M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui vient d’être faite, aussi bien par les membres du Gouvernement que par les différents rapporteurs, ne peut que susciter quelques interrogations.
En effet, chacun a à l’esprit les récents déroulements de la crise financière et économique, qui, au plan mondial, font planer beaucoup d’incertitudes sur l’avenir.
Loin de moi l’idée de faire preuve de défaitisme, mais les faits sont là : les mauvais chiffres du chômage en août et en septembre, les annonces de plans de licenciement dans certains secteurs industriels font qu’il y a vraiment de quoi s’inquiéter.
Certes, nul n’est aujourd’hui en mesure d’apprécier avec précision l’intensité ou la durée de la phase dans laquelle nous venons d’entrer, mais cette incertitude doit justement nous pousser à une grande prudence.
En 2007, le déficit du régime général s’est élevé à 9,5 milliards d’euros, à cause d’un dérapage des dépenses des branches vieillesse et maladie, et ce malgré une forte progression de la masse salariale.
En 2008, le déficit devait rester en dessous des 9 milliards d’euros, mais la forte dégradation de la branche vieillesse et celle, un peu moindre, de la branche maladie, font craindre qu’à l’heure du bilan définitif, compte tenu des faibles recettes, ce plafond ne soit dépassé et n’atteigne les 11 milliards d’euros.
En 2009, le Gouvernement propose de contenir le déficit du régime général à 8,6 milliards d’euros, en bâtissant ce projet de loi sur des prévisions de recettes fortement aléatoires, compte tenu du contexte actuel.
Fort logiquement, M. Éric Woerth vient de rectifier les hypothèses initialement envisagées pour 2009 en les revoyant à la baisse. Ainsi, la croissance serait estimée entre 0,2 % et 0,5 % et non plus à 1 % ; la progression de la masse salariale pourrait, quant à elle, se situer à 2,75 % au lieu de 3,5 %.
Si ce nouveau cadrage est sans doute plus réaliste, il demeure qu’il entraîne des conséquences très lourdes en termes de perte de recettes et, par voie de conséquence, une aggravation des déficits.
Je ne vois guère comment le régime général pourrait revenir à l’équilibre en 2012, ce qui est pourtant l’objectif annoncé par le Gouvernement. Espérons que la conjoncture sera plus favorable en 2010 et en 2011, mais restons prudents en admettant que le rendez-vous sera peut-être repoussé à 2013, voire à 2014 !
Quoi qu’il en soit, l’heure n’est plus aux tergiversations et aux demi-mesures : la crise qui frappe actuellement l’économie mondiale nécessite une réaction urgente et résolue, à la mesure de sa gravité.
Les efforts qui ont été entrepris ces dernières années pour réformer structurellement notre système de protection sociale ont porté leurs fruits, mais ils ne sont pas suffisants. Il faut donc les poursuivre et les approfondir.
On ne peut se flatter de se situer au deuxième rang dans l’Union européenne en matière de protection sociale quand on garantit celle-ci à crédit, en reportant sur les générations futures le poids de la dette.
Le Gouvernement propose des mesures qui améliorent de plus de 6 milliards d’euros le compte tendanciel du régime général. Cette amélioration résulte pour les deux tiers de ressources nouvelles : je ne vais pas y revenir, car cela a été longuement évoqué.
La reprise, cette année, des déficits cumulés du régime général et du FSV, soit près de 27 milliards d’euros, par la CADES, et celle du FFIPSA par le budget de l’État vont permettre aussi une économie de charges de 1,1 milliard d’euros.
C’est une mesure louable pour assainir et clarifier les comptes, mais elle ne règle en rien le problème des déficits à venir qui continueront à alourdir la dette publique.
En réalité, chacun sait que la clé du redressement passe par la maîtrise des dépenses, notamment celle de la branche maladie, qui représente près de la moitié du budget du régime général.
La situation de cette branche s’améliore mais le redressement reste difficile : son déficit, ramené de 5,9 milliards d’euros à 4,6 milliards d’euros en 2007, s’élève à 4 milliards d’euros en 2008 et s’établirait à 3,4 milliards d’euros en 2009.
L’ONDAM est fixé à 157,6 milliards d’euros, soit une progression de 3,3 %. Cet objectif est-il vraiment réaliste ? Nous avons constaté ces dernières années un dérapage systématique des dépenses de santé, même si celui-ci a été plus réduit en 2008.
