M. Guy Fischer. C’est bien, monsieur Leclerc !
M. Dominique Leclerc. Non, mon cher collègue, c’est ce que je crois !
En ce qui concerne les retraites, si je suis totalement d’accord avec le Gouvernement pour développer l’emploi des seniors, je pense que d’autres mesures devront être évaluées et mises en œuvre.
Il conviendrait, d’abord, de prévoir l’aménagement du congé de mobilité pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans, de manière à renforcer l’attractivité du dispositif.
Il faudrait, ensuite, introduire une harmonisation des régimes sociaux et fiscaux des indemnités de rupture en cas de départ volontaire, de rupture conventionnelle ou de licenciement.
Enfin, les seniors devraient bénéficier d’aménagement de leurs conditions de travail pour rester dans l’emploi. II nous faut trouver un nécessaire équilibre entre retraite complète, retraite partielle et retraite progressive, entre emploi à mi-temps et emploi à plein temps.
De telles mesures ne peuvent voir le jour que par voie conventionnelle et par la mise en œuvre de contrats de travail adaptés répondant aux attentes des salariés, et aussi des employeurs.
De plus, à l’évidence, il importe de réduire le déficit de l’assurance vieillesse. Comme beaucoup d’intervenants qui m’ont précédé, je suis inquiet de l’augmentation rapide de ce déficit, devenu structurel. À court terme, nous devons absolument faire des économies plus substantielles sur les dépenses afin d’éviter de perdre la maîtrise des comptes. Les transferts de ressources en provenance de l’UNEDIC et de la branche famille ne seront pas suffisants.
Je suis convaincu que les ajustements paramétriques ont trouvé leurs limites.
Ainsi, l’augmentation de quatre à cinq points du taux des cotisations est impossible, car elle se révèle incompatible avec le maintien de la compétitivité. Faut-il alors renoncer à augmenter les cotisations et diminuer le montant des pensions versées ? Inacceptable ! Quant à l’allongement de la durée des cotisations, il paraît difficile de l’envisager dans un contexte économique tendu ; en outre, cela supposerait de régler le travail des seniors.
De fait, le système par annuités utilisé aujourd’hui est déjà virtuellement condamné. En effet, non seulement il tend à devenir progressivement irréformable, mais, surtout, il est à bout de souffle et pénalisera bientôt très lourdement les générations futures.
Les jeunes actifs d’aujourd’hui bénéficieront de retraites inférieures à celles des baby boomers. Poursuivre l’application du système actuel aboutirait à créer une solidarité inversée. Nous devons y faire très attention : le pacte entre les générations, déjà bien fragile, risquerait alors de s’effondrer.
En outre, notre système de retraite est très inégalitaire. M. le ministre Xavier Bertrand a émis le souhait cet été, à l’occasion de la réforme des régimes spéciaux, que l’ensemble des Français soient placés sur un pied de stricte égalité. Il préconisait d’établir un socle de principes communs.
Le système actuel est inégalitaire et suscite nombre d’interrogations : pourquoi existe-t-il des taux de cotisation différents ? Pourquoi prévoit-on une période de référence des vingt-cinq meilleures années pour les uns et des six derniers mois pour les autres ? Les disparités sont trop grandes. Comme le disait M. Xavier Bertrand, au nom du principe d’équité, il faut aller vers une harmonisation des critères principaux.
On ne redonnera vraiment confiance aux Français envers leur régime de retraite par répartition qu’en réalisant, en 2010 ou 2012, une réforme structurelle fondée sur des principes de contributivité et d’équilibre automatique des comptes. Certains pays l’ont imaginé. Par voie d’amendement, je vous en proposerai l’expertise et l’évaluation afin que nous soyons prêts pour le prochain rendez-vous l (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la famille devait être, selon le Président de la République, la pierre angulaire de la cohésion sociale et la garantie d’un équilibre harmonieux de notre société.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2009 est, à ce titre, une fois de plus, une occasion manquée, sans véritable ambition pour la politique familiale.
