Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Comme l’ont souligné les différents intervenants, il s’agit d’un article tout à fait important, qui porte sur des sujets délicats et compliqués.
Je vais répondre très précisément sur les différents points soulevés, pour que tout soit bien clair. Cela a été dit : il s’agit d’éléments qu’une partie de la population méconnaît, mais dont les conséquences peuvent être très sensibles pour certains.
Tout d’abord, ce que nous avons voulu faire, et que nous avons fait, ne revient pas à reprendre d’une main ce que nous avons donné de l’autre.
M. Guy Fischer. Si !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je vous démontrerai que non.
Ensuite, si certains essaient parfois de distinguer un « bon côté » du RSA parmi d’autres éléments dont ils se désolidarisent, j’assume pour ma part l’ensemble de cette réforme, y compris s’agissant des droits connexes.
M. Guy Fischer. Ah !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous avons cherché la meilleure solution pour progresser sur un sujet difficile.
Je vais donner quelques illustrations de cette démarche.
Quel est le problème ? Il consiste en ce qu’un certain nombre de droits étaient jusqu’à présent rattachés à un statut, tel celui, par exemple, d’allocataire du RMI. Ce statut disparaît au profit d’une prestation, le revenu de solidarité active, qui profitera à trois fois plus de foyers.
Le système précédent entraînait des effets pervers absolument indéniables. Ainsi, il existait des effets de seuil, que tout le monde a dénoncés. Qu’est-ce que cela signifie ? C’est très simple : lorsque vous gagnez dix euros de plus par mois, vous en perdez quarante par ailleurs. Vous êtes tous élus, je pense donc que vous avez tous reçu, comme moi, des courriers de personnes s’en plaignant. Certains de mes correspondants m’affirment même qu’ils souhaiteraient rembourser une partie de leur salaire pour redescendre sous un certain seuil et, ainsi, bénéficier de nouveau de la gratuité de telle ou telle prestation !
En élaborant cette réforme, nous avons donc cherché comment supprimer ces effets pervers. C’est ainsi que nous avons abordé successivement tous les sujets – CMU, taxe d’habitation, redevance audiovisuelle, prestations diverses – en nous demandant comment sortir de ce système pour mettre en place un dispositif lissé.
Nous avons arrêté un premier principe : le RSA, en tant que tel, est une prestation que nous n’intégrons pas aux seuils. Cela évitera par exemple à certains de perdre le bénéfice de la couverture maladie universelle.
Ensuite, passant d’une condition de statut à une condition de revenus, nous avons appliqué un deuxième principe : celles et ceux dont les revenus sont équivalents au statut valant actuellement exonération ne verront pas leur situation modifiée.
À cet égard, vous m’avez demandé si l’on était un nanti quand on disposait d’un revenu fiscal de référence de 4 877 euros par mois. La question était superflue ! Vous savez bien évidemment que non. Personne n’oserait prétendre cela !
Pourquoi ce seuil ? Il s’agit non pas de considérer qu’un individu devient un nanti en le franchissant, mais de conserver le bénéfice de la gratuité aux personnes qui en jouissaient au motif qu’elles étaient allocataires du RMI et dont les revenus sont inchangés. Au-delà, la contribution, au taux de 3,45 %, devient proportionnelle au revenu de la personne. Certes, chaque fois que les revenus augmentent, on contribue un peu plus, mais cette progressivité de la contribution répond précisément à votre demande. Le dispositif est donc tout à fait juste.
Je vais maintenant vous donner deux exemples de situations injustes.
Premier exemple, je m’étais élevé contre l’instauration, voici deux ans, d’une gratuité des transports franciliens réservée aux allocataires du RMI. En effet, celui qui quitte le statut de RMIste pour reprendre un peu de travail est immédiatement exclu du bénéfice de cette mesure. Je ne protestais donc pas contre la gratuité des transports pour les personnes les plus démunies, mais il me semblait plus pertinent de privilégier un dispositif progressif, un système « en sifflet », pour reprendre le mot que me souffle le président de la commission des affaires sociales.
Madame Le Texier, je me rappelle d’ailleurs que l’une des premières bénéficiaires du RSA, originaire de votre département du Val-d’Oise, nous avait expliqué, participant au Grenelle de l’insertion, à quelle mauvaise surprise elle avait été confrontée lorsque, ayant repris du travail, elle avait pu améliorer sa situation grâce au RSA mais, dans le même temps, avait été privée de la gratuité des transports.