Le Gouvernement attend cette année plus de 2 milliards d’euros d’économies, mais trouvera-t-il, chaque année, 2 milliards d’euros d’économies nouvelles pour maintenir le taux de 3,3 % sur toute la période de programmation et parvenir à un équilibre en 2012 ?
Il est certainement possible de mobiliser des marges d’efficience, tant pour les soins de ville que pour l’hôpital. Je me réjouis d’ailleurs de trouver aujourd’hui, dans les documents du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un mot qui était tombé en désuétude, « l’efficience », autrement dit le rendement, la capacité de produire un effet. Cependant, pourquoi ne pas utiliser le mot qui se trouve juste avant, dans le dictionnaire, à savoir « efficacité » ? En effet, c’est bien d’efficacité qu’il va falloir faire preuve, mesdames, messieurs les ministres.
M. Gilbert Barbier. Le vote d’objectifs volontaristes de dépenses suppose des outils puissants et une forte volonté de les mettre en œuvre. Nous attendons beaucoup du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Cela dit, il faudra bien un jour aborder le problème de la concordance entre les dépenses globales de santé et les dépenses « publiques » de santé.
On le sait : le vieillissement de la population, le développement des nouvelles technologies, le meilleur traitement de certaines pathologies font décrocher le besoin de soins de la progression du produit intérieur brut. Ne pas vouloir transgresser le postulat de 1945 relève d’une utopie coupable.
Les franchises, instaurées en 2008, procèdent de l’idée simple que le malade peut participer, ne serait-ce que modestement, aux frais de son traitement. Pourquoi ne pas aller plus loin aujourd’hui, en supprimant le remboursement du petit risque pour les plus favorisés de nos concitoyens, avec un seuil et un montant à définir ?
De même, les affections de longue durée constituent une telle charge pour l’assurance maladie qu’il importe de faire une remise à plat.
Par ailleurs, la proposition de M. Yves Bur de réduire le taux de prise en charge des cures thermales a été rejetée devant la levée de bouclier des élus dont la circonscription possède une ou deux stations thermales.
Pourtant, sans remonter aux thermes romains et en s’en tenant aux indications de cure qui étaient enseignées en cinquième année de médecine il n’y a pas si longtemps, force est de reconnaître que les progrès de la médecine ont rendu obsolètes pas mal d’indications, que ce soit en rhumatologie, en dermatologie ou en maladies de la femme, comme il est coutume de dire. Aujourd’hui, il est peut-être urgent d’analyser pathologie par pathologie les résultats comparatifs des traitements possibles.
Il appartient à la Haute Autorité de santé de définir là où l’efficacité est prouvée et là où la cure n’est qu’un élément de confort, dont ne profite d’ailleurs qu’une partie de la population, les frais annexes n’étant pas – loin s’en faut ! – à la portée de tous les ressortissants de la sécurité sociale.
Certes, nombreux seront ceux qui déploreront les conséquences économiques de la fermeture d’un établissement thermal dans leur région, mais en quoi la sécurité sociale est-elle chargée du développement ou de la survie de certains territoires ?
Il y aurait beaucoup à dire aussi sur le retard pris dans la mise en œuvre des référentiels et des protocoles pour tous les soins, sur le niveau parfois élevé des marges des pharmaciens, sur l’échec du dossier médical partagé.
Je ne saurais terminer cette intervention sans avoir salué aussi les mesures intéressantes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 : l’association plus grande des organismes complémentaires à la maîtrise des dépenses de soins, la revalorisation du minimum vieillesse, des petites pensions de réversion et retraites agricoles, ainsi que les mesures en faveur de l’emploi des seniors ; parmi les dispositions relatives à la famille, je citerai l’extension de la capacité d’accueil des assistants maternels, la création de lits et places pour les personnes dépendantes. Toutes ces mesures sont les bienvenues.
Par ailleurs, je note avec satisfaction que la lutte contre la fraude constitue l’une des priorités du Gouvernement. Si elle était menée avec vigueur, cette lutte contribuerait – j’en suis sûr – à réduire d’une manière significative le déficit de la sécurité sociale.
