, sans faire porter le poids d’une dette incontrôlée aux générations futures.
Les deux lignes de force de ce projet ambitieux sont la territorialisation et la responsabilisation des acteurs qu’implique l’exigence de solidarité nationale. Il déclinera le plan d’actions dans différents champs – médecine ambulatoire, hôpital, santé publique – sur la base de constats et de recommandations issus des états généraux de l’organisation de la santé, du rapport Larcher et du rapport Flajolet, mais aussi sur la base d’autres rapports, en particulier issus du Sénat. La création des agences régionales de santé, les ARS, en constituera l’un des volets essentiels.
La création de ces agences relève d’un choix stratégique fondamental : renforcer résolument le pilotage territorial au plus près des besoins de la population. Il s’ensuit deux principes constructifs pour les ARS : elles réuniront les services de l’État et de l’assurance maladie – pilotage unifié – et devront favoriser la responsabilisation de tous les acteurs – pilotage responsabilisé.
Les agences régionales de santé, malgré la technicité apparente de leur conception, tirent leur raison d’être de la nécessité d’assurer à tous nos concitoyens, sur tout le territoire, l’accès à des soins de qualité.
La finalité de cette réforme structurelle est de renforcer l’ancrage territorial des politiques de santé, qui doivent être mieux adaptées aux besoins locaux, et d’assurer une répartition plus juste de l’offre de soins, pour lutter notamment contre les déserts médicaux dont un trop grand nombre de Français, particulièrement dans les banlieues et en milieu rural, constatent avec inquiétude l’extension.
M. Guy Fischer. Là, on est d’accord !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Parce que nos concitoyens ne sont pas non plus également armés pour affronter des parcours de soins à la cohérence incertaine, il faut battre en brèche la logique du cloisonnement dont pâtit notre système, et sortir enfin de l’hospitalo-centrisme. Les agences régionales de santé y contribueront.
Elles permettront d’associer de nouveaux acteurs à la mise en œuvre de politiques de santé plus cohérentes, plus souples, mieux adaptées aux réalités territoriales : élus locaux, professionnels de santé, associations de malades, cherchant à atteindre un seul et même but, doivent s’entendre sur les moyens d’assurer à tous des soins de qualité à proximité.
La balkanisation des structures dispersent nos moyens et dissipent nos énergies.
Ainsi, la création des agences régionales de santé doit nous permettre d’unir nos forces au lieu de les disperser.
Ces agences veilleront, enfin, à assurer la simplification du système de santé, actuellement éclaté entre de multiples organismes, et à offrir un interlocuteur unique aux acteurs du système ainsi qu’à nos concitoyens qui s’y perdent.
Les principes de solidarité, de responsabilité et d’amélioration continue de la qualité en déterminent clairement l’orientation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité ouvrir un grand débat sur l’hôpital, et je vous en remercie.
Évidemment, je serai très attentive aux discussions que nous allons avoir, aux conclusions que nous allons en tirer et à toutes les observations que vous ferez. J’ai en mémoire le débat que nous avons eu l’an dernier sur la démographie médicale. Finalement, ce sont vos réflexions qui ont servi de base à de nombreux travaux. Vous retrouverez vos préconisations dans le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires ».
Nous ne pouvons pas construire notre réflexion sur l’hôpital en silos isolés. Bien au contraire, cette réflexion que vous avez souhaitée au sujet de l’hôpital nous amène à réfléchir sur l’ensemble de notre système de soins, mais, je le sais déjà, vous l’aviez compris, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie. Monsieur le président, mes chers collègues, par son propos, Mme le ministre a déjà fait un pas vers le débat que nous aurons sur le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires ».
Elle a développé dans son intervention de nombreux aspects du texte qui nous sera soumis, notamment au travers des agences régionales de santé, les ARS. Elle a exprimé la philosophie qui est celle du Gouvernement sur la place de l’hôpital dans notre politique de soin et a souligné le rôle que doit avoir l’hôpital aux côtés de l’action menée par les professionnels de santé en matière de soins de ville.
Madame le ministre, je ne sais si vous avez défloré un peu le contenu du texte dans votre intervention, mais vous nous avez en tout cas mis l’eau à la bouche ! Je ne doute pas que nombre de nos collègues vous interrogeront plus avant sur les propos que vous avez tenus devant nous ce matin.
Sachez que ma préoccupation sera de veiller à ce que la gestion du risque soit assurée par de véritables professionnels qui en ont l’expérience. Cette gestion ne doit pas être confiée à des hommes et à des femmes qui, aussi compétents soient-ils dans des domaines qu’ils ont gérés le temps de leur carrière professionnelle, n’ont pas cette expérience de gestion de longue date.
J’ai noté que vous appeliez de vos vœux une association très étroite entre les uns et les autres pour que la gestion du risque connaisse toute son effectivité, aussi bien à la ville qu’à l’hôpital. Je ne peux donc que m’en satisfaire.
Personne ne pourra relever d’éléments négatifs dans votre intervention. Sur toutes les travées de la Haute Assemblée, vous devriez trouver un certain consensus au sujet des objectifs du Gouvernement en matière de gestion de l’hôpital.
M. François Autain. Il ne faut pas trop espérer !
M. Alain Vasselle, rapporteur. À quelques nuances près ! Nous aurons l’occasion d’entendre tout à l’heure ce qu’en pensent les uns et les autres !
Ce débat sur l’hôpital s’inscrit dans le cadre des travaux qui ont été conduits par la commission des affaires sociales, en particulier par la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS. Cette dernière s’est déjà penchée sur l’hôpital et a produit un rapport. Fort probablement, elle poursuivra dans le courant de l’exercice 2009 sa réflexion et ses investigations sur ce sujet.
L’entrée en vigueur de la tarification à l’activité, la T2A, principale réforme de cette période, a constitué l’argument de la mise sous observation du système hospitalier. Cette préoccupation n’est pas uniquement la nôtre : au cours de ces quatre dernières années, l’hôpital a fait l’objet de nombreuses études menées par la Cour des comptes ou les corps d’inspection placés auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Les rapports qui en ont résulté se sont attachés à évaluer le fonctionnement et la gestion des établissements de santé publics. Leurs conclusions vont contribuer à nourrir notre débat, et ce d’autant que les constats ainsi établis sont souvent très sévères et dénoncent certaines défaillances dans la gestion de la politique hospitalière. Chacun a encore certainement en mémoire les éléments fournis pour rendre compte du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale des finances, l’IGF, sur la mise en œuvre des contrats d’objectifs dans les établissements hospitaliers par les agences régionales de l’hospitalisation, les ARH.
Je prendrai deux exemples, issus des réflexions de la Cour des comptes. Le premier porte sur la gestion prévisionnelle des ressources humaines et le second sur la modernisation du système d’information hospitalier.
Comme vous l’avez dit au début de votre intervention, madame le ministre, on ne peut pas considérer que rien n’a été fait en ce qui concerne l’hôpital, mais on ne peut pas non plus considérer que tout a été fait et laisser les choses filer ainsi.
Ces deux exemples méritent que nous nous attardions sur eux quelques instants.
En 2006, la Cour des comptes a pointé les insuffisances de la gestion de l’emploi hospitalier, qui, je le rappelle, représente 4,5 % de l’emploi salarié en France et près de 70 % des dépenses hospitalières. Mme Bachelot-Narquin a souligné toute l’importance qu’elle attachait au rôle des hommes et des femmes qui travaillent à l’hôpital et a voulu apaiser leurs inquiétudes en leur faisant savoir du haut de cette tribune qu’elle restait à leurs côtés.
La Cour des comptes a constaté que l’évolution des charges et des effectifs des établissements de santé est mal connue des autorités de tutelle, car elle est insuffisamment renseignée sur le plan statistique.
Cette situation est d’autant plus dommageable que des mutations sans précédent sont en cours dans la fonction publique hospitalière puisque, entre 2000 et 2012, près de la moitié des agents partiront à la retraite.
Or les données relatives à l’emploi présentent deux faiblesses : elles sont publiées avec retard, ce qui rend difficile l’appréhension des évolutions, et elles ne permettent pas de distinguer dans la progression des dépenses de personnel – ce qui est fort de café ! – celles qui sont liées aux revalorisations salariales de celles qui sont entraînées par des recrutements supplémentaires.
L’importance de ces données justifierait pourtant qu’un effort d’analyse soit mené afin que les pouvoirs publics puissent mieux appréhender l’évolution des effectifs et des charges salariales pesant sur les établissements de santé. Qui peut penser qu’il est possible de conduire la réforme de l’hôpital uniquement à travers la T2A et le plan Hôpital 2012 seulement au travers de la politique d’investissement, sans s’intéresser à toutes les questions qui concernent le personnel des établissements ?
Sous son apparence technique, ce sujet est crucial : il s’agit de définir les moyens dont disposent les autorités de tutelle pour accompagner les établissements de santé dans leur politique de l’emploi.
Cette amélioration de l’information statistique me semble d’autant plus importante que les annexes de la loi de financement de la sécurité sociale seront bientôt enrichies d’indicateurs spécifiques à ces sujets. Cette exigence, introduite cette année dans le texte par l’Assemblée nationale, répond d’ailleurs à une demande que j’avais exprimée au printemps dernier. Nous voilà donc satisfaits, une fois de plus. Cependant, je le regrette, il aura fallu attendre que nos collègues députés intègrent ce point pour que celui-ci devienne une réalité dans les textes législatifs.
Je me permets également, au moment où il est question des ressources humaines, de demander que chacun prenne ses responsabilités en ce qui concerne les restructurations internes à l’hôpital qui s’avèrent nécessaires : d’un côté, le Gouvernement, via la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, la DHOS, et, de l’autre, la Fédération hospitalière de France, dont j’ai entendu le responsable, M. Vincent, dans le cadre des auditions.
À partir des études comparées, on constate que certains plateaux techniques peuvent fonctionner avec moins de personnel, tout en conservant qualité et efficience, sans que les conséquences en soient tirées : une telle situation appelle des propositions de la part des directeurs d’établissements. Par ailleurs, la DHOS devrait également suivre et soutenir ces propositions afin d’éviter que les uns et les autres ne s’attendent sans prendre d’initiative ni engager les réformes nécessaires.
Outre les faiblesses constatées en matière de ressources humaines, la Cour des comptes a dénoncé d’autres retards, notamment dans la modernisation des outils de gestion utilisés par les établissements de santé – vous en avez peu parlé, madame le ministre, sauf à la fin de votre propos, en faisant référence aux agences régionales de santé. Les conclusions de l’enquête de la Cour sur les systèmes d’information hospitaliers, publiées en 2008, sont également très sévères pour l’action des pouvoirs publics et des établissements.
Je me garderai bien de dresser la liste complète des conséquences de ces retards dans le développement des systèmes d’information. Mais je constate que la facturation directe des établissements de santé vers les caisses locales d’assurance maladie va être de nouveau reportée et que toute possibilité de favoriser la transmission des informations relatives aux malades entre le secteur des soins de ville et l’hôpital pâtit de cette situation.
J’ajouterai une remarque personnelle à ce constat relatif aux systèmes d’information pour déplorer que, quatre ans après que la loi l’a rendue obligatoire, l’identification des médecins hospitaliers ne soit toujours pas effective !
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas normal !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je me souviens encore des propos tenus par M. Xavier Bertrand, ici même, alors que j’avais déposé un amendement. Le ministre m’avait demandé de retirer cet amendement, en disant qu’il allait prendre la mesure par décret, publié dans l’année m’avait-il assuré !
M. François Autain. Mais M. Bertrand promet beaucoup !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Quatre ans après, nous constatons que la situation n’a pas évolué de manière satisfaisante, ce qui empêche toujours le suivi des prescriptions des médecins hospitaliers et ne contribue guère au développement de la maîtrise médicalisée des dépenses hospitalières !
Vous pouvez demander aux médecins de ville une maîtrise médicalisée, madame le ministre, mais s’ils constatent que rien ne se fait au niveau de l’hôpital, comment voulez-vous les mobiliser pour obtenir les comportements vertueux que vous attendez d’eux ?
Je ne doute pas, madame le ministre, que vous partagerez mon irritation à ce sujet et que vous pourrez me donner des précisions sur le calendrier de mise en œuvre de cette mesure et sur les problèmes techniques que vous avez rencontrés. Quand j’ai auditionné Mme Podeur, elle a reconnu l’existence de problèmes techniques : il a donc fallu attendre quatre ans pour se rendre compte que l’on n’était pas en mesure d’identifier les médecins qui travaillaient à l’hôpital. J’avoue que certains dysfonctionnements de notre administration me laissent interrogatif !
La Cour des comptes a également dénoncé, et ce sera mon dernier exemple, les retards et les défaillances des établissements dans la mise en œuvre des nouveaux outils de comptabilité analytique. Il s’agit d’un aspect moins stratégique de la politique hospitalière, me direz-vous. Ce pourrait être le cas si la Cour ne s’était pas interrogée à cette occasion sur la fiabilité des comptes des hôpitaux, soulignant la connaissance imparfaite des actifs immobilisés et des imprécisions sur les dettes et les créances. Cette enquête me permet de faire la transition avec la santé financière des établissements car ces retards en matière de comptabilité analytique font obstacle à une appréhension correcte de la situation.
Le déficit des hôpitaux, dont vous nous avez parlé, s’élèverait à 800 millions d’euros, nous dit-on, montant qui, je le souligne, ne figure pas dans l’ONDAM. Des mesures énergiques ont été prises : tout à l’heure, vous avez fait allusion au placement sous administration provisoire de certains établissements – c’est le cas de l’hôpital d’Ajaccio –, les procédures sont révisées pour faciliter l’intervention des autorités de tutelle.
Mais, madame le ministre, je voudrais savoir si vous allez mener une politique systématique de redressement des hôpitaux en difficulté, en commençant par exemple par les quatre CHU qui concentrent 70 % du déficit des établissements à dimension régionale ? Cela me semble indispensable, aussi bien dans la perspective de la création des communautés hospitalières de territoire que pour éviter de tomber, comme l’a évoqué le rapport de l’IGAS sur les contrats de retour à l’équilibre financier, dans « une culture de déficit ».
Quelle enveloppe consacrez-vous chaque année, madame le ministre, pour aider les établissements à passer le cap difficile de la réforme ? Il serait intéressant d’en connaître le montant et la répartition entre les différents établissements de santé, ainsi que les résultats observés à travers les contrats d’objectifs.
M. Guy Fischer. Il y a des chouchous !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce manque d’information constaté en matière financière ou de ressources humaines est également palpable dans le domaine de la T2A. Le Parlement ne dispose pas d’une vision claire de la montée en charge de cette réforme. Certes, le financement des activités de médecine, chirurgie, obstétrique à 100 % dès 2008 constitue une évolution tout à fait positive, mais que de retards accumulés par ailleurs ! En plus de la facturation directe dont j’ai déjà parlé, on peut aussi évoquer les retards constatés dans la mise en œuvre du nouveau mode de calcul de la participation de l’usager aux dépenses hospitalières ou de la convergence des tarifs entre les différentes catégories d’établissements publics et privés.
Ce dernier point est, à mon sens, le plus inquiétant, car nous manquons d’informations sur l’analyse des écarts de coûts entre elles. Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, il s’agit d’une question centrale, pas uniquement pour mener à bien le processus de convergence tarifaire, mais bien pour s’assurer que l’activité des établissements est correctement rémunérée !
Certes, un rapport sur le bilan des travaux entrepris sur la mesure des écarts de coûts nous a été remis le 15 octobre – vous en avez parlé tout à l’heure, madame le ministre, en réponse à l’interpellation de Mme David et de M. Fischer –, mais ses conclusions nous ont paru bien minces ! Si l’on peut se féliciter des améliorations qui seront apportées, dès l’année prochaine, aux modalités de prise en charge de la précarité et de la permanence des soins en fonction de la sévérité de certaines pathologies, le rapport indique aussi que des études complémentaires seront nécessaires sur ces questions.
Si vos collaborateurs pouvaient vous préparer des éléments de réponse sur ce point, nous souhaiterions savoir selon quel calendrier ces études complémentaires seront réalisées et à quel moment nous pourrons en prendre connaissance. D’autres études seront-elles nécessaires – autrement dit, ne cherche-t-on pas ainsi à gagner du temps ? – et les mesures qui en résulteront permettront-elles d’atteindre les objectifs recherchés à travers la T2A : plus de transparence, plus de lisibilité entre les moyens qui vont à la T2A, aux missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, et aux missions enseignement, recherche, référence et innovation, les MERRI ?
Je regrette, par ailleurs, que ce document ne fasse aucune référence aux seize études complémentaires – pas moins ! Et on ne nous en a livré que deux ! – suggérées par l’IGAS en janvier 2006 pour évaluer, par exemple, les écarts liés aux coûts du travail ou aux surcoûts provoqués par la taille des établissements. Nous dénonçons chaque année ces écarts et aucune mesure n’est prise pour essayer d’y remédier ! Combien de temps cela va-t-il durer ? Quand nous serons arrivés au terme des seize études complémentaires, ne va-t-on pas découvrir de nouveaux problèmes et nous dire qu’il en faudra encore seize autres ?
Nous sommes conscients de l’ampleur des études à mener, et nous savons, madame le ministre, que vous avez donné une nouvelle impulsion à ce dossier : vous vous y êtes beaucoup investie. Mais nous aimerions disposer de la liste des études que les autorités de tutelle estiment nécessaires pour établir une vision complète des écarts de coûts entre les différentes catégories d’établissements, ainsi que du calendrier de leur réalisation. Je souhaite que vous puissiez nous apporter ces renseignements le plus rapidement possible, afin que tous les acteurs concernés disposent de la visibilité qu’ils doivent légitimement avoir sur ces dossiers.
Auquel cas, madame le ministre, nous n’aurons pas besoin, ni l’année prochaine, ni l’année suivante, d’organiser un débat thématique sur l’hôpital car, après l’adoption du projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », tous les problèmes auront été réglés et il appartiendra à chacun de se mettre au travail pour que les résultats soient au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis du choix du débat thématique de ce matin.
En effet, au regard des masses financières en jeu et des scénarios d’évolution de dépenses retenus, l’hôpital constitue, sans aucun doute, un important gisement d’économies. En 2008, les dépenses hospitalières devraient s’élever à 67,5 milliards d’euros, soit 44 % des dépenses d’assurance maladie.
Les réformes de l’hôpital ont déjà été nombreuses, qu’il s’agisse de la tarification à l’activité, la fameuse T2A, des plans Hôpital 2007 et, maintenant, Hôpital 2012, ou encore de la réforme du régime budgétaire et comptable des hôpitaux.
Pourtant le bilan de ces réformes est assez mitigé, comme en témoignent de nombreux rapports récents de la Cour des comptes, de l’Inspection générale des affaires sociales ou de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, présidée par notre collègue Alain Vasselle.
En ce qui concerne, tout d’abord, la situation financière des établissements de santé, les données transmises par vos services, madame la ministre, font état d’un déficit cumulé des hôpitaux de 671 millions d’euros en 2007. La Fédération de l’hospitalisation privée, que j’ai récemment rencontrée, évoque un déficit cumulé pour 2008 de près de 800 millions d’euros.
Je rappelle, à cet égard, le constat sévère dressé récemment par l’Inspection générale des affaires sociales s’agissant des contrats de retour à l’équilibre financier, les CREF, signés entre les agences régionales de l’hospitalisation et les établissements de santé. Les principales critiques de la mission portaient autant sur le contenu de ces contrats – objectifs mal définis, prévisions de recettes irréalistes, objectifs non atteints – que sur les insuffisances de pilotage et de suivi de leur mise en œuvre.
Cette situation n’est pas tenable et je souhaite connaître vos orientations en la matière. L’article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 précise et clarifie les procédures de redressement des établissements connaissant des situations financières difficiles. Il s’agit d’un premier pas mais il faudra aller au-delà lors de l’examen du projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires ».
En tant que rapporteur spécial de la mission « Santé », j’observe également que les difficultés des établissements de santé proviennent parfois des dettes du ministère – par exemple, au titre du contentieux de la sectorisation psychiatrique. Que comptez-vous faire pour solder ces dettes, madame la ministre ? Nous aurons l’occasion d’aborder à nouveau ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances.
J’observe, ensuite, que le bilan des restructurations hospitalières paraît également en demi-teinte.
Dans son rapport de septembre 2008 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes souligne la lenteur des suppressions et des reconversions de services et structures dont le maintien ne se justifie plus. Or, selon elle, cette situation tient « certes à l’insuffisance des outils mis à disposition des ARH mais, aussi et surtout, à la trop grande résignation des pouvoirs publics face aux protestations locales ». Je souhaite, madame la ministre, que vous nous fassiez part de vos observations à ce sujet.
Peut-être la composition des conseils d’administration des établissements de santé n’est-elle pas totalement étrangère à certains blocages ? C’est un point que nous aurons l’occasion de creuser lors de l’examen du projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », mais j’estime pour ma part souhaitable – et je pense être politiquement incorrect en le disant – que les maires ne président plus les conseils d’administration. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gilbert Barbier. Très bien !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J’ai le courage de le dire puisque je le pense !
Un sénateur socialiste. Il faudra le répéter !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Mais vous pouvez le répéter, et surtout le faire savoir !
Ensuite, les nouvelles modalités de financement des établissements de santé par la tarification à l’activité peinent à apporter des résultats tangibles. Le passage anticipé à un financement intégral à la T2A soulève, vous l’avez noté, madame la ministre, des difficultés, qui ont été soulignées également par notre collègue Alain Vasselle. Ces difficultés tiennent à l’impréparation des systèmes d’information, au manque de fiabilité de la comptabilité des établissements et à l’absence de connaissance fine des différences de coûts entre le secteur public et le secteur privé, ce qui fragilise le processus de convergence.
À cet égard, il nous faudra mener une analyse fine des MIGAC – ces fameuses missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation –…
M. François Autain. Et des MERRI !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. …afin de limiter leur champ au strict nécessaire pour éviter qu’elles ne vident de sens la quête de l’efficience.
La réforme de l’hôpital ne peut également se concevoir sans une action résolue de développement des systèmes d’information, dans un cadre interopérable.
La commission des finances a formulé de nombreuses propositions en ce domaine et avait, en particulier, appelé à une refonte du pilotage des systèmes d’information de santé. Ce PLFSS fait écho à ces recommandations.
Il est ainsi proposé de créer deux nouvelles structures qui se substituent à cinq organismes existants : l’agence pour les systèmes d’information de santé partagés et l’agence d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux. Ces agences constitueront ainsi deux outils devant permettre une rationalisation des dépenses hospitalières et l’émergence de systèmes d’information plus cohérents. Certains points mériteront d’être précisés au cours du débat mais le schéma général paraît plus satisfaisant qu’auparavant.
De même, l’agence d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux pourrait être un instrument d’optimisation du patrimoine immobilier des établissements de santé. Je vous en reparlerai, madame la ministre, lors de l’examen de l’article 41.
J’attire toutefois l’attention sur la nécessité de changer d’état d’esprit, au-delà des simples modifications de structures. C’est toute la conception de la circulation de l’information au sein de l’hôpital comme entre l’hôpital et la médecine de ville qui doit être repensée, et ce dès la période de formation des futurs directeurs d’hôpitaux. À ce sujet, madame la ministre, vous avez évoqué la refonte de la formation médicale continue. Nous aurons l’occasion de préciser les contours de cette réforme lors de l’examen de la mission « Santé ».
Quant au sujet du dossier médical personnel, le DMP, qui me tient à cœur, madame la ministre, je prends acte de votre souhait de relancer ce projet, mais j’attendrai les résultats, les discours ayant eu, en la matière, du mal à se concrétiser. M. Vasselle rappelait les quatre années qui se sont déroulées et durant lesquelles l’immobilisme a prévalu et où l’on a peut-être même reculé sur ce sujet.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On n’a peut-être pas reculé mais on n’a certainement pas avancé !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ces résultats dépendront très directement du changement de culture que je viens d’évoquer.
Grâce aux travaux de grande qualité réalisés tant par la mission conduite par M. Gérard Larcher que par la MECSS, le constat est désormais dressé. Nous connaissons les points faibles du secteur hospitalier et les réformes qu’il convient de mener. Il faut désormais passer de la réflexion aux actes.
Beaucoup nous est promis avec le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », dont l’examen a malheureusement été reporté plusieurs fois. Les résultats attendus de ce projet de loi sont d’ailleurs au cœur du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, qui fixe un objectif national des dépenses d’assurance maladie à 3,3 % chaque année au cours de la période.
Ma question est simple, madame la ministre : quelles sont précisément les économies attendues de cette réforme, et à quelle échéance ?
Sachez en tout cas que vous pourrez compter sur la commission des finances pour soutenir vos efforts de refonte des établissements de santé. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Motion d’ordre
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention consistera en une information et une prière.
Tout d’abord, je vous informe que, pour étudier les amendements, la commission des affaires sociales se réunira à treize heures quarante-cinq, afin de laisser à ses membres, qui ont déjà été retenus hier soir à l’heure du repas, la possibilité de déjeuner tranquillement.
Par ailleurs, je souhaite, afin de faciliter la compréhension de nos débats, et comme nous le faisons régulièrement, que puissent être examinés séparément les amendements de suppression des articles 13 et 18.
À l’article 13, il s’agit des amendements n° 424 de M. Dassault et n° 470 de M. Dominati, qui mettent en discussion commune seize amendements.
À l’article 18, il s’agit de l’amendement n° 473 de M. Dominati, qui met en discussion commune dix-huit amendements.
M. le président. Monsieur le président About, le Sénat voudra sans doute accéder à votre prière – ou plutôt à votre demande ! -, ce qui permettrait effectivement d’éviter deux tunnels de discussion commune, respectivement de seize et de dix-huit amendements.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie par avance de m’excuser de ne pouvoir être présente à la reprise de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale à seize heures. En effet, le Président de la République m’ayant demandé en urgence de participer à une réunion de travail, je vous rejoindrai vers seize heures trente-seize heures quarante-cinq.
M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui sera présent en séance, me transmettra vos questions, auxquelles je répondrai de la manière la plus complète possible.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
problèmes dans l'éducation nationale
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, le Gouvernement annonce la suppression de 13 500 postes dans l’enseignement scolaire. C’est inadmissible ! Et cela l’est plus encore lorsqu’on apprend que 3 000 professeurs spécialisés dans le soutien aux élèves en grande difficulté et qui enseignent dans les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, voient leurs missions actuelles supprimées, ce qui représente environ un tiers des postes existants.
Or ces enseignants ont été formés pour aider des élèves présentant notamment des troubles de l’apprentissage du langage oral ou écrit, des retards d’acquisition importants, ou encore un défaut durable d’adaptation à l’école. Leurs missions les conduisent à intervenir dans plusieurs classes d’écoles différentes, auprès d’enfants qui ont besoin d’une prise en charge particulière et individuelle.
Du fait de la nature même des fonctions qu’ils recouvrent, ces postes ne sauraient être « sédentarisés ». C’est pourtant ce que vous faites !
En raison de votre mesure budgétaire, des dizaines de milliers d’élèves souffriront de la disparition de ces postes, …
M. Roland Courteau. Voilà !
M. René-Pierre Signé. Eh oui ! C’est lamentable !
M. Yannick Bodin. … qui n’existeront sans doute plus en 2012 à cause de votre réforme de l’enseignement primaire. En effet, les deux heures de soutien hebdomadaire, que vous avez mis en place pour les élèves du primaire, en remplacement du samedi matin, ne concernent pas les mêmes élèves.
M. Alain Fouché. Et les postes détachés dans les associations ?
M. Yannick Bodin. Elles sont destinées à des enfants qui ont seulement un retard passager, ou qui ont besoin d’une remise à niveau temporaire. Il ne s’agit donc ni des mêmes besoins ni des mêmes élèves.
Ce n’est pas quelques heures de soutien tôt le matin avant la classe, le midi à l’heure du repas, ou le soir après une journée de six heures de classe, qui remplaceront ces enseignants, psychologues et éducateurs, dont le rôle est de venir en aide aux enfants en grande difficulté.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est très vrai !
M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, vous abandonnez les enfants en grande difficulté. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Ce n’est pas sérieux !
M. Michel Houel. C’est honteux !
M. Yannick Bodin. Vous abandonnez les parents qui sont à la recherche d’une solution adaptée pour leurs enfants.
Vous abandonnez les enseignants qui ont reçu une formation spécifique et vous décidez de ne plus utiliser leurs compétences.
Peut-être attendez-vous des parents qu’ils se tournent vers les collectivités locales, pour vous décharger une nouvelle fois des responsabilités de l’État ?
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Charles Revet. Qu’a fait Jospin ?
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Bodin !
M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour revenir sur cette suppression d’emplois spécialisés dans toutes les écoles et pour rassurer les enseignants et les familles, que vous avez placées dans l’angoisse au sujet de l’avenir de leurs enfants ?
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour éviter un nouveau recul du service public de l’éducation nationale ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Bodin, il est inexact de dire que nous supprimons 3 000 postes de professeurs spécialisés, les « maîtres G », qui enseignent dans les RASED.
Parmi les 11 500 professeurs affectés dans ces RASED, 3 000 d’entre eux, qui sont en effet spécialisés dans les difficultés scolaires, seront placés dans les endroits où, précisément, la difficulté scolaire est plus massive, plus perceptible, parce qu’il s’agit d’écoles ou de classes rencontrant des problèmes particuliers.
M. Roland Courteau. Et ailleurs ?
M. Xavier Darcos, ministre. Et l’on sait très bien de quels établissements il s’agit !
Par conséquent, ces postes de professeurs spécialisés ne seront pas supprimés ; ils seront là où l’école de la République a besoin d’eux ! (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, monsieur Bodin, je ne peux pas vous laisser dire, comme le répètent en particulier les socialistes dans la perspective de la course à l’échalote du congrès de Reims (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Roland Courteau. C’est nul !
M. Didier Boulaud. La prochaine fois, nous tiendrons notre congrès à Périgueux !
M. Xavier Darcos, ministre. … que nous sommes des ennemis de la justice sociale à l’école, alors que tout ce que nous faisons démontre exactement le contraire !
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais oui !
Mme Raymonde Le Texier. C’est ça, vous avez toujours raison !
M. Yannick Bodin. Ce ne sont pas les mêmes élèves !
M. Xavier Darcos, ministre. Nous n’avons pas abandonné les élèves en difficulté scolaire : nous sommes les premiers à nous en occuper !
M. Yannick Bodin. C’est n’importe quoi !
M. Xavier Darcos, ministre. Demander à tous les professeurs de France de consacrer deux heures de leur enseignement aux élèves qui ne vont pas bien, c’est lutter contre l’échec scolaire.
M. Jacques Mahéas. C’est faux ! Vous les abandonnez le samedi matin !
Mme Patricia Schillinger. Ce ne sont ni les mêmes professeurs ni les mêmes élèves !
M. Xavier Darcos, ministre. Organiser des stages en CM1 et CM2 pour les élèves qui auront du mal à entrer en sixième et risqueraient d’y échouer définitivement, c’est lutter contre l’échec scolaire.
Faire en sorte que les élèves reçoivent, tous les soirs de seize à dix-huit heures, un accompagnement éducatif gratuit offert par l’école de la République, où ils bénéficient de cours de soutien et d’activités sportives et culturelles, c’est lutter contre l’échec scolaire.
Mais faire croire à l’opinion – qui n’est d’ailleurs pas dupe –, que déplacer 3 000 enseignants pour les affecter là où nous en avons le plus besoin, c’est en quelque sorte renoncer complètement à notre volonté de justice sociale et de lutte contre l’échec scolaire, c’est tout simplement un mensonge !
Je tiens d’ailleurs à vous rappeler que la totalité des décisions qui ont été prises par le Gouvernement de François Fillon sur l’école primaire reçoivent l’approbation de 65 à 85 % des parents d’élèves. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Ce sondage est truqué !
M. Xavier Darcos, ministre. Par conséquent, votre mensonge ne trouvera pas d’écho ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Pourquoi avez-vous perdu les municipales ? Et vous n’avez pas fini de perdre !
situation de l'école primaire
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Ma question s'adresse elle aussi à M. le ministre de l'éducation nationale. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Didier Boulaud. C’est du harcèlement !
M. Guy Fischer. Depuis votre arrivée au ministère, …
M. Jean-Pierre Raffarin. Ça va mieux !
Plusieurs membres du groupe socialiste. C’est la course à l’échalote !
M. Guy Fischer. … la politique que vous mettez en œuvre vise, aux yeux de nombreux enseignants, parents d’élèves et élus locaux, à réduire l’offre éducative, qui est au service de l’intérêt général, et à désengager l’État de certaines de ses responsabilités, notamment envers les plus défavorisés.
Ainsi, dans votre budget pour 2009, vous supprimez 13 500 postes d’enseignants, dont 3 000 dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.
M. Christian Cambon. C’est la même question !
M. Guy Fischer. Ces enseignants manifestaient en grand nombre hier à Lyon, et la suppression des postes dans les RASED est l’un des motifs de l’appel à la grève lancé par les principaux syndicats des écoles pour le 20 novembre, que nous soutenons.
Mais il y a aussi le récent rapport d’information de notre assemblée sur la mission de l’école maternelle, …
M. Didier Boulaud. Il est scandaleux !
M. Guy Fischer. … qui préconise des solutions allant tout à fait dans le sens des remarques désobligeantes, voire méprisantes, que vous avez cru bon de faire sur les enseignants de ces établissements.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle honte !
M. Guy Fischer. En effet, au lieu de recommander l’amélioration de l’accueil des enfants dès l’âge de deux ans, et de réaffirmer l’obligation de la scolarité dès trois ans, ce rapport prévoit de créer une nouvelle structure, le jardin d’éveil, nouvel avatar du bon vieux jardin d’enfants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On croit rêver !
M. Guy Fischer. Cette structure – le statut des personnels, les modes de financement et le projet pédagogique sont imprécis – risque également d’être une nouvelle charge pour les collectivités locales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pour les familles !
M. Guy Fischer. Je relève d’ailleurs avec inquiétude que vos collègues Mmes Morano et Amara sont venues ces jours-ci en assurer la promotion dans le quartier populaire des Minguettes, à Vénissieux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui ! C’est ridicule !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. C’est n’importe quoi ! Vous devriez lire les journaux !
M. Guy Fischer. Si vous suiviez les recommandations de ce rapport, ce serait la fin de cette spécificité française qu’est la gratuité de la scolarisation des enfants de deux ans, qui permet l’égalité d’accès des familles populaires à l’offre éducative.
M. le président. Posez votre question, cher collègue !
M. Guy Fischer. Ce serait à coup sûr un nouveau désengagement de l’État, avec la perspective d’une aggravation des inégalités territoriales, mais aussi sociales.
M. Christian Cointat. La question !
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles suites comptez-vous donner au rapport du Sénat…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui va payer ?
M. Guy Fischer. … et renoncerez-vous à faire disparaître les postes dans les RASED ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Et l’école maternelle, elle va disparaître ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Fischer, j’ai déjà répondu à la question concernant les RASED.
Je le répète, nous ne supprimons pas de postes : nous mettons à la disposition des écoles où ils sont le plus nécessaires 3 000 de ces professeurs spécialisés dans les difficultés scolaires ; nous les affectons là où nous considérons que le service public a besoin d’eux. Il est donc inexact de dire que nous supprimons des postes de RASED !
En ce qui concerne l’école maternelle, je n’ai jamais caché mon opinion sur la question et je vais vous en faire part, monsieur Fischer. (Ah ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Vous allez encore déraper !
M. Xavier Darcos, ministre. Je suis un défenseur de l’école maternelle. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans blague !
M. Xavier Darcos, ministre. Lors de l’audition au Sénat à laquelle vous faites allusion, et qui est souvent utilisée contre moi, j’ai dit ceci : tous les enfants de trois ans sont accueillis à l’école maternelle, c’est très bien et il ne faut pas y revenir ; l’école maternelle est une école à part entière.
M. Jacques Mahéas. Ce n’est pas vrai dans nos communes !
M. Xavier Darcos, ministre. C’est pourquoi j’ai élaboré à son intention des programmes et mis en place des services.
J’ai également déclaré qu’un professeur faisant un cours en petite section de maternelle pouvait aussi bien enseigner en CM2 : c’est un professeur d’école !
Répondant à une question qui m’était posée, et qui portait d’ailleurs non pas sur les enfants de deux ans, mais sur ceux de quinze mois (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.),…
M. Jean-Pierre Raffarin. Il a raison !
M. Xavier Darcos, ministre. C’est la question qui m’était posée ! J’ai donc dit que ce n’était pas respecter les professeurs d’école maternelle que de vouloir leur attribuer des fonctions relevant de la puériculture. Je suis prêt à le répéter et je le fais du reste devant vous ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, monsieur Fischer, vous parlez d’inégalité. Vous souhaitez que tous les enfants soient scolarisés à l’âge de deux ans. Vous savez très bien qu’il s’agit là d’une question sur laquelle les avis sont très partagés, et qui fait l’objet d’une polémique très ancienne. La défenseure des enfants est contre la scolarisation des enfants de moins de trois ans.
M. Didier Boulaud. Qu’est-ce qu’elle y connaît ?
M. Xavier Darcos, ministre. L’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, y est également opposée, de même qu’un grand nombre de psychopédagogues.
D’ailleurs, indépendamment de la question de savoir à quel âge il faut commencer la scolarisation, vous savez très bien que la disparité existe déjà : dans certains endroits, on accueille des enfants plus petits ; il n’y a donc pas d’égalité sur notre territoire !
M. Jacques Mahéas. Et les effectifs ?
M. Xavier Darcos, ministre. La question qui se pose est simple : que faisons-nous des enfants âgés de un à trois ans ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La maternelle dès huit mois ! Vous nous prenez pour des idiots ?
M. Xavier Darcos, ministre. Faut-il les mettre à l’école, ou bien devons-nous envisager des dispositifs de transition, comme l’ont fait tous les pays modernes ? C’est ce que préconise le rapport d’information du Sénat : il rejoint ainsi l’opinion qui est généralement répandue dans les pays développés comparables au nôtre.
L’école maternelle à trois ans, c’est très bien ; avant cet âge, il faut trouver des structures d’accueil différentes et adaptées aux besoins de l’enfant. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Telle est ma doctrine ! Vous pourrez continuer à dire ce que vous voulez, je n’en changerai pas, parce que je considère que l’intérêt de l’école primaire est d’être une véritable école. Et l’école, cela commence à trois ans ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini. Ma question, qui s’adresse à M. le Premier ministre, à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie, concerne l’énergie éolienne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. Le Gouvernement est un spécialiste en la matière !
M. Philippe Marini. Mes chers collègues, dans notre pays, l’éolien est considérablement aidé.
M. Didier Boulaud. Ça tombe bien, on va faire des économies !
M. Guy Fischer. C’est un véritable racket !
Mme Jacqueline Gourault. Ça, c’est vrai !
M. Philippe Marini. La quantité et la concentration de ces aides ont fait l’objet, dès juin 2001, puis en 2006, d’avis successifs rendus par la Commission de régulation de l’énergie. Celle-ci a considéré que le tarif de rachat, répercuté sur l'ensemble des consommateurs d’électricité, « représente un soutien disproportionné à la filière éolienne au regard du bénéfice attendu ».
J’ajouterai que, en ces temps de crise financière, le fait, pour un investisseur, d’obtenir un rendement assuré à deux chiffres sur une période de quinze années est tout de même assez exceptionnel.
La Commission de régulation de l’énergie a pointé par ailleurs le caractère aléatoire de la sécurité d’approvisionnement de ce type d’énergie, sa contribution marginale à la réduction des émissions de gaz à effet de serre,…
M. Roland Courteau. C’est faux ! Vérifiez vos notes !
M. Philippe Marini. …ainsi que les nuisances paysagères sur certains sites et paysages français, notamment aux abords de monuments classés ou inscrits comme monuments historiques.
En tant que sénateur, je suis, comme beaucoup de mes collègues, témoin des pressions que les puissants opérateurs de cette filière exercent souvent, dans nos campagnes, sur des élus ruraux vulnérables (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et sur certains détenteurs de patrimoine foncier agricole.
Un sénateur de l’UMP. C’est exact !
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Philippe Marini. Me sentant concerné par ce sujet, j’ai pris l’initiative de déposer une proposition de loi cosignée par soixante-dix collègues, notamment par l’ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC),…
M. Didier Boulaud. Cela ne fait pas une majorité : il en manque !
M. Philippe Marini. …ainsi que par le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, l’arrêté qui définit les tarifs en la matière a été invalidé par le Conseil d'État. Ma question est donc la suivante : si la Commission de régulation de l’énergie devait de nouveau faire valoir des réserves ou suggérer un abaissement des niveaux de ces tarifs, tiendriez-vous compte de son avis ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, je rappellerai tout d’abord notre engagement, pris au niveau européen et réitéré dans le cadre du Grenelle de l'environnement, d’augmenter de 20 millions de tonnes équivalent pétrole notre production d’énergies renouvelables à l’horizon 2020.
Un tel objectif ne pourra pas être atteint sans un fort développement de l’éolien.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Mais promouvoir uniquement l’éolien ne suffira pas. Il importe également de contribuer à la valorisation de la biomasse, domaine dans lequel la France a un avantage compétitif considérable.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. L’éolien est l’une des énergies renouvelables les plus compétitives.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Ses perspectives de développement sont prometteuses.
La production éolienne permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre : bien gérée, elle vient en substitution non pas seulement des centrales nucléaires, mais aussi des centrales thermiques. C’est ainsi qu’elle aura pour effet d’éviter l’émission de 1,65 million de tonnes de dioxyde de carbone sur l’année 2008. En 2020, les économies attendues en la matière s’élèveront à 16 millions de tonnes.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Monsieur Marini, vous m’interrogez plus spécifiquement sur le tarif de rachat de l’éolien.
M. Dominique Braye. Les éoliennes défigurent les paysages !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Ce tarif, fixé à 8,2 centimes d’euros le kilowattheure, est en fait proche du coût de l’électricité, car, je le répète, l’éolien est l’une des énergies renouvelables les plus compétitives.
Par conséquent, le coût additionnel supporté par le consommateur au titre des charges de service public est relativement modeste. Sur la totalité des charges de service public, qui se montent à 1,6 milliard d'euros par an, l’éolien ne représente que 92 millions d'euros. Ainsi, pour un ménage moyen consommant 2 500 kilowattheures, le coût est estimé à 60 centimes d’euros pour une année.
M. Roland Courteau. Voilà ! C’est clair !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Si le nouvel arrêté tarifaire a certes été annulé par le Conseil d'État, c’est uniquement pour des raisons de forme, et non de fond. Nous confirmerons donc le tarif actuel.
Pour autant, monsieur le sénateur, vous posez des questions très légitimes, notamment en ce qui concerne la protection des paysages.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Nous entendons favoriser un développement des énergies renouvelables à haute qualité environnementale. Jusqu’à présent, c’est vrai, tout n’a pas été parfait.
Pour développer l’éolien dans les conditions que nous souhaitons, il faudra de grands parcs.
M. Dominique Braye. Et des éoliennes souterraines ! (Sourires.)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. C’est l’occasion de refondre les procédures et de faire plus de place à la concertation. Des dispositions allant en ce sens vous seront proposées dans le cadre du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et du projet de loi de transition environnementale.
Sur ce sujet, nous pouvons vraiment améliorer les choses ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
conséquences de la crise sur les pme dans l'aéronautique
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation.
Voilà quelques jours, le Sénat s’est majoritairement prononcé en faveur des mesures proposées par le Gouvernement pour faire face à la crise financière qui frappe notre pays depuis plusieurs semaines.
Le Président de la République s’étant personnellement engagé à ce que le secteur bancaire redonne au plus vite sa confiance à l’investissement et à l’innovation, j’attire votre attention sur les difficultés rencontrées par les PME, tout particulièrement au moment de leur création.
En effet, nombre de jeunes PME sont actuellement confrontées à l’inertie et à une frilosité excessive, notamment dans l’investissement immobilier, qui est pourtant indispensable à la création d’emplois. Cet état de fait entraîne un jeu malsain, dans lequel les collectivités territoriales dépassent largement leur rôle en se substituant aux banques pour le portage financier d’investissements immobiliers, ce qui n’est pas leur métier.
De plus, il s’avère, dans le contexte de la crise financière actuelle, que les banques refusent par la suite d’accompagner les entreprises qui se développent, créent de l’emploi et ont besoin d’étendre l’outil de production. Il est pourtant de leur devoir de s’impliquer davantage dans l’économie réelle, celle de nos artisans et de nos PME, sans se perdre dans les illusions de l’économie virtuelle.
Dans ma région, celle de Midi-Pyrénées, l’aéronautique est un autre secteur particulièrement touché par la crise. Sous la pression permanente des tentations de délocalisations et victimes d’un manque de coopération des établissements financiers, certaines PME sous-traitantes sont dans l’obligation de présenter à la région des demandes de requalification d’avances de trésorerie en subventions, afin d’éviter les licenciements ou le dépôt de bilan.
C’est pourquoi nous sommes nombreux à penser que la crise financière est, plus que jamais, l’occasion pour l’État de fixer des règles nouvelles tendant à redéfinir la place des établissements de crédits dans notre économie, s’agissant notamment de leur mission de prêts auprès des ménages et des entreprises, mais aussi du renforcement d’un partenariat avec les collectivités.
Comme la plupart de mes collègues du Sénat, je me félicite de ce que le Gouvernement ait su prendre les décisions qui s’imposent pour que les banques n’échappent pas à leurs responsabilités et ne se contentent plus désormais de spéculer sur des fonds sans règle ni éthique. Mais il serait vain de croire que l’on puisse mettre fin aux vieilles habitudes spéculatives sans prendre des mesures coercitives à l’encontre de ceux qui doivent assumer aujourd’hui une large responsabilité dans l’avènement de la crise financière partout dans le monde et qui ont par trop abandonné l’accompagnement du risque d’entreprendre.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Vall !
M. Raymond Vall. Ma question est donc la suivante : quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour redonner aux banques le sens de la responsabilité et de l’efficacité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, face à une crise financière sans précédent, le Gouvernement a décidé d’assumer ses responsabilités.
M. Didier Boulaud. Tiens donc !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Tout d’abord, il a décidé de prendre une participation exceptionnelle dans le capital de Dexia, pour sauver cette banque qui se trouvait au bord de la faillite. Celle-ci, je le souligne, finance une grande partie de nos collectivités locales, si chères à la Haute Assemblée.
Ensuite, le Gouvernement a prix une mesure exceptionnelle : il a apporté la garantie de l’État pour faire fonctionner de nouveau le secteur financier ; les établissements bancaires pourront ainsi se financer de nouveau sur le marché interbancaire et, partant, assurer le financement de l'ensemble de l’économie, aussi bien des entreprises que des ménages.
Monsieur le sénateur, cela ne s’est pas fait sans prendre un certain nombre de précautions.
Ainsi le Premier ministre a-t-il présidé, à Évreux, la première réunion du comité de suivi départemental. En effet, dans chaque département, les préfets ont été chargés d’organiser autour d’eux des comités de ce type, qui réunissent à la fois les représentants des banques et ceux des entreprises, afin de pouvoir suivre la traçabilité des aides accordées au secteur bancaire.
Le Président de la République a réuni l'ensemble des préfets et des trésoriers-payeurs généraux pour leur demander de s’assurer que l’argent mobilisé à destination du secteur bancaire arrive bien aux destinataires, c'est-à-dire à l’économie réelle, plus particulièrement aux PME qui ont d’importants besoins en termes de trésorerie et de financement des investissements. En effet, il ne faudrait pas qu’à une crise financière sans précédent succède une crise de l'investissement et de la croissance.
M. René-Pierre Signé. Mais on y est déjà !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement a su se montrer à la hauteur de la situation, en apportant des réponses à la mesure de l’importance de la crise financière. Nous attendons maintenant des banques qu’elles assument, à leur tour, leurs responsabilités.
Le Président de la République l’a rappelé, le Gouvernement sera extrêmement vigilant, département par département, entreprise par entreprise, afin que les garanties apportées au secteur financier bénéficient bien aux entreprises qui en ont besoin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
les cours du lait
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, je sais que vous vous associerez à mon message.
Notre agriculture constitue indiscutablement depuis toujours une richesse nationale de premier plan. Ses différentes filières apportent une complémentarité adaptée à nos régions. Toutes ont d’ailleurs toutes leurs atouts, mais aussi leurs problèmes spécifiques.
Monsieur le secrétaire d'État, aujourd’hui, les producteurs laitiers sont inquiets, très inquiets même, car, parallèlement aux perspectives négatives de prix de vente, la hausse des aliments du bétail aggrave les charges d’exploitation.
Comme vous le savez, le lait est, pour les éleveurs, le salaire du paysan.
M. René-Pierre Signé. Belle formule !
M. Jean Boyer. Mais il est aussi synonyme de contraintes, d’astreintes, d’exigences. Aujourd’hui, pour produire du lait en quantité suffisante pour être rentable et répondre aux exigences de qualité, il faut être un vrai professionnel,…
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai !
M. Jean Boyer. …je dirais même un vrai chef d’entreprise.
Le lait est souvent produit dans des régions où la topographie, le climat, la structure parcellaire des exploitations ne permettent pas d’autres productions. Cette réalité frappe particulièrement les zones de montagne.
Élu du département de la Haute-Loire où l’habitat moyen agricole est le plus élevé de France, j’ai écouté, reçu et compris le message d’inquiétude de ces éleveurs des zones de montagne, mais aussi de toute la filière laitière nationale.
Monsieur le secrétaire d'État, il y a un écart beaucoup trop grand entre le prix du litre de lait à la production, 34 centimes d’euros, et celui à la consommation, 70 centimes d’euros. Ce n’est pas normal !
M. le président. Cher collègue, veuillez poser votre question !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourtant très intéressant, monsieur le président !
M. Jean Boyer. Je pourrais citer des chiffres comparables pour d’autres productions. En ce qui concerne le lait, n’oublions pas également que la prime de compensation à la collecte dans les zones de montagne, qui était de 4 centimes à l’époque du franc, a été supprimée sans aucun retour !
M. Jean-Pierre Raffarin. Il faut défendre les laitiers !
M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d'État, le plan de soutien de 50 millions d'euros annoncé hier est bienvenu et a été apprécié, mais il ne réglera pas le problème de fond.
M. René-Pierre Signé. C’est insuffisant !
M. Jean Boyer. Nous connaissons les difficultés que rencontre notre pays sur le plan financier. Nous ne pouvons pas être à la fois responsables et désespérés. Mais l’ancien éleveur qui vous parle se permet modestement de vous dire qu’il faut écouter et comprendre encore plus le message qui remonte de ces « hommes de la terre ».
L’espérance est l’oxygène de la vie : donnons aux éleveurs les moyens d’y croire ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Cette question s’adressait à Michel Barnier, mais puisqu’il est à Bruxelles pour, justement, défendre l’agriculture française, je vais tâcher, modestement (Exclamations sur les travées de l’UMP.), de le suppléer.
Monsieur le sénateur, vous nous dites que le marché du lait est fortement perturbé. C’est vrai, et cela se fait particulièrement sentir au cours de ce quatrième trimestre de l’année 2008.
Les producteurs laitiers manifestent leur inquiétude, ce qui rend beaucoup plus difficiles leurs négociations constantes avec les transformateurs.
M. Jean-Pierre Raffarin. Et les grandes surfaces !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Un round a eu lieu, mais la négociation a échoué le 4 novembre dernier.
Michel Barnier a obtenu des transformateurs et des producteurs que les discussions reprennent : rendez-vous est pris pour la semaine prochaine. Les éleveurs souhaitent que leur travail et leur production soient rémunérés de façon équitable. Pour autant, vous savez bien que le maintien d’un prix du lait acceptable passe par le respect de tous les quotas, qu’ils soient individuels ou départementaux. M. le ministre de l'agriculture et de la pêche est intervenu en ce sens à plusieurs reprises à Bruxelles.
L’éventualité d’une nomination par l’État d’un médiateur entre transformateurs et producteurs a été évoquée, mais, dans l’immédiat, Michel Barnier préfère réfléchir : cette nomination interviendra uniquement si elle s’avère utile.
M. Alain Gournac. Il a raison !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il privilégie le rétablissement d’un dialogue direct entre transformateurs et producteurs, lequel interviendra dès la semaine prochaine.
Enfin, le retournement du marché des produits laitiers est loin d’être un problème uniquement français ; il est en fait européen.
Ce matin, Michel Barnier a demandé à la Commission européenne d’anticiper l’utilisation du stockage privé pour le beurre, ce qu’elle a accepté, afin de désengorger le marché et de maintenir le prix de ce produit.
Le Gouvernement, notamment M. Barnier, est à l’écoute des producteurs laitiers et les soutient. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
crise financière
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Voilà quelques semaines, quand le virus des subprimes s’est répandu dans les bilans des banques françaises, le Gouvernement a annoncé que 360 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de l’État, seraient consacrés au sauvetage des banques.