Je regrette de constater, à la lecture des quelques articles du projet de loi consacrés à la branche famille, que l’ambition de la politique gouvernementale se résume, d’une part, au financement des avantages familiaux des pensions et, d’autre part, à l’amélioration de l’accueil des jeunes enfants.
Une politique familiale devrait, à mon sens, prendre en compte la mutation de notre société et mieux soutenir les familles, non seulement à la naissance des enfants, mais aussi à l’adolescence, période où la charge financière devient plus lourde.
Une réflexion devrait être menée également sur les aides et le soutien à apporter aux jeunes adultes restant de plus en plus longtemps au sein du foyer parental, pour leur permettre, s’ils le souhaitent, d’accéder à leur autonomie plus rapidement.
Depuis plusieurs années maintenant, la branche famille se focalise sur la problématique de l’offre de garde du jeune enfant sans réellement offrir de possibilités de choix aux familles.
La prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, – qui correspond, en réalité, à une redistribution d’aides et à une amélioration de l’allocation de garde d’enfant à domicile, l’AGED – s’est révélée beaucoup plus coûteuse que prévu et n’a pas permis de pallier l’insuffisance globale de l’offre de garde, alors que le coût moyen d’un enfant gardé a augmenté de 60 %, que le nombre de places chez les assistants maternels n’a guère progressé, que le nombre de places disponibles en garde collective et en crèche n’a augmenté, entre 2000 et 2007, que de 2 % par an, soit à peine le taux d’augmentation de la natalité.
En outre, un certain nombre de places créées ne sont pas ouvertes en raison d’un déficit d’encadrement et de personnels.
L’objectif n’est donc pas atteint. Les aides publiques n’ont pas sensiblement permis aux parents de choisir leur mode de garde. Le nombre de ceux qui sont contraints d’interrompre leur activité professionnelle pour garder leurs enfants s’est accru de 7 % entre 2003 et 2006. C’est un constat formulé par la Cour des comptes, mais aussi par Mme Tabarot, dans son rapport.
Aujourd’hui, la branche famille est excédentaire de 400 millions d’euros. Mais à quel prix !
La loi de financement pour la sécurité sociale pour 2008 comportait des mesures d’économies sévères qui ont engendré une perte de pouvoir d’achat pour les familles, estimée à 250 millions d’euros. Je pense, notamment, à l’unification des majorations pour âge des allocations familiales, qui représentera une économie de 200 millions d’euros en 2009.
M. Roland Courteau. C’est exact !
Mme Claire-Lise Campion. À cela, s’ajoutent deux éléments supplémentaires.
Tout d’abord, des marges apparaissent du fait de prestations décroissantes en volume, les familles nombreuses étant plus rares aujourd’hui.
Ensuite, les revalorisations des prestations ne sont pas à la mesure de l’augmentation du coût de la vie. Au 1er janvier 2008, le montant des allocations familiales a été augmenté de 1 %, alors que l’indice des prix, lui, enregistrait une hausse de 3 %, et ce dans un contexte économique qui reste très difficile.
Depuis 1980, l’Observatoire français des conjonctures économiques a constaté un décrochage de 25 % entre le niveau des rémunérations et celui des prestations familiales.
M. Roland Courteau. Et voilà !
Mme Claire-Lise Campion. La prise en charge de l’intégralité des majorations de pensions pour enfant en 2009 entraînera une dépense supplémentaire de 415 millions d’euros, soit l’équivalent de la totalité de l’excédent de la branche.
Avons-nous encore une politique de la famille ? La question se pose.
M. Roland Courteau. Bonne question !
Mme Claire-Lise Campion. Aucune marge de manœuvre n’est prévue pour des actions nouvelles. L’année prochaine, les recettes seront en régression et les excédents, consacrés en totalité au financement des avantages sociaux liés à d’autres branches.