L’article 77 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 donne pouvoir au directeur de l’organisme local d’assurance maladie de prononcer des pénalités à l’encontre des fraudeurs, et je m’en félicite.
Sans parler de fraude, il faut aussi évoquer le problème des dépassements abusifs d’honoraires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il est bien dommageable que les pratiques d’une petite minorité jettent le discrédit sur l’ensemble des professionnels, qui respectent les pratiques de bon usage.
Le respect du tact et de la mesure doit être apprécié par les ordres professionnels. Jusqu’à présent, ces derniers n’avaient pas les moyens d’intervenir d’une manière réaliste. Entre blâme et interdiction temporaire ou définitive d’exercer, la possibilité d’une pénalité financière peut être un argument qui porte. J’ai déposé des amendements en ce sens.
Enfin, pour conclure, je salue l’important effort de rationalisation des missions et des financements qui a inspiré, notamment, la reprise de dettes par la CADES et la suppression du FFIPSA. Il était temps que cette dernière question soit réglée.
Le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, publié en septembre dernier, ne déroge pas à la coutume : une fois de plus, la Cour des comptes nous présente un miroir d’un impitoyable réalisme, nous renvoyant l’image de nos faiblesses et de nos insuffisances.
Cela dit, malgré une conjoncture très difficile, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 comporte des avancées positives. C’est pourquoi, cette année, je le voterai, mais je suis convaincu qu’il faudra faire preuve d’encore plus de courage et de détermination dans l’avenir. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’Union centriste. – Mme Sylvie Desmarescaux et M. Alain Vasselle, rapporteurs, applaudissent également. )
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les ministres, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, les années se suivent et se ressemblent.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans le bon sens, bien sûr !
M. Bernard Cazeau. Elles passent, mais les déficits restent.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils baissent, s’agissant de la branche maladie !
M. Bernard Cazeau. Un ONDAM toujours dépassé, des prévisions contestées aussitôt qu’affichées, des ambitions déclamées mais démesurées et, au final, un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, à peine présenté, se trouve déjà déconsidéré : voilà ce à quoi nous assistons depuis six ans.
Depuis l’année 2002 et l’entrée dans les déséquilibres financiers importants, la sécurité sociale est victime d’un pilotage à courte vue, livrée aux aléas des pressions catégorielles, des renoncements de circonstance et du calendrier électoral.
M. Jean-François Mattei avait promis la maîtrise médicalisée en même temps qu’il accroissait les tarifs de toutes les catégories professionnelles et M. Philippe Douste-Blazy avait prétendu combler le passif par des déremboursements généralisés, sans grand succès ; M. Xavier Bertrand, lui, préféra l’infernale mécanique des exonérations à tout-va, dont les périodes préélectorales sont si friandes. Je passe sur M. Philippe Bas, qui ne resta que quelques mois au Gouvernement.
Bien que différents dans leur approche, les ministres que je viens de citer ont en commun d’avoir toujours entonné le même refrain sur ces bancs : « L’équilibre est tout proche, il est devant nous, il est pour bientôt, dans deux ou trois ans, peu importe le passif d’aujourd’hui, le meilleur est à venir. Soyez patients et ayez confiance ! »
Cependant, comme sœur Anne, nous n’avons rien vu venir.
Le problème, mesdames, messieurs les ministres, c’est qu’après cinq ans de déficit du régime général et des fonds spécifiques à plus de 10 milliards d’euros, plus personne, y compris au sein de votre majorité, n’accorde de crédit à vos déclarations candides et sans effet.
Je crains même que vos propositions pour 2009 n’amplifient l’incrédulité générale que provoque votre politique.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est une critique un peu sévère !
M. Bernard Cazeau. J’aborderai, tout d’abord, l’équilibre général et son déséquilibre.
Monsieur le ministre, nous saluerons le bel artifice de présentation consistant à nous soumettre un déficit d’ensemble, que vous avez d’ailleurs révisé à bon escient à 10,5 milliards d’euros tout en affirmant qu’il aurait dû se situer à 15 milliards d’euros. Pour nous, l’enjeu est plutôt de savoir à quel niveau il se situera en réalité…
Il y aura, bien entendu, des recettes tangibles, sur lesquelles vous pourrez vous appuyer, mais qui ne seront pas exemptes de contradictions et de difficultés.