M. Philippe Marini. Ce sont des garanties !
M. Jean-Louis Carrère. Pour justifier la dépense, il a invoqué l’urgence et la situation dramatique de notre économie, menacée d’une rupture de crédit.
Les banques, heureuses bénéficiaires de cette aide qui s’élève, pour l’heure, à 10,5 milliards d’euros sous forme de prêts rémunérés, devaient accorder plus de crédits aux ménages, aux entreprises et aux collectivités locales.
Cependant, aujourd’hui, la plupart des entreprises ne trouvent pas les moyens de se financer et même M. René Ricol, le tout nouveau médiateur du crédit, en témoigne : il a déjà reçu plus de mille dossiers d’entreprises en panne de crédits et auxquelles les banques ont claqué la porte au nez.
La Banque de France le confirme : 82 % des banques ont durci leurs conditions de prêts à l’égard des PME, sans parler des collectivités locales.
Il fallait se douter que les banques ne joueraient pas le jeu : elles ont préféré gonfler leurs bénéfices, privilégier le court terme, réaliser des profits vite faits sur le dos du contribuable, plutôt que de contribuer à relancer la croissance.
Je ne puis croire que le Gouvernement n’a pas vu venir le coup et qu’il a pensé que ses incantations suffiraient à contraindre les banques à honorer leurs engagements. Je ne puis croire non plus que les directions départementales de la Banque de France seront en mesure de forcer celles-ci à respecter leurs obligations : ces gens-là se connaissent de longue date !
Pour avoir présidé durant dix ans le conseil d’orientation et de surveillance d’une grande banque française, je connais trop bien la mécanique. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Houel. Le fautif est trouvé !
M. Jean-Louis Carrère. J’y avais été élu, pas nommé, moi !
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est qu’en participant aux organes exécutifs d’une banque que l’on peut peser sur ses décisions ; ce n’est pas en souscrivant une participation sans droit de vote !
Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas suivi les conseils de François Hollande : entrer dans le capital des banques pour pouvoir contrôler et orienter l’usage qui serait fait de l’argent des Français ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Que compte-t-il faire pour que l’argent des Français, qui est pour le moment entre les mains d’une caste de banquiers pour le moins frileux, puisse être utilisé à des fins d’intérêt général ? Il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.).
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. La question est embarrassante !
M. François Fillon, Premier ministre. Que demande M. Carrère ? Que l’État entre au capital de l’ensemble des banques françaises ? A-t-il un instant réfléchi à l’effort que représenterait pour l’État le simple fait de prendre une minorité de blocage ? Car, pour pouvoir agir, il faut prendre une minorité de blocage dans l’ensemble des banques françaises, monsieur Carrère ! Avez-vous réfléchi un instant…
Un sénateur de l’UMP. Non, il ne réfléchit pas !
M. François Fillon, Premier ministre. … au fait que les 370 milliards d’euros de garanties et de prêts, dont la majorité de cette assemblée a approuvé l’octroi, ne suffiraient pas à prendre une minorité de blocage dans l’ensemble des banques françaises ?
Vous dites que d’autres l’ont fait, mais c’est faux ! Cela ne s’est produit en Europe que dans le cas de banques qui étaient au bord de la faillite. En Grande-Bretagne, le Gouvernement est entré dans le capital de trois banques afin d’éviter leur effondrement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est classique ! On ne sauvera les banques qu’en leur donnant de l’argent pour se renflouer !
M. François Fillon, Premier ministre. L’État français, lui, n’est entré que dans le capital de la banque Dexia, et j’espère bien que la situation financière de notre pays et de nos banques lui permettra d’éviter, demain, d’entrer dans le capital des banques françaises (Applaudissements sur les travées de l’UMP.), car cela signifierait qu’elles sont en difficulté.
Monsieur Carrère, il est vrai que nous sommes tous extrêmement attentifs quant au sort de l’aide apportée au système financier : va-t-elle bien profiter aux entreprises, aux PME, aux grands groupes et aux ménages ?
M. David Assouline. Les grands groupes, pas les ménages !
M. François Fillon, Premier ministre. La réponse à cette question sera connue à la fin du mois de novembre, puisque c’est alors que sera publié par chacune des banques, comme le Gouvernement l’a exigé, l’encours des crédits accordés par secteur d’activité. Nous saurons ainsi si le dispositif a été efficace.
Les banques n’ont pas, bien sûr, que des qualités ; elles ont aussi des défauts, mais elles ne méritent pas pour autant d’être livrées en pâture à l’opinion, ainsi que vous le faites (M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.), comme si, dans les agences du réseau bancaire et dans les communes que vous administrez, y travaillaient des hommes et des femmes dépourvus du sens de l’intérêt général et ne se démenant pas chaque jour pour aider l’économie française.
Nous verrons si les banques sont au rendez-vous de l’intérêt général. Si elles n’y sont pas, le Gouvernement en tirera les conséquences. Il retirera les moyens mis en place et envisagera, le cas échéant, d’autres mesures.
Mme Catherine Tasca. Lesquelles ?
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Carrère, non seulement vous et vos amis n’avez pas approuvé le plan de soutien des banques, alors que, dans tous les autres pays européens, il y a eu un élan national en faveur des banques…
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Oui !
M. François Fillon, Premier ministre. …mais, de surcroît, aujourd’hui, d’une façon qui n’est pas honnête, vous jetez le discrédit sur le secteur bancaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce plan ne change rien dans le fonctionnement des banques !
M. François Fillon, Premier ministre. Les socialistes devraient pourtant se souvenir qu’ils ont souvent eu des comportements qui n’étaient pas en accord avec les discours qu’ils tiennent aujourd’hui.
Ainsi, et je livre cet exemple à la sagacité de votre assemblée, au début de l’année 2002, soit juste avant les élections présidentielles, un ministre des finances socialiste a pris une décision que vous avez certainement appréciée et soutenue : il a décidé que les bonus des opérateurs financiers ne seraient plus soumis aux cotisations sociales ni à l’impôt sur le revenu ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.– Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière.
M. Michel Thiollière. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Elle a trait à l’actualité climatique : ces derniers jours, des pluies torrentielles se sont abattues sur une douzaine de départements.
M. David Assouline. Très bien !
M. Michel Thiollière. Les inondations ont représenté un véritable traumatisme pour les populations concernées.
L’économie des territoires sinistrés a également souffert : des infrastructures, ferroviaires ou routières, ont été gravement endommagées ; nombre d’exploitations agricoles ont été mises à mal et ont subi de lourdes pertes de matériels et d’animaux ; des artisans et des commerçants ont perdu leur outil de travail ; des PME ont été touchées.
Quels moyens le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour apaiser les craintes de nos concitoyens et réparer les dégâts économiques et matériels causés par ces intempéries après que, dans l’urgence, des hommes et des femmes courageux et dévoués, en particulier les services de l’État, les services d’incendie et de secours, se sont démenés pour aider les collectivités et les populations sinistrées ?
Je salue l’action du Gouvernement, en particulier dans le département de la Loire : Mme Kosciusko-Morizet s’est rendue immédiatement sur le terrain pour prendre la mesure de la situation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, les 1er, 2 et 3 novembre, plus de deux cents communes, dans une dizaine de départements, ont été touchées par des pluies d’une rare intensité.
Ces intempéries ont fait des victimes : je pense avec émotion, comme chacun ici, aux familles des quatre jeunes gens décédés dans un accident d’avion, dans la Drôme, et aux plus de mille cinq cents personnes sinistrées, qui, pour la plupart, ont dû être évacuées.
Dès l’alerte donnée par Météo France, j’ai mis en place des moyens supplémentaires : plus de deux cents pompiers, des unités d’intervention, plusieurs hélicoptères, des moyens lourds de pompage sont ainsi venus renforcer les dispositifs locaux.
Il faut maintenant penser à l’avenir. J’ai décidé de faciliter et d’accélérer les procédures administratives permettant un retour à la vie normale. Dès la fin des intempéries, j’ai donné des instructions aux préfets pour que les dossiers de demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle soient instruits le plus rapidement possible.
Les commissions interministérielles se tiendront très prochainement : la première est prévue le 18 novembre et la deuxième le 20 décembre. Au cours de la réunion du 18 novembre seront instruits les quarante-trois premiers dossiers, provenant essentiellement du département du Rhône. En fonction de la date de dépôt des dossiers, j’envisage même qu’une réunion supplémentaire puisse se tenir entre ces deux dates, afin de répondre aux besoins. Cela dépendra de la rapidité des maires à transmettre les dossiers.
Enfin, le fonds de solidarité des collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles sera activé afin de soutenir l’ensemble du dispositif. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
mise à la retraite d'office
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Le 31 octobre dernier, l’Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui a pour effet de repousser de soixante-cinq à soixante-dix ans l’âge de mise à la retraite d’office des salariés. Elle l’a fait avec l’aval du Gouvernement, représenté par M. Xavier Bertrand.
Selon les auteurs de cet amendement, il s’agissait d’éviter que les personnes de soixante-cinq ans souhaitant travailler plus longtemps ne soient discriminées. L’intention est louable : on modifie l’âge plafond sans toucher l’âge légal. On invite à cotiser plus sans y obliger. Le « travailler plus pour gagner plus » est ressuscité après quelques mois de léthargie. L’idée est astucieuse, mais elle cache mal la réalité des faits.
Personne n’est dupe : cette proposition vise à pallier la baisse continue des taux de remplacement par une augmentation brutale de la durée de cotisation. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
On nous rétorquera qu’il s’agit d’une permission et non d’une obligation. Mais, dans les faits, pour obtenir une retraite décente, bien des salariés devront travailler plus longtemps.
En cela, le report à soixante-dix ans de l’âge de mise à la retraite d’office est une provocation inutile. Qui peut croire que les salariés décident eux-mêmes, selon leur bon vouloir, de leur date de départ à la retraite ?
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bernard Cazeau. Le Gouvernement ne tient déjà pas ses objectifs financiers, avec un déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale estimé à 5 milliards d’euros en 2009 ; il pourrait avoir la décence de ne pas verser dans la surenchère gratuite !
Le vrai sujet est non pas l’allongement de l’amplitude du temps de cotisation, mais le maintien dans l’emploi jusqu’à soixante ans. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Car en France, aujourd’hui, c’est à cinquante-huit ans et demi que l’on est mis à la retraite, pas à soixante-dix ! (Nouvelles marques d’approbation sur les mêmes travées.)
En faisant mine d’offrir la possibilité de cotiser plus longtemps, on se moque de la très grande majorité des cotisants. Près de deux tiers des Français interrogés lundi dans Le Parisien-Aujourd’hui en France par l’institut CSA estiment d’ailleurs que le recul de soixante-cinq à soixante-dix ans de l’âge jusqu’auquel un salarié peut refuser d’être mis à la retraite d’office est « une mauvaise chose ».
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !
M. Dominique Braye. C’est du déclaratif !
M. Bernard Cazeau. Avec eux, monsieur le ministre, nous vous posons solennellement la question : allez-vous revenir sur l’amendement Jacquat ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Non !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le sénateur, le sujet doit être traité avec beaucoup de sérénité, en évitant les raccourcis et les contradictions que je viens d’entendre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Car il faut tout dire, monsieur Cazeau : c’est ce Gouvernement qui a décidé de prolonger le niveau minimum de retraite pour ceux qui ont fait toute leur carrière au SMIC. C’est cette majorité qui a adopté ladite disposition, et nous attendons de savoir si vous allez la voter ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
C’est ce Gouvernement qui a décidé d’augmenter le minimum vieillesse de 25 % sur cinq ans. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cette mesure va être votée et nous attendons de savoir quelle sera votre position.
Il faut aussi dire que l’âge de la retraite reste bien fixé à soixante ans : rien n’est changé ! Aucune des conditions financières n’a été modifiée et chacun, en conscience, sait bien que telle est la réalité.
M. Jean-Pierre Bel. On prépare les esprits !
M. Xavier Bertrand, ministre. Alors, quand on cherche à mettre en avant des faux-semblants, c’est peut-être parce que l’on n’est pas très à l’aise avec le dossier des retraites. (Applaudissements sur les travées de l’UMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Il y a ceux qui ont mené la réforme voulue par François Fillon en 2003 et ceux qui se sont contentés de faire des rapports.
M. David Assouline. Quelle droite arrogante !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est vrai que mener une réforme demande du courage : c’est cette majorité qui a décidé d’engager celle des retraites en 2003.
C’est aussi, il faut le savoir, ce même Gouvernement qui a décidé de s’occuper des carrières longues. Car lorsqu’on a commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans, il est légitime de ne pas rester en activité jusqu’à soixante ans. Le groupe communiste le demandait depuis longtemps ; c’est cette majorité qui a mis en place un tel dispositif. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye. On agit !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est aussi cette majorité et ce Gouvernement qui vont mener à leur terme les négociations sur la pénibilité.
M. David Assouline. Démagogie !
M. Xavier Bertrand, ministre. Car lorsqu’on a exercé un métier difficile, ce n’est pas à soixante ans que l’on se sent cassé physiquement, c’est parfois avant.
Pourquoi voulez-vous faire sortir obligatoirement et automatiquement de l’entreprise les salariés qui ont atteint soixante-cinq ans ? Est-ce qu’on est « fichu » à cet âge-là ? Bien sûr que non !
Mme Raymonde Le Texier. Il ne s’agit pas de cela !
M. David Assouline. Vous jouez sur tous les tableaux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je voudrais juste vous donner un exemple précis, en vous lisant la lettre que j’ai reçue le 9 octobre de Jean-Yves, de Lille. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Pourquoi n’écoutez-vous pas ce citoyen qui rencontre une difficulté ?
Jean-Yves m’a écrit ceci : « J’ai rencontré mon président-directeur général fin août pour lui faire part de mon souhait de prolonger mon activité quelques mois au cours de l’année 2009. À ma grande surprise, j’ai reçu le 1er octobre un courrier recommandé avec accusé de réception de la directrice des ressources humaines me signifiant ma mise à la retraite d’office. J’aurai en effet 65 ans en décembre, mais je suis toujours tonique et réactif et, selon les gens que je rencontre, il paraît que je ne fais pas mon âge. »
À ce monsieur, vous, vous répondez : « tant pis » ! Nous, nous lui répondons : « nous allons faire bouger les choses » ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, actuellement en discussion au Sénat, comprend, dans son volet « Famille », des mesures visant à augmenter l’offre de garde d’enfants ; je pense, en particulier, aux dispositions relatives aux assistantes maternelles et aux conditions d’exercice de leur profession.
De son côté, la commission des affaires sociales de notre assemblée propose, dans le même esprit, de revisiter les normes d’encadrement dans les établissements collectifs.
Vous suggérez par ailleurs de majorer de 10 % le complément de libre choix du mode de garde pour les familles qui recourent à un mode de garde à horaires atypiques, c’est-à-dire décalés.
Ces évolutions répondent aux aspirations, d’une part, des familles, de plus en plus axées vers des équipements et services permettant tout à la fois de concilier vie professionnelle, vie familiale et épanouissement de l’enfant, et, d’autre part, des collectivités locales, préoccupées par la maîtrise des coûts.
Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais savoir si vous envisagez des dispositions particulières pour accompagner les familles en difficulté, notamment dans les quartiers sensibles.
Par ailleurs, j’aimerais connaître les mesures que vous entendez prendre pour associer les collectivités territoriales aux discussions portant sur la convention d’objectifs et de gestion, actuellement en préparation. En effet, les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées pour financer les modes de garde, tandis que certaines caisses d’allocations familiales préfèrent signer des contrats enfance avec les intercommunalités plutôt qu’avec les communes, alors que ces dernières ont bien souvent conservé la compétence « petite enfance », et souhaitent la garder.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des précisions que vous voudrez bien nous apporter sur ces deux points. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur de Legge, vous qui êtes un spécialiste des questions familiales, puisque vous avez été délégué interministériel à la famille, vous savez que le Gouvernement s’est engagé à développer les modes de garde sur l’ensemble du territoire, soit 200 000 à 400 000 offres de garde supplémentaires. Cela correspond à l’attente des parents, des professionnels de la petite enfance, mais également des élus locaux.
À cette fin, nous proposons à votre assemblée, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, trois mesures concrètes et de bon sens qui permettront de développer les modes de garde rapidement dans l’ensemble des quartiers et des territoires.
Il s’agit, premièrement, de généraliser l’expérimentation du regroupement des assistantes maternelles qui a eu lieu en Mayenne. Ces structures souples permettent bien souvent de répondre à une attente des parents qui ont des horaires atypiques, qui commencent tôt le matin ou finissent tard le soir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ou qui travaillent le dimanche…
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Il s’agit, deuxièmement, de permettre aux assistantes maternelles d’accueillir quatre enfants, alors qu’elles ne peuvent jusqu’à présent n’en prendre que trois. Je vous rappelle que les assistantes maternelles peuvent accueillir jusqu’à cinq enfants dans les pays de l’Europe du Nord et jusqu’à six au Québec.
Mme Raymonde Le Texier. Mais elles sont encadrées et formées !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. J’ai élaboré cette mesure d’assouplissement de la réglementation avec le syndicat professionnel des assistantes maternelles.
Il s’agit, troisièmement, d’augmenter de 10 % le complément de libre choix du mode de garde, pour répondre à une attente très spécifique des familles qui commencent à travailler tôt le matin ou finissent tard le soir. Elles sont près de 465 000 dans notre pays, ce qui représente 14 % des familles dont les parents travaillent tout en ayant de jeunes enfants.
Je souscris entièrement aux conclusions du rapport qui a été établi par vos collègues Monique Papon et Pierre Martin. Nous avons à mener une réflexion non pas sur la scolarité à l’école maternelle qui, comme l’a indiqué Xavier Darcos, débute bien à l’âge de trois ans, mais sur le mode de garde des enfants âgés de deux à trois ans.
M. Serge Lagauche. Qui va payer ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous devons réfléchir ensemble à cette question, afin de répondre aux attentes des territoires en menant une diversification pragmatique des modes de garde.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. En ce qui concerne la convention d’objectifs et de gestion, que nous négocierons d’ici à quelques semaines avec la Caisse nationale des allocations familiales, je consulterai bien évidemment l’Association des maires de France et l’Assemblée des départements de France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
bilan de la fermeture de centres d'examen du permis de conduire
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Ma question s’adressait à M. Jean-Louis Borloo, mais, en son absence, c’est sans doute Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie qui me répondra ; je suis sûr qu’elle le fera parfaitement.
Je souhaitais interroger M. Borloo à plusieurs titres : en tant que ministre de l’écologie et du développement durable, en tant que ministre responsable dans son ministère de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et en tant que ministre chargé de l’organisation des examens du permis de conduire.
Au nom de la RGPP, chaque ministre se doit de maîtriser la dépense, donc de chercher à réaliser des économies, mais la logique comptable ne doit pas ignorer les conséquences d’une économie éventuellement mal choisie.
À titre d’exemple, je citerai le responsable de la direction départementale de l’équipement de mon département, qui a pensé opportun de supprimer les centres d’examen du permis de conduire dans les villes moyennes au profit d’un regroupement dans le chef-lieu de département, afin d’économiser une heure de déplacement par jour à l’examinateur. Il n’avait évidemment pas pensé que si l’examinateur allait gagner une heure, vingt-cinq personnes perdraient une demi-journée et, comme elles n’ont pas encore leur permis de conduire, vingt-cinq autres personnes devraient les accompagner et perdre aussi une demi-journée.
L’impact budgétaire n’est pas neutre, puisque l’État – cerise sur le gâteau ! – devra construire un centre d’examen départemental, qui de plus est parfaitement inutile, générant des coûts d’investissement, puis des coûts de fonctionnement. Je vous laisse le soin de calculer le nombre d’heures de déplacement qu’il faudra pour amortir le coût de cette opération. Pour ma part, je pense qu’elle ne sera jamais amortie !
La secrétaire d’État chargée de l’écologie que vous êtes ne peut se désintéresser du bilan écologique d’une telle mesure : pour une personne qui économise une heure de route, vingt-cinq autres feront le trajet, le plus souvent en voiture.
En tant que responsable de l’organisation des examens, M. le ministre devrait s’interroger sur ces surcoûts, qui sont en contradiction avec l’abaissement du prix du permis de conduire prônée par ailleurs.
M. le président. Posez votre question, monsieur Adnot !
M. Philippe Adnot. Outre l’examen du permis de conduire, les candidats devront se rendre au centre en vue de passer l’examen du code. On pourrait imaginer, avec les moyens que nous offrent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, que l’inspecteur se déplace auprès d’une masse critique de candidats avec un ordinateur portable, un CD ou une clé USB pour procéder à l’examen.
M. le président. Posez votre question, s’il vous plaît !
M. Philippe Adnot. J’y arrive, monsieur le président. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. En voiture, on arrive toujours si on respecte le code. (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Il est en marche arrière !
M. Philippe Adnot. Madame la secrétaire d’État, je propose à M. Borloo de dire : « chiche, nous pouvons faire mieux ! ».
M. David Assouline. On gagne du temps : il fait la question et la réponse !
M. Philippe Adnot. Je suis sûr que vous pourrez relever ce défi. (Applaudissements sur des travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, oui, nous pouvons sans aucun doute faire mieux !
Permettez-moi tout d’abord de vous demander d’excuser l’absence de Dominique Bussereau, qui est retenu à Pau où il finalise aujourd’hui le protocole de la ligne à grande vitesse Sud Europe-Atlantique. Comme vous pouvez le constater, c’est important.
Le Président de la République a demandé au ministre d’État de présenter une réforme du permis de conduire. Il s’agit de remédier aux insatisfactions actuelles des candidats, que nous savons nombreuses, de faciliter l’accès au permis de conduire et, surtout, d’améliorer la qualité de service.
Un audit a été réalisé conjointement avec le ministère de l’intérieur. Ses conclusions ont fait l’objet d’une large concertation avec toutes les parties prenantes. La question des centres d’examen est au cœur de cette réflexion et, en la matière, plusieurs problèmes se posent.
Tout d’abord, il existe 477 centres d’examen pour le code et 671 pour le passage de l’épreuve de conduite. Cette situation atypique par rapport à ce que connaissent les autres pays européens soulève des difficultés très concrètes : certains centres d’examen sont en fait de simples emplacements sans confort ni sécurité pour les personnes qui viennent passer le permis.
Ensuite, on constate une grande disparité entre les centres. De très petits centres ont en effet une activité tout à fait marginale. Par exemple, 200 centres d’examen pour le code ont une activité inférieure à deux séances par mois ; 200 centres de pratique du permis B ont une activité comprise entre deux et trois jours par mois.
Normalement, un inspecteur se déplace pour faire passer douze épreuves dans la journée. Dans les petits centres, il se déplace parfois pour faire passer trois épreuves. S’il est entendu que ces déplacements sont coûteux pour les élèves, s’agissant des inspecteurs, ils nécessitent la mise en place d’un mécanisme de récupération alors que nous manquons d’examinateurs : actuellement, 10 000 jours de travail sont à récupérer, ce qui équivaut à 50 postes d’inspecteurs.
Enfin, les centres d’examen sont très divers. Ainsi, certains ne répondent pas au cahier des charges européen. Il est donc beaucoup plus facile d’obtenir son permis dans certains centres que dans d’autres.
M. le président. Si vous voulez bien conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Bref, il faudra réformer afin de proposer un meilleur service aux candidats. Nous tiendrons naturellement compte des questions environnementales avec le problème des déplacements, mais nous intégrerons aussi de nouvelles dimensions comme, par exemple, l’éco-conduite. Cette réforme sera proposée très prochainement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
débat thématique « l’hôpital en question » (suite)
Mme la présidente. Dans le débat thématique sur « l’hôpital en question », nous en sommes parvenus aux interventions des orateurs des groupes.
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes à chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra aux orateurs.
Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante : la question, deux minutes trente ; la réponse, deux minutes trente ; une réplique éventuelle, une minute
La conférence des présidents a décidé d’attribuer trois questions aux groupes UMP et socialiste et une question aux groupes Union centriste, CRC et RDSE.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « l’hôpital public est atteint par la maladie profonde de notre société, qui a remplacé les valeurs publiques par les valeurs individuelles, les biens collectifs par la marchandisation, le service public par la privatisation. » : voilà en peu de mots exactement posée par l’un de ses acteurs, professeur en médecine, la question de l’hôpital.
Cette maladie est d’autant plus pernicieuse qu’elle avance masquée sous couvert de sauvetage : réforme tarifaire – déjà mise en œuvre – restructuration et redéploiement organisent, après l’étouffement du public, sa dilution dans le privé. En effet, comment concevoir autrement la politique de convergence engagée entre deux logiques opposées lorsque l’une dispose de marges financières qui sont refusées à l’autre ?
L’approche gouvernementale de la question hospitalière pose, dès le premier abord, un problème de méthode.
Si nous sommes reconnaissants à M. le président du Sénat d’avoir organisé ce débat thématique, le sujet choisi, qu’il maîtrise amplement, éclaire un calendrier de réformes peu cohérent. L’ordre du jour fixé par le Gouvernement heurte toute logique : nous sommes appelés à débattre des modalités de financement de notre système de santé avant l’examen du projet de loi HPST – Hôpital, patients, santé et territoires – qui en modifie les structures.
Ce PLFSS comporte, en outre, des dispositions qui concernent directement l’organisation hospitalière. Ainsi en est-il de l’article 40 relatif aux procédures de traitement des déséquilibres financiers des établissements publics de santé, qui préjuge de la nouvelle gouvernance annoncée.
Vous refusez – cela a été le cas à l’Assemblée nationale et le sera vraisemblablement ici – les amendements qui s’y rapportent au prétexte de réserver la discussion de fond à l’examen du projet de loi HPST. Comprenne qui pourra, sauf à imaginer que ce désordre relève lui-même d’une méthode !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le désordre est dans la nature !
M. Yves Daudigny. J’ai parlé d’étouffement : tel est bien ce à quoi aboutit ce PLFSS, qui affaiblit encore la situation de nos hôpitaux publics.
L’article 5 prévoit le gel des dotations accordées au Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, au Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins et à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, et ce alors que la quasi-totalité des hôpitaux publics sont dans le rouge : 660 millions d’euros de déficit cumulé en 2007, 880 millions d’euros en 2008.
Des explications ont été légitimement demandées à Mme la ministre ce matin.
Comment ne pas s’étonner, face à un manque criant de financement, de cette rectification des crédits à la baisse pour 2008, mais aussi de leur réduction pour 2009 si l’on en croit l’article 48 ? Ces dotations n’auraient-elles pas été utiles par exemple pour la mise aux normes de nombreux établissements ou pour la mise en œuvre du dossier médical personnalisé ?
Les éléments de réponse apportés par Mme la ministre ne sont pas convaincants. Le principe d’une répartition territorialisée par les futures agences régionales de santé, les ARS, est pertinent. Mais, en attendant, ce sont des hôpitaux publics de proximité qui sont étranglés, qui sont menacés, qui perdent des services ou qui sont transformés en maisons de retraite.
Mme Jacqueline Chevé. Tout à fait !
M. Yves Daudigny. Le financement de l’hôpital n’est pas non plus à la hauteur des missions de service public qu’il assume. Ce financement ne tient pas du hasard : il relève d’un choix politique.
À cet égard, la mise en œuvre de la tarification à l’activité, inadaptée et inadaptable aux spécialités qui cumulent une médecine non programmée, des patients lourds du point de vue médical, paramédical et social, entraîne une double sous-évaluation : la charge financière, donc l’abondement.
Les codes définissant les groupes homogènes de pathologies laissent en réalité à la charge des hôpitaux publics les soins les plus complexes et à la charge des cliniques privées les activités techniques standardisées facilement quantifiables, ainsi que l’établit le rapport de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation. À cela s’ajoute le fait que les cliniques externalisent le coût de nombre d’examens complémentaires, qui ne sont donc pas intégrés à leurs tarifs, non plus que les honoraires de leurs médecins et chirurgiens, toutes dépenses incluses dans les hôpitaux publics.
Les dotations des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, mal évaluées, s’avèrent également insuffisantes.
Ces sous-évaluations contribuent à creuser les déficits de nos établissements publics.
Au-delà, la convergence tarifaire intersectorielle, objet de la tarification à l’activité, la T2A, s’avère structurellement impropre à quantifier la nature spécifique et l’étendue des missions d’intérêt général : prise en charge des patients en situation de précarité, des actes et admissions urgents non programmés, organisation de la permanence des soins, exigences de qualification du personnel hospitalier, accessibilité géographique, toutes contraintes assumées par les seuls hôpitaux publics, auxquelles s’ajoutent encore le financement des urgences non couvert par l’assurance maladie ou les revalorisations salariales des fonctionnaires en cours d’année, non compensées par l’État.
Mme la ministre nous a annoncé ce matin avoir soudainement pris conscience de la sous-estimation de la prise en charge de la précarité et des polypathologies par le service public. Il est regrettable que cette prise de conscience tardive ne lui ait pas permis d’en donner une traduction concrète dans le PLFSS.
Des « redéploiements » de moyens sont envisagés. S’agira-t-il de simples transferts ? Le manque de dotation des années précédentes sera-t-il compensé ? Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous transmettre ces questions à Mme la ministre de la santé ?
J’en viens maintenant à un point sur lequel je voudrais insister.
À défaut de financement à hauteur des besoins réels – mais de coûts biaisés –, la convergence substitue une concurrence déloyale à la complémentarité. Cette logique de l’activité – « au surplus inflationniste », ce sont les professionnels qui l’indiquent – et l’alignement aveugle des coûts programment, à terme, la disparition d’un service public efficace, où la « non-rentabilité » des maladies est une réalité.
M. François Autain. Très bien !
M. Guy Fischer. Voilà la réalité !
M. Yves Daudigny. Après l’étouffement, l’absorption. En organisant la fongibilité du service public dans le privé, le projet de loi HPST est à même de constituer le deuxième acte de cette disparition.
Les territoires de communautés hospitalières pourraient être une approche constructive, à condition de respecter l’identité et la complémentarité des établissements hospitaliers. Ils ne doivent pas conduire, sous couvert de mutualisation et selon la pratique gouvernementale de la cartographie, qui a malheureusement fait ses preuves sur notre organisation judiciaire et militaire, à une restructuration purement économique qui viderait de leurs services les hôpitaux de proximité.
Vous ne pourriez qu’aggraver la désertification médicale qui frappe d’ores et déjà nombre de départements. Vous ajouteriez à la raréfaction de l’accès aux soins la perte d’activité et l’appauvrissement de nos territoires.
Selon l’INSEE, l’accès aux services publics contribue deux fois plus à la réduction des inégalités entre les ménages que les transferts monétaires. La disparition de ceux-ci aggrave les inégalités. Ne dites pas que vous les combattez !
La mise en place d’agences régionales de santé pose des questions d’articulation entre les différents acteurs. Le champ d’intervention de l’agence couvrira le secteur médicosocial et social dans une perspective globale de santé publique et, pour cela, intégrera pleinement les compétences acquises des départements. Mais les élus locaux ne pourront pas être cantonnés au rôle de simples donneurs d’avis, les départements à celui d’opérateurs.
La nouvelle gouvernance de l’hôpital suscite les plus grandes craintes. Les mots ont un sens ! Le vocabulaire entrepreneurial qui baigne ce projet justifie toutes les appréhensions. Après la soumission de l’hôpital public aux impératifs de rentabilité comptable, l’installation d’un « patron » et la mise en place, selon le Président de la République, d’une « politique d’intéressement modulée en fonction de la productivité » sonnent l’avènement de l’hôpital entreprise commerciale.
Selon une récente étude du Secours populaire, deux Français sur cinq ont retardé le moment de se soigner ou ont même renoncé à le faire en raison de la hausse des coûts. D’un côté, forfait, déremboursements, franchises médicales, taxation des mutuelles aujourd’hui, de l’autre, dépassements d’honoraires, bénéfices des laboratoires pharmaceutiques, stock-options, bouclier fiscal : tel est le résultat de six années de « politique sociale » dans laquelle on chercherait en vain une quelconque visée de santé publique.
Avec la réforme annoncée de l’hôpital, la boucle est bouclée en réduisant le malade à sa seule dimension d’être biologique souffrant, consommateur de prestations techniques.
Eh bien ! non, la santé n’est pas un bien marchand. La carte bleue ne doit pas se substituer à la carte vitale. C’est bien cela préserver le pacte de 1945 évoqué ce matin par Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Autain. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’hôpital va mal, mais ce n’est pas nouveau. En revanche, ce qui l’est, c’est la très nette prise de conscience à laquelle on assiste cette année, une prise de conscience qui va s’accompagner d’une vraie volonté politique d’agir avec le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », que nous attendons avec impatience et qui devrait nous être soumis dès le début de l’année 2009.
Pour autant, cette loi pourra-t-elle seule venir à bout du mal hospitalier ? Il est permis de s’interroger.
Oui, l’hôpital va mal Mais tel était déjà le cas il y a quatre ans lorsque nous avons étudié la grande réforme de l’assurance maladie, qui mettait totalement de côté la question de l’hôpital.
Que s’est-il passé dans l’intervalle ? Deux phénomènes regrettables ont pu être observés.
Premier phénomène, le secteur hospitalier est un peu trop apparu comme la variable d’ajustement du budget de la santé. En effet, c’est par la régulation budgétaire que le Gouvernement a répondu aux difficultés financières rencontrées par le secteur.
Nous ne sommes pas opposés à la régulation budgétaire. Elle peut être utile et nécessaire, mais à condition d’être véritablement médicalisée et non purement comptable La médicalisation de la dépense hospitalière, c’est bien cela qui manque encore aujourd’hui.
Le second phénomène, conséquence directe du premier, est la dégradation nette du contexte financier des établissements de santé.
Les hôpitaux publics continuent de faire face à une situation de plus en plus critique. L’analyse de celle-ci met en évidence une dégradation financière de 2005 à 2007. En effet, l’estimation du résultat au niveau national sur le compte du résultat principal s’élève à 745 millions d’euros, soit 1,2 % des recettes totales des établissements publics de santé.
On ne peut pas dire que rien n’a été fait, loin de là !
En premier lieu, le passage à la tarification à l’activité n’est pas une petite mesure. La dotation globale attribuée aux hôpitaux publics figeait les situations et ne prenait pas suffisamment en compte l’activité médicale et le service rendu. Il fallait donc en sortir pour mesurer l’activité réelle de l’hôpital. C’est ce qui a été fait avec célérité avec la tarification à l’activité de 100 % des activités de médecine, chirurgie et obstétrique, les activités MCO, des établissements publics dès le 1er janvier 2008. Mais a-t-on pris suffisamment en compte l’effet inflationniste que cette mesure peut entraîner ?
Par ailleurs, le plan Hôpital 2007, qui a représenté une première ébauche de la réforme de la gouvernance de l’hôpital, a relancé l’investissement hospitalier.
Dans ces conditions, je ne peux que saluer la décision du Gouvernement de poursuivre le volet investissement du plan Hôpital 2007 par un plan Hôpital 2012.
Mais toutes ces mesures restent inachevées et ne semblent pas relever d’un plan d’ensemble pour l’hôpital, d’une réforme coordonnée sous-tendue par une logique globale. Jusqu’à présent, la réforme du secteur s’est faite par touches impressionnistes. C’est certainement ce constat qui a présidé à la prise de conscience, sans doute salutaire, à laquelle nous avons assisté cette année. Il était temps !
Entre autres publications importantes consacrées au sujet, je tiens à saluer le rapport d’information Pour une gestion responsable de l’hôpital, établi au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, qui tente de lever le voile sur les trois aspects fondamentaux de la politique hospitalière que sont ses tarifs, sa situation financière et l’état de ses ressources humaines.
S’y ajoute un document déterminant, le rapport Larcher. Nous ne pouvons que souscrire aux orientations qu’il définit, relatives à l’évolution de la gouvernance hospitalière ou encore au regroupement des hôpitaux publics au sein de communautés hospitalières de territoire. Toutefois, il nous est difficile de dissocier ce rapport du futur projet de loi HPST. En fait, on peut considérer ce rapport comme une étude préalable au projet de loi.
Alors, que dire des perspectives ouvertes par ce que nous savons de ce projet de loi et que vous nous avez révélé, monsieur le secrétaire d'État ? Eh bien ! celles-ci sont encourageantes, mais elles pourraient ne pas porter tous leurs fruits si un sérieux effort n’est pas accompli en matière de connaissance chiffrée du secteur hospitalier.
Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, une réforme digne de ce nom du secteur hospitalier, c’est-à-dire médicalisée et non uniquement comptable, devrait, à notre sens, s’articuler autour de trois axes.
Le premier axe est relatif à la gestion financière, avec la question de la T2A et la convergence des tarifs entre les secteurs public et privé et intra-secteur.
Le deuxième axe concerne la gouvernance et le pilotage du secteur et son interopérabilité avec l’ambulatoire.
Enfin, le troisième axe est intrinsèquement lié aux deux premiers : il s’agit des gains de productivité et d’emploi.
La loi HPST semble parfaitement répondre à la problématique de la gouvernance, mais beaucoup moins à celle de la gestion financière et des gains de productivité et d’emploi.
Il est vrai que la réforme de la gouvernance hospitalière et du pilotage du secteur, proposée dans le projet de loi, paraît profonde et pertinente, d’autant qu’elle s’appuierait sur les agences régionales de santé, dont nous n’avons eu de cesse de réclamer la création.
Demeurent les questions fondamentales de la gestion financière et des gains de productivité et d’emploi dans le secteur. La loi HPST ne sera pas en mesure d’y répondre, pour la simple raison qu’elle n’en parle pas ! On ne pourra avancer sur ces sujets majeurs qu’en disposant de données pertinentes. Or, à ce jour, tel n’est pas le cas. Le secteur hospitalier restera-t-il celui des tabous ? Il nous faut les briser, faute de quoi il nous sera impossible de réformer structurellement l’hôpital.
Quelles charges pèsent vraiment sur l’hôpital ? Quelle est la situation financière réelle de l’hôpital et comment y faire face ? Quel est l’état de l’emploi hospitalier ? Mystères et tabous, auxquels se heurtent les réformes déjà entreprises.
Ainsi, en matière de tarification à l’activité, les retards dans la mise en œuvre des études comparatives sur les coûts figent, à ce jour, la convergence tarifaire entre public et privé. Est-elle possible ? Les outils actuellement en place laissent cruellement à désirer.
À l’intérieur même du secteur hospitalier, la fiabilité de l’échelle nationale des coûts est contestée par la Cour des comptes et l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS. Des écarts de plus de 30 % apparaissent entre les établissements publics, et l’écart entre ceux-ci et les établissements privés s’établit aussi à 30 % environ. L’origine de cet écart est discutée. Est-ce dû à la programmation des soins, aux urgences, aux soins apportés à des publics démunis ? Il est temps d’en savoir plus.
En outre, la gestion financière des hôpitaux a été malmenée par la transition vers la T2A. Je pose la question du coefficient de conversion appliqué pour opérer une certaine péréquation entre établissements « gagnants » et établissements « perdants » du nouveau mode de financement. Les coefficients appliqués aux hôpitaux en déficit pendant la période transitoire sont-ils justes ? Ne faudrait-il pas laisser intégralement les ressources émanant de la T2A aux hôpitaux en déficit ? Ce serait une mesure de bon sens, de surcroît compréhensible pour les personnels.
Il faut revoir les mécanismes de péréquation en place. C’est ce qu’attendent les personnels, qui déploient en vain des efforts importants. Si l’on considère le volant de jours de RTT non pris et en attente, on constate que ces efforts sont réels.
Quant aux coûts du secteur privé, ils sont toujours très mal connus. Toutefois, un rapport récent de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, révèle que les cliniques parviennent à dégager un bénéfice de 13 % par an. Peut-on laisser subsister un système permettant au secteur privé de dégager de tels taux de rentabilité quand, dans le même temps, le secteur public s’enlise ?
En matière de convergence tarifaire, nous ne pouvons que nous réjouir que le rapport remis au Parlement par le Gouvernement le 15 octobre dernier annonce, d’une part, la création de l’échelle commune de coûts que l’on attendait et, d’autre part, les progrès réalisés en matière de permanence des soins et de pathologies sévères, progrès qui ont été confirmés par Mme la ministre. Ils permettront de revaloriser les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, dont les contours sont évidemment toujours soumis à caution. Ces missions correspondent-elles à l’action réelle de l’hôpital ? Comment évaluer, par exemple, le coût pour l’hôpital des polypathologies ?
Même si les progrès que j’ai mentionnés vont dans le bon sens, quatre ans après la réforme de la T2A, des études complémentaires indispensables ne sont pas réalisées ou leurs résultats ne sont pas connus. La commission a demandé un calendrier sur ces questions ; nous nous joignons à elle.
Par ailleurs, à combien s’élèvent les déficits hospitaliers ? Selon la Fédération hospitalière de France, ils seraient de l’ordre de 800 millions d’euros, soit 20 % du déficit de l’assurance maladie ! Or ces 800 millions d’euros inscrits aux comptes des établissements ne sont pas retracés par l’ONDAM hospitalier, qui n’est pas dépassé. Tôt ou tard, il faudra payer. Évidemment, on ne mettra pas les établissements en faillite. Dès lors, comment l’État envisage-t-il de faire face à ce problème ? Nous n’avons aucune visibilité sur cette question.
C’est pour briser tous ces tabous que nous demandons, depuis des années, un grand audit sur la situation financière et sur la qualité du secteur hospitalier. Des audits ponctuels existent. Pourquoi ne disposons-nous pas de leurs conclusions ? En 2006, le président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie le réclamait de concert avec la Cour des comptes. Pour l’heure, rien de tel ne semble programmé.
Nous attendons donc des réponses à ces questions, tout en saluant la prise de conscience de Mme la ministre sur la nécessité de réformer l’hôpital, ainsi que le volontarisme politique qui semble l’accompagner. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai écouté ce matin avec beaucoup d’attention Mme la ministre de la santé, mais je dois avouer que je suis resté quelque peu sur ma faim. Je m’attendais à ce qu’elle présente le bilan de son action politique en matière hospitalière. Or elle a prononcé un plaidoyer en faveur du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». Certes, l’exercice fut intéressant, mais il m’a semblé un peu…
M. Guy Fischer. Anticipé !
M. François Autain. … prématuré, puisque nous devons ici même examiner ce projet de loi en février prochain, me semble-t-il.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un galop d’essai !
M. François Autain. Je ne comprends donc toujours pas pourquoi l’hôpital public, pourtant en état de réforme permanente depuis les années quatre-vingt, continue à être le mal-aimé du Gouvernement et à faire l’objet de critiques souvent excessives et infondées, comme s’il était, à lui seul, responsable du déficit de l’assurance maladie.
Certes, personne ne nie qu’il existe en son sein des dysfonctionnements auxquels il faut naturellement remédier. Mais sont-ils réellement plus nombreux et plus graves que ceux qui ont été observés dans d’autres secteurs de notre système de santé ? Je pense, par exemple, au scandale des dépassements d’honoraires face auquel le Gouvernement se montre bien timide ou encore à la dérive des dépenses du médicament, qui ont plus que doublé en vingt ans et augmentent à un rythme de croisière de 5 % si l’on excepte l’année 2006. Cela n’a d’ailleurs pas empêché le Gouvernement de baisser de 40 %, l’année prochaine, la taxe sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique.
Quel contraste singulier avec la rigueur et l’exigence dont le Gouvernement fait preuve à l’égard de l’hôpital public, pourtant plébiscité par les Français dans un sondage en mai dernier.
L’hôpital public est la clé de voûte de notre système de santé, car il est le seul, j’y insiste, à pouvoir accueillir à tout moment tous les patients, sans discrimination aucune. Sortant de son rôle, il est même obligé de pallier les carences de la médecine de ville, en laissant se dévoyer les services d’urgence qui, avec le temps, la crise et l’extension de la pauvreté, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est le problème de la permanence des soins !
M. François Autain. … sont devenus une annexe de soins primaires gratuits vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils coûtent cher !
M. François Autain. Pourtant, malgré l’accroissement de leurs charges et l’élargissement de leurs fonctions, sur quarante ans, de 1960 à 2001, les dépenses engagées par les hôpitaux ont augmenté en volume moins rapidement que l’ensemble des dépenses liées aux soins reçus par les malades. Contrairement à une idée reçue, la part des dépenses d’assurance maladie consacrée à l’hôpital n’a fait que baisser depuis 1981, passant de 42 % à 34 % en 2003.
D’une manière générale, l’hôpital public est beaucoup plus respectueux de l’ONDAM que la médecine de ville ou les cliniques commerciales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr, il transfère à la médecine de ville un certain nombre de dépenses !
M. François Autain. Celles-ci ont dépassé, en 2006, l’ONDAM de 168 millions d’euros, alors que l’hôpital public restait en deçà de 187 millions d’euros !
En 2007, la médecine de ville dépassait de 3,1 % son objectif, qui avait, je vous le concède, été fixé à un niveau particulièrement bas, alors que l’hôpital se trouvait en deçà du sien de 0,2 %.
Ces résultats sont d’autant plus remarquables, même si M. le président de la commission des affaires sociales semble les contester, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous savez très bien ce qu’il en est, car vous êtes un spécialiste en la matière !
M. François Autain. … que le contexte budgétaire imposé par le Gouvernement et dans lequel ils s’inscrivent est très défavorable.
Le taux d’évolution de la sous-enveloppe de l’ONDAM affectée aux hôpitaux oscille, en moyenne, entre 3 % et 3,8 % par an, 3,1 % en 2009, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !
M. François Autain. … alors que les dépenses incompressibles s’accroissent, quant à elles, dans le même temps – tout le monde s’accorde sur le sujet – de 4 %.
Mme Annie David. Il n’est pas possible d’atteindre les objectifs dans ces conditions !
M. François Autain. Aucune entreprise du secteur marchand, même bien gérée, ne pourrait résister longtemps à un tel régime, à plus forte raison un hôpital qui, faut-il le rappeler en ces temps de crise, n’est pas une entreprise comme les autres.
Dès lors, faut-il s’étonner que l’hospitalisation publique, dans son ensemble, accuse à ce jour un déficit cumulé de l’ordre de 800 millions d’euros ? Cette faillite est la conséquence directe de la mise en œuvre du plan Hôpital 2007.
En premier lieu, le remplacement du budget global par ce que l’on appelle « l’état de prévisions de recettes et de dépenses », autrement dit l’EPRD, reposait sur l’hypothèse selon laquelle les moyens dont dispose l’hôpital public sont suffisants et les difficultés budgétaires qu’il rencontre sont uniquement dues à la mauvaise gestion de ses dirigeants.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. François Autain. Outre le fait qu’une telle allégation revient à jeter le discrédit de façon irresponsable sur des équipes de direction déjà fragilisées par les difficultés de la tâche à accomplir, il s’avère qu’elle est erronée. En effet, s’il suffisait de remplacer les directions incompétentes par des techniciens chevronnés pour restaurer la situation financière des établissements, cela se saurait ! En outre, cela signifierait qu’il existe aujourd’hui, en France, 235 directeurs d’hôpitaux totalement incompétents, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est l’organisation de la gouvernance qui est en cause, pas la compétence des personnes !
M. François Autain. … puisque tel est le nombre des établissements qui connaissent des difficultés financières. C’est naturellement peu vraisemblable. L’hypothèse d’un sous-financement est beaucoup plus probable.
En second lieu, la substitution à marche forcée, depuis quatre ans, de la tarification à l’activité à un système forfaitaire qui ne tenait pas compte de la productivité n’a fait qu’aggraver les choses. Ce nouveau mode de tarification, complété par une dotation forfaitaire des MIGAC mal évaluée et insuffisante pour permettre à l’hôpital d’exercer pleinement ses missions de service public, n’a pas apporté, loin s’en faut, la preuve de son efficience.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le processus commence !
M. François Autain. Il était, lui aussi, fondé sur des hypothèses erronées.
Mme Annie David. Eh oui !
M. François Autain. L’ensemble de l’activité médicale hospitalière ne peut être pris en compte par ce mode de tarification, dont la logique discriminatoire pénalise la prise en charge des patients porteurs de maladies graves ou de polypathologies.
Les établissements dont les coûts sont supérieurs à la moyenne, souvent en raison de spécificités locales difficiles à changer, comme le taux de morbidité de la population, sont condamnés à des réductions de personnel, voire, à terme, à la disparition. En témoignent les plans de licenciements massifs qui sont actuellement en préparation : 800 licenciements sont prévus à l’hôpital du Havre, 200 à Nantes et 20 000 au total. Ils ne manqueront pas d’avoir des effets négatifs sur la qualité des soins offerts.
Ce qui pourrait arriver de pire à l’hôpital public, c’est que cette logique soit poussée jusqu’à son terme, comme le préconisent les idéologues de la convergence intersectorielle.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Intrasectorielle ! Ce serait déjà pas mal !
M. François Autain. Les hôpitaux qui auraient survécu à cette purge seraient, certes, bien gérés, mais au prix d’une dégradation de la prise en charge des patients et d’une incapacité à faire face à leurs obligations de service public. Ce serait alors la « fin de l’hôpital public », pour reprendre le titre d’un livre récent dont la MECSS a auditionné l’auteur dans le cadre de l’élaboration de son rapport annuel. Mais ce serait aussi le début d’une ère nouvelle pour les investisseurs, qui pourraient enfin s’intéresser à des établissements devenus rentables, pour peu que ce secteur soit ouvert à la concurrence.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faudrait une haute autorité de régulation !
M. François Autain. Ce sera chose faite lorsque le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » aura été voté, puisqu’il prévoit une délégation de service public qui permettra de confier au secteur privé à but lucratif la gestion des hôpitaux publics, qui n’auront plus de public que le nom.
Le seul inconvénient, c’est que les Anglais, qui nous ont précédés dans cette voie, viennent de renoncer à un tel système de santé, devant la déliquescence qu’il a entraînée.
On le voit, cette réforme constitue, à n’en pas douter, une machine de guerre contre l’hôpital public et le statut de la fonction publique hospitalière.
La réforme a en outre accentué la division du travail observée entre le public et le privé commercial. Pour assurer sa rentabilité, ce dernier s’est constitué aux dépens du service public des « niches » d’activité très lucratives. Les cliniques privées ont enregistré en 2005 un taux de croissance à deux chiffres de leur rentabilité financière. M. Marini évoquait à ce propos des résultats assez rares.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, 13 %, ce n’est pas mal !
M. François Autain. Je m’en remets à cet expert pour considérer qu’il s’agit pour les cliniques d’une aubaine, que les fonds spéculatifs se sont empressés de saisir.
Ajoutons que, depuis 2002, grâce au plan Hôpital 2007, les établissements privés commerciaux ont bénéficié de l’argent public au titre de l’aide à l’investissement à hauteur de 2 milliards d’euros, sans aucune contrepartie.
Le plan Hôpital 2012 prévoit de leur accorder une nouvelle aide de l’ordre de 750 millions d’euros. L’État finance ainsi le regroupement et la spécialisation des secteurs privés pour le plus grand profit des fonds spéculatifs qui détiennent les cliniques commerciales. Ce n’est pas acceptable, même si cette répartition des rôles – déficit pour l’hôpital public, bénéfices pour les cliniques commerciales –...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un résumé un peu simpliste !
M. François Autain. … vérifie une constante dans l’histoire du capitalisme, à savoir la socialisation des pertes et la privatisation des profits ; les modalités d’intervention du Président de la République Nicolas Sarkozy pour sauver les banques de la faillite en sont la plus récente illustration.
Cette politique a été dénoncée successivement par le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis du 28 juin 2007, qui estime que « le concept de rentabilité ne peut s’appliquer à l’hôpital de la même manière qu’une activité commerciale ordinaire », par le président du Conseil national de l’ordre des médecins et par les responsables des quatre principaux syndicats de médecins libéraux, qui soulignent dans un communiqué l’urgence de « protéger le secteur de la santé des appétits des financiers ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis d’accord ! Il faut une régulation !
M. François Autain. Enfin, le 4 novembre dernier, l’intersyndicale des biologistes, inquiets pour leur avenir, publiait dans plusieurs journaux un long communiqué dont la tonalité ne manquait pas de surprendre de la part d’une profession qui ne nous avait pas habitués à un discours aussi radical ; il était intitulé La santé aux enchères. Après avoir ruiné les banques, groupes financiers et spéculateurs lorgnent sur la santé.
Au même moment, le président du Conseil national de la chirurgie déclarait dans une revue professionnelle : « les praticiens veulent devenir partie prenante plutôt que d’être les jouets de grands groupes financiers ». Et bientôt, sans doute, les pharmaciens voudront se joindre à ce combat lorsque le capital de leur officine sera ouvert aux capitaux spéculatifs, ce qui ne saurait tarder.
Ces personnalités fort respectables ne sont ni des gauchistes ni des révolutionnaires, et le Gouvernement ferait bien de prêter une oreille attentive à leurs propos.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Autain !
M. François Autain. Que disent-ils tous ? Que la santé n’est pas un bien comme les autres et qu’elle ne doit pas dépendre de mécanismes marchands.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très belle conclusion !