Certes, le processus concernant la prise en charge des majorations de pensions avait été engagé sous le gouvernement de Lionel Jospin, mais dans un contexte économique totalement différent de celui que nous connaissons actuellement.
Un étalement dans le temps aurait permis de dégager des mesures attendues par les familles et source de pouvoir d’achat. Je pense à l’ouverture des allocations familiales dès le premier enfant. N’est-ce pas une mesure qui avait été portée par M. Sarkozy lorsqu’il était candidat à la présidence de la République ?
M. Sarkozy avait également indiqué : « Notre objectif est la mise en place d’un droit de garde opposable effectif à la fin de la présente législature. »
La terminologie s’est modifiée : vous parlez maintenant d’un droit d’accompagnement à la garde d’enfant. Pour cela, il faudrait créer 350 000 nouvelles places d’ici à 2012, ce qui ne semble pas très réaliste !
M. François Autain. Pas très, non !
Mme Claire-Lise Campion. Il ne faut voir là qu’un effet d’annonce, et ce à plus d’un titre.
Tout d’abord, la progression de 6 % du Fonds national d’action sanitaire et sociale, le FNASS, afin de créer chaque année 22 000 places supplémentaires en crèche, comme vous l’avez annoncé lors de la dernière réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, n’est pas cohérente. En effet, selon les informations des gestionnaires de la branche famille, une telle augmentation du FNASS permettrait au mieux de financer 7 300 places d’accueil.
De plus, les caisses d’allocations familiales vont devoir assumer la mise en place du RSA. Elles ne pourront remplir leurs obligations avec qualité que si des moyens nouveaux leur sont octroyés.
La signature de la prochaine convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNAF pour la période 2009-2012 doit en tenir compte et être à la mesure de ces nouveaux défis.
Il faudra que des moyens nouveaux soient consacrés au fonctionnement des caisses d’allocations familiales, alors qu’elles ont été contraintes précédemment de ne pas remplacer un départ à la retraite sur trois. Il y a beaucoup de tensions dans les caisses.
Alors que j’évoque la prochaine convention d’objectifs et de gestion, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remarquer qu’il aurait été souhaitable qu’il y ait davantage de transparence et que les parlementaires aient connaissance de la teneur des négociations.
De plus, quatre ans pour une convention d’objectifs et de gestion, c’est trop court. Dix ans serait une période plus pertinente pour avoir une bonne vision des dépenses et de la montée en charge des prestations. Chacun sait que, pour une collectivité, un projet de crèche représente d’emblée quatre à cinq années.
J’en viens, à présent, à la mesure visant à augmenter le taux d’encadrement des enfants par assistant maternel. Estimer que cet assouplissement permettra la création de 10 000 places d’accueil supplémentaires n’est ni raisonnable ni réaliste.
Le nombre de places disponibles chez les assistants maternels est celui qui est défini au moment de l’agrément, mais tous ne sont pas disponibles pour assurer l’accueil d’un nombre correspondant d’enfants. Il n’y a pas d’étude fiable et nous ne disposons d’aucune statistique sur le taux d’activité des assistants maternels. Aucune étude n’a été réalisée pour expliquer le taux de non-exercice de 32,6 % des assistants maternels, taux qui ne saurait être interprété comme un potentiel de garde. Il n’y a pas d’étude, non plus, pour connaître les raisons de la sous-activité des assistants maternels, notamment dans les départements où l’on constate une forte discordance entre le nombre de places agréées et les places d’accueil réellement proposées.
L’assouplissement que vous proposez pour la profession d’assistant maternel appelle donc de nombreuses réserves.
Je suis également réservée, au vu des conditions actuelles, sur la proposition de regrouper plusieurs assistants maternels dans un même local. Vous avez, à mon sens, renoncé un peu rapidement, et sans contrepartie, au caractère expérimental de la mesure. J’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet dans le cours de nos débats.