Ainsi, les mutuelles complémentaires seront plus lourdement taxées. On peut craindre, après trois ans de prise en charge d’une grande partie des désengagements de l’assurance maladie, qu’elles ne manqueront pas de répercuter ces coûts supplémentaires sur le prix des contrats. Les mutuelles sont, en effet, dans l’obligation d’équilibrer leurs comptes. Pour les assurés, il s’agira ni plus ni moins d’un transfert de prélèvements différés de la sphère publique vers la sphère complémentaire, avec, à la clé, encore plus d’exclusion dans l’accès à la couverture complémentaire, dont les prix ne manqueront pas de grimper.
Parallèlement, les frais financiers des intérêts de la dette seront réduits, avec le transfert vers la CADES de 27 milliards d’euros de passif accumulé au cours des dernières années. Mais peut-on se réjouir de cette économie technique, qui correspond à un nouveau transfert de charges sur les générations futures ? Peut-on se réjouir que vos années de pouvoir se soldent par un tel bilan financier ? Peut-on se réjouir que la sécurité sociale survive à crédit ? Et que dire de votre décision d’affecter une partie du produit de la CSG au remboursement de la dette sociale, alors que nous disposions jusqu’alors – M. Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, l’a souligné tout à l’heure – d’un mécanisme transparent et responsabilisant avec la CRDS ?
Je ne m’attarderai pas sur les « recettes de poche » que vous obtiendrez de l’élévation de divers prélèvements existants, quitte à ce que certains deviennent franchement pesants.
Ces produits nouveaux ne suffiront pas à compenser le caractère caduc des hypothèses qui fondent vos prévisions de recettes.
Je n’ose croire que le Gouvernement n’a pas pris conscience de la dégradation accélérée de la conjoncture économique. Ou alors, il dissimule sciemment la vérité !
Voilà quelques jours, le FMI prédisait aux pays développés la pire récession depuis 1945 et, à la France, une croissance négative de 0,5 % pour 2009, et non une croissance de 0,2 % ou de 0,5 % comme vous l’avez annoncé tout à l’heure. L’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, table, pour sa part, sur une récession de 0,2 % pour l’année prochaine. Quant à la Commission européenne, elle prévoit une croissance zéro. Dans son rapport, fait au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, notre collègue Philippe Marini affirme que la croissance en 2009 sera « proche de 0 % » et précise que la projection du Gouvernement ne lui paraît « guère raisonnable ». Même le ministère de l’économie, optimiste par fonction, table désormais sur une croissance à peine positive en 2009, qui serait, comme on a pu le lire, divisée par cinq, passant de 1 % à 0,2 %.
Sans croissance, il y a moins d’emplois, moins de revenus et moins de recettes. Ainsi 2009 sera-t-elle, au mieux, une année blanche pour l’emploi. Qu’il est loin le temps du tournant des années 1998-2000, où la France créait 500 000 emplois nouveaux par an !
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Bernard Cazeau. L’incitation forcenée aux heures supplémentaires par la défiscalisation est une erreur majeure en période de stagnation, car les quantités de travail nécessaires à l’économie sont absorbées par des heures supplémentaires, et ce au détriment de l’embauche. Ainsi, le nombre d’heures supplémentaires déclarées au second semestre 2008 s’est-il accru de 6 % par rapport au premier semestre, tandis que, parallèlement, l’économie supprimait des postes.
Mais on notera surtout, à la suite du rapporteur, M. Alain Vasselle, que, pour la seule année 2008, les exonérations non compensées par l’État coûteront 3 milliards d’euros à la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai !
M. Bernard Cazeau. On apprend même, au travers de l’article 22, que le Gouvernement souhaite institutionnaliser cette pratique de non-compensation, en édictant un répertoire d’exonérations que la sécurité sociale devrait assumer en propre !
M. François Autain. Le Gouvernement exagère !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est la loi organique qui l’oblige à nous fournir cette information !