Nous appliquons à tout ce qui dépend de l’État les principes que nous prônons
Second exemple, la prime de Noël, mise en place en 1998 par le gouvernement de Lionel Jospin à la suite du rapport de Marie-Thérèse Join-Lambert et du mouvement des chômeurs, est l’un de ces droits connexes présentant des aspects qui me semblent négatifs. Je ne suis d’ailleurs pas seul à le penser.
En effet, la prime de Noël est réservée aux allocataires du RMI, ceux de l’API étant exclus de son bénéfice. On s’en souvient, elle avait été instaurée parce que les personnes concernées ayant des enfants à charge ne pouvaient même pas leur offrir un cadeau de Noël. Or la femme isolée avec un enfant à charge ne perçoit pas cette prime, tandis qu’un RMIste sans enfants pourra la toucher. Ce n’est pas normal !
Par ailleurs, celui qui perd son statut d’allocataire parce qu’il retrouve du travail le 31 octobre se voit privé de la totalité de sa prime de Noël. À l’inverse, celui qui a travaillé jusqu’en octobre et devient allocataire au cours des deux derniers mois touche l’intégralité de la prime. Ce système ne marche plus ! Ce n’est plus possible !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous n’avons pas supprimé la prime de Noël cette année, elle sera même augmentée, mais nous proposons de remettre les choses à plat et de débattre avec les uns et les autres d’une meilleure utilisation des crédits, afin de réduire les effets pervers.
Loin de nous, par conséquent, l’idée de reprendre d’une main ce que nous donnons de l’autre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi d’être un peu long,…
M. Jean Desessard. Personne ne vous le reproche !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument ! Vous avez raison d’aller au fond des choses !
M. Guy Fischer. Ah !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Trois points sont à évoquer : le devenir de la prime pour l’emploi elle-même, son articulation avec le RSA et le système d’acomptes.
Tout d’abord, la PPE, même si elle ne sera pas revalorisée en 2009, est intégralement préservée. Je vais sans doute vous étonner, voire vous choquer, mais, pour ma part, je persiste à le regretter. Certes, le Parlement dans son ensemble, la droite comme la gauche, a clamé d’une seule voix : « Ne touchons pas à la prime pour l’emploi ! »
Je suis désolé de devoir le dire, mais, quand je regarde la liste des bénéficiaires, cela heurte mes convictions et mon sens de la justice sociale, et ce depuis longtemps. Ce n’est pas le poste que j’occupe actuellement ni les résultats électoraux qui m’ont en quoi que ce soit influencé dans ce domaine. Il suffit d’étudier les chiffres pour se convaincre de l’iniquité du système : un foyer touchant 4,7 SMIC peut bénéficier de la prime pour l’emploi, mais pas un travailleur pauvre à temps partiel. Ce n’est tout de même pas normal !
J’aurais donc préféré que la PPE puisse être quelque peu écrêtée pour améliorer son montant au milieu et en bas de l’échelle.
Mme Raymonde Le Texier. Vous avez raison !
M. Guy Fischer. On est d’accord !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il faudra sans doute rouvrir le débat. C’est d’ailleurs cela qui est intéressant : ouvrir un débat, proposer des solutions et regarder, catégorie par catégorie, ce que cela donne.
Par définition, la non-indexation de la prime pour l’emploi entraîne une tendance à la hausse. En effet, les bénéficiaires qui se situent dans les catégories inférieures peuvent toujours continuer à progresser. Ils percevront, en outre, pour la plupart d’entre eux, un RSA plus favorable.
Cela nous amène à l’articulation prévue dans cette réforme. Pour une fois, il a été décidé de maintenir deux dispositifs, prime pour l’emploi et revenu de solidarité active, et de garantir le bénéfice du plus favorable des deux. Ce n’est pas rien ! Personnellement, cela ne me choque pas, bien au contraire ! Voilà une première amélioration : chacun est assuré de bénéficier du dispositif le plus favorable.
La mesure touchera un public relativement nombreux. Permettez-moi de reprendre l’exemple de cette personne travaillant à mi-temps que je cite régulièrement.
Mme Annie David. C’est la seule que vous citiez !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Elle n’est pas mon unique préoccupation, mais son cas me paraît assez représentatif des situations les plus injustes.
Cette personne avait droit à environ 80 euros de PPE par mois, elle pourra maintenant prétendre à 200 euros mensuels au titre du RSA : le dispositif le plus favorable lui sera appliqué, et elle percevra donc 200 euros nets.
En outre, il est prévu que le revenu de solidarité active soit versé tous les mois, non pas comme un acompte provisoire, mais bien comme un dû. Autrement dit, si, à la fin de l’exercice, le montant du revenu de solidarité active était supérieur à la prime pour l’emploi, la personne conserverait le bénéfice du dispositif le plus favorable.