J’en arrive à la majoration de 10 % du complément de libre choix du mode de garde en fonction des contraintes horaire de travail. Cette proposition tente d’apporter une réponse aux contraintes et aux charges que connaissent les parents concernés. Mais encore faut-il que les parents trouvent des structures adaptées !
Des aménagements et une certaine souplesse dans les critères établis dans les contrats « enfance et jeunesse » devraient être, en parallèle, accordés. Je reviendrai également sur ce point dans la suite de la discussion.
Vous nous proposez une aide financière en direction des parents ; fort bien ! Mais ce problème d’offre prenant en compte les besoins spécifiques de travail des parents sera de plus en plus criant, si j’en crois la volonté du Gouvernement de développer le travail le dimanche. Et ne nous parlez pas de la liberté de choix qui sera celle de nos concitoyens de travailler ou non le dimanche ! Où sera la liberté du salarié ?
MM. Roland Courteau et Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
Mme Claire-Lise Campion. Pour considérer l’offre d’accueil ou le « droit opposable » comme un progrès, il faudrait que, au préalable, soit mis en place une information accessible pour les parents et établi un diagnostic sur les carences actuelles de l’organisation des modes de garde et les besoins non satisfaits des familles. J’ai noté avec intérêt que vous comptiez mettre en place un guichet unique. Les familles en ont un urgent besoin.
Il faudrait également, deuxième préalable, opérer un cadrage financier et une clarification des mécanismes de financement. Il est important, en effet, d’améliorer les projections financières de la branche famille pour avoir une meilleure visibilité des marges de manœuvre financières qui se dégageront.
Enfin, il faudrait surtout que l’on redonne confiance aux collectivités locales, partenaires essentiels, en mettant en place une planification pluriannuelle des financements des établissements d’accueil des jeunes enfants pour éviter les changements de règle en cours de contrat qui stoppent les projets ou les mettent en grandes difficultés, comme ce fut le cas avec les nouveaux contrats « enfance et jeunesse ».
Par ailleurs, les aides devraient être mieux ciblées sur les familles aux ressources les plus modestes. Le taux d’effort des familles ne reflète pas la hiérarchie des coûts pour la collectivité. Ainsi, pour un accueil en crèche, le taux d’effort augmente quand le revenu du ménage passe de un à trois SMIC, mais il diminue quand le revenu atteint six SMIC.
J’ose espérer que le Haut Conseil de la famille, dont l’installation a récemment fait l’objet d’un décret, pourra définir les instruments qui permettront de soutenir les familles en prenant en compte la globalité de leurs problèmes.
D’année en année, légitimement, les acteurs de la politique familiale regrettent que notre pays n’ait pas une vision plus ambitieuse de la politique familiale. Nous le déplorons également. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je répondrai en quelques mots, même si le débat a été riche, aux différents orateurs qui ont posé des questions ou fait des commentaires dans les domaines qui sont les miens.
Je remercie Alain Vasselle d’avoir salué la volonté de transparence et de sincérité du Gouvernement, que le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, a également soulignée. Il est vrai que la tâche n’est pas si facile en ce moment…
Notre objectif était d’apporter des solutions à trois problèmes : celui du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA ; la reprise des dettes ; la clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Et, contrairement à ce que j’ai pu entendre dire ici ou là, ces problèmes, nous les réglons.
Le prochain collectif budgétaire que je présenterai en conseil des ministres le 19 novembre apurera entre 900 millions et 1 milliard d’euros de dettes anciennes. En particulier, les dettes issues du régime social des indépendants et de la SNCF seront reprises, et je limiterai la reconstitution de dettes nouvelles en 2008 par des ouvertures de crédits.
Nous continuons donc d’avancer sur ce thème difficile et, pour 2009, nous ouvrons des crédits à la hauteur de ce que proposent les régimes, et non pas uniquement à la hauteur de ce que propose la direction du budget.