M. François Autain. Je me vois contraint d’abréger mon propos.
Il faut donc préserver l’avenir de l’hôpital public, seul garant de l’égal accès de tous aux soins, en le tenant à l’écart des lois du marché. Il me semble que la voie empruntée actuellement par le Gouvernement ne va pas dans ce sens. Je crains que, dans ces conditions, les difficultés rencontrées aujourd’hui par l’hôpital ne continuent de s’aggraver. C’est la raison pour laquelle nous attendons, sans trop d’illusions, le projet de loi « Hôpital, santé, patients, territoires ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous ne devriez pas être déçus !
M. François Autain. Dans un premier temps, nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans son discours du 17 avril dernier, le Président de la République a tracé les grandes lignes de la réforme qu’il souhaitait pour l’hôpital du point de vue tant de ses missions que de son organisation.
Cette réforme, attendue par beaucoup, devrait s’appuyer essentiellement sur les mesures proposées dans le rapport du président Gérard Larcher, ainsi que sur des négociations et des concertations organisées jusqu’à la fin de l’été 2008. Le projet de loi sur la modernisation de l’accès aux soins sera donc l’aboutissement de ces travaux qui ont été conduits durant de nombreuses semaines.
Le plan Hôpital 2012 fait suite au plan Hôpital 2007, élaboré dans un contexte de changements rapides du monde hospitalier : amélioration des techniques médicales, augmentation des prises en charge en médecine ambulatoire, exigences de sécurité accrues.
Le plan Hôpital 2012 mobilisera, pour la période 2008-2012, près de 10 milliards d’euros d’investissement et se caractérisera par une volonté clairement affichée de favoriser une meilleure performance économique des établissements de santé. C’est donc une nouvelle culture de l’hôpital qui est mise en place. Elle répond avant tout à de véritables enjeux de modernisation et de recomposition sur tous les territoires de santé, car, pour assurer à nos concitoyens des soins de qualité, il faut prendre la mesure des exigences de chacun d’eux, et si notre système de santé offre une qualité et une sécurité particulièrement remarquables, la demande principale est d’avoir une politique de soins de proximité.
Déjà, lors de la campagne présidentielle, et même si les hôpitaux publics français sont reconnus dans le monde entier pour l’excellence des soins qu’ils prodiguent, parce qu’ils soignent tous les patients, quel que soit leur revenu, leur âge ou leur pathologie et quelle que soit l’heure à laquelle ils se présentent, le Président de la République avait notamment fixé trois grandes orientations en matière de réforme du système de soins : moderniser l’hôpital, créer des agences régionales de santé et faciliter un meilleur accès aux soins, essentiellement dans les régions où le manque de médecins et de personnel soignant commence à poser de sérieux problèmes.
Le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », que vous portez, madame la ministre, et que vous présenterez prochainement au Parlement, vise à assurer à chacun l’accès à des soins de qualité sur tout le territoire. Sans détailler ce texte, dont nous serons amenés à débattre ultérieurement, félicitons-nous de son contenu, qui comprendra quatre titres, selon moi d’une égale importance.
Le titre Ier Modernisation des établissements de santé reprend très largement les conclusions du rapport sur les missions de l’hôpital établi par Gérard Larcher.
Le titre II Accès de tous à des soins de qualité s’inspire en grande partie des travaux des États généraux de l’organisation de la santé qui se sont tenus en début d’année ; il est consacré à la médecine générale de premier recours, à la réforme de la formation continue et au développement de nouvelles modalités.
Le titre III Prévention et santé publique concerne le renforcement des politiques de prévention et prend en compte des problèmes très concrets de santé publique.
Enfin, le titre IV Organisation territoriale du système de santé porte sur la mise en place des agences régionales de santé, qui procède d’un choix stratégique fondamental, celui de renforcer le pilotage territorial, afin qu’il s’effectue au plus près des besoins des populations, et d’assurer une répartition plus juste de l’offre de soins pour lutter contre ce que l’on peut appeler les « déserts médicaux », notamment dans certaines banlieues ou en milieu rural.
Vous l’avez donc compris, si les restructurations annoncées, et attendues, du système de santé visent à répondre aux besoins des territoires, la ligne directrice de ce texte sera de mieux répondre aux préoccupations de nos concitoyens en améliorant l’accès aux soins et en redéfinissant l’hôpital de demain.
L’avancée est importante à souligner : afin de défendre l’excellence des hôpitaux publics et l’égalité d’accès aux soins pour tous, pour la première fois, l’ensemble des sujets sera abordé en même temps, ce qui me paraît indispensable. On ne stigmatise aucun secteur, on dit clairement qu’il y a une société à faire évoluer. L’objectif, à savoir une réorganisation de l’hôpital sur ses missions premières, est clairement énoncé dès le départ.
Si personne ne peut nier la volonté politique d’insuffler une nouvelle dynamique à l’hôpital public et de renforcer les fondements mêmes de notre service public de santé, certains, en parallèle, s’interrogent sur le financement général des hôpitaux et des établissements de santé.
Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis en séance publique pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Il y aurait encore beaucoup à dire sur l’hôpital, mais tentons de limiter nos observations et nos réflexions au cadre précis de l’ordre du jour de nos travaux, car il est avant tout essentiel que toute tentative de changement portée par une volonté justifiée d’améliorer l’organisation du système de santé n’aboutisse pas à une paupérisation progressive de nos hôpitaux et à un découragement de l’ensemble des personnels qui y travaillent.
Veillons également à maintenir l’attractivité de nos établissements de santé, car des différentiels importants de revenus, comme on le voit dans certaines disciplines médicales, augurent des lendemains difficiles pour l’hôpital public.
La vraie question est donc de savoir quelle politique de santé nous voulons. Je pense que nous sommes tous d’accord pour répondre que la priorité est d’obtenir un service de qualité en constante adaptation dans des établissements qui restent avant tout dynamiques et profitables à tous les citoyens.
La dualité du système de financement des établissements de santé publics et privés suscitait de nombreuses critiques : fondée sur des bases historiques, la dotation globale des établissements du secteur public s’adaptait mal à l’évolution réelle de l’activité et, malgré son caractère limitatif, n’évitait pas les déséquilibres financiers ; les éléments de tarification des cliniques, prix de journée et forfaits techniques, étaient trop segmentés et insuffisamment harmonisés.
En outre, la coexistence de deux modes de financement distincts rendait difficile toute comparaison entre les coûts et l’efficience des établissements des deux secteurs, freinait les coopérations et réduisait l’efficacité de la régulation du fait des risques de transferts entre enveloppes. Car le levier principal pour assurer la maîtrise des dépenses hospitalières est la convergence entre les tarifs, ce qui peut sembler incontournable au regard de l’obligation faite à tous les acteurs du système de santé d’utiliser au mieux les ressources qui leur sont allouées.
Personne ne saurait sérieusement prétendre que l’objectif de convergence est facile à atteindre ou qu’il ne nécessite ni progressivité ni accompagnement. La convergence tarifaire doit à la fois être un objectif réalisable et devenir un enjeu vital.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie. Tout à fait !
M. Alain Milon. La tarification à l’activité, très souhaitable comme outil d’alignement de la performance et du financement en milieu hospitalier, semble donc répondre à la volonté des acteurs du système de soins d’harmoniser le mode de détermination des ressources et de prévoir une plus juste allocation de celles-ci, fondée sur une liaison plus étroite entre activité et financement, facteur de transparence.
La T2A est par ailleurs source de comportements vertueux en termes de gestion, en poussant les établissements à s’interroger sur leurs coûts, leur efficience et leur place dans l’offre de soin des territoires de santé. L’utilisation judicieuse des possibilités de régulation financière, couplée à une mise en œuvre des derniers schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, doit conduire à une meilleure efficacité du système et à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie.
Tout le monde parle de la T2A, mais je ne suis pas sûr que chacun connaisse la signification exacte ou le champ d’application de cette tarification à l’activité. Elle s’applique précisément à l’ensemble des activités de médecine, de chirurgie, d’obstétrique et d’odontologie, y compris aux alternatives à la dialyse en centre et à l’hospitalisation à domicile, quel que soit le statut de l’établissement, public ou privé.
Seuls les hôpitaux locaux, les établissements dispensant des soins aux personnes incarcérées et les établissements de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Mayotte ou de la Guyane sont maintenus en dehors du champ de la tarification à l’activité et reçoivent une dotation annuelle de financement. Le passage des établissements du service de santé des armées à la tarification à l’activité est en cours.
Le système de tarification et de régulation des établissements privés anciennement sous objectif quantifié national ne s’applique qu’aux activités précitées : médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie. Pour les activités de soins de suite ou de réadaptation et de psychiatrie des établissements anciennement sous dotation globale, le financement par dotations annuelles est pour partie maintenu, la dotation devenant toutefois une dotation de recettes, sans lien automatique avec les dépenses.
Si nous voulons procéder à une analyse sur le financement à l’activité des activités de médecine-chirurgie-obstétrique, ou MCO, notons que celles des établissements publics et privés de santé sont rémunérées par des tarifs par séjour, des tarifs par prestations et des paiements supplémentaires. Je n’entrerai pas dans le détail ; j’en viens donc directement à ma conclusion.
La mise en œuvre d’une réforme de la T2A constitue une évolution profonde ; elle implique d’importants aménagements et peut donner lieu à des effets de revenus importants. C’est pourquoi des dispositions transitoires ont été prévues : elles se caractérisent par une phase d’adaptation technique ainsi que par une phase de convergence tarifaire qui doit s’étaler, si possible, jusqu’en 2012.
Mes chers collègues, depuis le 1er janvier 2008, le mécanisme de transition a été modifié par la réforme du « 100 % T2A » : les établissements du secteur public sont désormais financés en totalité à l’activité pour leur activité MCO, c’est-à-dire que 100 % des tarifs s’appliquent.
Pour les établissements privés, il en ira de même. Une seconde phase de convergence, la convergence intersectorielle, a pour objectif de rapprocher les tarifs nationaux des établissements des secteurs publics et privés.
M. François Autain. Un mirage !
M. Alain Milon. Cette convergence doit être achevée au plus tard en 2012, dans la limite des écarts justifiés par des différences entre la nature des charges couvertes et les tarifs.
Madame la ministre, pour réussir la convergence public-privé, il conviendra de prendre en compte les spécificités de l’hôpital public et leur impact sur les coûts : la gestion de la précarité qui génère des coûts induits importants, non pris en compte par les tarifs ; l’organisation de la permanence des soins qui, dans la plupart des villes moyennes, est assurée essentiellement par l’hôpital public ; la gestion par le seul hôpital public des spécialités coûteuses – réanimation, néonatalogie –, régies par des normes réglementaires draconiennes nécessaires au fonctionnement des unités publiques et privées, et dont les suppléments de tarifs s’avèrent insuffisants.
Mes chers collègues, le Gouvernement vient de remettre au Parlement, il y a une quinzaine de jours, un rapport faisant le point sur ces travaux et sur les mesures qui seront prises en 2009 dans le cadre de la prochaine campagne tarifaire. Bien sûr, de nombreuses questions restent encore en suspens.
Quatre ans après le démarrage de cette réforme majeure du financement des établissements de santé qu’est la T2A, où en sommes-nous ? Nous entendons dire que certains établissements sont en difficulté à cause de cette tarification à l’activité. Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer et dresser le bilan de cette réforme ?
De même, et pour conclure, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est inscrit le principe de convergence des tarifs entre le secteur public et le secteur privé d’ici à 2012. Là encore, la place est-elle aux économies à très court terme et à tout prix ou, plus probablement, aux réorganisations et regroupements médicalement utiles et intelligents ? Certains acteurs se plaignent que ce dossier n’avance pas suffisamment vite. Quelles sont, madame la ministre, les intentions du Gouvernement sur ce dossier ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant quelques semaines avant l’examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », ce débat thématique dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous donne l’occasion de passer en revue les grands problèmes de l’hôpital public et de l’hospitalisation en général. Je m’en réjouis car, il faut bien le dire, une certaine omerta semblait planer jusqu’ici sur les dépenses hospitalières, qui représentent pourtant près de 52% des dépenses de santé.
Le « touche pas à mon hôpital » faisant consensus, l’opacité financière a longtemps été de rigueur, la connivence employeur-employés de règle, d’autant que la note était payée par la sécurité sociale et les déficits comblés par une rallonge de l’État en fin d’année.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. On a un peu le sentiment que la maîtrise médicalisée et les bonnes pratiques, telles qu’on les diffuse dans le secteur ambulatoire, n’ont pas encore tout à fait trouvé leur place à l’hôpital.
Ce constat est sans doute sévère ; certains y verront une vision déformée et entachée d’une grande incompétence et d’une partialité manifeste. C’est pourtant celle de l’un de nos collègues du groupe qui, en tant que chirurgien, a exercé pendant près de 40 ans dans les hôpitaux publics. Depuis quelques années, un certain nombre de témoignages viennent d’ailleurs corroborer ces réflexions.
Une réforme de l’hôpital est urgente, nécessaire et réclamée pour stopper la dégradation sournoise d’un système qui fut parmi les meilleurs. Il vous faudra, madame la ministre, courage et ténacité pour lutter contre les lourdeurs et les inerties que vous ne manquerez pas de rencontrer.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Elle ne manque pas de courage !
Mme Anne-Marie Escoffier. Les problèmes à résoudre sont nombreux : problème d’organisation interne, problème de restructuration de la carte hospitalière, problème du personnel médical et, enfin, problème financier.
S’agissant tout d’abord de l’organisation interne, le témoignage que vient d’apporter le professeur Laurent Sedel dans son livre Chirurgien au bord de la crise de nerfs me paraît éclairant : « J’ai plaisir à rejoindre tous les matins aux aurores l’hôpital Lariboisière, même si je sais ce qui m’attend […] Je suis juste furieux contre toutes ces incohérences, toutes ces erreurs d’organisation, de production, aux conséquences dispendieuses, toutes ces incompétences qui écrivent des protocoles absurdes, des règles incompréhensibles, des lois inapplicables. »
M. Alain Vasselle, rapporteur. Condamnation sans appel !
Mme Anne-Marie Escoffier. Comment en est-on arrivé là ? Essentiellement par une mainmise technocratique sur l’organisation hospitalière ! La finalité primordiale, à savoir la qualité des soins dispensés aux malades, est passée au second plan des préoccupations, et cela depuis la réforme de 1970. Une avalanche de textes a en effet inondé les hôpitaux avec, comme conséquence, des créations de postes administratifs en grand nombre, nombre qu’il serait d’ailleurs intéressant de connaître pour la prochaine discussion. Il en résulte une paperasserie à tous les niveaux, du bureau des entrées à celui du directeur, de la salle de soins au bloc opératoire, de la pharmacie jusqu’à lingerie, madame la ministre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est une analyse intéressante !
Mme Anne-Marie Escoffier. Le personnel soignant et les médecins passent une grande partie de leur temps à remplir formulaires et statistiques, au détriment de l’accompagnement du malade.
Les lois sur le travail, notamment sur les 35 heures, le principe de précaution, l’organisation informatisée, les revendications acquises de telle ou telle catégorie – personnels soignants, techniciens, médecins anesthésistes ou urgentistes – ont finalement démantelé un système qui était peut-être obsolète, mais qui avait le mérite d’avoir porté pendant très longtemps l’hôpital public au « top ».
Cette déstructuration des services a entraîné une démotivation du personnel et une philosophie du chacun pour soi, les staffs ne discutant plus que de relations corporatives.
Mai 68 a fait disparaître le mandarinat médical ; malheureusement, celui-ci est réapparu sous d’autres formes plus pernicieuses.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Il faut donc reconnaître que la dualité de pilotage entre président du conseil d’administration et direction tourne souvent à la déresponsabilisation de l’un et de l’autre. La réforme prévue sera, de ce point de vue, intéressante à suivre.
Il est donc urgent de redonner une âme, une finalité à la vie de service.
Les restructurations hospitalières constituent un autre sujet de préoccupation.
Définie en 1996, la politique de restructuration a mobilisé les ARH dans un premier temps, mais la dynamique initiale a été progressivement ralentie, voire interrompue. Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes s’est montrée pour le moins critique, sinon sévère, sur le bilan de cette politique.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est le moins que l’on puisse dire !
Mme Anne-Marie Escoffier. Le défaut de pédagogie et de communication, le manque de ligne directrice stable, les signaux contradictoires de l’administration centrale ou encore l’absence d’outil d’évaluation ont freiné les restructurations. Ces dernières ont sans doute également été freinées par la distribution d’enveloppes exceptionnelles en contrepartie d’engagements, non respectés, et par un souci, parfois contraire à la sécurité sanitaire, de maintenir des structures ou des services peu performants.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est un bon diagnostic !
Mme Anne-Marie Escoffier. Certaines ARH ont présenté des SROS réalistes, mais n’ont pas réussi à convaincre les établissements d’abandonner leur activité lorsque celle-ci n’était plus viable ; elles n’ont pas toujours pu résister aux pressions locales des associations et des élus. Pourtant, il faut le rappeler avec force, les réorganisations sont souvent justifiées. L’insuffisance de taille critique, que ce soit pour la chirurgie ou la maternité, est à la fois dangereuse pour les patients et coûteuse.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Eh oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. Prenons l’exemple de la chirurgie : elle a profondément évolué non seulement depuis Aesculape, mais aussi au cours des dernières décennies. L’avènement des nanotechnologies, la performance des appareillages informatisés, les nouveaux matériaux ont véritablement transformé l’exercice de la chirurgie et éclaté celle-ci en de multiples spécialités, nécessitant une formation continue des praticiens.
La cœlio-chirurgie a révolutionné la chirurgie viscérale, la chirurgie endoscopique se pratique sur la plupart des organes. Toutes ces améliorations offrent au patient une qualité de soins toujours meilleure, mais elle suppose une optimisation des équipes et des équipements.
Un chirurgien isolé dans un petit hôpital se voit contraint de ne prendre en charge que les patients dont il peut maîtriser le traitement et de transférer les autres sur un centre plus à même de répondre à leur pathologie. Chacun de nous est en droit d’espérer la prise en charge la mieux adaptée. N’instaurons pas, sous prétexte d’aménagement du territoire ou d’activité économique de la cité, une chirurgie à deux vitesses !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. L’effort de restructuration doit donc être repris. Il doit faciliter le rapprochement des établissements publics et privés. Il ne peut se limiter à une fusion ou à des regroupements de nature administrative, mais doit se traduire par une réorganisation des activités fondées sur un projet médical de territoire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est le rapport Larcher !
Mme Anne-Marie Escoffier. L’entrée de grands groupes financiers dans le capital des établissements a souvent conduit ceux-ci à devoir faire passer la rentabilité financière avant l’offre équitable de soins. L’intervention de financements publics doit être subordonnée à une exigence de permanence des soins.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bien sûr !
Mme Anne-Marie Escoffier. Un autre problème concerne le statut des médecins hospitaliers. Celui-ci doit être revu dans sa globalité, sauf à menacer l’hôpital de ne plus être le lieu d’excellence capable de lutter avec le privé.
La concurrence est certes nécessaire, mais aujourd’hui, à l’exception de quelques grands services, la distorsion financière vient à bout des meilleurs serviteurs de l’hôpital public. Le système du secteur privé à l’intérieur de l’hôpital est de gestion difficile, menant à des abus manifestes que la presse à sensation a vite fait d’exploiter.
Bien sûr, ces réflexions peuvent paraître exagérées, empreintes de pessimisme, d’une nostalgie d’un passé révolu, mais, madame le ministre, le mal est là ! Renforcer le pilotage, améliorer la pertinence du recours à l’hôpital, structurer l’offre de soins à l’échelon des territoires, rendre plus attrayants les carrières et les statuts, dynamiser la recherche : tels doivent être les axes d’une future réforme de l’hôpital.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Beau programme !
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame le ministre, votre tâche est immense, mais vous avez le courage de vous y atteler. Agissez avec fermeté, avec le bon sens que l’on vous connaît, en n’oubliant jamais que, malgré toutes les avancées techniques, la médecine n’est toujours pas une science, mais demeure un art. (Vifs applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cette fois encore, le Sénat ne m’a pas déçue ! (Sourires.)
Le débat a été extraordinairement riche en observations, en critiques, en propositions, que je prends toutes de manière positive afin de progresser sur la question centrale de l’accès à des soins de qualité dans notre pays.
Je m’efforcerai de répondre de la façon la plus exhaustive possible aux questions des différents intervenants, parce qu’elles le méritent.
MM. Vasselle et Jégou m’ont interrogée très précisément sur de nombreux points techniques, tels que la gestion prévisionnelle des métiers, des emplois et des compétences, la GPEEC, la comptabilité analytique et la fiabilité des comptes, le répertoire partagé des professionnels de santé, le RPPS, la convergence tarifaire, le redressement financier des établissements, les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, ou les systèmes d’information.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N’en jetez plus ! (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense que vous attendez de moi que j’apporte des réponses précises à toutes vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. Guy Fischer. Nous n’en attendons pas moins !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes même venus pour cela ! (Nouveaux sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En ce qui concerne tout d’abord la gestion du risque à l’hôpital, monsieur Vasselle, elle regroupe les actions visant à améliorer les modes de recours aux soins des patients et les pratiques des professionnels soignants. Elle a aussi pour objet de faire respecter les dispositions réglementaires et conventionnelles relatives à l’exercice des professions de santé.
La gestion du risque constitue la pierre angulaire de la réforme promue par la CNAMTS depuis 2004. Fort des résultats encourageants obtenus pour la médecine de ville, grâce à la forte mobilisation du réseau de l’assurance maladie, le Gouvernement étendra cette démarche à l’hôpital, afin d’améliorer son efficience.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans le cadre de la contractualisation prévue avec les agences régionales de santé pour la gestion du risque, les CPAM pourront ainsi élargir leur action à l’hôpital, conformément à votre souhait, monsieur le rapporteur.
M. Guy Fischer. Ça va saigner !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est pour le bien des malades, monsieur Fischer ! Seriez-vous contre l’amélioration de la qualité des soins ?
M. Guy Fischer. Je n’ai pas dit cela !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. le rapporteur a également évoqué la gestion prévisionnelle des métiers, des emplois et des compétences.
L’activité hospitalière nécessite avant tout la mobilisation de moyens humains et de compétences. Dans une période de forte mutation du secteur hospitalier, due, notamment, à de nombreux départs à la retraite, la GPEEC est donc déterminante pour anticiper les évolutions.
Je donnerai maintenant quelques indications sur les actions entreprises dans ce domaine.
À l’échelon national, a été créé, en 2002, l’Observatoire national des emplois et des métiers de la fonction publique hospitalière, l’ONEMFPH. Celui-ci a réalisé un répertoire des métiers hospitaliers, dont la version 2, qui sera diffusée à la fin de 2008, constitue un outil précieux permettant une réelle approche d’une fonction publique des métiers.
Pour les professions de santé a été institué, en 2003, l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, l’ONDPS. Il a pour mission de rassembler et d’analyser les données relatives à la démographie de ces professions.
À cet égard, il est essentiel que nous disposions d’informations précises sur le calendrier des départs à la retraite pour assurer le renouvellement des personnels et garantir la continuité des soins. Je suis tout à fait d’accord sur ce point avec M. le rapporteur.
Dans cette perspective, des échanges suivis et précis d’informations ont été organisés avec la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, et l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC, afin que le ministère chargé de la santé puisse disposer de statistiques fiables.
Ces données sont utilisées pour définir les quotas d’entrées dans les instituts de formation, s’agissant des professions paramédicales, par exemple dans les instituts de formation en soins infirmiers, les IFSI, ou le numerus clausus pour les études médicales.
Elles sont déclinées, à l’échelon régional, au travers des schémas régionaux de formation sanitaire arrêtés par les conseils régionaux, puisqu’il s’agit d’une compétence décentralisée, et par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé pour les professions médicales.
Je conviens volontiers, monsieur le rapporteur, que les outils de pilotage qui ont été mis en œuvre sont perfectibles. De surcroît, il convient de ne pas ignorer les facteurs humains, qui rendent parfois difficilement conciliables le lieu de formation et celui de l’exercice professionnel.
Localement, le ministère de la santé accompagne les établissements de santé dans la mise en œuvre de leur politique de GPEEC. Il est en effet urgent que l’application des principes qui gouvernent cette dernière se traduise par une inflexion des pratiques de gestion, inflexion qui peut apparaître encore trop limitée aujourd’hui.
Je souhaite, à cet instant, appeler votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les initiatives exemplaires prises en la matière par deux établissements.
D’une part, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, a couplé la cartographie de ses effectifs par métiers avec son nouveau système d’information « ressources humaines », qui sera refondé le 1er janvier 2009.
D’autre part, le groupement de coopération sanitaire-systèmes d’information de santé de Champagne-Ardenne, le GCS-SISCA, a proposé, via l’agence régionale de l’hospitalisation, de mettre en place des outils de gestion des métiers et des compétences. Ils seront mis à disposition des cinquante et un établissements de santé privés, publics et PSPH – participant au service public hospitalier – de cette région.
J’entends que ce type d’initiatives soit systématisé. C’est pourquoi je demanderai aux directeurs d’ARH de s’engager dans une démarche d’incitation forte par le biais des contrats d’objectifs et de moyens.
Je ne m’étonne guère que M. le rapporteur et M. Jégou m’aient tous deux interrogée sur la comptabilité analytique et la fiabilité des comptes !
À la suite de la mise en œuvre de la T2A, de la réforme budgétaire et comptable et de la nouvelle gouvernance hospitalière, la comptabilité analytique est devenue un indispensable outil d’aide à la décision.
Il existe différents instruments de comptabilité analytique.
Le retraitement comptable, qui constitue le premier niveau, permet de répartir les charges entre les différentes activités.
La base de comptabilité analytique gérée – je ne résiste pas au plaisir de vous le signaler, mesdames, messieurs les sénateurs – par le CHU d’Angers et pilotée par le groupe pour l’amélioration de la comptabilité analytique hospitalière, le GACAH, pour le compte de 130 établissements, sert d’outil de comparaison pour l’ensemble de ceux-ci.
Enfin, signalons la méthodologie commune de l’étude nationale de coûts.
Afin d’optimiser le pilotage interne des établissements, la mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers, la MEAH, a développé et diffusé, en particulier par internet, deux outils particulièrement efficients pour la comparaison des coûts des pôles d’activités.
Les systèmes d’information étant essentiels au développement de la comptabilité analytique, le Groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier, le GMSIH, a recensé les systèmes d’information décisionnels et publié sur son site internet un « kit de base des tableaux de bord pour les établissements de santé ».
Par le regroupement de la MEAH et du GMSIH au sein de la future agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, dont, je l’espère, vous approuverez la création au cours de l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement entend amplifier les actions entreprises pour le développement des outils d’aide à la gestion hospitalière. Cela répond à vos préoccupations, monsieur Jégou !
M. Alain Vasselle, rapporteur. J’espère que nous allons enfin progresser !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La fiabilité des comptes des établissements publics de santé est bien entendu une préoccupation majeure du Gouvernement.
Une première étape a été franchie avec la réforme du régime budgétaire et comptable de 2006, dont l’objectif était de responsabiliser les acteurs hospitaliers et de garantir la sincérité des écritures comptables.
Cette étape, quoique indispensable, n’est pas suffisante. C’est pourquoi, s’appuyant sur les observations de la Cour des comptes, mes services, ceux de mon collègue Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, ainsi que les hôpitaux, travaillent à améliorer encore la qualité comptable. À mes yeux, cela constitue un préalable à la certification des comptes des établissements, que vous proposez d’instaurer par l’amendement que vous avez déposé à l’article 40 bis, monsieur le rapporteur. Votre préoccupation rejoint tout à fait celle du Gouvernement, puisque la certification des comptes des hôpitaux est prévue dans le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
En outre, monsieur Vasselle, vous m’avez interrogée, avec l’acuité que l’on vous connaît, sur le retard pris dans le suivi des prescriptions hospitalières exécutées en ville.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela dure !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les actions entreprises depuis le vote de la dernière loi de financement de la sécurité sociale ont permis, monsieur le rapporteur, des avancées significatives en la matière.
Le déploiement complet du dispositif interviendra au cours de l’année 2009.
Le 1er janvier prochain, la majorité des professionnels de santé exerçant en ville et en établissement seront en possession de leur numéro du répertoire partagé des professionnels de santé, le RPPS, et les textes juridiques seront publiés au Journal officiel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le 1er mars 2009, la majeure partie des systèmes d’information des régimes obligatoires d’assurance maladie seront à même de prendre en compte les numéros RPPS, et les logiciels des professionnels de santé libéraux seront prêts à être déployés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et les médecins hospitaliers ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le 1er mai 2009, les logiciels des transporteurs seront prêts pour un déploiement à la fin de l’année.
Enfin, entre juillet et décembre 2009, les systèmes d’information des établissements de santé seront en mesure de traiter les données assorties de numéros RPPS.
La difficulté la plus importante réside dans le déploiement des logiciels chez les professionnels de santé libéraux, qu’il faudra convaincre de passer à la version 1.40 Sesam Vitale. À titre d’exemple, les pharmaciens, dont 25 % des prescriptions exécutées sont hospitalières, sont équipés à hauteur de 3 %...
En conclusion, le dispositif de suivi des prescriptions hospitalières exécutées en ville ne pourra être mis en place de manière totalement fiable qu’à partir du 1er janvier 2010, avec la majeure partie des établissements de santé et un nombre significatif de professionnels de santé libéraux – entre 40 % et 80 % d’entre eux, selon les professions. En 2009, l’assurance maladie dressera un premier bilan du contrôle des flux et des formulaires, à partir duquel l’organisation du dispositif de sanctions sera élaborée en vue d’une mise en œuvre à compter du 1er janvier 2010.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, l’année 2009 sera donc très riche et très utile s’agissant d’un thème qui vous tient particulièrement à cœur.
Une salve de questions, posées notamment, avec des tonalités différentes, par Mme Payet et MM. Daudigny et Milon, a porté sur la convergence tarifaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, peut-être vous souviendrez-vous que vous aviez inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 le principe de la convergence des tarifs entre les établissements des secteurs public et privé d’ici à 2012.
Certains se plaignent que ce dossier n’avance pas et demandent à être éclairés sur les intentions du Gouvernement en la matière.
Il était prévu, dans la loi, que la convergence tarifaire devait être obtenue « dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs ». Contrairement à ce qui est trop souvent avancé, mesdames, messieurs les sénateurs, « convergence des tarifs » ne signifie donc pas « identité des tarifs ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il faut la transparence, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a précisé que « ce processus de convergence est orienté vers les tarifs des établissements » du secteur privé.
Un tableau récapitulatif des travaux très importants qui ont été réalisés l’an passé dans ce domaine en association avec les fédérations hospitalières a été reproduit dans un rapport qui, je l’espère, vous a été communiqué, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. François Autain. Non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il a pourtant été adressé à la commission des affaires sociales du Sénat, je m’en suis assurée. La commission homologue de l’Assemblée nationale en disposait d’ailleurs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission a eu copie du rapport adressé au président du Sénat !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous le ferai parvenir avant la fin de la discussion, monsieur Autain. Je ne doute pas que vous saurez l’apprécier ! (Un exemplaire du rapport est remis à M. François Autain.)
Vous voilà pourvu d’une saine lecture, monsieur le sénateur ! Cela étant, il ne doit pas s’agir d’un traitement de faveur : tous les membres de la Haute Assemblée, en particulier ceux qui siègent sur les travées de la majorité, doivent pouvoir disposer de ce document ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Ces travaux sont éclairés par un rapport rendu en 2006 par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans le cadre d’une mission d’appui. Ce rapport relevait un écart facial moyen des tarifs de 41 % en 2005, les tarifs du privé étant inférieurs à ceux du public dans cette proportion. Cet écart a été ramené à 37 % en 2008, à la suite des campagnes tarifaires successives. La convergence a donc commencé, mais elle reste bien modeste.
Il convient de préciser que ces écarts ont été calculés sur la base de la structure d’activité du secteur public. Si l’on prend comme base l’activité du secteur privé, dont le périmètre est plus restreint, l’écart tarifaire facial était de 29 % en 2006 et est de l’ordre de 25 % en 2008.
Enfin, si l’on retient comme base l’ensemble des activités du secteur public et du secteur privé, l’écart s’établit à 36 % pour 2006 et à 33 % pour 2008.
Le calcul de l’écart facial des tarifs est donc très dépendant du périmètre de l’activité sur lequel on se fonde pour l’évaluation.
Les résultats d’autres travaux seront utilisés pour la campagne tarifaire de 2009. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet dans mon propos liminaire.
Ainsi, des travaux relatifs à l’étude des coûts à méthodologie commune sur les deux secteurs viennent d’être réalisés. Cette étude permet de répondre à deux objectifs essentiels.
Il s’agit, d’une part, d’établir, pour chaque secteur, des coûts complets moyens par groupe homogène de malades, ou GHM, et, d’autre part, d’analyser des écarts inter et intrasectoriels afin de constituer, pour les pouvoirs publics, un outil d’aide à la décision dans le dispositif de financement des établissements de santé, plus particulièrement dans la perspective de la convergence.
Des travaux permettant de quantifier des facteurs explicatifs des écarts de coûts entre les secteurs ont également été conduits. Dans cette optique, trois chantiers importants ont été ouverts.
Le premier concerne la prise en compte de la sévérité des pathologies. On constate que les établissements bénéficient du même financement pour une pathologie donnée, quelle que soit la lourdeur du cas. La nouvelle classification des prestations – la version dite « V 11 » – permettra, pour chaque pathologie, d’identifier quatre niveaux de sévérité et d’associer à chacun de ces niveaux un tarif différent, le niveau 1 correspondant à la prise en charge d’un patient sans comorbidité associée.
Le deuxième chantier a trait à la prise en charge de la précarité. C’est un sujet qui nous tient tous à cœur. La prise en charge des malades en situation de précarité nécessite la mobilisation de moyens plus lourds et se révèle plus longue et plus coûteuse. J’ai donc décidé de faire évoluer le modèle T2A : les financements accordés au titre de la précarité ne seront attribués qu’aux seuls établissements qui accueillent ces patients. La part de financement au titre de la précarité sera, pour l’essentiel, retirée des tarifs publics, afin d’être réallouée aux seuls établissements concernés.
Enfin, le troisième chantier concerne l’étude de l’impact sur les coûts de la permanence des soins hospitalière, la PDSH. On m’a d’ailleurs posé plusieurs questions à ce sujet. Les travaux portent dans un premier temps sur l’évaluation des permanences sur place et des astreintes à domicile réalisées par les médecins et couvrant la période de la permanence des soins. Une deuxième phase d’étude est prévue afin d’évaluer, d’une part, le coût de la disponibilité des unités de soins spécialisées et des plateaux techniques, et, d’autre part, les coûts des personnels non médicaux. Par ailleurs, la prise en charge des internes accueillis dans certains établissements de santé est assurée à la fois par les tarifs et par la dotation des MIGAC.
Bien entendu, les résultats de tous ces travaux vont être utilisés pour les prochaines campagnes tarifaires, ce qui entraînera un certain nombre de conséquences pour la campagne de 2009. Ainsi, quatre facteurs auront une incidence sur les tarifs des établissements de santé : la prise en compte de l’étude nationale des coûts ; la mise en œuvre de la V 11 ; la prise en compte de la précarité ; la prise en compte d’éléments de la permanence des soins hospitalière.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’année 2009 sera également une année riche au regard de la convergence tarifaire. Le travail accompli est très important, celui qui reste à faire l’est également. Je suis tout à fait déterminée à avancer sur cette question complexe, avec la volonté de rendre plus objective la détermination des financements. Tout cela permettra d’améliorer l’efficience du secteur hospitalier et l’allocation des ressources, dans un souci de justice.
MM. Vasselle et Jégou m’ont interrogée sur ma détermination à assurer le redressement des établissements dont le budget est en déficit, notamment des CHU.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Quatre CHU sont en difficulté !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens à réaffirmer devant le Sénat que le déficit des établissements hospitaliers n’est pas une fatalité !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. À structures égales, certains établissements sont déficitaires, mais d’autres ne le sont pas et présentent un budget équilibré ou excédentaire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Poitiers, par exemple !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le déficit global des établissements atteint 745 millions d’euros pour 2007, dont à peu près la moitié, soit 369 millions d’euros, relève des CHU.
Cependant, le déficit des CHU n’est pas lui non plus une fatalité ! On me dit que vingt-neuf des trente et un CHU sont en déficit.
M. François Autain. Ils sont mal gérés !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En réalité, les niveaux des déficits sont extrêmement variables. (M. Guy Fischer approuve.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Plus de la moitié du déficit global des CHU est due à seulement cinq établissements : l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, l’AP-HM, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, le CHU de Nice, les hospices civils de Lyon, le CHU de Nantes. Le déficit de chacun de ces établissements est compris entre 30 millions et 50 millions d’euros, voire davantage !
M. François Autain. Pourquoi ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le CHU de Caen présente un déficit de 24 millions d’euros, six autres CHU affichent un déficit compris entre 10 millions et 20 millions d’euros, et pour dix-sept établissements le déficit est inférieur à 10 millions d’euros, ce qui relève plutôt de l’écriture comptable que d’autre chose. Enfin, rendons hommage aux CHU de Limoges et de Poitiers qui, quant à eux, présentent un léger excédent ! Par conséquent, même pour les CHU, le déficit n’est pas inéluctable, bien au contraire.
Le Gouvernement est donc déterminé à tout mettre en œuvre pour parvenir à une réduction des déficits des établissements de santé. C’est pour cette raison que j’ai prévu de renforcer le cadre juridique des procédures de redressement, à l’article 40 du PLFSS.
Il faut aider les établissements à revenir à l’équilibre. C’est parfois leur histoire, leur structuration géographique ou topographique qui peuvent expliquer ces déficits. C’est pourquoi j’ai constitué, s’agissant des CHU, un groupe de travail placé sous l’égide de la directrice de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, la DHOS, en y associant la conférence des directeurs généraux de CHU, la conférence des présidents de commission médicale d’établissement et les directeurs des agences régionales de l’hospitalisation.
Ce groupe doit identifier les difficultés des CHU en distinguant ce qui relève des choix de gestion et ce qui relève d’insuffisances du modèle de financement. Bien entendu, il élaborera des propositions, et je suis déterminée à mettre en œuvre, chaque fois que cela sera nécessaire, les dispositions que j’ai inscrites à l’article 40 du PLFSS.
Cela étant, une aide pourra être apportée par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, et éventuellement, si nécessaire, par des dotations financières. Toutefois, je n’ouvrirai pas un guichet sans contrepartie : je mets les établissements en situation de responsabilité. J’aiderai ceux d’entre eux qui sont décidés à revenir sur la voie de l’équilibre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Parfait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Concernant les activités financées par la dotation des MIGAC, j’indiquerai à Mme Payet et à M. Jégou qu’un effort très important a été réalisé par le ministère afin de rendre plus objectifs les choix de financement. Ces travaux ont été décrits très précisément dans le troisième rapport annuel au Parlement. J’espère que M. Autain aura l’occasion de le lire ! (Sourires.)
À titre d’illustration, je soulignerai que les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation, les MERRI, ont vu leur financement rénové. Désormais, les ressources seront allouées sur la base d’indicateurs de résultats portant sur le nombre d’étudiants, de brevets et de publications. Ce dispositif incitera fortement les établissements à améliorer leurs performances.
J’ai par ailleurs demandé l’accélération du développement des systèmes d’information à l’hôpital, comme la « e-santé » et les systèmes d’information de santé. C’est un outil indispensable de notre politique de santé : nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. J’ai fait une communication, en conseil des ministres, sur la « e-santé », qui constitue une des grandes priorités de mon action sanitaire.
En outre, j’ai recentré le Groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier, le GMSIH, sur des missions prioritaires telles que l’interopérabilité, la sécurité, l’assistance à la maîtrise d’ouvrages. J’ai également inscrit la création de l’agence des systèmes d’information partagés, l’ASIP, et de l’ANAP dans le PLFSS pour 2009.
Enfin, j’ai fixé pour priorité, s’agissant du plan Hôpital 2012, l’amélioration de l’efficience hospitalière. Sur les 10 milliards d’euros de crédits d’investissement, 1,5 milliard d’euros seront consacrés à l’amélioration ou à la création de systèmes d’information hospitaliers.
La T2A a suscité des interrogations sur de nombreuses travées. Je souhaiterais tout particulièrement répondre à M. Milon, en le remerciant de ses propos très positifs et constructifs.
Quatre ans après la mise en place de cette réforme majeure, où en sommes-nous ?
On entend dire que des établissements seraient en difficulté à cause de la T2A. Cependant, la T2A permet de redistribuer les crédits, il ne s’agit pas de réduire le montant des enveloppes ! Je note d’ailleurs que les établissements assujettis à la T2A ont été plus nombreux à voir leur financement augmenter qu’à le voir diminuer. Mais il est vrai que les premiers sont beaucoup plus silencieux que les seconds !
Le passage à la tarification à l’activité est une réforme majeure. Après quatre années d’application, je souhaite insister de nouveau sur ses principes fondamentaux.
La tarification à l’activité a d’abord pour objet une allocation plus juste des moyens. Cette réforme concerne les activités de médecine, de chirurgie, d’obstétrique et d’odontologie, y compris l’hospitalisation à domicile et la dialyse hors centres. Elle comporte des tarifs de séjour correspondant à la répartition des cas traités dans des groupes homogènes issus de la classification en GHM, des tarifs de prestation, notamment pour les urgences ou les greffes, le paiement en sus des tarifs de médicaments et dispositifs médicaux implantables coûteux, un financement, par la dotation nationale de financement des MIGAC, des activités qui pourraient difficilement être financées selon le principe de la tarification à l’activité, car non décrites au sein d’une nomenclature ou non liées à un volume d’activité. Par ailleurs, le service de santé des armées, actuellement financé par la dotation globale, passera au régime de la T2A le 1er janvier prochain pour ses activités de médecine, de chirurgie et d’obstétrique. La T2A doit s’élargir aux soins de suite ou de réadaptation, les SSR, et à la psychiatrie. Des travaux, complexes, sont en cours sur ce point.
Une période de transition est prévue jusqu’en 2012. La réforme implique une redistribution des moyens financiers au sein de chaque secteur entre les établissements. Un dispositif de transition a été prévu pour permettre aux établissements de s’adapter.
Toutes choses égales par ailleurs, pour le secteur privé, la réforme représente une redistribution de 140 millions d’euros sur la période considérée. Pour le secteur public, cette réallocation des moyens est plus importante : 1,3 milliard d’euros sur la période 2005-2012, dont 540 millions d’euros de 2008 à 2012. Je rappelle que le passage à la T2A à 100 % depuis le 1er janvier a eu pour effet de rendre l’ensemble des recettes au titre de la T2A du secteur public proportionnelles à l’activité réalisée. Nous avons substitué au système antérieur, qui conjuguait un financement par les tarifs et un financement par une dotation forfaitaire, un financement à 100 % par les tarifs modulés selon des coefficients de transition.
Aujourd’hui, nous avons parcouru les deux tiers du chemin menant à la convergence intrasectorielle.
La T2A n’est pas un modèle figé. Je vous ai indiqué quelles modulations je souhaitais mettre en place avec le coefficient de précarité et le coefficient de sévérité.
La T2A n’est pas davantage une réforme isolée. Elle s’inscrit dans un plan plus vaste de soutien à l’investissement, de réforme de la gouvernance de l’hôpital, de démarche d’amélioration de la qualité des soins. La tarification à l’activité est un levier pour développer l’efficience des établissements de santé.
J’ajoute, et c’est un élément majeur, que la T2A place le malade au centre du dispositif hospitalier. Auparavant, le système de la dotation globale entraînait des dérives et des effets pervers qui étaient dénoncés de façon unanime.
M. François Autain. Et les effets pervers de la T2A ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Avec la dotation globale, dispositif à enveloppe fermée, lorsqu’un malade arrivait à l’hôpital au mois de novembre, il arrivait qu’il ne puisse être traité, faute de crédits. La tarification à l’activité est plus juste, car elle place le malade au centre du système de soins. J’ai donc bien du mal à m’expliquer les critiques dont elle fait l’objet sur certaines travées de cette assemblée…
Comme vous l’avez rappelé, monsieur Autain, l’hôpital public est la clé de voûte du système de santé. Voilà au moins un point sur lequel nous sommes en parfait accord ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. François Autain. Vous voyez bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’hôpital public est même le joyau de notre système de santé, et, pour le sauvegarder, nous devons le transformer.
Vous avez dénoncé la possibilité de confier des missions de service public aux établissements privés. Il me paraît très important de définir ces missions de service public.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est ce qui prime !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certains établissements privés, je pense notamment aux établissements à but non lucratif, remplissent des missions indispensables.
M. François Autain. Nous sommes d’accord !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La définition des missions de service public doit s’accompagner d’une définition des obligations des établissements qui se voient confier de telles missions. J’y reviendrai lors de la discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Que les établissements soient publics ou privés, ces obligations liées aux missions de service public sont au nombre de trois : tout d’abord, assurer la permanence des soins ; ensuite, garantir l’accueil des publics en difficulté, notamment des bénéficiaires de la CMU ou de l’aide médicale d’État, l’AME, et bannir les refus de soins (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit) ; enfin, assurer à la population desservie un certain pourcentage, à fixer avec l’agence régionale de l’hospitalisation, devenue agence régionale de santé, de prestations intégralement remboursées par la sécurité sociale.
Madame Escoffier, vous m’avez interrogée sur les restructurations hospitalières. Je tiens à vous remercier d’avoir mis l’accent sur le concept d’égalité dans l’accès à des soins de qualité.
Je l’ai dit et je le répète : chacun, dans notre pays, doit avoir accès à des soins de qualité. Ma responsabilité est d’assurer la qualité et la sécurité des soins. Je le redis, je ne fermerai aucun hôpital !
M. Guy Fischer. Ah !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’hôpital de proximité assure des missions absolument indispensables, au service de nos concitoyens. Cependant, il doit le faire dans le respect des exigences qui s’imposent à nous. Nous devons, pour de multiples raisons, réformer les services de chirurgie et d’obstétrique.
Dans certains cas, la pratique de la chirurgie peut être dangereuse. Avant que je prenne la décision de fermer le service de chirurgie d’un hôpital dont je ne citerai pas le nom, on opérait des patients pour des pathologies digestives avec un taux de mortalité de 50 %, contre 12 % sur le plan national !
M. Guy Fischer. Pour quelle raison ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous rendez-vous compte que, en 2006, sur vingt-huit patients opérés dans cet hôpital, quatorze sont décédés ? Dans un hôpital du Centre, une trop faible activité a conduit à des erreurs à répétition.
Certes, le risque zéro n’existe pas ! Néanmoins, les expertises et les rapports d’inspection le montrent tous : pour assurer la sécurité des patients, il faut qu’un nombre d’actes suffisant soit réalisé. Ce qui est vrai pour la chirurgie l’est aussi pour l’obstétrique : dans une ville de la Nièvre, plus aucun pédiatre n’était affecté à temps plein à la maternité.
Par ailleurs, il peut être difficile d’assurer la permanence des soins. Les médecins, si admirables et si dévoués soient-ils, ne peuvent pas être de garde toutes les nuits ! Dans un petit centre hospitalier de la région Rhône-Alpes, un chirurgien a été de garde deux cents jours d’affilée ! Il n’était remplacé que par des intérimaires. Comment un médecin pourrait-il être réellement opérationnel dans ces conditions ?
M. Guy Fischer. Sur ce point, nous sommes d’accord !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Devant cette situation, les patients ont choisi. Certains établissements connaissent un « taux de fuite » de plus de 90 %. Les malades qui en relèvent théoriquement, du fait de leur lieu de résidence, refusent d’y être hospitalisés. En quelque sorte, ils votent avec leurs pieds ! (Sourires.)
L’objet du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires est de remédier à de telles situations. Il convient de définir une véritable gradation des soins.
L’hôpital de proximité doit assurer les urgences, les soins courants, les soins post-aigus.
L’hôpital de deuxième niveau est doté de plateaux techniques. Un service de chirurgie regroupe aujourd’hui plusieurs blocs opératoires, servis par plus de cent professionnels hautement qualifiés et spécialisés.
M. Bernard Cazeau. Et les cliniques ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Enfin, au troisième niveau, se situe le CHU, l’hôpital de référence. On peut même définir, peut-être, un quatrième niveau, encore plus pointu.
Il faut assurer la qualité et la sécurité des soins avec des hôpitaux qui travaillent en partenariat dans une communauté hospitalière territoriale.
L’hôpital doit en outre être dirigé par un véritable patron, dont la tâche principale sera de mettre en œuvre un projet médical d’établissement. La gestion n’est qu’un instrument au service d’une finalité médicale, madame Escoffier. Nous voulons, grâce à des coopérations territoriales renforcées, rendre l’hôpital attractif pour les professionnels de santé. Tel est l’objet de la réforme de l’hôpital que j’aurai l’honneur de vous présenter dans quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs. Dans cette attente, je vous remercie encore une fois pour la richesse de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Nous en venons maintenant aux questions-réponses.
Je rappelle que chaque intervention ne devra pas dépasser deux minutes et demie.
Après la réponse de Mme la ministre, chaque orateur pourra reprendre la parole pour une minute.
La parole est à Mme Jacqueline Chevé.
Mme Jacqueline Chevé. Au nom de la réduction des coûts, le Gouvernement entend regrouper un certain nombre d’hôpitaux de proximité pour concentrer les infrastructures hospitalières au sein de grands plateaux techniques.
Cette logique s’applique au détriment de l’égal accès à des soins de qualité pour tous. Implantés dans de petites villes, souvent au centre de territoires ruraux, les hôpitaux de proximité sont progressivement écartés d’un système qui se recentre sur des capitales régionales déjà engorgées.
Élue du centre de la Bretagne, je m’interroge avec inquiétude sur les conditions brutales et souvent anarchiques dans lesquelles sont conduites ces réorganisations. Je garde ainsi en mémoire la forte mobilisation des villes de Carhaix et de Guingamp pour sauver leur hôpital.
Ces réorganisations démotivent les médecins libéraux qui voudraient s’installer en campagne. Plusieurs enquêtes ont en effet montré que la présence d’un hôpital de proximité était un facteur déterminant dans le choix de leur lieu d’installation par les jeunes médecins. Pour eux, les hôpitaux de proximité constituent un renfort indispensable : les urgences et les SMUR évitent que ne pèse sur leurs épaules la responsabilité de situations graves. En outre, pour de nombreux spécialistes, un hôpital proche est un point d’appui indispensable à une pratique médicale de qualité.
Ces réorganisations déstabilisent les territoires. Elles ont des effets collatéraux dramatiques dans les régions qui les subissent. On assiste à des délocalisations de services comme on assiste à des délocalisations d’entreprises.
Pour une petite ville, la fermeture d’un hôpital, d’un service d’urgence ou d’une maternité signifie la perte directe de dizaines, voire de centaines d’emplois. C’est aussi une perte d’attractivité, surtout lorsque la réorganisation d’un hôpital s’accompagne de la fermeture d’une gendarmerie, d’une sous-préfecture ou d’un tribunal d’instance…
Ces réorganisations désorientent enfin les patients, qui sont obligés de parcourir de longues distances avant de trouver un hôpital ou un spécialiste. Avec le vieillissement de la population de nos campagnes, cela pose de vrais problèmes aux personnes âgées et à leurs familles, souvent éloignées. L’accès aux soins devient de plus en plus compliqué pour tous nos concitoyens vivant en zone rurale.
Aujourd’hui, avec la désertification médicale, il faut parfois attendre plus de six mois avant de pouvoir consulter un spécialiste. Je peux témoigner, pour le vivre au quotidien, que la réorganisation d’une maternité en centre de périnatalité n’apporte pas de réponse supplémentaire en termes de prévention et de suivi médical. Aujourd’hui, il faut sept ou huit mois pour obtenir un rendez-vous en gynécologie médicale. Est-ce tolérable ?
Madame la ministre, est-il normal, sous couvert de rationaliser l’offre de soins, de perdre la proximité, la sécurité sanitaire pour les habitants, l’égalité de l’accès aux soins pour tous, et d’accentuer encore un peu plus la désertification de nos territoires ? Quel avenir est réservé à nos hôpitaux publics de proximité, et quelles activités pourront-ils exercer ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que les questions ne doivent pas excéder deux minutes trente.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, je crois avoir déjà répondu à votre question, mais je vais revenir sur certains points.
Je ne fermerai pas d’hôpital.
M. Bernard Cazeau. Vous allez les étouffer !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’hôpital de proximité est absolument indispensable, mais il doit être recentré sur ses véritables missions. J’observe que non seulement les hôpitaux ayant été restructurés n’ont pas perdu d’emplois, mais qu’ils en ont au contraire gagné.
J’ai à l’esprit les témoignages éloquents de certains maires qui, après avoir défilé derrière des banderoles pour s’opposer aux restructurations, doivent reconnaître, au bout de quelques mois ou de quelques années, que ces mêmes restructurations ont en fait sauvé leur hôpital de proximité. En effet, le public fait de nouveau confiance à celui-ci, parce qu’il a été recentré sur ses véritables missions.