Venons-en maintenant au système d’acomptes mensuels. S’il est supprimé, c’est parce qu’il a créé des situations totalement absurdes.
La prime pour l’emploi est calculée en fonction de l’ensemble des revenus fiscaux et est versée en octobre de l’année suivante. Entre-temps, les situations individuelles peuvent évoluer. La dernière fois que les acomptes ont été versés dans leur totalité, pratiquement 10 % des bénéficiaires de la prime pour l’emploi ne remplissaient plus, in fine, les conditions qui avaient justifié leur versement ; ils étaient donc censés rendre une partie de la somme.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Tout le monde s’en souvient, cela a donné lieu à un débat surréaliste : une moitié des personnes dans cette situation n’avaient plus droit à la prime pour l’emploi parce qu’elles ne gagnaient pas assez, leurs revenus étant plus faibles que prévu, et l’autre moitié ne pouvaient plus y prétendre parce qu’elles gagnaient trop !
Le gouvernement de l’époque, après un vif débat, a coupé la poire en deux : ceux qui ne travaillaient pas du tout seraient exonérés de tout remboursement, les autres devraient rembourser… C’est ce type de décisions, et pas les discours, qui attisent les haines : on s’est retrouvé dans une situation où ceux qui avaient fait l’effort de retravailler se sont vus dans l’obligation de rembourser la prime, et pas les autres ! Nous ne voulons plus que de telles dérives alimentent les haines entre personnes modestes ! Elles doivent avoir d’emblée l’assurance que les règles qui leur sont appliquées sont justes, d’où la suppression de l’acompte. D’ailleurs, d’après une enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques réalisée auprès de bénéficiaires de la PPE, 88 % d’entre eux souhaitaient cette suppression de l’acompte. Nous fondant sur cet élément, nous avons décidé de tout simplifier d’un seul coup.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 203, favorable à l’amendement n° 38 et défavorable aux amendements nos 129, 130, 127 et 128.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci de ces explications, monsieur le haut-commissaire !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’amendement n° 203.
M. Guy Fischer. Monsieur le haut-commissaire, votre argumentaire a été brillant, comme toujours.
M. Guy Fischer. Cependant, la réalité est très complexe.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. M. le haut-commissaire a pourtant été très clair !
M. Guy Fischer. Tout ce que vous avez dit n’est pas perceptible par le plus grand nombre, même s’il est certainement nécessaire d’agir.
Certes, nous n’avons pas les mêmes capacités d’analyse que vous (Sourires), mais nous avons lu attentivement le rapport très précis de la commission : finalement, sur le 1,5 milliard d’euros à trouver pour financer le dispositif, vous récupérez d'ores et déjà 500 millions d’euros grâce à cet article 6 !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Allons, monsieur le haut-commissaire ! Je le sais, nous n’arriverons pas à nous mettre d’accord sur ce point ! Cela étant, nous en sommes persuadés : s’il est vrai que les droits connexes posaient un certain nombre de problèmes, ils sont maintenant transformés en véritables machines de guerre contre les pauvres, les moins pauvres payant pour les plus pauvres !
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Cet article, malgré sa grande complexité financière, est limpide : il sert à récupérer 500 millions d’euros.
Mme Annie David. Absolument !
M. Guy Fischer. Dès lors, nous ne pouvons que confirmer notre opposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le haut-commissaire, mon explication de vote prendra la forme d’une triple interrogation.
Premièrement, vous n’avez pas répondu à ma question concernant la suppression de l’acompte. Si une telle suppression paraît cohérente pour les ex-bénéficiaires de l’API et du RMI, je le répète, elle apparaît comme un recul pour celles et ceux qui perçoivent l’allocation aux adultes handicapés et l’allocation parentale d’éducation.
Deuxièmement, vous ne m’avez pas non plus répondu sur la mensualisation, qui nous semble aussi constituer un point extrêmement important.
Je souscris d’ailleurs aux propos de mon collègue Guy Fischer. On voit bien, au travers de toutes ces mesures, transparaître une tentation, ou plutôt une tentative, de récupérer de l’argent, environ 500 millions d’euros. Et ça marche !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. D’un point de vue comptable, je ne vois pas comment on pourrait nous dire le contraire. Ainsi, monsieur le haut-commissaire, avez-vous d’ores et déjà trouvé 500 millions d’euros, sur un total de 1,5 milliard d’euros nécessaire pour financer le RSA.