En ce qui concerne le FFIPSA, nous réglons la question de la branche maladie. Reste indéniablement, certains l’ont souligné, à régler celle de la branche vieillesse. Quoi qu’il en soit, la reprise de la dette par l’État fera économiser à la branche vieillesse du FFIPSA 200 millions d’euros de frais financiers, ce qui est un pas.
Par ailleurs, nous apportons des recettes nouvelles à la partie vieillesse de la Mutualité sociale agricole grâce à l’indexation des droits sur les alcools prévue à l’article 15 du présent projet de loi de financement. C’est modeste, mais c’est un début.
En 2010, nous devrons aller plus loin et régler cette question au fond dans le cadre du bilan de l’ensemble des régimes que le Gouvernement, et plus particulièrement Xavier Bertrand, doit présenter.
Concernant la hausse des cotisations retraite compensée par la baisse des cotisations chômage, monsieur le rapporteur, l’intention du Gouvernement est bien de mettre en œuvre la loi de 2003, y compris malgré les circonstances économiques.
Certes, le chômage est reparti à la hausse ces dernières semaines. Nous devons évidemment lutter contre ce phénomène d’une façon extrêmement forte, ce que le Gouvernement s’emploie à faire. Cependant, cette hausse ne jouera pas suffisamment sur les comptes de l’UNEDIC – je m’en réjouis, compte tenu des scénarios sur lesquels travaille aujourd'hui l’UNEDIC – pour empêcher de faire la partie du chemin prévue pour 2009. Nous verrons ensuite pour 2010 et 2011. L’objectif, c’est 1 %. Nous prévoyons 0,3 % pour 2009. Il n’y a pas de raison de changer de tactique aujourd'hui, d’autant que l’UNEDIC n’en sera pas fragilisée. Nous maintenons donc le cap sur ce point.
Vous avez indiqué que le financement de la protection sociale devait être durable. Le Gouvernement a effectivement entendu vos propositions des années précédentes au sujet des stock-options et du forfait social. Nous n’irons peut-être pas jusqu’au niveau qui avait été évoqué ici ou là, mais un taux de 2 % reste tout à fait significatif.
L’article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale porte sur un sujet important, qui a été évoqué par M. Jean Boyer et par d’autres orateurs.
La règle, en l’occurrence, c’est la compensation. Quand on ne compense pas, ce ne peut être que pour l’une des trois raisons suivantes.
D’abord, il peut s’agir de mesures considérées comme exceptionnelles. C’est le cas des primes créées par la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat ou de celles prévues dans le projet de loi en faveur des revenus du travail. De telles mesures exceptionnelles, qui ne font pas l’objet de compensations, sont en fait assez peu nombreuses.
Ensuite, il peut s’agir aussi d’exonérations remplaçant des dispositifs qui, eux-mêmes, n’étaient pas compensés. La logique est respectée dès lors que cela ne vient pas se substituer à des éléments de rémunération du salarié. Il en est ainsi de la généralisation de la prime de transport. En Île-de-France, où cette prime est d’ores et déjà pratiquée, elle ne donne pas lieu à compensation dans la mesure où ce n’est ni une rémunération ni un complément de rémunération. Elle peut, en revanche, diminuer l’impôt sur les sociétés puisqu’il s’agit d’une charge supplémentaire pour l’entreprise.
Ce qui vaut pour la prime de transport vaut également, par exemple, pour les indemnités de rupture conventionnelle du contrat de travail, car il est juridiquement établi qu’elles ne constituent pas un élément de rémunération, et l’ACOSS y veille.
Enfin, les enjeux financiers peuvent être très faibles et surtout très difficilement quantifiables. Je pense, par exemple, à la franchise de cotisations applicable aux stagiaires pour le régime agricole ou à quelques autres dispositifs vraiment très ponctuels qui engagent des sommes très modestes.
Telle est la logique qui sous-tend cet article 22.