À cet égard, les urgences constituent une des fonctions dévolues à l’hôpital de proximité. Madame la sénatrice, j’envisage, vous le savez, de renforcer le service des urgences de l’hôpital de Carhaix, notamment de moderniser l’hélistation, afin que cet établissement puisse traiter les urgences dans de bonnes conditions.
De même, la gériatrie est typiquement un service de proximité. Nous sommes dans une phase de transition démographique marquée par un vieillissement de la population. Les personnes âgées doivent bien sûr pouvoir être soignées le plus près possible de leur domicile, afin que leur famille puisse leur rendre visite. Mais si elles doivent subir une intervention sérieuse, pour la pose d’une prothèse de hanche par exemple, elles seront tout naturellement dirigées vers un plateau technique bien équipé, où exercent des praticiens compétents.
Le chirurgien qui pratique toutes les opérations appartient définitivement au passé.
M. Guy Fischer. C’est terminé !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Désormais, la victime d’un accident de la route souffrant d’un traumatisme crânien, d’un éclatement de la vessie et de fractures sera opérée par trois chirurgiens différents, dans un plateau hospitalier regroupant près de cent professionnels : infirmières-anesthésistes, anesthésistes, spécialistes de l’asepsie, infirmières spécialisées… Comment l’hôpital d’une petite ville de quelques milliers d’habitants pourrait-il garantir une telle sécurité chirurgicale ?
Les mêmes observations valent pour les maternités. Dans notre pays, nous n’envisageons la fermeture d’une maternité qu’en deçà du seuil de 300 accouchements par an. Dans les faits, nous ne déclenchons les procédures de transformation d’une maternité en centre périnatal de proximité que si l’établissement pratique moins de 200 accouchements par an… Or, tous les spécialistes s’accordent à reconnaître que le seuil de sécurité se situe entre 900 et 1 200 accouchements par an.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.
M. Guy Fischer. La ministre s’emporte !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous sommes donc très en dessous des seuils de sécurité.
Madame la sénatrice, la politique que nous menons assure le maintien de la vitalité des territoires. Non, vous ne verrez pas votre hôpital fermer ! C’est si vous n’agissez pas, si vous laissez dispenser des soins de mauvaise qualité que vous handicaperez la survie de votre hôpital, parce que les malades le fuiront ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Chevé.
Mme Jacqueline Chevé. Madame la ministre, mes craintes demeurent. Vous réaffirmez que vous ne fermerez pas d’hôpitaux, mais je pense que vous allez les étouffer petit à petit.
M. Bernard Cazeau. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, ma question porte sur la convergence tarifaire dans le secteur hospitalier : les difficultés de sa mise en œuvre remettent en cause les effets vertueux de la tarification à l’activité.
En effet, l’ancien mode de financement des établissements hospitaliers, la dotation globale pour les établissements publics et la tarification à la journée ou à la prestation pour les cliniques privées, figeait les situations et ne prenait pas suffisamment en compte l’activité médicale et le service rendu. La mise en place de la T2A a été une excellente mesure, permettant que le financement des établissements reflète mieux leur activité réelle.
Le processus de convergence tarifaire entre les établissements de santé publics et privés constitue un volet préalable et spécifique de la mise en œuvre de la T2A. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, à son article 33, en a fixé l’échéance à 2012. Or, aujourd’hui, ce processus semble en panne.
Par volontarisme politique, les pouvoirs publics ont fait en 2003 le choix de mettre en œuvre la T2A sans attendre de disposer d’une échelle de coûts du secteur privé. Quatre ans plus tard, ces outils semblent faire défaut, et la mise en place du dispositif paraît quelque peu compromise.
Le Gouvernement, en obtenant que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 n’impose aucun objectif intermédiaire chiffré, a donné le sentiment qu’il consentait à un recul. Ainsi, à l’automne dernier, il a précisé que la convergence se ferait en direction des tarifs les plus efficients, et non des tarifs moyens.
En tout état de cause, l’objectif d’un achèvement de la convergence tarifaire en 2012 semble difficile à atteindre.
Comment comptez-vous, madame la ministre, relancer la convergence tarifaire ? A-t-on déjà enregistré quelques progrès en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer une nouvelle fois sur la convergence tarifaire.
La loi a en effet posé le principe de cette convergence. Celle-ci suscite de nombreuses inquiétudes, au motif que l’hôpital privé n’a pas les mêmes missions, ne reçoit pas les mêmes malades, ne subit pas les mêmes contraintes que l’hôpital public, et l’on redoute que je crée un lit de Procuste pour ce dernier. Mais, je l’ai rappelé tout à l’heure, convergence ne signifie pas identité ! Si les tarifs convergent, c’est toutes choses égales par ailleurs, et il est tenu compte des obligations différentes auxquelles les établissements sont soumis.
Des travaux très importants ont été réalisés par mes services, par la DHOS, par la Mission tarification à l’activité et par l’ATIH, l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, avec le concours de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, de l’assurance maladie et des fédérations hospitalières. Le rapport présentant ces travaux vous sera bien sûr transmis : il n’y a aucune raison que seul M. Autain en dispose ! (Sourires.)
Bien que la convergence n’ait été jusqu’à présent réalisée que de manière très partielle, les choses vont néanmoins dans le bon sens eu égard à la difficulté et à la complexité du processus. De nouveaux travaux seront engagés en 2009, en particulier la production, pour chaque secteur, de coûts complets moyens par GHM et l’analyse des écarts inter et intrasectoriels. Nous disposerons ainsi d’un outil d’aide à la décision.
J’ai déjà évoqué les critères de modulation que nous avons introduits : la prise en compte de la sévérité des cas, la prise en charge de la précarité, l’étude de l’incidence des coûts sur la permanence des soins hospitalière et la prise en charge des internes. J’ai également désigné les travaux dont les résultats seront utilisés pour les prochaines campagnes tarifaires.
Dès 2009, les tarifs des établissements de santé reflèteront la prise en compte de l’ensemble de ces critères, ce qui permettra au moins cinq points de convergence. Cette démarche correspond d’ailleurs au principe posé dans le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, dont l’article 1er précise que, quel que soit leur statut, tous les établissements de santé peuvent exercer des missions de service public dans des conditions définies par les agences régionales de santé.
Le chantier que vous nous confiez, madame la sénatrice, est mené d’une main ferme !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse très précise, qui permet de dissiper nos craintes.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la ministre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 comporte une innovation qui préfigure ce que sera demain le paysage médical dans notre pays : il s’agit de la possibilité ouverte aux agences régionales de l’hospitalisation, qui deviendront bientôt les agences régionales de santé, de placer provisoirement un établissement public de santé sous administration provisoire, c’est-à-dire sous tutelle.
Vous justifiez cette disposition par la situation de certains établissements présentant un déficit, qu’il faudrait replacer sur le bon chemin de l’efficience. Vous entendez confier sa mise en œuvre au « superpréfet » que sera le directeur de la future ARS, qui se substituerait au directeur de l’établissement, forcément responsable de la situation.
Madame la ministre, il nous paraît particulièrement injuste de stigmatiser cette personne, en faisant retomber sur elle le poids de toutes les responsabilités. Cela tendrait à faire croire à nos concitoyens que la situation financière de nos hôpitaux ne résulterait que de la mauvaise gestion de leurs directeurs.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cela peut arriver !
M. Guy Fischer. Il en est de très mauvais, sans doute, mais l’on peut supposer qu’ils sont connus ! C’est comme les mauvais chirurgiens : on les connaît, et pourtant ils exercent toujours !
Aujourd’hui, le déficit global des établissements publics de santé est estimé à près de 880 millions d’euros. Nous avons du mal à croire que cette situation gravissime n’est que la conséquence d’une mauvaise gestion. François Autain et moi-même avons souligné qu’elle résulte souvent d’un sous-financement de l’hôpital public.
Je vous poserai donc deux questions, madame la ministre.
Tout d’abord, pouvez-vous nous indiquer précisément quels sont les effets de l’application de la T2A à l’hôpital ? Certes, nous avons le sentiment de nous répéter, mais la formule y incite !
M. Guy Fischer. Ensuite, quelle forme pourraient prendre les mesures proposées par le directeur de l’ARH dans la situation que j’ai évoquée ? Qu’est-il prévu – nous n’avons pas trouvé d’éléments à ce sujet dans le projet de loi – pour le cas où l’autorité de tutelle de l’établissement public de santé ne parviendrait pas à ramener la situation financière à l’équilibre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, je ne me lasse jamais de vous répondre, même si vous me posez toujours les mêmes questions… (Sourires.)
Je vais néanmoins essayer de varier un peu mes réponses et de vous apporter d’autres éléments d’appréciation.
Je rappellerai d’abord, pour situer les choses, que nos dépenses hospitalières par habitant sont les plus élevées au monde…
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … et que notre maillage hospitalier est le plus dense au monde !
M. François Autain. Il y a l’Allemagne, quand même !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Or, malgré cela, et en dépit de la crise financière que nous traversons, nous fixons un ONDAM hospitalier en augmentation de 3,1 %, soit une hausse très nettement supérieure à la progression de la richesse nationale.
Comment, dans ces conditions, peut-on affirmer que nous sommes dans une logique de rationnement ? Bien au contraire, ces dépenses, qui sont les plus élevées au monde, connaissent un taux de progression beaucoup plus rapide que la croissance de la richesse nationale. Telle est la vérité des chiffres, que je voulais redire devant le Sénat.
Nous devons réfléchir ensemble à l’emploi judicieux des ressources extrêmement importantes que la solidarité nationale consacre à l’hôpital, en particulier à l’hôpital public, pour que celui-ci dispense des soins de qualité à l’ensemble de nos concitoyens.
Dans cette perspective, la tarification à l’activité répond à un double souci de justice : justice entre les établissements, justice pour les malades.
J’ai expliqué par quel mécanisme la tarification à l’activité place le malade au centre du dispositif. En aucun cas elle n’a eu pour effet de diminuer la dotation globale consacrée à l’hôpital ! J’en veux pour preuve que les ONDAM hospitaliers ont continué de progresser. Simplement, elle a redistribué les ressources entre les hôpitaux.
Monsieur Fischer, ne trouvez-vous pas juste, tout de même, que les établissements réalisant le plus grand nombre d’actes – au service des malades, au service de notre santé ! – reçoivent davantage d’argent que les établissements moins actifs ? Cela me paraît pourtant relever de l’évidence !
La dotation globale, que tout le monde critiquait et dénonçait comme un système parfaitement injuste quand elle existait, a été remplacée par la tarification à l’activité, système qui ne pénalise pas les établissements hospitaliers.
M. Bernard Cazeau. Si !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien au contraire, elle les a placés en situation de responsabilité, et de nombreux établissements y ont trouvé leur compte.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Poitiers, entre autres !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En particulier, ils ont pu connaître des évolutions qui étaient devenues nécessaires et que leurs performances ont rendues possibles.
Vous m’interrogez enfin sur la mise sous administration provisoire. Bien évidemment, cela concerne des établissements dont la situation financière est tellement dégradée qu’elle ne peut qu’être le signe d’une déficience dans la gouvernance de l’établissement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ajaccio !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle n’intervient qu’au terme d’une gradation des mesures que j’ai décrite dans mon propos liminaire. Je ne citerai pas, parce que je ne souhaite pas le stigmatiser, l’établissement que je viens de mettre sous administration provisoire, mais vous connaissez le montant de son déficit par rapport à son chiffre d’activité – je ne parle jamais de chiffre d’affaires à propos d’un hôpital public, car j’estime que ce terme n’est pas approprié en l’occurrence – et la gravité des déficiences de la gouvernance qui y ont été constatées.
Quand une équipe rencontre manifestement des difficultés, il faut l’aider, et la mise sous administration provisoire est une manière de le faire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la ministre, je vous poserai quatre questions rapides, révélatrices d’autant de facettes de l’hôpital.
Vous connaissez les inquiétudes des patients souffrant de maladies dites orphelines. Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre afin que l’hôpital prenne mieux en charge les pathologies rares ?
En matière de recherche et de thérapies, à l’heure où les découvertes sur les cellules-souches se succèdent, la France est confrontée à un paradoxe, puisque le sang de cordon ombilical y est considéré comme un déchet opératoire. Le pays dans lequel Éliane Gluckman, voilà vingt ans, a réalisé la première greffe mondiale de sang de cordon vient aujourd’hui au seizième rang, après la République tchèque, pour la collecte de greffons !
Alors qu’elle compte 800 000 naissances par an, la France est obligée d’importer des cordons. Cela coûte à l’assurance maladie plus de 3 millions d'euros, ce qui équivaut à la conservation de 1 700 greffons.
Madame la ministre, avez-vous l’intention de lancer une véritable politique en la matière et de permettre à davantage de maternités de collecter le sang de cordon ? Si oui, dans quelle mesure et dans quels délais ?
Par ailleurs, un service d’addictologie a-t-il les mêmes lettres de noblesse à vos yeux, madame la ministre, qu’un service de chirurgie neurologique à l’hôpital de La Pitié- Salpêtrière ou un service de cardiologie à l’hôpital européen Georges-Pompidou ? Si oui, compte tenu de l’ampleur de la problématique des addictions en France, avez-vous l’intention de développer et de valoriser l’addictologie au sein de l’hôpital ?
Enfin, vous avez la volonté de moderniser l’hôpital, madame la ministre, mais avez-vous étudié l’incidence sur l’organisation hospitalière des innovations médicales et technologiques ?
Le rapport de Mme Polton portant sur le devenir de l’hôpital à l’horizon de 2020 a-t-il été utilisé pour orienter les politiques publiques à l’égard des innovations médicales et technologiques, qui permettent des gains de temps et de lits et le redéploiement de moyens humains ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il me faudrait vingt minutes pour répondre à toutes les questions de Mme Hermange ! (Sourires.)
Le premier point que vous avez évoqué, madame la sénatrice, me tient particulièrement à cœur.
Les maladies rares, celles qui affectent moins d’une personne sur 2 000, touchent néanmoins de 3 à 4 millions de nos concitoyens, et 30 millions de personnes au sein de l’Union européenne.
Le plan national maladies rares s’achève à la fin de l’année. De multiples lettres émanant d’associations et de personnes privées m’interpellent sur ce sujet, et je voudrais profiter de votre question, madame la sénatrice, pour rassurer les patients qui souffrent de ces pathologies, ainsi que leurs familles.
Le diagnostic et la prise en charge initiale des patients atteints de maladies rares sont essentiellement hospitaliers. L’un des axes du plan maladies rares a été de mettre en place des centres de référence. Ces centres de référence ont été implantés dans les hôpitaux afin de bénéficier de l’expertise des équipes médicales en place et de leurs plateaux techniques.
Ainsi, 131 centres de référence ont été labellisés et financés à hauteur de 40 millions d'euros. Le nombre de maladies rares étant, selon les experts, de l’ordre de 7 000 à 8 000, chaque centre a la responsabilité du traitement de plusieurs d’entre elles. Elles ont été classées en dix-sept groupes. En outre, 475 centres de compétence, s’articulant avec les centres de référence, doivent être désignés d’ici à la fin de l’année 2008.
Enfin, dans le cadre du PHRC, le programme hospitalier de recherche clinique, près de soixante-dix projets de recherche émanant d’équipes hospitalières ont été financés à hauteur d’environ 26 millions d'euros.
Je souligne que cette organisation est considérée comme un modèle par nos partenaires européens. J’ai inscrit la question des maladies rares à l’ordre du jour de la présidence française de l’Union européenne. Vous avez d'ailleurs assisté à l’un des séminaires d’experts que j’ai organisés, madame la sénatrice. Ce sujet figurera à l’ordre du jour du conseil de décembre, où une communication sur les maladies rares sera faite.
Il reste beaucoup à faire. En particulier, les liens entre les centres de référence et les maisons départementales du handicap doivent être renforcés. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a entrepris d’améliorer les choses sur ce point.
Nous allons en outre évaluer la mise en œuvre du plan maladies rares. L’année 2009 sera une année de stabilisation, les financements étant bien entendu maintenus. Je veux en particulier rassurer les associations qui avaient fait part de leurs inquiétudes quant à l’avenir du centre Orphanet. Nous avons réservé les financements ce dernier et un nouveau plan maladies rares sera mis en place au plus tard à la fin de l’année 2009.
S’agissant maintenant de la greffe de sang de cordon, le rapport d’information que vous venez de publier sur ce sujet, madame la sénatrice, comporte dix préconisations fort intéressantes. J’ai demandé à mes services et à l’Agence de la biomédecine de les expertiser. L’intérêt thérapeutique du sang placentaire n’est plus à démontrer, et nous devons tout mettre en œuvre pour que les patients puissent bénéficier de ces avancées.
Vous estimez que la France serait en retard dans ce domaine. Votre appréciation mérite à mon sens d’être nuancée. La France reste le premier pays européen en termes de nombre de greffes de sang de cordon réalisées et conserve 6 632 unités de sang placentaire, ou USP, à ce jour, stockées dans cinq banques. Un plan sur trois ans, doté d’un budget de 3,64 millions d'euros et visant à atteindre 10 000 unités de sang placentaire a été mis en place par l’Agence de la biomédecine. L’Agence pilote un réseau qui comptera en 2009 quatre banques publiques supplémentaires. S’il existe dans le monde près de 300 000 USP, elles ne sont stockées que dans une cinquantaine de banques.
Il faudra évidemment, comme le souligne votre rapport, poursuivre nos efforts pour atteindre un objectif de 50 000 USP. En 2007, je le reconnais, 60 % des greffons ont été importés. Une augmentation du stock français permettrait de diminuer le taux de greffons importés, sans pour autant l’annuler, pour des raisons de compatibilité génétique. En effet, la banque doit avoir une dimension mondiale, afin de pouvoir répondre à toutes les demandes.
Cette importation d’USP est très coûteuse, et notre niveau d’exigence éthique est très élevé. Aucune partie du corps humain ne doit faire l’objet d’une démarche commerciale : il n’en est pas ainsi dans un certain nombre de pays. Je rappelle que la législation actuelle permet à des structures privées ou publiques, autorisées par l’AFSSAPS, de conserver des produits du corps humain seulement s’il existe un usage thérapeutique. La conservation de cellules autologues du sang de cordon n’ayant pas encore fait la preuve d’un intérêt thérapeutique, elle ne peut être autorisée.
Nous confirmons notre opposition aux banques de sang de cordon autologue, suivant ainsi les recommandations du Comité consultatif national d’éthique et de l’Académie nationale de médecine. Cette opposition tient notamment à l’absence de bases scientifiques des greffes autologues et au risque de rupture d’égalité selon des critères économiques.
M. François Autain. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si la médecine régénérative utilisant des greffes autologues peut représenter, pour l’avenir, de grands espoirs, elle ne saurait éclipser la priorité accordée par le Gouvernement aux banques qui privilégient la solidarité, pour la mise en place de traitements dont l’efficacité est prouvée. Je crois que nous nous rejoindrons, madame la sénatrice, sur ces considérations éthiques.
J’en viens à votre question sur l’addictologie, thème sur lequel j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer. Je vous rappelle que 33 millions d'euros sont réservés aux services d’addictologie des centres hospitaliers.
Je vous prie de m’excuser de ne pas faire ici l’analyse du rapport que vous avez mentionné, madame la sénatrice. Cependant, comme pour tout élément porté à notre connaissance, ses préconisations feront l’objet d’un examen particulièrement soigneux ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Je vous rappelle, mes chers collègues, que la durée de chaque échange ne doit pas excéder cinq minutes, question et réponse comprises. Nous rendons la tâche de Mme la ministre extrêmement difficile, voire impossible, en lui posant quatre questions en une.
En ma qualité de gardienne des temps de parole, je souhaiterais que les prochains intervenants respectent les règles qui ont été fixées.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si nous continuons à ce rythme, nous ne serons pas en mesure de commencer l’examen du projet de loi de finances jeudi prochain !
Mme la présidente. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Je vais pouvoir élaguer ma question, madame la ministre, puisque vous avez déjà répondu à plusieurs reprises aux inquiétudes relatives à l’avenir de l’hôpital de proximité.
Élu d’un département rural, je préside le conseil d'administration d’un hôpital qui dessert trois cantons.
Vous annoncez le maintien des hôpitaux de proximité. Vous avez même déclaré, et je souscris pleinement à vos propos, que vous souhaitez leur donner une nouvelle orientation, vers l’organisation des soins de suite et de rééducation, ainsi que la gériatrie. La télémédecine et la gestion de l’hospitalisation à domicile peuvent permettre de conserver ces hôpitaux ruraux, en y adossant des maisons de santé.
Toutefois, pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, si vous entendez maintenir leurs lits de médecine ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir souligné ma volonté de sauvegarder le maillage des hôpitaux de proximité. Il me semble, effectivement, que les soins de médecine courants font partie des services devant continuer à relever de l’hôpital de proximité, de même que les urgences et les soins post-aigus.
Je profite de cette occasion pour exprimer ma désolation de constater que certains élus considèrent la gériatrie et la prise en charge de nos aînés comme peu valorisantes pour l’hôpital de proximité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les médecins sont les premiers à penser ainsi : il suffit d’étudier les résultats des concours pour s’en rendre compte !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Précisément, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux que notre société change d’optique dans ce domaine ; c’est une exigence éthique. Nous vivons une période de transition démographique : la gériatrie est une très belle spécialité !
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Madame la présidente, je vous indique d’ores et déjà que je n’utiliserai pas la minute qui m’est impartie pour répondre à Mme la ministre.
Madame la ministre, j’ai apprécié le volontarisme que vous avez exprimé ce matin. J’espère qu’il concernera aussi les unités de soins de longue durée, les USLD, dont je vais vous entretenir.
Jusqu’à présent, ces unités accueillaient principalement des personnes âgées ayant des pathologies lourdes plus ou moins stabilisées, susceptibles de décompensation. Ce sont d'ailleurs les médecins hospitaliers eux-mêmes qui orientent les patients concernés vers les USLD.
La réforme en cours, qui arrête le nouveau périmètre de prise en charge des pathologies organiques chroniques ou polypathologies dans les USLD dites « redéfinies », se traduit par la fermeture de près de 70 % des lits de long séjour hospitalier et par leur reconversion en lits dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Dans mon département, par exemple, plus de 1 000 lits d’USLD sur 1 515 vont être reconvertis.
Loin d’être une simple formalité administrative, cette réforme modifie radicalement, et sans avoir été accompagnée d’aucun débat national, les conditions de l’accès aux soins pour de nombreuses personnes âgées dépendantes.
Aujourd’hui, les EHPAD ne disposent pas d’un encadrement médical et paramédical suffisant, vous le savez. Le Gouvernement ne peut ignorer que le personnel soignant est en moyenne moitié moins nombreux dans les EHPAD que dans les actuelles USLD, l’écart par rapport aux USLD redéfinies étant encore bien supérieur.
Dans ces conditions, la qualité des soins ne pourra pas être maintenue pour les personnes âgées qui bénéficiaient d’un hébergement en USLD avant la réforme, alors même qu’elles ne bougeront vraisemblablement pas du service qui les accueille actuellement, celui-ci disparaissant simplement d’un point de vue administratif s’il ne se trouve pas trente patients dans l’établissement concerné, seuil réglementaire pour constituer une USLD redéfinie ! Ubu est devenu roi !
Que va-t-on faire, par ailleurs, des personnes âgées qui, déjà hébergées en EHPAD, auraient pu relever d’une USLD redéfinie, mais qui n’ont pas été recensées dans le cadre de l’outil Pathos utilisé à cette fin ?
En outre, si les grandes structures hospitalières pourront « s’auto-alimenter », en quelque sorte, en interne, où iront les personnes âgées des EHPAD périphériques de ces hôpitaux s’il n’y a plus de place, comme ce sera le cas dans les grands établissements ?
Les personnes âgées dépendantes – et je sais que vous en êtes consciente, madame la ministre – ont droit, comme toute la population, à des soins adaptés, à une bonne qualité de vie et au respect de leur dignité. La fermeture massive d’unités de soins de longue durée ne garantit en rien ce droit.
L’objectif ne peut être uniquement de transférer des enveloppes budgétaires entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Il convient de mieux adapter le type de prise en charge aux besoins réels des personnes âgées. Avec la réforme en cours des USLD, ce ne sera pas le cas.
Madame la ministre, ne serait-il pas plus opportun que vous suspendiez cette réforme, afin d’entreprendre une étude portant sur l’ensemble des structures accueillant des personnes âgées, en concertation étroite avec les départements, qui sont chefs de file en matière de politiques à destination des personnes âgées ? Une telle étude permettrait d’avoir la visibilité nécessaire avant de prendre des décisions aux conséquences humaines et financières importantes pour nos aînés et leurs familles.
Je pense que c’est là un des points importants à prendre en considération dans l’optique de la réforme à venir et de l’examen du projet de loi que vous nous présenterez prochainement, madame la ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cette question est tout à fait redondante avec celle que me posait à l’instant M. Vall.
Pourquoi cette réforme des USLD ?
En fait, notre objectif est de conserver une filière sanitaire cohérente, avec des services de court séjour, des soins de suite et de réadaptation et des soins de longue durée, destinés aux patients qui en ont médicalement besoin. Or une analyse transversale, menée sur l’ensemble des USLD, montre que seuls 35 % des patients présents dans ces unités requéraient des soins médico-techniques importants.
La réforme a pour objet de partager les capacités et les budgets des USLD entre le secteur sanitaire – quand la prise en charge à ce titre est véritablement justifiée – et le secteur social sur la base du profil des patients hospitalisés. Les patients qui ont besoin de soins médico-techniques lourds, identifiés à l’aide de l’outil Pathos, ont vocation à être pris en charge dans les USLD.
Jusqu’à présent, les soins dispensés dans les USLD et dans le secteur médico-social étaient financés par une dotation évoluant chaque année selon un taux de reconduction. Des dispositions législatives et réglementaires ont été prises en 2008 pour financer les soins dans les EHPAD, tant dans le secteur médico-social que dans le secteur sanitaire, en fonction d’une équation tarifaire tenant compte du niveau de la charge des soins et de celui de la charge liée à la dépendance des personnes accueillies, les besoins en soins étant exprimés en points GMPS – groupe iso-ressources moyen pondéré soins.
Cette réforme permettra d’améliorer l’équité du financement des soins. C’est finalement toujours la même chose, et nous en revenons à des sujets que nous avons déjà abordés : le financement par dotation historique des USLD a entraîné l’apparition de situations très disparates, et donc très injustes. Actuellement, les dotations perçues par les établissements s’échelonnent selon une valeur du point GMPS comprise entre 7 euros et 30 euros.
Par ailleurs, cette réforme s’accompagne d’une augmentation importante des moyens financiers dans le cadre du plan solidarité grand âge. Les établissements qui ont réalisé leur partition en 2008 et qui étaient sous-dotés ont bénéficié d’un abondement de 44,5 millions d’euros, afin de porter la rémunération de leurs points GMPS à au moins 12,40 euros. Les établissements qui réaliseront leur partition en 2009 bénéficieront de mesures d’accompagnement pour un montant de 47 millions d’euros. Dans un premier temps, les établissements sur-dotés conserveront leur excédent de dotation.
La réforme a également pour objet d’instaurer l’équité de traitement des établissements dans le secteur sanitaire grâce à des indicateurs permettant la convergence intrasectorielle. Je puis affirmer, monsieur Le Menn, que c’est un souci d’équité, de justice et de bonne prise en charge des personnes âgées malades ou dépendantes qui nous a conduits à mettre en œuvre cette réforme absolument indispensable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Nous le savons, les Français sont très attachés à leurs hôpitaux, et en particulier aux services de prise en charge des urgences.
En effet, qui dit urgence dit situation de stress intense pour le patient et sa famille, la prise en charge devant être aussi rapide que possible, afin que soient dispensés les soins adéquats dans les meilleurs délais.
Dans cette perspective, la proximité géographique des services des urgences est une nécessité. Le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit la constitution de communautés hospitalières territoriales, qui permettront de répondre parfaitement à cette exigence de proximité.
Or les restructurations réalisées afin de garantir la qualité et la sécurité des soins sont souvent perçues par les Français comme un facteur d’éloignement des services des urgences.
Madame la ministre, vous avez annoncé, en mai dernier, que vous souhaitiez resserrer le maillage pour la prise en charge des urgences, en vous appuyant sur les hôpitaux de proximité, les antennes des SMUR et les services des urgences. Je pense pouvoir dire que cette décision répond à une attente forte des Français, plus particulièrement de ceux d’entre eux qui vivent loin des métropoles et des centres urbains.
Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, comment les hôpitaux, en particulier ceux qui sont situés en milieu rural, vont pouvoir contribuer à ce maillage ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, la prise en charge des urgences est une dimension majeure de l’organisation des soins.
Nos concitoyens doivent pouvoir être pris en charge à proximité de leur domicile, que ce soit par un véhicule du service mobile d’urgence et de réanimation ou par un service des urgences, et ce à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Je le disais dans mon propos liminaire : si l’on peut toujours se déplacer quand il s’agit de subir un acte technique de très haut niveau, les services des urgences doivent être disponibles près de chez soi, en tout point du territoire. Nous sommes tous égaux devant les urgences.
Je tiens à rappeler que les efforts entrepris dans ce domaine sont tout à fait considérables. Comme le montre une étude menée par mon ministère et par l’Institut géographique national, on peut aujourd’hui considérer que 99,35 % de la population se trouve déjà à moins de vingt minutes d’une structure d’accueil des urgences, et 99,86 % à moins de trente minutes, si l’on prend en compte les temps de transport par hélicoptère.
Cependant, le transfert héliporté ne saurait être, bien évidemment, qu’un moyen d’exception, à réserver aux cas les plus graves et les plus urgents. Il convient donc de conserver un objectif de réduction des délais d’accès aux services des urgences par voie terrestre. Aujourd’hui, ces délais sont inférieurs à trente minutes dans 90 % des cas.
L’existence de structures nombreuses rassure nos concitoyens et sécurise l’accès aux soins. Les services des urgences restent identifiés comme la porte ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le point d’entrée dans le système de soins quand tout est fermé.
Atteindre l’objectif que j’évoquais à l’instant pour l’ensemble du territoire national nécessite la création nette de plusieurs dizaines d’unités. Cependant, la réorganisation des filières et des plateaux techniques constitue une véritable chance, puisqu’elle permet de réaffecter des ressources paramédicales et médicales.
J’ai donc demandé que les restructurations de services soient systématiquement accompagnées d’une étude de faisabilité visant au développement d’une offre de services des urgences ou de SMUR lorsque cela est nécessaire. De même, la création d’antennes SMUR rattachées aux services des urgences déjà existants est un moyen d’assurer une prise en charge de qualité de proximité tout en mutualisant les moyens médicaux. Cette démarche permettra de renforcer encore un maillage fort aujourd’hui de 670 services des urgences.
Bien entendu, je n’entends pas créer un système de services des urgences à deux vitesses. Toutes les qualifications requises, notamment la capacité en médecine d’urgence pour les médecins, seront exigées pour l’ouverture de ces nouveaux services. Le plan Hôpital 2012 accompagnera les transformations nécessaires. Plus de 66 millions d’euros d’investissements ont ainsi été consacrés à la mise aux normes des services des urgences au titre de la première tranche du plan, que j’ai présentée voilà quelques jours.
Enfin, je souhaite poursuivre le travail sur la modernisation des SAMU amorcé dans le cadre du plan urgences. J’ai demandé, dans cette perspective, la réalisation d’une mission d’expertise et de préconisation, qui tiendra compte des évolutions en matière de permanence des soins et devra déterminer le nombre d’antennes SMUR à créer.
Vous voyez que nous est offerte une excellente occasion de recentrer les hôpitaux de proximité, auxquels, madame la sénatrice, vous êtes légitimement attachée, sur les missions nécessaires à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Françoise Henneron. Je vous remercie de toutes ces précisions, madame la ministre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Même si Jacqueline Chevé a déjà abordé cette question, je souhaite revenir sur la remise en cause de l’existence de nombreuses maternités et services de chirurgie, qui risque d’accentuer la fragilité financière de certains établissements devant déjà faire face aux déficits engendrés par la mise en place de la tarification à l’activité.
Je m’appuierai sur l’exemple du centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge, situé dans le département de l’Essonne, dont je suis une élue.
Confronté à une situation financière dégradée, cet établissement voit son activité de chirurgie et son service de maternité menacés, alors que, chaque année, on y pratique 2 000 actes chirurgicaux de qualité et 900 accouchements.
Ces activités sont en outre rentables. Entraînant une baisse mécanique des recettes, leur suppression fragilisera à terme l’accueil des urgences.
Sans mésestimer la nécessité d’une gestion plus efficiente permettant une meilleure connaissance et une plus grande transparence de l’activité des établissements, j’affirme qu’il ne peut être question pour nous d’autre chose que d’améliorer l’offre et la desserte proposées aux usagers. Or il est aujourd’hui clair qu’une extension de l’application de la réforme de la tarification engendrerait des effets pervers, tels que la multiplication de certains actes, une sélection des malades et des pathologies et une pénalisation du service public par rapport aux cliniques privées.
La création de communautés hospitalières territoriales peut être une mesure positive dans une logique de proximité, de politique de réseau et de complémentarité entre les différentes formes d’hospitalisation. Elle sera en revanche négative si l’hôpital de référence vide les hôpitaux de proximité de leurs activités en limitant leur rôle à l’accueil des personnes âgées, hypothèse qui est précisément à l’étude pour le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge.
Certes, madame la ministre, vous nous promettez qu’il n’y aura pas de fermetures d’hôpitaux – nous vous l’avons entendu dire à maintes reprises aujourd’hui –, mais la fermeture de services, qui est une réalité, peut également largement contribuer à la désertification médicale. Tel est bien le cas à Juvisy-sur-Orge. En effet, ni l’agence régionale de l’hospitalisation, ni les bureaux d’études, ni les services de l’État ne sont aujourd’hui en mesure de garantir un accueil de qualité des parturientes et des malades dans un autre service hospitalier public.
C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, dans le souci de garantir un égal accès aux soins pour tous et partout, de revoir la situation des établissements tels que celui de Juvisy-sur-Orge, situé dans mon département.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie, madame Campion, de me donner l’occasion de préciser un certain nombre de points.
Je trouve très intéressant l’exemple que vous avez choisi. En effet, dans le cas de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge, la décision en cause a été prise non pas par l’administration sanitaire, par le ministère ou par l’agence régionale de l’hospitalisation, mais par le conseil d’administration de l’hôpital lui-même ! Celui-ci a arrêté un choix stratégique, alors que, comme vous l’avez souligné, le nombre d’accouchements pratiqué était très supérieur au seuil de déclenchement d’une éventuelle transformation de la maternité en centre périnatal de proximité.
Le conseil d’administration a décidé que, dans le cadre du territoire de santé dont il relève, il était plus intéressant pour lui de se recentrer sur une mission d’hôpital de proximité. Il s’agit donc d’une décision interne à l’hôpital, l’analyse montrant d’ailleurs que l’offre hospitalière est importante sur le territoire considéré.
Le conseil d’administration a jugé, de manière tout à fait légitime, que l’hôpital devait se spécialiser dans les soins de médecine, les soins de suite et la gériatrie. Aucune désertification médicale n’est à l’œuvre, puisque le nombre de lits ne diminue nullement à Juvisy-sur-Orge. Il n’y a qu’une évolution des missions de l’hôpital, au profit d’activités plus spécialisées. Il convient à mon sens de respecter une décision prise par l’établissement hospitalier dans le cadre d’une stratégie qui me paraît cohérente et légitime.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Madame la ministre, vous savez parfaitement dans quelles conditions cette décision prétendument « libre » du conseil d’administration a été prise. Je ne peux donc me satisfaire de votre réponse.
M. Bernard Cazeau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Depuis plusieurs années, une réforme de notre système sanitaire est en cours. Je pense notamment à l’instauration de la tarification à l’activité et à la réforme de la gouvernance des hôpitaux, que les propositions formulées par notre président Gérard Larcher et le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, que nous examinerons bientôt, viendront compléter.
Madame la ministre, ces réformes sont très attendues par les établissements publics. Dans ce contexte, je voudrais attirer votre attention sur un point précis, dans l’espoir que des ajustements seront envisagés.
Si la T2A constitue une avancée positive, il n’est pas suffisamment tenu compte de son incidence sur certains champs de l’activité médicale, s’agissant notamment de la prise en charge des patients atteints du VIH au sein des structures hospitalières.
La rémunération d’une telle activité, pluridisciplinaire dans son approche, est évaluée à 150 euros sur la base d’une consultation avec actes associés, contre 457 euros dans l’ancien système, au titre d’une séance d’hôpital de jour. Autant dire qu’il s’agit désormais d’une activité déficitaire ! À titre d’exemple, cela représente une perte de recettes de 1 million d’euros pour la seule Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, l’AP-HM.
Le risque d’une détérioration de la qualité des interventions, au détriment des patients, est donc réel.
M. François Autain. Eh oui ! C’est ce que nous avons toujours dit !
M. Bruno Gilles. Madame la ministre, ne pourrait-on envisager de « sanctuariser » les moyens destinés à la lutte contre le sida, d’appliquer des financements propres aux hôpitaux de jour et de permettre une autonomie de traitement garante de la qualité de la prise en charge des patients et du développement d’actions de recherche et de formation ?
Par ailleurs, le 29 octobre dernier, vous avez indiqué, à l’Assemblée nationale, que 10 milliards d’euros seraient consacrés à la modernisation de nos hôpitaux, en particulier de nos hôpitaux publics, au titre du plan Hôpital 2012.
Dans ces conditions, l’annonce de l’octroi d’une aide de 54 millions d’euros au pôle privé à but non lucratif « Euroméditerranée » a suscité un certain émoi au sein de la communauté médicale de l’AP-HM, qui recevra seulement 9 millions d’euros, même s’il ne s’agit que du début de la répartition des crédits.
M. Bernard Cazeau. Quel déséquilibre !
M. Bruno Gilles. L’AP-HM a pourtant consenti, madame la ministre, les efforts importants que vous appeliez de vos vœux, en réduisant de 10 millions d’euros son déficit en 2008, la progression des recettes atteignant 3,5 % pour les premiers mois de l’exercice, alors qu’elle n’était que de 1,3 % ces deux dernières années. (M. Bernard Cazeau applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, vous m’avez d’abord interrogée sur les conséquences de la tarification à l’activité sur la prise en charge des malades atteints du VIH.
À cet égard, je tiens à vous rassurer, vous et toutes les personnes susceptibles de m’interpeller sur le sujet. La fermeture de la structure de prise en charge des patients atteints du sida de l’hôpital parisien Saint-Joseph a, certes, suscité une polémique, mais cette décision est intervenue alors que cet établissement connaissait des difficultés financières majeures. Le suivi de la file active des malades atteints du VIH a été repris par l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, en particulier par l’hôpital Necker.
L’hôpital Saint-Joseph fait actuellement l’objet d’un plan de redressement, qui doit se traduire par la réalisation d’au moins 20 millions d’euros d’économies. Le plan social sera conduit par le ministère de la santé. En tout état de cause, les malades sont traités, il n’y a aucune difficulté sur ce point.
S’agissant de la tarification, la T2A prévoit deux modes de prise en charge pour les patients atteints du VIH : une prise en charge spécifique selon six tarifs, dont un tarif d’intervention chirurgicale et cinq tarifs pour des soins médicaux ; une prise en charge pour d’autres pathologies liées, directement ou non, à l’infection par le VIH, sachant que celle-ci peut induire une rémunération majorée du séjour.
La nouvelle classification des prestations d’hospitalisation, dite V 11, que j’ai longuement évoquée à plusieurs reprises, identifie mieux les niveaux de sévérité et renforcera le financement des prises en charge les plus lourdes. Elle assurera des moyens de financement plus importants pour les séjours des patients atteints du VIH.
En outre, dans le cadre des MIGAC, la dotation assure le financement des centres de dépistage anonyme et gratuit, les CDAG, à hauteur de 18 millions d’euros en 2007, et des comités de coordination régionale de lutte contre le VIH, les COREVIH, pour un montant de 11,3 millions d’euros en 2007.
Par conséquent, il faut, me semble-t-il, mettre un terme à une polémique qui n’a pas lieu d’être. Il existe un certain nombre de modulations et de dotations spécifiques concernant cette pathologie, et j’ai naturellement veillé à la prise en charge de la file active des malades auparavant suivis à l’hôpital Saint-Joseph.
J’en viens à vos interrogations relatives à l’AP-HM, monsieur Gilles, s’agissant notamment des financements au titre du plan Hôpital 2012.
Je souhaite d’abord vous apporter quelques précisions sur la procédure suivie.
Les dossiers présentés dans le cadre de ce plan font l’objet d’un examen par les directeurs des agences régionales de l’hospitalisation, qui transmettent les projets prioritaires au ministère de la santé.
À l’issue d’une instruction approfondie menée par les missions d’appui au ministère de la santé, notamment la mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier, la MAINH, la MEAH et le groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier, le GMSIH, les avis d’experts ont été présentés à un comité national de validation, qui m’a recommandé d’assortir les décisions de financement de fortes conditions de suivi et d’amélioration des projets.
Sur la base de ces recommandations, j’ai été amenée à prendre une première série de décisions, représentant moins de 17 % des financements, qui ont porté sur 248 dossiers, pour un montant global de 1,8 milliard d’euros, dont 925 millions d’euros d’aides. Le plan Hôpital 2012 n’en est qu’à ses débuts. Deux autres salves de financements suivront, comportant chacune deux tranches.
Je signale d’ailleurs que 93 % des crédits de cette première enveloppe ont été alloués à l’hôpital public.
M. François Autain. Mais 7 % pour les hôpitaux privés, c’est encore trop !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. À présent, je voudrais faire part de quelques éléments factuels.
Dans le cadre des premières notifications du plan Hôpital 2012, sont prévus, pour la ville de Marseille, un soutien à hauteur de 54 millions d’euros à la construction d’un pôle hospitalier sur le site « Euroméditerranée » par l’hôpital Ambroise-Paré, qui se regroupe avec l’hôpital Paul-Desbief, et une aide de 9 millions d’euros au projet d’informatisation du dossier du patient de l’AP-HM, dont le coût est évalué à 12 millions d’euros.
Monsieur le sénateur, l’AP-HM n’a pas formulé d’autres demandes de financement. Je trouve donc particulièrement étrange la polémique qui s’est développée. J’imagine que l’AP-HM présentera d’autres projets au titre de la mise en œuvre du plan Hôpital 2012. Cependant, pour l’heure, nous n’avons été sollicités que pour le projet d’informatisation que j’ai évoqué, dont nous assurons le financement à concurrence de 75 % de son coût, en complète dérogation aux règles qui s’appliquent d’ordinaire, en matière de taux de subvention, dans le cadre de ce plan. Ainsi, l’AP-HM n’a nullement été défavorisée. D’ailleurs, votre collègue Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire de Marseille, a bien voulu le reconnaître.
En outre, je tiens à souligner que le dimensionnement du projet immobilier présenté par l’hôpital Ambroise-Paré, qui est un établissement participant au service public hospitalier, a été revu à la baisse, afin de ne pas conduire à une augmentation de l’offre de soins locale, donc à une pénalisation de l’AP-HM.
J’ajoute enfin que l’AP-HM a bénéficié de soutiens extrêmement importants au titre du plan Hôpital 2007, alors qu’il n’en a absolument pas été question pour l’hôpital Ambroise-Paré.
La situation de l’AP-HM fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de mes services et de mon cabinet. Actuellement, trois projets à caractère immobilier présentent un intérêt pour la modernisation de l’établissement : il s’agit de la création d’un bâtiment médico-technique, du regroupement de l’ensemble des laboratoires et de la construction d’un pôle logistique. Monsieur le sénateur, l’AP-HM devra assurer sa part de financement, ce que sa situation actuelle ne lui permet pas. Il faut donc qu’elle élabore et mette en œuvre un plan de redressement. Bien entendu, les projets d’investissement ne pourront être pris en compte que lorsque des mesures visant au retour à l’équilibre et à une bonne santé financière auront été prises.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Je remercie Mme la ministre de sa réponse. M. Jean-Claude Gaudin et moi-même ne manquerons pas de transmettre aux services du ministère tous les projets de l’AP-HM, puisque des financements sont disponibles ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’indique à Mmes et à MM. les sénateurs que le rapport sur la convergence tarifaire intersectorielle est à leur disposition ! (Exclamations amusées.)
Mme la présidente. Nous avons achevé le débat thématique « L’hôpital en question ».
Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Dans l’examen des articles, nous en sommes parvenus à la troisième partie, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour 2009.
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR 2009
Article 9 et annexe B
Est approuvé le rapport figurant en annexe B à la présente loi décrivant, pour les quatre années à venir (2009-2012), les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
ANNEXE B
RAPPORT DÉCRIVANT LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET LES OBJECTIFS DE DÉPENSES PAR BRANCHE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ET DU RÉGIME GÉNÉRAL, LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DE CES RÉGIMES AINSI QUE L'OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE POUR LES QUATRE ANNÉES À VENIR
Hypothèses d'évolution moyenne sur la période 2009-2012
|
2009 |
2010-2012 |
Produit intérieur brut en volume |
1 % |
2,5 % |
Masse salariale du secteur privé |
3,5 % |
4,6 % |
Objectif national de dépenses d'assurance maladie (en valeur) |
3,3 % |
3,3 % |
Inflation (hors tabac) |
2 % |
1,75 % |
Dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 délibéré en Conseil des ministres le 26 septembre 2008, le Gouvernement a présenté une trajectoire de retour à l'équilibre des finances sociales pour que le régime général revienne à l'équilibre en 2012. Les efforts entrepris ces dernières années, et qui ont porté leurs fruits, devront donc être poursuivis et approfondis, afin d'adapter le système de protection sociale aux enjeux de demain.
Le scénario économique retenu dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques repose sur une hypothèse de croissance de 1 % en 2009 puis 2,5 % par an à partir de 2010. Le rebond de croissance dès 2010 repose sur l'hypothèse conventionnelle d'un retour de l'environnement international sur un sentier de croissance moyen, et un rattrapage partiel des retards de croissance accumulés en 2008 et 2009.
Dans ce contexte, avec une progression de la masse salariale de 3,5 % en 2009 puis de 4,6 % les années suivantes, la stratégie de retour à l'équilibre du régime général d'ici 2012 repose sur trois leviers principaux :
- une maîtrise constante de la dépense pour accroître encore son efficience ;
- une adaptation des ressources au sein de la protection sociale, sans hausse de prélèvement, et une sécurisation des recettes par un meilleur encadrement des « niches » sociales ;
- un assainissement de la situation des comptes en 2009 afin de démarrer la période de programmation avec une situation apurée des déficits du passé.
1. Pour que le régime général revienne à l'équilibre en 2012 et que l'assurance maladie soit très proche de l'équilibre en 2011, il faut tenir une progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie de 3,3 % en valeur sur la période 2009-2012. Cet effort de maîtrise des dépenses, réaliste, implique de mobiliser l'ensemble des marges d'efficience du système de santé.
Les efforts de maîtrise des dépenses devront donc porter sur plusieurs axes :
- la régulation des dépenses de soins de ville, notamment sur les postes qui connaissent une croissance forte (médicaments, dispositifs médicaux,...) avec une meilleure association des organismes complémentaires aux actions de maîtrise des dépenses ;
- la réforme de l'hôpital pour en améliorer l'efficience ;
- le renforcement de la gestion du risque dans l'ensemble des domaines, ambulatoire, hospitalier et médico-social.
L'ensemble de ces efforts permettra à l'assurance maladie d'être très proche de l'équilibre en 2011 et de renouer avec les excédents en 2012 (+ 0,7 milliard d'euros).
2. Compte tenu du caractère ambitieux des objectifs de maîtrise de la dépense, la trajectoire cible de redressement des finances sociales ne pourra être respectée qu'à la condition que la ressource sociale évolue au même rythme que la richesse nationale.
Cet objectif impose tout d'abord que les ressources actuelles soient réparties au mieux entre les fonctions sociales et qu'elles soient notamment redéployées en direction de l'assurance vieillesse pour faire face au vieillissement de la population. Le redressement des comptes de l'assurance vieillesse repose donc sur une prise en charge par la branche Famille de dépenses de retraites à caractère familial : les majorations de pensions pour enfants, dont 1,8 milliard d'euros sont aujourd'hui à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), seront donc intégralement prises en charge par la branche Famille d'ici 2011. Par ailleurs, comme envisagé lors des débats sur la loi du 21 août 2003, l'amélioration de la situation financière de l'assurance chômage pourrait permettre une baisse des cotisations d'assurance chômage qui viendrait neutraliser l'impact du relèvement progressif des cotisations vieillesse (0,3 point en 2009, 0,4 point en 2010 et 0,3 point en 2011).
Ces réallocations de ressources au sein de la protection sociale permettront de réduire de plus de moitié le déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse entre 2008 (- 5,7 milliards d'euros) et 2012 (- 2,3 milliards d'euros). Au-delà de l'apport de ressources nouvelles, la clef du redressement des comptes de l'assurance vieillesse repose sur l'amélioration de l'emploi des seniors : le Gouvernement propose plusieurs mesures fortes dans le cadre de la présente loi et prévoit de faire un nouveau bilan de leur efficacité et de la situation des comptes de l'assurance vieillesse en 2010.
Plus généralement, la préservation de ressources globales dynamiques pour la protection sociale, dans un contexte de stabilité des taux de prélèvement sur les salaires, exige d'éviter toute forme d'érosion de l'assiette du prélèvement, grâce à une lutte plus sévère contre la fraude, un encadrement des formes d'optimisation conduisant à des pertes de recettes trop importantes et également une meilleure maîtrise du développement des « niches » sociales. Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit trois règles pour mieux encadrer les dispositifs d'exonération, de réduction ou d'abattement d'assiette : une évaluation systématique des dispositifs trois ans après leur création, un objectif annuel de coût des exonérations, réductions ou abattements d'assiette et la mise en place d'une règle de gage en cas de création ou d'augmentation d'une niche.
3. La trajectoire de retour à l'équilibre repose enfin sur un effort significatif fait dès 2009 pour assainir et clarifier les comptes.
La reprise des déficits cumulés des branches Maladie et Vieillesse du régime général, ainsi que ceux du Fonds de solidarité vieillesse par la CADES, prévue par la présente loi, permet au régime général d'économiser des charges d'intérêt à hauteur de 1,1 milliard d'euros. Afin de respecter l'objectif de stabilisation du taux de prélèvements obligatoires et de ne pas allonger la durée de vie de la CADES, celle-ci bénéficie d'une partie de la contribution sociale généralisée aujourd'hui affectée au FSV. Le FSV, qui bénéficie, dès 2009, de la reprise de sa propre dette de 3,9 milliards d'euros, connaît un déficit temporaire qui se réduit à 400 millions d'euros dès 2011 et renoue avec l'équilibre en 2012.
En outre, la question du financement du régime de protection sociale des exploitants agricoles est traitée dans le cadre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ce qui conduit à la suppression du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles à partir de 2009. La dette accumulée par le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles sera reprise par l'État. Par ailleurs, une garantie pérenne de financement sera assurée pour les prestations maladie, grâce d'une part à un apport de ressources nouvelles en provenance de l'État (1,2 milliard d'euros) et d'autre part à l'intégration financière de cette branche au régime général. La Mutualité sociale agricole, qui assure la gestion de l'ensemble des prestations, prend en charge le financement de la branche Vieillesse dans le cadre d'une autorisation d'emprunt à court terme donnée par la loi de financement de la sécurité sociale. Un bilan sera fait en 2010 sur les moyens de rééquilibrer aussi la branche Vieillesse de la protection sociale des exploitants agricoles, qui bénéficie dès 2009 des économies de 200 millions d'euros de frais financiers liés à la reprise de dette par l'État.