Troisièmement, vous n’avez pas répondu à notre demande de suppression du bouclier fiscal, sujet dont nous avons certes largement débattu.
En l’absence de toutes ces réponses, le groupe socialiste votera contre l’article 6.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je n’ai pas pu présenter l’amendement n° 156, en raison de problèmes de transports en commun, comme cela peut arriver en Île-de-France. (Sourires.) Cependant, mon collègue Yves Daudigny a défendu l’amendement n° 127, qui est strictement identique.
Monsieur le haut-commissaire, je commencerai par vous féliciter : vous faites preuve de conviction et prenez le temps d’expliquer vos positions.
Je vous remercie notamment de nous avoir bien montré que le « millefeuille social », cet ensemble de mesures qui s’accumulent et s’enchevêtrent et dans lequel nul ne s’y retrouve, finit par créer de petites injustices mal perçues par les personnes concernées.
Cela étant, nous sommes réunis ici pour discuter politique. Or on ne peut dissocier l’examen du dispositif que vous mettez en place d’une analyse politique générale. Vous essayez de nous convaincre, depuis trois jours, que votre texte permettra de remédier à tout,…
M. Jean Desessard. … du moins à un certain nombre de dysfonctionnements,…
M. Jean Desessard. … et vous semblez ne pas comprendre que la gauche n’y soit pas favorable.
M. Jean Desessard. Monsieur le haut-commissaire, deux raisons motivent notre opposition.
Premièrement, même si vous avez fait une analyse des effets pervers du millefeuille social, il n’est pas certain que le RSA permette d’y répondre aussi efficacement que vous le croyez.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On verra bien !
M. Jean Desessard. Parmi tous les problèmes à régler, je citerai ceux du contrôle social, du travail à temps partiel subi, des déclarations, de l’interprétation du dispositif par les présidents de conseil général… D’ailleurs, j’observe que ces derniers devraient être beaucoup plus nombreux parmi nous ce matin : d’aucuns m’ont souvent présenté le cumul de leurs mandats de sénateur et de président de conseil général comme un avantage pour la Haute Assemblée, se targuant de pouvoir faire profiter leurs collègues d’une expérience très utile ! (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, j’aurais aimé que cette expérience se manifeste un peu plus, pour nous éclairer ! Ceux qui légitiment de cette façon le cumul des mandats ne tiendraient-ils donc qu’un discours purement électoral ?
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean Desessard. Mais passons !
Deuxièmement, monsieur le haut-commissaire, à vous entendre, on a l’impression que la misère et la pauvreté apparaissent dans notre société par le fruit du hasard et qu’il est possible de tout régler par le biais d’un dispositif adéquat.
M. Jean Desessard. Or nous vivons à l’ère de la mondialisation, dans un système capitaliste qui permet à certains de faire de plus en plus de profits,…
M. Jean Desessard. … tout en abaissant les salaires et en imposant des conditions de travail comparables à celles qui prévalent dans les pays émergents. Une machine à fabriquer toujours plus de misère est donc à l’œuvre !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean Desessard. Même si des mesures utiles sont prises, elles ne suffiront pas à contrecarrer ce système capitaliste qui nous entraîne vers une expansion de la pauvreté.
M. Jean Desessard. Le problème du social, comme vous dites, c’est qu’il se réduit à des mesures de portée marginale, qui n’améliorent que très peu la situation.
Monsieur le haut-commissaire, nous sommes là pour défendre un projet politique. Fondamentalement, ce que nous souhaitons, c’est l’éradication de la misère et de la pauvreté, et l’accès de tous à un emploi digne.
Mais, pour cela, ce sont les bases du système qu’il faut changer,…
M. Jean Desessard. … et c’est par la fiscalité que nous pourrons le faire ! Par conséquent, ne nous dites pas qu’il ne faut pas toucher au bouclier fiscal, alors qu’il s’agit d’un obstacle essentiel à la redistribution.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’était une belle explication de vote en faveur de l'article, monsieur le sénateur !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 84 rectifié bis, présenté par MM. Mercier, Kergueris, J. Boyer et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'ils attribuent des aides sociales à caractère individuel, en espèces ou en nature, ou un avantage tarifaire dans l'accès à un service public, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les groupements de collectivités et les organismes chargés de la gestion d'un service public, veillent à ce que les conditions d'attribution de ces aides et avantages n'entraînent pas de discrimination à l'égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l'objet de l'aide, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Tout d’abord, je voudrais dire à quel point je partage le sentiment de notre collègue Jean Desessard sur l’absence, ce matin, de nos collègues présidents de conseil général : il aurait été intéressant qu’ils participent à ce débat.