Cela étant, je rappelle tout de même que 92 % des exonérations sont aujourd’hui compensées et qu’une grande partie des 8 % d’exonérations non compensées date d’avant 1994, année qui a vu poser le principe de la compensation. Il faut donc surtout retenir les 92 % d’exonérations compensées.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit effectivement la création ou la modification de sept exonérations. Les deux plus importantes ont été compensées : il s’agit des rachats de jours de RTT et du « bouclier social », avec le régime des micro-entreprises. En revanche, nous réduisons aussi certaines mesures d’exonération : tel est le cas de la suppression des exonérations de cotisation pour les accidents du travail et les maladies professionnelles et de la révision des exonérations accordées l’année dernière au titre des ZRR et des ZRU.
Aux dispositifs qui viennent réduire les montants des exonérations de cotisations sociales s’ajoute la création en 2008 d’une contribution patronale spécifique sur les stock-options, rapportant 250 millions d’euros à la sécurité sociale. Ce n’est pas une petite mesure, contrairement à ce qu’ont affirmé certains intervenants ! Les stock-options sont aujourd’hui taxées à la fois socialement et fiscalement, comme elles doivent l’être.
Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est pas énorme !
M. Éric Woerth, ministre. Au final, le bilan de l’année 2008 est positif, avec 750 millions d’euros de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale – ou d’économies pour l’État –, 160 millions d’euros de nouvelles exonérations compensées et, c’est vrai, 300 millions d’euros d’exonérations non compensées, mais il s’agit essentiellement de primes non reconductibles.
Monsieur Lardeux, je ne partage pas votre analyse concernant les avantages familiaux. La branche famille doit, selon moi, récupérer progressivement des charges qui lui reviennent. Il y a une solidarité entre les différents régimes et elle doit jouer à plein. Au fond, c’est le même assuré social qui bénéficie de ces régimes et il n’y a pas de raison que certains soient en équilibre et d’autres non, surtout quand ils financent des charges qui ne sont pas liées à leur propre activité ; M. Jean Boyer l’a dit et je l’en remercie.
Cette vision n’est pas attentatoire à la politique de la famille. Nul ne veut remettre en cause les avantages familiaux, mais nous nous trouvons devant une situation financière difficile et nous ne voulons pas augmenter les prélèvements obligatoires. Il faut bien rétablir les choses telles qu’elles devraient être. Après tout, le monde a changé depuis l’époque où nos prédécesseurs avaient effectué le transfert inverse.
Monsieur Jégou, vous avez salué nos efforts pour gérer au mieux les fonds et réduire les surdotations du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP, et du Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS.
En ce qui concerne l’ONDAM, je souligne le réalisme de l’objectif de croissance de 3,3 %, que je qualifierai de volontariste. Toutefois, j’observe que, si nous vous annoncions 4 %, vous nous taxeriez de laxisme ! Je ne sais pas quel est le bon chiffre : le chiffre de 3,3 % correspond à l’évolution observée cette année. Ce sera peut-être difficile, mais je pense que nous pouvons donc tenir cet objectif. Nous allons nous y employer avec Roselyne Bachelot-Narquin et Xavier Bertrand, chacun pour sa part, tant à l’hôpital que pour les soins de ville. Nous voudrions surtout intervenir plus en amont, en créant des seuils d’alerte, etc.
S’agissant de la contribution des organismes complémentaires, elle ne fait que corriger le déport des dépenses des mutuelles complémentaires vers l’assurance maladie : il s’agit d’une mesure de neutralité financière. Nous essayons de rectifier certaines anomalies, sans augmenter les cotisations. Un financement important est ainsi apporté à l’assurance maladie, qui n’a aucune raison de supporter des charges dues simplement au classement chaque année de 200 000 ou 300 000 personnes supplémentaires en affection de longue durée, ce qui suppose une prise en charge à 100 %. Nous essayons donc de corriger cet effet.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, je me réjouis de la satisfaction que vous avez exprimée quant aux apports des programmes de qualité et d’efficience. Nous veillerons à améliorer encore cet instrument pour en faire un outil au service de la performance – voilà de beaux mots ! – des politiques de sécurité sociale.