M. Bernard Cazeau. Plus généralement, ces exonérations ont atteint un tel seuil que nombreux sont ceux qui les remettent aujourd'hui lourdement en cause. La Cour des comptes elle-même y voit une fuite en avant sans résultats. Lors de son audition, Philippe Séguin a considéré que ces allégements vont en majorité à la protection d’emplois non délocalisables du secteur des services et qu’ils alimentent les marges d’entreprises dont la politique salariale est pour le moins insatisfaisante.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Bernard Cazeau. Il faudrait de la conditionnalité, il faudrait de la sélectivité, mais rien n’est fait pour cela : on dilapide plus qu’on ne cible. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous faites écho au propos que le rapporteur a tenus tout à l’heure !
M. Bernard Cazeau. Aussi, lorsque l’on constate que les exonérations sont passées de 20 milliards à 30 milliards d’euros par an en l’espace de trois ans, au gré d’une politique des lobbies, il y a de quoi frémir, car cela signifie que la sécurité sociale a dû se dispenser de 10 milliards d’euros de ressources, sans effet palpable sur l’économie.
Au final, force est d’admettre que les recettes des régimes sociaux seront vraisemblablement moins bonnes que prévu.
De plus, vous le savez bien, monsieur le ministre, en période de récession, ce sont toutes les assiettes d’imposition qui se rétractent. On peut notamment s’attendre à ce que la chute des revenus de l’épargne et de l’immobilier amoindrisse les recettes perçues au titre de la CSG.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est probable.
M. François Autain. C’est même sûr !
M. Bernard Cazeau. Nous devrions retomber ainsi au niveau « abyssal », pour reprendre l’adjectif employé à l’époque par M. Mattei, des années écoulées.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le terme « abyssal » n’est pas approprié !
M. Bernard Cazeau. D’autant que les dépenses ne devraient pas diminuer.
À cet égard, j’évoquerai, tout d’abord, les dépenses maladie.
Il y aura bien entendu, comme chaque année, un plan d’économie visant l’assurance maladie, afin de ramener l’objectif de progression des dépenses à 3,3 %.
Parmi les 2 milliards d’euros d’économies que vous envisagez, certaines mesures ne manquent pas de susciter des interrogations.
Il en est ainsi de la maîtrise médicalisée, qui renvoie aux prescripteurs le soin de mieux rationner le système. C’est tout de même un comble, et je n’ai jamais réussi à comprendre la logique ! (Mme Raymonde Le Texier sourit.)
En effet, madame la ministre, vous le savez très bien, l’interaction entre le médecin et son patient, entre le système de soins et la demande sociale, est très complexe. Derrière chaque traitement, il y a un prescripteur. Les conditions actuelles de rémunération font que l’offre pousse la demande.
Sans aller jusqu’à penser que nos médecins sont atteints du syndrome du docteur Knock, qui convainquait ses patients de leur piètre état de santé, force est d’admettre que les mesures de régulation par les professionnels n’ont jamais porté les fruits attendus.
M. François Autain. Bien sûr !
M. Bernard Cazeau. Je doute donc que vous trouviez 525 millions d’euros d’économies à ce titre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avons tout de même obtenu des résultats tangibles, notamment sur les prescriptions d’antibiotiques et sur les indemnités journalières !
M. Bernard Cazeau. Les négociations en cours sur la revalorisation des honoraires des généralistes ne manqueront d’ailleurs pas d’étayer cette thèse.
Vous procéderez aussi aux rituels déremboursements, pour près de 300 millions d’euros, en durcissant le parcours de soins et en excluant certaines prescriptions. Vous persistez dans le désengagement, et nous le déplorons.
Voici ce que nous avons vu jusqu’à présent de votre politique : le forfait de un euro par consultation, le déremboursement de nombreux médicaments, les tarifs de consultation de spécialistes plus élevés pour ceux qui ne passent pas par leur médecin traitant, le forfait de 18 euros pour les soins lourds, les franchises sur les consommations médicales de toute nature.
Madame la ministre, vous postulez toujours que l’augmentation de la contribution privée induira une diminution de la consommation.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout cela est une vieille histoire !
M. Bernard Cazeau. Ce faisant, vous continuez à penser que c’est le système assurantiel qui pousse à la dépense. Mais vous vous trompez : c’est l’état de santé de la population qui l’encourage. Et, comme la France vieillit, sa consommation de soins grimpe.
Votre plan d’économie concerne aussi le secteur hospitalier, pour plus de 200 millions d’euros.