Monsieur le haut-commissaire, étant donné l’enthousiasme avec lequel vous défendez ce texte, je pense que vous serez forcément favorable à cet amendement, tant il me semble frappé au coin du bon sens et cohérent avec vos préoccupations.
En effet, cet amendement tend à garantir que les droits sociaux accordés par les collectivités locales, leurs établissements publics, leurs groupements et les organismes chargés de la gestion d’un service public n’entraînent pas de discrimination entre des personnes placées dans la même situation eu égard à l’objet de l’aide, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer.
En d’autres termes, il s’agit d’appliquer aux droits sociaux locaux la logique du niveau des ressources au détriment de celle du statut.
L’une des avancées du présent projet de loi est de dissocier l’octroi des droits aujourd’hui connexes aux minima sociaux du statut du bénéficiaire desdits minima.
Cette mesure donne une traduction concrète aux propositions que Mme Valérie Létard, alors membre du groupe de l’Union centriste du Sénat, avait formulées dans son rapport d’information du 18 mai 2005. C’est, avec l’intéressement lié au RSA, ce qui nous permettra de lutter efficacement contre les trappes à inactivité.
Notre amendement nous semble donc présenter un intérêt fondamental, parce qu’il donne corps au dispositif présenté pour ce qui concerne les droits sociaux locaux, qui constituent aujourd’hui une part importante des droits dont peuvent bénéficier les foyers à faibles ressources.
Mme la présidente. L'amendement n° 258 rectifié, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l'exception des mesures destinées à l'accompagnement vers l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active et de celles décidées par le conseil général sur le fondement de l'article L. 262-25 du code de l'action sociale et des familles, le bénéfice du revenu de solidarité active ne peut constituer un critère unique d'attribution par les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les groupements de collectivités et les organismes chargés de la gestion d'un service public d'une prestation, en espèces ou en nature, ou d'un avantage tarifaire dans l'accès à un service public. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 84 rectifié bis ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. La commission émet un avis tout à fait favorable.
Il s’agit d’un sujet sensible, auquel la commission s’intéresse depuis longtemps, comme en atteste le rapport de Valérie Létard, dont la proposition de loi n’avait pas cependant été étudiée à l’Assemblée nationale. Nous nous réjouissons donc que cette question soit abordée à l’occasion de l’examen de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame le sénateur, vous avez tout à fait raison d’insister sur cette dimension des droits connexes, sur laquelle M. Alain Vasselle avait d’ailleurs mis l’accent dès le stade de l’expérimentation. Mme Valérie Létard, comme vous l’avez rappelé, y avait consacré un rapport important.
Il convient en effet d’établir une cohérence entre ces différentes aides connexes locales et de profiter de la création du revenu de solidarité active pour le faire en douceur,…
M. Guy Fischer. Tu parles !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. … de manière positive, comme y tend cet amendement, qui vise à ce que les conditions d’attribution des aides et avantages n’entraînent pas de discrimination entre des personnes placées dans la même situation à leur égard.
Pour qu’un travail avec les collectivités territoriales puisse être mené afin de mettre un terme à des situations qui ne sont pas souhaitables, le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement, en félicitant ses auteurs d’avoir trouvé une rédaction subtile.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je poursuis mon combat.
Il s’agit, avec cet amendement, du résultat de l’action conjointe de MM. Mercier et Vasselle. (Sourires.)
M. Guy Fischer. Le problème des droits connexes est certainement le plus difficile qui soit, mais en l’occurrence les auteurs de l’amendement ne font vraiment pas de cadeau et vont jusqu’au bout,…
M. Guy Fischer. … en encadrant par la loi la liberté qui était laissée aux maires dans la gestion de leur CCAS, leur centre communal d’action sociale.
J’estime que ce n’est pas juste. En outre, j’ai toujours en tête la façon cocasse dont nous avions examiné les cinq articles du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat tendant à introduire l’expérimentation du RSA : d’un côté, on faisait un cadeau de 15 milliards d’euros aux plus riches, de l’autre, on octroyait 25 millions d’euros aux plus pauvres.
M. Jean Desessard. C’est une analyse subtile ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Aujourd’hui, on continue dans la même veine, et on enfonce le clou. Heureusement que je ne siège plus au conseil général du Rhône, car je ne pourrais plus vivre ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Fischer, on ne peut tout de même pas être contre une disposition qui incite les collectivités territoriales, leurs groupements, leurs établissements publics et les organismes chargés d’un service public à veiller à ce qu’il n’y ait pas de discrimination dans l’attribution des aides et avantages !