Je vous remercie aussi de votre appréciation positive sur l’annexe 5, qui retrace toutes les exonérations : nous montrons là notre volonté de travailler en toute transparence, dans ce domaine comme dans d’autres. L’exercice est suffisamment difficile pour ne pas y ajouter de l’opacité ; débattons donc en toute clarté !
Monsieur Barbier, je partage votre volonté de renforcer la lutte contre les fraudes. C’est une priorité claire du Gouvernement : depuis plus d’un an, nous multiplions les dispositifs.
M. Gilbert Barbier. Les résultats ne sont pas fracassants !
M. Éric Woerth, ministre. L’exercice est assez difficile : venez vous en rendre compte par vous-même dans une caisse ! Je vous engage également à suivre plus directement le travail de la délégation nationale de lutte contre la fraude, ainsi que celui de l’ensemble des contrôleurs sociaux. Beaucoup reste à faire, mais nous avons bien progressé. Cet effort doit s’inscrire dans la durée : nous devons mieux connaître la fraude, en établir une typologie, disposer d’éléments juridiques et financiers… Vous admettrez que la précédente loi de financement contenait des instruments juridiques très importants ; le PLFSS pour 2009 en comporte également, de même que le projet de loi de finances pour 2009. Ce gouvernement n’a pas à rougir de la lutte contre la fraude qu’il a entreprise !
Enfin, le sujet abordé par M. Dassault est évidemment très important. La valeur ajoutée me paraît offrir une bonne assiette à nos cotisations sociales, ce qui ne serait pas le cas de la prise en compte du seul chiffre d’affaires, beaucoup d’études l’ont montré. Je suis évidemment prêt à faire approfondir l’étude de ces propositions, qui ont déjà été analysées dans le détail : les transferts de charge qu’elles induiraient entre les différents secteurs d’activité et les entreprises seraient extrêmement importants et difficiles à supporter pour de nombreux secteurs industriels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite d’Éric Woerth, je voudrais remercier beaucoup d’entre vous du soutien qu’ils apportent à la politique du Gouvernement sur le volet maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je souhaite également saluer le travail remarquable accompli par vos six rapporteurs et, tout spécialement, comme chaque année, celui d’Alain Vasselle sur l’assurance maladie. Bien entendu, je n’ignore rien de ce que tout ce travail doit aussi à Nicolas About, président de votre commission des affaires sociales.
M. Fischer et d’autres intervenants ont exprimé le regret – que je partage – que la discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires n’ait pas précédé l’examen du PLFSS. Il est vrai que le calendrier avait prévu un examen préalable du projet de loi HPST, mais la crise financière a exigé de libérer du temps pour permettre au Parlement de débattre d’autres dispositifs. Nous examinerons donc ce projet de loi au début de l’année 2009.
Ce regret doit cependant être tempéré par le fait que les dispositifs importants résultant de la loi d’organisation – je pense aux agences régionales de santé, les ARS, par exemple – ne prendront leur plein effet qu’au 1er janvier 2010. Il sera donc tout à fait cohérent de les examiner dans la perspective de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai relevé un certain nombre de craintes sur lesquelles je voudrais vous rassurer, des interrogations sur l’évolution de notre modèle et des reproches, à mon sens injustifiés, selon lesquels le Gouvernement n’irait pas assez loin ou n’avancerait pas assez vite sur des chantiers majeurs.
Éric Woerth a déjà répondu aux inquiétudes concernant l’ONDAM : celui-ci est réaliste et les économies prévues sont réalisables. MM. Jean-Jacques Jégou, Gilbert Barbier et Bernard Cazeau devraient donc être rassurés. Le taux de progression de 3,3 % est réaliste puisqu’il correspond à l’évolution des dépenses constatée en 2008 ; il est supérieur au taux de 2,8 % voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 et au taux de 2,6 % voté dans le cadre de celle de 2007.