Régime général
(En milliards d’euros)
|
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Maladie |
||||||
Recettes |
144,4 |
151,0 |
157,4 |
164,0 |
171,2 |
178,7 |
Dépenses |
149,0 |
155,0 |
160,7 |
166,3 |
172,3 |
178,5 |
Solde |
-4,6 |
-4,0 |
-3,3 |
-2,2 |
-1,1 |
0,2 |
Accidents du travail / Maladies professionnelles |
||||||
Recettes |
10,2 |
11,0 |
11,4 |
11,9 |
12,5 |
13,2 |
Dépenses |
10,6 |
10,6 |
11,4 |
11,6 |
11,8 |
12,1 |
Solde |
-0,5 |
0,4 |
0,0 |
0,4 |
0,7 |
1,1 |
Famille |
||||||
Recettes |
54,6 |
56,9 |
58,6 |
61,1 |
63,7 |
66,3 |
Dépenses |
54,5 |
56,4 |
58,9 |
60,9 |
63,0 |
64,6 |
Solde |
0,2 |
0,4 |
-0,2 |
0,2 |
0,6 |
1,7 |
Vieillesse |
||||||
Recettes |
85,7 |
89,8 |
95,3 |
101,7 |
108,4 |
112,8 |
Dépenses |
90,3 |
95,6 |
100,3 |
105,3 |
110,1 |
115,1 |
Solde |
-4,6 |
-5,7 |
-5,0 |
-3,6 |
-1,7 |
-2,3 |
Toutes branches consolidé |
||||||
Recettes |
290,0 |
303,4 |
316,9 |
332,7 |
349,5 |
364,6 |
Dépenses |
299,5 |
312,3 |
325,4 |
338,0 |
351,0 |
363,8 |
Solde |
-9,5 |
-8,9 |
-8,5 |
-5,3 |
-1,4 |
0,8 |
Ensemble des régimes obligatoires de base
(En milliards d’euros)
|
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Maladie |
||||||
Recettes |
167,6 |
175,4 |
183,1 |
189,9 |
197,9 |
206,4 |
Dépenses |
172,7 |
179,4 |
185,6 |
192,0 |
198,9 |
206,1 |
Solde |
-5,0 |
-3,9 |
-2,5 |
-2,2 |
-1,1 |
0,3 |
Accidents du travail / Maladies professionnelles |
||||||
Recettes |
11,7 |
12,6 |
13,1 |
13,7 |
14,3 |
15,0 |
Dépenses |
12,0 |
12,2 |
13,0 |
13,2 |
13,5 |
13,8 |
Solde |
-0,4 |
0,4 |
0,1 |
0,5 |
0,8 |
1,2 |
Famille |
||||||
Recettes |
55,1 |
57,3 |
59,1 |
61,6 |
64,2 |
66,9 |
Dépenses |
54,9 |
56,9 |
59,3 |
61,5 |
63,5 |
65,2 |
Solde |
0,2 |
0,5 |
-0,2 |
0,2 |
0,7 |
1,7 |
Vieillesse |
||||||
Recettes |
169,0 |
175,7 |
183,3 |
192,9 |
202,5 |
210,1 |
Dépenses |
172,9 |
181,2 |
190,3 |
198,6 |
206,8 |
214,9 |
Solde |
-3,9 |
-5,6 |
-7,0 |
-5,7 |
-4,3 |
-4,8 |
Toutes branches consolidé |
||||||
Recettes |
398,3 |
415,6 |
432,7 |
451,8 |
472,4 |
491,7 |
Dépenses |
407,4 |
424,3 |
442,2 |
459,1 |
476,3 |
493,3 |
Solde |
-9,1 |
-8,7 |
-9,5 |
-7,2 |
-3,9 |
-1,6 |
Fonds de solidarité vieillesse
(En milliards d’euros)
|
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes |
14,5 |
15,3 |
14,1 |
14,3 |
14,8 |
15,3 |
Dépenses |
14,4 |
14,4 |
14,9 |
15,1 |
15,2 |
15,3 |
Solde |
0,2 |
0,9 |
-0,8 |
-0,8 |
-0,4 |
0,0 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles
(En milliards d'euros)
|
2007 |
2008 |
Recettes |
14,3 |
14,4 |
Dépenses |
16,5 |
17,0 |
Solde |
-2,2 |
-2,6 |
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 95, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Avec cet article 9, le Gouvernement nous propose d’adopter des objectifs de recettes et de dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale pour les quatre années à venir.
Cela ne vous étonnera guère, mes chers collègues : nous voterons contre cet article et son annexe B, car les dispositions et les chiffres présentés sont tout simplement irréalistes.
Tout d’abord, les prévisions manquent de sincérité, même si un léger redressement a été opéré, afin de tenir compte de la crise financière qui s’est déclarée au mois de septembre.
De deux choses l’une : soit la crise spéculative et financière que nous traversons revêt la gravité qu’on lui prête, ce qui justifie la mobilisation de quelque 360 milliards d’euros, dont 40 milliards d’euros effectivement engagés, trouvés en vingt-quatre heures dans des caisses pourtant prétendument vides, soit elle n’est pas suffisamment importante pour avoir des conséquences sur l’économie réelle, donc sur les comptes sociaux, auquel cas nous ne comprendrions pas pourquoi une telle somme a été débloquée.
Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : vos estimations sont plus qu’optimistes. Nous avons déjà évoqué l’évolution de la masse salariale ; je n’y reviens pas, mais je soulignerai que nous assistons à une aggravation du chômage sans précédent, qui pourtant sera à mon avis peu de choses comparé à ce qui se produira en 2009 ! Toutes les entreprises sont affectées par la crise. Quand on les interroge, les Français déclarent connaître, dans leur entourage ou leur famille, au moins une personne touchée par le chômage ! Mais sans doute en va-t-il, pour le Gouvernement, du chômage comme de la pauvreté des retraités : ce serait plus une « impression » qu’une réalité !
Cela nous ramène presque un an en arrière, à l’époque où Mme Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, annonçait un taux de croissance supérieur à 2 % pour 2008 alors que, pour notre part, nous pensions que ce chiffre serait bien plus faible. Les événements nous ont donné raison au-delà de nos attentes, les conditions financières, économiques et sociales étant devenues ce qu’elles sont aujourd’hui !
Par ailleurs, l’article 9 et son annexe B, de même que tous les précédents articles de ce PLFSS, démontrent l’échec d’une gestion comptable qui organise les recettes et adapte les dépenses en les réduisant, sans que soit jamais posée la question du financement.
Ce constat est confirmé par la députée Marie-Anne Montchamp, rapporteur pour avis du PLFSS à l’Assemblée nationale, qui relève que « ces perspectives exigent bien entendu de freiner la dynamique des dépenses et de mettre en place des mesures ambitieuses permettant de limiter les déficits » ou que « l’effort de redressement doit permettre de réduire le déficit du régime général ».
Il n’y a rien dans ce texte sur le financement. Vous passez sous silence les milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, madame la ministre, sans vous soucier d’assurer un financement pérenne et solidaire de notre protection sociale.
Cette approche comptable stigmatise les dépenses de santé. Or ces dernières sont bénéfiques, dès lors qu’elles permettent la satisfaction des besoins humains et sociaux, surtout ceux des plus démunis.
Mme la présidente. L'amendement n° 492, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'annexe B :
RAPPORT DÉCRIVANT LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET LES OBJECTIFS DE DÉPENSES PAR BRANCHE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ET DU RÉGIME GÉNÉRAL, LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DE CES RÉGIMES AINSI QUE L'OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE POUR LES QUATRE ANNÉES À VENIR
Hypothèses d'évolution moyenne sur la période 2009-2012
|
2009 |
2010 |
2011-2012 |
Produit intérieur brut en volume |
0,5% |
2,0% |
2,5% |
Masse salariale du secteur privé |
2,75% |
4,0% |
4,6% |
Objectif national de dépenses d'assurance maladie (en valeur) |
3,3% |
3,3% |
3,3% |
Inflation (hors tabac) |
1,5% |
1,75% |
1,75% |
Dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 délibéré en Conseil des ministres le 26 septembre 2008, le Gouvernement a présenté une trajectoire de retour à l'équilibre des finances sociales pour que le régime général revienne à l'équilibre en 2012. L'impact exceptionnel de la crise financière et économique conduit à modifier ce scénario comme l'a décrit le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques au Sénat le 6 novembre 2008. Le Gouvernement propose de maintenir ses objectifs de dépenses, sans adopter de mesures augmentant les prélèvements obligatoires qui pourraient handicaper davantage la situation de l'économie.
Il convient de rappeler dans ce cadre que les efforts entrepris ces dernières années, et qui ont porté leurs fruits, seront poursuivis et approfondis, afin d'adapter le système de protection sociale aux enjeux de demain.
Le scénario économique retenu dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques repose sur une hypothèse de croissance de 0,5 % en 2009, puis 2,0 % en 2010, puis 2,5 % par an à partir de 2011. Le rebond de croissance dès 2010 repose sur l'hypothèse conventionnelle d'un retour progressif de l'environnement international sur un sentier de croissance moyen, et un rattrapage partiel des retards de croissance accumulés en 2008 et 2009.
Dans ce contexte, avec une progression de la masse salariale de 2,75 % en 2009, puis 4,0 % en 2010 et 4,6 % les années suivantes, la stratégie de redressement financier du régime général d'ici 2012 repose sur trois leviers principaux :
- une maîtrise constante de la dépense pour accroître encore son efficience ;
- une adaptation des ressources au sein de la protection sociale, sans hausse de prélèvement, et une sécurisation des recettes par un meilleur encadrement des « niches » sociales ;
- un assainissement de la situation des comptes en 2009 afin de démarrer la période de programmation avec une situation apurée des déficits du passé.
1. Il faut tenir une progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie qui ne peut être supérieur à 3,3 % en valeur sur la période 2009-2012. Cet effort de maîtrise des dépenses, réaliste, implique de mobiliser l'ensemble des marges d'efficience du système de santé.
Les efforts de maîtrise des dépenses devront donc porter sur plusieurs axes :
- la régulation des dépenses de soins de ville, notamment sur les postes qui connaissent une croissance forte (médicaments, dispositifs médicaux,...) avec une meilleure association des organismes complémentaires aux actions de maîtrise des dépenses ;
- la réforme de l'hôpital pour en améliorer l'efficience ;
- le renforcement de la gestion du risque dans l'ensemble des domaines, ambulatoire, hospitalier et médico-social.
2. Compte tenu du caractère ambitieux des objectifs de maîtrise de la dépense, la trajectoire cible de redressement des finances sociales ne pourra être respectée qu'à la condition que la ressource sociale évolue au même rythme que la richesse nationale.
Cet objectif impose tout d'abord que les ressources actuelles soient réparties au mieux entre les fonctions sociales et qu'elles soient notamment redéployées en direction de l'assurance vieillesse pour faire face au vieillissement de la population. Le redressement des comptes de l'assurance vieillesse repose donc sur une prise en charge par la branche Famille de dépenses de retraites à caractère familial : les majorations de pensions pour enfants, dont 1,8 milliard d'euros sont aujourd'hui à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), seront donc intégralement prises en charge par la branche Famille d'ici 2011. Par ailleurs, comme envisagé lors des débats sur la loi du 21 août 2003, l'amélioration d'ores et déjà constatée de la situation financière de l'assurance chômage, et qui n'est pas radicalement remise en question pour l'avenir, pourrait permettre une baisse des cotisations d'assurance chômage qui viendrait neutraliser l'impact du relèvement progressif des cotisations vieillesse (0,3 point en 2009, 0,4 point en 2010 et 0,3 point en 2011).
Ces réallocations de ressources au sein de la protection sociale permettront de réduire de près de moitié le déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse entre 2008 (-5,8 milliards d'euros) et 2012 (-3,1 milliards d'euros). Au-delà de l'apport de ressources nouvelles, la clef du redressement des comptes de l'assurance vieillesse repose sur l'amélioration de l'emploi des seniors : le Gouvernement propose plusieurs mesures fortes dans le cadre de la présente loi et prévoit de faire un nouveau bilan de leur efficacité et de la situation des comptes de l'assurance vieillesse en 2010.
Plus généralement, la préservation de ressources globales dynamiques pour la protection sociale, dans un contexte de stabilité des taux de prélèvement sur les salaires, exige d'éviter toute forme d'érosion de l'assiette du prélèvement, grâce à une lutte plus sévère contre la fraude, un encadrement des formes d'optimisation conduisant à des pertes de recettes trop importantes et également une meilleure maîtrise du développement des « niches » sociales. Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit trois règles pour mieux encadrer les dispositifs d'exonération, de réduction ou d'abattement d'assiette : une évaluation systématique des dispositifs trois ans après leur création, un objectif annuel de coût des exonérations, réductions ou abattements d'assiette et la mise en place d'une règle de gage en cas de création ou d'augmentation d'une niche.
3. La trajectoire de retour à l'équilibre repose enfin sur un effort significatif fait dès 2009 pour assainir et clarifier les comptes.
La reprise des déficits cumulés des branches Maladie et Vieillesse du régime général, ainsi que ceux du Fonds de solidarité vieillesse par la CADES, prévue par la présente loi, permet au régime général d'économiser des charges d'intérêt à hauteur de 1,1 milliard d'euros. Afin de respecter l'objectif de stabilisation du taux de prélèvements obligatoires et de ne pas allonger la durée de vie de la CADES, celle-ci bénéficie d'une partie de la contribution sociale généralisée aujourd'hui affectée au FSV. Le FSV, qui bénéficie, dès 2009, de la reprise de sa propre dette de 3,9 milliards d'euros, connaît un déficit temporaire qui se réduit à 200 millions d'euros à l'horizon 2012.
En outre, la question du financement du régime de protection sociale des exploitants agricoles est traitée dans le cadre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ce qui conduit à la suppression du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles à partir de 2009. La dette accumulée par le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles sera reprise par l'État. Par ailleurs, une garantie pérenne de financement sera assurée pour les prestations maladie, grâce d'une part à un apport de ressources nouvelles en provenance de l'État (1,2 milliard d'euros) et d'autre part à l'intégration financière de cette branche au régime général. La Mutualité sociale agricole, qui assure la gestion de l'ensemble des prestations, prend en charge le financement de la branche Vieillesse dans le cadre d'une autorisation d'emprunt à court terme donnée par la loi de financement de la sécurité sociale. Un bilan sera fait en 2010 sur les moyens de rééquilibrer aussi la branche Vieillesse de la protection sociale des exploitants agricoles, qui bénéficie dès 2009 des économies de 200 millions d'euros de frais financiers liés à la reprise de dette par l'État.
Régime général |
|||||||||||
|
|
|
|
|
(en milliards d'euros) |
||||||
|
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|||||
Maladie |
|
|
|
|
|
|
|||||
Recettes |
144,4 |
150,8 |
156,0 |
162,1 |
169,2 |
176,7 |
|||||
Dépenses |
149,0 |
155,0 |
160,6 |
166,3 |
172,4 |
178,7 |
|||||
Solde |
-4,6 |
-4,2 |
-4,6 |
-4,2 |
-3,2 |
-2,0 |
|||||
AT/MP |
|
|
|
|
|
|
|||||
Recettes |
10,2 |
10,9 |
11,2 |
11,7 |
12,3 |
12,9 |
|||||
Dépenses |
10,6 |
10,6 |
11,4 |
11,6 |
11,8 |
12,0 |
|||||
Solde |
-0,5 |
0,3 |
-0,1 |
0,2 |
0,5 |
0,9 |
|||||
Famille |
|||||||||||
Recettes |
54,6 |
56,7 |
58,2 |
60,4 |
62,9 |
65,5 |
|||||
Dépenses |
54,5 |
56,4 |
58,7 |
60,8 |
62,8 |
64,4 |
|||||
Solde |
0,2 |
0,3 |
-0,5 |
-0,3 |
0,1 |
1,1 |
|||||
Vieillesse |
|||||||||||
Recettes |
85,7 |
89,8 |
94,7 |
100,7 |
107,2 |
111,6 |
|||||
Dépenses |
90,3 |
95,6 |
100,0 |
104,9 |
109,7 |
114,6 |
|||||
Solde |
-4,6 |
-5,8 |
-5,3 |
-4,2 |
-2,5 |
-3,1 |
|||||
Toutes branches consolidé |
|||||||||||
Recettes |
290,0 |
303,0 |
314,3 |
328,9 |
345,4 |
360,2 |
|||||
Dépenses |
299,5 |
312,3 |
324,9 |
337,4 |
350,4 |
363,4 |
|||||
Solde |
-9,5 |
-9,3 |
-10,5 |
-8,6 |
-5,0 |
-3,1 |
|||||
Ensemble des régimes obligatoires de base |
|||||||||||
|
|
|
|
|
(en milliards d'euros) |
||||||
|
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|||||
Maladie |
|
|
|
|
|
|
|||||
Recettes |
167,6 |
175,2 |
181,8 |
188,0 |
195,9 |
204,3 |
|||||
Dépenses |
172,7 |
179,4 |
185,6 |
192,1 |
199,0 |
206,2 |
|||||
Solde |
-5,0 |
-4,1 |
-3,8 |
-4,1 |
-3,2 |
-1,9 |
|||||
AT/MP |
|
|
|
|
|
|
|||||
Recettes |
11,7 |
12,6 |
13,0 |
13,5 |
14,1 |
14,8 |
|||||
Dépenses |
12,0 |
12,2 |
13,0 |
13,2 |
13,5 |
13,8 |
|||||
Solde |
-0,4 |
0,4 |
0,0 |
0,3 |
0,6 |
1,0 |
|||||
Famille |
|
|
|
|
|
|
|||||
Recettes |
55,1 |
57,2 |
58,7 |
61,0 |
63,5 |
66,1 |
|||||
Dépenses |
54,9 |
56,9 |
59,2 |
61,3 |
63,4 |
65,0 |
|||||
Solde |
0,2 |
0,3 |
-0,5 |
-0,3 |
0,1 |
1,1 |
|||||
Vieillesse |
|
|
|
|
|
|
|||||
Recettes |
169,0 |
175,6 |
182,5 |
191,6 |
201,2 |
208,7 |
|||||
Dépenses |
172,9 |
181,2 |
189,7 |
197,9 |
206,1 |
214,2 |
|||||
Solde |
-3,9 |
-5,6 |
-7,2 |
-6,3 |
-4,9 |
-5,5 |
|||||
Toutes branches consolidé |
|
|
|
|
|
||||||
Recettes |
398,3 |
415,2 |
430,0 |
447,8 |
468,1 |
487,2 |
|||||
Dépenses |
407,4 |
424,3 |
441,4 |
458,2 |
475,5 |
492,6 |
|||||
Solde |
-9,1 |
-9,0 |
-11,4 |
-10,4 |
-7,4 |
-5,4 |
|||||
Fonds de solidarité vieillesse |
|||||||||||
|
|
|
|
|
(en milliards d'euros) |
||||||
|
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|||||
Recettes |
14,5 |
15,3 |
14,0 |
14,2 |
14,7 |
15,2 |
|||||
Dépenses |
14,4 |
14,5 |
15,0 |
15,2 |
15,3 |
15,4 |
|||||
Solde |
0,2 |
0,8 |
-1,0 |
-1,0 |
-0,6 |
-0,2 |
Fonds de financement des prestations sociales agricoles |
||
|
(en milliards d'euros) |
|
|
2007 |
2008 |
Recettes |
14,3 |
14,4 |
Dépenses |
16,5 |
17,0 |
Solde |
-2,2 |
-2,6 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le présent amendement vise à tirer toutes les conséquences, pour l’annexe B, de la révision des hypothèses macroéconomiques quadriennales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux et l’assurance maladie. Nous nous sommes largement expliqués sur l’annexe B lors de la discussion générale et à propos des motions.
Il ne me paraît donc pas utile d’y revenir. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 95 et un avis favorable sur l’amendement n° 492.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 95 ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 95.
M. Bernard Cazeau. S’agissant de l’annexe B, M. Fischer et moi-même sommes à peu près du même avis.
De toute façon, madame la ministre, il vous faudra revoir votre copie, en faisant peut-être montre d’un peu plus de réalisme…
Vos hypothèses d’évolution moyenne sur la période 2009-2012 relèvent à mes yeux, dans les circonstances actuelles, des prévisions de Mme Soleil. (Mme la ministre rit.)
Déjà, pour 2009, nous vous l’avons dit, vos projections sont optimistes. Elles pourraient cependant, à la limite, être justifiables, bien qu’un taux de croissance de l’ONDAM de 3,3 % soit considéré comme insuffisant par la plupart des observateurs du monde de la santé.
En tout état de cause, que dire de vos prévisions pour 2010, 2011 et 2012 ?
Mme Raymonde Le Texier. Madame Soleil !
M. Bernard Cazeau. Elles relèvent de la méthode Coué !
M. Bernard Cazeau. Vous fixez, en fait, un taux de croissance conforme à vos souhaits. Ensuite, Mme Lagarde ou M. Woerth le réviseront à la baisse, comme ils l’ont déjà fait ces dernières semaines en ce qui concerne 2008.
Escomptez-vous nous faire croire que le régime général sera équilibré en 2012, malgré une branche vieillesse encore très déficitaire ? MM. Douste-Blazy et Xavier Bertrand nous ont fait le coup avant vous ! Nous sommes persuadés que cet objectif ne pourra être atteint sans une modification profonde des structures, que rien aujourd’hui n’annonce.
Peut-être le projet de loi que vous nous présenterez en 2009, madame la ministre, bouleversera-t-il les choses et nous fera-t-il changer d’avis ? Si tel devait être le cas, nous saurions le dire.
Aujourd’hui, eu égard à la tendance naturelle au déficit affichée par les comptes sociaux depuis plusieurs années, encore accentuée par la crise économique grave que nous traversons, nous ne pouvons valider vos hypothèses pour 2009, et encore moins celles pour les années suivantes.
Mme la présidente. En conséquence, l’annexe B est ainsi rédigée.
Je mets aux voix l'article 9 et l’annexe B.
(L'article 9 et l’annexe B sont adoptés.)
Section 1
Reprise de dette
Article 10
I. - L'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
1° À l'article 2, les références : « II et II bis » sont remplacées par les références : « II, II bis et II ter » ;
2° Après le II bis de l'article 4, il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. - La couverture des déficits cumulés au 31 décembre 2008 des branches mentionnées aux 1° et 3° de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale et du fonds mentionné à l'article L. 135-1 du même code est assurée par des transferts de la Caisse d'amortissement de la dette sociale à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale effectués au cours de l'année 2009, dans la limite de 27 milliards d'euros. Ces déficits cumulés sont établis compte tenu des reprises de dette mentionnées aux I, II et II bis du présent article ainsi que des transferts résultant de l'application de l'article L. 251-6-1 du code de la sécurité sociale.
« Dans le cas où le montant total des déficits cumulés mentionnés à l'alinéa précédent excède 27 milliards d'euros, les transferts sont affectés par priorité à la couverture des déficits les plus anciens, et, pour le dernier exercice, dans l'ordre des branches et organismes fixé à l'alinéa précédent.
« Les montants et les dates des versements correspondants ainsi que, le cas échéant, de la régularisation au vu des montants définitifs des déficits de l'exercice 2008, sont fixés par décret.
« Sont considérées comme définitives les opérations de produits et de charges enregistrées de manière réciproque entre les branches du régime général et entre ces mêmes branches et le Fonds de solidarité vieillesse au titre de l'exercice 2008 et des exercices précédents, sauf si une disposition législative dispose qu'il s'agit d'acomptes. » ;
3° L'article 6 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. - Est également affectée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale une fraction du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale. Cette fraction est fixée au IV de l'article L. 136-8 du même code. »
II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 2° du IV de l'article L. 136-8, le taux : « 1,05 % » est remplacé par le taux : « 0,85 % » et le taux : « 1,03 % » est remplacé par le taux : « 0,83 % » ;
2° Après le 4° du IV du même article, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° À la Caisse d'amortissement de la dette sociale instituée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, pour la part correspondant au taux de 0,2 %. » ;
3° Au 1° de l'article L. 135-3, les mots : « d'un taux de 1,05 % à l'assiette » sont remplacés par les mots : « des taux fixés au 2° du IV de l'article L. 136-8 aux assiettes ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 96 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 254 est présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l’amendement n° 96.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 10 a pour objet de transférer à la CADES le déficit du Fonds de solidarité vieillesse et, dans le même temps, de réduire les ressources nécessaires au financement de ce dernier.
Vous vous contentez en fait de transférer aux générations futures le coût et le poids des politiques inconséquentes que vous menez depuis des années.
Contrairement à ce que vous voudriez faire croire, ce ne sont pas des dettes sociales ou le prix d’une politique sociale en grande difficulté que vous imposez aux futurs salariés d’assumer. Non, ce que vous leur faites subir, ce sont les conséquences du refus du gouvernement auquel vous appartenez de trouver des ressources nouvelles et pérennes. Ce que vous leur transférez, c’est le coût des cadeaux pharamineux que vous avez accordés aux employeurs et à quelques privilégiés.
Par exemple, les exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises en contrepartie de la création d’emplois précaires et sous-rémunérés s’élèveront à 42 milliards d’euros cette année, soit 10 milliards d’euros de plus que l’année précédente.
C’est à croire que vous n’avez pas mesuré les effets néfastes qu’engendre votre politique depuis des années ! Au travers de cet article, vous appliquez le principe des vases communicants, la dette remplaçant l’eau…
Sur le fond, rien ne changera. Le FSV demeurera déficitaire et ne pourra accomplir sa mission de solidarité au profit des retraités dont la situation est le plus précaire. Au moins pourrez-vous, grâce à l’effet d’optique que vous construisez, vous vanter de ne pas avoir creusé le déficit du FSV !
Se pose en fait le problème du financement des retraites et de notre protection sociale. Quelles réelles mesures de financement proposez-vous ?
Enfin, cet article ajoute encore à la complexité du dispositif.
Initialement, la contribution au remboursement de la dette sociale, la fameuse CRDS, était censée amortir la dette sociale accumulée les années précédentes.
Il faut se souvenir que, à l’époque où la gauche était aux responsabilités, le chômage a été considérablement réduit et les comptes sociaux étaient équilibrés. (M. Alain Gournac s’exclame.)
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. La CRDS était affectée à l’apurement de la dette passée, la contribution sociale généralisée, la CSG, étant destinée, elle, à financer la protection sociale.
Or, au travers de cet article, vous prélevez une fraction de la CSG affectée au FSV pour financer la dette. Est-ce à dire que celle-ci est plus élevée que vous ne le prétendez ?
Il n’y aurait rien d’étonnant à cela, puisque telle est la conviction de la Cour des comptes, qui a refusé de valider les comptes de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas pour ces raisons !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Mélange des genres !
Mme Isabelle Pasquet. Une autre hypothèse pourrait être que, anticipant les conséquences de votre politique pour l’avenir, vous considérez qu’il est nécessaire de se préparer dès aujourd’hui à faire face à une croissance de la dette…
Quoi qu’il en soit, cet article 10 est un bel aveu de l’échec de votre politique. C’est pourquoi nous refusons de l’adopter et invitons nos collègues à voter notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 254.
M. Bernard Cazeau. L’article 10 a pour objet de transférer à la caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, la charge d’un peu plus de 26 milliards d’euros de dettes accumulées par les différents régimes, notamment par les branches vieillesse et assurance maladie, en 2005 et en 2006.
Il est vrai qu’il faut bien trouver des solutions pour faire face à cette dette qui ne cesse d’augmenter. Les générations futures ne nous serons certainement guère reconnaissantes de notre attitude !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Oh non !
M. Bernard Cazeau. Mais là n’est pas mon propos.
Je pose la question suivante : plutôt que de recourir à une tuyauterie digne du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, que M. Vasselle critiquait abondamment à l’époque,…
M. François Autain. Il a changé d’avis !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans le FOREC, il n’y a pas de tuyauterie !
M. Bernard Cazeau. … pourquoi ne pas utiliser la formule, claire et bien connue, du remboursement par la CRDS ?
Certes, comme l’a dit M. Woerth, il faut éviter de donner l’impression d’un accroissement des prélèvements obligatoires. À cette fin, vous privez le FSV de deux dixièmes de point de CSG, contribution dont il a pourtant bien besoin. Comme on le verra plus loin, il existe un autre système de tuyauterie, tout aussi compliqué, s’agissant du FSV.
En tout état de cause, cette démarche n’est pas très orthodoxe, et nous ne vous suivrons pas dans cette voie. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 10.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nos collègues auteurs des amendements nos 96 et 254 n’ont ni tout à fait raison ni tout à fait tort, au moins sur certains points.
M. Guy Fischer. Merci !
M. Alain Vasselle, rapporteur. J’ai d’ailleurs abordé le sujet devant la commission, lorsque nous avons entendu les ministres, ainsi que pendant la discussion générale.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est clair que, à ce jour, le Gouvernement et le Parlement sont liés par les dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, aux termes de laquelle toute nouvelle dette sociale prise en charge par la CADES doit être couverte par une recette à due concurrence, de manière à ne pas prolonger l’existence de cette structure au-delà de 2021.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Heureusement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. À l’origine, je le rappelle, l’échéance avait été fixée à 2014. Par la suite, la CADES s’étant vu affecter de nouvelles charges à deux reprises, elle a été repoussée à 2021. À l’avenir, cette date ne sera plus modifiée, puisque la loi organique protège désormais le dispositif.
Il reste que les dispositions de l’article 10, qui ne constitue pas le meilleur du projet de loi, vont inévitablement fragiliser encore davantage le FSV.
Dans la conjoncture difficile que nous connaissons, ce fonds se trouvera donc à nouveau en situation déficitaire en termes de flux et risque d’accumuler une nouvelle fois des déficits, que le gouvernement du moment devra sans doute transférer à la CADES.
Cela étant, M. Cazeau a eu raison de dire qu’il fallait bien, à un moment donné, prendre des mesures. On ne peut laisser les déficits s’accumuler, car cela pose des problèmes de trésorerie à l’ACOSS. Cette dernière est arrivée à la limite de ses possibilités, puisque la Caisse des dépôts et consignations a déclaré qu’elle ne pouvait plus assurer sa trésorerie au-delà de l’autorisation qui lui a été ouverte.
Se trouvant au pied du mur, le Gouvernement devait prendre une décision, et nous ne la contestons pas.
Cependant, je regrette tout comme vous, monsieur Cazeau, qu’il ponctionne la part de la CSG actuellement perçue par le FSV pour financer cette opération. Vous n’avez pas tort, mon cher collègue, de dénoncer la mise en place d’une « tuyauterie », comme je l’avais fait lors de la création du FOREC.
Le présent projet de loi tend en effet à recréer une tuyauterie afin de mettre à la charge de la branche famille les majorations de pensions pour enfants, ce que déplore M. Lardeux.
C’est l’une des raisons pour lesquelles je défendrai tout à l’heure un amendement visant à supprimer une partie de cette tuyauterie, afin d’établir un lien direct entre l'assurance vieillesse et la Caisse nationale des allocations familiales, sans détour par le FSV.
Cela étant dit, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 96 et 254 pour les raisons que j’ai développées tout à l'heure, tout en partageant une partie des préoccupations de leurs auteurs.
M. Guy Fischer. Ah, voilà ! C’est honnête !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On est toujours honnêtes à la commission des affaires sociales ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la ministre, vous allez entendre une nouvelle fois les mêmes observations, mais formulées sous un angle plus financier. J’émettrai également un avis quelque peu politique au sujet de ces amendements.
Je l’ai écrit dans mon rapport, les Français ont contracté une dette sociale et la CRDS a été mise en place pour l’amortir. En tant que président du conseil de surveillance de la CADES, et aidé dans ma réflexion par quelques collègues sénateurs, dont M. le rapporteur Alain Vasselle, j’ai considéré qu’il fallait tout naturellement, pour faire face aux 27 milliards de dettes accumulés au cours des années couvertes par la loi organique que nous avons adoptée, porter la CRDS au taux de 0,70 %. Sinon, on est amené à mettre en place la tuyauterie dont on a parlé à l’instant, avec toutes les difficultés que cela entraîne !
Mes chers collègues, quelquefois, pour contourner le débat sur la dette contractée par les Français, que l’on soit de droite ou de gauche, on s’abrite derrière un discours que je supporte mal d’entendre, moi à qui il est arrivé d’être, tour à tour, dans la majorité et dans l’opposition !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Permettez à un centriste de dire que le trou de la sécurité sociale n’est ni de gauche ni de droite !
M. François Autain. Je ne suis pas d’accord !
M. Guy Fischer. Le trou est centriste, alors ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Les Français consomment des prestations et, n’ayant pas la possibilité de financer leurs dépenses, ils accumulent des dettes. Vous le savez pertinemment, mes chers collègues !
M. François Autain. Actuellement, le trou est de droite !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Si l’équilibre des comptes a pu être atteint sous le gouvernement Jospin, c’est parce qu’entre 1997 et 2002 la croissance avait permis de créer un million d’emplois. Telle est la réalité ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Madame la ministre, quelquefois, en voulant bien faire, on s’expose à un effet boomerang. Ne pas dire la vérité aux Français, c’est se placer dans cette situation.
En définitive, j’aurais donc souhaité que l’on puisse dire la vérité à nos compatriotes, ou alors qu’on leur explique comment financer leur surcroît de dépenses !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. En revanche, priver le FSV de 0,2 point de CSG revient à le mettre en danger. Le FSV est en danger dans la mesure où on lui a retiré des recettes et où il sera davantage sollicité en période de difficultés économiques.
Madame la ministre, j’ai réévalué les comptes, comme vous : en 2012, nous aurons de nouveau 27 milliards d’euros de dettes, auxquels viendront s’ajouter 2,8 milliards d’euros de dettes du FSV.
M. François Autain. Eh oui !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous aurons donc près de 30 milliards d’euros de dettes à rembourser.
M. François Autain. Et comment fera-t-on ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous devons arrêter de recourir à des expédients pour rembourser une dette dont notre génération n’est pas très fière. Je vous signale que nous remboursons aujourd'hui des feuilles de maladie émises en 1994, l’échéance étant fixée à 2021. Croyez-vous que ce système est viable ? (M. François Autain proteste.)
Si un jour vous êtes dans la majorité, vous ne vous débrouillerez pas mieux dans cette situation, mes chers collègues !
M. François Autain. Qu’en savez-vous ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Madame la ministre, il faut dire aujourd'hui la vérité aux Français.
Cela éviterait d’utiliser – pardonnez-moi ce mot, car je ne veux surtout pas être désagréable avec vous – des expédients. Procéder à de tels prélèvements de recettes sur le FSV, je l’ai dit en commission des finances, c’est le triomphe du jeu de bonneteau : on va chercher un peu d’argent là où des excédents sont momentanément enregistrés, et on fera replonger de 800 millions d’euros, dès 2009, un fonds dont les comptes ont été redressés très difficilement !
Je le répète, j’aurais préféré que l’on dise la vérité aux Français, et mon avis est partagé par la majorité de la commission des finances. À partir du moment où il y a une dette à combler, c’est à la CRDS qu’il faut recourir.
Voilà en substance ce que je souhaitais dire en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances. Bien évidemment, je suis opposé aux amendements de nos collègues des groupes CRC et socialiste.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 96 et 254.
Je ne peux laisser dire que la reprise des déficits par la CADES est une dissimulation de la dette sociale. C’est tout le contraire.
Le Gouvernement prend clairement acte de la situation du régime général, notamment des déficits de la CNAMTS, de la CNAVTS et du FSV, et propose en toute transparence et clarté la seule mesure possible pour y remédier.
Je demande aux auteurs des amendements d’être cohérents : on ne peut pas en même temps refuser que la dette sociale soit reprise par la CADES et souhaiter qu’elle soit financée par des ressources de trésorerie non permanentes.
Or, c’est exactement ce que prévoit l’amendement que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé à l’article 30 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comment, dans ces conditions, entendez-vous financer la dette sociale ?
Quant au FSV, il faut replacer les choses dans leur contexte. Au 31 décembre 2008, son déficit cumulé atteindra 3,8 milliards d’euros, ce qui pèse sur la trésorerie de l’assurance vieillesse. La CADES reprenant l’intégralité de cette dette, le déficit du FSV sera ramené à 1 milliard d’euros au 31 décembre 2009.
M. François Autain. Autant dire pas grand-chose !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En 2012, en retenant des hypothèses prudentes sur l’évolution du taux de chômage, la situation du FSV devrait être proche de l’équilibre.
C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de repousser ces deux amendements.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 96 et 254.
M. François Autain. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. le rapporteur pour avis quand il refuse de « latéraliser » le trou de la sécurité sociale.
En effet, si le trou de la sécurité sociale n’est certes ni de gauche ni de droite, les solutions que l’on retient pour le combler sont bien, elles, de droite ou de gauche. Je dirais même que l’absence de solution est toujours de droite !
Depuis que vous êtes au pouvoir, vous ne nous avez jamais apporté de réponse véritablement pérenne pour combler ce trou !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qu’a fait la gauche au pouvoir pendant des années ?
M. François Autain. Attendez que la gauche revienne au pouvoir et vous verrez !
M. Alain Gournac. On a vu et on a payé !
M. François Autain. D’ailleurs, cela ne saurait tarder si vous continuez comme ça !
Ce qui est certain, c’est que vous creusez le trou, malgré le remboursement du déficit par l’intermédiaire de la CADES jusqu’à la fin de 2007. Vous faites l’impasse sur le déficit de 2008 et sur celui de 2009, et vous êtes incapables de nous dire comment ces dettes seront comblées.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Les 27 milliards d’euros seront remboursés en 2008 !
M. François Autain. Je ne crois pas que le déficit pour 2008 ait été pris en compte !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Si, l’exercice 2008 est inclus !
M. François Autain. En tout cas, ce n’est pas le cas pour 2009 !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il n’y a pas encore de trou pour 2009, attendez qu’il se crée !
M. François Autain. Certes, le trou de 2009 n’est que potentiel, mais on a trop tendance à faire supporter à la trésorerie des dettes qui devraient être couvertes par l’emprunt. Ce n’est pas admissible !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 et 254.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Décès d’un ancien sénateur
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Henri d’Attilio, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1998 à 2004.
9
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la troisième partie, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 97 tendant à insérer un article additionnel après l’article 10.
Article additionnel après l’article 10
Mme la présidente. L’amendement n° 97, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat est abrogée.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. En 2007, Nicolas Sarkozy faisait adopter la mesure phare censée caractériser tout son quinquennat, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA : 13 milliards d’euros accordés aux plus riches de notre pays, pour leur permettre de contribuer moins que les autres à l’impôt, notamment grâce au « bouclier fiscal ».
Ainsi, pour l’année 2007, près de 23 000 contribuables ont reçu de la part du Trésor public un chèque d’un montant moyen de 16 000 euros. Quelque temps après, avant que la crise ne surgisse et que l’on soit capable de trouver en une nuit plus de 330 milliards d’euros, on nous présentait les caisses de l’État comme vides ! On sait aujourd’hui que vides, elles le sont quand il s’agit de mener une politique d’emplois, de lancer des grands travaux, notamment environnementaux ; elles sont vides quand il s'agit de protéger les plus faibles contre la crise, vides quand il s'agit d’augmenter les salaires, les pensions, les minima sociaux. Bref, les caisses sont vides quand il s'agit de politiques sociales en direction du plus grand nombre de nos concitoyennes et concitoyens !
C’est la raison pour laquelle nous entendons, par cet amendement, supprimer le dispositif TEPA, qui coûte tout de même 4 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, somme non négligeable qui manque cruellement au régime général de la sécurité sociale et correspond à peu de chose près à la moitié de son déficit. Et vous voudriez que l’on se refuse à s’en saisir ?
Monsieur Jégou, vous nous demandiez tout à l’heure quelles recettes nous pouvions produire pour notre sécurité sociale : en voilà une, en tout cas !
Aussi, à l’encontre du discours tenu par le Gouvernement, de l’argent, il y en a ! Seulement, loi après loi, mesure après mesure, vous vous refusez à le partager équitablement, préférant qu’il serve à la spéculation ou aux mécanismes d’exonération d’imposition en général !
Mais, pire encore, cette loi qui devait être favorable à l’emploi – donc aux comptes sociaux – a précipité la crise.
Dans les secteurs principalement marchands, au deuxième trimestre 2008, la France a détruit beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en a créés : 12 200 emplois nets ont été détruits. Et, au premier trimestre, elle avait créé 57 400 emplois nets seulement, contre 62 400 au trimestre précédent, soit une décrue de plus de 8 %.
Autrement dit, la loi TEPA, loin d’encourager la création d’emplois, a participé à la relance du chômage : le deuxième trimestre 2008 s’est terminé sur une hausse du chômage de 0,2 % en juin, malgré la flambée des radiations de l’ANPE !
Les exonérations de cotisations sociales de la loi TEPA ont donc contribué à accroître le déficit de la protection sociale : directement, par la baisse des cotisations versées, plus ou moins compensées par l’État – d’ailleurs plutôt moins que plus – et indirectement, mais massivement, par les baisses d’emploi et la pression exercée sur la masse salariale nationale.
Vous prétendez que les exonérations de cotisations sociales jouent en faveur de l’emploi mais, ce faisant, vous accréditez le discours selon lequel ce sont les règles de protection sociale et de solidarité qui coûtent et pèsent sur le prix du travail, faisant ainsi plaisir, évidemment, à M. Dassault. D’ailleurs, lorsque nous parlons de cotisations, vous parlez de charges, oubliant au passage que, si les employeurs contribuent, les salariés le font aussi et à un degré toujours accru, alors que la proportion de la part patronale diminue. Vous oubliez aussi que ces dépenses sociales représentent un atout pour notre pays et notre économie.
Face à la crise spéculative, financière et sociale qui s’annonce, nous avons besoin de la solidarité de tous. C’est pourquoi je vous invite à voter notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie. L’avis de la commission est défavorable : nous n’allons pas remettre en cause ce que nous avons adopté à l’été 2007 avec la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Nos collègues comprendront que nous ne puissions pas les suivre dans leur démarche.
M. Guy Fischer. On ne comprend pas, même si cela ne nous surprend pas !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Le Gouvernement est défavorable pour les mêmes raisons. J’ajoute, madame David, que les exonérations de cotisations sociales que vous dénoncez sont intégralement compensées.
M. Guy Fischer. C’est ce qu’on dit !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 97.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Section 2
Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement
Articles additionnels avant l’article 11
Mme la présidente. L’amendement n° 255, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu’une entreprise n’est pas couverte par un accord salarial d’entreprise de moins de deux ans en application de l’article L. 2242-8 du code du travail ou par un accord salarial de branche de moins de deux ans en application de l’article L. 2241-8 même code, le montant de la réduction des cotisations sociales visées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est diminué de 10 % au titre des rémunérations versées cette même année et jusqu’à ce que l’entreprise soit couverte par un nouvel accord.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Nous voulons inciter les entreprises à ouvrir et conclure des accords sur les salaires, comme le prévoit le code du travail. Cet amendement vise à subordonner l’octroi d’exonérations de cotisations sociales à l’existence d’un accord salarial. En cas d’absence d’accord de moins de deux ans, il est proposé une réduction de 10 % des exonérations de cotisations.
Telles sont d’ailleurs les conclusions de la mission d’information commune constituée par l’Assemblée nationale. Nos collègues députés proposent en effet dans leur rapport une première étape, en conditionnant les allégements à l’ouverture de négociations salariales et en les calculant sur la base des rémunérations minimales de branche.
Avec cet amendement, il s’agit bien sûr de lutter contre les entreprises qui ne veulent pas s’engager dans les négociations salariales et de mettre en application les conclusions de ce rapport.
Certaines entreprises font des efforts, d’autres non. Il nous semble important que l’État donne un signal fort et fasse pression pour que des négociations s’engagent et aboutissent à des accords salariaux. La modulation des exonérations de cotisations sociales en fonction du comportement salarial des entreprises serait favorable, à la fois, à la sécurité sociale et à la revalorisation des salaires, qui doit être une priorité dans cette période.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Cazeau nous a présenté un amendement que son groupe avait déjà déposé lors de la discussion du projet de loi en faveur des revenus du travail, dont notre collègue Isabelle Debré était rapporteur.
Le Sénat s’était déjà prononcé contre cette disposition tendant essentiellement à remplacer le mot « négociation » par le mot « accord » ; il n’a pas évolué dans ses positions depuis l’examen de ce projet de loi.
La commission m’a donc chargé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ce mécanisme conditionnel.
Mme la présidente. L’amendement n° 256, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un bilan d’évaluation annuel des dispositifs ciblés d’exonération des cotisations de sécurité sociale est transmis au Parlement avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cette fois-ci, notre collègue rapporteur devrait apprécier la teneur de cet amendement !
Il doit être procédé à l’évaluation régulière des dispositifs d’exonérations ciblés, dont M. Vasselle nous parle souvent, afin d’apprécier leur pertinence au regard des conditions d’emploi et de mesurer les effets d’aubaine pour les entreprises.
Les allégements de cotisations et les dispositifs d’exonérations sociales sont devenus un enjeu majeur de l’équilibre de nos comptes publics. Avec 28,7 milliards d’euros consacrés en 2007 aux allégements généraux et exonérations ciblées et plus de 41 milliards d’euros d’exonérations d’assiette, les politiques d’exonérations sociales représentent un total annuel de près de 70 milliards d’euros, hors allégements ciblés.
Tous les travaux menés ces derniers temps, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont conclu à la nécessité d’une évaluation et d’un remodelage de certains dispositifs insuffisamment efficaces au regard de leur coût ou suscitant des effets d’aubaine.
La mise en place d’exonérations ciblées doit être précédée d’une étude d’impact. La multiplication des propositions de création d’allégements ou de niches sociales dans différents textes doit être freinée, ce que permettrait sans doute une récapitulation des dispositifs nouveaux dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Tel était d’ailleurs l’objectif de nos collègues Alain Vasselle et Nicolas About dans une proposition de loi organique dont nous n’entendons plus parler !
Notre amendement va dans le sens de tous les discours tenus sur ce sujet. Il serait d’actualité et pertinent de l’adopter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je partage les préoccupations de notre collègue Bernard Cazeau, d’autant plus que je les ai exprimées à plusieurs reprises devant la Haute Assemblée, comme il a bien voulu le rappeler.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 que nous avons examiné la semaine dernière, contient, dans son article 11, une disposition qui va dans le sens souhaité par M. Cazeau : son amendement est donc satisfait. S’il en était d’accord, je lui proposerais de le retirer.
Si nous étions amenés à constater, l’année prochaine, au moment de l’examen du rapport sur les finances publiques, que le Gouvernement ne respectait ni l’esprit ni la lettre de l’article 11, nous pourrions déposer ensemble un amendement allant dans le sens que vous souhaitez, mon cher collègue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Cazeau, l’amendement n° 256 est-il maintenu ?
M. Bernard Cazeau. Non, je le retire, madame la présidente. Je fais confiance à M. le rapporteur et, si la situation devait évoluer dans un sens que nous réprouvons l’un et l’autre, nous réexaminerions la question l’an prochain.
Mme la présidente. L’amendement n° 256 est retiré.
L'amendement n° 98, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un paragraphe 1 ainsi rédigé :
« Paragraphe 1 : Assurance maladie, maternité, invalidité et décès.
« Art. L. 242-4-4. - Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'UNEDIC soient en équilibre.
« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport salaire/valeur ajoutée est pris en compte. Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, sont associés au contrôle de ce ratio. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Pour les sénatrices et sénateurs communistes, il est important de revoir l’assiette des cotisations et les règles qui existent aujourd’hui, car, comme le souligne la Cour des comptes dans son dernier rapport, les cotisations participent davantage d’une logique assurantielle que d’une logique redistributive.
Cette logique est précisément la conséquence des exonérations de cotisations sociales et il faudra bien le reconnaître. Voilà comment, d’exonération en exonération, vous préparez nos concitoyennes et concitoyens à un régime totalement privatisé !
Voila également comment, petit à petit, vous avez retiré toute responsabilité sociale aux entreprises, et votre proposition de généralisation de la taxe finançant le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, en est une nouvelle preuve. Mais nous aborderons ce sujet ultérieurement.
D’ailleurs, cela se caractérise avant tout par la tentation qu’ont les gouvernements de droite de transférer des pans toujours plus grands du financement de la protection sociale des entreprises vers les assurés, particulièrement au travers de la CSG. Cela participe de la baisse du prix du travail. Mais, curieusement, les salariés concernés ne voient pas leurs salaires augmenter.
C’est pour cela qu’il nous apparaît important d’imaginer un mécanisme visant à moduler le taux de cotisations sociales des entreprises en fonction de la part que représentent les salaires dans celles-ci. Nous proposons de permettre aux entreprises qui créent des emplois de cotiser proportionnellement moins que celles qui détruisent l’emploi, ou maintiennent les salariés dans la précarité.
Il s’agit de partir d’un postulat simple : soit les exonérations totales ou partielles de cotisations ont pour objet de faciliter l’emploi des salariés les moins formés en échange d’une juste rémunération, soit il s’agit de permettre aux entreprises les moins scrupuleuses de bénéficier d’une main-d’œuvre à moindre coût.
Pour ce qui nous concerne, nous avons fait notre choix ; aussi, je vous invite à voter cet amendement qui privilégie les entreprises vertueuses.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame David, votre amendement présente un lien de parenté étroit avec celui qu’avait défendu notre collègue Serge Dassault sur le coefficient d’activité. (Mme Annie David s’exclame.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je me demande si vous ne vous êtes pas concertés. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Serge Dassault n’ayant pas pu avoir satisfaction immédiatement, vous avez en somme pris le relais.
Mme Annie David. Vous savez très bien que ce n’est pas vrai ; c’est un coup bas que vous portez là !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, je ne me le permettrais pas !
Cela étant, madame David, je vous demande de retirer votre amendement, comme l’a fait M. Dassault, sur la base des informations que nous vous avons transmises et des engagements que nous avons pris.
Reconnaissez qu’il existe un lien étroit entre votre amendement et celui de M. Dassault. J’ai dit que ce sujet nécessitait une expertise et M. Dassault a accepté de retirer son amendement. Je vous invite à faire de même.
Si nous créons un groupe de travail entre la commission des finances et la commission des affaires sociales pour réfléchir sur ce sujet, vous y serez, bien entendu, associée et, sur le fondement des études qui auront été réalisées, nous verrons bien s’il y a lieu d’étudier plus avant votre proposition.
Donc, sous le bénéfice de ces observations, je réitère, madame David, ma demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Moduler le taux de cotisation en fonction de la masse salariale des entreprises correspond tout à fait à la philosophie de l’amendement défendu hier par Serge Dassault.
Après lui avoir objecté que les études préalables n’allaient pas dans le sens qu’il envisageait et qu’une telle disposition entraînerait des effets pervers pour de nombreux secteurs de l’économie, en particulier pour l’industrie automobile, je me suis néanmoins déclarée ouverte à la poursuite de la réflexion sur cette question. Je le confirme aujourd'hui, madame David.
Mme la présidente. Madame David, l'amendement n° 98 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Je ne vais pas retirer cet amendement. Je participerai, si j’y suis invitée, à ce groupe de travail afin de réfléchir à une proposition qui pourrait être acceptable. Si cependant je constate que l’orientation qui est prise ne correspond pas à ce que j’essaie d’exprimer dans cet amendement, je quitterai le groupe de travail.
Vous savez très bien que notre amendement n’est pas le même que celui de M. Dassault, même si, comme vous l’avez dit, madame la ministre, ils participent du même esprit, puisque nous demandons effectivement une modulation des cotisations des entreprises en fonction de leur politique salariale et de l’emploi dans l’entreprise. Le résultat est tout de même quelque peu différent de celui que nous proposait M. Dassault.
Je maintiens donc cet amendement, et, si vous me conviez à participer au groupe de travail, peut-être pourrons-nous creuser la question.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n’est pas à nous de vous inviter : il appartiendra à votre groupe de désigner ses propres représentants !
Mme Annie David. S’il est invité…
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 98.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11
Le II de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« 5 % au fonds mentionné à l'article L. 135-1 ; »
2° Au dernier alinéa, le pourcentage : « 15 % » est remplacé par le pourcentage : « 30 % ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 99, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Madame la ministre, l’article 11 que vous nous proposez d’adopter tend à modifier la clé de répartition du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
Autrement dit, vous continuez à jouer les mécaniciens et à déshabiller Paul pour habiller Pierre.
Ainsi vous attaquez-vous une nouvelle fois au Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, qui se voit à nouveau amputé de l’une de ses ressources. Il est clair que cela ne réglera rien, mais votre volonté n’est pas de trouver une solution.
Nous défendons l’idée que, loin des mécanismes de transvasement, il doit être possible de garantir un financement à la fois pérenne et solidaire.
Pour ce faire, nous devons nous attaquer, comme avait d’ailleurs promis de le faire Jacques Chirac lorsqu’il était Président de la République, à l’assiette de cotisations en la réformant en profondeur.
D’ailleurs, on comprend mal votre hostilité à une telle mesure vu que, lorsqu’il s’agit d’accorder des cadeaux aux plus riches, vous savez réformer l’impôt !
En somme, vous l’aurez compris, nous refusons d’être associés à une politique qui se limite à coller des rustines, à transférer les déficits et les découverts, quand, visiblement, l’urgence est d’apporter des réponses concrètes aux problèmes du sous-financement de notre régime de protection sociale.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
II. Le 5° de l'article L. 223-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À compter du 1er janvier 2011, ce versement est effectué directement au profit de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. »
III. La perte de recettes résultant, pour le fonds de solidarité vieillesse, du II est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
I.
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. J’ai déjà donné quelques informations sur les intentions de la commission concernant cet amendement. Je réagissais ainsi au reproche formulé par M. Cazeau, qui dénonçait les « tuyauteries » entre le FSV, la CNAV et la branche famille. Les différentes dispositions prévues par ce texte à ce sujet particulier ne sont effectivement pas de nature à susciter mon enthousiasme.