Avec un ONDAM à 3,1 %, l’hôpital public est, à mon avis, le grand perdant du PLFSS : non seulement ce taux d’évolution ne correspond qu’à la reconduction du fonctionnement actuel des établissements, mais en outre il néglige le déficit actuel des hôpitaux, proche de 700 millions d’euros par an.
Un signal fort était attendu, il n’en sera rien. Je crains que ce désintérêt ne soit le prélude des décisions de restructuration prévues à la suite du rapport Larcher. Peut-être pensez-vous que, comme il y aura moins d’établissements dans peu de temps, il n’est pas utile de régulariser leur situation budgétaire. Peut-être même pensez-vous que, avec la conversion à venir de lits hospitaliers en lits médico-sociaux, d’autres administrations – je n’en nommerai aucune, mais vous voyez très bien desquelles je veux parler ! – paieront les arriérés ou effectueront des coupes importantes.
Madame la ministre, vous allez sans doute me dire que tout ce que j’affirme est idiot,…
Mme Gisèle Printz. Mais non !
M. Bernard Cazeau. …mais on en a vu d’autres, et on en paie actuellement les conséquences !
Un autre sujet a été traité sommairement, alors qu’il est pourtant tout aussi essentiel : la question de l’accès aux soins.
Elle est d’abord géographique. À cet égard, certaines décisions prêtent à rire. Dans mon département, l’État se lance dans la promotion accélérée de maisons de santé rurales, qu’il demande aux élus de construire, mais rien ne garantit – même si c’est un autre problème – qu’elles se « rempliront » de professionnels médicaux. N’est-il pas temps d’agir sérieusement, à l’heure où la France n’a jamais compté autant de médecins ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais le temps médical n’a jamais été si faible !
M. Bernard Cazeau. La question de l’accès aux soins est également financière et se résume à cette unique interrogation : le Gouvernement est-il prêt à accepter un encadrement des dépassements d’honoraires, alors que les notions de « tact » et de « mesure » semblent complètement oubliées ?
Mme Raymonde Le Texier. Non !
M. Bernard Cazeau. Nous verrons bien, madame la ministre ! Pour l’instant, le résultat n’est pas mirifique !
Nous attendons du Gouvernement qu’il intervienne au plus vite. Le texte concernant l’organisation du système de soins dont nous discuterons prochainement devra nous en offrir l’occasion. Nous poursuivrons donc le débat et nous serons alors en mesure de voir si ce texte nous apporte plus de satisfaction qu’aujourd’hui.
J’en viens maintenant à la branche vieillesse, pour ce qui concerne, bien sûr, les équilibres.
Cette branche engendrera l’essentiel des dépenses nouvelles en 2009 et dégagera l’essentiel des pertes puisque son déficit prévisionnel est estimé à 5 milliards d’euros.
Avec 12 millions de retraités pour 17 millions de cotisants, soit 1,45 actif pour un retraité, la France entre dans une nouvelle ère. La démographie provoque une hausse continue et rapide des pensions, comprise entre 5 % et 6 % par an.
Il convient d’ajouter à cette montée en charge l’effet du dispositif de retraites anticipées pour carrières longues, dont le coût s’élèvera, c’est vrai, à 2,4 milliards d’euros en 2008.
La progression des prestations a induit une forte dégradation du solde du régime en 2007, avec un résultat négatif de 4,6 milliards d’euros. Ce mauvais chiffre sera dépassé en 2008 et, vous nous l’avez dit tout à l’heure, il s’aggravera en 2009. La loi Fillon de 2003 promettait une atténuation de tendance ; nous constatons, au contraire, une aggravation.
En effet, non seulement les hypothèses de départ étaient fausses, en termes tant de croissance que de chômage, mais, surtout, l’analyse retenue à l’origine est erronée : les gens ne choisissent pas individuellement de prolonger leur durée d’activité, mais, bien souvent, on le décide pour eux !
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Bernard Cazeau. Aussi, quand M. Xavier Bertrand, en guise de soutien à la disposition prévue par l’amendement Jacquat – que nous vous demanderons d’ailleurs d’abroger –, déclare : « Laissons les Français choisir, et laissons-les travailler ! », on peut se demander s’il est au courant de la situation de notre pays.
On croit rêver : le Gouvernement parle d’un droit à prolonger l’activité alors que deux salariés âgés de cinquante-cinq ans sur trois ne travaillent plus.