Les 2,2 milliards d’euros d’économies correspondent à des mesures bien réelles, bien documentées dans le projet de loi et, sans revenir sur les mesures que j’ai déjà évoquées lors de mon discours introductif, je crois que nous tiendrons ces objectifs.
Je dirai à Mme Dini que nous avons là d’autant plus de mérite que nous nous sommes placés résolument dans un contexte de maîtrise médicalisée.
Il s’agit, en premier lieu, de la maîtrise médicalisée des actes en série. Citons quelques chiffres : le nombre d’actes consécutifs à une prothèse de la hanche oscille, selon les départements, de trente-sept à onze : l’écart est tout de même considérable ! On ne peut pas dire que cette situation n’ouvre pas des pistes de réflexion pour la maîtrise médicalisée, évidemment sous l’égide de la Haute Autorité de santé.
Il en va de même pour l’encadrement de la « liste en sus » dans les établissements de santé, où les disparités sont considérables, avec des taux de progression qui dépassent 15 % par an. Là aussi, le travail va être mené avec les agences régionales de l’hospitalisation et avec la Caisse nationale d’assurance maladie.
En second lieu, il est tout à fait normal que des professions qui réalisent des gains de productivité ou voient progresser leurs honoraires subissent des diminutions de leurs cotations. Là aussi, permettez-moi de citer des exemples tirés des rapports de l’Inspection générale des affaires sociales : les biologistes ont enregistré une progression de leurs revenus de 57 % entre 1997 et 2004. Ce revenu s’établit, en moyenne, à 190 000 euros par an. Il en va de même des radiologues, avec un revenu annuel moyen de 198 500 euros pour la dernière année de référence ; je ne parle pas du chiffre d’affaires moyen des radiologues, qui s’élève à 492 000 euros, mais bien du revenu. N’est-il pas logique que ces professions participent à l’effort demandé à tout un chacun ? C’est un juste partage des charges !
L’ONDAM est donc réaliste ; M. Jean Boyer a bien voulu le souligner, et je l’en remercie.
MM. Jégou et Cazeau, ainsi que d’autres sénateurs et sénatrices, nous ont interpellés sur le risque de répercussion de la hausse de la contribution des organismes complémentaires sur leurs cotisations. Éric Woerth a commencé à répondre sur ce point. Selon les chiffres fournis par le Haut Conseil de l’assurance maladie, le rapport entre les cotisations perçues par ces organismes et les prestations versées a augmenté de façon continue depuis 2001, passant de 113 % à 127 % ! Le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, M. Yves Bur, a bien montré que les primes perçues par les organismes complémentaires ont connu une croissance très dynamique : de 8,9 % en 2006 et de 4,9 % en 2007. Le président de la Mutualité française a bien voulu le reconnaître et a indiqué que, dans ce contexte, il ne répercuterait pas l’augmentation du reversement à l’assurance maladie sur les cotisations des assurés.
Monsieur Vasselle, vous nous avez interrogés sur la portée de la signature de l’UNOCAM à l’égard des organismes complémentaires. D’un strict point de vue juridique, vous avez raison : la signature de l’UNOCAM ne sera pas opposable aux différents organismes complémentaires. Je n’ai cependant pas de doutes sur le fait que la signature de l’UNOCAM aura un effet d’entraînement majeur sur les organismes complémentaires. Nous avons d’ailleurs prévu, pour renforcer cet effet, que l’UNOCAM ne pouvait s’engager que si deux au moins des grandes fédérations d’organismes complémentaires, dont la Mutualité française, donnaient leur accord : c’est un gage important d’efficacité. Il s’agit, au fond, d’encourager les organismes complémentaires à dégager des positions communes à l’occasion des négociations conventionnelles, et je suis convaincue du sens des responsabilités de ces fédérations, avec lesquelles j’ai engagé un dialogue très fructueux.