C’est l'une des raisons pour laquelle je propose, avec l’accord - comme j’ai cru le comprendre - quasi unanime des membres de la commission des affaires sociales, qu’au terme du transfert des majorations de pension pour enfants soit prévu un versement direct des produits de la CNAF vers la CNAVTS pour financer ces majorations de pension pour enfants.
Ainsi, le dispositif que le Gouvernement a souhaité inscrire dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 sera plus transparent et plus compréhensible pour l’ensemble de nos concitoyens.
Mme la présidente. L'amendement n° 100, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Le ministre en charge de la sécurité sociale transmet au Parlement, avant le 1er juillet 2010, un rapport d'évaluation de cette mesure sur les comptes du Fonds de solidarité vieillesse.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Vous savez notre opposition à une mesure qui sera, c’est sûr et certain, néfaste au Fonds de solidarité vieillesse et, par voie de conséquence, néfaste aux retraités qui en seront demain les bénéficiaires.
C’est la raison pour laquelle il nous semble important qu’un bilan sur les conséquences de l’application de cette disposition puisse être réalisé.
Ce rapport permettrait de tirer toutes les conséquences des politiques qui seront décidées ici et de mesurer clairement les effets de cette disposition en particulier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. L’amendement n° 99 remettrait en cause l’ensemble de l’architecture que nous avons adoptée en commission des affaires sociales. Je ne suis certes pas enthousiasmé par la proposition faite par le Gouvernement, qui revient à affaiblir le FSV en diminuant ses recettes. Cela étant, nous n’avons pas jugé opportun de remettre en cause le dispositif.
La commission ne peut donc pas donner un avis favorable à l’amendement n° 99.
Il en est de même en ce qui concerne l’amendement n° 100. Je comprends le souci de ses auteurs d’obtenir un rapport d’évaluation concernant l’incidence de cette mesure sur les comptes du Fonds de solidarité vieillesse. Mais il faut reconnaître que, chaque année, les informations que nous avons tout loisir d’obtenir en auditionnant le président du conseil et le directeur du FSV nous permettent de connaître l’évolution de la situation du fonds.
Donc, il ne me paraît pas utile de prévoir un rapport supplémentaire, les informations dont nous disposons m’apparaissant, pour le moment, suffisantes.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement, sur lequel, sinon, elle donnera un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 99 et 100.
L’opération prévue est neutre pour le FSV. Je rappelle d’ailleurs que celui-ci verra son déficit réduit de 3 milliards d’euros du fait de la reprise de la dette par la CADES.
Sur l’amendement n° 1, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.
M. Bernard Cazeau. Nous voterons cet amendement, non sans éprouver une petite satisfaction : nous avions présenté un amendement similaire il y a dix ans et la droite, à l’époque, l’avait refusé. Donc, tout arrive un jour ou l’autre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il ne faut jamais désespérer ! (Sourires.)
Mme la présidente. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage sur l’amendement n°1 ?
Mme la présidente. Il s'agit donc de l’amendement n° 1 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Supprimé.......................................................................... ;
2° À l'article L. 245-7, les mots : «, au profit du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie mentionné à l'article L. 862-1, » sont supprimés ;
3° Le b de l'article L. 862-2 est ainsi rédigé :
« b) Par les montants des déductions mentionnées au III de l'article L. 862-4 ; »
4° L'article L. 862-3 est ainsi modifié :
a) Le a est ainsi rédigé :
« a) Le produit de la contribution mentionnée au I de l'article L. 862-4 ; »
b) Les c, d et e sont abrogés ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Tout ou partie du report à nouveau positif du fonds est affecté à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés dans des conditions fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. » ;
5° L'article L. 862-4 est ainsi modifié :
a) Au II, le taux : « 2,5 % » est remplacé par le taux : « 5,9 % » ;
b) Au III, le montant : « 85 € » est remplacé par le montant : « 92,50 € » ;
6° L'article L. 862-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le versement aux organismes visés au a de l'article L. 861-4 résultant de l'application du a de l'article L. 862-2 est inférieur aux dépenses réellement engagées par ces organismes, une fraction du produit de la contribution visée à l'article L. 862-4 égale à cette différence leur est affectée. » ;
7° L'article L. 862-7 est complété par un e ainsi rédigé :
« e) L'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles et le fonds mentionné à l'article L. 862-1 établissent chaque année un rapport sur les comptes des organismes visés au I de l'article L. 862-4. Ce rapport fait apparaître l'évolution du montant des primes ou cotisations mentionnées à ce même I, du montant des prestations afférentes à la protection complémentaire en matière de frais de soins de santé versées par ces organismes, du prix et du contenu des contrats ayant ouvert droit au crédit d'impôt mentionné à l'article L. 863-1, du montant des impôts, taxes et contributions qu'ils acquittent, de leur rapport de solvabilité ainsi que de leurs fonds propres et provisions techniques. Il est remis avant le 15 septembre au Parlement ainsi qu'aux ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale. Il est rendu public. »
II. - Tout ou partie du report à nouveau, au 1er janvier 2009, du fonds mentionné à l'article L. 862-1 du code de la sécurité sociale est affecté à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés dans des conditions fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L’article 12, qui vise à majorer à hauteur de 1 milliard d’euros la contribution versée par les organismes complémentaires au fonds CMU, est l’un des plus importants du projet de loi.
M’étant déjà exprimé sur ce sujet lors de la discussion générale, je me contenterai de revenir sur quelques points.
Madame la ministre, vous justifiez cette mesure par « le déport mécanique de l’ordre de 600 millions d’euros des dépenses prises en charge par les assurances complémentaires vers l’assurance maladie ». Cette analyse est contestée par les organismes complémentaires, qui observent qu’ils doivent également faire face de leur côté à certains transferts de charges. Je souhaite donc que vous nous apportiez des éclaircissements sur ce point.
Les réserves dont disposeraient les organismes complémentaires sont parfois mises en avant pour justifier leur capacité à absorber cette hausse de leur contribution au fonds CMU : pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet, car je n’ai pas obtenu de chiffres fiables pour le moment, quelles que soient les personnes auxquelles je me suis adressé, y compris celles qui relèvent de votre ministère.
Les mutuelles se sont engagées, dans une lettre du 28 juillet 2008, que vous avez cosignée, à faire « les meilleurs efforts [...] dans le contexte européen actuel, pour ne pas répercuter cette contribution dans les cotisations de leurs adhérents ».
Cet engagement ne concerne toutefois que les mutuelles, et non les sociétés d’assurance ni les institutions de prévoyance. Celles-ci pourraient donc répercuter cette hausse, même si nous savons que la concurrence entre acteurs jouera très probablement un rôle de frein en ce domaine. Par ailleurs, d’après l’analyse de la Mutualité française, la situation des mutuelles devrait être appréciée plutôt au cas par cas.
En outre, il semblerait que cette stabilité ne vaille que pour 2009. Je souhaite donc que vous nous apportiez, là encore, des compléments d’information.
Enfin, envisagez-vous un basculement de plus grande ampleur, à terme, vers les complémentaires ? Une somme comprise entre 3 milliards et 4 milliards d’euros a parfois été évoquée, notamment par les équipes chargées de la révision générale des politiques publiques. Quelle est votre orientation ? Quelles conséquences en tirez-vous en termes de gestion du risque ?
Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 101, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, ma défense de cet amendement vaudra aussi pour les amendements nos 102 et 103.
L’article 12 vise à clarifier le financement du fonds alimentant la couverture maladie universelle complémentaire, le fonds CMU, en portant notamment le taux de la taxe sur les mutuelles de 2,5 % à 5,9 %.
Depuis le début de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous n’avons eu de cesse de dénoncer un texte sans ambition pour ce qui est des ressources. Nous regrettons en effet que vous préconisiez les transferts de déficit plutôt que la création de ressources pérennes.
Et voilà qu’arrive cet article 12, qui confirme pleinement notre analyse !
Certes, par cet article, vous entendez injecter 1 milliard d’euros pour financer le fonds CMU. Mais avec quelles conséquences sociales !
Car ce milliard sera notamment prélevé sur les mutuelles complémentaires, ces organismes à but non lucratif que nos concitoyens connaissent bien, puisqu’ils prennent en charge certains soins que notre sécurité sociale néglige. Je pense, par exemple, à l’appareillage dentaire ou aux frais d’optique.
Ainsi, l’article 12 augmente la taxe actuellement en vigueur de 2,5 % sur le chiffre d’affaires des mutuelles. À ce stade de nos débats, comment ne pas faire le lien avec la taxe pesant sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques ?
En effet, d’un côté, vous prévoyez d’augmenter le taux d’une taxe sur des organismes mutualistes et solidaires, qui passerait de 2,5 à 5,9 %, quand, de l’autre, vous taxez des entreprises lucratives – très lucratives –, cotées en bourses et dont les objectifs sont parfois en contradiction avec les intérêts de la sécurité sociale, à un taux, minimal, de 1 %.
De plus, la taxe sur ces laboratoires est explicitement annoncée comme exceptionnelle – quand bien même l’exceptionnel durerait –, alors que celle sur le chiffre d’affaires des mutuelles n’est pas limitée dans le temps.
Vous avez longtemps, madame la ministre, justifié la taxation des mutuelles complémentaires en arguant que celles-ci avaient accumulé, depuis des années, des excédents non négligeables.
Curieusement, vous taisez en revanche les excédents – ou plutôt les profits – des laboratoires pharmaceutiques. Pourtant, en 2007, ces derniers ont réalisé un chiffre d’affaires cumulé de 45 milliards d’euros, ce qui représentait une progression de plus de 4 % par rapport à l’année 2006.
C’est donc une taxation à deux vitesses que vous créez, et qui, proportionnellement, pèsera plus sur les assurés sociaux adhérant à des mutuelles que sur les actionnaires !
En effet, c’est bien de cela qu’il s’agit : la taxe que vous instaurez est indirectement prise dans les poches des mutualistes, c’est-à-dire dans celles de tout un chacun. Ce n’est, ni plus ni moins, qu’une franchise médicale déguisée ; bref, un véritable racket !
Vous le savez, les excédents des mutuelles n’ont pas été dégagés au détriment des mutualistes. Ils sont d’ailleurs pour une part la conséquence des réglementations française et européenne. Avouez donc qu’il est tout de même un rien cynique de culpabiliser, stigmatiser et taxer des organismes au motif qu’ils ont le mauvais goût de respecter les injonctions qui leur sont faites !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Guy Fischer. Les excédents des laboratoires vont quant à eux directement dans la poche d’un petit nombre d’actionnaires. Leurs bénéfices, d’ailleurs, sont pour ainsi dire garantis par la sécurité sociale grâce à la proportion de 74 % de médicaments remboursés, même si certains de ces médicaments sont, en termes de service médical rendu, notoirement insuffisants.
Par ailleurs, la taxe qui frappe les mutuelles complémentaires est censée financer à elle seule le fonds CMU, avec en complément une légère subvention de l’État. Or, en raison de la baisse du pouvoir d’achat des Français, nombreux sont celles et ceux de nos concitoyens qui renoncent à bénéficier d’une mutuelle complémentaire, voire, quand ils en avaient une, mettent un terme à leur contrat. Le directeur général de la Mutualité française, M. Lenoir, que nous avons rencontré, nous a confirmé l’existence de cette tendance à la « démutualisation ».
Adhérer à une mutuelle complémentaire représente un effort financier de l’ordre de 10 % de leur budget pour les Français dont le salaire est supérieur à 800 euros et inférieur à 1000 euros. Voilà qui conduit nombre de personnes à quitter leur mutuelle.
Si ce mouvement est encore difficile à chiffrer, il est en revanche certain que 8 % de nos concitoyens renoncent à une couverture mutuelle complémentaire pour des raisons financières. Selon un sondage IPSOS pour le Secours populaire, 39 % des Français ont renoncé à des soins médicaux ou les ont retardés en raison de leur coût. En outre, 31 % des sondés déclarent avoir renoncé à l’achat de leur prothèse dentaire ou l’avoir différé. Et les proportions sont respectivement de 29 % pour les soins d’optique, 24 % pour les consultations de spécialistes, 14 % pour une consultation de médecine générale. Voilà où nous en sommes !
On peut donc légitimement s’interroger sur ce qu’il adviendra demain du financement du fonds CMU si le chiffre d’affaires des mutuelles, en raison des conditions que je viens d’exposer, diminue massivement.
Retournerez-vous en arrière ? Qui financera ce fonds à hauteur des besoins si les mutuelles n’apportent plus les contributions nécessaires ? La question de sa survie se trouverait posée concrètement, et ce d’autant plus qu’avec le présent article vous créez le premier fonds de solidarité nationale entièrement financé par des ressources privées !
M. Guy Fischer. En clair, vous venez de privatiser le fonds CMU !
Or cette privatisation n’a qu’un seul objectif : faire sortir ce fonds du champ de la solidarité nationale. C’est pourquoi nous nous opposons à cet article et avons déposé un amendement visant à le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. François Autain. Bravo !
Mme la présidente. L'amendement n° 102, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le b) du 4° du I de cet article.
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 103, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le c) du 4° du I de cet article.
Cet amendement a également été défendu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 92 rectifié est présenté par MM. Lardeux et du Luart et Mmes B. Dupont, Rozier et Henneron.
L'amendement n° 257 est présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 469 est présenté par M. P. Dominati.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter le a) du 5° du I de cet article par les mots :
à titre exceptionnel pour l'année 2009
La parole est à M. André Lardeux, pour présenter l'amendement n° 92 rectifié.
M. André Lardeux. Il s’agit, par cet amendement, de compléter un alinéa du présent article pour que le prélèvement sur les mutuelles soit déclaré « exceptionnel » au titre de l’année 2009. En effet, en ce qui concerne les années suivantes, il serait peut-être plus prudent d’attendre de voir la manière dont la situation évolue.
On peut comprendre le principe d’un prélèvement sur les mutuelles, dans la mesure où un certain nombre de décisions prises dans le cadre de la sécurité sociale ont « profité » aux assurances complémentaires.
Cela dit, sans recourir à une augmentation de la taxe qui les affecte, on pourrait envisager que les mutuelles choisissent de diminuer le montant de la cotisation de leurs adhérents, ou tout au moins de modérer les augmentations, qui ont été assez sensibles ces dernières années.
Je considère, pour ma part, de même qu’un certain nombre de mes collègues, que cette augmentation devrait être exceptionnelle et ne devrait être renouvelée qu’après que nous aurons observé l’évolution de la conjoncture, mais aussi après consultation de l’UNOCAM, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire.
Certes, les plus puissantes des mutuelles n’auront peut-être pas de problèmes en 2009 et dans les années suivantes – encore que ce ne soit pas certain –, mais il existe aussi un certain nombre de petites mutuelles dont les finances sont extrêmement fragiles. Peut-être peuvent-elles supporter une année de prélèvement exceptionnel, mais probablement pas deux années, au risque de les contraindre, le cas échéant, soit à augmenter de manière significative les cotisations, soit à disparaître purement et simplement.
La mesure envisagée conduirait donc, paradoxalement, à la réduction de la couverture complémentaire d’un certain nombre d’assurés, ce qui ne me semble pas acceptable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 257.
M. Bernard Cazeau. Je pourrais tout autant faire miens les arguments que vient de développer mon collègue M. Lardeux que ceux de M. Fischer concernant le transfert de charges.
En effet, il est vrai qu’un certain nombre de mutuelles ont les moyens de tenir un an sans augmenter les cotisations, en dehors de l’augmentation obligatoire, de l’ordre de 3 %, qui intervient d’une année sur l’autre. Certaines nous l’ont d’ailleurs dit. Mais il est tout aussi exact que d’autres n’ont pas les moyens. Et, de toute façon, l’ensemble des mutuelles, si la hausse devait persister, seront obligées d’en tenir compte et de reporter sur les mutualistes les sommes qui leur sont prélevées pour renflouer la CMU-c.
Cet amendement tend donc à préciser que le prélèvement sera « exceptionnel pour l’année 2009 ».
À ce propos, je profite de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer ici pour demander à M. Jégou, qui représente la commission des finances, que nous soient précisées les conditions dans lesquelles on décide ou non d’opposer l’article 40 de la Constitution aux amendements des parlementaires.
Je ne veux pas croire que cela soit fait de façon « pifométrique », mais je tiens tout de même à marquer mon grand étonnement de voir certains amendements tomber sous le coup de l’article 40, alors que d’autres, qui leur sont similaires, car ils entraînent une diminution des ressources publiques, prospèrent sans une égratignure !
J’en prends à témoin la commission des finances, il convient de clarifier la procédure, et je vous prie, madame la présidente, de vous faire également mon interprète en ce sens auprès de M. le président du Sénat.
Mme la présidente. L’amendement n° 469 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 62, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer le 6° du I de cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous demandons la suppression d’une disposition introduite, contre l'avis du Gouvernement, par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Cette disposition prévoit une compensation intégrale des charges supportées par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, au titre des bénéficiaires de la CMU complémentaire, alors que les organismes complémentaires resteraient soumis à une compensation forfaitaire de 370 euros par an et par bénéficiaire.
Cette compensation interviendrait par un détournement, au profit de la CNAMTS, d'une partie de la contribution versée par les organismes complémentaires au fonds CMU, qui fait l'objet d'une majoration dans le cadre de l'article 12.
Une telle disposition présente à mon sens plusieurs inconvénients.
D’abord, compte tenu de son coût – plus de 140 millions d'euros –, elle placerait le fonds CMU en situation de déficit, ce qui imposerait à l'État de lui verser une subvention en 2009. Or, ce n'est pas prévu par le projet de loi de finances.
Ensuite, cela rendrait illisible la contribution demandée aux organismes complémentaires, qui est déjà majorée de 1 milliard d'euros en 2009, alors que la CNAMTS ne versera plus de dotation à ce fonds, dont elle récupérera par ailleurs l'excédent, soit environ 136 millions d'euros, ce qui mérite d’être noté.
En outre, cette disposition instaurerait une disparité de traitement entre les organismes complémentaires et la CNAMTS pour ce qui est des modalités de prise en charge des dépenses qu'ils supportent au titre des bénéficiaires de la CMU-c. Cela n'apparaît pas souhaitable.
Enfin, une compensation intégrale irait à l'encontre de la responsabilisation des gestionnaires, qui a constitué ces dernières années, madame la ministre, l’un des objectifs gouvernementaux.
Pour ces raisons, je vous propose, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, la suppression de cette disposition.
Mme la présidente. L'amendement n° 513, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer le second alinéa (e) du 7° du I de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« e) L'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles et le fonds mentionné à l'article L. 862-1 transmettent chaque année, avant le 1er juin, aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et au Parlement, les données nécessaires à l'établissement des comptes des organismes visés au I de l'article L. 862-4.
« Sur cette base, le Gouvernement établit un rapport faisant apparaître notamment l'évolution du montant des primes ou cotisations mentionnées à ce même I, du montant des prestations afférentes à la protection complémentaire en matière de frais de soins de santé versées par ces organismes, du montant des impôts, taxes et contributions qu'ils acquittent et de leur rapport de solvabilité.
« Ce rapport est remis avant le 15 septembre au Parlement. Il est rendu public. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les députés ont adopté un amendement qui tend à exiger de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l’ACAM, et du fonds CMU de remettre chaque année au Gouvernement et au Parlement un rapport sur les comptes des organismes complémentaires d’assurance maladie.
Il est tout à fait essentiel de disposer de précisions sur la situation financière des organismes complémentaires. Le débat que nous venons d’avoir a apporté la démonstration de l’appétence du Parlement pour ces éléments d’information !
Toutefois, il est souhaitable que le rapport soit établi en cohérence avec les documents qui sont produits par la Commission des comptes de la santé. En effet, cette commission est chargée de présenter, chaque année, les différentes composantes des dépenses de santé et des financements associés, ainsi que les conditions de leur équilibre, aussi bien pour la couverture de base que pour la couverture complémentaire. Ces données sont utilisées dans le cadre de la comptabilité nationale et pour les comparaisons internationales établies par l’Union européenne ou par l’OCDE.
C’est pourquoi nous vous proposons que le rapport soit rédigé non pas directement par les deux organismes susmentionnés, mais par les services statistiques actuellement responsables de l’élaboration des comptes de la santé, sur la base des informations transmises par l’ACAM et le fonds CMU.
Ce rapport sera remis au Parlement avant le 15 septembre, ce qui permettra d’assurer toute la transparence nécessaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble que cet amendement pourrait recueillir l’unanimité du Sénat.
Mme la présidente. L'amendement n° 104, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
À titre exceptionnel et pour l'année 2009, le taux est porté à 5,9 %.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous faisons une concession, en entérinant la position que les organismes complémentaires, et plus particulièrement les mutuelles, ont pu avoir dans les négociations. Nous vous proposons ainsi d’accepter de manière exceptionnelle, pour une année seulement, que le taux soit porté de 2,5 % à 5,9 %.
Par cet amendement, nous entendons ainsi limiter la majoration du taux prévu par le présent article à l’année 2009, de telle façon que le taux habituel de 2,5 % soit maintenu pour les années suivantes.
Nous considérons que la taxe sur le chiffre d’affaires que vous venez d’instaurer n’est pas juste puisqu’elle repose une nouvelle fois sur les malades. Ce sont les mutualistes qui vont payer !
La rédaction actuelle de l’article 12 tend à faire croire que la taxe dont il est question ne sera pas limitée dans le temps. Or, si celle-ci devait persister, les mutuelles, qui sont contraintes de conserver certaines réserves financières, n’auront d’autre alternative que de relever le coût de leurs cotisations. Cette crainte est particulièrement justifiée dans la période actuelle de forte dépression, surtout au moment où l’on nous annonce que le nombre de chômeurs augmentera de 200 000 l’année prochaine : on voit bien les difficultés qu’un grand nombre de nos concitoyens vont traverser.
Il s’agit donc d’un amendement de repli : nous entendons limiter dans le temps cette augmentation de la taxe, afin d’éviter que, à l’avenir, le nombre de nos concitoyens renonçant aux soins n’augmente.
Mme David en fera tout à l’heure la démonstration, il est faux de prétendre que l’on peut opérer des prélèvements sur les mutuelles parce que les affections de longue durée sont supportées essentiellement par la CNAM. En réalité, il faut le souligner, le reste à charge pour les familles n’est pas totalement pris en charge par les mutuelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 101, qui tend à supprimer l’article 12, je comprends les préoccupations de M. Fischer, même si je ne les partage pas. Notre collègue s’inquiète des intentions du Gouvernement, qu’il suspecte de vouloir effectuer dans le temps un transfert de dépenses du régime de base vers l’assurance complémentaire.
Je ne pense pas que ce soit l’objet du dispositif. Nous savons que les complémentaires ont pu reconstituer leurs marges grâce au transfert des dépenses qu’elles supportaient auparavant sur le régime de base. Il semble naturel qu’elles apportent leur contribution sans qu’il y ait, bien entendu, de répercussion sur les cotisations que payent les assurés pour bénéficier de la couverture complémentaire.
Sur l'amendement n° 102, il ne serait pas inutile que le Gouvernement nous précise ses intentions pour l’avenir. Faire disparaître des recettes qui étaient affectées au fonds de financement de la CMU-c, notamment les droits sur les alcools et tabacs, pourrait effectivement donner le sentiment que le Gouvernement a l’intention de pérenniser ce prélèvement auprès des complémentaires. Cela explique, d’ailleurs, la série d’amendements déposés par certains de nos collègues pour conférer un caractère exceptionnel à la mesure.
La commission des affaires sociales n’est pas allée jusqu’à suivre les positions défendues par M. Fischer ou par M. Lardeux, tout en comprenant les interrogations qui sont les leurs. Mme la ministre ne manquera pas d’apaiser les inquiétudes des uns et des autres.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 102.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 103, car ses auteurs s’opposent à ce que les excédents du fonds de financement de la CMU aillent à la CNAM. Mais le fonds CMU n’a pas vocation à dégager des excédents : à partir du moment où cela se produit, il est normal que ceux-ci reviennent à la CNAM.
J’en viens à l'amendement n° 92 rectifié. Monsieur Lardeux, je vous demanderai de retirer votre amendement, pour les raisons que j’ai développées tout à l’heure, une fois que vous aurez entendu Mme la ministre.
L’amendement du Gouvernement qui vise à modifier le 7° de l’article devrait être de nature à répondre au moins partiellement à vos préoccupations. Il me semble que le Gouvernement pourra, au vu du rapport qui sera produit chaque année, constater la situation financière dans laquelle se trouveront les complémentaires et sera donc en mesure de juger de l’opportunité de maintenir, ou non, totalement ou partiellement, la contribution prévue dans le PLFSS pour 2009.
C’est mon interprétation, et j’espère ne pas me tromper. M. Lardeux pourrait retirer son amendement.
L'amendement n° 257 est identique à l'amendement n° 92 rectifié et suscite donc le même avis.
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 62. Il ne s’agit pas de contrer la commission des finances dans ses initiatives, car nous comprenons bien le souci qui est le sien de ne pas mettre, avec cette disposition adoptée à l'Assemblée nationale, 200 millions d’euros supplémentaires indirectement à la charge de l’État au profit de la CNAM.
Je rappelle que la commission des affaires sociales s’était opposée au forfait lorsque le fonds CMU avait été créé. Nous souhaitions alors la compensation à l’euro près, que M. Bur propose aujourd'hui. Il nous apparaît difficile, par souci de cohérence, de changer d’opinion sur ce point.
Cela étant, je comprends tout à fait l’argumentation développée par M. Jégou. Mme la ministre nous indiquera sa position sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 513, je souhaiterais que Mme la ministre nous explique, au-delà des motifs avancés lors de la présentation de l’amendement, ce qui a conduit le Gouvernement à faire disparaître du rapport la mention « du prix et du contenu des contrats ayant ouvert droit au crédit d’impôt mentionné à l’article L. 863-1 ».
Si nous voulons jouer complètement la transparence dans les comptes, il apparaîtrait judicieux que ces éléments figurent dans le rapport. Sous réserve des précisions que vous allez nous apporter, madame la ministre, je me permettrais d’émettre, à titre personnel, puisque la commission n’a pas eu le temps de l’examiner, un avis favorable sur cet amendement.
Enfin, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 104.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vos amendements justifient que j’apporte des explications étayées.
Sur cet article, il y a finalement deux grandes séries d’amendements : ceux qui tendent à sa suppression et ceux qui veulent limiter dans le temps le prélèvement. S’y s’ajoutent l’amendement du Gouvernement, auquel je me permettrai d’être favorable (Sourires), et celui présenté par M. le rapporteur pour avis.
La première salve d’amendements tend donc à supprimer ce reversement au motif que la capacité d’absorption des mutuelles ne serait pas suffisante.
Permettez-moi de vous donner quelques précisions chiffrées qui figurent dans le dernier rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, en date du 10 juillet 2008. Il y est indiqué que l’augmentation tendancielle du taux d’engagement de l’assurance maladie est, à législation constante, de 3 milliards d’euros sur les cinq prochaines années, soit environ 600 millions d’euros par an.
Le Haut Conseil précise dans son rapport que plusieurs facteurs expliquent cette hausse des dépenses prises en charge par l’assurance maladie obligatoire : la croissance rapide des dépenses, estimées à 1,9 milliard d’euros à l’horizon 2013, des assurés en ALD ; l’effet de structure du marché du médicament, dont le taux moyen de remboursement s’accroît avec la poussée des médicaments remboursés à 100 % ; le vieillissement de la population, puisque le taux de prise en charge croît avec l’âge – 77,7 % pour les moins de soixante ans, 83,7 % au-dessus de cet âge – ; l’augmentation des dépenses de soins dans le secteur médico-social, où le taux de prise en charge est plus élevé que le taux moyen en assurance maladie.
Toutefois, un certain nombre de dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM sont uniquement prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, alors qu’elles auraient vocation à être cofinancées par les assurés ou leur complémentaire santé.
Je vais en énumérer quelques-unes : les cotisations sociales payées par les caisses pour les professionnels du secteur 1 : 2,1 milliards d’euros par an ; le forfait de 40 euros pour les patients en ALD : 300 millions d’euros par an ; les contrats de bonne pratique et le financement de la permanence de soins assurée par les spécialistes en clinique : 75 millions d’euros par an ; les forfaits d’astreinte et de régulation dans le financement de la permanence des soins : 150 millions d’euros par an, qui ne sont en aucune façon pris en charge par les organismes complémentaires ; la surtarification des médecins installés en zone sous-dotée : 10 millions d’euros par an ; les tarifs des produits de la liste en sus pour les établissements privés : environ 1,4 milliard d’euros ; les divers forfaits de la T2A, le forfait sécurité et environnement hospitalier, l’accueil et le traitement des urgences et les petits matériels pour les établissements de santé : 310 millions d’euros.
Vous le voyez, beaucoup de dépenses sont uniquement prises en charge par l’assurance maladie obligatoire. Quand on fait le bilan, on constate que le rééquilibrage de la prise en charge des dépenses entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire est légitime. Il n’y a aucune raison que ce soit répercuté sur les cotisations des assurés.
Le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, pour répondre à M. Jégou, indique que « la bonne santé financière des organismes complémentaires, une politique plus volontariste de la gestion du risque et des efforts de productivité devraient permettre que […] l’augmentation des charges ne soit répercutée sur les cotisations ni de façon immédiate ni pour sa totalité ».
Cette analyse s’appuie sur le fait que les organismes complémentaires ont bénéficié d’économies importantes liées notamment à la politique du médicament, dont les actions ont permis une économie de 2,8 milliards d’euros sur la période 2005-2007. Les organismes avaient également prévu une provision à hauteur de 50 millions d’euros pour des mesures de transfert qui ne se sont pas produites. En outre, le plan de contrôle de la CNAMTS prévoyait des économies liées à l’amélioration de l’utilisation de l’ordonnancier bizone, comme les médecins s’y étaient engagés.
Ces différents éléments expliquent que la santé financière des organismes complémentaires se soit considérablement améliorée ces dernières années. Entre 2001 et 2006, leur profitabilité n’a cessé de croître. Alors que les dépenses de santé progressaient de 32,2 %, le chiffre d’affaires du secteur, constitué des cotisations et des primes des assurés, augmentait de 48,2 % sur la même période. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tous ces chiffres à votre disposition.
Les mutuelles ont enregistré la plus forte progression de taux de marge du secteur des organismes complémentaires. Quel que soit le type d’organisme complémentaire considéré, le taux de marge a augmenté, passant de 13 % en 2001 à 27 % en 2006. Selon la DREES, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, cette évolution s’explique par le fait que les frais de gestion auraient augmenté moins vite que le solde cotisations moins prestations.
Last but not least, mesdames, messieurs les sénateurs (Sourires.), selon la Cour des comptes, les organismes complémentaires bénéficient de 7,5 milliards d’euros d’aides fiscales au titre des contrats collectifs, soit environ 35 % du montant des prestations versées. Ces montants comprennent les aides au titre de la CMU-c et de l’ACS, l’aide complémentaire santé. Ces aides constituent, du fait de leur montant, un levier potentiel sur les organismes complémentaires, leur maintien étant subordonné à une certaine modération tarifaire.
Dans ces conditions, je trouve absolument sidérants les arguments développés du côté gauche de l’hémicycle.
Mme Annie David. Pas que de ce côté de l’hémicycle, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet argent sert à équilibrer les comptes de l’assurance maladie ! On a vraiment l’impression que certains jouent ici à contre-emploi.
Plusieurs questions m’ont été posées sur l’amélioration de la couverture santé. Je reviendrai plus longuement sur ce point au moment de l’examen de l’article 31, puisqu’un autre article est consacré à l’association des complémentaires de santé à la gestion du risque. J’en resterai donc là pour le moment afin de ne pas alourdir mon propos sur les politiques que je mets en œuvre pour l’amélioration de la complémentaire santé. Je rappelle simplement à ce stade que je souhaite mieux associer les organismes complémentaires à la gestion du risque, en particulier dans les secteurs où ils prennent en charge de façon très importante les dépenses de maladie. Disons que c’est aujourd’hui une première approche du sujet. (Sourires.)
D’autres interrogations portaient sur la prétendue « tuyauterie ».
Pour ma part, j’estime qu’il s’agit d’une simplification, puisque, en contrepartie de l’affectation de la taxe sur le chiffre d’affaires des organismes complémentaires au fonds de financement de la CMU-c, les autres recettes propres de ce fonds sont transférées au régime maladie des non-salariés agricoles – c’est l’amendement Bur – et à la CNAMTS : pour la contribution sur les alcools de plus de vingt-cinq degrés, il est prévu pour 2009 que 400 millions d’euros soient affectés au régime agricole ; une fraction d’un peu plus de 4 % des droits de consommation sur les tabacs, dont le transfert figure dans le projet de loi de finances initiale pour 2009, sera versée à la CNAMTS.
Au total, ce seraient donc 800 millions d’euros qui viendraient abonder les recettes de l’assurance maladie en 2009. Ce surplus de ressources dû au fonds de financement de la CMU-c permettra de clarifier le financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.
Toutes ces dispositions sont donc très cohérentes. C’est pourquoi les amendements de suppression ne sont pas justifiés. Les politiques de bonne gestion de l’assurance maladie ayant permis de moindres charges pour les organismes complémentaires, il est tout à fait juste que les sommes ainsi économisées soient reversées à l’assurance maladie.
D’aucuns demandent que la taxe sur le chiffre d’affaires des organismes complémentaires soit limitée à une année.
M. François Autain. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette taxe existe, ne faites pas comme si je l’avais créée.
M. François Autain. Vous l’augmentez !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle existait déjà. Aujourd’hui, son taux est de 2,5 %, et nous le portons simplement à 5,9 %.
Mme Raymonde Le Texier. Excusez du peu ! C’est plus que le double !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Plusieurs rapports et études sont réalisés chaque année. Nous verrons bien l’année prochaine les bons réglages à effectuer sur une taxe qui, les chiffres le prouvent, est totalement justifiée.
M. Guy Fischer. Autrement dit, elle est là ad vitam aeternam !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous examinons le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Nous n’avons pas à obérer les possibilités de financement de mes successeurs. Si le taux est porté à 5,9 %, c’est en raison de la très bonne santé des complémentaires et pour effectuer un juste reversement à l’assurance maladie.
Par ailleurs, j’ai été sensible aux propos de M. Vasselle. Dans un souci de simplification, nous avions supprimé en effet un membre de phrase, puisque l’information était prévue dans le cadre du rapport en question. Je sais, monsieur le rapporteur, que si les choses vont sans dire, elles vont mieux en le disant. C’est pourquoi je propose de rectifier mon amendement n° 513 en ajoutant après les mots « en matière de frais de soins de santé versées par ces organismes » les mots «, du prix et du contenu des contrats ayant ouvert droit au crédit d’impôt mentionné à l’article L. 863-1, ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 513 rectifié, présenté par le Gouvernement, et qui est ainsi libellé :
Remplacer le second alinéa (e) du 7° du I de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« e) L'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles et le fonds mentionné à l'article L. 862-1 transmettent chaque année, avant le 1er juin, aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et au Parlement, les données nécessaires à l'établissement des comptes des organismes visés au I de l'article L. 862-4.
« Sur cette base, le Gouvernement établit un rapport faisant apparaître notamment l'évolution du montant des primes ou cotisations mentionnées à ce même I, du montant des prestations afférentes à la protection complémentaire en matière de frais de soins de santé versées par ces organismes, du prix et du contenu des contrats ayant ouvert droit au crédit d'impôt mentionné à l'article L. 863-1, du montant des impôts, taxes et contributions qu'ils acquittent et de leur rapport de solvabilité.
« Ce rapport est remis avant le 15 septembre au Parlement. Il est rendu public. »
Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En résumé, le Gouvernement émet un avis défavorable tant sur les amendements nos 101, 102, 103 et 104 que sur les amendements identiques nos 92 rectifié et 257 et un avis favorable sur l’amendement n° 62 de la commission des finances.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l’amendement n° 101.
M. François Autain. Madame la ministre, j’ai bien écouté vos explications. Je ne suis pas en mesure de contester les chiffres que vous avez avancés concernant les économies que réaliseraient les mutuelles, grâce auxquelles vous pourriez les taxer de 1 milliard d’euros. Cependant, dans les négociations qu’elles avaient eues avec le Gouvernement, les mutuelles avaient compris que la taxe ne valait que pour une année seulement.
J’ai par ailleurs constaté que le taux de remboursement de l’assurance maladie obligatoire, même s’il reste encore élevé, a tendance pour la première fois cette année à diminuer, tandis que celui des mutuelles augmente, en même temps, d’ailleurs, que le reste à charge. Je ne suis donc pas sûr que la situation très profitable des mutuelles soit durable. On commence même à observer, en raison de l’augmentation des cotisations demandées aux mutualistes, un début de « démutualisation ».
Je ne pense pas que l’avenir soit aussi rose que vous nous le décrivez, d’autant que vous avez l’intention de faire jouer un certain rôle aux mutuelles, notamment en ce qui concerne le contrat optionnel, par exemple. Vous attendez beaucoup de leur part, notamment qu’elles épongent une partie des dépassements d’honoraires, ce qui entraînera inévitablement un surcoût pour elles.
Enfin, je ne considère pas que les prélèvements de l’assurance obligatoire soient de même nature que les primes versées aux mutuelles. Dans un cas, il s’agit de solidarité, c’est-à-dire que chacun paie selon ses moyens ; dans l’autre, les primes sont calculées en fonction du risque, de l’âge ou d’un certain nombre de facteurs qui pénalisent comme d’habitude les catégories les plus démunies. C’est la raison pour laquelle j’aurais à tout le moins souhaité que le taux de la taxe soit majoré à titre exceptionnel.
Nous verrons tout à l’heure que le taux de la taxe sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique est, lui, fixé « à titre exceptionnel ».
M. Guy Fischer. Il y a deux poids et deux mesures !
M. François Autain. Cela prouve que vous montrez plus de bienveillance à l’égard de l’industrie pharmaceutique qu’à l’égard de la mutualité, et je le regrette infiniment. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je m’inscris totalement en faux contre ce que vous appelez un mouvement de « démutualisation ». Nous observons exactement le contraire depuis le début de l’année.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les chiffres sont incontestables, monsieur Autain.
Nous avons conduit des politiques d’information destinées à simplifier l’accès à une complémentaire santé. Nous avons relevé le plafond de revenus permettant d’ouvrir une aide à la complémentaire santé et, vous le savez, monsieur le sénateur, j’ai l’intention de majorer cette aide de façon très substantielle pour les personnes de plus de soixante ans, à savoir de 25 %.
Cette politique très volontariste a d’ores et déjà porté ses fruits. En effet, nous avons pu augmenter de 40 % le nombre des bénéficiaires de cette aide et ainsi diminuer de 14 % le nombre des Français qui ne sont pas couverts par une mutuelle.
M. François Autain. Il y a un début de démutualisation !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’y a pas de mouvement de démutualisation, ce n’est pas vrai !
M. François Autain. J’ai parlé d’un « début » de démutualisation !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’y a ni début, ni suite, ni fin. On constate au contraire une amélioration de la prise en charge de nos concitoyens. Et si 8 % des Français sont encore sans mutuelle, la moitié d’entre eux le sont pour des raisons économiques, mais l’autre moitié par choix personnel.
M. François Autain. Cela va s’aggraver !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous mettons justement en place les mécanismes pour permettre, par des relèvements de plafonds, par des simplifications de circuits et par des augmentations de l’ACS, d’accroître encore le nombre des personnes qui peuvent s’offrir une mutuelle.
M. François Autain. La situation va s’aggraver avec la crise, madame la ministre !
Mme la présidente. Monsieur Lardeux, l’amendement n° 92 rectifié est-il maintenu ?
M. André Lardeux. Je le maintiens, et ce pour deux raisons.
MM. François Autain et Guy Fischer. Très bien !
M. André Lardeux. La première, c’est que les mots « à titre exceptionnel » s’appliquent au taux de 5,9 % et non pas au taux de 2,5 %, qui est le taux actuel ; la seconde, c’est que je n’ai pas obtenu de réponse sur le sort des toutes petites mutuelles.
M. Guy Fischer. Voilà la réalité ! Pour une fois, je suis d’accord avec M. Lardeux !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 92 rectifié et 257.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 62.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article 12.
Mme Annie David. Comme mon collègue François Autain, j’ai bien entendu votre inventaire, madame la ministre, et je ne contesterai pas moi non plus les chiffres, je n’en ai pas la possibilité ici ce soir.
Mme Annie David. Vous tirez argument de cet inventaire - bien moins poétique que celui de Prévert -, pour dire que les mutuelles ne prennent pas en charge les affections de longue durée, les ALD, et qu’il n’est que justice de reverser les sommes ainsi économisées dans les caisses du régime général.
Nous ne contestons pas le fait que l’augmentation du nombre des personnes en affection de longue durée tire vers le haut les dépenses de l’assurance maladie obligatoire, mais, contrairement aux idées reçues et à ce que vous nous dites, madame la ministre, cette augmentation pèse également sur les dépenses des organismes complémentaires.
Cela est dû tout d’abord au fait que, dans le cadre des ALD, ne sont prises en charge à 100 % par la sécurité sociale que les dépenses liées à l’ALD. Et, même pour cette affection de longue durée, le forfait journalier ou les dépassements ne sont pas du tout pris en charge par l’assurance maladie : ils sont donc remboursables par les mutuelles.
Il faut également rappeler que les personnes en affection de longue durée ont besoin de plus de soins que les autres. Il en résulte qu’une personne en ALD, après remboursement par la sécurité sociale, a un reste à charge total de près du double de celui d’une personne qui n’est pas en ALD.
Par ailleurs, les revalorisations d’honoraires, la hausse des forfaits journaliers ainsi que les dépassements d’honoraires viennent alourdir la charge des ménages et des organismes complémentaires. Ainsi, entre 2004 et 2007, la part des ménages dans la consommation de soins et de biens médicaux a augmenté de 0,2 point, soit pas moins de 300 millions d'euros en 2007. Quant à celle des organismes complémentaires, elle a augmenté de 0,3 point, soit 500 millions d'euros. Sur la même période, la part de l’assurance maladie obligatoire a diminué de 0,5 point, soit 800 millions d'euros.
Madame la ministre, malgré vos arguments, nous ne sommes pas convaincus et nous voterons donc contre cet article 12.
MM. Guy Fischer et François Autain. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Nous avons plusieurs raisons de voter contre cet article 12 que nous trouvons tout bonnement scandaleux, mais je me limiterai à en donner deux.
Tout d’abord, contrairement aux affirmations du Gouvernement, cette augmentation de la taxe sur le chiffre d’affaires des organismes complémentaires se traduira, à terme, par une augmentation des cotisations. C’est en tout cas ce que nous ont dit les organismes complémentaires que nous avons auditionnés.
Mme Raymonde Le Texier. Mme la ministre faisait remarquer tout à l’heure que 8 % seulement des familles n’avaient pas d’assurance volontaire.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On est passé de 8 % à 7 % depuis le début de l’année dernière !
Mme Raymonde Le Texier. Si donc 7 % des familles n’ont pas d’assurance volontaire, on peut peut-être rappeler néanmoins que, s’agissant des familles les plus modestes ou simplement des salariés payés au SMIC, une cotisation à un organisme complémentaire représente 10 % des revenus. Excusez du peu ! Tandis que, pour un cadre moyen, la cotisation représente 3 % des revenus.
M. François Autain. Absolument !
Mme Raymonde Le Texier. Or les familles les plus modestes, dont les cotisations à un organisme complémentaire représentent 10 % des revenus, choisissent un contrat minimum et ont des garanties trois fois inférieures à celles dont bénéficient les personnes dont le taux d’effort ne représente que 3 % des revenus.
Puisque vous faites plus que doubler le taux de cette taxe sur le chiffre d’affaires des organismes complémentaires, les cotisations vont augmenter, ce qui viendra pénaliser encore un peu plus des familles qui n’ont vraiment pas besoin de cela. C’est la première raison pour laquelle nous voterons contre cet article.
La seconde raison, c’est que, lorsque les cotisations augmenteront, dans six mois, douze mois ou dix-huit mois, les familles penseront que les mutuelles ont augmenté en ignorant parfaitement le petit tour de passe-passe qui se joue ce soir. En fait, personne n’en saura rien !
Voilà pour la communication, madame la ministre, mais on sait que ce gouvernement excelle dans les tours de passe-passe. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 12
Mme la présidente. L'amendement n° 105, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I- Il est inséré dans le chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, une section 4 bis ainsi rédigé :
« Section 4 bis : De la contribution sociale sur la perception de bons de souscription d'actions (stock-options)
« Art. L. 136-7-2 - I.- Il est institué à la charge du salarié ou de l'ancien salarié bénéficiaire une contribution sociale sur la perception de bons de souscription d'actions, ou stock-options, perçues sous quelque forme que ce soit, en vertu d'une convention ou accord collectif, du contrat de travail ou d'une décision unilatérale de l'employeur.
« II.- Le taux de cette contribution est égal à la somme du taux défini au premier alinéa de l'article L. 136-8 applicable à la contribution sociale mentionnée à l'article 136-1, additionné aux taux des cotisations, à la charge de l'employeur et du salarié, prévues au premier alinéa de l'article L. 241-1 du présent code et aux deuxième et quatrième alinéa de l'article L. 241-3 du même code, et du taux de la cotisation, à la charge de l'employeur et du salarié sous le plafond du régime complémentaire conventionnel rendu obligatoire par la loi. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
« Les ressources des assurances sociales -maladie, maternité, invalidité, décès et vieillesse - sont abondées par le produit de cette contribution. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
II- En conséquence, l'article L. 241-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots :
«, ainsi que par une fraction du produit de la contribution sociale mentionnée à l'article L. 136-7-2. ».
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à taxer les stock-options.
Nous l’avons vu avec l’article 12, notre système de protection sociale a cruellement besoin de ressources financières. C’est ce que nous vous proposons d’obtenir par cet amendement, mais nous ne nous faisons aucune illusion, car nous savons trop bien qu’il y a deux poids et deux mesures.
En clair, nous proposons de faire participer l’ensemble des revenus financiers au financement de notre système, au nom d’un principe d’égalité. Il est en effet anormal que les revenus du capital soient moins taxés que ceux du travail.
Cette analyse de bon sens est partagée dans cet hémicycle par de nombreux collègues, et pas seulement de gauche. J’espère que M. le président de la commission des affaires sociales, qui avait, lors du débat sur le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active, déposé un amendement visant à assujettir les revenus indirects du travail à la CSG et à la CRDS, puis l’avait retiré, votera en faveur de notre amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si je l’ai retiré…
M. Guy Fischer. L’année dernière, nous avions déjà longuement débattu d’une taxation des stock-options. La montagne avait accouché d’une souris, avec une taxation dérisoire, qui devait rapporter 300 millions d’euros à la sécurité sociale, quand les franchises médicales à elles seules rapporteraient 850 millions d’euros, soit presque trois fois plus. En fait, ce sont les malades qui financent l’assurance maladie obligatoire !
Pourtant, souvenons-nous du rapport rendu par la Cour des comptes et son Premier président, M. Philippe Séguin, en 2007. On pouvait lire dans ce document que les actions gratuites distribuées aux dirigeants des entreprises s’élevaient à au moins 8,5 milliards d’euros.
J’éviterai de faire le parallèle entre ce montant et le montant du déficit du régime général, sinon pour signaler qu’ils sont approximativement identiques, même si le déficit a augmenté compte tenu de la crise. Ce sont donc 8,5 milliards d’euros qui sont presque entièrement exclus de l’assiette des cotisations sociales, soit au bas mot 3,2 milliards d’euros. Et M. Séguin de préciser : « C’est bien un revenu lié au travail, donc normalement taxable ». Il n’y a donc aucune raison d’exonérer ces stock-options, puisque c’est une manière pour les sociétés de rétribuer à bon compte certains dirigeants. « Les cent premiers bénéficiaires devraient toucher chacun une plus-value de plus de 500 000 euros, et les cinquante premiers, de plus de 10 millions d’euros », ajoute M. Philippe Séguin. « Rien que pour chacun de ces cinquante-là, les cotisations manquantes s’élèvent à plus de 3 millions d’euros ».
Que s’est-il passé depuis ? L’affaire EADS est passée. Une autre crise s’est ouverte, mondiale celle-ci, posant la question que vous vouliez précisément éviter, celle de la répartition de la richesse, de plus en plus inégalitaire.
En effet, ce que les peuples du monde entier ont découvert, ce sont des rémunérations extravagantes, versées à quelques-uns, déconnectées de tout, y compris de la réussite de ces dirigeantes et de ces dirigeants.
Un article consacré aux rémunérations des plus grands dirigeants français paru dernièrement dans le magazine Capital fait même état de millions d’euros par mois !
Votre réponse s’est limitée à une commande en direction du patronat, comme si précisément celles et ceux qui se sont accordé de telles rémunérations pouvaient les moraliser. Madame la ministre, vous avez confié aux pyromanes la mission d’éteindre l’incendie ! La réponse du MEDEF ne s’est pas fait attendre : il ne faut pas légiférer, un simple code éthique devrait suffire. Cela ressemble, à s’y méprendre, aux propos que tenait M. Woerth l’année dernière, vous savez, quand il était urgent d’attendre…
Contrairement à ce que voudrait nous faire croire le Gouvernement, la question de la rémunération des dirigeants ne relève pas du champ de la moralité ; c’est une question sociétale. En effet, il faut s’interroger sur la place du travail, sur sa reconnaissance, sur sa rémunération et sur l’utilité même de l’argent. Il ne s’agit nullement de morale, il s'agit bien de justice sociale.
Le groupe CRC considère qu’il faut soumettre les stock-options à une contribution sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement, car cette contribution existe déjà.
M. François Autain. Nous voulons l’améliorer, comme la taxe sur les mutuelles !
Mme la présidente. L'amendement n° 258, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est institué une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code.
Cette contribution est due au titre des plus-values, gains et profits visés au e) de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. Elle est assise sur une assiette identique à celle de l'actuel prélèvement sur ces plus-values visé aux articles L. 245-14 et suivants du même code.
Ces contributions sont contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 11 %.
II. - Cette contribution additionnelle est affectée au fonds de réserve pour les retraites visé aux articles L. 135-6 et suivants du code de la sécurité sociale.
III. - Pour frais d'assiette et de recouvrement, l'État perçoit 1 % du montant des taxes visées au I.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement vise à prévoir une taxe additionnelle de 11 % aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.
Le produit de cette taxe viendra pour une part alimenter, au titre d’une nouvelle ressource permanente, le Fonds de réserve pour les retraites, qui nous semble avoir été négligé par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002, mais qui pourrait représenter une garantie forte pour la sauvegarde d'un régime de retraite par répartition.
Nous avons déjà discuté de cette question. Je ne reprendrai pas les propos de M. Fischer sur le rapport de la Cour des comptes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Pour en revenir à l’amendement précédent, je tiens à dire à M. Fischer que nous avons déjà institué l’année dernière une contribution de 10 %, …
M. François Autain. Oui, mais elle est insuffisante !
M. Alain Vasselle, rapporteur. … alors que le forfait social proposé cette année par le Gouvernement n’est que de 2 %. La contribution sur les stock-options est donc cinq fois plus élevée que le forfait que nous devrions voter tout à l'heure.
M. Guy Fischer. Ah, monsieur Vasselle !
M. François Autain. Vous estimez qu’elle est trop importante, monsieur le rapporteur ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens également à rappeler que des contributions sociales sur la perception de stock-options existent déjà. On ne peut pas faire comme si rien n’existait, mesdames, messieurs les sénateurs !
La contribution sociale de 11 % proposée ici s’ajouterait donc à la contribution sociale de 12,1 % sur les revenus du capital, en plus des cotisations prévues l’an dernier dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, 2,5 % à la charge des salariés bénéficiaires et 10 % à la charge de l’employeur. Vous pouvez donc constater que les stock-options sont déjà très largement taxées !
M. François Autain. C’est scandaleux ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Non, c’est normal, puisque nous l’avons proposé !
La mesure ici préconisée serait de nature confiscatoire.
Mme la présidente. L'amendement n° 329, présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Dans le premier alinéa de l'article L. 863-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « et ce même plafond majoré de 20 % » sont remplacés par les mots « et le plafond du revenu d'activité pour l'attribution du revenu de solidarité défini à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ».
II - Le deuxième alinéa de l'article L. 863-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : « Le montant du crédit d'impôt varie selon le nombre, l'âge et les ressources des personnes composant le foyer, au sens de l'article L. 861-1, couvertes par le ou les contrats quand ces ressources sont comprises entre le plafond prévu à l'article L. 861-1 majoré de 20 % et le plafond du revenu d'activité pour l'attribution du revenu de solidarité défini à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles. ».
III - Dans le troisième alinéa de l'article L. 863-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « 200 euros », « 100 euros » et « 400 euros » sont remplacés par les mots : « 300 euros », « 150 euros » et « 600 euros ».
IV - Ces dispositions ne sont applicables qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
V - La perte de recettes pour l'État résultant de l'application des I à IV est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à développer le dispositif d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.
Plus précisément, il tend à augmenter les montants de l’aide, à élever le plafond de ressources au-dessous duquel celle-ci est accordée et à tenir compte du niveau des revenus des bénéficiaires en instituant un système d’aide dégressive.
Un tel dispositif nous paraît être le corollaire indispensable au doublement, opéré par l’article 12 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, de la contribution des complémentaires au financement du fonds CMU.
En effet, tôt ou tard, ce sont les assurés sociaux bénéficiaires d’une complémentaire santé qui auront à assumer la charge de ce relèvement, qui sera répercuté sur leurs cotisations. L’augmentation des cotisations pourrait donc dissuader les personnes les plus modestes de conserver leur complémentaire ou d’en acquérir une. Les assurés concernés seraient victimes de l’effet de seuil lié au dispositif de la CMU. Trop riches pour pouvoir bénéficier de la CMU complémentaire, ils pourraient ne pas l’être assez pour s’offrir une mutuelle.
Par cet amendement, nous voulons prévenir une telle situation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai déjà souligné, madame Payet, les efforts importants que nous souhaitons réaliser et ceux qui ont déjà été consentis en faveur de ceux de nos concitoyens qui ne bénéficient pas d’une complémentaire santé faute de ressources suffisantes.
Toutefois, je le répète, 7 % des Français n’ont pas de complémentaire santé, mais, pour la moitié d’entre eux, cela procède d’un choix personnel.
Le dispositif en place a fait l’objet d’améliorations constantes. Nous avons augmenté le montant de l’aide, qui permet aujourd'hui de couvrir à peu près 50 % du prix d’acquisition d’une complémentaire.
Par ailleurs, le plafond de ressources a été relevé, en 2007, à 20 % au-dessus du plafond de ressources de la CMU-c, afin de réduire les effets de seuil.
En outre, j’ai créé un chèque santé. J’ai aussi amélioré le dispositif d’information et ai demandé aux organismes d’assurance maladie de contacter directement les personnes potentiellement concernées pour les informer sur leurs droits.
Comme je l’ai indiqué, ces efforts commencent à porter leurs fruits. Vous souhaitez aller plus loin, madame Payet. Certes, je partage votre souci, mais la mesure que vous proposez aura un impact financier sur l’ensemble des bénéficiaires et il devra être chiffré.
De surcroît, le relèvement du plafond que vous proposez n’est pas clairement déterminé, puisque vous renvoyez au plafond de revenus d’activité pour l’attribution du revenu de solidarité active, qui n’est pas fixé à ce jour.
Vous souhaitez également mettre en place un mécanisme dégressif de l’aide dont la gestion pourrait s’avérer très compliquée et nécessiterait à tout le moins une étude préalable de faisabilité.
Enfin, cet amendement n’a pas sa place dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, car l’aide à la complémentaire santé sera financée non plus à partir d’une dotation issue des crédits d’action sociale de la CNAMTS, mais directement par le fonds CMU.
Nous reviendrons évidemment sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Dans ces conditions, j’aurais aimé que vous retiriez votre amendement, madame la sénatrice, mais, dans un esprit d’ouverture, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée, sans pouvoir toutefois lever le gage, faute de connaître l’impact financier de la mesure proposée.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, après l'article 12.
Article 13
I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le chapitre VII du titre III du livre Ier est complété par une section 9 ainsi rédigée :
« Section 9
« Forfait social
« Art. L. 137-15. - Les rémunérations ou gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale définie au premier alinéa de l'article L. 242-1 du présent code et au deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural sont soumis à une contribution à la charge de l'employeur, à l'exception :
« 1° De ceux assujettis à la contribution prévue à l'article L. 137-13 du présent code ;
« 2° Des contributions des employeurs mentionnées au 2° des articles L. 242-1 du présent code et L. 741-10 du code rural ;
« 3° Des indemnités exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale en application du douzième alinéa de l'article L. 242-1 du présent code et du troisième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural ;
« 4° De l'avantage prévu à l'article L. 411-9 du code du tourisme.
« Art. L. 137-16. - Le taux de la contribution mentionnée à l'article L. 137-15 est fixé à 2 %.
« Art. L. 137-17. - Les articles L. 137-3 et L. 137-4 sont applicables au recouvrement et au contrôle de la contribution mentionnée à l'article L. 137-15. » ;
2° L'article L. 241-2 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Le produit de la contribution mentionnée à l'article L. 137-15. »
II. - Le I est applicable aux sommes versées à compter du 1er janvier 2009.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 13 de ce projet de loi de financement est en quelque sorte la caution sociale du Gouvernement.
Face à la crise qui ébranle l’économie mondiale et celle de notre pays, votre gouvernement, madame la ministre, a été capable de trouver, en quelques heures, plus de 300 milliards d’euros, une somme colossale dont nos concitoyens ne parviennent pas à mesurer concrètement l’importance. Les banquiers eux-mêmes, premiers bénéficiaires de ce coup de pouce donné au système spéculatif, ne parvenaient pas à faire leurs calculs, car ils étaient incapables, quelques jours après cette annonce, de préciser le taux auquel leur serait prêtée une partie de cette cagnotte.
Du côté de l’emploi, les chiffres sont plus que jamais catastrophiques. Le déficit du régime général de la sécurité sociale est égal à celui de 1995, qui avait conduit votre majorité à imposer le plan Juppé, dont on voit aujourd’hui qu’il a été inefficace, comme le plan Douste-Blazy.
Le Président de la République n’ignore pas que, partout, la colère est grandissante. Depuis son élection, les salariés de notre pays subissent une érosion de leur pouvoir d’achat, tandis qu’une poignée de privilégiés s’accordent réciproquement un certain nombre d’avantages, aujourd’hui inacceptables. Vous deviez donc donner l’illusion de mesurer cette injustice en faisant croire aux Français que vous interviendriez à la hauteur de leurs besoins.
Or, pour toute réponse, vous nous proposez une taxe de 2 %, exagérément intitulée « forfait social », qui viendra s’appliquer aux sommes versées par l’employeur au titre de l’intéressement, de la participation, de l’abondement de l’employeur aux plans d’épargne d’entreprise, notamment les PERCO, ou plans d’épargne pour la retraite collectifs, et aux contributions des employeurs au financement des régimes de retraite supplémentaire. Les stock-options, qui ne sont pas assujetties à cotisations sociales, seront, quant à elles, exclues de cette assiette, ce qui est intolérable.
Naturellement, les sénatrices et sénateurs communistes ne voteront pas contre une telle mesure, bien qu’elle soit très insatisfaisante. En effet, elle ne rapportera que 300 millions d’euros, contre 850 millions d’euros pour les franchises médicales, et alors que le montant des exonérations de cotisations sociales sera porté, en 2009, à 42 milliards d’euros !
On voit bien que cette mesure témoigne plus d’un effet d’annonce que de la volonté d’instaurer réellement une juste répartition du financement de notre régime de protection sociale entre employeurs et salariés. Pourquoi refuser que les sommes dont il est ici question, et que la Cour des comptes considère comme des revenus indirects du travail, soient assujetties aux mêmes cotisations sociales que les revenus directs du travail ? Sans doute le taux vous dissuade-t-il ? Si l’on appliquait le même taux à ces ressources, les employeurs seraient mis un peu plus à contribution. On comprend donc bien ce que votre gouvernement a voulu éviter.
Si l’on rapproche cette mesure de celles qui sont prévues dans le projet de loi en faveur des revenus du travail dont nous avons récemment débattu, elle me semble assez incohérente. D’un côté, vous taxez ; de l’autre, vous exonérez. Ce que vous donnez aux comptes sociaux aujourd’hui, vous les en priverez demain.
De plus, comment ne pas souligner le fait que les dispositions prévues ici concernent particulièrement des exonérations que vous aviez accordées dans la loi TEPA et la loi pour le pouvoir d’achat adoptée définitivement par le Sénat en janvier dernier ?
Décidément, ce «forfait social » n’est qu’un alibi pour le Gouvernement, qui espère poursuivre, sans trop de bruit, sa politique d’appauvrissement des comptes sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je rappelle que, pour la clarté de nos débats, il a été décidé, à la demande de la commission des affaires sociales, de procéder à l’examen séparé des amendements identiques nos 424 et 470 tendant à la suppression de l’article 13.
L'amendement n° 424 est présenté par M. Dassault.
L'amendement n° 470 est présenté par M. P. Dominati.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 2, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
Les rémunérations ou gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et
par les mots :
Les rémunérations, gains ou avantages
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement vise tout simplement à élargir l’assiette du forfait social.
Au moment où le Gouvernement accepte d’ouvrir un débat sur les niches sociales et fiscales, il est difficile de comprendre qu’il conforte le maintien de certaines niches sociales. Une harmonisation des dispositifs de taxation serait d’ailleurs beaucoup plus lisible pour nos concitoyens.
En outre, plus l’assiette est large, plus le taux pratiqué peut être faible, et donc mieux accepté par nos concitoyens.
Ainsi, l’ensemble des charges sociales pesant actuellement sur la participation, l’intéressement et le PEE-Perco représente 8 %, celles qui concernent la prévoyance complémentaire atteignent 16%. Pour les stock-options et les attributions gratuites d’actions, elles atteignent 24,6 % ; pour les indemnités de rupture, 8 %, et pour le droit à l’image des sportifs, 8 % également.
Quant aux aides directes accordées aux salariés – notamment les titres-restaurant, les chèques vacances et les avantages du comité d’entreprise –, elles sont exclues de tout prélèvement social.
Quand irons-nous vers une simplification de nos taxations, pour obtenir une harmonisation et une meilleure lisibilité de l’ensemble du dispositif ?
Il me semble tout à fait naturel d’accepter l’élargissement de l’assiette du forfait social. La majorité des membres de la commission des affaires sociales a adopté cet amendement. Nous verrons si la Haute Assemblée, après avoir entendu l’avis du Gouvernement sur cette question, est prête à nous suivre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement de la commission.
La mise en place du forfait social dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 fait suite à la publication de plusieurs rapports dénonçant l’existence des niches sociales, notamment un rapport d’information que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur, puisque vous en êtes l’auteur !
Le Gouvernement a fait le choix d’assujettir à un forfait social un ensemble cohérent de dispositifs qui, s’ils sont assujettis à la CSG, sont aujourd'hui exclus de l’assiette des cotisations sociales.
Le Gouvernement est conscient que le forfait social ne couvre pas toutes les niches sociales, notamment les avantages directs consentis aux salariés. Mais l’adoption de cet amendement, monsieur le rapporteur, constituerait un mauvais signal, car il risquerait de peser sur le pouvoir d’achat des salariés dans un contexte économique qui n’est pas du tout favorable.
Les dispositifs que vous souhaitez ajouter à l’assiette du forfait social, à savoir les titres-restaurant, les chèques vacances, les aides des comités d’entreprise, se situent en effet, vous l’avez vous-même noté dans votre rapport, à la frontière de la politique salariale et de la politique sociale des entreprises. On ne peut donc prendre le risque, aujourd’hui, de voir porter l’ajustement d’une contribution patronale sur les avantages alloués aux salariés.
La question de l’élargissement de cette assiette pourra éventuellement être rediscutée ultérieurement, quand nous aurons l’assurance qu’un tel élargissement n’aura pas d’effet majeur sur le pouvoir d’achat des salariés.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. François Autain. Je suis d’accord ! La ministre a raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Le groupe UMP partage l’analyse et les souhaits de M. le rapporteur. Cependant, l’adoption d’une telle mesure pourrait entraîner le désengagement de nombreuses entreprises qui participent aujourd’hui au financement de ces aides aux salariés. Le remède serait donc pire que le mal. Telle est la raison pour laquelle le groupe UMP a décidé, à regret, de voter contre cet amendement, si toutefois M. le rapporteur décidait de le maintenir.
M. François Autain. M. Vasselle est tout seul !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Notre groupe votera également contre l’amendement n° 2, mais pour des raisons différentes.
Nous avons été sollicités par les salariés et leurs organisations syndicales pour réagir vivement à la proposition que vient de nous présenter M. le rapporteur.
Pour une fois, l’argumentaire développé par Mme la ministre a permis d’expliciter les types d’avantages qui sont octroyés par les entreprises à leurs salariés.
Alain Vasselle, qui est rusé comme un renard (Sourires.), nous a fait comprendre qu’il s’agit de prévoir un taux très bas, mais une assiette très large. Nous connaissons la technique ! Cela me fait penser à une citation d’Alphonse Allais tirée de Avec le sourire : « Il faut prendre l’argent où il se trouve, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les communistes le disent souvent !
M. Guy Fischer. … c'est-à-dire chez les pauvres ! D’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres ! »
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Notre point de vue est identique.
En effet, si nous sommes favorables, comme nous l’avons démontré à travers nos amendements sur les parachutes dorés et les stock-options, à l’extension de la contribution sociale, nous sommes opposés à une taxation élargie notamment aux titres-restaurant, aux chèques-transport ou aux aides versées par les comités d’entreprise, qui sont de nature essentiellement sociale et extrêmement importants pour les personnels.
On ne peut accepter, monsieur le rapporteur, de renflouer les caisses de cette façon ! L’effort consenti par les employeurs en direction des travailleurs modestes ne doit pas être considéré de la même façon que les parachutes dorés ! En effet, ces avantages ne touchent pas les mêmes publics.
Il serait inacceptable et incompréhensible pour l’ensemble de la population que vous ne preniez pas les mesures nécessaires concernant certains avantages financiers des plus nantis et que vous vous attaquiez à ce type d’avantages destinés aux moins nantis.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 2 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je constate qu’il y a un front commun contre le rapporteur et la majorité de la commission des affaires sociales ! (Sourires.)
Je suis déçu, car je n’ignore pas l’issue que risque de connaître cet amendement. Je suis également déçu de ne pas recevoir les remerciements que je croyais avoir mérités des uns et des autres, moi qui, en présentant cet amendement, leur ai offert une véritable tribune, moi qui leur ai donné l’occasion de montrer leur solidarité avec les bénéficiaires des titres-restaurant et des chèques vacances ! Il est vrai qu’une taxation de 2 % aurait sans doute empêché, dès demain, les salariés de partir en vacances et d’aller au restaurant, et que les négociations salariales en auraient pâti (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)…
Mme Raymonde Le Texier. Ce propos est de trop, monsieur le rapporteur !
M. Alain Vasselle, rapporteur. J’ai bien noté, madame la ministre, que vous attendiez des jours meilleurs pour examiner ma proposition, mais que vous n’abandonniez pas l’idée.
Je tiens d’ailleurs à rappeler que j’avais moi-même proposé l’année dernière un prélèvement de 2 % sur l’intéressement, la participation et les stock-options, mais que l’on m’avait alors renvoyé sèchement à mes chères études. Le temps et la réflexion aidant, le Gouvernement a sans doute considéré que le Sénat n’avait peut-être pas tout à fait tort…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il avait tort l’année dernière !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il nous a donc proposé cette mesure cette année.
Je ne désespère pas que la proposition que je viens de vous présenter, mes chers collègues, fasse de même son chemin, si ce n’est l’année prochaine, du moins peut-être dans deux ou trois ans, quand nous connaîtrons des conditions meilleures et que le pouvoir d’achat des salariés aura augmenté, grâce à la politique gouvernementale, et notamment à la loi en faveur des revenus du travail que nous avons adoptée la semaine dernière.
Par conséquent, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 106 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 259 est présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 106.
Mme Annie David. Nous avons eu l’occasion de vous le dire, lors de notre intervention sur l’article 13, nous considérons que le forfait social va dans le bon sens. Certes, il nous paraît plus que mesuré et ne répond absolument pas à notre exigence de responsabilisation sociale des entreprises. Nous le prenons pour ce qu’il est, à savoir un signe en direction de nos concitoyennes et concitoyens, qui s’alarment de voir que la crise les touche particulièrement, alors que les actionnaires continuent à se partager les bénéfices qui fructifient sur leurs comptes.
L’article 13, dans sa rédaction actuelle, écarte les stock-options du forfait social. À l’Assemblée nationale, M. Woerth a tenté de faire la démonstration qu’il ne s’agissait pas de revenus indirects du travail. Il a même essayé de faire croire que leur imposition était suffisante, comme vous venez, d’une certaine façon, de le faire, madame la ministre.
Mais si les stock-options ne posent pas de problème, pourquoi le Président de la République a-t-il demandé qu’elles soient « moralisées » ?
Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen considèrent que les stock-options sont des revenus indirects du travail. Nous en voulons pour preuve le fait qu’elles sont distribuées dans les entreprises et qu’il faut être salarié pour en bénéficier. Les stock-options sont même devenues pour les grands dirigeants des entreprises un accessoire du salaire tellement important qu’il s’agit désormais d’un mode détourné de rémunération. Un tel détournement est d’autant plus intéressant que la taxation des sommes afférentes n’est précisément pas celle de tous les autres revenus du travail…
Or votre majorité, madame la ministre, ne pourra pas continuer impunément à déplorer le manque de cotisations et de ressources de la sécurité sociale tout en exonérant des éléments qui devraient légitimement être soumis à contribution.
Une telle situation est d’autant plus insoutenable que votre refus d’assujettir certaines sommes à cotisation a des conséquences pour l’ensemble des Français, par le biais d’une fiscalisation toujours plus importante de notre protection sociale.
En 2008, le produit des autres impôts et taxes affectées – CRDS et CSG – a augmenté de 10,4 %. Cette fiscalisation se fait au détriment des salariés, mais pour le plus grand bonheur des employeurs !
L’amendement que nous vous proposons vise donc à inclure les actions gratuites dans l’assiette du forfait social. Il s’agit d’une mesure de justice sociale que vous ne pourrez pas écarter éternellement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l’amendement n° 259.
M. Bernard Cazeau. Dans le même esprit, il est proposé de ne pas exclure les stock-options et les actions gratuites de l’assiette du forfait social proposé par l’article 13. À nos yeux, ces revenus, nous l’avons dit et redit, doivent contribuer au financement de la protection sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission n’est pas favorable à ces deux amendements identiques.
Tout à l’heure, chers collègues de l’opposition, vous vous êtes opposés à mon amendement visant à élargir l’assiette du forfait social à certains avantages. Maintenant, vous proposez d’appliquer les 2 % du forfait social sur les stock-options, qui font déjà l’objet d’une taxation spécifique. La commission considère qu’un équilibre a été trouvé dans ce domaine et qu’il faut en rester là.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements identiques. M’étant déjà exprimée sur le taux de taxation des stock-options, je n’y reviendrai pas.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 et 259.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements identiques.)
Mme la présidente. L'amendement n° 471, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Des sommes versées en application de l'article L. 3312-4 du code du travail.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 3, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa (4°) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 331 et 262 sont identiques.
L'amendement n° 331 est présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste.
L'amendement n° 262 est présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le 4° du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, il est ajouté un 5° ainsi rédigé :
« 5° De ceux déterminés conformément à l'article L. 3324-2 du code du travail pour la partie qui excède le montant de la réserve de participation calculé selon les modalités prévues à l'article L. 3324-1 du même code. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l’amendement n° 331.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à limiter l’assiette du forfait social au seul montant de la participation dite légale, tel que défini à l’article L. 3324-1 du code du travail.
En effet, l’assiette retenue pour le forfait social de 2 % sur le montant de la participation salariale entraîne pour les entreprises de plus de cinquante salariés une inégalité de traitement entre, d’une part, celles qui se limitent au montant de la participation dite légale, c’est-à-dire obligatoire, et, d’autre part, celles qui portent leur effort de participation salariale à un niveau supérieur à ce montant légal. C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à limiter le forfait social au montant de la participation obligatoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 262.
M. Yves Daudigny. L’assiette retenue pour le forfait social de 2 % sur le montant de la participation salariale est à l’origine d’une inégalité de traitement entre, d’une part, les entreprises de plus de cinquante salariés qui répartissent la participation au niveau de son montant dit légal et obligatoire, conformément à l’article L. 3324-1 du code du travail, et, d’autre part, les entreprises qui portent volontairement leur effort de participation salariale à un niveau dérogatoire et supérieur à ce montant légal, conformément à l’article L. 3324-2 du même code.
C’est, par exemple, le cas des sociétés coopératives de production, les SCOP. Ces 1 800 PME coopératives de salariés, qui emploient 38 000 salariés associés, mettent en œuvre, pour 98 % d’entre elles, un accord dérogatoire de participation les conduisant, en moyenne, à répartir en participation salariale 45 % de leur bénéfice annuel, soit environ 35 % de plus que les 10 % de bénéfice légalement reversé par la plupart des entreprises ayant conclu un accord de participation.
Le présent amendement permettrait, dans ce contexte, de limiter l’assiette du forfait social au seul montant de la participation dite légale tel que défini à l’article L. 3324-1 du code du travail. Ce serait une mesure de justice et d’équité.
Mme la présidente. L'amendement n° 426, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Des sommes versées sur un plan d'épargne pour la retraite collectif mentionné à l'article L. 3334-2 du code du travail ou d'un contrat mentionné au b du 1 du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts ou d'un régime mentionné au 2° de l'article 83 du même code.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 465 rectifié, présenté par M. Charasse et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale :
« ...° Des abondements versés par l'employeur dans le cadre des plans d'épargne retraite collectif visés à l'article L. 3334-2 du code du travail. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 331 et 262 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Sur ces deux amendements identiques, comme sur les amendements qui vont suivre, qu’il s’agisse des amendements qui tendent à instituer certaines exonérations au forfait social ou de ceux qui visent à faire varier le taux de la contribution, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.
Elle souhaite en effet s’en tenir à l’économie générale du texte présenté par le Gouvernement, avec un forfait de 2 % s’appliquant à l’assiette fixée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, et ce pour des raisons identiques à celles que vient d’exprimer excellemment M. le rapporteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 331 et 262.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Yves Daudigny. C’est bien dommage !
M. Bernard Cazeau. Les SCOP vous remercient !
Mme la présidente. L'amendement n° 260, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les rémunérations différées visées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code du commerce sont soumises à la contribution fixée à l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale. Le taux de la contribution applicable à ces rémunérations est fixé à 5 %.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la création d’un forfait social de 2 %, qui permet de faire contribuer des revenus liés à l’intéressement et à la participation au financement de l’assurance maladie.
La France traverse une crise grave, marquée par un gros problème de confiance et de pouvoir d’achat. Il est grand temps, dans ce contexte, de procéder à une moralisation de la vie financière. Cet amendement nous en donne l’occasion, en tendant à soumettre les revenus tirés des parachutes dorés à cette contribution au taux de 5 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. L’article 13 bis du projet de loi prévoit d’instituer une taxation beaucoup plus lourde que celle que M. Cazeau et ses collègues suggèrent de créer au travers de leur amendement sur les parachutes dorés. Je leur propose donc de s’en remettre à ces dispositions et de retirer cet amendement.
M. Bernard Cazeau. Dans le projet de loi, quel est exactement le taux de taxation ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le taux des cotisations sociales normales, et non le forfait social !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ainsi, vous voulez supprimer les cotisations sur les parachutes dorés, monsieur Cazeau… C’est du joli !
Mme la présidente. Monsieur Cazeau, l'amendement n° 260 est-il maintenu ?
M. Bernard Cazeau. Oui, madame la présidente, car je ne suis pas convaincu !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeau. Les parachutistes ont gagné !
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 472, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-16 du code de la sécurité sociale :
« Art. L.137-16.- Le taux de la contribution mentionné à l'article L. 137-15 est fixé à 0,5 % au 1er janvier 2009. Ce taux sera porté à 1 % au 1er janvier 2010, à 1,5 % au 1er janvier 2011 et à 2 % au 1er janvier 2012.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 107, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-16 du code de la sécurité sociale, remplacer le chiffre :
2
par le chiffre :
4
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à augmenter le montant du forfait social, en le faisant passer de 2 % à 4 %. Cette taxation ne serait pas révolutionnaire. Elle ne permettrait pas, à elle seule, de rééquilibrer notre système de protection sociale.
Mais, compte tenu de la situation actuelle, des déficits qui ne cessent de se creuser, des doutes quant à la pérennité et au devenir même de notre système, nous considérons que la taxation devrait être plus importante.
C’est d’ailleurs en utilisant cet argument que, l’année dernière, madame la ministre, vous aviez instauré les franchises médicales. Depuis un an, rien n’a changé : la situation, loin de s’être améliorée, s’est même considérablement aggravée.
Tout pousse donc à voter en faveur de notre amendement, ce que je ne doute pas que vous ferez, mes chers collègues !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est défavorable, pour les raisons que j’ai exposées précédemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 261, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 137-17 du code de la sécurité sociale, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Il est institué une contribution sociale additionnelle à la contribution instituée à l'article L. 137-15 dont le taux est fixé à 3 %. Cette contribution additionnelle est affectée au fonds de réserve des retraites visé à l'article L. 135-6. »
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Nous souhaitons prolonger l’esprit de ce forfait social en créant une contribution additionnelle de 3 % destinée à abonder le fonds de réserve pour les retraites, afin de garantir à ce dernier des recettes plus importantes et pérennes.
La question de l’abondement de ce fonds est préoccupante. Il s’agit là d’une question essentielle si l’on veut que ce fonds joue, à partir de 2020, le rôle qui lui est imparti. Or, depuis quelques années, on s’en désintéresse progressivement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 342, présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter le 2° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Des employeurs non soumis à l'obligation mentionnée à l'article L. 3322-2 du code du travail. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à exonérer du forfait social les entreprises de moins de cinquante salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 13 bis
Le douzième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, les indemnités d'un montant supérieur à trente fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa du présent article. »
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 13 bis a donné lieu à un débat de grande qualité à l'Assemblée nationale, au cours duquel se sont affrontées deux conceptions radicalement opposées de ce que devrait être l’égalité sociale – ou, plutôt, l’équité – dans notre pays.
En effet, le député de l’UMP Yves Bur avait déposé un amendement qui visait à majorer la contribution des « retraites chapeaux », à rendre applicable dès aujourd’hui la contribution salariale de 2,5 % sur les avantages résultant des stock-options et des attributions gratuites d’actions, et à assujettir aux cotisations sociales, dès le premier euro, les indemnités de licenciement supérieures à 1 million d’euros.
Rien de très révolutionnaire ! À peine s’agissait-il de « mesurettes » qui, à elles seules, n’auraient pas permis de financer durablement notre régime social, mais qui offraient l’avantage non négligeable de réintroduire un peu de justice sociale dans notre pays. Mais même cela, le Gouvernement, en faisant pression sur sa majorité, l’a refusé !
On avait pourtant cru, en entendant le Président de la République conditionner son soutien financier à Dexia au renoncement au bonus de départ de son directeur, qu’il allait enfin limiter les parachutes dorés. Hélas ! il ne s’agissait pas de cela ! Nicolas Sarkozy, sans doute pour faire remonter sa côte de popularité – elle progresse d’ailleurs, comme nous pouvons le constater : 8 %, c’est extraordinaire ! –…
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est pas mal, en effet !
Un sénateur de l’UMP. Il travaille, lui !
M. Guy Fischer. … ne voulait qu’une chose : faire croire à ses électrices et à ses électeurs que les milliards d’euros qu’il avait débloqués n’étaient pas attribués sans contrepartie. Mais lorsqu’il s’agit de prendre de réelles mesures encadrant la distribution de tels avantages, toujours issus des mécanismes de cooptation des dirigeants et rarement conditionnés à la réussite de ces derniers, il n’y a plus personne !
Ou plutôt si, il y a une personne ! Celle à qui le Gouvernement a confié la lourde tâche de proposer des pistes de réflexion sur les parachutes dorés : je veux bien sûr parler de Mme Laurence Parisot, la patronne des patrons. (M. François Autain ironise.) Et que propose-t-elle ? En 2007, dans un entretien accordé au journal Les Echos, elle déclarait déjà ceci : « Légiférer ou interdire serait catastrophique pour l’attractivité de la France ou sa capacité à conserver ses grands talents ». Elle proposait également, pour éviter que le législateur ne vienne se mêler de ce qui le regarde, de continuer à s’arranger entre amis, entre patrons cooptés, entre bénéficiaires de jetons de participations, lesquels se retrouvent d’un conseil de surveillance à un autre. Bref, selon Mme Parisot, « personne d’autre que le conseil d’administration ou l’assemblée générale n’est capable d’évaluer si une indemnité de départ est décente ou légitime ».
Je n’aurai pas l’outrecuidance d’évoquer l’affaire de l’UIMM, l’Union des industries et métiers de la métallurgie, qui renvoie à d’autres problèmes. Pourtant, contrairement à ce qu’affirme Mme Parisot et à ce que défend le Gouvernement, certaines rémunérations et certains parachutes dorés sont bel et bien indécents.
D’ailleurs, le mot « indécent » n’est pas juste ; il conviendrait plutôt de parler de « rémunérations antisociales » : d’une part, elles ne sont pas assujetties aux mêmes prélèvements que les autres revenus du travail, notamment ceux des salariés ; d’autre part, ces parachutes dorés sont le fruit de la confiscation par une minorité de richesses produites par le plus grand nombre.
J’en veux pour preuve le parachute doré d’un montant de 38 millions d’euros dont a bénéficié, en 2005, pour son départ de Carrefour, Daniel Bernard, son ancien président. Il se place au troisième rang dans le classement mondial des bénéficiaires de telles indemnités depuis l’année 1989 !
Or chacun sait, par ailleurs, que la grande distribution est l’une des branches où les salaires sont les plus bas, les conditions de travail les plus dégradées. Les temps partiels subis y sont la règle et la précarité y domine.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Dès qu’il s’agit de passer des mots aux actes, le Gouvernement est aux abonnés absents !
MM. François Autain et Roland Courteau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Nous ne pouvons que le regretter !
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 250, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Le I de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa (1°), le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 16 % » ;
2° Dans la première phrase du dernier alinéa, le taux : « 6 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
3° Dans la dernière phrase du dernier alinéa, le taux : « 12 % » est remplacé par le taux : « 24 % ».
II. - Le douzième alinéa de l'article L. 242-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, les indemnités d'un montant supérieur à dix fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa. »
III. - Le II de l'article 13 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi rédigé :
« II. - Les dispositions de l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale s'appliquent aux avantages perçus à compter du 21 octobre 2008. »
IV. - Les dispositions du I sont applicables à la contribution des employeurs due au titre des régimes de retraite relevant de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale et instaurés à compter du 1er janvier 2009. Ces dispositions sont également applicables aux régimes instaurés antérieurement à cette date et ne remplissant pas, à compter du 1er janvier 2010, les conditions prévues au second alinéa du présent IV.
La contribution des employeurs due au titre des régimes instaurés antérieurement à cette date demeure régie par les dispositions de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2008. À compter du 1er janvier 2010, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à ce que ces régimes n'acceptent plus de nouveaux adhérents et que leurs bénéficiaires au 31 décembre 2009 n'acquièrent plus de droits.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est assez rare que les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen reprennent à leur compte un amendement déposé par un député de la majorité présidentielle.
Tel est pourtant le cas ce soir, avec l’amendement que M. Yves Bur avait déposé à l’Assemblée nationale …
M. François Autain. C’est un révolutionnaire !
Mme Annie David. … et qui visait à répondre à l’exigence de transparence voulue par le Président de la République.
Cet amendement a pour seul objet de conditionner la constitution des retraites dites « retraites chapeaux », qui, de l’aveu même de M. Bur, restent très attractives, d’assujettir aux cotisations sociales, et ce dès le premier euro, les indemnités de licenciement supérieures à un certain montant, et de rendre applicable immédiatement la contribution sociale de 2,5 % sur les avantages résultant des stock-options, conformément à ce qu’avait voté le Parlement en 2007.
Ce sont des mesures « douces », comme les a qualifiées M. Bur, voire des « mesurettes », pour reprendre le mot employé par Guy Fischer à l’instant.
Aussi, on comprend mal la raison pour laquelle le Gouvernement s’est opposé à l’amendement d’Yves Bur en faisant adopter deux sous-amendements le vidant de tout sens.
Nous examinons aujourd’hui un squelette, dont l’efficacité sera bien moins grande que ce qui était initialement envisagé.
Nous avions pourtant cru que notre système de protection sociale était « dans le rouge ».
Je me souviens que, s’agissant des retraites et des régimes spéciaux, vous n’aviez pas eu de mots assez durs pour dénoncer ces nantis, ces privilégiés de la SNCF, des industries électriques et gazières ou d’Air France ! Depuis lors, vous avez légiféré. En revanche, vous n’avez pas touché aux retraites chapeaux.
Apparemment, il existe des privilèges auxquels le Gouvernement ne veut pas s’attaquer, ce qui est bien regrettable.
Aussi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
A. Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Pour l'application du présent alinéa, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de celles liées à la cessation forcée des fonctions.
B. Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
II. Le troisième alinéa de l'article L. 741–10 du code rural est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Toutefois, les indemnités d'un montant supérieur à trente fois le plafond annuel mentionné au a du II de l'article L. 741–9 du présent code sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa. Pour l'application du présent alinéa, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de celles liées à la cessation forcée des fonctions. »
III. Après la deuxième phrase du 5° du II de l'article L. 136–2 du code de la sécurité sociale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, les indemnités d'un montant supérieur à trente fois le plafond annuel défini par l'article L. 241–3 du présent code sont assujetties dès le premier euro ; pour l'application des présentes dispositions, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de celles versées en cas de cessation forcée des fonctions des personnes visées au 5° bis. »
IV. Le 5° bis du II de l'article L. 136-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, les indemnités d'un montant supérieur à trente fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code sont assujetties dès le premier euro ; pour l'application des présentes dispositions, il est fait masse des indemnités liées à la cessation forcée des fonctions et de celles visées à la première phrase du 5° ; »
C. En conséquence, faire précéder le début de cet article par la mention :
I.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement devrait donner satisfaction à la fois à M. Cazeau et à Mme David dans la mesure où il vise à taxer plus sévèrement les parachutes dorés que n’avait prévu de le faire l’Assemblée nationale.
La commission des affaires sociales propose qu'il soit fait masse de l’ensemble des indemnités, afin d’éviter que celles-ci ne soient saucissonnées pour échapper à toute taxation.
Elle prévoit également l'assujettissement des indemnités à la CSG et à la CRDS au premier euro, ce que n’avaient pas proposé nos collègues députés.
À n’en point douter, cet amendement devrait recueillir un vote unanime de la Haute Assemblée si j’en juge par les positions défendues par les uns et des autres et par les amendements qui ont été déposés. Je demande donc aux auteurs de ces derniers, globalement satisfaits par l’amendement de la commission, de bien vouloir les retirer.
Mme la présidente. L'amendement n° 108, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les trois derniers alinéas de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement ainsi que le suivant visent à créer de nouvelles recettes au profit des caisses de sécurité sociale, ce qui n’est pas à négliger en ces temps qui courent…
L’amendement n°108 a pour objet d’inclure dans l’assiette des cotisations à la sécurité sociale les avantages résultant de l’attribution gratuite d’actions.
Eu égard aux arguments qui nous ont été opposés en réponse à nos amendements précédents, je me doute bien, mes chers collègues de la majorité, que vous voterez contre cet amendement, que je pourrais qualifier d’amendement d’appel.
Comme nous vous l’avons dit, nous considérons que les actions distribuées gratuitement aux dirigeants ou aux cadres des entreprises constituent véritablement des revenus du travail.
Madame, monsieur le ministre, comment pourriez-vous le nier, puisque, lors de l’examen du projet de loi en faveur des revenus du travail, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a déposé un amendement visant à conditionner la distribution d’actions gratuites ou de stock-options à la mise en place de mécanismes d’intéressement pour les salariés ?
Tout le monde, ici, s’accordera à dire que la participation ou l’intéressement sont bien des accessoires au contrat de travail, qu’ils constituent bien un complément de salaire, c'est-à-dire un revenu lié au travail.
L’amendement déposé par M. Bertrand nous offre la certitude que les stock-options sont bien des revenus du travail, puisque leur distribution est conditionnée par la mise en place de la participation.
Puisqu’il est établi qu’il s’agit bien de revenus du travail, on se demande pourquoi ils sont exclus de l’assiette des cotisations. Qu’ont-ils de si extraordinaire pour être traités différemment des autres ? Qu’ont fait ceux qui les perçoivent pour justifier qu’ils ne soient pas soumis aux mêmes contributions que les revenus des salariés, qui font la richesse de ces entreprises ?
Rien ne le justifie, à moins de considérer qu’il ne doive y avoir dans notre pays deux catégories de rémunération : d’une part, celle des salariés, socialisée et collective, soumise à toutes les contributions, et, d’autre part, celle des dirigeants, individualisée, parfois d’un niveau choquant, et qui échapperait aux cotisations sociales.
Cette situation étant inacceptable, nous vous invitons à voter cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 109, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... Il est institué une contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement visés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale.
... Cette contribution est due au titre des capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profit visés au c) et e) de l'article L. 136-6 du même code. Ces contributions sont exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables aux prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 10 %.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à instituer une nouvelle contribution sur les capitaux mobiliers, les plus-values et les gains en capital, tels qu’ils sont visés à l’article 200 A du code général des impôts. Il s’agit bien d’une nouvelle recette. C’est pourquoi je vous invite à le voter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 250, qui va au-delà de ses propres propositions.
Pareillement, elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 108, puisqu’un prélèvement spécifique sur les actions gratuites a déjà été créé l’année dernière, et sur l’amendement n° 109.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 4 de la commission, qui complète le dispositif voté par l’Assemblée nationale.
D’une part, cet amendement vise à assujettir à la CSG et à la CRDS les indemnités de rupture ou les parachutes dorés d’un montant supérieur à 1 million d’euros à partir non pas du montant de l’indemnité légale ou conventionnelle, mais dès le premier euro. D’autre part, il vise à éviter toute dissociation des indemnités qui aurait pour objectif de faire échapper ces dernières à une taxation.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est pour éviter les contournements !
M. Éric Woerth, ministre. Je remercie M. le rapporteur et la commission d’avoir proposé ces dispositions, qui seront très efficaces.
En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 250, 108 et 109, en dépit de leur grand intérêt …
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 250.
Mme Nathalie Goulet. L’opinion publique sera très attentive à la position qu’adoptera le Sénat sur cette question de la taxation des parachutes dorés.
J’ai déjà eu l’occasion de dire que, dans mon département, à la suite de la déconfiture de Moulinex, l’un de ses dirigeants a bénéficié d’un parachute doré d’un montant très important, alors que les salariés, à ce jour, en sont encore à réclamer auprès du conseil de prud’hommes leurs indemnités de licenciement.
Il est donc important que nous prenions une décision responsable sur des comportements totalement irresponsables ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Autain. Elle a raison !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 4.
Mme Annie David. Nous voterons l’amendement n° 4 de la commission, qui vise à taxer un tant soit peu les parachutes dorés.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez demandé de retirer nos amendements au profit de celui de la commission. Néanmoins, vous avez ajouté que ce dernier n’allait pas aussi loin que les nôtres.
Certes, ainsi que je viens de l’annoncer, nous voterons votre amendement, qui représente un premier pas. Néanmoins, nous regrettons vivement que ce texte ne soit pas plus ambitieux et qu’il ne réponde pas suffisamment aux attentes de nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
M. Alain Vasselle, rapporteur. À chaque jour suffit sa peine !
Mme Annie David. Comme le disait à l’instant notre collègue Nathalie Goulet, l’opinion publique nous regarde. Beaucoup de salariés ne comprennent pas que l’on accorde de telles sommes, de tels parachutes dorés, de telles rémunérations à des dirigeants qui gèrent leur personnel de façon si effroyable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Nous voterons également l’amendement de la commission, qui trahit un effort louable de la part de M. le rapporteur.
Puisqu’il progresse chaque année, espérons qu’il ira encore plus loin l’année prochaine. (Sourires.)
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 108.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13 bis, modifié.
(L'article 13 bis est adopté.)
Article 14
I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le II de l'article L. 138-10 est ainsi modifié :
a) Aux premier et avant-dernier alinéas, les mots : « la liste mentionnée à l'article » sont remplacés par les mots : « les listes mentionnées aux articles L. 162-22-7 du présent code et » ;
b) Au premier alinéa, les mots : « ladite liste » sont remplacés par les mots : « ces listes » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « médicaments mentionnés à l'article » sont remplacés par les mots : « spécialités inscrites sur les listes mentionnées aux articles L. 162-22-7 du présent code et » ;
2° L'article L. 245-5-1 A est ainsi rédigé :
« Art. L. 245-5-1 A. - La contribution est versée pour moitié au plus tard le 1er juin de chaque année et, pour le solde, au plus tard le 1er décembre de chaque année. » ;
3° Le premier alinéa de l'article L. 245-5-5 est ainsi rédigé :
« La contribution est versée pour moitié au plus tard le 1er juin de chaque année et, pour le solde, au plus tard le 1er décembre de chaque année. » ;
4° Supprimé ;
I bis. - Le taux de la contribution mentionnée à l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale due au titre du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année 2009 est fixé, à titre exceptionnel, à 1 %.
II. - Pour le calcul des contributions dues au titre de l'année 2009 en application de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, le taux de 1,4 % est substitué au taux K mentionné dans les tableaux figurant au même article.
III. - Le 1° du I est applicable à compter du 1er janvier 2010. Le I bis est applicable pour la contribution due au titre du chiffre d'affaires réalisé à partir du 1er janvier 2009.
Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Rétablir le 4° du I de cet article dans la rédaction suivante :
4° La première phrase du troisième alinéa de l'article L. 245–6 est ainsi rédigée : « Le taux de la contribution due au titre du chiffre d'affaires réalisé au cours des années 2009, 2010 et 2011 est fixé à 1 %. »
II. Supprimer le I bis de cet article.
III. Rédiger comme suit la seconde phrase du III de cet article :
Le 4° du I est applicable pour la contribution due au titre du chiffre d'affaires réalisé à compter du 1er janvier 2009.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner une suite à une proposition que j’ai formulée dans le rapport d’information sur la taxation de l'industrie du médicament, fait au nom de la commission des finances au cours de la session 2007-2008.
Afin de donner plus de visibilité fiscale à cette industrie, je propose de fixer le taux de la contribution du chiffre d’affaire à 1 % au cours des années 2009, 2010 et 2011. Le taux normal de ces contributions est aujourd’hui fixé à 0,6 %, mais un taux supérieur est établi chaque année à titre exceptionnel.
L’article 14 du projet de loi initial prévoyait de pérenniser le taux de 1 % appliqué depuis deux ans, mais l’Assemblée nationale a redonné à ce taux un caractère exceptionnel, ce qui ne paraît pas souhaitable.
En effet, en prévoyant un rythme triennal de fixation du taux de ces contributions, la proposition que je vous fais présente l’avantage d’assurer une visibilité certaine aux entreprises de médicaments. En même temps, elle ménage des clauses de revoyure permettant d’ajuster la fiscalité qui lui est applicable en fonction de la politique générale de régulation des dépenses de médicaments.
Cette mesure est attendue par l’industrie du médicament, qui comprend la nécessité d’être taxée compte tenu des chiffres réalisés et du succès que les médicaments rencontrent chez nos compatriotes.
M. François Autain. Oui, un vrai succès !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Les patrons de filiales d’entreprises établies en France et employant un grand nombre de salariés ont souvent beaucoup de mal à expliquer aux responsables étrangers que la fiscalité française n’a pas de visibilité. Une telle situation pourrait être à l’origine de délocalisations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’article 14 du projet de loi initial prévoyait de pérenniser le taux à 1 %. Mais l’Assemblée nationale a fixé à titre exceptionnel le taux à 1 % pour l’année prochaine, afin de pouvoir éventuellement le réexaminer en fonction notamment de l’évolution des dépenses en 2009.
Les deux formules ont leur avantage. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je ne suis pas opposé au principe de cet amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !
M. François Autain. Il donne en effet plus de visibilité à l’industrie pharmaceutique. Notre système de taxes revêt une grande complexité, ce qui nuit au rendement et à la visibilité.
Nous disposons au total de onze taxes, si on inclut celles qui sont destinées aux agences de santé. C’est à mon avis beaucoup trop. D’ailleurs la Cour des comptes, à deux reprises, et, à l’Assemblée nationale, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, ont relevé cette situation.
M. le ministre Éric Woerth, lors de son audition, s’est engagé peut-être imprudemment à mener une réforme de la taxe sur la promotion et de la taxe sur le chiffre d’affaire. Cette réforme serait inscrite dans le PLFSS pour 2009. C’est ce que j’ai lu – mais ai-je bien lu ? – dans le rapport de cette mission.
Je m’aperçois, hélas ! que rien n’est prévu dans ce projet de loi. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale affirme paradoxalement qu’en 2009 les taxes sur les médicaments baisseront de 38,8 % alors qu’elles ont connu pendant l’année précédente une hausse de 8,8 % ! Cela correspondrait à une baisse de 138 millions d’euros, soit 37,3 % du produit de la taxe sur les chiffres d’affaire des laboratoires pharmaceutiques, et enfin 177 millions d’euros de moins, soit 1,5 % de rendement en moins pour la contribution sur les dépenses de publicité !
Une observation sur une plus longue durée montre que, de 2006 à 2009, le rendement des taxes sur les médicaments a connu un net recul : 956 millions d’euros en 2006, 662 millions d’euros en 2007, 672 millions d’euros en 2008, et enfin 559 millions d’euros prévus pour 2009. Et pourtant, dans le même temps, le chiffre d’affaire des laboratoires a augmenté à un rythme de croisière de l’ordre de 5 %, si l’on excepte l’année 2006 ! Il y a là quelque chose que j’ai du mal à comprendre. J’espère que les ministres me fourniront une explication.
Quoi qu’il en soit, il faut offrir à l’industrie pharmaceutique une visibilité beaucoup plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui.
En revanche, je ne suis pas d’accord sur le point suivant : cet amendement fixe un taux d’augmentation de la taxe de 1 % pour les trois années à venir. Je ne suis pas opposé à ce que l’on prévoie sur trois ans le taux d’augmentation de la taxe, mais on ne peut pas le faire de cette manière-là, au détour d’un amendement !
C’est pourquoi je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez indiqué que je m’étais exprimé à ce sujet. Je l’ai fait en toute cohérence. En effet, dans l’industrie du médicament, il existe toute une série de taxes créées progressivement et remplissant plusieurs objectifs, tels que la régulation, la maîtrise des dépenses, la mise à contribution de l’industrie, etc.
Deux rapports parlementaires ont été rendus sur le sujet : un rapport de la MECSS, à l’Assemblée nationale, et le rapport de Jean-Jacques Jégou, au Sénat. Ces deux rapports ont regretté – je parle sous le contrôle du sénateur Jean-Jacques Jégou – le trop grand nombre de taxes, et surtout l’instabilité de ces dernières.
M. François Autain. Absolument !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons réuni l’ensemble des industries du médicament pour essayer de trouver une simplification à rendement constant. Il est apparu qu’il n’existait pas de consensus au sein de l’industrie du médicament sur la suppression de l’une des grandes taxes et le report vers une autre. Nous en sommes donc restés là, avec l’accord de l’industrie du médicament.
Mais nous allons tout de même simplifier le dispositif, puisque le projet de loi de finances pour 2009 prévoit de supprimer quatre des onze taxes versées par l’industrie pharmaceutique à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS. Cette suppression sera accompagnée d’un report sur des taxes existantes pour le même niveau de contribution.
Mme la présidente. L'amendement n° 456, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans le I bis de cet article, supprimer les mots :
à titre exceptionnel
II. - En conséquence, après le I bis de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - À la fin de la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, les mots : « à 0,6 % » sont remplacés par les mots : « chaque année par le Parlement ».
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement vise à adapter le code à la réalité. On parle en effet de « taux exceptionnel » alors que le taux fixé dans le code est lui-même exceptionnel.
En faisant un retour en arrière, on s’aperçoit que ce taux a été fixé en 2004 à 0,525 %, en 2005 à 0,6 %, et c’est d’ailleurs la seule année où il a été conforme au taux indiqué dans cet article ! Il était de 1,76 % en 2006, et il est resté à 1 %de 2007 à 2009.
C’est pourquoi je propose qu’on supprime le caractère exceptionnel de cette taxe pour indiquer qu’elle sera fixée chaque année par le Parlement. Cela correspond à la réalité puisque, chaque année, c’est en loi de financement de la sécurité sociale que nous avons fixé ce taux.
Et c’est encore ce que nous venons de faire. Effectivement, en adoptant l’amendement de M. Jégou, le Sénat a prévu que cette taxe serait de 1 % chaque année et pour les trois années qui viennent.
Par conséquent, dans un souci de bon sens et de simplification, cet amendement devrait être adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. L’amendement n° 456 de M. Autain se télescope avec l’amendement n° 63, sur lequel la commission des affaires sociales avait émis un avis favorable. En effet, ces deux amendements sont totalement incompatibles. D’ailleurs, au moins une partie de l’amendement n° 456 n’a plus d’objet du fait de l’adoption de l’amendement de M. Jégou.
En outre, l’amendement prévoit que la taxe sera fixée « chaque année », alors que nous venons de définir une taxation valable pendant trois ans !
À partir du moment où le Sénat s’est prononcé sur l’amendement de M. Jégou, il me paraît difficile de faire marche arrière pour adopter l’amendement de M. Autain. (M. François Autain acquiesce.)
Je propose donc à notre collègue de retirer son amendement, qui n’a plus sa place, compte tenu de la position adoptée par le Sénat.
Mme la présidente. Monsieur Autain, l’amendement n °456 est il maintenu ?
M. François Autain. Non, madame la présidente, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 456 est retiré.
L'amendement n° 64, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le II de cet article, remplacer les mots :
de l'année 2009
par les mots :
des années 2009, 2010 et 2011
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement procède d’une logique identique à celle de l’amendement n° 63, que le Sénat vient d’adopter. Il tend ainsi à fixer le taux K, qui conditionne le déclenchement de la clause de sauvegarde pour le chiffre d’affaire des entreprises pharmaceutiques, à 1,4 % pour les années 2009, 2010 et 2011.
J’insiste, cette mesure est cohérente avec la stabilité du taux de progression de l’ONDAM au cours de cette période. En effet, nous avons voté la semaine dernière l’aspect triennal de la progression : l’article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit en effet une évolution chaque année de 3,3 % en valeur, à périmètre constant, de l’ONDAM de l’ensemble des régimes obligatoires de base.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, vous proposez de fixer le taux K, utilisé pour la clause de sauvegarde, à 1,4 % pour les trois années à venir, et non pas seulement pour l’année 2009.
Par conséquent, le Gouvernement ne pourrait pas réexaminer le taux chaque année. Je sais bien que le taux K avait été fixé en 2004 pour trois ans, mais il n’était à l’époque qu’à 1 %.
Par ailleurs, la fixation sur plusieurs années du taux K nécessite d’avoir une bonne visibilité sur l’assiette de la clause de sauvegarde dans les années à venir. Or, cette contribution vient d’être étendue à partir de 2010 aux médicaments de la liste en sus, ce qui va donner une certaine instabilité au système. Il faudrait sans doute attendre que ce dispositif soit stabilisé avant de fixer le taux K pour une durée supérieure à un an.
Telle est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur pour avis, je vous invite à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 64 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je ne voudrais pas être désagréable avec Mme la ministre, mais mon amendement est en cohérence avec la progression de l’ONDAM.
Le Sénat, en adoptant l’amendement n° 63 – et j’indique que le groupe CRC s’est abstenu –, a compris la nécessité d’une stabilité des taxes. Il est important de faire preuve de cohérence. C’est pourquoi je maintiens l’amendement n° 64.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, c’est non pas une taxe, mais un objectif de progression. Je me permets de vous signaler cette nuance.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 14
Mme la présidente. L'amendement n° 65, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 162-16 A. - Le conseil stratégique des industries de santé examine chaque année, au regard de l'évolution des dépenses de médicaments et de dispositifs médicaux, de celle des comptes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et de celle de l'état sanitaire de la population, les conditions de régulation des dépenses précitées ainsi que la politique menée en faveur de la recherche et de l'innovation dans le secteur des médicaments et des dispositifs médicaux. Ses observations sont transmises au Parlement avant le 15 septembre.
« Outre les ministres chargés de la santé, du budget et de l'industrie, sa composition, précisée par arrêté des ministres chargés de la santé, du budget et de l'industrie, comprend notamment :
« 1° un représentant de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
« 2° un représentant du Comité économique des produits de santé ;
« 3° un représentant de l'Agence française des investissements internationaux ;
« 4° des représentants des industries de santé. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui vise à donner une plus grande cohérence à la politique d'ensemble touchant le secteur du médicament, est la traduction d'une des propositions que j’avais formulées dans mon rapport d’information sur la taxation de l'industrie du médicament, fait au nom de la commission des finances.
Le conseil stratégique des industries de santé, qui existe depuis 2004, n'a pas tenu de réunions régulières, et sa composition est apparue imparfaite.
Cet amendement, qui confère une base législative à ce conseil, prévoit une réunion annuelle de cette instance. Cette réunion donnera lieu à des observations qui seront transmises au Parlement avant le 15 septembre de chaque année.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas donner une existence légale au conseil stratégique des industries de santé, qui a été réuni trois fois par M. Jean-Pierre Raffarin et qui devrait être réuni prochainement par M. François Fillon.
Je sais que les industriels du médicament demandent avec insistance une telle réunion. Il est certes souhaitable que le Premier ministre puisse réunir cet organisme. Faut-il pour autant conférer à ce dernier une existence légale, introduire un nouvel acteur dans le système et rendre ses réunions obligatoires ? Nous ne le pensons pas.
Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 514, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Compléter l'amendement n° 65 par un 5° ainsi rédigé :
" 5° Un représentant de l'UNOCAM"
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Ce sous-amendement vise à ajouter l’UNOCAM à la liste des organismes représentés dans le conseil stratégique des industries de santé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Compte tenu des explications apportées par Mme Bachelot-Narquin et M. Woerth, la commission souhaite le retrait de l’amendement no 65. Dans cette hypothèse, le sous-amendement no 514 n’aura plus d’objet.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous n’allons pas engager des discussions de marchands de tapis. Après les explications de M. le ministre, je suis disposé à retirer l’amendement.
En revanche, je souhaite que l’UNCAM soit représenté au sein du conseil stratégique des industries de santé. Dans son sous-amendement, M. Cazeau propose que l’UNOCAM le soit également.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’y a aucune raison pour que l’UNCAM ou l’UNOCAM soient représentées dans le Conseil stratégique des industries de santé !
M. Bernard Cazeau. Pourquoi pas ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Si l’Union nationale des caisses d’assurance maladie était présente dans cet organisme, elle pourrait avoir une vision d’ensemble de la régulation du secteur du médicament et de la politique industrielle. Cela ne me semblerait pas scandaleux.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, le conseil stratégique des industries de santé n’a pas pour objet d’avoir une vision sur l’assurance maladie. Il a vocation à contribuer à la définition d’une véritable stratégie industrielle de notre pays en matière pharmaceutique. L’assurance maladie et les organismes complémentaires d’assurance n’ont aucun rôle à jouer dans le conseil stratégique des industries de santé. Ce mélange des genres serait incohérent.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je ne suis pas d’accord avec vous, madame la ministre. Vous me dites que ce serait incohérent. Je considère au contraire qu’il est cohérent d’avoir une vision d’ensemble. Je suis donc désolé, mais je maintiens l’amendement !
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je considère, comme M. le ministre, qu’il n’y a aucune raison de donner une base légale à ce comité.
J’ajoute que l’amendement procède d’un mélange des genres peu souhaitable.
En outre, l’amendement n° 65 aboutirait à complexifier encore le circuit du médicament. Il y a déjà l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, le comité économique des produits de santé, la Haute Autorité de santé. Nous aurions tort de mélanger ce qui ressortit à l’industrie et ce qui relève de la santé.
Il me semble en effet aberrant de faire siéger le président du comité économique des produits de santé dans un organisme à vocation industrielle alors que l’industrie n’est pas représentée au sein de ce comité.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis résolument opposé à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 514.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 111, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale est abrogé.
II. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, les mots : « soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise en application de l'article L. 162-18 » sont remplacés par les mots : « un ajustement des prix ».
III. - L'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1. Après le deuxième alinéa (1°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La baisse de prix applicable en cas de dépassement par l'entreprise des volumes de vente précités ; » ;
2. Le troisième alinéa (2°) est ainsi rédigé :
« 2° Le cas échéant, les remises prévues en application de l'article L. 162-16-5-1 ; ».
IV. À l'article L. 162-37 du code de la sécurité sociale, les mots : « aux articles L. 162-14, L. 162-16 et L. 162-18 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 162-14 et L. 162-16 ».
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement vise à supprimer les remises.
Les remises et les baisses de prix du médicament sont les deux instruments de régulation conventionnelle en cas de dépassement du chiffre d’affaires prévisionnel des laboratoires pharmaceutiques.
Le laboratoire pharmaceutique est libre de choisir l’un ou l’autre de ces dispositifs, conformément à l’article L.138-10 du code de la sécurité sociale.
Sur un plan général, en termes de régulation du marché du médicament, le versement des remises par l’industrie pharmaceutique a des effets pervers, telle l’opacification du marché du médicament, par exemple. On constate en effet une déconnection entre le prix facial, c’est-à-dire le prix qui figure sur la vignette, et qui est la base du remboursement des mutuelles, et le prix réel effectivement payé par l’assurance maladie obligatoire.
La rentabilité du dispositif des remises est par ailleurs très discutable. Le versement des remises entraîne en effet des économies inférieures aux baisses des prix. De plus, les baisses de prix sont plus incitatives que les remises de fin d’année, car elles ont un impact plus important sur le long terme.
La possibilité offerte aux laboratoires de verser des remises plutôt que d’accorder une baisse de prix affaiblit la position du comité économique des produits de santé : alors que les baisses de prix voient leur effet s’appliquer à toutes les ventes à venir des médicaments, les remises sont renégociées chaque année.
C’est donc un mécanisme de baisse de prix qui doit être privilégié pour réguler le marché du médicament. Il est plus juste. Il bénéficie en effet de façon équitable à tous et permet une meilleure transparence du marché des médicaments ainsi que le respect du taux de prise en charge, fixé par voie réglementaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 263, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1°. L'article L. 162-18 est abrogé.
2°. En conséquence :
a) Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 138-10, les mots : « soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise en application de l'article L. 162-18 » sont remplacés par les mots : « un ajustement des prix » ;
b) Dans le troisième alinéa (2°) de l'article L. 162-17-4, les mots : « des articles L. 162-18 et » sont remplacés par les mots : « de l'article » ;
c) Dans l'article L. 162-37, les mots : «, L. 162-16 et L. 162-18 » sont remplacés par les mots : « et L. 162-16 ».
3°. Après le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 162-17-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° la baisse de prix applicable en cas de dépassement par l'entreprise des volumes de rente précités ; ».
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement vise à privilégier la baisse de prix par rapport aux remises, pour réguler le marché du médicament.
Conformément aux dispositions combinées des articles L. 162-18, L. 162-17-4 et L. 138-10 du code de la sécurité sociale, les industriels qui commercialisent des spécialités pharmaceutiques remboursées peuvent reverser à l'assurance maladie obligatoire des remises quantitatives.
Si les remises ne profitent qu'au régime obligatoire, la « solvabilisation » des dépenses remboursables est assurée non seulement par l'assurance maladie obligatoire, mais aussi par l'assurance maladie complémentaire. Ainsi, lorsque ces remises portent sur des médicaments vendus avec ticket modérateur, elles constituent un transfert de charge partiel mais invisible vers l'assurance maladie complémentaire ou vers le patient.
Or, depuis cinq ans, nous constatons une augmentation importante du recours à ce mécanisme de régulation. Le montant des remises a ainsi quadruplé depuis 2002.
Par ailleurs, cette pratique entraîne au moins trois effets pervers sur le marché du médicament.
Tout d’abord, elle provoque une opacification du marché du médicament, du fait du décalage entre, d’une part, le prix facial, c’est-à-dire le prix qui figure sur la vignette, base de remboursement des mutuelles, et, d’autre part, le prix réel payé par l'assurance maladie obligatoire, c'est-à-dire le prix figurant sur la vignette moins le montant des remises.
Ensuite, elle entraîne des économies inférieures aux baisses de prix.
Enfin, elle affaiblit la position du comité économique des produits de santé. Alors que les baisses de prix voient leur effet s'appliquer à toutes les ventes à venir de médicaments, les remises sont renégociées chaque année.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Le système des remises est un outil parmi d’autres, mais il est lui aussi nécessaire. La baisse de prix pourrait avoir des effets tout à fait négatifs sur la politique industrielle et sur l’exportation des produits de santé français.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Il s’agit certes d’une interrogation intéressante, mais les deux systèmes sont nécessaires.
Dans les faits, les remises ne représentent pas grand-chose, mais elles permettent un ajustement assez fin du prix du médicament et une meilleure régulation du marché. Par ailleurs, elles sont utilisées dans tous les pays européens.
Le Gouvernement considère donc qu’il convient de conserver les deux systèmes que sont la baisse de prix et les remises.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l’amendement n° 111.
M. François Autain. Monsieur le ministre, en ce qui concerne le produit des remises, il règne une certaine confusion. Les données fournies par l’assurance maladie et par le comité économique des produits de santé ne sont pas cohérentes. J’ai d’ailleurs interrogé sur ce point Mme Bachelot-Narquin, mais n’ai toujours pas reçu de réponse. Il y a donc là un problème qui n’a pas été réglé.
Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie et la Cour des comptes ont attiré l’attention du Gouvernement sur le fait que ces remises étaient en quelque sorte un fusil à un coup. Si l’assurance maladie obtient bien, la première année, une remise importante, force est de constater que le montant de cette remise tend à s’amenuiser les années suivantes.
Ce n’est donc pas un bon moyen pour permettre à l’assurance maladie de récupérer les sommes prévues au terme des conventions qui sont passées en substitution de la clause de sauvegarde, dont c’est pratiquement le seul objet.
Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie avait recommandé, dans son avis de 2006, repris en 2008, l’étude d’un portage différent de la clause de sauvegarde, afin qu’elle puisse s’appliquer à un sous-objectif de l’ONDAM, fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale. Cela éviterait la baisse que l’on constate lors des exercices qui suivent l’année de fixation du niveau de la remise.
Ce dispositif, certes complexe, n’est pas sans importance, car il conditionne le prix du médicament.
Mieux vaudrait, y compris pour les mutuelles, que le prix du médicament soit baissé. En effet, les remises profitent à la seule sécurité sociale, et non aux assurances complémentaires. Il s’agit d’un vrai problème auquel il pourrait être remédié en supprimant les remises et en optant pour une baisse de prix, cette dernière bénéficiant également aux organismes complémentaires d’assurance.
M. Bernard Cazeau. C’est dommage !
Mme la présidente. L’amendement no 441, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le mot : « publicitaires », la fin du dernier alinéa (3°) du I de l’article L. 245-2 du code de la sécurité sociale est supprimée.
II. – Le tableau constituant le dernier alinéa du III de l’article L. 245-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« |
PART DE L’ASSIETTE correspondant au rapport R » entre l’assiette définie aux 1° à 3° du I après déduction, le cas échéant, des abattements et le chiffre d’affaires hors taxes |
TAUX de la contribution par tranche (en pourcentage) |
|
R < 5 % |
19 |
|
5 % ≤ R < 7 % |
29 |
|
7 % ≤ R <10 % |
36 |
|
R ≥ 10 % |
39 |
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement vise à modifier le taux et l’assiette de la taxe sur les dépenses de promotion du médicament.
Malgré l’ancienneté de cette taxe, instaurée en 1983, aucune étude n’a été réalisée pour évaluer son effet sur les dépenses de promotion des laboratoires. Il est vraisemblable que son effet régulateur est faible puisque, selon des chiffres émanant du LEEM, les entreprises du médicament, la part de chiffre d’affaires que les laboratoires consacrent à la promotion serait de 12,2 % ; en fait, ces chiffres étant relativement anciens puisqu’ils datent de 2004, cette part est certainement plus importante et approche plus probablement les 15 %, ce qui me semble très élevé. La question avait d’ailleurs fait l’objet d’un rapport de l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, qui avait estimé que, chaque année, pour chaque médecin, les laboratoires consentaient un investissement de l’ordre de 22 000 euros. C’est effectivement considérable !
Il semble donc que la taxe, contrairement à son objet, n’ait pas contribué à faire baisser les dépenses que les laboratoires consacrent à la promotion. Bien au contraire, il est vraisemblable qu’au moment de sa création, c’est-à-dire en 1983, ce taux était beaucoup plus faible qu’aujourd’hui.
Compte tenu de la situation, nous avons donc tout intérêt à rendre cette taxe plus productive en élargissant son assiette : tel est l’objet de l’amendement n° 441, qui vise à y intégrer la publicité que les laboratoires font paraître dans les journaux médicaux.
Certains collègues, en particulier des membres de la commission des affaires sociales, redoutent qu’une telle extension n’ait des conséquences sur la presse médicale dans notre pays. Je crois que leurs craintes sont exagérées : si cette presse vit effectivement grâce à la publicité émanant des laboratoires, la taxe ne me semble néanmoins pas de nature à peser sur ses ressources. En outre, il n’y a aucune raison de désavantager les rares journaux qui, dans notre pays, n’ont pas recours à la publicité ; je pense qu’il faut au contraire leur montrer que, indirectement, nous cherchons à les encourager.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle. La commission n’a pas jugé bon d’émettre un avis favorable sur l’amendement, et j’ai cru comprendre que, si M. Autain n’avait pas retiré son amendement avant la séance publique, c’est qu’il souhaitait entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Autain, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.
Vous souhaitez modifier le barème de la taxe sur les dépenses de promotion afin que l’industrie du médicament contribue davantage au financement de l’assurance maladie.
Les efforts demandés à l’industrie du médicament nous paraissent bien calibrés. Ils permettent déjà de faire contribuer les laboratoires pharmaceutiques à l’effort de redressement, sans toutefois pénaliser l’industrie du médicament de façon excessive compte tenu des autres taxes qu’elle supporte par ailleurs – je les ai évoquées tout à l’heure – et des investissements extrêmement importants qu’elle a déjà consentis et qu’elle doit encore consentir et dont la large utilisation qu’elle fait du crédit d’impôt recherche montre l’ampleur. N’oublions pas que cette industrie est fortement pourvoyeuse d’emplois.
D’autres outils permettent déjà de mieux réguler la promotion du médicament. Ainsi, la charte de la visite médicale, signée entre les laboratoires pharmaceutiques et le comité économique des produits de santé, le CEPS, a conduit à retenir quatre classes de médicaments justifiant une réduction du nombre de visites médicales et à fixer pour trois ans le rythme de cette réduction. Le bilan pour 2007 montre qu’en deux ans la baisse du nombre de contacts a été, pour trois des classes concernées, supérieure aux 16 % demandés par le comité ; pour la quatrième classe, elle est supérieure à ce qui avait été prévu.
Pour toutes ces raisons, monsieur Autain, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 441.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je regrette d’autant plus la position du Gouvernement que mon amendement se contentait de suivre les préconisations du rapport établi par l’IGAS en 2007.
Il fallait, selon les propres termes de l’inspection générale des affaires sociales, assurer « un désarmement promotionnel » des laboratoires en ramenant leurs dépenses de promotion à 4 % de leur chiffre d’affaires, à l’instar de ce qui se pratique au Royaume-Uni. Actuellement, je l’ai déjà indiqué, nous en sommes loin puisque ces dépenses s’élèvent, dans l’hypothèse la plus basse, à 12 % du chiffre d’affaires, et plus vraisemblablement à 15 %.
Vous avez mentionné, monsieur le ministre, l’intensité de la visite médicale en France. Je me permets de rappeler que le CEPS avait pris des décisions concernant des laboratoires ayant abusé de la visite médicale : elles ont été annulées par le Conseil d’État.
C’est dire que, dans ce domaine, le CEPS n’a pas les coudées franches et que, malheureusement, il est très difficile de réduire la pression promotionnelle que les laboratoires exercent sur les médecins. Or on sait que, souvent, cette pression porte atteinte à la qualité de la prescription des médicaments. En effet, elle conduit les médecins à prescrire des médicaments nouveaux, plus chers, et qui ne sont généralement pas plus efficaces que ceux qui existent déjà, lesquels, du fait de leur ancienneté, sont d’ailleurs mieux évalués, offrant ainsi une plus grande sécurité aux malades.
Je regrette donc, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas accueilli favorablement cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 441.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 402 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tarif du droit de consommation est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est publié au Journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget. » ;
2° Le II de l’article 403 est ainsi rédigé :
« II. – Le tarif du droit de consommation est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est publié au Journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget. » ;
3° L’article 438 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tarif du droit de circulation est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est publié au Journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget. » ;
4° Le a du I de l’article 520 A est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tarif du droit spécifique est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est publié au Journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 131-8 est ainsi modifié :
a) Les 2°, 3°, 4° et 5° sont abrogés ;
b) Au 10°, le taux : « 10,26 % » est remplacé par le taux : « 37,95 % » ;
1° bis À l’article L. 245-9, le montant : « 0,13 € » est remplacé par le montant : « 0,16 € » ;
2° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tarif de la cotisation est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est publié au Journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. L’article 15 prévoit l’indexation des droits de circulation et de consommation sur l’indice des prix à la consommation.
Une telle mesure ferait peser une charge supplémentaire importante sur les viticulteurs, et ce dans un contexte économique difficile, alors que les vins sont les seuls produits agricoles qui soient assujettis à une TVA à 19,6 %, les autres étant taxés à 5,5 %.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Et c’est une hospitalière qui dit ça !
Mme Patricia Schillinger. Aujourd’hui, la filière viticole souffre d’une crise qui a cessé d’être conjoncturelle pour devenir structurelle. Renforcer la taxation ne résoudra absolument pas les problèmes qu’elle rencontre.
De plus, cette mesure est totalement contraire aux engagements pris par M. le Président de la République, qui, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, déclarait ceci : « Il ne me paraît pas opportun d’augmenter la fiscalité sur le vin. À l’heure du nécessaire redressement de la filière, renforcer la taxation du vin serait contreproductif. »
Par ailleurs, l’indexation de ces droits est contraire à la position défendue par la France en 2006 au niveau communautaire, lorsque notre pays, comme de nombreux autres, avait rejeté une proposition de directive de la Commission visant à prendre en compte les effets de l’inflation. L’indexation placerait nos produits dans une position défavorable par rapport à ceux des autres grands pays producteurs européens, qui, pour leur part, ne prélèvent aucun droit de circulation et de consommation sur les vins.
En outre, il ne faut pas oublier que le secteur viticole est en train de réorganiser les appellations d’origine contrôlée afin que les modalités en soient plus rigoureuses et l’application mieux contrôlée, la prise en charge du coût de contrôle revenant aux opérateurs.
Enfin, l’augmentation de la taxation proposée à l’article 15 ne peut constituer une politique de lutte contre l’alcoolisme : il ne s’agit pas à proprement parler d’une mesure de santé publique. Il est vrai qu’il est important de lutter contre les abus, mais ce n’est pas en faisant peser une charge supplémentaire sur les viticulteurs, mais aussi sur les consommateurs, qui souffrent déjà d’une baisse de leur pouvoir d’achat, que nous y parviendrons.
À cet égard, nous souhaiterions connaître les intentions du Gouvernement pour lutter efficacement contre l’alcoolisme.
M. Laurent Béteille. Quels Tartuffe !
Mme la présidente. Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement no 91 rectifié est présenté par Mme Michaux-Chevry et M. Fleming.
L’amendement no 93 rectifié est présenté par MM. César, Dufaut, Milon et Couderc, Mme Bruguière, MM. Alduy, Doublet, Laurent, J. Blanc, P. Blanc, Pointereau et Buffet, Mme Lamure, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Bailly, Mmes Sittler et Des Esgaulx, MM. Pintat, Belot, Martin, Beaumont, Détraigne, de Montesquiou, Grignon, Leclerc, Gaillard, Courtois et Brun, Mmes Rozier, Férat, Dini et Gourault.
L’amendement no 228 est présenté par M. Lardeux.
L’amendement no 423 est présenté par M. Courteau, Mme Alquier, MM. Anziani, Bérit-Débat, Besson, Chastan, Collombat et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Haut, Piras, Patriat, Pastor, Miquel, Madrelle, Rainaud, Raoul et Ries, Mme Schillinger, MM. Signé, Sutour, Teston et Guillaume.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement no 91 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement no 93 rectifié.
M. Daniel Laurent. Il convient de supprimer cet article, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il fera peser sur les viticulteurs une charge supplémentaire, alors que le secteur traverse actuellement une période économique difficile. L’accroissement de la fiscalité représenterait pour certains producteurs une perte de plusieurs milliers d’euros. En fin de compte, l’augmentation risque d’être répercutée sur le prix de vente et de grever le budget des ménages.
J’illustrerai mon propos par deux exemples.
Un viticulteur possédant 10 hectares de vignes d’appellation d’origine contrôlée et plafonné à un rendement de 50 hectolitres par hectare acquitte aujourd’hui des droits d’environ 1 700 euros. Avec une inflation à 3 %, l’augmentation représentera 50 euros. Le tout sera naturellement soumis à la TVA à 19,6 %, puisque le viticulteur devra bien intégrer les accises dans son prix de vente, si bien que, finalement ce sont 2 093 euros, au lieu de 1 700 euros, qui iront dans les caisses de l’État.
En revanche, un viticulteur qui consacre 10 hectares à la production de pineau des Charentes – principale appellation d’origine contrôlée de vin de liqueur, représentant une production totale de 100 000 hectolitres – avec un rendement de 27 hectolitres par hectare paie, de son côté, la modique somme de 57 740 euros, soit 214 euros par hectolitre. Une augmentation de 3 % représenterait environ 1 750 euros supplémentaires, ce qui porterait la facture à près de 60 000 euros. Si l’on y ajoute la TVA à 19,6 %, ce sont plus de 71 000 euros, au lieu de 57 740 euros, qui entreront dans les caisses de l’État.
De plus, l’augmentation qui résultera de l’article 15 handicapera la France par rapport aux autres États membres producteurs, que nous connaissons bien : l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, qui, pour leur part, ne prélèvent aucun droit de circulation et de consommation sur les vins. Voilà une raison supplémentaire de supprimer cet article.
De plus, cette disposition est contraire à la position que la France a défendue au niveau communautaire en rejetant, en 2006, une proposition de directive visant à prendre en compte les effets de l’inflation. Il est à noter qu’à l’époque Michel Barnier, alors commissaire européen – aujourd’hui ministre de l’agriculture –, y était opposé.
Cette hausse est par ailleurs très malvenue pour les vins, qui, rappelons-le, sont les seuls produits agricoles qui soient assujettis à une TVA à 19,6 %, tous les autres étant taxés à 5,5 %. L’instauration d’un droit aussi important fait tomber l’argument de la baisse du poids relatif de la fiscalité dans l’augmentation des prix : chaque fois que le prix d’un alcool augmente, la recette fiscale de l’État augmente également !
Je rejoins les propos qu’a tenus tout à l’heure Mme Patricia Schillinger quant aux déclarations du Président de la République en visite dans nos régions viticoles, au cours de la campagne électorale. (M. Roland Courteau s’exclame.)
Enfin, les viticulteurs font face à la mise en place d’une nouvelle réforme du contrôle en appellation d’origine protégée, ou AOP, et en indication géographique protégée, ou IGP, et en assumeront directement le coût.
L’augmentation des droits de circulation serait d’autant plus mal vécue que ces mêmes droits servent au départ à financer la politique de qualité et de contrôle des vins en appellation d’origine contrôlée.
C’est pourquoi, avec les nombreux collègues qui ont cosigné cet amendement, je vous demande de bien vouloir voter cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. André Lardeux, pour présenter l’amendement n° 228.
M. André Lardeux. Après l’intervention de mon excellent collègue Daniel Laurent, je voudrais simplement préciser quelques points.
Tout d’abord, si c’est un objectif de santé publique qui est visé à travers ces mesures, le dispositif ne me semble alors pas très adapté. Je ne pense pas que ce soit de bonne méthode : tout le monde sait que les systèmes prohibitionnistes ont abouti à des catastrophes, notamment outre-Atlantique.
Ensuite, si l’on vise un objectif économique, je ne pense pas non plus que le dispositif aille dans la bonne direction, d’autant plus que la viticulture, comme les autres activités, va subir de plein fouet les conséquences de la récession économique dans laquelle nous sommes entrés. À cet égard, il faudrait peut-être éviter de créer de nouveaux problèmes dans cette filière si l’on ne veut pas déplorer des faillites et des chômeurs supplémentaires.
Enfin, monsieur le ministre, j’avais noté votre souci de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires ; je partage votre point de vue. Or, avec ce genre de dispositions, on aboutit à une hausse insidieuse mais bien réelle des prélèvements obligatoires.
M. Roland Courteau. C’est un bon argument !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 423.
M. Roland Courteau. Dans le contexte économique pour le moins inquiétant que nous connaissons, de surcroît en plein cœur d’une crise viticole sans précédent, il est proposé, à l’article 15, d’augmenter la fiscalité.
Cette initiative témoigne ou bien d’une totale méconnaissance des graves problèmes, que nous ne cessons d’exposer ici depuis des années, qui touchent la viticulture, ou bien – mais c’est plus grave – d’une réelle désinvolture à l’égard d’un secteur d’activité dont tout le monde, y compris nos plus fidèles détracteurs, se plaît pourtant à reconnaître qu’il est l’un des fleurons de notre économie. Le secteur vitivinicole génère en effet quelque 800 000 emplois directs et indirects ; il joue un rôle essentiel dans la balance commerciale puisqu’il est le premier poste des exportations agroalimentaires.
Pourtant, les coups portés à ce secteur se multiplient ces derniers temps : diabolisation du vin, campagnes anti-vin, au mépris de l’article L. 3311-3 du code de la santé publique, que j’avais fait adopter en 1991, aux termes duquel les campagnes d’information ne doivent pas présenter de caractère discriminatoire entre les différents produits.
Plus récemment encore, à la suite d’une décision du tribunal de grande instance de Paris, il est maintenant interdit de communiquer sur Internet en faveur de boissons comme le vin. Je ne m’étends pas davantage sur une nouvelle évolution jurisprudentielle qui vise à appliquer aux articles rédactionnels de presse sur le vin les mêmes contraintes que celles qui sont réservées à la publicité…
Aujourd’hui, mes chers collègues, on nous propose d’augmenter la fiscalité sur les produits vitivinicoles. Pour reprendre vos propos, madame la ministre, je souligne qu’il ne faut pas tout confondre. Vous avez indiqué à l’Assemblée nationale que cette augmentation n’était pas destinée à mener une politique de santé publique de lutte contre l’alcoolisme. Convenons en effet que ce serait un peu court comme politique de prévention, le sujet étant autrement plus complexe.
Dès lors, et je ne suis pas le seul à le dire, toute augmentation de la fiscalité serait très mal ressentie par un secteur en crise sévère. Savez-vous que, dans nos régions, la viticulture est un facteur essentiel d’aménagement et de développement du territoire ? C’est bien souvent l’un des seuls secteurs qui tirent toute l’économie de nos départements. Savez-vous également que, en raison de la crise, certains vignerons ont des revenus inférieurs au SMIC, tandis que d’autres ne perçoivent pas plus que le montant du RMI ?
M. Guy Fischer. Eh oui, ils sont à la limite !
M. Roland Courteau. Voilà pourquoi toute hausse de la fiscalité est malvenue.
Faut-il ajouter que les pays concurrents bénéficient dans ce domaine d’une fiscalité égale à zéro ? Faut-il rappeler que, en France, le vin supporte une TVA de 19,6 %, alors que celle-ci n’est que de 5,5 % sur les autres produits agricoles ?
Bref, ce qu’attendent nos régions viticoles, ce sont des mesures d’accompagnement pour sortir de la crise et non des ponctions ou des prélèvements !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite apporter quelques précisions. J’ai effectivement indiqué que les mesures que M. le ministre en charge des comptes publics et moi-même proposions ne s’inscrivaient pas dans le cadre de la politique de santé publique très active que je mène et que je vous présenterai dans la loi « Hôpital, patients, santé, territoires ».
M. Guy Fischer. On pourra en reparler !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Aujourd’hui, avec Éric Woerth, nous ne proposons pas une augmentation des tarifs des droits indirects sur les boissons et les alcools ; nous les mettons simplement à niveau, puisqu’ils n’avaient pas été augmentés depuis 1996.
M. Roland Courteau. Ils augmentent tout de même !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous avez bien fait, mesdames, messieurs les sénateurs, d’indiquer que le secteur viticole traversait des difficultés importantes. Je suis moi-même une élue de la troisième région viticole française.
C’est pourquoi je voudrais vous présenter quelques données chiffrées. La hausse de la charge fiscale, qui sera répercutée sur le consommateur, représente, par bouteille, 0,05 centime d’euro pour du vin, 0,11 centime d’euro pour du vin mousseux, 14 centimes d’euro pour un alcool fort, 2,88 centimes d’euro pour un vin de Porto, 0,97 centime d’euro pour du muscat de Frontignan,…
M. Roland Courteau. Il y a aussi le muscat de Rivesaltes !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …5,8 centimes d’euro pour du rhum, 0,5 centime d’euro pour un pack de bières.
Compte tenu du volume des ventes, il convient de prendre en considération la ressource que peut constituer pour la sécurité sociale cette remise à niveau de la taxation.
Peut-on véritablement dire que les augmentations proposées, qui seront répercutées sur le consommateur, vont mettre en difficulté une filière dont je reconnais les contraintes ?
M. Roland Courteau. Cela ne va pas l’arranger !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me permets de vous rappeler les chiffres : 0,05 centime d’euro par bouteille de vin.
M. Roland Courteau. Sur le revenu de viticulteurs au RMI ! (M. le rapporteur pour avis s’exclame.)
Mme la présidente. L'amendement n° 398, présenté par M. About, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
À compter du 1er janvier 2009, les droits sur les produits visés aux articles 402 bis, 403, 438 et 520 A du code général des impôts sont établis par l'application d'un tarif unique directement proportionnel au degré alcoométrique par volume des produits concernés.
Le tarif est calculé de manière à ce que la somme totale des droits perçus en 2009 atteigne 2 650 millions d'euros.
Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'avant-dernière année.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Le régime de taxation actuel des produits alcoolisés est non seulement complexe et disparate – plusieurs articles du code, bases de taxation retenues différentes –, mais également inégalitaire selon les produits concernés.
Aussi, afin de rendre plus équitable et plus lisible le dispositif actuel, il est proposé de remplacer les divers tarifs en vigueur par un seul taux, qui serait directement proportionnel au degré d'alcool par volume des produits alcoolisés.
Vous pouvez être étonnés de cette proposition. Nous sommes dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et, en tant que président de la commission des affaires sociales, j’ai en charge non pas les affaires économiques, les loisirs ou la distraction, mais la santé et la sécurité sociale.
De ce point de vue, il importe, me semble-t-il, de raisonner en termes de quantité d’alcool pur vendu ou absorbé, quels que soient la forme, le degré d’alcool et le prix du produit alcoolisé concerné.
En matière de santé publique, la seule chose qui compte, c’est la quantité d’alcool ingéré. C’est donc sur celle-ci que doit porter la taxation.
Mme la présidente. L'amendement n° 235, présenté par MM. Doublet, Laurent, Belot, Bailly, Bécot, Bizet, César, Dulait, Fouché, Gélard, de Montesquiou, Pintat et Revet, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° du I de cet article.
La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Il s’agit, mes chers collègues, d’un amendement de repli, au cas où les amendements tendant à la suppression de l’article 15 ne seraient pas adoptés.
Il est prévu, à l’article 15, une augmentation annuelle des tarifs des droits indirects sur les alcools en fonction de l’inflation constatée, et l’affectation à la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles d’une fraction des droits de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels.
Les droits indirects sur les alcools sont constitués de cinq taxes ; quatre d’entre elles sont régies par le code général des impôts. Ainsi, le tarif applicable aux produits dits « intermédiaires », conformément à l’article 402 bis du code général des impôts, est, par hectolitre, de 54 euros pour les vins doux naturels et de 214 euros pour les autres produits.
L’augmentation de la taxe est motivée par le fait que ces montants, comme vous l’avez très justement souligné, madame la ministre, sont inchangés depuis 1993.
Or, les produits intermédiaires, catégorie à laquelle appartiennent le pineau des Charentes, le macvin du Jura, le pommeau de Normandie et le floc de Gascogne, produits de terroir d’appellation d’origine contrôlée, sont soumis à une fiscalité beaucoup plus élevée par rapport aux autres produits viticoles français, mais aussi par rapport à la taxation des produits intermédiaires dans la communauté européenne.
En effet, la moyenne des accises portant sur les produits intermédiaires dans les vingt-sept pays de l’Union européenne est de 140 euros par hectolitre, contre 214 euros par hectolitre en France. Il faut savoir que le Martini, qui est l’un des produits viticoles les plus consommés en France, est taxé à 3,40 euros par hectolitre.
De plus, les droits d’accises sur les vins de liqueurs français représentent 82 % de la fiscalité des spiritueux, alors qu’ils sont de 49 % en moyenne dans les autres pays.
S’agissant de produits déjà surtaxés, l’instauration d’une indexation des droits de consommation prévue au 1° du paragraphe I de l’article 15, dont il est demandé la suppression, ne ferait qu’aggraver l’écart fiscal, déjà considérable, entre les pays.
Elle aurait également pour conséquence d’accroître les charges pesant sur les entreprises, et donc sur le consommateur final, dans un contexte économique déjà très défavorable.
Il convient en conséquence de geler toute hausse de la taxation des produits intermédiaires, d’autant que les modifications des règles d’affectation des droits sur les alcools, votés par l’Assemblée nationale, ne sont pas satisfaisantes, tant pour le financement du régime des retraites agricoles que du point de vue de la santé publique.
Mme la présidente. L'amendement n° 402, présenté par MM. Courteau, Rainaud, Pastor, Sutour, Besson, Piras et Guillaume, Mmes Cartron, Durrieu et Schillinger, MM. Patriat, Collombat, Madrelle, Raoul, Domeizel, Teston, Chastan, Ries, Anziani et Bérit-Débat, Mme Alquier et M. Miquel, est ainsi libellé :
Supprimer le 3° du I de cet article.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à supprimer l'augmentation du droit de consommation pour les boissons suivantes : le vin, y compris les vins doux naturels et les vins mousseux, le cidre, l'hydromel et le poiré.
Je le répète, le secteur vitivinicole est en crise. Il faut en tenir compte. Je ne reprendrai pas l’argumentation que j’ai développée voilà quelques instants, mais je persiste et je signe.
Mme la présidente. L'amendement n° 89 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, M. Türk, Mmes Procaccia et Bout, M. Adnot, Mme Sittler, MM. Richert et Grignon et Mme Henneron, est ainsi libellé :
Compléter le 4° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce relèvement ne peut intervenir que si l'évolution de la production en volume des produits concernés constatée par l'enquête annuelle du Ministère de l'Agriculture au cours de l'avant dernière année servant de base à ce relèvement est positive. »
La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Les droits d'accises acquittés annuellement par la profession brassicole atteignent un montant de 385 millions d'euros, dont la charge est répartie sur quelques dizaines d'entreprises, quatre d’entre elles en acquittant l'essentiel.
Compte tenu de l'état préoccupant de la profession brassicole – les ventes de bière ont diminué de près de 4 % en 2007 –, il semble économiquement et socialement opportun de proportionner l'augmentation des droits d’accises à l'évolution des volumes fabriqués sur le territoire national.
Cet amendement vise donc à encadrer, et non à supprimer, l’une des mesures instituées par l’article 15. Cela étant, j’ignore si le dispositif que je propose pourrait s’appliquer à l’ensemble de l’article.
Mme la présidente. Les amendements nos 80 rectifié quinquies, 264 rectifié et 381 sont identiques.
L'amendement n° 80 rectifié quinquies est présenté par Mme Henneron, MM. Gilles et A. Dupont, Mme Rozier, M. Bécot, Mme Desmarescaux et MM. Lecerf, Houel, Adnot, Doublet, Juilhard, Laurent, Türk, Belot, Houpert, de Montesquiou et Revet.
L'amendement n° 264 rectifié est présenté par MM. S. Larcher, Lise, Gillot, Patient et Antoinette, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 381 est présenté par Mme Gourault.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 1° bis du II de cet article.
La parole est à Mme Françoise Henneron, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié quinquies.
Mme Françoise Henneron. Cet amendement a pour objet de supprimer une disposition adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à surtaxer les spiritueux et les alcools forts en remplaçant les mots : « 0,13 euro » par les mots : « 0,16 euro » au sein de l'article L. 245-9 du code de la sécurité sociale.
Une telle disposition, qui a été adoptée sur l'initiative des députés, s’inscrit dans une logique non pas de santé publique, mais de taxation des produits concernés, qui supportent déjà 82 % – c’est considérable ! – de la fiscalité spécifique.
La pénalisation systématique de ce type de boissons, outre qu’elle ne permet pas de résoudre le problème de l'alcoolisme, met en difficulté les entreprises productrices, notamment les plus petites.
Une telle augmentation, à hauteur de 23 %, n’est pas supportable pour les producteurs de spiritueux, qui seront les seuls à être ainsi surtaxés et stigmatisés.
C’est pourquoi nous souhaitons en revenir à la rédaction initiale de l'article L. 245-9 du code de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 264 rectifié.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise à supprimer le 1° bis du II de l’article 15, c'est-à-dire une disposition introduite par nos collègues députés à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale, M. Yves Bur.
L’article 15 prévoit l’indexation annuelle des droits d’accises et de la cotisation de sécurité sociale sur l’inflation à partir du mois de janvier 2009.
Du fait de l’adoption de l’amendement du rapporteur à l’Assemblée nationale, la cotisation de sécurité sociale, qui s’applique seulement aux alcools supérieurs à vingt-cinq degrés, passera de 0,13 euro à 0,16 euro par décilitre, soit une augmentation de 23 %, avant indexation.
Si elle était adoptée en l’état, une telle mesure aggraverait les effets de l’article 15, qui venait déjà peser sur les entreprises du secteur en indexant les droits d’accises sur l’inflation.
Un tel alourdissement de la fiscalité des spiritueux aurait donc pour conséquence de pénaliser les petites entreprises du secteur, notamment les petits producteurs de calvados, d’armagnac, de rhum ou encore d’eaux-de-vie de fruits. Je le rappelle, cette filière est composée à 95 % de PME et représente plus de 100 000 emplois directs et indirects.
En outre, dans le cadre de la libre négociation avec la grande distribution, qui a été instituée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, l’augmentation de la fiscalité des spiritueux sera supportée par les PME du secteur, qui seront obligées de réviser leurs marges à la baisse. Elle aura également pour effet d’opérer une plus grande discrimination entre les spiritueux et les autres boissons alcoolisées. Or le degré d’éthanol contenu dans les vins, bières ou spiritueux est exactement le même et engendre une alcoolémie identique pour un verre contenant dix grammes d’alcool pur.
En outre, le seul argument de santé publique invoqué par M. Bur pour justifier son amendement est inopérant. En effet, l’objectif qui doit être visé, c’est la lutte contre la consommation excessive de toute boisson alcoolisée, et non contre celle des seuls spiritueux.
Comme l’a souligné le député de l’Ardèche Pascal Terrasse lors de l’examen de l’article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, le 30 octobre dernier, on ne mène pas une politique de santé publique en augmentant les taxes.
Au demeurant, l’augmentation des prix des boissons alcoolisées n’entraîne pas de diminution de la consommation des personnes à risques. Elle conduit simplement à d’autres modes de consommations, tels le recours à des achats transfrontaliers ou le report sur d’autres produits alcoolisés.
Par conséquent, nous souhaitons le retrait total de cette disposition. Permettez-moi d’insister sur l’importance que cela revêt pour nos économies locales dans une période où l’avenir des entreprises de la filière canne-rhum-sucre de la Martinique est plus qu’incertain.
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission, qui souhaite demeurer fidèle à ses positions habituelles sur les droits d’accises, a le même avis sur tous ces amendements. C'est la raison pour laquelle j’émettrai, si vous le permettez, un avis général sur l’ensemble.
Je le rappelle, l’article 15 a pour objet d’introduire une indexation sur l’inflation de ces droits – actuellement, cela n’existe pas –, ce qui aura pour conséquence d’augmenter les tarifs des droits d’alcool de 1,5 % sur l’exercice 2009, compte tenu du niveau d’inflation constaté. Une telle indexation n’a pas eu lieu depuis une quinzaine d’années. Ainsi, pendant toute cette période, les producteurs ont bénéficié de la même taxation. Ils ont donc pu anticiper une augmentation future, nécessairement amenée à se produire un jour ou l’autre. Ils ne s’attendaient sans doute à ce qu’une telle hausse soit « mise au frigidaire » pour l’éternité.
Tout à l’heure, Mme la ministre a précisé quelle serait l’incidence réelle en euros de cette disposition par bouteille.
En l’occurrence, nombre d’amendements ont été déposés, mais tous n’ont pas le même objet. Certains visent à supprimer l’article 15, d’autres tendent à en supprimer une partie seulement, par exemple la hausse applicable aux vins, la hausse applicable aux bières, la surtaxe votée à l’Assemblée nationale sur les alcools forts ou l’augmentation qui concerne les produits intermédiaires, comme le pineau des Charentes. Quant à l’amendement de notre collègue Nicolas About, il vise à rédiger entièrement l’article. Au sein de la commission des affaires sociales, nous estimons que sa proposition aurait une véritable cohérence dans le cadre d’une politique de santé publique. Mais Mme la ministre nous a indiqué tout à l’heure que l’article 15 ne s’inscrivait pas dans cette perspective pour le moment, des dispositions spécifiques étant prévues dans le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Par conséquent, l’article 15 tend simplement à actualiser les droits d’accises applicables pour le moment. Toutefois, nous n’échapperons pas à une réflexion sur le lien qui doit exister entre une politique de santé publique et la consommation d’alcool. En effet, il a été décidé par la représentation nationale d’affecter au régime agricole le produit des droits sur l’alcool, puisque ce sont les agriculteurs qui bénéficient des dispositions de cette recette à travers leurs cotisations.
Par ailleurs, certains de nos collègues défendent les producteurs de vins et de boissons alcoolisées. Or si nombre de professions agricoles, comme les céréaliers ou les éleveurs, ne peuvent pas répercuter une taxe ou une revalorisation d’une partie de la matière première qu’ils subiraient sur le produit de vente, un viticulteur a cette possibilité. On ne peut donc pas prétendre que les professionnels de ce secteur soient défavorisés par rapport aux autres agriculteurs.
Enfin, je terminerai sur un point. Les auteurs des amendements dont nous sommes saisis se placent dans une logique strictement économique. La commission des affaires sociales s’inscrit, quant à elle, dans une logique de santé publique. La difficulté, c’est bien de rendre compatibles les impératifs de santé publique et les impératifs économiques.
Mme la ministre ayant précisé que l’objet strict du projet de loi de financement de la sécurité sociale n’était pas de répondre à des impératifs de santé publique, je laisse à chacun le soin d’apprécier le sort qu’il entend réserver à ces amendements.
Quoi qu’il en soit, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons bien entendu les arguments des différents orateurs qui se sont exprimés. Chacun a, et c’est naturel, beaucoup d’amour pour sa région et souhaite en défendre les productions vitivinicoles.
Pour autant, quelle est la position du Gouvernement ? Il ne s’agit pas de sanctuariser telle ou telle filière sous prétexte qu’elle serait mieux défendue que d’autres. D’ailleurs, cela vaut pour l’ensemble des secteurs.
En réalité, nous voulons indexer sur l’inflation les droits sur l’alcool. En effet, la fiscalité du vin n’a pas évolué depuis 1983, et celle des autres boissons alcoolisées est restée inchangée depuis 1996. Vous le voyez, notre objectif n’est pas de réaliser un gain important sur une année ; nous affirmons simplement un principe. En termes financiers, personne ne verra la différence sur l’année 2009. Cette dernière apparaîtra au fur et à mesure, en fonction de l’inflation. L’augmentation sera de seulement 1,5 %, et sur de tout petits niveaux. D’ailleurs, ma collègue Roselyne Bachelot-Narquin vous a indiqué tout à l’heure l’effet de cette mesure par bouteille.
Mais nul ne peut penser que cela aura des conséquences sur le prix et sur le niveau de consommation des produits concernés.
Le débat est donc un peu surréaliste. Nous ne demandons même pas un rattrapage. Certes, il y en a eu un pour les alcools forts, et l’Assemblée nationale demande un dispositif similaire pour le vin. Pas nous.
Nous souhaitons simplement l’institution d’un système d’indexation, comme cela se pratique pour tous les autres produits. Les dépenses sont toujours indexées. Je ne vois pas pourquoi il n’en irait pas de même pour les recettes.
Après tout, mesdames, messieurs les sénateurs, vous comme moi sommes des élus de la nation. À ce titre, nous savons que la sécurité sociale a besoin de recettes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Éric Woerth, ministre. Vous êtes d’ailleurs les premiers à défendre, et à juste titre, le principe de la sécurité sociale.
Notre démarche ne constitue nullement une attaque contre le secteur vitivinicole. Beaucoup de gouvernements ont demandé beaucoup plus. Il ne s’agit pas d’une mesure brutale. Nous voulons seulement lever un tabou. Mais cela ne changera rien du tout à l’équilibre économique des producteurs. Simplement, les droits d’accises évolueront au fur et à mesure, en fonction de l’inflation.
Cela permettra donc d’assouplir le dispositif, de l’appliquer de manière linéaire, sans susciter de débat, à l’ensemble des droits sur les alcools, et de repartir d’un bon pied.
Croyez-moi, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet.
L’Assemblée nationale a adopté un amendement, auquel le Gouvernement n’était pas favorable, concernant les alcools forts. Dont acte.
En revanche, l’indexation des droits sur le vin et les alcools est vraiment une mesure a minima, et il ne faut pas qu’il y ait de malentendu à cet égard avec l’ensemble de la profession. J’ajoute que cette disposition est sans aucun impact économique sur vos régions. Qui pourrait penser que le Gouvernement serait opposé à un secteur qui, par ailleurs, est soutenu par l'État ?
C’est dans cet esprit que nous vous proposons cet article que vous pouvez voter très calmement, avec la certitude de pouvoir retourner dans vos départements la tête haute.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Permettez-moi de compléter les excellents propos tenus par Éric Woerth.
J’ai très clairement montré l’impact de cette mesure, en la ramenant à son incidence par bouteille.
La hausse ne sera pas supportée par les producteurs et viticulteurs. Elle sera répercutée sur le consommateur, et ce de manière extrêmement modeste, puisqu’elle s’élèvera à 0,05 centime d’euros par bouteille de vin ! Il faut donc dans ce domaine savoir raison garder ! Il s’agit d’une simple remise à niveau de la taxe.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 93 rectifié, 228 et 423 visant à supprimer l’article15.
Par l’amendement n° 398, M. About propose de revoir l’architecture de la fiscalité applicable à l’ensemble des alcools, en instaurant un tarif unique directement proportionnel au degré alcoométrique par volume des produits, le tout à rendement constant.
Tout en comprenant bien la volonté de simplification de M. About, nous souhaitons, pour notre part, appliquer de façon équitable à tous les alcools une hausse de taxe très faible. Cette hausse vise simplement à éviter que la charge fiscale ne diminue chaque année sous l’effet de l’inflation.
Par ailleurs, je crains qu’une tarification unique en fonction du degré d’alcool ne soit pas compatible avec les directives communautaires. En effet, la Commission privilégie une approche par produit et fixe un taux minimum de taxation pour chacun d’eux. Avec le dispositif que vous proposez, ce taux risquerait de ne pas être respecté dans certains cas.
Enfin, un rapide calcul sur la base de recettes constantes montre que ce taux unique reviendrait à taxer beaucoup plus fortement les vins et les bières et beaucoup moins les alcools, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de santé publique recherché par le Gouvernement.
Ces effets de substitution entre filières de production déstabiliseraient certaines d’entre elles, notamment la filière vitivinicole, dont nous avons beaucoup parlé.
C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable, en l’état, à cet amendement, même si j’ai bien noté que c’était plutôt un amendement d’appel pour susciter le débat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De santé publique !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les amendements identiques nos 80 rectifié quinquies et 264 rectifié concernent la surtaxation des alcools forts et visent à supprimer la hausse de 23 % du montant de la cotisation sur les alcools de plus de vingt-cinq degrés, votée par l’Assemblée nationale.
À l’évidence, il ne me paraît pas opportun de réserver un traitement différent pour les alcools forts, qui sont d’ores et déjà plus taxés que les autres alcools.
Notre objectif, je vous le rappelle, est d’appliquer de façon équitable à tous les alcools une hausse très faible des taxes pour éviter que la charge fiscale ne diminue chaque année sous l’effet de l’inflation.
Je m’en remets toutefois à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Madame la ministre, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur mon amendement n° 89 rectifié, qui vise, s’agissant de la profession brassicole, à proportionner l’augmentation des droits d’accises à l’évolution des volumes fabriqués sur le territoire national ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pardonnez-moi, madame Desmarescaux, d’avoir omis de répondre à votre amendement.
Comme je l’ai dit à l’instant, nous proposons d’augmenter de 1,5 %, c'est-à-dire du taux d’inflation constaté en 2007, les tarifs applicables à l’ensemble des alcools.
Nous ne souhaitons pas porter atteinte à l’esprit de notre mesure, qui est d’appliquer de façon équitable à tous les alcools une hausse extrêmement faible. D'ailleurs, le terme « hausse » ne convient pas, car il s’agit plutôt d’une remise à niveau des taxes, destinée, je le redis, à éviter que la charge fiscale ne diminue chaque année sous l’effet de l’inflation.
En ce qui concerne les bières, l’impact sera extrêmement faible, puisqu’il ne représentera que 0,5 centime d’euro pour un pack de six bouteilles de bière de trente-trois centilitres chacune ! On ne peut être plus explicite !
On ne peut sérieusement avancer qu’une revalorisation aussi faible soit de nature à peser sur le secteur brassicole. En revanche, elle peut apporter, sur le volume total, des recettes intéressantes pour la sécurité sociale.
Dans ces conditions, madame la sénatrice, je vous serais très obligée de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Madame Desmarescaux, l’amendement n° 89 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Desmarescaux. Je remercie le Gouvernement de ces explications claires et je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 89 rectifié est retiré.
La parole est à M. Daniel Laurent, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 93 rectifié, 228 et 423 ?
M. Daniel Laurent. Je redis qu’il est primordial que les sénateurs que nous sommes se mobilisent pour éviter que nos viticulteurs ne soient encore plus pénalisés par cette fiscalité que je juge totalement injuste.
Même si vous essayez de nous démontrer qu’elle est faible, elle est toujours trop élevée, sachant qu’elle s’applique souvent à des produits de qualité et de luxe déjà très chers et difficiles à commercialiser dans la conjoncture actuelle.
Il faut aussi savoir que, dans certaines régions de France, que nous représentons les uns et les autres, ceux qui cultivent ces produits de luxe ou de qualité sont également engagés dans la polyculture. Ils se trouvent donc doublement pénalisés puisqu’ils ont également à subir les difficultés liées aux autres productions agricoles, notamment céréalières, auxquelles M. le ministre de l’agriculture et de la pêche s’efforce actuellement d’apporter des solutions.
J’insiste donc sur le bien-fondé de ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. L’article 15 prévoit de réajuster les droits de consommation sur les alcools, ce qui est tout à fait justifié sachant que leur montant n’a pas été modifié depuis vingt-cinq ans pour les vins, et depuis 1993 pour les alcools forts et les bières, comme nous l’a expliqué le Gouvernement.
Quant au montant de la cotisation sur les alcools de plus de vingt-cinq degrés, il a même légèrement baissé !
Il est donc nécessaire de réactualiser ces contributions, d’autant plus que Mme la ministre a précisé à l’Assemblée nationale que les sommes relatives aux vins en particulier seront affectées en totalité aux retraites agricoles.
En outre, si l’indexation proposée pour les vins, par exemple, n’aura que peu d’impact sur la filière viticole, puisqu’elle représentera un supplément très modeste, elle rapportera tout de même 15 millions d'euros à l’État pour 2009.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter contre les amendements de suppression nos 93 rectifié, 228 et 423.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 93 rectifié, 228 et 423.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur About, l’amendement n° 398 est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Non, madame la présidente, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 398 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 235.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 80 rectifié quinquies et 264 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Je serai brève compte tenu de l’heure tardive.
Les explications données par Mme la ministre sur le coût effectif de cette mesure devraient rassurer les producteurs normands de pommeau, de calvados et autres alcools forts.
J’ajoute qu’il s’agit d’un secteur extrêmement important, toujours tiraillé entre les problèmes de santé publique et les difficultés économiques.
Ce soir, nous avons trouvé un équilibre, me semble-t-il, ce qui devrait apaiser les producteurs, notamment ceux de Mayenne, à la situation desquels la commission des finances n’est sans doute pas insensible… (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 80 rectifié quinquies et 264 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Dépôt d'une proposition de loi
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 94, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
11
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
Mme la présidente. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision du Conseil autorisant la commission à négocier avec la Géorgie un accord de réadmission entre la Communauté européenne et la Géorgie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4083 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Initiative de la France visant à modifier l’annexe 13 des instructions consulaires communes relative au remplissage de la vignette-visa.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4084 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité européenne du marché des communications électroniques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4085 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l’Union européenne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4086 et distribué.
12
Dépôt d'un rapport d'information
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Joël Bourdin un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur les refus d’apurement des dépenses agricoles communautaires en France.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 93 et distribué.
13
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 17 novembre 2008 :
À dix heures :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À quinze heures et le soir :
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 80, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
Rapport (n° 83, 2008-2009) de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot et Mme Sylvie Desmarescaux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 84, 2008-2009) de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 14 novembre 2008, à une heure trente.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD